Le dépôt : la preuve du contrat

Le code civil a embrouillé la question, accréditant l’idée d’une summa divisio entre dépôt volontaire et dépôt nécessaire.

Que disent les textes au juste ?

1° Art. 1924 [dépôt volontaire] : « Lorsque le dépôt étant au-dessus du chiffre prévu à l’article 1359 (anc. 1341) n’est point prouvé par écrit, celui qui est attaqué comme dépositaire en est cru sur sa déclaration soit pour le fait même du dépôt, soit pour la chose qui en faisait l’objet, soit pour le fait de sa restitution ».

2° Art. 1950 [dépôt nécessaire] : « La preuve par témoins peut être reçue pour le dépôt nécessaire, même quand il s’agit d’une valeur supérieure au chiffre prévu à l’article 1359 ».

Quelle est leur réelle signification ?

3° Art. 1924 : un dépôt d’une valeur supérieure à 1500 € doit être prouvé par écrit ; si cet écrit ne peut être présenté – i.e. si la preuve légale n’est pas administré – celui qui est attaqué comme dépositaire – c’est à dire le défendeur auquel on oppose le dépôt – est cru sur ses affirmations. Il ne s’agit que du droit commun : celui qui invoque une obligation – le demandeur – doit la prouver. S’il n’y parvient pas, on est bien forcé de croire le défendeur, puisqu’aucune preuve valable ne lui est opposée.

4° Art. 1950 : la preuve par témoins est recevable là où on l’interdit normalement. À quoi s’applique ce texte ? Au dépôt nécessaire, c’est à dire au dépôt qui n’est consenti que sous la pression des circonstances. Ici, il est fait application du principe général de l’article 1360 c.civ. (art. 1348 anc.) : la preuve par tout moyens est recevable toute les fois où il existe une impossibilité matérielle rédiger un écrit.

En résumé, lorsque l’on doit enlever son collier à toute vitesse pour rentrer dans l’appareil de radiologie qui va nous sauver la vie, on prend rarement le temps de rédiger un écrit !

Dès lors, et malgré l’apparente complexité du code, c’est le droit commun de la preuve qui s’applique au dépôt.

Le dépôt : la conclusion du contrat

1.- Conditions de fond

Rien que le droit commun.- Le code civil – art. 1925 et 1926 – embrouille les choses sur ce point, mais les conditions sont les conditions classiques des articles 1108 et suivants.

Capacité.- La capacité répond aux règles normales :

Si le déposant est un incapable, le dépositaire est tenu de toutes les obligations dont il est normalement tenu.

Si le dépositaire est un incapable, il n’est tenu envers le déposant que de la restitution de ce qui se trouve encore entre ses mains – sans indemnité –, ou d’une restitution par équivalent à concurrence de ce qui a tourné à son profit. (ex. dépôt d’une TV chez un incapable ; celui-ci ne doit que la TV, même si celle-ci est cassé et sans responsabilité possible ; si la TV a été revendue 100 €, il doit 100 € ; mais si l’incapable a dû payer 50 € pour l’expédier, il ne doit que 50 €).

Pouvoirs.- L’art. 1922 c.civ. réserve au seul propriétaire de la chose le pouvoir de conclure un dépôt, texte maladroit (contredit par l’art. 1938 c.civ. qui précise que le dépositaire ne peut pas exiger du déposant qu’il prouve sa propriété de la chose déposée) et largement déconnecté par la jurisprudence. La réalité du droit positif est que le dépôt de la chose d’autrui est parfaitement valable : le propriétaire ne sera simplement tenu des obligations d’un déposant (et not. de la rémunération du dépositaire) que s’il a consenti au dépôt.

Consentement du dépositaire.- Le consentement peut parfois poser problème, car il faut être sûr que le contractant a qui il a été remis une chose a bien accepté de la garde, ce qui exclut la simple tolérance ou la courtoisie. Ex. accepter qu’un ami gare son véhicule dans sa cour lors de ses vacances n’est pas s’engager dans un dépôt. En revanche, l’établissement sportif qui laisse un vestiaire a disposition de ses clients est dépositaire, à moins qu’une affichette manifeste – ce qui est parfaitement valable – expressément son refus de s’engager dans un tel dépôt (ex. la direction décline toute responsabilité quant à la perte ou au vol des objets laissés dans le vestiaire). Il est remarquable ici que la jurisprudence impose au professionnel un devoir de manifester son refus de consentir pour ne pas être engagé… Mais ça se comprend : offre de dépôt par la mise à disposition d’un casier.

De plus, l’accord doit aussi porter sur la chose déposée : il est possible de ne pas accepter un objet de trop grande valeur (ex. la direction décline toute responsabilité quant au vol des objets de valeur déposés dans les vestiaires).

Consentement du déposant.- Côté déposant, il faut éventuellement consentir au montant du dépôt. On s’est également demandé si la figure du dépôt nécessaire n’entachait pas par elle-même le contrat de violence : celui qui ne dépose sa chose que « forcé par quelque accident » (art. 1949) consent-il réellement librement ? (ex. dépôt d’un collier en or entre les mains d’un médecin-radiologue en vue d’un examen radiologique d’urgence : Civ. 1ère, 22 nov. 1988, Bull. civ. I, n° 330). Le principe de solution est celui du droit commun des art. 1111 et s. : il n’y a pas violence à ne contracter que sous l’emprise des circonstances, à moins que le contractant n’abuse de ces circonstances pour imposer en sa faveur des conditions injustes, telles une rémunération excessive.

2.- Conditions de forme

« Le plus réel des contrats réels ».- Le dépôt est le contrat réel par excellence. Il n’est parfait que par la remise de la chose. Notons qu’une lecture rapide du code civil pourrait permettre d’en douter, l’article 1921 disposant que « le dépôt volontaire se forme par le consentement réciproque de la personne qui fait le dépôt et de celle qui le reçoit ». Mais il faut tout de suite préciser que l’article 1921 c.civ. ne fait en ceci qu’opposer le dépôt volontaire au dépôt nécessaire, dont il est traité trois sections après, i.e. le dépôt dont la conclusion est « forcée par quelque accident, tel qu’un incendie, une ruine, un pillage, un naufrage ou autre événement imprévu ».

Le bail d’habitation : les obligations du preneur

Les obligations du locataire sont énumérées à l’article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à l’amélioration des rapports locatifs. Elles sont au nombre de sept : payer le loyer et les charges, user paisiblement des lieux loués, répondre des dégradations et pertes, laisser s’exécuter les travaux d’amélioration des parties communes et privatives ainsi que les travaux nécessaires au maintien en l’état et à l’entretien normal des lieux loués, ne pas transformer les lieux et s’assurer. La plupart sont identiques à celles du droit commun, auquel il convient de renvoyer (voy. l’article « Le bail de droit commun : les obligations du preneur à bail »).

Il faut cependant insister sur certaines de ces obligations, qui dépassent les prévisions du droit commun : l’obligation de payer le loyer et les charges (1), l’obligation d’entretien (2), l’obligation de répondre des dégradations et pertes (3) et l’obligation d’assurance (4).

1.- Le paiement du loyer et des charges

Pour l’essentiel, les règles prescrites sont identiques à celles qui organisent les obligations du preneur à bail de droit commun (voy. l’article “Le bail de droit commun : les obligations du preneur”). Le législateur s’est plus volontiers préoccupé du paiement des charges locatives et de la sanction du défaut de paiement du loyer et des charges.

1.1.- Les charges locatives

Les charges locatives sont des frais que le propriétaire de l’immeuble paie, mais qui sont relatifs à l’utilisation de celui-ci. Or le propriétaire qui loue son logement n’utilise pas l’immeuble. C’est le locataire qui le fait à sa place. Il est donc juste que ce soit lui qui supporte au final les frais liés à cette utilisation. Ex. typiques : la lumière dans l’escalier commun, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. En pratique, le bailleur paye, puis récupère ces charges sur le locataire : c’est pour cette raison qu’on les appelle « charges récupérables »

Attention : la tentation est grande pour la bailleur ou son représentant (ex. agence immobilière) de proposer artificiellement un loyer à un montant moindre en comparaison avec les loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables. Le montant des charges récupérables renseignées dans l’offre de bail est estimatif. Ce sont des provisions pour charges qui sont demandées (art. 23, al. 3). Il suffit donc de les minorer et le prix du contrat (jouissance de la chose + charges) est aussitôt abaissé. Et c’est à l’occasion de la régularisation de charges, quelques mois après la conclusion du bail, que le locataire découvre la réalité des choses. Il importe de résister à cette tentation et/ou de dénoncer celles et ceux qui ont succombé. Un petit delta peut être concédé, mais pas une différence du simple au double, par exemple. Cela pourrait passer pour une manœuvre et fonder le locataire à demander 1° La nullité du contrat pour dol (art. 1137 nouv. c.civ.) ou, plus utilement, 2° des dommages et intérêts compensatoires.

1° En pratique, l’action en nullité est un tantinet audacieuse… sauf à espérer – ce qui est raisonnable – que le bailleur se ravise vite à la lumière de la perte de temps et d’argent qu’il risque fort de subir. D’abord, le locataire s’apprête à perdre la jouissance de la chose. Dans les villes où il existe une grave crise du logement, c’est impensable. Ensuite, cela peut s’avérer onéreux. Si, par hypothèse, le bailleur discute le bien fondé de l’action en nullité, le juge du contrat devra être saisi (pour peu que la commission départementale de conciliation, qui peut être saisie dans le cas particulier, ne soit pas parvenue à concilier les parties. Art. 20, 3°). Enfin, si l’action prospère et que le bailleur est condamné à restituer les loyers, le locataire sera obligé de payer une indemnisation d’occupation. L’explication est la suivante : le contrat étant nul, il est censé n’avoir jamais existé. Il importe donc de replacer les cocontractants dans la situation qui était la leur à raison de l’effacement du contrat de l’ordonnancement juridique. En bref, il faut rétablir le retour au statu quo ante. Le locataire doit donc rendre ce qu’il a reçu. Simplement, restituer un temps de jouissance est matériellement impossible. Le droit oblige donc le locataire à rendre quelque chose de jugé équivalent. Et on n’a encore rien trouvé de plus commode (et satisfactoire) que l’argent. C’est ce qu’on appelle une indemnité d’occupation. C’est équitable. Rien demander au locataire aurait été l’enrichir, sans raison, injustement. L’action présente tout de même un intérêt : l’indemnité sera en toute hypothèse de moindre importance que le loyer princeps arrêté par les parties au jour de la conclusion du contrat.

2° Le locataire peut encore, plus utilement, intenter une action en responsabilité contractuelle fondée sur la violation du principe de loyauté contractuelle, les dommages et intérêts accordés compensant en quelque sorte le tort causé par la minoration des provisions sur charge (art. 1104 nouv. c.civ. in dispositions liminaires : “Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi”).

La loi de 1989 (art. 23) définit ces fameuses charges comme des sommes accessoires au loyer principal, lesquels sont exigibles par le bailleur sur justification en contrepartie :

1° Des services rendus liés à l’usage des différents éléments de la chose louée ;

2° Des dépenses d’entretien courant et des menues réparations sur les éléments d’usage commun de la chose louée. Sont notamment récupérables à ce titre les dépenses engagées par le bailleur dans le cadre d’un contrat d’entretien relatif aux ascenseurs

3° Des impositions qui correspondent à des services dont le locataire profite directement.

Ces charges sont limitativement énumérées par le décret n° 87-713 du 26 août 1987. La liste est d’ordre public, rien ne peut lui être rajouté.

En pratique, les parties conviennent que le locataire versera des provisions (ex. 50 € / mois), ces provisions sur charges faisant l’objet d’une régularisation annuelle. À l’occasion de cette régularisation, le bailleur doit tenir tous les documents justificatifs à la disposition du locataire. Encore une fois, ce n’est que sur justification que les charges sont payables. Une charge non justifiée est une charge indue (v. not. : Cass. 3ème civ., 8 déc. 2010, n° 09-71124, Bull. civ. III, n° 216).

1.2.- La sanction du défaut de paiement du loyer et des charges locatives

 Droit commun.- La sanction du défaut de paiement des loyers est, conformément au droit commun, de deux ordres : exécution forcée ou, si le bailleur le demande, résiliation. Il est à noter que l’obligation de payer les loyers étant l’obligation essentielle du locataire, la condition de gravité du manquement requise par cette sanction particulière semble immédiatement remplie, à condition que l’impayé porte sur un nombre suffisant d’échéances. La condition de gravité est soumise à l’appréciation du juge.

Clause résolutoire de plein droit.- Les parties peuvent toutefois choisir d’aménager elles-mêmes les conséquences du non-paiement et convenant d’une clause résolutoire de plein droit. Une telle clause est licite par principe, mais elle est strictement encadrée par l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, qui met en place une procédure complexe. Il est à noter avant d’entrer dans les détails que la possibilité même de convenir d’une clause résolutoire de plein droit est encadrée par la loi de 1989, puisque celle-ci n’est licite qu’à propos de l’inexécution de quelques obligations seulement du locataire : le paiement du loyer et des charges, le versement du dépôt de garantie (art. 24) / l’obligation d’assurance, le non-respect de l’obligation d’user paisiblement des locaux loués (résultant de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée) (art. 4 g).

La clause ne peut en effet produire effet que deux mois après un commandement de payer rester infructueux.

Ce commandement est un acte extrajudiciaire, qui doit être signifié par huissier de justice, la signification marquant le point de départ du délai. C’est également un acte formaliste, au sens où il n’est valable que s’il contient les énonciations imposées par la loi, et notamment la reproduction des cinq premiers alinéas de l’article 24.

En ce qui concerne la caution, le commandement doit lui être signifié dans les quinze jours de la signification au locataire. À défaut, la loi prévoit que la caution ne peut être tenue des pénalités ou intérêts de retard.

Une fois le commandement signifié, un délai de deux mois s’ouvre durant lequel le locataire peut payer sa dette, négocier un plan d’apurement avec le bailleur ou saisir le juge pour obtenir des délais de paiement. Dans ce dernier cas, le juge se prononce dans les conditions des articles 1343-5 et s. nouv. c.civ. (art. 1244-1 et s. anc. c.civ.).

Avant 1998, ce délai était une sorte de délai de forclusion : une fois les deux mois écoulés, la clause jouait de plein droit, et le locataire, ne pouvant plus rien y faire, voyait son bail résilié et devait quitter les lieux. La loi du 29 juillet 1998 a évolué vers plus d’indulgence, dans un but de protection du droit au logement du locataire. Car une fois le délai de deux mois écoulé, le juge peut encore, et même d’office, précise le texte, accorder des délais au locataire pour s’acquitter de sa dette locative et rester dans les lieux. Aujourd’hui, il est peut être excessif de dire que la clause résolutoire joue « de plein droit ».

2.- L’entretien les lieux loués

Le locataire doit procéder à l’entretien courant du logement ainsi qu’aux réparations locatives.

L’innovation en matière de bail d’habitation est que les réparations locatives sont listées par un décret n° 87-712 du 26 août 1987. Le droit spécial est ici plus précis que le droit commun.

3.- La garantie des dégradations et pertes

Selon l’art. 7c, le locataire est obligé de « répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d’un tiers qu’il n’a pas introduit dans le logement ». [on assimile à la force majeure la vétusté].

Il s’agit d’un rappel de l’article 1735 c.civ. qui concerne la responsabilité du locataire en cas de dégradations commises par des « gens de sa maison ». Il faut ici y reporter les solutions du droit commun du bail (voy. l’article “Le bail de droit commun : les obligations du preneur à bail”). Rappelons qu’appartiennent à cette catégorie les personnes qui résident temporairement chez le preneur ou qui sont intervenues à titre professionnel sur sa demande, ce qui pour la jurisprudence, exclut les invités du preneur ou ses patients (cas d’un médecin titulaire d’un bail mixte).

La violation de cette obligation se constate le plus souvent en fin de bail, par comparaison de l’état des lieux d’entrée et de l’état des lieux de sortie.

4.- La souscription d’une assurance

Afin de préserver l’équilibre des relations entre bailleur et locataire, la loi impose au locataire de protéger le bailleur contre son insolvabilité. C’est la raison pour laquelle la loi oblige le preneur à s’assurer contre les risques dont il doit répondre en sa qualité de locataire et d’en justifier lors de la remise des clés puis, chaque année, à la demande du bailleur.

Cette justification résulte de la remise d’une attestation d’assurance (que les assureurs adressent en pratique chaque année en même temps que l’appel de prime).

Cette obligation est tellement importante que la loi autorise à ce que son inexécution soit l’objet d’une clause résolutoire de plein droit (art. 4 et 7).

La procédure est dans ce cas la suivante : la résiliation  ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Ce commandement reproduit, à peine de nullité, les dispositions de l’article 7g de la loi du 6 juillet 1989.

Il est à noter qu’il ne faut pas confondre assurance et attestation d’assurance. C’est l’obligation de s’assurer qui est l’objet de la résolution, et non l’obligation de présenter une attestation d’assurance. Le contrat ne peut pas être résilié si le preneur est assuré mais qu’il tarde à présenter son attestation. Réciproquement, la production d’une attestation d’assurance à l’instance ne permet pas d’éviter la résiliation au preneur qui n’était pas assuré au moment du commandement.

Le(s) prêt(s) : vue d’ensemble et consomptibilité

Premières vues.- L’idée de base est simple : le prêt est le contrat par lequel une personne, le prêteur, remet une chose à une autre, l’emprunteur, pour que celle-ci s’en serve puis la lui restitue.

Il s’agit d’un contrat très ancien : son ancêtre, le mutuum (une sorte de prêt de denrées ou d’argent), date de la fin de l’ancien droit romain, c’est à dire du début du IIIème siècle avant J.-C.

Le prêt ce sont : une chose, un prêteur, un emprunteur, un usage, une restitution… Malheureusement, l’analyse globale du contrat de prêt s’arrête là.

La législation qui nous occupe vient en droite ligne du droit romain, cela vient d’être dit. C’est à ce droit qu’on doit la grande distinction entre deux sortes de prêts (le commodatum et le mutuum) ainsi que leurs caractères essentiels. Le droit positif les a recueillis au terme d’une chaîne d’héritages sans déperdition ni rupture. L’Ancien droit a repris l’œuvre de Gaïus (jurisconsulte du IIe s., auteur des Institutes qui sont un manuel d’enseignement du droit romain à l’adresse des étudiants). Pothier a repris l’Ancien droit dans ses traités sur le prêt. Les rédacteurs du Code civil ont repris l’œuvre de Pothier. Les différences entre les enseignements de Pothier et les règles du Code civil sont rares et de peu d’importance. C’est dire que son traité demeure aujourd’hui encore une référence obligée chaque fois qu’il est nécessaire d’interpréter les dispositions du code ou d’en combler les silences (F. Grua, Juris-cl., art. 1874, Distinction entre le prêt à usage et le prêt de consommation).

Des branches, pas de tronc.- Le Code civil ne traite pas du prêt en général. Le titre X du Livre III du Code civil pourtant intitulé « Du prêt » au singulier ne comporte aucune disposition qui vaille de manière générale pour n’importe quel contrat de prêt. Au contraire, le législateur énonce d’emblée qu’il y a plusieurs sortes de prêts, en l’occurrence deux sortes de prêts : celui des choses que l’on peut user sans les détruire – le prêt à usage (ou commodat) – et celui des choses qui se consomment par l’usage qu’on en fait – le prêt de consommation (C.civ., art. 1874).

Le prêt est une opération pratique, commune et bien identifiée. Il consiste à remettre quelque chose à quelqu’un pour qu’il s’en serve, à charge de restitution. Et pourtant, il n’existe pas de droit commun du prêt, mais deux régimes différents, suivant que la chose prêtée est ou non consomptible. Le professeur Grua l’écrivait avec son sens de la formule : en la matière « il n’y a que des branches, il n’y a pas de tronc » (F. Grua, art. préc., n° 2).

Pour l’essentiel, le prêt à usage est conçu pour un service qui ne fait pas disparaître la chose prêtée, à la différence du prêt de consommation.

Critère de distinction – détermination. Le critère de la consomptibilité de la chose, retenu par le Code civil est douteux. Il correspond sans doute à ce que les parties ont le plus souvent voulu : lorsqu’une chose consomptible est prêtée, c’est généralement pour que l’emprunteur la consomme et, lorsqu’elle n’est pas consomptible, c’est généralement pour que l’emprunteur en fasse usage en épargnant la substance. Mais il y a des hypothèses où il n’en est pas ainsi. Il n’est pas impossible que la chose prêtée soit consomptible, mais que les parties aient préféré conclure un prêt à usage. Pothier cite l’exemple du comptable de deniers publics qui, pour pallier le déficit de sa caisse lorsque l’inspecteur passera, emprunte à un ami, à charge de restituer les mêmes espèces sitôt la vérification terminée. À l’inverse, il y a des hypothèses où la chose prêtée n’est pas consomptible, mais où pourtant les parties ont entendu se soumettre aux règles du prêt à la consommation. On cite ordinairement en ce sens, le cas du libraire qui emprunte un livre à un confrère pour ne pas manquer une vente (Marcadé, Explication théorique et pratique du Code civil, t. VIII, Des petites contrats, Delamotte, 2ème éd., 1877, n° 10).

Critère de distinction – fonction. La fonction du critère de distinction est de servir de présomption dans la recherche de la volonté des parties concertant les règles à appliquer au contrat qu’elles ont conclu. Telle est certainement la véritable signification de l’article 1874 : commander au juge de présumer que les parties ont entendu s’en remettre aux règles du code sur le prêt de consommation lorsque la chose prêtée est consomptible, ou aux règles sur le prêt à usage dans l’hypothèse contraire. Cela signifie que l’une ou l’autre des règles du code régissant le prêt peut être écartées toutes les fois que les parties l’ont exprimé ou qu’il s’en déduit clairement des circonstances.

Le critère de la consomptibilité peut donc être conservé, en dépit de son inexactitude, du moment qu’il correspond à la généralité des cas. Dans les hypothèses marginales où cette présomption n’exprime pas la vérité, cette dernière pourra être rétablie au moyen de la preuve de la volonté contraire des parties. À tout prendre, ce critère présomptif est certes approximatif, mais il vaut mieux que la recherche directe de la volonté des parties sur la nature du contrat que préconise un certain nombre d’auteurs, car il limite les risques d’interprétation divinatoire de cette volonté par les juges.

Le bail d’habitation : les obligations du bailleur

La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à l’amélioration des rapports locatifs met à la charge du bailleur diverses obligations, qui sont pour l’essentiel inspirées du droit commun.

Obligé de donner quittance des loyers au locataire qui le lui demande (et ce à titre gratuitement) (art. 21), le bailleur doit également délivrer la chose (1), garantir la jouissance du preneur à bail (2), entretenir la chose en bon état de réparations de toutes espèces (3) et, théoriquement, faire cesser les troubles de voisinage causés à des tiers par les personnes qui occupent le local donné à bail (4).

1.- L’obligation de délivrance

L’obligation de délivrance consiste pour le bailleur à transférer au locataire la jouissance de la chose. La remise des clefs du logement est le premier acte matériel d’exécution. L’intensité juridique de ladite obligation est plus marquée qu’en droit commun du bail. C’est que, dans le cas particulier, il importe au bailleur de délivrer un logement en bon état de réparations de toutes espèces. Les parties sont tout naturellement libres de convenir que le preneur prendra la chose dans l’état où elle se trouve, à charge pour ce dernier de procéder aux réparations qui s’imposent. Et la loi de préciser que les frais de réparations doivent être imputés sur le loyer (art 6 a). Il est à noter que cet aménagement conventionnel ne saurait jamais exonérer le bailleur de son obligation légale de donner à bail un logement décent (art. 6 a in fine). À défaut, le locataires est fondé à exiger une mise au normes du logement (art 20-1). Soit le bailleur s’exécute spontanément. Soit il peut être prié de s’exécuter via la saisine de la commission départementale de conciliation (art 20-1) ou bien sur l’injonction du juge du contrat.

La loi sur la solidarité et le renouvellement urbains du 13 décembre 2000 (qui a modifié l’article 1719 c.civ. et l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989)  a consacré le droit pour le locataire d’un logement loué à titre de résidence principale d’obtenir un logement décent, qui ne laisse apparaître aucun risque manifeste pouvant porter atteinte à la sécurité physique et à la santé, et qui soit doté d’éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation.

Les caractéristiques du logement décent sont définies par le décret du 30 janvier 2002. Les exigences sont ordonnées autour de quatre points essentiels. Le logement doit assurer le « clos et le couvert ». Pratiquement, le gros-œuvre et les ouvertures doivent être en suffisamment bon état pour protéger les locaux contre les infiltration d’eau, qu’elles soient dues à la remontée ou au ruissellement des eaux de pluies. Les dispositifs de retenue des personnes (ex. rambarde escalier) doivent être en bon état. Les matériaux de construction présents dans le logement ne doivent pas présenter de risque pour la santé du locataire (ex. plomb ou amiante). Les équipements d’électricité, de gaz, d’eau, de chauffage et de production d’eau chaude doivent être en bon état d’usage et répondre aux normes de sécurité définies par les lois et règlements.

La loi du 6 juillet 1989 définit le niveau minimum d’équipement et de confort (chauffage, eau potable, cuisine ou coin-cuisine, installation sanitaire intérieure au logement avec WC séparés de la cuisine ou de la pièce où sont pris les repas[1] et de quoi se laver, un réseau électrique. La loi détermine également un critère d’habitabilité minimale (une surface habitable d’au moins 9m2 avec hauteur sous plafond d’au moins 2,20 m ou bien un volume habitable au moins égal à 20m3).

2.- L’obligations de garantie

L’obligation de garantie est conforme à celle prescrite en droit commun du bail (voy. l’article : « Le bail de droit commun : les obligations du bailleur). Il importe au bailleur de garantir le locataire contre les vices cachés du logement et contre les troubles de droit émanant des tiers. Il s’oblige également à ne pas troubler lui-même la jouissance de son cocontractant. Concrètement, le bailleur ne peut en aucun cas pénétrer dans le logement loué à l’aide de ses propres clés pendant la durée de la location. Non seulement l’inexécution du contrat serait consommée, mais ces faits tomberaient par ailleurs sous le coup de la protection pénale du domicile [art. 226-4 c. pén.] et constitueraient une atteinte au droit à la vie privée garanti par l’article 9 c.civ.

3.- L’obligation d’entretien

Le bailleur est tenu « d’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués ». C’est la reprise pure et simple du droit commun du bail.

À noter que si, de son côté, le locataire a procédé à quelques aménagements, le bailleur ne saurait s’y opposer sauf s’il devait s’agir d’une transformation de la chose. Repeindre un mur ou changer le revêtement du sol est autorisé par exemple, à la différence de la pose d’une cloison, de l’ouverture d’une fenêtre ou bien encore de l’installation d’une piscine. Ces derniers travaux sont des transformations qui ne sauraient être faites sans le consentement du bailleur et qui, si elles venaient à être critiquées (c’est une condition bien entendu du retour au statut quo ante), supposeraient une remise en l’état.

Afin d’éviter tout litige, il est fréquent que le bail renseigne le locataire sur la procédure à suivre pour le cas où il souhaiterait faire quelques travaux. Si rien n’est stipulé dans le contrat, il est recommandé de demander l’autorisation écrite du bailleur. Le bon sens commande quand même de procéder spontanément au rafraîchissement du logement.

4.- L’obligations du bailleur envers le voisinage

Introduit par une loi du 5 mars 2007, l’article 6-1 de la loi du 6 juillet 1989 dispose qu’ « après mise en demeure dûment motivée, les propriétaires des locaux à usage d’habitation doivent, sauf motif légitime, utiliser les droits dont ils disposent en propre afin de faire cesser les troubles de voisinage causés à des tiers par les personnes qui occupent ces locaux ».

Ce texte est critiquable. D’abord, il n’est pas clair. En quoi consisterait par exemple le motif légitime de s’abstenir ? Ensuite, il est inutile. À ce jour, il n’a reçu qu’une seule application jurisprudentielle renseignée sur legifrance.gouv.fr (CA Fort de France, ch. civ., 25 mai 2012, n° 10/005321), le juge disposant en effet d’autres moyens de régler le problème. 1.- le tiers victime d’un trouble anormal de voisinage prenant sa source dans les lieux loués peut en demander réparation au propriétaire (ici responsable, indirectement, du fait de son locataire en ce que l’exercice – en tout point normal – de son droit de propriété cause un inconvénient excessif aux voisins) [v. par ex. : Cass. 3ème civ., 30 juin 2004, n° 03-11562, Bull. civ. III, n° 140). 2.- Le tiers victime de la mauvaise exécution d’un contrat est fondé à invoquer le bail au soutien de sa demande en réparation des chefs de dommages subis (Cass. Ass. plén., 06 oct. 2006, n° 05-13255, Bull. Ass. plén., n° 9).

[1] Cass. 3ème civ., 21 mars 2012, n° 11-14.838, Bull civ., D. 2012.879, note Y. Rouquet

Bailleur. – Obligations. – Délivrance. – Logement décent. – Définition.

En application de l’article 3 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux équipements d’un logement décent, l’installation sanitaire ne peut être limitée à un WC extérieur, fût-il dans le même bâtiment et facilement accessible, que si le logement ne comporte qu’une seule pièce ; tel n’est pas le cas d’un logement dont la cour d’appel a constaté qu’il comportait une pièce qu’elle a qualifiée de pièce principale ainsi qu’un mur intérieur de séparation.

Le bail d’habitation : contenu du contrat – les interdits

Le contenu du contrat de bail est strictement réglementé. La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 liste toute une série d’interdits relativement à la conclusion du contrat (1) et relativement au contenu du contrat (2).

1.- Interdictions relativement à la conclusion du contrat

La liste des pièces qui peuvent être demandées au candidat au bail sont définies par le décret n° 2015-1437 du 5 novembre 2015 fixant la liste des pièces justificatives pouvant être demandées au candidat à la location et à sa caution, décret pris en application de l’article 22-2 de la loi de 1989. Présenté autrement, voici ce qu’il est interdit de demander audit candidat au jour de la négociation du bail. Prévention de la discrimination oblige, les manquements à la loi sont punis d’une amende administrative, qui est prononcée par le préfet de département (au maximum 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale). Et l’article 22-2 de préciser 1.- que le montant de l’amende est proportionné à la gravité des faits constatés ; 2.- l’amende ne peut être prononcée plus d’un an à compter de la constatation des faits.

– Photographie d’identité, hormis celle de la pièce justificative d’identité

– Carte d’assuré social

– Copie de relevé de compte bancaire ou postal

– Attestation de bonne tenue de compte bancaire ou postal

– Attestation d’absence de crédit en cours

– Autorisation de prélèvement automatique

– Jugement de divorce

– Attestation du précédent bailleur indiquant que le locataire est à jour de ses loyers et charges, dès lors que le locataire peut présenter d’autres justificatifs

– Attestation de l’employeur dès lors qu’il peut être fourni le contrat de travail et les derniers bulletins de salaire

– Contrat de mariage

– Certificat de concubinage

– Chèque de réservation de logement

– Dossier médical personnel

– Extrait de casier judiciaire

– Remise sur un compte bloqué de biens, d’effets, de valeurs ou d’une somme d’argent correspondant à plus d’un mois de loyer en principal en l’absence du dépôt de garantie ou de la souscription de la garantie autonome prévue à l’article 2321 du code civil ;

– Production de plus de deux bilans pour les travailleurs indépendants ;

– Copie des informations contenues dans le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers ou de l’information de la non-inscription à ce fichier ».

2.- Interdictions relativement au contenu du contrat

Aux termes de l’article 4 de la loi de 1989, toute une série de clauses sont réputées non écrites. Il importe peu qu’elles soient formellement stipulées au contrat. Matériellement, elles ne sauraient valablement fonder le bailleur à prier le juge du contrat qu’il ordonne l’exécution forcée des obligations qu’elles pourraient contenir. Il est donc d’un maigre intérêt de les discuter au jour de la conclusion du contrat. Au contraire, pareille attitude pourrait faire douter le bailleur ou son représentant et l’inciter à se raviser… En bref, le preneur peut signer les yeux fermés pour ainsi dire. Attention toutefois à la clause de prix et à la clause de destination (not). Dit autrement, il ne saurait jamais être obligé par une clause quelconque réputée non écrite par l’article 4 de la loi de 1989 peu important qu’il ait attesté avoir pris connaissance des conditions générales du contrat, qu’il ait écrit ses initiales sur chacune des pages et qu’il ait apposé sa signature.

Est réputée non écrite toute clause :

a) Qui oblige le locataire, en vue de la vente ou de la location du local loué, à laisser visiter celui-ci les jours fériés ou plus de deux heures les jours ouvrables ;

b) Par laquelle le locataire est obligé de souscrire une assurance auprès d’une compagnie choisie par le bailleur ;

c) Qui impose comme mode de paiement du loyer l’ordre de prélèvement automatique sur le compte courant du locataire ou la signature par avance de traites ou de billets à ordre ;

d) Par laquelle le locataire autorise le bailleur à prélever ou à faire prélever les loyers directement sur son salaire dans la limite cessible ;

e) Qui prévoit la responsabilité collective des locataires en cas de dégradation d’un élément commun de la chose louée ;

f) Par laquelle le locataire s’engage par avance à des remboursements sur la base d’une estimation faite unilatéralement par le bailleur au titre des réparations locatives ;

g) Qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat en cas d’inexécution des obligations du locataire pour un motif autre que le non-paiement du loyer, des charges, du dépôt de garantie, la non-souscription d’une assurance des risques locatifs ou le non-respect de l’obligation d’user paisiblement des locaux loués, résultant de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée ;

h) Qui autorise le bailleur à diminuer ou à supprimer, sans contrepartie équivalente, des prestations stipulées au contrat ;

i) Qui autorise le bailleur à percevoir des amendes ou des pénalités en cas d’infraction aux clauses d’un contrat de location ou d’un règlement intérieur à l’immeuble ;

j) Qui interdit au locataire l’exercice d’une activité politique, syndicale, associative ou confessionnelle ;

k) Qui impose au locataire la facturation de l’état des lieux de sortie dès lors que celui-ci n’est pas établi par un huissier de justice dans le cas prévu par l’article 3-2 ;

l) Qui prévoit le renouvellement du bail par tacite reconduction pour une durée inférieure à celle prévue à l’article 10 ;

m) Qui interdit au locataire de rechercher la responsabilité du bailleur ou qui exonère le bailleur de toute responsabilité ;

n) Qui interdit au locataire d’héberger des personnes ne vivant pas habituellement avec lui ;

o) Qui impose au locataire le versement, lors de l’entrée dans les lieux, de sommes d’argent en plus de celles prévues aux articles 5 et 22 ;

p) Qui fait supporter au locataire des frais de relance ou d’expédition de la quittance ainsi que les frais de procédure en plus des sommes versées au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile ;

q) Qui prévoit que le locataire est automatiquement responsable des dégradations constatées dans le logement ;

r) Qui interdit au locataire de demander une indemnité au bailleur lorsque ce dernier réalise des travaux d’une durée supérieure à vingt et un jours ;

s) Qui permet au bailleur d’obtenir la résiliation de plein droit du bail au moyen d’une simple ordonnance de référé insusceptible d’appel ;

t) Qui impose au locataire, en surplus du paiement du loyer pour occupation du logement, de souscrire un contrat pour la location d’équipements.

Une question demeure : cette liste est-elle exhaustive ? Le législateur ne l’indique pas. Une réponse négative semble devoir être donnée : ordre public de protection oblige. Sur cette pente, il peut être soutenu que le législateur ne légiférant qu’à raison des hypothèses rencontrées les plus fréquemment pendant que, dans le même temps, les cocontractants ne se reposent jamais, l’économie générale de l’article 4 serait réduite à la portion congrue si le juge du contrat devait être empêché d’écarter une clause non spécialement visée par le législateur mais manifestement en contravention avec l’esprit de la loi. Il faut bien voir de surcroît que si le système de la liste présente l’avantage de la prévisibilité, une pareille liste est vite gagnée par obsolescence… C’est bien ainsi qu’on raisonne en droit de la consommation. Voyez toutefois pour une interprétation stricte, mais isolée, de l’article 4 de la loi du 6 juillet 1989, Cass. 3ème civ., 08 janv. 1997, n° 95-10339, Bull. civ. III, n° 8)

Le bail d’habitation : contenu du contrat – les impératifs

Le contenu du contrat de bail est strictement réglementé. La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 prescrit toute une série d’impératifs relativement à la durée du contrat (1), au prix du contrat (2) et aux mentions et annexes qui participent du contrat de bail (3).

1.- La durée du contrat

Détermination.- Si le bailleur est une personne physique, le contrat est conclu pour une durée minimale de 3 ans tandis que si le bailleur est une personne morale (une entreprise pour le dire très simplement), le contrat est nécessairement conclu a minima pour 6 années (art. 10). En la matière, la notion de bailleur personne physique est comprise très largement : si le contrat de bail est conclu avec une société civile immobilière (familiale) – c’est-à-dire une personne morale – la durée impérative est de 3 années. La solution est identique si la chose donnée à bail est un bien indivis.

Reconduction.- Désireux de garantir le preneur à bail, le législateur a strictement encadré les modalités de résiliation du contrat à l’initiative du bailleur. L’article 10, al. 2 dispose en ce sens « si le bailleur ne donne pas congé dans les conditions de forme et de délai prévues à l’article 15 (le congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux comme, par exemple, le défaut de paiement du loyer), le contrat de location parvenu à son terme est soit reconduit tacitement, soit renouvelé ». Et si, aucune initiative n’est prise au terme du contrat, le preneur reste en place pour une durée égale à la durée initiale (3 ou 6 ans).

Renouvellement.- Le bailleur peut préférer continuer la relation contractuelle avec le locataire. Dans ce cas de figure, il adresse au locataire une offre de renouvellement, qui s’analyse en une offre de nouveau bail à des conditions différentes de l’ancien (relativement au prix en pratique). L’offre de renouvellement concernant le plus souvent le loyer, on l’envisagera dans un article intitulé « Le bail d’habitation des logements non meublés : les obligations du preneur ». En tout état de cause, si le bail est renouvelé, il est soumis aux prescriptions de durée de l’art. 10 : 3 ou 6 ans.

Dérogations.- Protection (de la sécurité) du preneur à bail oblige – c’est le sens de la loi –, les durées minimales de 3 et 6 ans sont d’ordre public. Les parties ne sauraient donc y déroger valablement. Cela étant, il faut bien avoir à l’esprit que rien ne les empêchent de prévoir une durée plus longue. La loi dit en ce sens, pour faciliter sa compréhension, que la durée du contrat est au moins de 3 ou 6 ans. Il existe cependant une possibilité de réduire la durée légale (art. 11). Cette possibilité, extrêmement limitative, n’est ouverte qu’au bailleur personne physique, qui peut conclure un bail de 1 à 3 ans si un événement précis justifie qu’il ait à reprendre le local pour des raisons personnelles ou familiales (ex. départ à la retraite, retour en France après une mission à l’étranger, logement de l’un de ses enfants). Le contrôle des tribunaux est strict. Pour obtenir la libération du logement, le bailleur doit confirmer deux mois avant la fin de la durée réduite la réalisation de l’événement, qui a motivé la conclusion du bail dérogatoire. Il faut qu’il puisse en rapporter la preuve. Si l’événement ne s’est pas produit, ou s’il n’a pas été notifié dans les formes, le bail se poursuit dans les conditions de la loi : 3 ans. Si l’événement est différé, le bailleur peut, dans les mêmes formes, mais une seule fois, proposer le report de la fin du bail.

2.- Le prix du contrat

Encadrement.- Imposés, libérés, encadrés, voilà une devise qui ne dit pas son nom mais qui atteste combien l’arbitrage des intérêts légitimes mais contradictoires des bailleur et preneur à bail est compliqué à faire (voy. l’article : « Le bail d’habitation des logements non meublés – contrat vs statut »). Aux terme de la loi no 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), le législateur renoue avec l’encadrement des loyers (v. aussi D. n° 2012-894, 20 juill. 2012). Pour échapper sans doute à la censure du Conseil constitutionnel, plus précisément au grief tiré de la violation du principe de liberté contractuelle, les loyers ne sauraient être encadrés en général, mais bien plutôt dans les seules « zones d’urbanisation continue de plus de 50.000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant (art. 17) ». Auparavant, et il n’est pas inutile d’en dire un mot tant les intentions du législateur sont belles et les réalisations déceptives, la loi distinguait les logements pour lesquels le loyer était fixé librement (art. 17a) et ceux pour lesquels le loyer était fixé par référence aux loyers pratiqués dans le voisinage (art. 17b). Seulement voilà, l’art. 17b ne prévoyait son application que jusqu’au 31 juillet 1997, date à laquelle devait être présenté un rapport d’exécution par le gouvernement en vue de décider de la suite des événements en comparant l’évolution des loyers des deux secteurs… ledit rapport n’ayant jamais été présenté, aucune décision n’a été prise… si bien qu’à compter du 31 juillet 1997, la fixation de tous les loyers était redevenue libre ! On comprendra mieux l’objet de la réforme !

Le décret n° 2019-315 du 12 avril 2019 (pris en application de l’article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) et un arrêté préfectoral du 28 mai 2019 prévoient l’application d’un loyer de référence pour chaque bail signé sur le territoire de la ville de Paris à partir du 1er juillet 2019. Ce loyer de référence est fixé en fonction du type du logement, de la localisation et de l’année de construction de l’immeuble.

Blocage.- L’article 18 met en place un régime de crise en autorisant le pouvoir réglementaire à fixer annuellement le montant maximal d’évolution des loyers sur une partie du territoire. Le blocage ne concerne que le loyer des locaux vacants et les loyers de renouvellement. Ces décrets interdisent le plus souvent toute augmentation. Le dernier texte réglementaire en date est le décret n° 2018-549 du 28 juin 2018 relatif à l’évolution de certains loyers dans le cadre d’une nouvelle location ou d’un renouvellement de bail.

Révision.- Il est possible d’indexer le loyer (art. 17-1), la révision intervenant annuellement, à la date convenue entre les parties ou à la date anniversaire du contrat. L’indice choisi est libre, mais la variation qui en résulte ne peut excéder celle de l’indice de référence des loyers publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques (IRL – moyenne, sur les douze derniers mois, de l’évolution des prix à la consommation hors loyers et hors tabac). L’idée est, pour le législateur, de trouver des indices minorant le plus possible l’évolution des loyers, ce qui est délicat en période de crise, d’où la succession des réglementations sur le sujet.

Renouvellement.- Un bail renouvelé est un nouveau bail. Une nouvelle fixation du loyer peut donc intervenir à cette occasion. Elle est réglementée par l’art. 17-2. Le principe est d’abord qu’une réévaluation du loyer n’est envisageable que si le loyer du bail en cours est manifestement sous-évalué. Dans ce cas, et dans ce cas seulement, le bailleur peut adresser au locataire une offre de renouvellement, qui doit intervenir au plus tard six mois avant la date d’expiration du bail. La sanction est la nullité de l’offre. Pour éviter que le locataire soit contraint d’accepter l’offre ou de partir, la loi interdit au bailleur qui souhaite la réévaluation de donner congé pour la même date. L’offre doit contenir, à peine de nullité, le montant du loyer proposé ainsi que la mention de trois loyers de références représentatifs des loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables (art. 17-2, I, al. 5). Ce sont 6 loyers de références qu’il faut présenter lorsque le logement se situe dans une agglomération de plus d’un million d’habitants listée par décret (al. 6).

À la réception de l’offre, de deux choses l’une : soit le locataire est d’accord pour conserver le logement : le bail est renouvelé au terme, aux nouvelles conditions ; soit le locataire manifeste son désaccord ou ne répond pas dans les deux mois – ce qui est équivalent à un désaccord (qui ne dit mot ne consent pas). – Dans ce second cas de figure, le bailleur doit saisir la commission départementale de conciliation (instance paritaire composée de représentants des bailleurs et de représentants des locataires). Si la conciliation est un succès, le bail est renouvelé aux conditions de la conciliation. Si la conciliation échoue, le bailleur doit saisir le tribunal d’instance avant le terme du bail, qui fixera le loyer de renouvellement par voie judiciaire. Si le juge n’est pas saisi avant le terme du bail, celui-ci est tacitement reconduit au loyer initial.

3.- Les mentions et annexes

3.a.- Les mentions obligatoires (art. 3)

« Le contrat de location est établi par écrit. Il respecte un contrat type défini par décret en Conseil d’Etat, en l’occurrence le décret n° 2015-587 du 29 mai 2015 relatif aux contrats types de location de logement à usage de résidence principale. A noter que chaque partie peut exiger de l’autre partie, à tout moment, l’établissement d’un contrat conforme à l’article 3 de la loi de 1989.

A noter encore, mais la remarque est de nature méthodologique, que l’article 3 a été notablement corrigé par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique. Ceci pour rappeler qu’il importe en toute circonstance de consulter le site Internet proposé par le service public de diffusion du droit en ligne www.legifrance.gouv.fr et de ne jamais se limiter à la consultation des éditions papiers des codes publiés par les éditeurs juridiques.

Il doit préciser :

1° Le nom ou la dénomination du bailleur et son domicile ou son siège social ainsi que, le cas échéant, ceux de son mandataire ;

2° Le nom ou la dénomination du locataire ;

3° La date de prise d’effet et la durée ;

4° La consistance, la destination ainsi que la surface habitable de la chose louée, définie par le code de la construction et de l’habitation ;

5° La désignation des locaux et équipements d’usage privatif dont le locataire a la jouissance exclusive et, le cas échéant, l’énumération des parties, équipements et accessoires de l’immeuble qui font l’objet d’un usage commun, ainsi que des équipements d’accès aux technologies de l’information et de la communication ;

6° Le montant du loyer, ses modalités de paiement ainsi que ses règles de révision éventuelle ;

7° (Abrogé) ;

8° Le montant et la date de versement du dernier loyer appliqué au précédent locataire, dès lors que ce dernier a quitté le logement moins de dix-huit mois avant la signature du bail ;

9° La nature et le montant des travaux effectués dans le logement depuis la fin du dernier contrat de location ou depuis le dernier renouvellement du bail ;

10° Le montant du dépôt de garantie, si celui-ci est prévu.

3.b.- Les annexes impératives (art. 3-2)

Un état des lieux doit être établi et nécessairement annexé au contrat de bail (art. 3-2, al. 1 in fine). Si aucun état des lieux n’est fait, le preneur est présumé avoir pris le logement en bonne état de réparations locatives  (application du droit commun du bail, droit de substitution, en l’occurrence l’article 1731 c.civ. Voy. l’article « Le bail de droit commun… »). La présomption ne saurait toutefois profiter à la partie qui a fait obstacle à l’établissement de l’état des lieux ou bien à la remise de l’acte. Disons concrètement que le bailleur, qui sait qu’il y a matière à redire sur le logement donné à bail, ne saurait profiter de la présomption précitée pour la seule raison qu’il se serait bien gardé de faire un état des lieux !

Cette question de l’état des lieux est source d’un abondant contentieux. Le législateur s’en est donc préoccupé. L’article 3-2 fixe les règles applicables en la matière. Il importe aux parties d’établir contradictoirement et amiablement un état des lieux. Elles peuvent procéder en personnes ou bien par un tiers mandaté à cet effet. Si l’état des lieux ne peut être établi de cette manière, qui est relativement simple, il est établi par un huissier de justice sur l’initiative de la partie la plus diligente. Dans ce cas de figure, les frais (qui sont fixés par décret) sont partagés par moitié entre le bailleur et le locataire. Toute clause contraire serait réputée non écrite (art. 4 k). Et la loi de réserver au preneur à bail la possibilité de demander au bailleur que l’état des lieux d’entrée soit complété dans les 10 jours qui suivent son établissement. Quelle est l’idée ? Eh bien qu’une fois installé dans le logement, les préoccupations du déménagement derrière lui et la jouissance de la chose entamée, le locataire puisse notifier tel ou tel défaut, qui n’avait pas été relevé, défaut pourrait lui être imputé à faute à l’occasion de la restitution de la chose. Une possibilité identique est prévue dans le premier mois de la période de chauffe de l’immeuble. Si le bailleur s’oppose à cette correction de l’état des lieux, le locataire est alors fondé à saisir la commission départementale de conciliation territorialement compétente (ressort : le département).

Les diagnostics techniques doivent également être annexés au contrat de bail. L’article art. 3-3 est explicite : « Un dossier de diagnostic technique, fourni par le bailleur, est annexé au contrat de location lors de sa signature ou de son renouvellement et comprend :

1° Le diagnostic de performance énergétique prévu à l’article L. 134-1 c. constr. hab.

2° Le constat de risque d’exposition au plomb prévu aux articles L. 1334-5 et L. 1334-7 c. santé publ.

3° Une copie d’un état mentionnant l’absence ou, le cas échéant, la présence de matériaux ou produits de la construction contenant de l’amiante (…)

4° Un état de l’installation intérieure d’électricité et de gaz, dont l’objet est d’évaluer les risques pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes. Un décret en Conseil d’Etat définit les modalités d’application du présent 4° ainsi que les dates d’entrée en vigueur de l’obligation en fonction des enjeux liés aux différents types de logements, dans la limite de six ans à compter de la publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

Dans les zones mentionnées au I de l’article L. 125-5 c. envir., le dossier de diagnostic technique est complété à chaque changement de locataire par l’état des risques naturels et technologiques.

Le dossier de diagnostic technique est communiqué au locataire par voie dématérialisée, sauf opposition explicite de l’une des parties au contrat.

Le locataire ne peut se prévaloir à l’encontre du bailleur des informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique, qui n’a qu’une valeur informative.

Le propriétaire bailleur tient le diagnostic de performance énergétique à la disposition de tout candidat locataire.

Une notice d’information relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs ainsi qu’aux voies de conciliation et de recours qui leur sont ouvertes pour régler leurs litiges est annexée au contrat de location.Un arrêté du ministre chargé du logement, pris après avis de la Commission nationale de concertation, détermine le contenu de cette notice.

Le bail d’habitation : forme du contrat

Nécessité d’un écrit.- La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 impose que le contrat de bail soit dressé par écrit (art. 3). La portée de l’exigence est pourtant incertaine car un bail verbal n’est pas nul pour peu qu’il ait été exécuté (Cass. 3ème civ., 7 février 1990, n° 88-16225, Bull. civ. III, n° 40).

Pour autant la question de la preuve ne se posera pas dans les mêmes termes qu’en droit commun, puisque « chaque partie peut exiger, à tout moment, de l’autre partie, l’établissement d’un contrat conforme aux dispositions du présent article » (art. 3, dernier al.).

La loi no 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) n’aborde pas frontalement la question sous étude. L’article 3 a pourtant été modifié en ces termes : « Le contrat de location est établi par écrit (le donné) et respecte un contrat type défini par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de concertation (le construit). L’interrogation demeure.

Il semble que la solution passée doive pouvoir être reconduite. Un décret n° 2015-587 du 29 mai 2015 définit ces fameux contrats types. Afin de clarifier et sécuriser les rapports locatifs, le contrat type précise les mentions obligatoires (v. annexe 1). Il est applicable au 1er août 2015 pour les locations nues et les meublés (v. annexe 2).

Frais d’établissement.- Les frais d’établissement du contrat (à ne pas confondre avec les honoraires du mandataire dus en raison de la recherche d’un logement et des visites organisées entre autres prestations) sont partagés par moitié entre les deux parties (art. 5).

Le bail d’habitation : domaine d’application de la loi

Les règles prescrites par la loi n° du 6 juillet 1989 tendant à l’amélioration des rapports locatifs forment un statut impératif, qui déroge à plusieurs égards au droit commun du bail (voy. not. l’article « Le bail de droit commun : les conditions de formation »). Il importe donc de bien circonscrire le domaine d’application de la loi.

La consultation de l’article 2 de la loi de 1989 dit tout : « les dispositions du présent titre (…) s’appliquent aux locations de locaux à usage d’habitation principale ou à usage mixte professionnel et d’habitation principale ainsi qu’aux garages, places de stationnement, jardins et autres locaux, loués accessoirement au local principal par le même bailleur. Et la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové de préciser « La résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l’habitation ».

1.- Rentrent dans le champ d’application de la loi

– Les baux de locaux à usage d’habitation principale ou à usage mixte professionnel et d’habitation principale, ainsi qu’à tous les locaux qui leurs sont adjoints à titre accessoire

2.- Sont exclus de la majorité des dispositions de la loi

– Les locations saisonnières (sauf art. 3-1 : dossier de diagnostic technique)

– Les logements foyers (sauf art. 6 al. 1 et 2 [logement décent] + 20-1 [remise aux normes])

– Les logements meublés (mêmes réserves) – exclusion du seul titre 1er de la loi du 6 juill. 1989

– Les logements de fonction (même réserves)

3.- Sont totalement exclus des dispositions de la loi

– Les baux uniquement professionnels (logement attribué ou loués en raison de l’exercice d’une fonction ou de l’occupation d’un emploi, aux locations consenties aux travailleurs saisonniers

– Les baux de résidence secondaire

– Les baux consentis à une personne morale

Le bail d’habitation : logement non meublé – Du contrat au statut

Contrat vs statut.- Les baux de logements vides ont d’abord été soumis au droit commun des contrats : autonomie de la volonté oblige. A l’origine, les quelques règles particulières aux baux à loyers sont bien loin de suffire à former un statut, c’est-à-dire un ensemble cohérent de règles applicables à une catégorie de personnes qui en déterminent, pour l’essentiel, la condition et le régime juridique.

Le 11 novembre 1918, à 5h15 du matin, on signe l’armistice dans le train d’État-major du maréchal Foch. La France pleure ses morts ; elle dénombre ses destructions. Jamais guerre n’a causé plus de dégâts. La pénurie de logements gagne vite. L’offre de logements ne permet pas de satisfaire la demande. Le montant des loyers proposés interdit aux plus modestes de se loger. À compter du 9 mars 1918, le législateur, au gré des circonstances, s’emploie à renforcer la stabilité des locataires et des prix. L’édiction progressive d’un droit au logement locatif ravale les dispositions du Code civil au rang de règles résiduelles.

Berlin, le 8 mai 1945, il est 23h01, on signe l’armistice de la 2nde guerre mondiale : mêmes causes, mêmes effets. De nombreux immeubles sont démolis. Pendant que de nombreux autres sont saturés d’occupants, un certain nombre de propriétaires préfèrent conserver leurs immeubles libres de toute occupation en raison du blocage antérieur des loyers. Quant à la construction de logements neufs, elle a été stoppée pour fait de guerre. La loi du 1er septembre 1948 est votée. Légiférant dans l’urgence, dans le dessein de gérer la pénurie de logements, le législateur a grand peine à placer convenablement le curseur entre les intérêts légitimes mais contradictoires des preneurs à bail et des bailleurs.

Koweït city, le 17 octobre 1973 (1er choc pétrolier), Téhéran, 8 septembre 1978 (2ème choc pétrolier), les pays arables exportateurs de pétroles réduisent leur production. La crise économique est mondiale. Tous les secteurs de l’économie sont impactés ; le secteur du bâtiment n’y échappe pas. L’histoire se répète. Il en est résulté une nouvelle raréfaction des logements locatifs ainsi qu’une augmentation des loyers.

Bis repetita : le législateur remet son ouvrage sur le métier. Se succéderont trois lois princeps, qui diront respectivement tout des obligations du bailleur et du preneur, la dernière d’entre elles ayant été depuis lors notablement complétée.

Loi n° 82-526 du 22 juin 1982 relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs.

Loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière.

Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

Ordre public de protection.- Les baux soumis à la loi n° 48-1360 du 1 septembre 1948 (portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement) obéissent à une législation d’ordre public de protection pour le moins singulier : non seulement le locataire est créancier d’un droit au maintien dans les lieux sans limitation de durée – à tout le moins tant que l’intéressé répond aux conditions de la loi (art. 4) –, mais le prix des loyers des locaux est déterminé par le législateur (art. 26) ! Et s’il importe de dire quelques mots de cette loi, qui pourrait passer pour datée, c’est précisément parce qu’elle encore de droit positif. Au reste, et c’est remarquable, elle a conduit à faire des immeubles soumis au statut un « secteur privé à caractère social ». Autant dire qu’on flirte avec la contradiction in terminis, l’oxymore. Comprenez bien qu’aux termes de ce statut, ce sont les propriétaires privés qui supportent le coût social de la législation. C’est suffisamment original pour être souligné.

Géographiquement, l’article 1er de la loi est explicite. Sont soumis les immeubles situés dans les communes les plus peuplées : Paris, primus inter partes. Matériellement, la loi s’applique, en principe, aux seuls locaux construits avant le 1er septembre 1948 (art. 3) pour peu qu’ils soient affectés à l’habitation ou à un usage mixte sans caractère commercial, artisanal ou rural. L’idée du législateur est la suivante : au vu du statut dérogatoire du droit commun, imposé par la loi de 1948, lequel a perdu beaucoup de sa justification, les investisseurs ont grandement intérêt à construire pour échapper à l’application de la loi.

Plusieurs méthodes ont été adoptées pour sortir du régime de 1948. En voilà une : la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière, dispose : « les locaux vacants à compter du 23 décembre 1986 ne sont plus soumis à la loi du 1er sept. 1948 (art. 25). Heureux le propriétaire qui prend connaissance du congé de son locataire ou de sa mort…

À compter des années 1960 (1962 précisément), on observe un reflux progressif de l’application de loi de 1948. Par voie de conséquence, le droit commun des contrats retrouve son emprise. La conjoncture n’a pourtant pas fondamentalement changée : l’offre reste très inférieure à la demande ; les loyers sont élevés et les baux de courte durée. Confronté à la précarité trop grande des locataires, le législateur est une nouvelle fois sommé de légiférer. Soucieux de concilier des intérêts antagonistes, le législateur accorde aux propriétaires plus de latitude. Pour ce faire, il s’emploie à les distraire du régime sévère et critiqué auxquels les bailleurs sont soumis. Mais il impose, en contrepartie, l’entretien de la chose à l’usage auquel on la destine et le maintien dans les lieux du preneur à bail. Ainsi, des baux dérogatoires sont aménagés. La loi du 1er septembre 1948 en porte la trace dans ces premiers articles.

La loi Quillot du 22 juin 1982 rel. aux droits et obligations des locataires et bailleurs restaure l’équilibre rompu au profit des locataires, auxquels elle confère un « droit à l’habitat ». Ce sera révolutionnaire. C’est de cette époque que date l’idée, constante depuis lors, de prévoir que le locataire pourra mettre fin au contrat quand il le souhaite tandis que le bailleur ne pourra le faire que dans des conditions très limitatives. L’idée maîtresse est de corriger le marché en instaurant dans le contrat un déséquilibre en faveur du locataire. Il faut comprendre que ce déséquilibre est inéluctable si l’on souhaite apporter des garanties minimales aux locataires.

Cette loi ne survivra pas au retour de la droite au pouvoir en 1986. Comprenez bien que le droit du logement locatif est un droit des extrêmes pour reprendre l’expression consacrée dans le précis Dalloz. La tâche du législateur est redoutable. Il lui faut concilier l’économie et le social, les intérêts du propriétaire et ceux du locataire. Pour ce faire, il importe de discipliner la loi du marché. Faire pencher la balance du côté du locataire, c’est freiner l’investissement locatif et alimenter la crise du logement. Faire pencher la balance du côté du propriétaire, c’est autoriser la conclusion de baux par trop déséquilibrés. On dit de la critique qu’elle est facile et de l’art qu’il est difficile. L’art du juste et du bien n’est pas chose aisée (Celse : jus est ars boni et aequi – 1ère phrase du Digeste (VIe s. ap. JC). C’est la raison pour laquelle, il faut beaucoup de mesure(s) dans la recherche de la justice. La survie du groupe, le maintien de son organisation, sa cohérence, l’ordre en dépend.

La loi Méhaignerie du 23 décembre 1986 revient sur les avancées de la loi Quillot en redonnant des prérogatives importantes aux propriétaires et en gommant le droit à l’habitat. Elle sera immédiatement abrogée dès le retour de la gauche au pouvoir.

La loi Mermaz n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi du 23 décembre 1986 est la loi sous l’empire de laquelle les rapports de nombre de locataires et de propriétaires sont placés. La loi a tiré les leçons du passé. Le législateur voulut sa loi d’équilibre. Ont été concilié d’une part, le droit au logement du locataire, d’autre part, le droit de propriété du bailleur.

Droit au logement. Quant à la loi du 6 juillet 1989, elle proclame dans un article premier le droit au logement. Qualifié de fondamental, le Conseil constitutionnel a élevé ce dernier droit au rang d’objectif constitutionnel (Décision n° 94-359 DC). La portée juridique d’une telle norme est indécise. Un peu moins peut-être depuis la loi n° 2007-590 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable qui a complété le code de la construction et de l’habitation …(art. L. 300-1 : Le droit à un logement décent et indépendant (…) est garanti par l’Etat à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d’Etat, n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir).