Contrat de service, le dépôt est par nature un contrat déséquilibré : les obligations du dépositaire sont plus contraignantes que celles du déposant (voy. l’article « Le dépôt : les obligations du déposant »). Il s’agit ici encore d’un contrat synallagmatique imparfait (voy l’article « Le prêt à usage : les obligations du prêteur).
Le dépositaire doit garder la chose (1) et la restituer (2).
1.- L’obligation de garde
Le dépositaire est dans une situation de devoir sans pouvoir : il doit servir la chose, sans jamais pouvoir en bénéficier. Ceci lui impose des obligations négatives et des obligations positives.
1.1.- Obligations négatives
Ne pas user de la chose.- L’interdiction est fondamentale : le dépositaire n’a pas le droit de se servir de la chose (art. 1930 c.civ.), sauf convention contraire. Il engage à défaut non seulement sa responsabilité civile, mais également sa responsabilité pénale, pour abus de confiance (art. 314-1 c. pén.). A fortiori, l’art. 1936 c.civ. interdit également au dépositaire de consommer les fruits.
La seule exception réside dans le dépôt de choses de genre, dit dépôt irrégulier : la fongibilité des choses déposées empêche de les distinguer de celles du déposant et la restitution ne peut se concevoir qu’in specie… ce qui commande un transfert de propriété qui confère au dépositaire un droit d’usage.
Ne pas forcer le secret du dépôt.- L’art. 1931 c.civ. interdit au dépositaire d’un objet ou d’une enveloppe de l’ouvrir pour en percer le contenu.
1.2.- Obligations positives
Garder la chose.- L’obligation principale du dépositaire est de garder la chose, c’est-à-dire d’en prendre soin et de la garantir de toute menace telle que le vol, la perte ou la dégradation. Il est tenu également d’entretenir la chose si sa conservation nécessite un tel entretien. Ex. le dépositaire d’un animal est tenu de le nourrir. Il sera par la suite indemnisé de ces dépenses, mais il a l’obligation de les effectuer quitte à avancer les fonds.
De même, le dépositaire est tenu de percevoir les fruits de la chose au profit du déposant (art. 1936 c.civ.). Il en est comptable comme de la chose même. (ex. le dépositaire d’une vache laitière est tenu de la traire et de remettre le lait – ou le produit de sa vente – au déposant).
La responsabilité du dépositaire.- Il s’agit là encore d’une question faussement complexe. Voici les textes :
– Article 1927 : « Le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu’il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent. » : suggère une obligation de moyens, i.e. une responsabilité pour faute prouvée.
– Article 1928 : « La disposition de l’article précédent doit être appliquée avec plus de rigueur :
1° si le dépositaire s’est offert lui-même pour recevoir le dépôt ;
2° s’il a stipulé un salaire pour la garde du dépôt ;
3° si le dépôt a été fait uniquement pour l’intérêt du dépositaire ;
4° s’il a été convenu expressément que le dépositaire répondrait de toute espèce de faute. » : explique comment mesurer la faute.
– Article 1933 : « Le dépositaire n’est tenu de rendre la chose déposée que dans l’état où elle se trouve au moment de la restitution. Les détériorations qui ne sont pas survenues par son fait sont à la charge du déposant. ». Le texte suggère une obligation de résultat, i.e. une responsabilité pour faute présumée.
On en déduit couramment que le dépositaire est tenu d’une obligation de résultat atténuée quant à la garde de la chose, i.e. que sa responsabilité est présumée, mais qu’il peut lui échapper en démontrant qu’il n’a pas commis de faute.
L’idée d’une responsabilité renforcée du dépositaire n’est certainement pas la bonne. Mieux vaut y voir une simple présomption de faute justifiée par la vraisemblance. Le dépositaire étant chargé de garder la chose, sa dégradation fait présumer une faute dans la garde, présomption simple que la loi reprend à son compte. Si l’on s’accorde pour dire que le dépositaire est tenu que d’une obligation de moyens, il s’infère des textes que l’intensité juridique de son obligation de moyens va crescendo à mesure que l’intérêt du dépositaire pour la garde grandi. Dit autrement, la loi est plus ou moins sévère selon que le contrat est gratuit ou non. Concrètement, l’indulgence ou la sévérité se manifeste au travers de l’appréciation de la faute. Le dépositaire gratuit voit sa faute appréciée relativement à ses habitudes personnelles. Il doit dès lors apporter à la chose les mêmes soins que ceux qu’il apporterait à une chose lui appartenant (art. 1927 c.civ.). Il en va autrement si un prix a été stipulé en contrepartie de la garde. Dans ce dernier cas, le dépositaire salarié verra sa faute appréciée par rapport au standard de conduite du bon père de famille, c’est-à-dire une personne raisonnable (pas absolument mais replacée dans le cas de figure). En bref, et dans le cas particulier, il doit apporter à la chose les mêmes soins qu’un dépositaire normalement avisé (art. 1928 c.civ.).
Risques de la chose.- Res perit domino : le dépositaire ne répond pas de la perte de la chose par cas fortuit ; mais s’il a reçu une indemnité (ex. assurance) en contrepartie de cette perte, il droit la restituer au déposant (art. 1934). À reprendre pour bien distinguer le droit commun du droit du dépôt, qui entend du dépositaire qu’il assume les risques de la chose.
2.- L’obligation de restitution
La restitution doit s’effectuer entre les mains du déposant, de son mandataire, de la personne qu’il a désigné (indication de paiement) ou, s’il est mort, de ses héritiers. En gros, la restitution doit être faite au déposant ou à son avatar !
La chose doit être restituée à l’identique (sauf dépôt irrégulier), et dans l’état où elle se trouve dans les mains du dépositaire (art. 1933 c.civ.). Si la chose est dégradée, sa responsabilité est engagée, mais pas au titre de l’obligation de restitution : c’est l’obligation de garde qui est en jeu. Les tribunaux confondent souvent ces deux obligations.
La chose doit être restituée à première demande du déposant : mais c’est ici une histoire d’extinction du dépôt (v. infra).