Le contrat d’entreprise : le consentement au contrat (théorie du contrat et technique contractuelle

Le contrat d’entreprise est un contrat consensuel pour la validité duquel aucune forme déterminée n’est imposée à peine de nullité, à tout le moins en principe. Il se forme ordinairement par la rencontre des volontés exprimées par les parties sur les éléments essentiels de la prestation. C’est un contrat qui n’échappe donc pas à la théorie générale des obligations. Mais, c’est un contrat que les rédacteurs du Code civil ont pris soin de réglementer spécialement. L’étude du consentement au contrat l’atteste.

Droit de la consommation.- En pratique, le consentement au contrat n’est pas évident à caractériser. Pour preuve, le droit de la consommation dispose que le consommateur doit avoir été mis en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du service vendu (L. 111-2 c. consom.). Le législateur entend ainsi garantir autant que faire se peut l’intégrité du consentement donné.

Technique contractuelle.- Étant donné la longueur et le caractère délicat de certaines opérations complexes couvrant des intérêts économiques importants (ex. contrat de construction d’une centrale nucléaire), une « période exploratoire » du contrat d’entreprise précède en pratique sa conclusion.  Le consentement de toutes les parties au contrat ne se cristallise donc pas instantanément. Les partenaires éprouvent parfois le besoin de marquer une pause et de dresser le bilan des points – essentiels – sur lesquels ils sont d’accord. L’entente peut porter sur le processus qui devrait mener à la conclusion du contrat (c’est l’occasion de stipuler une clause de responsabilité en cas de rupture des pourparlers), sur certains éléments du contrat qui reste à compléter voire sur les éléments fondamentaux de l’économie du contrat. Le droit allemand a un mot pour désigner cette formation progressive du contrat. Il s’agit de la punctation[1].

Punctation.- Au terme de cette théorie, les parties avancent par étape, se mettent d’accord point par point, discutent clause par clause, et leur accord global est finalisé par un closing qui est en principe une pure formalité, mais auquel le droit du contrat, qui se concentre sur la rencontre d’une offre et d’une acceptation accordera la valeur de formation du contrat[2]. « Dès lors, le recours à la punctation exclut l’interprétation selon laquelle l’opération vaudrait conclusion du contrat »[3].

Accords partiels.- La formalisation d’accords partiels – accords temporaires (F.-X. Testu) ou provisoires (Cour de cassation) – par les parties, au moyen de documents intermédiaires, interroge quant à leur nature juridique. La question qui se pose alors est celle de savoir quel est le seuil qui sépare les pourparlers de la conclusion du contrat. La question est loin d’être indifférente. Si d’aventure, la ligne de fracture était mal arrêtée, il appartiendrait au juge ou à l’arbitre de rechercher si un contrat a émergé des propos échangés, ou des documents échangés au cours la phase des négociations. Ce serait par voie de conséquence prendre le risque du constat judiciaire des pourparlers. Ce serait, autrement dit, laisser au juge le soin d’interpréter la volonté des négociateurs, laquelle ne transpire pas toujours distinctement des documents rédigés et échangés.

Clause usuelle subject to contract.- L’écueil peut être évité au moyen de la stipulation d’une clause usuelle « subject to contract », qui permet de nier tout effet obligatoire aux accords qui auront vu le jour pendant la phase précontractuelle. Seulement, seul le droit anglo-saxon reconnaît une pleine efficacité à cette clause et s’en tient à la qualification de pourparlers, quand bien même les parties se seraient mises d’accord sur les éléments essentiels de la négociation[4]. En revanche, en droit américain et dans les droits continentaux, un accord sur lesdits éléments essentiels précipite l’application du droit du contrat (art. 1589, al. 1er c.civ. : l’accord réciproque des deux parties sur la chose et le prix engage). Une clause stipulant que « ce document n’a pas de valeur contractuelle » serait, identiquement, de peu d’effets. Une cour d’appel a pu considérer que « la responsabilité encourue peut aussi être de nature contractuelle lorsque, pour faciliter la conclusion du contrat, les parties passent des accords dits de négociation tendant à les obliger à entreprendre, à poursuivre ou à organiser cette négociation »[5]. Seule une clause limitant l’objet du litige (C. proc. civ., art. 4 : « L’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties »), partant la saisine du juge (C. proc. civ., art. 5 et 12, al. 3), pourrait, écrit-on, utilement être stipulée[6].

Clause et limitation de l’objet du litige.- Pour mémoire, les parties sont fondées à lier le juge par les qualifications et points de droit auxquelles elles entendent limiter le débat. Pour peu que les plaideurs stipulent que les documents de la cause sont précontractuels, l’article 12, al. 3, c. proc. civ. empêchera le juge de déclarer juridiquement obligatoire l’engagement critiqué[7]. Cette canalisation de l’office du juge est connue sous l’appellation l’immutabilité du litige[8]. À la réflexion, on peut douter que les parties s’accordent pour lier le juge. Il y a fort à parier qu’elles s’opposeront sur la qualification des documents de la cause[9].

Pour résumer, il arrive fréquemment, durant la négociation de contrats, que les pourparlers donnent lieu à la conclusion d’accords entre négociateurs, qu’il s’agisse de consigner l’intention ou l’engagement d’une partie à négocier, de faire respecter certaines règles durant la négociation, de noter les points sur lesquels les parties se sont déjà entendues ou de définir qu’elles seront les obligations des partenaires en cas d’échec des négociations, spécialement lorsqu’un savoir-faire a été dévoilé. Ces documents préparatoires, au nombre desquels on compte notamment les lettres d’intention, les protocoles d’accord, les promesses, les pactes de préférence et les contrats-cadre ont, dans une mesure variable, vocation à créer des effets juridiques[10]. Ces questions sont classiquement étudiées dans les manuels de Technique contractuelle.

Vous connaissez sûrement quelques pratiques spécifiques qui participent à attester le consentement des parties au contrat. C’est l’objet des procédures d’appel d’offre en présence d’un marché public (droit de la commande publique), dont s’inspirent certains maîtres d’ouvrage, qui peuvent constituer à l’analyse de véritables promesses de contrat. C’est encore l’intérêt du devis. Ce document contractuel contient en pratique l’énumération, la spécification et le prix des travaux à effectuer. Sa nature juridique fait difficulté : pourparlers, promesse de contrat, contrat préparatoire ? Il importe en la matière d’avoir égard pour la volonté des parties voire des usages professionnels. Si le devis passe le cap des pourparlers, l’entrepreneur devra s’y tenir, qu’il soit aubergiste, chimiste, dentiste, ébéniste, garagiste, juriste, libre-échangiste – non, c’est pas un métier –, masochiste – çà non plus –, motoriste (vous remarquerez que le suffixe substantif « iste » sert bien souvent à former un  nom correspondant à un métier).

Bref, vous l’avez compris : le contrat d’entreprise est un contrat typique qui ne se forme bien souvent pas en un trait de temps. Il serait toutefois erroné de croire qu’un contrat d’entreprise ne puisse être conclu de manière totalement informelle : c’est sans préambule que l’on se rend chez un médecin, un guérisseur ou une voyante.

[1] Théorie développée par A. Rieg (La punctation, contribution à l’étude de la formation du contrat, études Jauffret, 1974, p. 600. La valeur juridique de cet accord partiel est niée en droit allemand (BGB, § 154) mais sanctionnée en droit suisse (C.civ., art. 2) et autrichien (C.civ., § 885). V. Labathe, thèse préc., n° 253.

[2] M. Fabre-Magnan, Droit des obligations, op. cit., n° 98, p. 237 ; F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit des obligations, 9ème éd., Dalloz, 2005, n° 187.

[3] A. Rieg, La punctation, op. cit., n° 606.

[4] Labarthe, thèse préc., n° 284.

[5] CA Paris 18 janv. 1996, D. Affaires, 1996. 292.

[6] Not. en ce sens, B. Oppettit, L’engagement d’honneur, D. 1979, Chron., p. 107 ; J. Cédras, L’obligation de négocier, RTD Com. 1985, p. 265.

[7] En ce sens, A. Laude, Le constat judiciaire des pourparlers, op. cit., p. 558.

[8] L. Cadiet et E. Jeulan, Droit judiciaire privé, 5ème éd., Litec, 2006, nos 502 et s., 542.

[9] Également en ce sens, Labarthe, thèse préc., n° 282 ; A. Laude, La reconnaissance par le juge de l’existence d’un contrat, Puam, 1992, n° 692.

[10] V. sur ces figures juridiques, B. Fages, Lamy Droit du contrat, étude 115 : Les accords de pourparlers ; F. Labathe, La notion de document contractuel, préf. J. Ghestin, Bibl. dr. pr., t. 241, LGDJ, 1994, pp. 135 et s. ; J.-M. Mousseron et alii, L’avant-contrat, op. cit., nos 385 et s. ;

La notification ou signification des décisions de justice (jugements, arrêts et ordonnances)

Pour produire des effets juridiques, les actes de procédure doivent être portés à la connaissance des intéressés par voie de notification.

À cet égard, le bénéficiaire d’une décision de justice ne peut en poursuivre l’exécution forcée qu’après l’avoir notifiée à la partie perdante, cette notification faisant courir le délai d’appel contre la décision.

Si, la notification par acte d’huissier, appelée signification, constitue aujourd’hui le principe, la notification en la forme ordinaire, c’est-à-dire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, demeure l’exception.

Reste que quand bien même une autre forme aurait été prévue, la notification peut toujours être entreprise par voie de signification.

I) L’exigence de notification

A) Principe

L’article 503 du CPC dispose que « les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés »

Ainsi, la notification du jugement est une condition préalable nécessaire à son exécution. Cette règle procède de l’idée qu’il est impératif que la partie contre laquelle la décision est exécutée en est connaissance.

Plus précisément, elle doit connaître les termes du jugement rendu afin d’être en mesure de s’exécuter spontanément. Elle doit également être informée sur ses droits dans la perspective éventuelle de l’exercice d’une voie de recours.

La notification de la décision s’impose en toutes circonstances, y compris dans l’hypothèse où la partie perdante interjette appel.

Si, en effet, la décision de première instance est assortie de l’exécution provisoire, cette mesure ne pourra être mise en œuvre qu’à la condition que la décision ait été notifiée.

B) Exceptions

En application de l’article 503 du CPC, il est fait exception à l’exigence de notification de la décision rendue dans deux cas :

?L’exécution volontaire

Lorsque la partie perdante s’exécute spontanément, sans que la décision rendue à son encontre ne lui ait été notifiée, la partie gagnante est dispensée de l’accomplissement de toute formalité de notification.

Cette dispense de notification procède de l’idée que si l’exécution est volontaire, cela signifie que la partie perdante a eu connaissance de la décision.

Il n’est donc pas nécessaire de lui notifier, à plus forte raison parce que cela engendrerait, pour cette dernière, un coût de procédure inutile.

Dans un arrêt du 16 juin 2005, la Cour de cassation a rappelé cette règle de bon sens en jugeant, au visa de l’article 503 du CPC, que « les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés, à moins que l’exécution n’en soit volontaire » (Cass. 2e civ. 16 juin 2005, n°03-18.982)

?L’exécution au seul vu de la minute

L’article 503, al. 2 du CPC prévoit que « en cas d’exécution au seul vu de la minute, la présentation de celle-ci vaut notification. »

Cette hypothèse où une décision est exécutoire au seul vu de la minute se rencontre dans trois cas :

  • Premier cas : les ordonnances sur requête
    • En application de l’article 495 du CPC les ordonnances sur requête sont, de plein droit, exécutoires au seul vu de la minute
    • La seule présentation de l’ordonnance à la personne contre qui est rendue l’ordonnance autorise l’huissier de justice instrumentaire à procéder à l’exécution de la décision
  • Deuxième cas : les ordonnances de référé
    • L’article 489 du CPC dispose s’agissant des ordonnances de référé que « en cas de nécessité, le juge peut ordonner que l’exécution de l’ordonnance de référé aura lieu au seul vu de la minute. »
    • Ainsi, si l’ordonnance de référé est, de plein droit, assortie de l’exécution provisoire, elle n’est pas exécutoire au seul vu de la minute.
    • Par principe, elle doit donc être notifiée.
    • C’est seulement si le Président de la juridiction saisie le prévoit expressément dans son ordonnance de référé que son bénéficiaire sera dispensé de la notifier.
  • Troisième cas : les décisions statuant sur l’obtention de pièces détenues par un tiers
    • L’article 140 prévoit, s’agissant des décisions statuant sur l’obtention de pièces détenues par un tiers que « la décision du juge est exécutoire à titre provisoire, sur minute s’il y a lieu. »
    • Ce n’est donc qu’à la condition que l’ordonnance le prévoit expressément dans son dispositif qu’elle peut être exécutoire au seul vu de la minute.
  • Quatrième cas : les mesures d’instruction
    • L’article 154 du CPC prévoit que « les mesures d’instruction sont mises à exécution, à l’initiative du juge ou de l’une des parties selon les règles propres à chaque matière, au vu d’un extrait ou d’une copie certifiée conforme du jugement. »
    • Dans un arrêt du 22 juillet 1992, la Cour de cassation a interprété cette disposition comme dispensant le bénéficiaire d’une mesure d’instruction de notification de l’ordonnance qui la prévoit.

Il peut être observé que dans un arrêt du 1er février 2005, la Cour de cassation a considéré que l’exécution d’une ordonnance exécutoire sur minute ne pouvait, en aucune façon, constituer pas une faute, de sorte que le notaire qui s’est dessaisi de fonds dont il était séquestre au vu de l’ordonnance n’engageait pas sa responsabilité (Cass. 2e civ. 1er févr. 2005, n°03-10.018).

Reste que, comme jugé par la Cour de cassation, « l’exécution d’une décision de justice préparatoire ou provisoire n’a lieu qu’aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge par lui d’en réparer les conséquences dommageables » (Cass. 2e civ., 9 janv. 2003, n°00-22.188).

Lorsque l’ordonnance est exécutée, en application de l’article 495, al. 3 du CPC, une copie de la requête et de l’ordonnance doit être laissée à la personne à laquelle elle est opposée (V. en ce sens Cass. 2e civ. 4 juin 2015, n°14-16.647).

Cette exigence se justifie par la nécessité de laisser la possibilité à cette dernière d’exercer une voie de recours (Cass. 2e civ., 4 sept. 2014, n°13-22.971).

Le double de l’ordonnance est, par ailleurs, conservé au greffe de la juridiction saisie (art. 498 CPC).

II) Les destinataires de la notification

La notification du jugement doit être effectuée auprès de deux sortes de destinataires :

  • Les parties elles-mêmes en tout état de cause
  • Les avocats des parties lorsque la représentation est obligatoire

A) La notification aux parties elles-mêmes

L’article 677 du CPC dispose que « les jugements sont notifiés aux parties elles-mêmes. »

Par parties, il faut entendre toutes les personnes mises en cause dans le jugement. Il est indifférent qu’il s’agisse de personnes physiques ou de personnes morales.

S’agissant des personnes physiques, la notification doit est faite à la personne elle-même du destinataire au lieu où elle demeure.

S’agissant des personnes morales, la notification du jugement doit être effectuée auprès de leur représentant légal ou à toute autre personne habilitée à cet effet.

Pour les personnes faisant l’objet d’une mesure de protection (curatelle ou tutelle), la notification doit être effectuée auprès du curateur ou du tuteur

Lorsqu’une même personne est concernée par un jugement à deux titres différents, par exemple en qualité de représentant de la personne morale et à titre personnel, la Cour de cassation a précisé que la notification doit indiquer clairement à quel titre elle est faite (Cass. 2e civ., 1er mars 1995, n°93-12.690).

Par ailleurs, lorsque plusieurs personnes physiques sont mises en cause, la décision doit être notifiée séparément à chacune d’elles.

À cet égard, l’article 529 du CPC précise que

  • D’une part, en cas de condamnation solidaire ou indivisible de plusieurs parties, la notification faite à l’une d’elles ne fait courir le délai qu’à son égard.
  • D’autre part, dans les cas où un jugement profite solidairement ou indivisiblement à plusieurs parties, chacune peut se prévaloir de la notification faite par l’une d’elles.

B) La notification aux avocats des parties lorsque la représentation est obligatoire

?Principe

L’article 678 du CPC dispose que « lorsque la représentation est obligatoire, le jugement doit en outre être préalablement notifié aux représentants dans la forme des notifications entre avocats, faute de quoi la notification à la partie est nulle ».

Ainsi, pour les procédures qui exigent la constitution d’un avocat par les parties, la notification de la décision doit, au préalable, être effectuée auprès du représentant ad litem.

Cette règle procède de l’idée que l’avocat, en tant qu’auxiliaire de justice, et professionnel du droit, est le plus à même :

  • D’une part, de comprendre les termes et la portée du jugement rendu
  • D’autre part, de conseiller la personne contre qui la décision est rendue quant à l’opportunité d’exercer une voie de recours

?Domaine de l’exigence de notification

L’article 678 du CPC exige que la décision soit notifiée aux avocats que dans l’hypothèse où la représentation est obligatoire.

Lorsque la représentation par avocat est facultative, la notification au représentant ad litem n’est pas nécessaire. La notification peut, dans ces conditions, être effectuée directement à partie.

?Représentation de plusieurs parties

Dans un arrêt remarqué du 6 novembre 2008, la Cour de cassation a jugé que lorsque les parties qui ont procédé à la signification du jugement sont représentées par le même avocat que le destinataire de cette signification, la signification du jugement à partie n’a pas à être précédée d’une notification au représentant (Cass. 2e civ., 6 nov. 2008, n° 07-16.812).

Dans un arrêt du 25 mars 1987, la Cour de cassation a également considéré que lorsque l’avocat représente plusieurs parties ayant des intérêts distincts et que la signification du jugement à avocat fait courir le délai d’appel, cette signification doit être faite en autant de copies que de parties représentées (Cass. 2e civ., 25 mars 1987, n°85-12.318).

?Caractère préalable de la notification

Il ressort de l’article 678 du CPC que l’exigence de notification de la décision aux avocats n’est remplie qu’à la condition que cette notification soit intervenue préalablement à la notification aux parties elles-mêmes.

Aucun délai n’est exigé entre la notification à avocat et la notification à partie, de sorte qu’elles peuvent intervenir dans un intervalle extrêmement rapproché.

À cet égard, dans un arrêt du 28 mai 2008, la Cour de cassation a jugé que la satisfaction de l’exigence tenant au caractère préalable de la notification à avocat pouvait se déduire de la seule mention sur l’acte de signification, peu important que cette signification ait effectuée le même jour (Cass. 1er civ. 28 mai 2008, n°06-17.313).

?Modalités de la notification

L’article 671 du CPC prévoit que la notification des actes entre avocats « se fait par signification ou par notification directe ».

Deux modalités sont donc envisagées par le CPC s’agissant de la notification du jugement à avocat : la signification et la notification directe

  • S’agissant de la signification, l’article 672 du CPC prévoit qu’elle « est constatée par l’apposition du cachet et de la signature de l’huissier de justice sur l’acte et sa copie avec l’indication de la date et du nom de l’avocat destinataire. »
  • S’agissant de la notification directe, l’article 673 prévoit qu’elle « s’opère par la remise de l’acte en double exemplaire à l’avocat destinataire, lequel restitue aussitôt à son confrère l’un des exemplaires après l’avoir daté et visé. »

Une fois, l’une ou l’autre forme de notification accomplie, l’article 678 du CPC dispose que la « mention de l’accomplissement de la notification préalable au représentant doit être portée dans l’acte de notification destiné à la partie »

À défaut, il appartiendra à la partie pour le compte de laquelle la notification est intervenue de rapporter la preuve de son accomplissement.

A contrario, la Cour de cassation a considéré dans un arrêt du 23 février 2012 que la notification à avocat, ainsi que son caractère préalable, peut se déduire de la seule mention qui figure sur la signification à partie aux termes de laquelle le jugement a été notifié à avocat (Cass. 1ère civ. 23 févr. 2012, n°10-26.117)

III) La forme de la notification

?Principe

L’article 675, al. 1er du CPC dispose que « les jugements sont notifiés par voie de signification à moins que la loi n’en dispose autrement. »

La définition de la signification est énoncée à l’article 651 du CPC qui prévoit que « la notification faite par acte d’huissier de justice est une signification. »

La notification des jugements est ainsi assujettie au régime juridique applicable à la signification des actes de procédure édicté aux articles 653 et suivants du CPC.

?Exceptions

Par exception et lorsque la loi le prévoit, les décisions de justice peuvent faire l’objet d’une notification par voie ordinaire. Cette forme de notification est régie aux articles 665 à 682 du CPC.

Lorsque la notification est effectuée par voie ordinaire, la charge incombe au greffe de la juridiction qui a rendu la décision. La notification se fait alors au moyen de l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception au destinataire.

Au nombre des décisions qui peuvent être notifiées par voie ordinaire figurent :

  • Les décisions rendues en matière gracieuse
  • Les décisions rendues par le Conseil de prud’hommes
  • Les décisions rendues par le Tribunal paritaire des baux ruraux
  • Les décisions rendues par les tribunaux des affaires de sécurité sociale
  • Les décisions rendues par le Juge de l’exécution

Bien que, pour ces décisions, la loi autorise la notification par voie ordinaire, l’article 651 du CPC dispose que « la notification peut toujours être faite par voie de signification alors même que la loi l’aurait prévue sous une autre forme. »

La jurisprudence en déduit que, en cas de carence du greffe, il appartient aux parties de procéder à la notification de la décision rendue.

IV) Le contenu de la notification

En matière de notification, il convient de bien distinguer l’acte qui constate la notification (l’exploit d’huissier pour la signification) de l’acte notifié (l’acte de procédure tel que la décision rendue ou l’assignation).

A) L’acte objet de la notification

Pour que la notification d’une décision de justice soit valable, la jurisprudence considère qu’une copie intégrale de la décision rendue doit être remise entre les mains du destinataire.

L’article 676 du CPC précise que « les jugements peuvent être notifiés par la remise d’une simple expédition. »

Il n’est donc pas nécessaire que la copie de la décision notifiée soit revêtue de la formule exécutoire.

B) L’acte constatant la notification

1. Les règles communes à la notification des décisions

?Mentions obligatoires

L’article 680 du CPC prévoit que « l’acte de notification d’un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d’opposition, d’appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l’une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé ; il indique, en outre, que l’auteur d’un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile et au paiement d’une indemnité à l’autre partie. »

Il ressort de cette disposition que plusieurs mentions obligatoires doivent figurer sur l’acte de notification :

  • Le délai d’opposition, d’appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l’une de ces voies de recours est ouverte
    • L’information communiquée doit être précise, soit porter sur la voie de recours pertinente susceptible d’être exercée par le destinataire de la décision
    • L’information communiquée ne doit pas être erronée, soit indiquer une voie de recours non ouverte par la loi au défendeur.
  • Les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé
  • La possibilité pour l’auteur d’un recours abusif ou dilatoire d’être condamné à une amende civile et au paiement d’une indemnité à l’autre partie
    • Le destinataire de la notification doit ainsi être informé des conséquences auxquelles il s’expose en cas d’abus dans l’exercice d’une voie de recours

?Sanction

L’article 693 du CPC dispose que ce qui est prescrit à l’article 680 doit être observé à peine de nullité.

À cet égard, la jurisprudence considère que le défaut de mention ou l’indication erronée sur l’acte de signification est constitutif d’un vice de forme.

Aussi, convient-il d’appliquer les articles 112 à 116 du CPC, en particulier l’article 114, al. 1er aux termes duquel « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme, si la nullité n’est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public ».

L’alinéa 2 ajoute que « la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public. »

Pour que la nullité pour vice de forme produise ses effets, ce texte exige ainsi que la partie qui s’en prévaut justifie d’un grief.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par grief.

Le grief est constitué par le tort causé à la partie qui invoque le vice et qui a été empêché ou limité dans ses possibilités de défense.

Dès lors que le vice de forme a pour incidence de nuire ou de désorganiser la défense de la partie qui s’en prévaut, le grief est constitué.

En somme, le grief sera caractérisé toutes les fois qu’il sera démontré que l’irrégularité a perturbé le cours du procès.

Comme tout fait juridique, le grief doit pouvoir être établi par tous moyens. En général le grief est apprécié par les juridictions in concreto, soit compte tenu des circonstances et conditions particulières, tenant à la cause, aux parties, à la nature de l’irrégularité, à ses incidences (Cass. 2e civ., 27 juin 2013, n° 12-20.929).

2. Les règles propres à la notification par voie de signification et par voie ordinaire

?Les mentions propres à la notification par voie de signification

Les mentions propres à la notification par voie de signification sont énoncées à l’article 448 du CPC qui prévoit que tout acte d’huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs :

  • Sa date ;
  • Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
  • Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement.
  • Les nom, prénoms, demeure et signature de l’huissier de justice ;
  • Si l’acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social.

Ces mentions sont prescrites à peine de nullité.

?Les mentions propres à la notification ordinaires

Les mentions propres à la notification par voie de signification sont énoncées aux articles 665 et 665-1 du CPC :

  • Les mentions exigées en tout état de cause (art. 665 CPC)
    • La notification doit
      • Contenir toutes indications relatives aux nom et prénoms ou à la dénomination ou raison sociale de la personne dont elle émane et au domicile ou siège social de cette personne.
      • Désigner de la même manière la personne du destinataire.
  • Les mentions exigées en cas de notification par le greffe (art. 665-1 CPC)
    • Lorsqu’elle est effectuée à la diligence du greffe, la notification au défendeur d’un acte introductif d’instance comprend, de manière très apparente :
      • Sa date ;
      • L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
      • L’indication que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire ;
      • Le cas échéant, la date de l’audience à laquelle le défendeur est convoqué ainsi que les conditions dans lesquelles il peut se faire assister ou représenter.

V) Les modalités de la notification

A) Les modalités de la notification par voie de signification

Il ressort de la combinaison des articles 654, 655, 656 et 659 du CPC que le législateur a institué une hiérarchisation des modalités de signification.

En effet, l’article 654 du CPC pose un impératif en exigeant que la signification soit faite à personne, impératif destiné à protéger les droits de la défense et à assurer le respect du principe de la contradiction.

Si une telle signification s’avère impossible, les textes suivants établissent une hiérarchie des modes subsidiaires, allant de la signification à domicile (art. 655 CPC) à la signification par la remise de l’acte à l’étude de l’huissier de justice instrumentaire, qui correspond à l’ancienne signification à domicile avec remise de l’acte en mairie (art. 656 CPC) et, enfin, à la signification par procès-verbal de recherches infructueuses (art. 659 CPC).

Ces textes imposent des formalités et des exigences très précises qui ont pour objet de démontrer que l’huissier de justice a vainement tenté d’utiliser, l’un après l’autre, les différents modes de signification.

1. La signification à personne

a. Primauté de la signification à personne

L’article 654, al. 1er du CPC exige que la signification soit faite à personne, ce qui constitue un objectif qui doit être atteint par l’huissier.

Ainsi, lui appartient-il d’accomplir un certain nombre de diligences afin de justifier qu’il a satisfait à cette exigence.

À l’inverse, pèse sur le requérant une obligation de loyauté, en ce sens qu’il doit concourir à la recherche de l’impératif fixé.

?Les diligences qui incombent à l’huissier de justice

Afin de justifier les diligences effectuées en vue de remplir l’impératif de signification à personne, en application de l’article 655 du CPC l’huissier de justice est tenu de mentionner dans l’acte :

  • D’une part, les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire
  • D’autre part, les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification

À cet égard, la jurisprudence se montre exigeante quant aux diligences de l’huissier de justice pour trouver le destinataire de l’acte.

L’huissier de justice doit, en effet, démontrer que la signification à personne était impossible et ses diligences doivent être mentionnées dans les originaux de l’acte.

En somme, l’huissier de justice est tenu de procéder à des recherches élémentaires imposées par le bon sens.

En pratique, il résulte de l’examen de la jurisprudence qu’il incombe à l’huissier de justice, préalablement à la délivrance de l’acte, de s’enquérir auprès du requérant :

En principe, l’impossibilité d’une signification à personne doit être constatée dans l’acte lui-même (Cass. 2e civ., 30 juin 1993, n° 91-21.216).

Toutefois, la seule circonstance que l’huissier de justice a mentionnée dans l’acte que la signification à personne s’est avérée impossible est insuffisante à caractériser une telle impossibilité.

L’huissier de justice doit mentionner non seulement les investigations concrètes qu’il a effectuées pour retrouver le destinataire, mais également les raisons qui ont empêché la signification à personne.

Il est admis que l’absence de son domicile du destinataire d’un acte rend impossible la signification à personne et qu’aucune disposition légale n’impose à l’huissier de justice de se présenter à nouveau au domicile de l’intéressé, ou au siège social de la personne morale, pour parvenir à une signification à personne (Cass. 2e civ., 28 mars 1984, n° 82-16.779), ce qui ne dispense pas l’huissier de justice, lorsqu’il connaît le lieu de travail de l’intéressé, de tenter la signification à personne en ce lieu.

Reste que l’huissier de justice n’est pas tenu de procéder à une nouvelle signification au vu d’éléments parvenus à sa connaissance ou à celle du requérant postérieurement à l’acte (Cass. 2e civ., 20 novembre 1991, n° 90-16.577) ou survenus postérieurement (Cass. 2e civ., 13 janv. 2000, n° 98-17.883).

?L’obligation de loyauté qui pèse sur le requérant

En exécution d’un devoir de loyauté élémentaire, il incombe au requérant de faire signifier l’acte au lieu où il sait que le destinataire demeure ou réside ou même au lieu où il travaille.

Ainsi, la Cour de cassation a pu considérer que, est nulle la citation délivrée à une adresse où le destinataire n’est plus domicilié, et alors que celui-ci n’ayant plus de domicile, il réside chez ses parents, dont le requérant connaît l’adresse (Cass. 2e civ., 26 févr. 1992, n° 90-19.981).

De même, est nulle la signification d’un acte dès lors que le requérant a volontairement laissé l’huissier de justice dans l’ignorance de la véritable adresse du destinataire et a, de manière malicieuse, fait signifier cet acte en un lieu dont il sait que le destinataire est propriétaire mais où il ne réside pas (Cass. 2e civ., 21 déc. 2000, n° 99-13.218).

b. Mise en œuvre de la signification à personne

Il ressort de l’article 654 du CPC que la signification à personne doit être appréhendée différemment selon que le destinataire est une personne physique ou une personne morale

?La signification aux personnes physiques

En application de l’article 689 du CPC, la signification d’un acte destiné à une personne physique peut être effectuée à trois endroits différents :

  • Au lieu où demeure le destinataire de l’acte, soit son domicile ou à défaut sa résidence (art. 689 al. 1er)
  • En tout autre lieu, notamment sur le lieu de travail de l’intéressé (art. 689, al. 2e)
  • Au domicile élu lorsque la loi l’admet ou l’impose (art. 689, al. 3e)

La signification à personne étant la règle, il appartient à l’huissier de justice de tenter de localiser le destinataire pour lui remettre l’acte.

Si la signification d’un acte à une personne physique peut être faite à domicile, il n’en demeure pas moins que la signification d’un acte doit être faite à personne et que l’acte ne peut être signifié selon une autre modalité que si une signification à personne s’avère impossible (Cass. 2e civ., 16 juin 1993, n° 90-18.256).

?La signification aux personnes morales

Pour que la signification à une personne morale soit valable, un certain nombre de conditions doivent être remplies :

  • Le lieu de la signification
    • L’article 689 du CPC dispose que la notification destinée à une personne morale de droit privé ou à un établissement public à caractère industriel ou commercial est faite au lieu de son établissement et à défaut d’un tel lieu, elle l’est en la personne de l’un de ses membres habilités à la recevoir.
    • Le terme d’établissement ne doit pas être confondu avec celui du siège social, de sorte que la notification peut être effectuée en dehors de celui-ci (V. en ce sens Cass. 2e civ., 20 janv. 2005, n°03-12.267).
    • En effet, la notification d’un acte à une personne morale peut être effectuée :
      • Soit au lieu de son siège social
      • Soit au lieu de l’un de ses établissements secondaires ou complémentaires
      • Soit, à défaut, au lieu où se trouve la personne habilitée à recevoir la notification
    • Ainsi, l’agence de province d’une compagnie d’assurances ayant son siège social à Paris peut constituer l’établissement de cette compagnie au sens de l’article 690 (Cass. 2e civ., 27 nov. 1985, n° 84-13.740).
    • Reste que la jurisprudence considère que la signification destinée à une personne morale de droit privé étant faite au lieu de son établissement, l’huissier de justice n’a l’obligation de tenter la signification qu’au lieu du siège social dont l’existence n’est pas contestée (Cass. 2e civ., 23 oct. 1996, n° 94-15.194), sans être tenu, en ce cas, de demander un extrait K bis (Cass. 2e civ., 7 oct. 1992, Bull. 1992, n° 91-12.499), ou de son principal établissement s’il est situé ailleurs qu’au siège social (Cass. 2e civ., 20 nov. 1991, n° 90-14.723).
    • En particulier, dès lors que la personne morale a un siège social, l’huissier instrumentaire n’a pas à tenter de délivrer l’acte à la personne du gérant dont l’adresse est connue de lui-même ou du requérant (Cass. 2e civ., 21 févr. 1990, n° 88-17.230).
    • Il doit être noté que, s’agissant des personnes morales de droit privé, aucun texte n’autorise la signification des actes à domicile élu.
  • La personne habilitée à réceptionner la signification
    • L’article 654 du CPC prévoit que « la signification à une personne morale est faite à personne lorsque l’acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet. »
    • Ainsi, pour être valable, la signification ne peut être effectuée qu’auprès du représentant légal de la personne morale ou d’une personne spécialement habilitée à cet effet.
    • Lorsque, dès lors, l’acte destiné à une personne morale est délivré à un employé dont il n’est pas mentionné dans cet acte qu’il est habilité à le recevoir, il ne vaut pas comme signification à personne (Cass. soc., 26 juin 1975, n° 74-40.669).
    • À cet égard, il peut être observé que lorsque l’huissier de justice remet, au siège social, la copie de l’acte à un employé de la société non habilité à le recevoir, mais qui accepte sa remise, il y a signification à personne présente au domicile
    • Il en résulte que l’huissier de justice doit alors constater et mentionner dans l’acte qu’il s’est trouvé dans l’impossibilité de délivrer l’acte à la personne d’un représentant légal, d’un fondé de pouvoir ou de toute autre personne habilitée à cet effet.
    • Enfin, lorsqu’une société est en liquidation, la signification doit être faite en la personne de son liquidateur et c’est seulement si cette signification s’avère impossible que l’acte peut être délivré à domicile ou à mairie, dès lors que la signification d’un acte à une personne morale doit être faite à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de celui-ci ou à toute autre personne habilitée à cet effet (Cass. 2e civ., 3 avril 1979, n° 77-15.446).
  • Formalités complémentaires
    • L’article 658, al. 2 du CPC prévoit que lorsque la signification est faite à une personne morale, « l’huissier de justice doit aviser l’intéressé de la signification, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l’avis de passage et rappelant, si la copie de l’acte a été déposée en son étude, les dispositions du dernier alinéa de l’article 656 ».
    • La lettre contient en outre une copie de l’acte de signification

2. Les modalités subsidiaires de signification

Lorsque la signification à personne est impossible, la loi prévoit trois modalités subsidiaires de signification hiérarchisées dans l’ordre suivant :

  • La signification à domicile ou à résident
  • La signification par remise de l’acte en l’étude de l’huissier de justice
  • La signification par procès-verbal de recherches infructueuses

?La signification à domicile ou à résident

  • Une modalité subsidiaire de signification
    • L’article 655 du CPC dispose que « si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. »
    • Ainsi, la signification à domicile de la personne ne peut être accomplie qu’à titre subsidiaire, soit dans l’hypothèse où l’huissier de justice est dans la possibilité de la rencontrer.
  • Condition de la signification à domicile
    • En application de l’article 655, la signification à domicile n’est permise qu’à la condition que la personne présente au domicile et qui l’accepte déclare ses nom, prénoms et qualité.
  • Les personnes autorisées à réceptionner l’acte signifié
    • Principe
      • L’alinéa 3 de l’article 655 du CPC dispose que « la copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire. »
    • Exception
      • La jurisprudence considère que, par exception, la seule personne présente au domicile à laquelle copie de l’acte ne peut pas être remise est le requérant (Cass. 2e civ., 19 décembre 1973, n° 72-13.183).
      • L’hypothèse se rencontrera notamment en matière de divorce
  • Formalités
    • Plusieurs formalités doivent être accomplies en cas de signification au domicile :
      • Première formalité : justification des diligences accomplies
        • L’huissier de justice doit relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification.
      • Deuxième formalité : le dépôt d’un avis de passage
        • L’huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l’avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l’acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise.
      • Troisième formalité : indication des modalités de remise de l’acte
        • L’article 657 du CPC prévoit que lorsque l’acte n’est pas délivré à personne, l’huissier de justice mentionne sur la copie les conditions dans lesquelles la remise a été effectuée.
        • La copie de l’acte signifié doit être placée sous enveloppe fermée ne portant que l’indication des nom et adresse du destinataire de l’acte et le cachet de l’huissier apposé sur la fermeture du pli.
      • Quatrième formalité : l’envoi d’une lettre simple
        • L’huissier de justice doit aviser l’intéressé de la signification, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l’avis de passage et rappelant, si la copie de l’acte a été déposée en son étude, les dispositions du dernier alinéa de l’article 656.
        • La lettre contient en outre une copie de l’acte de signification.
        • Par ailleurs, le cachet de l’huissier doit être apposé sur l’enveloppe.
        • Dans un arrêt du 6 octobre 2006, la Cour de cassation a précisé que la mention dans l’acte aux termes de laquelle il est indiqué que la lettre prévue par l’article 658 du CPC était envoyée “dans les délais légaux prévus par l’article susvisé” fait foi jusqu’à inscription de faux (Cass. ch. Mixte 6 octobre 2006, n° 04-17.070).

?La signification par remise de l’acte en l’étude de l’huissier de justice

  • Modalité subsidiaire de signification
    • Il ressort de l’article 656 du CPC que lorsque la signification à personne et à domicile sont impossibles, l’huissier de justice peut conserver l’acte en son étude aux fins de remise ultérieure à son destinataire.
    • À cet égard, l’huissier de justice devra justifier des diligences accomplies s’il opte pour cette modalité de signification.
    • Plus précisément il doit mentionner dans l’acte de signification les vérifications accomplies qui établissent que le destinataire de l’acte ne pouvait ou ne voulait pas le recevoir.
    • La Cour de cassation a précisé que l’huissier de justice doit non seulement préciser comment il a vérifié l’exactitude du domicile ou de la résidence, mais encore la raison pour laquelle il n’a pas pu signifier à personne ou indiquer que personne n’a pu ou voulu recevoir l’acte (Cass. 2e civ., 23 nov. 2000, n° 99-11.943).
  • Formalités
    • Mentions obligatoires
      • L’huissier doit mentionner dans l’acte de signification les vérifications accomplies qui établissent que le destinataire de l’acte ne pouvait ou ne voulait pas le recevoir
      • L’absence de cette mention ou l’insuffisance de vérifications accomplies par l’huissier sont sanctionnées par la nullité de l’acte.
    • L’avis de passage
      • En cas de conservation de l’acte pour signification en étude, l’huissier doit laisser au domicile ou à la résidence du destinataire un avis de passage daté l’avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l’acte, le nom du requérant
      • Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l’acte doit être retirée dans le plus bref délai à l’étude de l’huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l’intéressé ou par toute personne spécialement mandatée.
    • Dépôt étude
      • L’acte qui n’a pas pu être signifié à personne ou à domicile est conservé en l’étude de l’huissier
      • Il appartient alors à son destinataire de se rendre à l’étude de ce dernier pour que la copie de l’acte lui soit délivrée.
      • L’huissier de justice peut, à la demande du destinataire, transmettre la copie de l’acte à une autre étude où celui-ci pourra le retirer dans les mêmes conditions.
    • Envoi d’une lettre simple
      • Comme pour la signification à domicile, l’huissier de justice doit aviser l’intéressé de la signification, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l’avis de passage et rappelant, si la copie de l’acte a été déposée en son étude, les dispositions du dernier alinéa de l’article 656.
      • La lettre contient en outre une copie de l’acte de signification.
      • Par ailleurs, le cachet de l’huissier doit être apposé sur l’enveloppe.
    • Délai de conservation de l’acte
      • La copie de l’acte est conservée à l’étude pendant trois mois.
      • Passé ce délai, l’huissier de justice en est déchargé, de sorte qu’il est autorisé à le détruire, étant précisé que l’acte original sera conservé au rang des minutes

?La signification par procès-verbal de recherches infructueuses

  • L’absence de domicile, de résidence ou de lieu de travail connus
    • L’article 659 du CPC dispose que « lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte. »
    • Il ressort de cette disposition que la signification par voie de procès-verbal de recherches infructueuses (qualifié également de PV 659) ne peut être effectuée que dans l’hypothèse où l’huissier de justice ignore où réside le destinataire de l’acte : son domicile, sa résidence et son lieu de travail sont inconnus.
    • Cette situation ne doit néanmoins pas faire obstacle à la signification de l’acte, à défaut de quoi elle encouragerait la personne visée à rester cachée aux fins d’échapper à toutes poursuites judiciaires et à l’exécution des décisions rendues contre elle.
    • Le législateur a donc institué un système qui consiste à signifier les actes de procédure à la dernière adresse connue du destinataire.
    • À cet égard, dans un arrêt du 2 mai 2001, la Cour de cassation a considéré que « la signification d’un jugement réputé contradictoire par voie de procès-verbal de recherches infructueuses fait courir le délai d’appel sans être contraire à l’exigence d’un procès équitable, dès lors que la régularité de cette signification, soumise par la loi à des conditions et modalités précises et à des investigations complètes de l’huissier de justice, peut être contestée, et que son destinataire dispose d’une procédure de relevé de la forclusion encourue » (Cass. com. 2 mai 2001, n°98-12.037).
    • Reste que pour recourir à la signification par voie de PV 659, l’huissier de justice doit avoir épuisé tous les moyens mis à sa disposition pour tenter de procéder à une signification selon les voies normales.
  • Justification des diligences accomplies
    • L’article 659 du CPC pose l’obligation pour l’huissier de justice de relater avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.
    • Pour que cette modalité de signification soit valable, l’huissier de justice ne saurait se contenter de se rendre à la dernière adresse connue du destinataire, ni de contacter la mairie.
    • Il lui appartient d’accomplir plusieurs diligences qui doivent conduire à une recherche infructueuse quant à la domiciliation du destinataire de l’acte.
    • Ainsi, l’huissier de justice doit-il s’efforcer d’interroger le voisinage, de consulter l’annuaire téléphonique, d’interpeller la mairie, d’interroger les administrations auxquelles le destinataire de l’acte est susceptible d’être rattaché
    • Classiquement on admet que les diligences accomplies par l’huissier sont satisfaisantes, à partir de trois vérifications.
    • À cet égard, pour invoquer la nullité de la signification, le destinataire doit faire état d’éléments de faits concrets qui permettent de considérer qu’il aurait pu être retrouvé par l’huissier à la date de la signification de l’acte (Cass. 2e civ., 21 déc. 2000, n° 99-11.148).
  • Formalités
    • En cas de signification par voie de PV 659, l’huissier de justice doit accomplir un certain nombre de formalités
      • Envoi d’une lettre recommandée
        • L’article 659, al. 2 du CPC prévoit que le même jour que celui où il dresse le procès-verbal de recherches infructueuses ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l’huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l’acte objet de la signification.
      • Envoi d’une lettre simple
        • L’article 659, al. 3 du CPC prévoit que, en parallèle de l’envoi d’une lettre recommandée, Le jour même, l’huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l’accomplissement de cette formalité.
      • Personnes morales
        • L’article 659, al. 4 du CPC précise que la signification par voie de PV 659 est valable pour les personnes morales qui n’ont plus d’établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés.
        • Dans un arrêt du 14 octobre 2004 la Cour de cassation a néanmoins rappelé que :
          • D’une part, la notification destinée à une personne morale de droit privé est faite au lieu de son établissement, et qu’à défaut d’un tel lieu, elle l’est en la personne de l’un des membres habilité à la recevoir
          • D’autre part, que dès lors que l’huissier de justice avait précisé dans le procès-verbal de recherches infructueuses que la société n’avait plus d’activité et de lieu d’établissement, il ne pouvait pas se borner à mentionner l’identité et le domicile de son représentant sans autre diligence en vue de lui signifier l’acte (Cass. 2e civ., 14 octobre 2004, n° 02-18.540).
          • Dans ce cas, en effet, il reste possible de signifier l’acte au représentant de la personne morale à la condition que l’acte soit remis à sa personne.

B) Les modalités de la notification par voie ordinaire

L’article 667 du CPC prévoit que la notification par voie ordinaire peut être effectuée selon deux modalités distinctes :

  • Première modalité : l’envoi d’un pli postal
    • La notification peut être faite par voie postale et plus précisément au moyen de l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception
    • L’article 670 du CPC précise que la notification est réputée faite :
      • Soit à personne lorsque l’avis de réception est signé par son destinataire.
      • Soit à domicile ou à résidence lorsque l’avis de réception est signé par une personne munie d’un pouvoir à cet effet
    • Par ailleurs, l’article 670-1 du CPC prévoit que, en cas de retour au greffe de la juridiction d’une lettre de notification dont l’avis de réception n’a pas été signé dans les conditions prévues à l’article 670, le greffier invite la partie à procéder par voie de signification.
  • Seconde modalité : la remise en mains propres
    • L’article 667 du CPC prévoit que la notification peut être également effectuée par la remise de l’acte au destinataire contre émargement ou récépissé.
    • L’alinéa 2 précise que « la notification en la forme ordinaire peut toujours être faite par remise contre émargement ou récépissé alors même que la loi n’aurait prévu que la notification par la voie postale. »

VI) Date de la notification

?La notification par voie de signification

L’article 664-1 du CPC prévoit que :

  • Pour la signification en la forme ordinaire, la date de la signification d’un acte d’huissier de justice est celle du jour où elle est faite à personne, à domicile, à résidence ou, dans le cas mentionné à l’article 659, celle de l’établissement du procès-verbal.
  • Pour la signification par voie électronique, la date et l’heure de la signification par voie électronique sont celles de l’envoi de l’acte à son destinataire.

À cet égard, l’article 664 du CPC précise que « aucune signification ne peut être faite avant six heures et après vingt et une heures, non plus que les dimanches, les jours fériés ou chômés, si ce n’est en vertu de la permission du juge en cas de nécessité. »

Lorsque l’huissier de justice se déplace au domicile du destinataire de l’acte, il ne pourra donc le faire qu’à des jours ouvrables et dans les créneaux horaires autorisés par la loi.

?La notification en la forme ordinaire

L’article 668 du CPC prévoit que la date de la notification par voie postale est :

  • À l’égard de celui qui y procède, celle de l’expédition
  • À l’égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre.

L’article 669 précise que :

  • D’une part, la date de l’expédition d’une notification faite par la voie postale est celle qui figure sur le cachet du bureau d’émission
  • D’autre part, la date de la remise, lorsque la notification est faite en mains propres, est celle du récépissé ou de l’émargement
  • Enfin, la date de réception d’une notification faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception est celle qui est apposée par l’administration des postes lors de la remise de la lettre à son destinataire.

VII) Le délai de notification

A) Principe : le délai de 10 ans

L’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que « l’exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long ».

Il se déduit de cette disposition que le délai de principe pour notifier les décisions de justice est de 10 ans.

Ce délai peut être prorogé pour les créances qui se prescrivent par un délai plus long. Tel est le cas, par exemple, de la créance née de la survenance d’un dommage corporel causé par des tortures ou des actes de barbarie ou par des violences ou des agressions sexuelles commises contre un mineur qui n’est prescrite qu’au bout de vingt ans conformément à l’article 2226, al. 2e, du Code civil.

Dans cette hypothèse, le délai de signification de la décision rendue est identique à celui attaché à la prescription de l’action, soit 20 ans.

B) Tempérament : le délai de 2 ans

L’article 528-1 du CPC dispose que « si le jugement n’a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n’est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l’expiration dudit délai. »

Cette disposition pose ainsi une limite à la possibilité pour les parties d’interjeter appel, à l’expiration d’un délai de deux ans.

Dans un arrêt du 9 avril 2015, la Cour de cassation a précisé que « si le jugement, qui tranche tout le principal ou qui, statuant sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident, met fin à l’instance, n’est pas notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n’est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l’expiration dudit délai » (Cass. 2e civ. 9 avr. 2015, n°14-15.789).

Il ressort de cette disposition que le délai de forclusion ainsi institué pour interjeter appel fixé à deux ans est applicable pour :

  • Les jugements qui tranchent tout le principal
  • Les jugements qui statuent sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l’instance

A contrario, si la décision ne tranche qu’une partie du principal, tel un jugement mixte, l’article 528-1 du CPC n’est pas applicable.

Dans un arrêt du 30 janvier 2003, la deuxième chambre civile a encore considéré que « les principes de sécurité juridique et de bonne administration de la justice qui fondent les dispositions de l’article 528-1 du nouveau Code de procédure civile constituaient des impératifs qui n’étaient pas contraires aux dispositions de l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » (Cass. 2e civ. 30 janv. 2003, n°99-19.488).

Pour la Cour de cassation il est indifférent que la partie susceptible d’exercer le recours, dans la mesure où « les dispositions de l’article 528-1 du nouveau Code de procédure civile ne fixent pas le point de départ d’un délai de recours, mais le terme au-delà duquel aucun recours ne peut plus être exercé par la partie qui a comparu, peu important la date à laquelle cette partie a eu une connaissance effective de la décision » (Cass. 2e civ., 11 mars 1998, n°96-12.749).

C) Exception : le délai de 6 mois

L’article 478 du CPC dispose que « le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel est non avenu s’il n’a pas été notifié dans les six mois de sa date ».

Ainsi, lorsque le jugement est rendu par défaut ou est réputé contradictoire, le délai de notification est de 6 mois sous peine de caducité de la décision.

La question qui alors se pose est de savoir ce que sont un jugement rendu par défaut et un jugement réputé contradictoire.

Pour rappel, un jugement est susceptible d’endosser trois qualifications différentes. Aussi, distingue-t-on :

  • Le jugement contradictoire
    • Aux termes de l’article 467 du Code de procédure civile « le jugement est contradictoire dès lors que les parties comparaissent en personne ou par mandataire, selon les modalités propres à la juridiction devant laquelle la demande est portée.»
    • Ainsi, le jugement est contradictoire dès lors que chacun des plaideurs a eu connaissance du procès, à tout le moins a été en mesure de présenter ses arguments.
  • Le jugement réputé contradictoire
    • La décision est réputée contradictoire lorsque :
      • Le défendeur n’a pas comparu
          • ET
      • La décision qui sera prononcée est susceptible d’appel
          • OU
      • La citation a été délivrée à personne
  • Le jugement par défaut
    • L’absence de comparution du défendeur ne doit pas faire obstacle au cours de la justice.
    • Aussi, l’article 468 du Code de procédure autorise-t-il le juge à statuer lorsque trois conditions cumulatives sont réunies :
      • Le défendeur ne doit pas avoir comparu personnellement ou ne doit pas être représenté
      • L’assignation ne doit pas avoir été délivrée à personne
      • L’appel n’est pas ouvert contre l’acte introductif d’instance
    • La rigueur de ces conditions, s’explique par la volonté du législateur de restreindre les jugements rendus par défaut.

Le délai de 6 mois dont disposent les parties pour notifier la décision sous peine de caducité ne s’applique donc :

  • Au jugement rendu par défaut
  • Au jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel

Il en résulte que pour les jugements réputés contradictoires au motif que nonobstant l’absence de comparution du défendeur, la citation a été délivrée à personne, le délai de 6 mois n’est pas applicable.

VIII) Les effets de la notification

La notification de la décision rendue produit trois effets :

  • Premier effet : efficacité des dispositions adoptées par le Tribunal
    • La notification autorise la partie gagnante à s’en prévaloir, soit à tirer avantage ce qui a été décidé par le juge
    • Dans un arrêt du 16 décembre 2005, la chambre mixte a jugé en ce sens que « la force de chose jugée attachée à une décision judiciaire dès son prononcé ne peut avoir pour effet de priver une partie d’un droit tant que cette décision ne lui a pas été notifiée » (Cass. ch. Mixte 16 déc. 2005, n°03-12.206).
  • Deuxième effet : exécution du jugement
    • Principe
      • L’article 503 du CPC dispose que « les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés »
      • Ainsi, la notification du jugement est une condition préalable nécessaire à son exécution.
      • Cette règle procède de l’idée qu’il est impératif que la partie contre laquelle la décision est exécutée en est connaissance.
    • Exceptions
      • En application de l’article 503 du CPC, il est fait exception à l’exigence de notification de la décision rendue dans deux cas :
        • L’exécution volontaire
          • Lorsque la partie perdante s’exécute spontanément, sans que la décision rendue à son encontre ne lui ait été notifiée, la partie gagnante est dispensée de l’accomplissement de toute formalité de notification.
          • Cette dispense de notification procède de l’idée que si l’exécution est volontaire, cela signifie que la partie perdante a eu connaissance de la décision.
          • Il n’est donc pas nécessaire de lui notifier, à plus forte raison parce que cela engendrerait, pour cette dernière, un coût de procédure inutile.
        • L’exécution au seul vu de la minute
          • L’article 503, al. 2 du CPC prévoit que « en cas d’exécution au seul vu de la minute, la présentation de celle-ci vaut notification. »
          • Cette hypothèse où une décision est exécutoire au seul vu de la minute se rencontre dans trois cas :
            • les ordonnances sur requête
            • les ordonnances de référé
            • les décisions statuant sur l’obtention de pièces détenues par un tiers
            • les mesures d’instruction
  • Troisième effet : point de départ du délai d’exercice des voies de recours
    • L’article 678 CPC prévoit que « le délai pour exercer le recours part de la notification à la partie elle-même. »
    • L’article 528-1 précise que « si le jugement n’a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n’est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l’expiration dudit délai. »
    • Il ressort de ces deux dispositions que le délai d’exercice des voies de recours ne commence à courir qu’à compter de la notification de la décision.
    • À défaut, le délai ne court pas, à tout le moins dans la limite du délai butoir du délai butoir énoncé par l’article 528-1 du CPC.

Le contrat d’entreprise : vue générale (distinction entreprise/mandat)

Typicité.- Le Code civil règlement sous un Titre VIII  – Du contrat de louage, plusieurs types de louage : le louage de chose (voy. l’article : « Le bail de droit commun : notion ») / le louage d’ouvrage et d’industrie (art. 1779 à 1799-1 c.civ.).

Formellement, le Code civil ne distingue pas le premier louage du second. Il se contente de dire, dans un article liminaire, qu’il y a trois espèces principales de louages d’ouvrage et d’industrie (art. 1779) : 1° le louage des gens de travail qui s’engagent au service de quelqu’un – rebaptisé louage de service – 2° le louage des voituriers ; 3° le louage des architectes d’ouvrage, entrepreneurs d’ouvrages et techniciens par suite de devis ou marchés. Ces mots sont peu explicites. On ne comprend guère, à première lecture, le sens de la loi.

Louage de service ou d’industrie.- Le louage des gens de travail est historiquement le louage des domestiques et ouvriers. À leur propos, la loi dispose qu’ils ne peuvent engager leurs services qu’à temps, ou pour une entreprise déterminée (art. 1780 c.civ.). Le législateur a pensé, à juste raison, que l’engagement de consacrer sa vie entière au service d’autrui serait une aliénation de la liberté. Cela n’est pas permis (sauf pour les parents peut-être mais c’est une autre question). C’est au reste sanctionné par la nullité. L’article 170, al. 2, C.civ. est en ce sens. Le Code civil n’a pas jugé utile de consacrer à ce type de louage plus d’un article. Rien n’est dit de la nature du louage de travail, ni de ses conditions, ni de ses effets. Ce n’est pourtant pas rien de louer à autrui sa force de travail. C’est ainsi que Pothier considère ce louage. Le peut-on vraiment à la réflexion ? L’article 1128 C.civ. ne dispose-t-il pas qu’il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet d’une convention ? Les mots font sens. C’est de contrat de travail dont il est question depuis, non pas de louage de travail. C’est une distinction que ne pratiquent les auteurs contemporains du Code Napoléon, pas plus qu’elle n’occupait Pothier. Nos anciens auteurs, Pothier en tête, ne s’occupaient pas du louage de travail. Deux raisons à cela : primo le droit romain ne leur a pas servi de guide, puisque le seul travail pratiqué à Rome est servile ; secundo, le travail industriel est régi sous l’ancienne monarchie par des lois de police (régime corporatiste fait des règlements intérieurs des corps de métiers ou régime des manufactures privilégiées composé par des ordonnances royales). Il n’est apparu aux codificateurs qu’il ne restait que le louage de domestiques à réglementer. Au reste, était-il bien nécessaire de légiférer plus avant sur le contrat de louage de services alors que tout est dit dans la théorie générale des obligations, au moins s’agissant de la formation du contrat (A. Mazeaud, Droit du travail, 4e éd., Montchrestien, n° 33) ? Il faudra attendre la fin du XIXe siècle pour cette lacune du Code civil soit comblée, sans que le Code civil ne soit pour autant réformé. Une législation industrielle ou ouvrière, naît du constat des effets délétères de la révolution industrielle. On peut regretter que ce droit ouvrier (Revue mensuelle « Le Droit ouvrier », revue éditée par la Confédération générale du travail, 1920-(…)), soit né hors le Code civil (v. encore la loi du 9 avril 1898 sur l’indemnisation des accidents industriels) !

Louage des voituriers.- Le louage dont il est question est celui par lequel l’une des parties se charge, moyennant un prix, (le voiturier) de transporter ou faire transporter l’autre partie, ou des marchandises qui lui appartiennent d’un lieu dans un autre. Ce louage s’est notablement diversifié avec le temps et les techniques. On distingue à présent l’affrètement, qui est une location ou, plus précisément, un contrat par lequel un engin de transport est mis à la disposition d’un utilisateur qui s’en sert pour transporter des marchandises ou des personnes), et le transport proprement dit. Dans ce dernier contrat, l’objet de la convention n’est pas l’engin de locomotion, mais la marchandise (des choses ou des personnes). Tout cela est à présent réglementé par un tout nouveau Code des transports, qui est entrée en vigueur le 1er décembre 2010, autrement dit, hors le Code civil (ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010, prise par application de l’article 92 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures, porte création de la partie législative du Code des transports).

Louage d’ouvrage.- Le louage d’ouvrage est celui par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre moyennant un prix convenu entre elles (art. 1710 c.civ.). Cette dénomination est franchement dépassée. C’est de contrat d’entreprise dont il est question. Ceci posé, le louage d’ouvrage embrasse très largement les champs du possible. Philippe Malaurie, dont on connaît le sens de la formule, dit ce contrat que c’est « la bonne à tout faire ». Les dictionnaires de langue française comme le Vocabulaire Capitant pratiquent l’un et l’autre terme. Ils seraient synonymes. C’est à tout le moins ce que la doctrine professe depuis 1891 (Traité du louage d’ouvrage de Guillouard). Il reste que le Code civil n’emploie pas les mots « contrat d’entreprise ». Il pratique toutefois le mot « entrepreneur » (art. 1779, 1792-1, 1794, 1795, 1797, 1827 c.civ.). (V. F. Labarthe, Du louage d’ouvrage au contrat d’entreprise, la dilution d’une notion, mél. J. Ghestin, pp. 489 s.)

L’utilisation plus systématique des mots « contrats d’entreprise » est datée. Elle est contemporaine de l’apparition de l’expression « contrat de travail ». Officiellement, cette dernière apparaît en 1901 avec la création de la commission de la codification pour la rédaction d’un Code du travail. Pour mémoire, on parle encore ordinairement de louage de services, lequel louage fait partie intégrante du louage d’ouvrage et d’industrie. Sur ce point, les rédacteurs ne suivent pas Pothier.

L’invention du contrat de travail, qui fait tomber une branche du Code civil, puis celle du contrat de transport, semblent avoir commandé la découverte du contrat d’entreprise. Cette dernière expression, plus spécifique, permit d’exclure le contrat de travail ou louage de services puis celle de contrat de transport. Par voie de conséquence, le contrat d’entreprise va pratiquement à lui seul représenter la catégorie du louage d’ouvrage. La synonymie est consommée.

Le professeur le Tourneau dit de ce dernier contrat qu’il est « devenu un large manteau pouvant couvrir toutes sortes d’activités, à défaut d’autre qualification, dès lors que quelqu’un s’engage envers autrui à exécuter un travail indépendant et rémunéré sans représentation » (in De l’évolution du mandat, D. 1992, I, p. 157). Philippe Rémy constate pour sa part, dans une étude consacrée à quarante ans de chronique à la RTD civ., que le louage d’ouvrage, devenu contrat d’entreprise, triple son territoire depuis les 20 dernières années (in L’évolution contemporaine du droit des contrats, Journées Savatier, 1985, PUF, p. 105). L’entreprise serait en passe de submerger la vente (M. de Juglard, La vente : un contrat en voie d’extinction au profit de l’entreprise, mél. J. Derruppé, Litec, 1991, p. 63).

La notion est devenue hétérogène, elle englobe des contrats d’une extrême diversité, de l’alchimie à la zoologie, en passant par la menuiserie et la médecine. L’intégration au sein du contrat d’entreprise des prestations intellectuelles a modifié son contenu. À lire les articles consacrés aux marchés et devis, qui constituent une sorte de droit commun du contrat d’entreprise, on constate que les mots employés ont davantage trait au travail physique, à la confection d’un objet, qu’aux prestations intellectuelles. Fort utilement, les articles 1710 et 1787 c.civ. sont rédigés en des termes suffisamment généraux pour permettre de ranger sous la même dénomination une prestation manuelle et une prestation intellectuelle.

Entreprise vs mandat.- Pothier n’évoque pas la possibilité d’inclure les prestations purement intellectuelles dans son étude sur le louage d’ouvrage (contrat d’entreprise). Le service rendu est trop grand, pense-t-on alors. Partant, la qualification de contrat d’entreprise doit être exclue. Ceux qui les rendent sont justiciables du droit du mandat. Troplong écrit dans son traité du contrat de louage ceci : « si le travail manuel est respectable, il nous est impossible de le mettre sur la même ligne que le travail intellectuel, d’assimiler la science et l’industrie, le littérateur ou le savant qui consume sa vie à la recherche de grands problèmes qui troublent l’humanité à l’homme qui ne cherche qu’à augmenter sa fortune ». L’auteur n’hésite pas à enseigner que « la nature a établi entre les hommes une grande inégalité d’intelligence, d’aptitude et de force. Mais [il rajoute que] la société corrige cette inégalité par un bienfaisant échange de devoirs et de services. Ce que l’on ne peut accomplir par soi-même, on le fait faire d’une main officieuse, et la foi d’un ami supplée à notre insuffisance (…), de là le mandat (…) ». Autrement dit, c’est être socialement inférieur que d’accomplir des activités matérielles et à l’inverse, accomplir une activité intellectuelle est source d’honneur et de prestige social. Il y a chez les auteurs la manifestation d’un dédain tout particulier à l’égard du louage d’ouvrage et des personnes qui font payer leur service.

Lisons encore Troplong, qui reprend les propos de Ciceron (-106, -43 ante christum). « On regarde comme illibéraux les gains des mercenaires et de tous les ouvriers dont on paie les travaux et non le talent, parce qu’il n’y a pas de talent dans leurs travaux. Leur salaire est le prix d’une servitude ». Devant la véhémence des mots de Ciceron, Troplong adoucit la forme mais marque néanmoins son attachement à cette vision des choses. Ces dernières expressions sont trop dures [confesse t-il] : le nom de servitude choque nos cœurs et blesse la vérité. Mais mettez à sa place le mot de louage et vous serez dans le vrai de la situation ». À l’occasion de l’adoption du projet de Code civil, les propos du tribun Mouricault, à la destination du corps législatif sont tout autant caractéristiques. Celui-ci n’hésite pas à dire que « la classe laborieuse attire à soi le superflu de la classe opulente, en lui donnant temporairement à loyer son travail, ses services, ses soins ».

Duvergier va critiquer l’opposition ainsi faite entre les arts libéraux et les arts mécaniques. Il propose que l’on substitue le critère de distinction ordinairement pratiqué entre le mandat et le louage. Depuis la seconde moitié du XIXème siècle, avec le rayonnement des travaux de Duvergier, on enseigne que l’objet du contrat de mandat est l’accomplissement d’actes juridiques et l’objet du contrat de louage, la réalisation d’actes matériels (1837).

Caractères.- Aux termes de ces quelques considérations liminaires, les caractères du contrat d’entreprise ont été approchés. Reprenons-les en relisant l’article 1710 du Code civil qui dit du louage d’ouvrage que c’est « un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre, moyennant un prix convenu entre elles ». L’entreprise est l’archétype de l’exécution de la volonté d’autrui. C’est un contrat au terme duquel l’une des parties s’engage à exécuter la prestation commandée, cela en toute indépendance.

Reprenons.

Exécution de la prestation commandée.– Exécuter la prestation commandée, c’est faire. Mais faire quoi au juste ? On a toujours considéré que l’objet de la prestation commandée à l’entrepreneur était l’accomplissement d’une prestation d’ordre matériel. Jusqu’au début du XIXème siècle, on limitait le champ du contrat de louage à la réalisation d’activité matérielle d’ordre manuel. Cela vient d’être dit. Et ce n’est qu’après la diffusion des travaux de Duvergier que l’on a progressivement admis qu’une prestation matérielle d’ordre intellectuel pouvait être accomplie au moyen de ce contrat. Il ne faut pas perdre de vue que, jusqu’à la reconnaissance de cet éminent juriste, les prestations d’ordre intellectuel relevaient exclusivement du contrat de mandat[1]. Il faut tirer comme enseignement que seuls des actes matériels, par opposition aux actes juridiques, peuvent faire l’objet d’un contrat d’entreprise. C’est toujours la manifestation conforme de l’idée suivant laquelle l’objet du contrat de mandat est la passation d’actes juridiques et l’objet du contrat d’entreprise l’accomplissement d’actes matériels. Le contrat d’entreprise, tel qu’on le présente classiquement, est donc un contrat dont l’objet est l’accomplissement d’actes matériels. C’est aussi très classiquement que l’on considère que c’est un contrat nécessairement conclu à titre onéreux. C’est un aspect caractéristique qu’il faut à présent envisager.

L’article 1710 c.civ. dispose expressis verbis que le louage d’ouvrage doit être rémunéré. Aussi loin que l’on puisse remonter dans le temps, le prix a toujours été un élément caractéristique de ce contrat. Du droit romain jusqu’au Code civil, en passant par les glossateurs puis Bartole et Troplong, le prix a été érigé en critère de distinction entre le contrat de mandat et le contrat d’entreprise. Il faudra attendre Duvergier pour que le prix ne soit plus exclusif de la qualification de mandat. Le prix reste pour la jurisprudence[2] et pour la grande majorité des auteurs, un élément remarquable du contrat d’entreprise[3]. En vérité, bien que l’accord sur le prix ne soit pas exigé des parties dès la conclusion du contrat – c’est une différence notable avec la vente – le prix reste un élément essentiel de ce type de convention. La raison de cette règle est la suivante : il arrive bien souvent que l’étendue de la prestation ne puisse être délimitée rigoureusement au jour de la conclusion du contrat. Un auteur est partisan de la reconnaissance d’un contrat d’entreprise à titre gratuit. Il soutient que, en l’état du droit positif, le contrat d’entreprise privé de rémunération le fait basculer dans le sui generis (conventions de services gratuits) voire l’innommé (contra P. Puig, Contrats spéciaux, 4ème éd., n° 774).

Nous ne sommes pas convaincus. L’onérosité ne serait-elle pas tout simplement présomptive ? Pour le dire autrement, l’onérosité serait-elle pas la traduction de ce qui se passe ordinairement (ex eo quod plerumque fit) ? Comme cela a déjà été dit (voy. l’article « Le prêt à usage : notion » / « Le prêt de consommation : notion »), la fonction du critère de distinction est de servir de présomption dans la recherche de la volonté des parties concertant les règles à appliquer au contrat qu’elles ont conclu. Telle est certainement la véritable signification de l’article 1710 c.civ. : commander au juge de présumer que les parties ont entendu stipuler un prix. Cela signifie que la présomption d’onérosité peut être écartée toutes les fois que les parties l’ont exprimé ou qu’il s’en déduit clairement des circonstances. Le critère de l’onérosité peut donc être conservé, en dépit de son inexactitude, du moment qu’il correspond à la généralité des cas. Dans les hypothèses marginales où cette présomption n’exprime pas la vérité, cette dernière pourra être rétablie au moyen de la preuve de la volonté contraire des parties. À tout prendre, ce critère présomptif est certes approximatif, mais il vaut mieux que la recherche directe de la volonté des parties sur la nature du contrat que préconise un certain nombre d’auteurs, car il limite les risques d’interprétation divinatoire de cette volonté par les juges.

À la réflexion, il semble que le problème soit mal posé. Ne serait-il pas plus pertinent de se demander s’il n’y aurait pas un inconvénient à laisser les services gratuits hors de portée des règles du louage (not. en ce sens : J. Huet, n° 32113) ?

L’indépendance du prestataire dans l’exécution de la prestation commandée est aussi caractéristique de ce contrat.

L’indépendance dans l’exécution de la prestation commandée est unanimement proclamée. C’est d’ailleurs cette indépendance qui le distingue du travailleur, entendu comme la personne souffrant la perte de son autonomie à l’occasion d’un contrat de travail. Un auteur a ainsi pu conclure que « seuls ceux qui, participant à la réalisation de la tâche entreprise, le font avec la liberté requise mérite la qualification d’entrepreneur »[4].

La jurisprudence et l’ensemble de la doctrine consacrent l’indépendance de l’entrepreneur dans l’exécution de son contrat. La Cour de cassation est catégorique. Celle-ci considère que « le contrat d’entreprise est la convention par laquelle une personne charge un entrepreneur d’exécuter, en toute indépendance, un ouvrage »[5]. La doctrine l’est tout autant. On enseigne de manière unanime[6] que le contrat d’entreprise est caractérisé par l’indépendance de celui qui fournit son ouvrage ou ses services[7]. D’ailleurs, les auteurs font généralement figurer cette indépendance dans la définition qu’ils donnent de l’entrepreneur[8]. La chose est suffisamment acquise pour que l’on ne s’attarde pas sur cette qualité que doit revêtir l’entrepreneur. Ce qui est plus remarquable, c’est le but recherché derrière la reconnaissance de cette indépendance : la distinction de l’entrepreneur et du salarié. On définit le contrat de travail comme « la convention par laquelle une personne s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre, sous la subordination de laquelle elle sa place (…) »[9]. Étant donné cette définition, on enseigne classiquement que faute d’indépendance suffisante dans l’exécution de sa prestation, l’entrepreneur est un salarié. On enseigne ainsi que le travail salarié, assujetti au droit du travail, se distingue du travail indépendant qui y échappe[10]. Cette distinction entre un salarié et un entrepreneur est pourtant peu aisée à opérer.  On fait souvent état, d’un côté, de salariés qui jouissent d’une grande liberté dans l’exécution de leur tâche et, de l’autre, de certains petits entrepreneurs qui sont soumis à la surveillance étroite de leurs clients dont ils dépendent économiquement[11]. Les critères de distinction proposés en doctrine ont montré tour à tour leurs insuffisances, aussi celle-ci recherche-elle encore un critère de distinction pertinent[12]. Dernièrement, une proposition originale a été présentée. Il s’agirait, pour caractériser le contrat de travail, de « rechercher la ou les causes de l’engagement de l’intéressé » et de constater que dans le contrat de travail le salarié recherche la protection contre « le risque économique » et contre « le risque du travail »[13]. Il semble de prime abord que cette dernière proposition permette de mieux distinguer l’entrepreneur du travailleur. Pour sa part, la Cour de cassation préfère identifier la subordination au moyen de la technique éprouvée du faisceau d’indices. La subordination peut être ainsi caractérisée, selon la Haute cour, dès lors qu’il y a travail au profit d’autrui et dans le cadre d’une structure organisée[14].

Pour résumer, la notion d’exécution pour autrui est par conséquent caractérisée par trois choses : l’accomplissement par l’entrepreneur d’une prestation d’ordre matériel manuelle ou intellectuelle, à titre indépendant et rémunérée.

[1] La maturation de la pensée juridique est somme toute assez lente dans la mesure où la Cour de casation devait rappeler en 1984 que « les travaux d’ordre intellectuel ne sont pas exclus de la définition du contrat d’entreprise ». V. Cass. civ. 3ème, 28 févr. 1984 : Bull. civ. III, n° 51.

[2] V. par exemple : Cass. civ. 3ème, 17 déc. 1997 : Bull. civ. III, n° 226 ; D. Affaires 1998.667 : « le contrat d’entreprise est conclu à titre onéreux ».

[3] V. notamment, A. Bénabent : op. cit., n° 506, la « rémunération est un élément essentiel du contrat d’entreprise » ; B. Boubli : Rép. Civ., V° « Contrat d’entreprise » : « Le prix est un élément essentiel du contrat de louage d’ouvrage » .

[4] A. Sériaux : Contrats civils, op. cit., n° 118.

[5] V. Cass. civ. 1ère, 19 févr. 1968 : D. 1968, Jur., p. 393, 394 ; Gaz. Pal. 1968-2, p. 144 et s., note J.-P. Doucet.

[6] V. toutefois les développements critiques de P. PUIG sur « la relative indépendance de l’entrepreneur » in « La qualification du contrat d’entreprise », op. cit., p. 239, n° 152.

[7] H. Groutel : Le critère du contrat de travail, in Les tendances du droit du travail contemporain, mélanges offerts à G.-H. Camerlynck, p. 56, n° 17.

[8] V. not., A. Bénabent : op. cit., n° 471, « Le contrat d’entreprise est la convention par laquelle une personne s’oblige (…) à exécuter pour l’autre partie un travail déterminé (…) de façon indépendante » ;  Ph. Malaurie et L. Aynès : op. cit., n° 708 ; Ph. Delebecque : Le contrat d’entreprise, Dalloz, Connaissance du Droit 1993, p. 3 et 12.

[9] V. not., G. Lyon-Caen, J. Pélissier et A. Supiot : Droit du travail, Précis Dalloz, 19ème éd., n° 125.

[10] V. not., J. Rivero et J. Savatier : Droit du travail, Thémis 1993, p. 75.

[11] V. not., A. Bénabent : op. cit., n° 500.

[12] On a pensé, un temps, que le critère de l’appartenance à une entreprise était plus satisfaisant. Des auteurs ont fait état de son insuffisance. V. not. P. Vieschi-Vivet: op. cit., n° 4 ; H. Groutel : op. cit., p. 57, n° 18 ; G. Lyon-Caen, J. Pelissier et A. Supiot : op. cit., p. 119, n° 127.  Un des contradicteurs a proposé de considérer « le caractère non occasionnel de l’activité salariale ». Proposition faite par P. Viechi-Vivet: op. cit., n° 32 qui fait d’ailleurs état d’une jurisprudence dans ce sens, la Chambre sociale de la Cour de cassation refusant de prendre en compte des activités exercées de manière sporadique. Cass. soc., 25 oct. 1990 : RJS 12/90, n° 1017, p. 664.

[13] Proposition faite par  P. Puig : op. cit., p. 256 à 319.

[14] A. P. : 18 juin 1976 : D. 1977, p. 173, note A. Jeammaud. Adde : « Attendu que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres, des directives, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail » Cass. soc., 13 nov. 1996 : D. 1996, IR, p. 268 ; JCP éd. G. 1997. II. 911, note J. Barthélémy ; Dr. et patrimoine janv. 1997, n° 1563, p. 72, obs. P.-H. Antonmattéi ; RJS 1996, n° 1320 ; cité par P. PUIG : op. cit., p. 246, n° 158, note 121.

Le prêt de consommation : l’extinction du contrat

Durée indéterminée.- Si les parties n’ont pas convenu d’une durée, le remboursement peut être exigé à tout moment. Mais dans ce cas, le juge peut accorder un délai suivant les circonstances, c’est  dire, en réalité, fixer le terme du prêt (art. 1900 c.civ.). Il ne s’agit pas d’un délai de grâce au sens des art. 1343-5 nouv. et s. (art. 1244-1 anc. c.civ.). Le juge n’est en particulier pas limité dans la durée accordée (2 ans max. pour les délais de grâce). Il peut même fixer un intérêt, quand bien même le prêt aurait été gratuit.

Durée déterminée.- La durée convenue est impérative, et le prêteur n’a pas de possibilité – à la différence du prêt à usage – de demander une restitution avant terme, quelqu’urgent que soit son besoin des choses prêtées (art. 1899 c.civ.). Mais l’emprunteur est déchu du terme s’il diminue les sûretés qu’il avait fourni (art. 1188 c.civ.).

L’emprunteur peut se libérer par anticipation lorsque le terme est stipulé dans son intérêt exclusif – ce que la loi présume – ; le terme est impératif à son égard lorsqu’il est stipulé dans l’intérêt commun (ex. prêt à î).

Décès.- Le décès du prêteur ne change rien. Celui de l’emprunteur peut provoquer la fin du prêt si celui-ci a été conclu intuitu personae.

Le prêt de consommation : les obligations de l’emprunteur

La plupart des obligations de l’emprunteur sont inspirées du prêt à usage (voy. l’article « Le prêt à usage : les obligations de l’emprunteur ») : usage et restitution de la chose (1). Une obligation est spécifique au prêt de consommation : l’obligation au paiement de l’intérêt (2).

1.- Usage et restitution de la chose

Usage.- La consomptibilité simplifie considérablement les choses en la matière. Puisque l’emprunteur est propriétaire de la chose, il en fait ce qu’il en veut. Adieu donc aux obligations de respecter un usage défini, adieu également à l’obligation de conservation.

Mais la propriété a une rançon : la charge des risques. Le transfert de la propriété met les risques à la charge de l’emprunteur, ce qui signifie que celui-ci est tenu à restitution quand bien même une perte fortuite l’aurait empêché de profiter des choses prêtées (ex. l’emprunteur qui se fait voler l’argent prêté doit quand même restituer celui-ci : res perit domino…).

Restitution.- La restitution a lieu par équivalent : au terme du prêt, l’emprunteur doit restituer la quantité même de chose qui lui ont été prêtées, et les restituer de même espèce et de même qualité. Tant pis si la valeur de ces choses a varié (ex. de l’argent) : la quantité due est toujours la quantité reçue. Celui qui prête de l’argent à long terme s’expose donc inéluctablement à perdre de l’argent : le pouvoir d’achat de la somme prêtée sera moindre à sa restitution.

2.- Paiement de l’éventuel d’un intérêt

Les parties au prêt de consommation peuvent stipuler un intérêt que l’emprunteur aura l’obligation de payer. L’article 1906 c.civ. prévoit de manière étonnante (a priori) que celui qui a payé volontairement un intérêt non stipulé ne peut le répéter (càd en demander la restitution). Il ne s’agit en réalité que d’une application du droit commun : l’exécution volontaire du paiement des intérêts fait présumer l’existence de l’obligation de payer ceux-ci.

L’intérêt peut être légal (ex. le taux d’intérêt légal pour les particulier est de 3,40 % au 1er semestre 2019, arr. 21 déc. 2018 rel. au taux d’intérêt légal) ou conventionnel. Le taux de l’intérêt conventionnel doit être fixé par écrit (art. 1907) : il s’agit d’un écrit imposé à peine de nullité relative (Civ. 1ère, 21 janvier 1992, Bull. civ. I, n° 22).

La fixation du taux d’intérêt n’est pas libre : il ne peut dépasser le taux d’usure (renseigné par la Banque de France). Ce taux est fixé par le pouvoir réglementaire. Il dépend de l’opération envisagée. e principe est que le taux ne doit pas excéder de plus du tiers le taux effectif moyen pratiqué par les établissements de crédit pour les opérations de même nature durant le trimestre précédent. A noter que la prohibition ne s’applique pas toutefois entre professionnels, sauf pour les découverts en compte.

Le prêt de consommation : les obligations du prêteur

Le droit du prêt de consommation ne se départit pour ainsi dire pas des règles qui sont prescrites relativement au prêt à usage. C’est à un renvoi général que procède l’article 1898 c.civ., en l’occurrence à l’article 1891 c.civ., à l’exception du remboursement des dépenses (l’emprunteur étant devenu propriétaire de la chose et l’ayant consommée).

Il sera donc renvoyé à l’article intitulé « Le prêt à usage : les obligations du prêteur ».

Le prêt de consommation : nature du contrat (réel vs consensuel)

Le prêt est un contrat réel : la tradition (plus que le code civil lui-même) est sur ce point d’une extrême clarté. Cela étant, l’affirmation est aujourd’hui remise en cause pour certaines catégories de prêts.

1.- L’affirmation traditionnelle du caractère réel du prêt

On déduit de l’article 1892 c.civ. que le prêt est un contrat réel, qui ne se forme que par la remise de la chose. La règle est acquise depuis le droit romain (en droit romain classique déjà le mutuum était un contrat re). Ceci signifie, mais on l’a déjà vu ailleurs, que le simple échange des consentements du prêteur et de l’emprunteur s’analyse en une promesse de prêt, qui ne vaut pas prêt. Partant, l’éventuelle inexécution, qui aura consisté à ne pas remettre matériellement la chose objet du contrat de dépôt, ne peut donner lieu qu’à dommages et intérêts.

La règle produit une autre conséquence d’importance : le transfert de propriété n’a lieu que du moment de la remise, même si les consentements ont été échangés bien avant.

2.- La remise en cause du caractère réel du prêt

Depuis un arrêt du 28 mars 2000, la Cour de cassation considère que “le prêt consenti par un professionnel du crédit n’est pas un contrat réel” (Cass. 1ère., 28 mars 2000, n° 97-21422,Bull. civ. 2000, I, n° 105). N’étant pas réel, le prêt d’argent consenti par un professionnel du crédit est donc consensuel. C’est dire qu’il se forme par le simple échange des consentements, indépendamment de la remise de la chose.

Cette décision constitue un revirement de jurisprudence tout à fait remarquable, qui rompt avec la tradition juridique. Elle était prévisible. Dans un avis rendu en 1992, la Cour soutenait que le prêt soumis aux disposition du code de la consommation est un contrat consensuel (parfait une fois l’acception de l’offre préalable faite par l’emprunteur) (Cass., avis, 9 oct. 1992, n° 92-04000, Bull. civ. 1992, n° 4. Elle confirmait sa doctrine dans un arrêt rendu en 1998 rendu à propos d’un crédit immobilier (Cass. 1ère civ., 27 mai 1998, n° 96-17312, Bull. civ. 1998, I, n° 186 : “prêts qui n’ont pas la nature d’un contrat réel”).

La portée du revirement est large et circonscrite à la fois. Large en ce sens que la décision rendue le 28 mars 2000 intéresse tous les contrats de prêts conclus par un professionnel du crédit peu important qu’il soit soumis ou non au code de la consommation. Circonscrite en ce sens que seuls les prêts d’argents consentis par un professionnel du crédit sont qualifiés de contrats consensuels. Pour le dire autrement, tous les autres prêts d’argent restent qualifiés de contrats réels (Cass. 1ère 7 mars 2006. V. déjà, Cass. 1re civ., 28 févr. 1995, Bull. civ. 1995, I, n° 107).

Le professeur Grua écrira que « cette nouveauté complexifie en particulier la question de la cause de l’obligation de restitution ((la raison pour laquelle l’emprunteur doit restituer). Celle-ci est simple tant que le prêt est un contrat réel : la cause de l’obligation de restitution réside dans la remise des fonds. Elle devient plus ardue si le prêt est consensuel : pour la jurisprudence, la cause de l’obligation de restitution de l’emprunteur réside dans l’obligation souscrite par le prêteur d’avancer les fonds. Ceci revient à faire basculer le prêt de consommation de la catégorie des contrats unilatéraux dans celle des contrats synallagmatiques. L’obligation de restitution et l’obligation de délivrer les fonds se serviraient ainsi mutuellement de cause. Sauf que ces obligations ne coexistent pas : elles se succèdent. L’obligation de restitution est nécessairement postérieure dans le temps à l’obligation de délivrance ». Le prêt de consommation n’est donc peut être que « doublement unilatéral », comme a pu le suggérer François Grua (in J.-Cl. Civil, art. 1892 à 1904, fasc. unique : « Prêt de consommation, ou prêt simple », par Grua†).

Le dépôt : l’extinction du contrat

Le dépôt est révocable ad nutum, c’est-à-dire à tout moment, à première demande (dit-on). C’est ce que dit l’art. 1944 : « Le dépôt doit être remis au déposant aussitôt qu’il le réclame, lors même que le contrat aurait fixé un délai déterminé pour la restitution ; à moins qu’il n’existe, entre les mains du dépositaire, une saisie-arrêt ou une opposition à la restitution et au déplacement de la chose déposée ».

Autrement dit, le déposant dispose d’une faculté de résiliation unilatérale, sans préavis, quand bien même le contrat serait à durée déterminée. C’est de cette faculté de résiliation que naît l’obligation de restituer à première demande.

Le dépôt s’éteint également par confusion (art. 1300 nouv. c.civ. / anc. art. 1946 c.civ.).

Le dépôt : les obligations du déposant

Le déposant doit d’abord payer le prix convenu, s’il en est stipulé un. Ses autres obligations sont toutes entières justifiées par le fait qu’il reçoit un service de la part du dépositaire.

Il doit ensuite rembourser les frais de conservation, que le dépôt soit gratuit ou onéreux : i.e. frais d’entretien et d’éventuel déplacement en vue de la restitution (art. 1947 et 1942). La condition de ce remboursement est que ces dépenses aient été utiles et nécessaires. (Q. piège : si dépenses engagées non utiles ni nécessaires, remboursement sur un autre fondement ?).

Le déposant doit également indemniser le dépositaire de toutes les pertes que le dépôt lui a occasionné (cas des dommages causés par la chose ; ex. peinture qui coule sur la moquette ; cheval qui blesse le dépositaire lors de son transport, etc…).

Le dépositaire dispose, en garantie de ces créances, d’un droit de rétention sur la chose déposée (art. 1948 c.civ.). Il s’agit d’une garantie extrêmement efficace, dans la mesure où elle est opposable à tous les tiers, et même au véritable propriétaire de la chose (cas où il ne serait pas le déposant). Il dispose également du privilège du conservateur (art. 2332-3°).

Le dépôt : les obligations du dépositaire

Contrat de service, le dépôt est par nature un contrat déséquilibré : les obligations du dépositaire sont plus contraignantes que celles du déposant (voy. l’article « Le dépôt : les obligations du déposant »). Il s’agit ici encore d’un contrat synallagmatique imparfait (voy l’article « Le prêt à usage : les obligations du prêteur).

Le dépositaire doit garder la chose (1) et la restituer (2).

1.- L’obligation de garde

Le dépositaire est dans une situation de devoir sans pouvoir : il doit servir la chose, sans jamais pouvoir en bénéficier. Ceci lui impose des obligations négatives et des obligations positives.

1.1.- Obligations négatives

Ne pas user de la chose.- L’interdiction est fondamentale : le dépositaire n’a pas le droit de se servir de la chose (art. 1930 c.civ.), sauf convention contraire. Il engage à défaut non seulement sa responsabilité civile, mais également sa responsabilité pénale, pour abus de confiance (art. 314-1 c. pén.). A fortiori, l’art. 1936 c.civ. interdit également au dépositaire de consommer les fruits.

La seule exception réside dans le dépôt de choses de genre, dit dépôt irrégulier : la fongibilité des choses déposées empêche de les distinguer de celles du déposant et la restitution ne peut se concevoir qu’in specie… ce qui commande un transfert de propriété qui confère au dépositaire un droit d’usage.

Ne pas forcer le secret du dépôt.- L’art. 1931 c.civ. interdit au dépositaire d’un objet ou d’une enveloppe de l’ouvrir pour en percer le contenu.

1.2.- Obligations positives

Garder la chose.- L’obligation principale du dépositaire est de garder la chose, c’est-à-dire d’en prendre soin et de la garantir de toute menace telle que le vol, la perte ou la dégradation. Il est tenu également d’entretenir la chose si sa conservation nécessite un tel entretien. Ex. le dépositaire d’un animal est tenu de le nourrir. Il sera par la suite indemnisé de ces dépenses, mais il a l’obligation de les effectuer quitte à avancer les fonds.

De même, le dépositaire est tenu de percevoir les fruits de la chose au profit du déposant (art. 1936 c.civ.). Il en est comptable comme de la chose même. (ex. le dépositaire d’une vache laitière est tenu de la traire et de remettre le lait – ou le produit de sa vente – au déposant).

La responsabilité du dépositaire.- Il s’agit là encore d’une question faussement complexe. Voici les textes :

– Article 1927 : « Le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu’il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent. » : suggère une obligation de moyens, i.e. une responsabilité pour faute prouvée.

Article 1928 : « La disposition de l’article précédent doit être appliquée avec plus de rigueur :

1° si le dépositaire s’est offert lui-même pour recevoir le dépôt ;

2° s’il a stipulé un salaire pour la garde du dépôt ;

3° si le dépôt a été fait uniquement pour l’intérêt du dépositaire ;

4° s’il a été convenu expressément que le dépositaire répondrait de toute espèce de faute. » : explique comment mesurer la faute.

Article 1933 : « Le dépositaire n’est tenu de rendre la chose déposée que dans l’état où elle se trouve au moment de la restitution. Les détériorations qui ne sont pas survenues par son fait sont à la charge du déposant. ». Le texte suggère une obligation de résultat, i.e. une responsabilité pour faute présumée.

On en déduit couramment que le dépositaire est tenu d’une obligation de résultat atténuée quant à la garde de la chose, i.e. que sa responsabilité est présumée, mais qu’il peut lui échapper en démontrant qu’il n’a pas commis de faute.

L’idée d’une responsabilité renforcée du dépositaire n’est certainement pas la bonne. Mieux vaut y voir une simple présomption de faute justifiée par la vraisemblance. Le dépositaire étant chargé de garder la chose, sa dégradation fait présumer une faute dans la garde, présomption simple que la loi reprend à son compte. Si l’on s’accorde pour dire que le dépositaire est tenu que d’une obligation de moyens, il s’infère des textes que l’intensité juridique de son obligation de moyens va crescendo à mesure que l’intérêt du dépositaire pour la garde grandi. Dit autrement, la loi est plus ou moins sévère selon que le contrat est gratuit ou non. Concrètement, l’indulgence ou la sévérité se manifeste au travers de l’appréciation de la faute. Le dépositaire gratuit voit sa faute appréciée relativement à ses habitudes personnelles. Il doit dès lors apporter à la chose les mêmes soins que ceux qu’il apporterait à une chose lui appartenant (art. 1927 c.civ.). Il en va autrement si un prix a été stipulé en contrepartie de la garde. Dans ce dernier cas, le dépositaire salarié verra sa faute appréciée par rapport au standard de conduite du bon père de famille, c’est-à-dire une personne raisonnable (pas absolument mais replacée dans le cas de figure). En bref, et dans le cas particulier, il doit apporter à la chose les mêmes soins qu’un dépositaire normalement avisé (art. 1928 c.civ.).

Risques de la chose.- Res perit domino : le dépositaire ne répond pas de la perte de la chose par cas fortuit ; mais s’il a reçu une indemnité (ex. assurance) en contrepartie de cette perte, il droit la restituer au déposant (art. 1934). À reprendre pour bien distinguer le droit commun du droit du dépôt, qui entend du dépositaire qu’il assume les risques de la chose.

2.- L’obligation de restitution

La restitution doit s’effectuer entre les mains du déposant, de son mandataire, de la personne qu’il a désigné (indication de paiement) ou, s’il est mort, de ses héritiers. En gros, la restitution doit être faite au déposant ou à son avatar !

La chose doit être restituée à l’identique (sauf dépôt irrégulier), et dans l’état où elle se trouve dans les mains du dépositaire (art. 1933 c.civ.). Si la chose est dégradée, sa responsabilité est engagée, mais pas au titre de l’obligation de restitution : c’est l’obligation de garde qui est en jeu. Les tribunaux confondent souvent ces deux obligations.

La chose doit être restituée à première demande du déposant : mais c’est ici une histoire d’extinction du dépôt (v. infra).