Le Droit dans tous ses états

LE DROIT DANS TOUS SES ETATS

Le cas pratique : conseils méthodologiques

« Ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal c’est de l’appliquer bien »[1].

Leçon :

En comparaison avec le commentaire de texte (décision de justice ou énoncé législatif. voy. l’article “Le commentaire de texte : conseils méthodologiques”) et la dissertation juridique, le cas pratique est un exercice peu redouté par les étudiants. Pourtant, il est redoutable. Il y aurait maintes raisons à exposer. Je n’en soulignerai qu’une : sa résolution exige d’être doué de capacités d’analyse et d’avoir quelques aptitudes à la synthèse. Comprenez bien que c’est très certainement un exercice de décomposition (analyse), mais c’est aussi, par certains de ses aspects, un exercice de composition (synthèse). En somme, les étudiants qui peinent à commenter un arrêt ou à rédiger une dissertation commettent des impairs dans la résolution d’un cas pratique. Tantôt, la qualification juridique des faits est douteuse. Tantôt les règles de droit sont malmenées : parfois elles sont en nombre insuffisant, d’autres fois, elles sont en surabondance. Tantôt la présentation de l’un et de l’autre est expédiée. Dans tous les cas, la résolution est sujette à de nombreuses critiques.

L’étudiant est bien souvent étonné par la capacité de ses aînés et/ou de ses maîtres (professeurs qu’ils soient théoriciens et/ou praticiens) à solutionner un cas pratique. Il n’y a pourtant pas lieu de l’être, à tout le moins pas toujours. Motulsky, que vous seriez avisés de (re)lire, a décrit la démarche intellectuelle du juriste chargé de la réalisation du droit[2]. Voici en substance son enseignement.

Animé d’une réaction première en face des problèmes dont il se trouve saisi, le juriste averti est envahi d’une vue générale des choses, laquelle lui permet d’arrêter un premier jugement. C’est ce que Mostulsky nomme le « syncrétisme juridique ». Ensuite, il tente d’identifier plus avant la règle possible (c’est l’hypothèse). Enfin, il s’assure que les faits de l’espèce coïncident avec le texte en question (c’est la vérification de l’hypothèse) ; il arrête en d’autres termes la règle applicable. Pour l’auteur, la phase première se réduit à « une première vue…générale, compréhensive, mais obscure (et peut-être) inexacte, où il n’y a, tout au plus que divination et pressentiment »[3]. Il importe donc de vérifier méticuleusement la pertinence technique de son intuition, laquelle intuition est d’autant plus heureuse que la culture juridique du rédacteur est grande. En bref : l’apprentissage des leçons de droit des obligations est absolument nécessaire…mais certainement pas suffisant.

Dit autrement : il est proprement illusoire de penser résoudre valablement un cas pratique s’en rien entendre des enseignements dispensés par le chargé de cours et complétés (nécessairement) par des lectures (nombreuses et fondamentales).

Il est tout aussi vain de s’aventurer à présenter l’état de sa réflexion sans ordre. Il importe, en toute circonstance, de « conduire par ordres [ses pensées], en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu, comme par degrés, jusques à la connaissance des plus composées (…) »[4]. N’oubliez pas que la résolution d’un cas pratique doit être explicitée avec la plus grande clarté. Je vous exhorte donc à présenter vos réponses dans un plan (d’exposition systématique). Ne vous méprenez pas : il ne saurait s’agir d’élaborer un plan bipartite. Pratiquez autant de parties que vous aurez identifié de problèmes juridiques pertinents. Quant aux intitulés desdites parties, votre chargé de travaux dirigés vous aidera à les formuler. Disons qu’on peut s’accorder quelques latitudes.

À titre personnel, j’utilise la formule usitée en pratique suivante : « Sur tel ou tel problème ». Exemple qui vous est familier : « 1.- Sur la demande en réparation du dommage moral de la victime » ; «  2.- Sur l’action en responsabilité dirigée contre le commettant, etc.

Il reste la question débattue de l’introduction. Considérez que si les faits de l’espèce ne font l’objet d’aucune discussion, et s’ils sont connus de toutes les parties intéressées, ne les reprenez pas. Rédacteur et lecteur ont des intérêts qui convergent : le premier fera l’économie de la paraphrase ; le second aura tout le loisir de sanctionner l’essentiel. Tous gagneront du temps. Dites, autant que de besoin, que l’énoncé des faits se suffit à lui-même. N’omettez toutefois pas de présenter les problèmes juridiques relevés en l’espèce ni d’exposer la méthode que vous suivrez pour les résoudre. C’est là l’important en définitive.

On le répétera jamais assez. La résolution d’un cas pratique ne consiste pas à faire de la dissertation. Un style un tantinet télégraphique ne déplaira pas : sujet, verbe, complément. Les transitions entre les réponses abordées ne sont d’aucune utilité. Quant au plan, tout vous a été dit. Autant de parties que de problèmes. 5 problèmes de droit repérés : 5 parties.

Avant de vous donner quelques recommandations, vous devez avoir une idée de la manière dont le sujet est très souvent préparé et la notation élaborée. Plus particulièrement en L1 et L2, votre professeur imagine sur quel point de droit il souhaite vérifier votre connaissance des règles de droit et de leur économie générale. Chose faite, il rédige le cas. C’est la raison pour laquelle la compréhension des faits est en général assez simple et le repérage des faits que le droit appréhende peu compliqué…à tout le moins pour celles et ceux qui se sont donnés la peine de monter en connaissances (fond) et en compétences (méthode) – ce qui demande beaucoup, il faut le reconnaître. En bref, lorsque, à la lecture des faits, vous ne voyez pas quoi dire en droit, c’est que les apprentissages doivent être continués et renforcés.

Prenons un exemple. Vous êtes inscrits en L2 droit. Votre professeur vous indique qu’un accident est survenu aux alentours de la faculté. Formulé ainsi, le sujet serait bien difficile à traiter dans le temps imparti. En pratique, il vous importerait de poser quelques questions, car les systèmes de solution(s) (pré-conçus) et possiblement applicables sont relativement nombreux dans le cas particulier. Vous ne pourriez rien faire du tout sans les connaître. C’est du reste à l’aune de vos connaissances que, petit à petit, question posée après question, vous seriez en mesure d’écarter tel ou tel système (ou régime juridique) pour, en définitive, opter pour le ou les système(s) de règles idoines (à noter qu’un cumul d’actions tout à fait possible).

Ayez encore à l’esprit que votre professeur affecte en général des points aux réponses attendues. Si vous ratez une hypothèse de travail, aussitôt votre note est amputée de x points. Par voie de conséquence, la moyenne est abaissée.

Il vous importe donc d’être vif et logique.

Comme je vous l’ai indiqué plus haut, un rappel des faits en guise d’introduction n’est d’aucune utilité. Il ne serait que répétition. Seule la présentation des problèmes de droit pertinents importe. Il y a une autre bonne raison à cela. C’est que vous devrez partir des faits de l’espère à chaque reprise. Il ne saurait en être autrement. Votre job est de plaquer des règles juridiques sur des situations factuelles. Il importe donc de dire les faits puis le droit applicable au cas particulier. Mais pas tout le droit : seules les règles dont l’évocation est de nature à résoudre le conflit de droits/intérêts/libertés. Notez bien que la résolution d’un cas pratique n’est pas une leçon sur tel ou tel droit ou bien encore une exposé. Délayer ne vous apportera rien. Vous ne tromperez pas votre lecteur 🙂


[1] R. Descartes, Discours de la méthode, GF-Flammarion, p. 23 (Première partie).

[2] H. Motulsky, Les principes d’une réalisation méthodique du droit privé, préf. P. Roublier, Dalloz réédition, 2002, pp. 47 et s.).

[3] Ibid.

[4] R. Descartes, Discours de la méthode, op. cit., pp. 39, 40 (Seconde partie).

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