La dation en paiement: régime

==> Vue générale

L’article 1342-4 du Code civil prévoit que le créancier « peut accepter de recevoir en paiement autre chose que ce qui lui est dû. »

Il ressort de cette disposition que le principe d’immutabilité de l’objet du paiement n’est pas impératif. Il peut y être dérogé par les parties.

Lorsque le créancier accepte que le débiteur lui fournisse une prestation différente de celle qui était initialement convenu au contrat, on dit que s’opère alors une dation en paiement, laquelle s’analyse en un mode d’extinction des obligations.

Plus précisément, la dation en paiement se définit comme « la convention par laquelle le créancier accepte de recevoir en paiement une prestation différente de celle qui était prévue au contrat »[1].

Concrètement, c’est le fait pour le débiteur d’une obligation ayant pour objet, par exemple une somme d’argent, de s’acquitter de sa dette par l’exécution d’une autre prestation, telle que la délivrance d’une chose ou la fourniture d’un service d’une valeur équivalente.

Dans son sens littéral, le terme « dation », qui vient du latin « dare » (donner), signifie transfert de propriété. Aussi, la dation en paiement consisterait nécessairement en la substitution de l’obligation initiale par la remise d’une chose.

Est-ce à dire qu’il ne pourrait pas y avoir dation en paiement en cas fourniture d’une prestation de services en remplacement de la remise d’une somme d’argent ?

La doctrine majoritaire réfute cette analyse et plaide pour une approche extensive de la dation en paiement. Selon elle, la nature de la prestation substituée à celle convenue initialement par les parties serait indifférente.

Ce qui importe c’est que le mode de paiement accepté par le créancier diffère de celui stipulé au contrat.

C’est manifestement cette approche qui a été validée par le législateur à l’occasion de la réforme du régime général des obligations. L’article 1342-4 du Code civil ne limite aucunement la dation en paiement au cas de substitution de la prestation originaire par la délivrance d’une chose.

==> Nature

La nature de la dation en paiement a été âprement discutée en doctrine. Les auteurs ont cherché à l’habiller de plusieurs qualifications. Nous n’en aborderons que deux :

  • Dation en paiement et novation
    • D’aucuns ont soutenu que la dation en paiement s’analyserait en une novation par changement d’objet.
    • Pour mémoire, la novation consiste en un « contrat qui a pour objet de substituer à une obligation, qu’elle éteint, une obligation nouvelle qu’elle crée» ( 1329 C. civ.)
    • Il s’agit, autrement dit, d’une modalité d’extinction d’une obligation préexistante par la substitution d’une obligation nouvelle.
    • Ce mécanisme présente la particularité de lier indivisiblement l’extinction de la première obligation et la création de la seconde.
    • Autrement dit, la création de l’obligation nouvelle ne peut s’opérer sans extinction de l’obligation primitive.
    • À l’examen, la dation en paiement se distingue de la novation en ce que les parties ont l’intention d’éteindre le rapport d’obligation qui les lie.
    • Tel n’est pas le cas en présence d’une novation qui implique la volonté des parties de substituer le rapport d’obligation primitif par un nouveau rapport d’obligation.
    • À cet argument, les tenants de la thèse de la novation opposent que la dation en paiement consisterait bien en la substitution d’une obligation primitive, par une obligation nouvelle ; seulement, cette dernière s’exécuterait immédiatement.
    • La Cour de cassation est allée dans le sens de cette thèse en admettant dans un arrêt du 12 janvier 1988 que « la dation en paiement comme le paiement lui-même, peut être à terme» ( 3e civ. 12 janv. 1988, n°86-14.562).
    • Manifestement, dans cette configuration rien ne la distinguerait de la novation dans la mesure où la substitution de la prestation d’origine par une autre prestation pourrait s’étirer dans le temps, ce qui correspond précisément à l’hypothèse de la novation.
  • Dation en paiement et vente assortie d’une compensation
    • Certains auteurs voient dans la dation en paiement une vente dont le prix serait payé par le créancier, lequel prix viendrait se compenser avec la dette initiale
    • Au soutien de cette thèse, ils avancent que la jurisprudence a appliqué certains effets de la vente à la dation en paiement.
    • La Cour de cassation a, par exemple, admis dans le cadre d’une dation en paiement l’application des règles de la rescision pour lésion (V. en ce sens 3e civ. 25 mai 1983, n°81-13.214), de la garantie des vices cachés (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 20 nov. 1990, n°89-14.583) ou encore du principe de transfert immédiat de la propriété (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 27 janv. 1993, n°91-12.115).
    • Bien séduisante, l’analogie avec la vente ne permet pas de rendre compte des cas de dation en paiement non translatifs de propriété.
    • En effet, pour qu’il y ait vente, encore faut-il qu’il y ait transfert de propriété ; or la dation en paiement peut intervenir en dehors de toute remise de chose.
    • Surtout, certains effets de la vente ne sont pas applicables à la dation en paiement.
    • Par exemple, en cas d’annulation de l’obligation initiale, la dation en paiement emporte restitution du bien remis à titre de paiement alors que si l’on était en présence d’une vente le débiteur ne pourrait réclamer que la restitution du prix du bien délivré.
    • Pour toutes ces raisons, la dation en paiement ne se confond pas avec la vente.

Au bilan, comme souligné par certains « rien ne justifie que l’on contraigne ainsi la dation en paiement dans le moule d’un autre mécanisme ou que l’on conclut à une hypothétique qualification mixte »[2].

La dation en paiement n’est autre qu’un mode particulier d’extinction des obligations. Elle obéit à des règles propres, en particulier celle posant l’exigence de consentement du créancier.

I) Conditions de la dation en paiement

Parce que la dation en paiement consiste pour le débiteur à fournir au créancier une prestation différente de celle convenue initialement, elle a toujours été envisagée avec une certaine méfiance.

En effet, il s’agit d’un mode anormal de paiement qui interroge sur la situation financière du débiteur. La dation en paiement a, par ailleurs, pour effet de modifier les termes du contrat, de sorte qu’il ne faudrait pas qu’elle porte atteinte à sa force obligatoire.

Pour toutes ces raisons, la dation en paiement est susceptible d’être plus facilement annulée que les autres modalités de paiement. À cet égard, il a été admis qu’elle puisse être remise en cause par la voie de l’action paulienne (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 19 janv. 1977, n°75-14.274).

Pour que la dation en paiement soit valable, quatre conditions cumulatives doivent être réunies :

  • Première condition
    • La dation en paiement n’est valable que si le créancier a donné son accord.
    • Cette condition est expressément posée par l’article 1342-4 du Code civil qui exige que le créancier accepte de recevoir en paiement autre chose que ce qui lui est dû.
    • Il s’agit là d’une reprise de la solution en vigueur sous l’empire du droit antérieur à l’adoption de l’ordonnance du n° 2016-131 du 10 février 2016.
    • Dans un arrêt du 13 avril 2005, la Cour de cassation avait affirmé, par exemple, que « le créancier ne peut être contraint de recevoir une autre chose que celle qui lui est due, quoique la valeur de la chose offerte soit égale ou même plus grande» ( 3e civ. 13 avr. 2005, n°04-10.774).
    • À cet égard, dans un arrêt du 21 novembre 1995, la Première chambre civile a admis que l’accord du créancier puisse être tacite ( 1ère civ. 21 nov. 1995, n°93-16.554).
  • Deuxième condition
    • La dation en paiement présuppose l’existence d’une obligation primitive non éteinte
    • Autrement dit, elle ne doit avoir fait l’objet d’aucun paiement faute de quoi la dation en paiement serait sans objet : on ne peut pas éteindre une obligation déjà éteinte.
  • Quatrième condition
    • Pour produire ses effets, la dation en paiement implique qu’il soit remis en paiement au créancier autre chose que ce qui lui est dû.
    • Autrement dit, la prestation fournie par le débiteur doit être d’une nature différente de celle initialement convenue.
    • Trois cas de dation en paiement sont admis aujourd’hui :
      • Si la prestation initialement convenue consiste en un versement de somme d’agent, le débiteur pourra se libérer de son obligation en remettant une chose ou en fournissant un service d’une valeur équivalente
      • Si la prestation initialement convenue consiste en la remise d’une chose, le débiteur pourra se libérer de son obligation en versant une somme d’argent équivalente à la valeur de cette chose ou en remettant un autre bien ou en fournissant un service d’une valeur équivalente
      • Si la prestation initialement convenue consiste en la fourniture d’un service, le débiteur pourra se libérer de son obligation en versant une somme d’argent ou en remettant une autre chose d’une valeur équivalente ou en fournissant un autre service d’une valeur équivalente

II) Effets de la dation en paiement

Plusieurs effets sont attachés à la dation en paiement :

  • Premier effet
    • La dation en paiement est un mode d’extinction des obligations.
    • Elle a donc pour effet d’éteindre l’obligation sur laquelle elle porte et, par voie de conséquence de libérer le débiteur de son engagement
  • Deuxième effet
    • En ce qu’elle constitue un mode de paiement, la dation en paiement produit un effet libératoire.
    • Autrement dit, lorsque les conditions sont réunies, elle libère le débiteur de son engagement envers le créancier.
  • Troisième effet
    • Selon la prestation fournie par le débiteur en remplacement de la prestation initiale, la dation en paiement produit des effets différents.
    • Elle produira notamment un effet translatif dans l’hypothèse où le débiteur exécute son obligation par la remise d’une chose.
    • Dans cette hypothèse, la dation en paiement se rapprochera d’une vente, raison pour laquelle la jurisprudence a estimé qu’il avait lieu d’admettre, lorsqu’elle porte sur un immeuble, l’action en rescision pour lésion ( 3e civ. 25 mai 1983, n°81-13.214), le principe de transfert immédiat de la propriété (Cass. 1ère civ. 27 janv. 1993, n°91-12.115), l’application de la garantie des vices cachés (Cass. 1ère civ. 20 nov. 1990, n°89-14.583) ou de la garantie d’éviction (Cass. 3e civ. 13 déc. 1968).
    • Dans l’hypothèse, en revanche, où la prestation de substitution consistera en la fourniture d’un service, il est probable qu’on soumette la dation en paiement à certains effets du contrat d’entreprise.

 

[1] J. François, Traité de droit civil – Les obligations, Régime général, Economica 2017, n°139, p. 126.

[2] F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette et F. Chénédé, Droit civil – Les obligations, éd. Dalloz, 2019, n°1423, p. 1504

Le principe d’immutabilité de l’objet du paiement

Pour mémoire, l’article 1342, al. 1er du Code civil définit le paiement comme « l’exécution volontaire de la prestation due ».

L’objet du paiement c’est donc la prestation due par le débiteur. Pour que celui-ci soit libéré de son obligation, l’exécution de cette prestation doit répondre à deux exigences :

  • D’une part, le débiteur doit fournir la même prestation que celle prévue au contrat. C’est le principe d’immutabilité de l’objet du paiement
  • D’autre part, le débiteur doit fournir l’intégralité de la prestation en raison du principe d’indivisibilité du paiement

Nous nous focaliserons ici sur le principe d’immutabilité de l’objet du paiement.

I) Principe

A) Exposé du principe

Bien qu’énoncé par aucun texte, il est de principe que l’objet du paiement est immutable, soit que l’on ne peut pas le permuter.

Autrement dit, le débiteur ne peut pas fournir une prestation différente de celle prévue initialement au contrat.

L’ancien article 1243 du Code civil disposait en ce sens que « le créancier ne peut être contraint de recevoir une autre chose que celle qui lui est due, quoique la valeur de la chose offerte soit égale ou même plus grande. »

Cette règle s’infère de la lecture a contrario du nouvel article 1342-4 du Code civil introduit par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

Cette disposition prévoit, en effet, que le créancier « peut accepter de recevoir en paiement autre chose que ce qui lui est dû ».

A contrario, cela signifie donc qu’il est fondé à refuser la prestation qui consisterait à fournir autre chose que ce qui lui est dû, fût-t-elle d’une valeur identique ou même supérieure.

Pour être libéré de son obligation, le débiteur doit fournir exactement la même prestation que celle à laquelle il s’est contractuellement engagé.

Cette règle se justifie par la force obligatoire du contrat qui contraint les parties à exécuter leurs obligations conformément aux termes du contrat.

Dans un arrêt du 7 octobre 1997, la Cour de cassation a ainsi approuvé la décision rendue par une Cour d’appel qui avait estimé que, s’agissant de l’obligation résultant d’une décision judiciaire, laquelle est libellée en francs français, « le débiteur n’était pas fondé, en vertu de l’article 1243 du Code civil, à imposer au créancier, fût-il comme lui de nationalité étrangère et domicilié à l’étranger, un paiement en monnaie étrangère » (Cass. 1ère civ. 7 oct. 1997, n°95-16.671).

B) Mise en œuvre du principe

Selon le type d’obligation qui pèse sur le débiteur, l’objet du paiement se laisse plus ou moins facilement appréhendé.

En présence d’une obligation de ne pas faire le paiement consistera pour le débiteur à s’abstenir.

A l’inverse, en présence d’une obligation de faire, le paiement supposera l’accomplissement d’une action positive (non-concurrence, non divulgation d’informations confidentielles etc.).

Dans l’un ou l’autre cas, l’objet du paiement ne soulèvera pas de difficulté quant à la prestation attendue du débiteur : tantôt il doit s’abstenir, tantôt il doit agir.

Plus délicate est en revanche la détermination de l’objet du paiement lorsque :

  • Soit la prestation consiste à remettre un corps certain
  • Soit la prestation consiste à remettre une chose de genre

1. La prestation consiste à remettre un corps certain

Lorsque la chose à remettre au créancier consiste en un corps certain, la question se pose de savoir dans quel état cette chose doit se trouver au moment de sa livraison.

a. Notion

Par corps certain, il faut entendre une chose unique qui possède une individualité propre.

Exemple : un immeuble, un bijou de famille, une œuvre d’art, etc…

Les corps certains se caractérisent par leur singularité, en ce sens qu’ils n’ont pas leur pareil. Il s’agit donc de choses qui possèdent une identité : on ne peut pas les remplacer à l’identique.

À cet égard, les immeubles sont toujours des corps certains, car ils occupent toujours une situation géographique qui leur est propre, sauf à être envisagées abstraitement, soit présentés comme composant un lot.

b. Application

L’article 1342-5 du Code civil prévoit que « le débiteur d’une obligation de remettre un corps certain est libéré par sa remise au créancier en l’état, sauf à prouver, en cas de détérioration, que celle-ci n’est pas due à son fait ou à celui de personnes dont il doit répondre. »

Cette disposition aborde la question de l’état dans laquelle la chose doit être remise au créancier lorsqu’elle consiste en un corps certain.

==> Principe

Le texte dit que, pour être libéré de son obligation le débiteur doit remettre au créancier la chose « en l’état ».

Que faut-il entendre par en l’état ? Il faut comprendre deux choses :

  • Premier élément
    • La chose ne doit pas avoir été détériorée, soit doit se trouver dans un état conforme à celui stipulé au contrat.
  • Premier élément
    • En précisant que pour être libéré de son obligation, il suffit au débiteur de remettre la chose « en l’état » ; le législateur a entendu faire peser les risques sur le créancier.
    • Autrement dit, les détériorations susceptibles d’affecter l’état de la chose entre la naissance de l’obligation et la remise de la chose doivent être supportées par le créancier.
    • Il s’agit là d’une reprise de l’ancien article 1245 du Code civil qui prévoyait que « le débiteur d’un corps certain et déterminé est libéré par la remise de la chose en l’état où elle se trouve lors de la livraison».

==> Exceptions

Si donc le créancier supporte les risques de détérioration de la chose due tant qu’elle ne lui a pas été remise, ce principe souffre de plusieurs exceptions :

  • Première exception : le fait du créancier ou d’une personne dont il doit répondre
    • L’article 1342-5 du Code civil prévoit que le débiteur ne supporte pas les risques de détérioration de la chose « sauf à prouver, en cas de détérioration, que celle-ci n’est pas due à son fait ou à celui de personnes dont il doit répondre. »
    • Ainsi, en cas de détérioration de la chose au jour de sa livraison, le créancier peut engager la responsabilité du débiteur dans deux cas :
      • Premier cas
        • La détérioration de la chose a été causée par le débiteur lui-même.
        • Le texte vise « le fait» du débiteur, ce qui signifie qu’il est indifférent que ce fait soit ou non constitutif d’une faute.
        • Il suffit seulement que la détérioration soit imputable au débiteur
      • Second cas
        • La détérioration de la chose a été causée par une personne dont le débiteur doit répondre.
        • Il peut s’agir d’un préposé, d’un mandataire ou encore d’une personne dont il est le représentant
        • Là encore, il est indifférent que la personne à l’origine de la détérioration ait commis une faute ; son simple fait suffit à engager la responsabilité du débiteur
    • Lorsque la détérioration de la chose résulte du fait du débiteur ou d’une personne dont il doit répondre, non seulement le créancier ne supporte pas les risques de cette détérioration, mais encore il est fondé à réclamer au débiteur le paiement de dommages et intérêts à hauteur du préjudice subi.
    • À cet égard, comme précisé par l’article 1342-5 du Code civil, en cas de détérioration de la chose, c’est au débiteur qu’il appartient de prouver qu’elle résulte, non de son fait, ni du fait des personnes dont il doit répondre.
  • Deuxième exception : la mise en demeure du débiteur
    • Si, par principe, la charge des risques de la chose à remettre pèse sur le créancier, lorsque le débiteur tarde à la délivrer cette charge est susceptible de s’inverser.
    • L’article 1344-2 du Code civil prévoit, en effet, que « la mise en demeure de délivrer une chose met les risques à la charge du débiteur, s’ils n’y sont déjà. »
    • Seule solution pour ce dernier de s’exonérer de sa responsabilité :
      • D’une part, l’impossibilité d’exécuter l’obligation de délivrance doit résulter de la perte de la chose due
      • D’autre part, il doit être établi que la perte se serait pareillement produite si l’obligation avait été exécutée.
    • Lorsque ces deux conditions cumulatives sont réunies, la charge des risques repasse sur la tête du créancier.
  • Troisième exception : les contrats de propriété soumis au droit de la consommation
    • Les articles L. 216-1 à 216-6 du Code de la consommation régissent la livraison de la chose aliéné et le transfert de la charge des risques lorsque le contrat est conclu entre un professionnel et un consommateur
    • Par souci de protection du consommateur, le législateur a dérogé au principe de transfert des risques concomitamment au transfert de propriété énoncé à l’article 1196, al. 3e du Code civil en prévoyant à l’article L. 216-4 du Code de la consommation que « tout risque de perte ou d’endommagement des biens est transféré au consommateur au moment où ce dernier ou un tiers désigné par lui, et autre que le transporteur proposé par le professionnel, prend physiquement possession de ces biens. »
    • Le transfert de la charge des risques intervient, de la sorte, non pas au moment du transfert de propriété, mais au moment de la livraison du bien.
    • Cette règle étant d’ordre public, le professionnel ne peut pas s’y soustraire par convention contraire (art. 216-6 C. conso).
    • Seule exception à la règle, l’article L. 216-5 prévoit que « lorsque le consommateur confie la livraison du bien à un transporteur autre que celui proposé par le professionnel, le risque de perte ou d’endommagement du bien est transféré au consommateur lors de la remise du bien au transporteur».

2. La prestation consiste à remettre une chose de genre

Lorsque la chose à remettre au créancier consiste en une chose de genre, la question se pose de savoir dans quelle quantité et de quelle qualité la chose doit être au moment de sa livraison.

==> Notion

Par chose de genre – que l’on dit fongible – il faut entendre une chose qui ne possède pas une individualité propre.

L’article 587 du Code civil désigne les choses fongibles comme celles qui sont « de même quantité et qualité » et l’article 1892 comme celles « de même espèce et qualité ».

Selon la formule du Doyen Cornu, les choses de genre sont « rigoureusement équivalentes comme instruments de paiement ou de restitution ».

Pour être des choses de genre, elles doivent, autrement dit, être interchangeables, soit pouvoir indifféremment se remplacer les unes, les autres, faire fonction les unes les autres.

Exemple : une tonne de blé, des boîtes de dolipranes, des tables produites en série etc…

Les choses de genre se caractérisent par leur espèce (nature, genre) et par leur quotité.

Ainsi, pour individualiser la chose fongible, est-il nécessaire d’accomplir une opération de mesure ou de compte.

==> Application

Lors de l’adoption de la réforme du régime général des obligations, le législateur qu’il n’y avait pas lieu de reprendre la règle énoncée à l’ancien article 1246 du Code civil.

Cette disposition prévoyait que « si la dette est d’une chose qui ne soit déterminée que par son espèce, le débiteur ne sera pas tenu, pour être libéré, de la donner de la meilleure espèce ; mais il ne pourra l’offrir de la plus mauvaise. »

L’absence de reprise de la règle ainsi énoncée signifie-t-il qu’elle a été abandonnée ?

Il n’en est rien. Le législateur lui a donné une portée plus large en insérant un article 1166 du Code civil qui prévoit désormais que « lorsque la qualité de la prestation n’est pas déterminée ou déterminable en vertu du contrat, le débiteur doit offrir une prestation de qualité conforme aux attentes légitimes des parties en considération de sa nature, des usages et du montant de la contrepartie. »

Si, antérieurement à la réforme du droit des contrats la loi ne posait aucune véritable exigence s’agissant de la qualité de la prestation, la jurisprudence exigeait néanmoins du débiteur qu’il fournisse une prestation de qualité moyenne.

Dorénavant, il n’est donc plus question de qualité moyenne de la prestation : pour répondre à l’exigence de détermination, elle doit seulement être « conforme aux attentes légitimes du créancier », lesquelles attentes doivent être appréciées en considération de la nature de la prestation des usages et de la contrepartie fournie.

Il s’agit là toutefois d’une règle supplétive qui n’aura vocation à s’appliquer que dans l’hypothèse où la prestation n’est ni déterminée, ni déterminable.

II) Exception : la dation en paiement

==> Vue générale

L’article 1342-4 du Code civil prévoit que le créancier « peut accepter de recevoir en paiement autre chose que ce qui lui est dû. »

Il ressort de cette disposition que le principe d’immutabilité de l’objet du paiement n’est pas impératif. Il peut y être dérogé par les parties.

Lorsque le créancier accepte que le débiteur lui fournisse une prestation différente de celle qui était initialement convenu au contrat, on dit que s’opère alors une dation en paiement, laquelle s’analyse en un mode d’extinction des obligations.

Plus précisément, la dation en paiement se définit comme « la convention par laquelle le créancier accepte de recevoir en paiement une prestation différente de celle qui était prévue au contrat »[1].

Concrètement, c’est le fait pour le débiteur d’une obligation ayant pour objet, par exemple une somme d’argent, de s’acquitter de sa dette par l’exécution d’une autre prestation, telle que la délivrance d’une chose ou la fourniture d’un service d’une valeur équivalente.

Dans son sens littéral, le terme « dation », qui vient du latin « dare » (donner), signifie transfert de propriété. Aussi, la dation en paiement consisterait nécessairement en la substitution de l’obligation initiale par la remise d’une chose.

Est-ce à dire qu’il ne pourrait pas y avoir dation en paiement en cas fourniture d’une prestation de services en remplacement de la remise d’une somme d’argent ?

La doctrine majoritaire réfute cette analyse et plaide pour une approche extensive de la dation en paiement. Selon elle, la nature de la prestation substituée à celle convenue initialement par les parties serait indifférente.

Ce qui importe c’est que le mode de paiement accepté par le créancier diffère de celui stipulé au contrat.

C’est manifestement cette approche qui a été validée par le législateur à l’occasion de la réforme du régime général des obligations. L’article 1342-4 du Code civil ne limite aucunement la dation en paiement au cas de substitution de la prestation originaire par la délivrance d’une chose.

==> Nature

La nature de la dation en paiement a été âprement discutée en doctrine. Les auteurs ont cherché à l’habiller de plusieurs qualifications. Nous n’en aborderons que deux :

  • Dation en paiement et novation
    • D’aucuns ont soutenu que la dation en paiement s’analyserait en une novation par changement d’objet.
    • Pour mémoire, la novation consiste en un « contrat qui a pour objet de substituer à une obligation, qu’elle éteint, une obligation nouvelle qu’elle crée» ( 1329 C. civ.)
    • Il s’agit, autrement dit, d’une modalité d’extinction d’une obligation préexistante par la substitution d’une obligation nouvelle.
    • Ce mécanisme présente la particularité de lier indivisiblement l’extinction de la première obligation et la création de la seconde.
    • Autrement dit, la création de l’obligation nouvelle ne peut s’opérer sans extinction de l’obligation primitive.
    • À l’examen, la dation en paiement se distingue de la novation en ce que les parties ont l’intention d’éteindre le rapport d’obligation qui les lie.
    • Tel n’est pas le cas en présence d’une novation qui implique la volonté des parties de substituer le rapport d’obligation primitif par un nouveau rapport d’obligation.
    • À cet argument, les tenants de la thèse de la novation opposent que la dation en paiement consisterait bien en la substitution d’une obligation primitive, par une obligation nouvelle ; seulement, cette dernière s’exécuterait immédiatement.
    • La Cour de cassation est allée dans le sens de cette thèse en admettant dans un arrêt du 12 janvier 1988 que « la dation en paiement comme le paiement lui-même, peut être à terme» ( 3e civ. 12 janv. 1988, n°86-14.562).
    • Manifestement, dans cette configuration rien ne la distinguerait de la novation dans la mesure où la substitution de la prestation d’origine par une autre prestation pourrait s’étirer dans le temps, ce qui correspond précisément à l’hypothèse de la novation.
  • Dation en paiement et vente assortie d’une compensation
    • Certains auteurs voient dans la dation en paiement une vente dont le prix serait payé par le créancier, lequel prix viendrait se compenser avec la dette initiale
    • Au soutien de cette thèse, ils avancent que la jurisprudence a appliqué certains effets de la vente à la dation en paiement.
    • La Cour de cassation a, par exemple, admis dans le cadre d’une dation en paiement l’application des règles de la rescision pour lésion (V. en ce sens 3e civ. 25 mai 1983, n°81-13.214), de la garantie des vices cachés (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 20 nov. 1990, n°89-14.583) ou encore du principe de transfert immédiat de la propriété (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 27 janv. 1993, n°91-12.115).
    • Bien séduisante, l’analogie avec la vente ne permet pas de rendre compte des cas de dation en paiement non translatifs de propriété.
    • En effet, pour qu’il y ait vente, encore faut-il qu’il y ait transfert de propriété ; or la dation en paiement peut intervenir en dehors de toute remise de chose.
    • Surtout, certains effets de la vente ne sont pas applicables à la dation en paiement.
    • Par exemple, en cas d’annulation de l’obligation initiale, la dation en paiement emporte restitution du bien remis à titre de paiement alors que si l’on était en présence d’une vente le débiteur ne pourrait réclamer que la restitution du prix du bien délivré.
    • Pour toutes ces raisons, la dation en paiement ne se confond pas avec la vente.

Au bilan, comme souligné par certains « rien ne justifie que l’on contraigne ainsi la dation en paiement dans le moule d’un autre mécanisme ou que l’on conclut à une hypothétique qualification mixte »[2].

La dation en paiement n’est autre qu’un mode particulier d’extinction des obligations. Elle obéit à des règles propres, en particulier celle posant l’exigence de consentement du créancier.

A) Conditions de la dation en paiement

Parce que la dation en paiement consiste pour le débiteur à fournir au créancier une prestation différente de celle convenue initialement, elle a toujours été envisagée avec une certaine méfiance.

En effet, il s’agit d’un mode anormal de paiement qui interroge sur la situation financière du débiteur. La dation en paiement a, par ailleurs, pour effet de modifier les termes du contrat, de sorte qu’il ne faudrait pas qu’elle porte atteinte à sa force obligatoire.

Pour toutes ces raisons, la dation en paiement est susceptible d’être plus facilement annulée que les autres modalités de paiement. À cet égard, il a été admis qu’elle puisse être remise en cause par la voie de l’action paulienne (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 19 janv. 1977, n°75-14.274).

Pour que la dation en paiement soit valable, quatre conditions cumulatives doivent être réunies :

  • Première condition
    • La dation en paiement n’est valable que si le créancier a donné son accord.
    • Cette condition est expressément posée par l’article 1342-4 du Code civil qui exige que le créancier accepte de recevoir en paiement autre chose que ce qui lui est dû.
    • Il s’agit là d’une reprise de la solution en vigueur sous l’empire du droit antérieur à l’adoption de l’ordonnance du n° 2016-131 du 10 février 2016.
    • Dans un arrêt du 13 avril 2005, la Cour de cassation avait affirmé, par exemple, que « le créancier ne peut être contraint de recevoir une autre chose que celle qui lui est due, quoique la valeur de la chose offerte soit égale ou même plus grande» ( 3e civ. 13 avr. 2005, n°04-10.774).
    • À cet égard, dans un arrêt du 21 novembre 1995, la Première chambre civile a admis que l’accord du créancier puisse être tacite ( 1ère civ. 21 nov. 1995, n°93-16.554).
  • Deuxième condition
    • La dation en paiement présuppose l’existence d’une obligation primitive non éteinte
    • Autrement dit, elle ne doit avoir fait l’objet d’aucun paiement faute de quoi la dation en paiement serait sans objet : on ne peut pas éteindre une obligation déjà éteinte.
  • Quatrième condition
    • Pour produire ses effets, la dation en paiement implique qu’il soit remis en paiement au créancier autre chose que ce qui lui est dû.
    • Autrement dit, la prestation fournie par le débiteur doit être d’une nature différente de celle initialement convenue.
    • Trois cas de dation en paiement sont admis aujourd’hui :
      • Si la prestation initialement convenue consiste en un versement de somme d’agent, le débiteur pourra se libérer de son obligation en remettant une chose ou en fournissant un service d’une valeur équivalente
      • Si la prestation initialement convenue consiste en la remise d’une chose, le débiteur pourra se libérer de son obligation en versant une somme d’argent équivalente à la valeur de cette chose ou en remettant un autre bien ou en fournissant un service d’une valeur équivalente
      • Si la prestation initialement convenue consiste en la fourniture d’un service, le débiteur pourra se libérer de son obligation en versant une somme d’argent ou en remettant une autre chose d’une valeur équivalente ou en fournissant un autre service d’une valeur équivalente

B) Effets de la dation en paiement

Plusieurs effets sont attachés à la dation en paiement :

  • Premier effet
    • La dation en paiement est un mode d’extinction des obligations.
    • Elle a donc pour effet d’éteindre l’obligation sur laquelle elle porte et, par voie de conséquence de libérer le débiteur de son engagement
  • Deuxième effet
    • En ce qu’elle constitue un mode de paiement, la dation en paiement produit un effet libératoire.
    • Autrement dit, lorsque les conditions sont réunies, elle libère le débiteur de son engagement envers le créancier.
  • Troisième effet
    • Selon la prestation fournie par le débiteur en remplacement de la prestation initiale, la dation en paiement produit des effets différents.
    • Elle produira notamment un effet translatif dans l’hypothèse où le débiteur exécute son obligation par la remise d’une chose.
    • Dans cette hypothèse, la dation en paiement se rapprochera d’une vente, raison pour laquelle la jurisprudence a estimé qu’il avait lieu d’admettre, lorsqu’elle porte sur un immeuble, l’action en rescision pour lésion ( 3e civ. 25 mai 1983, n°81-13.214), le principe de transfert immédiat de la propriété (Cass. 1ère civ. 27 janv. 1993, n°91-12.115), l’application de la garantie des vices cachés (Cass. 1ère civ. 20 nov. 1990, n°89-14.583) ou de la garantie d’éviction (Cass. 3e civ. 13 déc. 1968).
    • Dans l’hypothèse, en revanche, où la prestation de substitution consistera en la fourniture d’un service, il est probable qu’on soumette la dation en paiement à certains effets du contrat d’entreprise.

 

[1] J. François, Traité de droit civil – Les obligations, Régime général, Economica 2017, n°139, p. 126.

[2] F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette et F. Chénédé, Droit civil – Les obligations, éd. Dalloz, 2019, n°1423, p. 1504

Le paiement fait entre les mains d’un tiers (art. 1342-2 C. civ.)

Si la plupart du temps le paiement sera réalisé entre les mains du créancier, il est des cas où il pourra être effectué auprès d’un tiers.

La qualité d’accipiens n’est ainsi pas nécessairement endossée par le créancier ; elle peut également être attribuée à une personne désignée.

Nous nous focaliserons sur cette seconde situation. 

Pour que le paiement réalisé entre les mains d’un tiers soit valable, il faut que l’accipiens ait été désigné par le créancier.

1. Le paiement fait à la personne désignée

L’article 1342-2 du Code civil prévoit expressément que le paiement peut être fait « à la personne désignée pour le recevoir. »

Par « personne désignée », il faut entendre le représentant du créancier, soit celui investi du pouvoir d’agir au nom et pour le compte de ce dernier.

Pour mémoire, le pouvoir de représentation peut avoir trois sources différentes :

  • La loi: elle désigne les parents comme représentants légaux de l’enfant mineur (administration légale)
  • Le juge: il désigne la personne qui sera chargée de représenter l’incapable majeur (tutelle, curatelle etc.) ou d’administrer une société faisant l’objet d’une procédure collective (administration judiciaire)
  • Le contrat : il peut conférer à la partie désignée le pouvoir de représenter son cocontractant (mandat)

Lorsque le représentant tire son pouvoir d’un mandat, la jurisprudence n’exige pas que celui-ci soit régularisé par écrit (V. en ce sens Cass. req. 3 août, 1840).

La Cour de cassation est allée jusqu’à admettre, dans un arrêt du 14 avril 2016, que le mandat puisse résulter d’un « usage accepté » par les parties (Cass. 3e civ. 14 avr. 2016, n°15-11.343).

Plus généralement, il est indifférent que la personne qui reçoit le paiement tire son pouvoir de la loi, d’une décision de justice ou d’un contrat, ce qui importe c’est qu’elle ait agi dans le cadre d’une représentation du créancier et que donc elle ait valablement reçu pouvoir de le représenter.

Enfin, il peut être observé que l’admission de la réception du paiement par le représentant du créancier rejoint la règle énoncée à l’article 1340 du Code civil qui prévoit que « la simple indication faite par le débiteur d’une personne désignée pour payer à sa place n’emporte ni novation, ni délégation. Il en est de même de la simple indication faite, par le créancier, d’une personne désignée pour recevoir le paiement pour lui. »

2. Le paiement fait à une personne non désignée

a. Principe

Lorsque le paiement est réalisé entre les mains d’une personne qui n’était pas investie du pouvoir de le recevoir, il n’est pas valable.

La conséquence en est que le débiteur n’est pas libéré de son obligation. Cette situation est exprimée par l’adage « qui paye, mal paye deux fois ».

Aussi, le débiteur peut-il être contraint par le créancier à payer une nouvelle fois, le paiement n’ayant pas produit son effet libératoire.

Cette règle n’est toutefois pas absolue ; elle est assortie de deux exceptions.

b. Exceptions

==> Ratification

L’article 1342-2 du Code civil prévoit que « le paiement fait à une personne qui n’avait pas qualité pour le recevoir est néanmoins valable si le créancier le ratifie ou s’il en a profité »

Ainsi, le paiement réalisé entre les mains d’une personne qui n’avait pas le pouvoir de le recevoir peut échapper à la nullité dans deux cas :

  • Premier cas : le paiement a été ratifié par le créancier
    • Le paiement demeure donc valable lorsqu’il a été ratifié a posteriori par le créancier.
    • Cela suppose que ce dernier ait exprimé la volonté de faire produire au paiement son effet libératoire.
    • La ratification du paiement peut être expresse ou implicite.
    • Dans un arrêt du 12 juillet 1993 la Cour de cassation a ainsi admis que l’inscription au débit du compte courant d’un associé qui avait perçu en son nom personnel un paiement qui était destiné à la société valait ratification, de sorte que le débiteur était libéré de son obligation ( com. 12 juill. 1993, n°91-16.793).
    • Dans un arrêt du 1er mars 1962, la Cour de cassation a en revanche considéré que la seule connaissance par le créancier de la réalisation du paiement entre les mains d’une personne qui n’avait pas le pouvoir de le recevoir ne valait pas ratification ( soc. 1er mars 1962).
  • Second cas : le créancier a tiré profit du paiement
    • Lorsque le paiement est réalisé entre les mains d’une personne qui n’avait pas qualité pour le recevoir, il demeure valable si le créancier en a tiré profit.
    • Autrement dit, le paiement doit avoir procuré in fine au créancier un bénéfice équivalent à celui dont il aurait profité s’il avait été réalisé entre les mains de la bonne personne.
    • Tel sera le cas si, en présence de deux héritiers créanciers d’une même dette, le paiement est fait, pour l’intégralité de la dette à l’un d’eux, tandis que l’autre héritier était débiteur du premier.

==> Créancier apparent

  • Principe
    • L’article 1342-3 du Code civil prévoit que « le paiement fait de bonne foi à un créancier apparent est valable.»
    • Il ressort de cette disposition que, nonobstant l’absence de ratification d’un paiement réalisé entre les mains d’une personne qui n’avait pas le pouvoir de le recevoir, et bien que le créancier n’en ait retiré aucun profit, le paiement peut malgré tout demeurer valable en présence d’un « créancier apparent».
    • À l’analyse, il s’agit là d’une reprise du principe posé par l’ancien article 1240 qui prévoyait que « le paiement fait de bonne foi à celui qui est en possession de la créance est valable, encore que le possesseur en soit par la suite évincé. »
    • Si sur le fond, la règle énoncée reste inchangée ; sur la forme elle connaît une évolution majeure en ce que le législateur a notamment expurgé de sa formulation la référence à « la possession de la créance».
    • La raison en est que l’ancienne formule pouvait être trompeuse, car elle suggérait que le possesseur de la créance était celui qui détenait un titre constatant la créance.
    • Or tel n’était pas le sens du texte : le possesseur de la créance visait la personne qui, pour le solvens, présentait l’apparence du créancier.
    • Le législateur a ainsi entendu lever toute ambiguïté et consacrer la jurisprudence relative à la théorie de l’apparence.
    • Aussi, lorsque le solvens de bonne foi a été trompé par les apparences, soit avait toutes les raisons de croire que la personne auprès de laquelle il a payé était le véritable créancier, son paiement demeure valable et produit un effet libératoire.
    • Tel sera le cas, par exemple, lorsque le solvens paye l’héritier apparent du créancier alors que, en réalité, celui-ci n’était titulaire d’aucun droit en raison de l’existence d’un testament contraire dont lui-même ignorait l’existence car découvert tardivement.
    • L’application de la théorie de l’apparence suppose la réunion de deux conditions cumulatives :
      • Première condition
        • Le solvens doit être de bonne foi, ce qui implique qu’il devait ignorer que la personne entre les mains de laquelle il a payé n’était pas le véritable créancier
        • Autrement dit, il doit avoir cru, de façon erronée, à la qualité de créancier de l’accipiens.
      • Seconde condition
        • La personne qui a reçu le paiement doit avoir, aux yeux des tiers, l’apparence du créancier
        • La croyance du solvens doit ainsi être légitime en ce sens qu’une personne placée dans la même situation aurait commis la même erreur d’appréciation
  • Effets
    • Les conditions de l’apparence sont réunies
      • Dans cette hypothèse, le paiement réalisé par le solvens produit un effet libératoire, ce qui signifie que le débiteur est libéré de son obligation envers le créancier.
      • Charge alors à ce dernier de se retourner vers l’accipiens et de lui réclamer le paiement qui lui était destiné sur le fondement de l’enrichissement injustifié régi aux articles 1303 à 1303-4 du Code civil.
      • Pour mémoire, l’article 1303 du Code civil prévoit que « en dehors des cas de gestion d’affaires et de paiement de l’indu, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement. »
    • Les conditions de l’apparence ne sont pas réunies
      • Dans cette hypothèse, le paiement réalisé par le solvens ne produit aucun effet libératoire.
      • Aussi, le créancier pourra toujours exiger le paiement auprès du débiteur qui demeure tenu.
      • Tout au plus, il pourra engager une action en répétition de l’indu à l’encontre de l’accipiens, étant précisé que le juge dispose de la faculté de réduire le montant de la restitution dans l’hypothèse où le paiement – indu – procède d’une faute ( 1302-3, al. 2e C. civ.).

 

[1] E-D Glasson, A. Tissier, R. Morel, Traité théorique et pratique d’organisation judiciaire de compétence et de procédure civile, Paris, Libr. du Rec. Sirey, 1925-1936, t. 1 n° 173

[2] V. en ce sens G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations – Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, éd. Dalloz, 2018, n°941, p.849.

Solvens et accipiens: les parties au paiement

Dans son acception courante, le paiement est envisagé comme le versement d’une somme d’argent en contrepartie de la fourniture d’un bien ou service.

En droit, le sens conféré au paiement est bien moins restrictif, son objet ne se limitant pas à une somme d’argent.

Le paiement est défini par l’article 1342, al. 1er du Code civil comme « l’exécution volontaire de la prestation due. »

Autrement dit, le paiement s’analyse en l’exécution d’une obligation, peu importe la forme que revêt cette exécution. Il peut tout autant s’agir de la remise d’une somme d’argent, que de la délivrance d’une chose ou encore la fourniture d’un service.

Nous nous focaliserons ici sur les parties au paiement. 

I) Le solvens ou celui qui paye

Si la plupart du temps le paiement est effectué par le débiteur de l’obligation, il arrive qu’il soit réalisé par un tiers.

A) Le paiement par le débiteur

Il est de principe que celui qui paye n’est autre que le débiteur de l’obligation lui-même. Bien que les dispositions du Code civil relatives au paiement ne le précisent pas, cela relève de l’évidence.

C’est sur le débiteur que pèse, par hypothèse, la charge de l’obligation. Aussi, est-ce à lui qu’il revient d’en assurer l’exécution et donc de payer.

Pour ce faire, il dispose de deux options :

  • Il peut procéder lui-même au paiement
  • Il peut désigner une tierce personne aux fins de le représenter, soit de payer en son nom et pour son compte (mandataire, représentant légal, tuteur etc.)

Sous l’empire du droit antérieur, l’ancien article 1236, al. 1er du Code civil précisait que, outre le débiteur, « une obligation peut être acquittée par toute personne qui y est intéressée, telle qu’un coobligé ou une caution. »

Cette règle n’a certes pas été reprise par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit du régime des obligations, elle n’en reste pas moins toujours valable, dans la mesure où qu’il s’agisse d’un coobligé ou d’une caution, tous deux répondent de la même dette que celle à laquelle est tenu le débiteur.

Aussi, est-il logique que, en cas de pluralité de personnes intéressées au paiement, chacune d’elles puisse payer tout ou partie de l’obligation selon qu’elles sont tenues conjointement, solidairement (coobligés) ou encore à titre accessoire (caution).

En tout état de cause, pour que le paiement soit valable, le solvens doit justifier d’une capacité juridique. En application de l’article 1147 du Code civil, le défaut de capacité est sanctionné par la nullité relative.

B) Le paiement par un tiers

1. Principe

a. Exposé du principe

L’article 1342-1 du Code civil prévoit que « le paiement peut être fait même par une personne qui n’y est pas tenue […] ».

Il ressort de cette disposition que le paiement peut être effectué par une personne autre que le débiteur et plus précisément par un tiers.

Cette faculté ouverte aux tiers de payer le créancier en lieu et place du débiteur se justifie essentiellement pour deux raisons :

  • Première raison
    • Une tierce personne peut avoir un intérêt à payer la dette du débiteur, sans s’y être tenue, en raison des liens qu’elle entretient avec celui-ci ou pour des motifs personnels.
    • Le tiers solvens, peut par exemple, être animé d’une intention libérale à l’endroit du débiteur.
    • Il peut encore avoir intérêt à désintéresser le créancier compte tenu de la sûreté réelle constituée sur l’un de ses biens en garantie de la dette du débiteur
  • Deuxième raison
    • Autoriser que le paiement soit réalisé par un tiers favorise la satisfaction du créancier.
    • Or il s’agit là de la finalité de toute obligation dont la vocation est d’être exécutée.

À cet égard, non seulement la possibilité est offerte aux tiers de régler la dette du débiteur, mais encore le créancier ne peut pas, par principe, refuser ce paiement dès lors qu’il porte sur la totalité de la dette.

b. Recours du tiers solvens contre le débiteur

Lorsque le paiement réalisé par un tiers est valable, il a pour effet de libérer le débiteur envers le créancier.

Ce dernier a effectivement obtenu satisfaction, de sorte qu’il ne sera plus fondé à réclamer quoi que ce soit au débiteur.

Est-ce à dire que celui-ci est définitivement libéré de toute obligation ?

Tandis que le débiteur s’est enrichi, puisque n’étant plus redevable d’aucune dette envers le créancier, le tiers solvens s’est, quant à lui, appauvri en payant une dette à laquelle il n’était pas tenu.

La question qui alors se pose est de savoir si le tiers solvens ne disposerait pas dispose d’un recours contre le débiteur afin de rétablir l’équilibre entre leurs patrimoines respectifs qui a manifestement été rompu

Deux situations doivent être distinguées :

==> Première situation : le tiers solvens est animé d’une intention libérale

Dans cette hypothèse, il ne disposera d’aucun recours contre le débiteur, ce paiement s’analysant en une donation indirecte.

==> Seconde situation : le tiers solvens n’est animé d’aucune intention libérale

Dans cette hypothèse, le tiers n’a nullement eu l’intention de gratifier le débiteur ; il a agi en comptant sur le remboursement des sommes exposées.

Pour être remboursé, deux recours peuvent être envisagés :

  • Le recours subrogatoire
    • Ce recours consiste pour le tiers solvens à se prévaloir des effets de la subrogation.
    • Par subrogation il faut entendre, selon le Doyen Mestre, « la substitution d’une personne dans les droits attachés à la créance dont une autre est titulaire, à la suite d’un paiement effectué par la première entre les mains de la seconde ».
    • Ainsi la subrogation opère-t-elle une substitution de créancier par l’effet du paiement. Encore faut-il toutefois que les conditions soient réunies.
    • En effet, la subrogation ne peut jouer que dans les cas expressément prévus par la loi :
      • La subrogation légale
        • L’article 1346 du Code civil prévoit que « la subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette. »
        • Pour se prévaloir de la subrogation légale le tiers solvens qui a payé la dette du débiteur devra ainsi justifier d’un intérêt légitime.
        • L’exigence de cet intérêt au paiement permet d’éviter qu’un tiers totalement étranger à la dette et qui serait mal intentionné (dans des relations de concurrence par exemple) puisse bénéficier de la subrogation légale.
        • Il ne faudrait pas, en effet, que ce tiers puisse, par le jeu de la subrogation, s’ingérer dans les affaires du débiteur et l’actionner en paiement pour lui nuire.
        • Reste à savoir ce que l’on doit entendre par intérêt légitime.
        • D’une part, cette notion vise tous les anciens cas de subrogation légale prévus par l’ancien article 1251 du Code civil
        • D’autre part, la notion d’intérêt légitime permet d’envisager que le cas où un débiteur a payé une dette qui lui était personnelle, tandis que se profile en arrière-plan un second débiteur qui, parce qu’il a tiré avantage de l’extinction de l’obligation, doit assurer la charge définitive de la dette.
        • Enfin, la notion d’intérêt peut être envisagée négativement en déniant à un tiers qui poursuivrait un but illégitime, et plus généralement qui serait de mauvaise foi, le bénéfice de la subrogation légale
      • La subrogation conventionnelle
        • Faute de réunir les conditions de la subrogation légale, le tiers solvens n’aura d’autre choix que d’obtenir le consentement du créancier afin de pouvoir exercer un recours subrogatoire contre le débiteur.
        • Il lui faudra, autrement dit, opter pour la subrogation conventionnelle ex parte creditoris, soit celle qui requiert le concours du créancier.
        • L’article 1346-1 du Code civil prévoit en ce sens que « la subrogation conventionnelle s’opère à l’initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d’une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur.»
        • Cette forme de subrogation procède donc d’une convention conclue entre le créancier accipiens et le tiers solvens dans le cas où ce dernier ne peut pas bénéficier d’une subrogation légale.
        • Le débiteur n’y prend aucune part dans la mesure où cette convention ne modifie pas sa situation.
        • Deux conditions doivent néanmoins être réunies :
          • D’une part, la subrogation doit être expresse, en ce sens que les parties doivent avoir clairement exprimé leur volonté de conclure une subrogation conventionnelle
          • D’autre part, elle doit être consentie en même temps que le paiement, à moins que, dans un acte antérieur, le subrogeant n’ait manifesté la volonté que son cocontractant lui soit subrogé lors du paiement.
  • Le recours personnel
    • La question de la reconnaissance d’un recours personnel au profit du tiers solvens se pose tout particulièrement lorsque celui-ci :
      • Soit ne remplit pas les conditions pour exercer le recours subrogatoire
      • Soit a renoncé à se subroger dans les droits du créancier.
    • Reste que pour être titulaire d’un tel recours qui, par hypothèse, est attaché à la personne de son bénéficiaire, encore faut-il justifier d’un droit subjectif.
    • En effet, selon la formule désormais consacrée : « pas de droit, pas d’action»[1].
    • Aussi, afin de reconnaître au tiers solvens un recours personnel contre le débiteur, est-il nécessaire d’identifier un droit auquel ce recours pourrait être rattaché.
    • Dans un premier temps, les auteurs ont cherché à expliquer l’existence d’un recours personnel au profit du tiers solvens en convoquant les règles du mandat et de la gestion d’affaires.
      • Le mandat
        • Si le tiers solvens dispose d’un recours contre le débiteur, c’est que celui-ci lui aurait donné mandat de payer le créancier.
        • Or conformément à l’article 1999 du Code civil « le mandant doit rembourser au mandataire les avances et frais que celui-ci a faits pour l’exécution du mandat, et lui payer ses salaires lorsqu’il en a été promis. »
        • Cette disposition reconnaît ainsi un droit – subjectif – au mandataire qui a exposé des frais dans le cadre de l’exercice de sa mission.
        • Pour se prévaloir de ce droit, le tiers solvens devra toutefois établir qu’un mandat a été conclu entre lui et le débiteur.
        • À défaut, il lui faudra trouver un autre fondement pour agir.
      • La gestion d’affaires
        • Pour mémoire, la gestion d’affaires est définie à l’article 1301 du Code civil comme le fait de « celui qui, sans y être tenu, gère sciemment et utilement l’affaire d’autrui, à l’insu ou sans opposition du maître de cette affaire».
        • Il s’agit autrement dit pour une personne, que l’on appelle le gérant d’affaires, d’intervenir spontanément dans les affaires d’autrui, le maître de l’affaire ou le géré, aux fins de lui rendre un service.
        • La particularité de la gestion d’affaires est qu’elle suppose qu’une personne ait agi pour le compte d’un tiers et dans son intérêt, ce, sans avoir été mandaté par celui-ci, ni qu’il en ait été tenu informé.
        • S’agissant du tiers solvens, il a été suggéré de se fonder sur la gestion d’affaires afin de justifier l’existence d’un recours à son profit contre le débiteur.
        • Si, en effet, il a payé la dette de ce dernier ce n’était que pour lui rendre service, le paiement s’analysant alors comme un acte utile.
        • Or l’article 1301-2 du Code civil prévoit que le maître de l’affaire doit rembourser au gérant « les dépenses faites dans son intérêt».
        • Le tiers solvens tirerait ainsi son droit à remboursement contre le débiteur de cette disposition.
        • Encore faut-il que les conditions de la gestion d’affaires soient réunies, ce qui suppose notamment que l’intervention du tiers solvens ait été désintéressée, spontanée et que le débiteur ne s’y soit pas opposé.
    • Dans un deuxième temps, la jurisprudence a cru bon reconnaître au tiers solvens un recours personnel contre le débiteur sur un fondement autonome.
    • Dans un arrêt du 15 mai 1990, la Cour de cassation a, en effet, jugé, au visa des anciens articles 1132 et 1236 du Code civil, que « le tiers qui, sans y être tenu, a payé la dette d’autrui de ses propres deniers, a, bien que non subrogé aux droits du créancier, un recours contre le débiteur» ( 1ère civ. 15 mai 1990, n°88-17.572).
    • Cette solution a été vivement critiquée par une partie de la doctrine, car elle revenait à octroyer un recours au tiers solvens à l’encontre du débiteur alors même qu’il pouvait avoir été animé d’une intention libérale.
    • Dans un troisième temps, la Cour de cassation est revenue sur sa position, à tout le moins elle a durci les conditions d’exercice du recours personnel reconnu au tiers solvens.
    • Dans un arrêt du 2 juin 1992, elle a, en effet, précisé « qu’il incombe à celui qui a sciemment acquitté la dette d’autrui, sans être subrogé dans les droits du créancier de démontrer que la cause dont procédait ce paiement impliquait, pour le débiteur, l’obligation de lui rembourser les sommes ainsi versées» ( 1ère civ. 2 juin 1992, n°90-19.374).
    • Ainsi, la Première chambre civile exigeait-elle désormais pour que le tiers solvens puisse se prévaloir d’un recours personnel contre le débiteur, il prouve que, au moment où il a payé le créancier, il entendait se faire rembourser par le débiteur et que donc il n’était animé d’aucune intention libérale.
    • En l’absence de recours subrogatoire ouvert au tiers solvens, son intention libérale était alors présumée, charge à lui de combattre cette présomption en rapportant la preuve contraire.
    • La Cour de cassation a, par suite, réaffirmer cette solution à plusieurs reprises. Dans un arrêt du 30 mars 2004, elle a ainsi jugé que « celui qui, sans être subrogé, acquitte une dette dont il sait n’être pas tenu et qui ne démontre pas que la cause dont procédait ce paiement impliquait l’obligation du débiteur de lui rembourser la somme ainsi versée, ne peut ni agir à cette fin, ni se prévaloir d’un dommage juridiquement réparable» ( 1ère civ. 30 mars 2004, n°01-11.355).
    • Elle a encore statué dans le même sens dans un arrêt du 9 février 2012 ( 1ère civ. 9 févr. 2012, n°10-28.475).
    • Bien que solidement ancrée en jurisprudence depuis le début des années 1990, les auteurs soutiennent que cette solution ne devrait pas être reconduite par la Haute juridiction aujourd’hui.
    • La raison en est l’adoption de la réforme du droit des contrats et du régime général des obligations opérée par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.
    • Ce texte a notamment assoupli les conditions de la subrogation légale, laquelle n’est plus enfermée dans des cas limitativement énumérés par la loi.
    • Désormais, elle joue de plein droit dès lors qu’il est établi que le tiers solvens avait un intérêt légitime à payer la dette du débiteur.
    • Il n’est ainsi nullement exigé que celui-ci prouve qu’il n’était pas animé d’une intention libérale pour être fondé à se retourner contre le débiteur.
    • Au contraire, c’est à ce dernier qu’il revient d’apporter la preuve de l’intention libérale du tiers solvens s’il souhaite faire échec à une action en remboursement dirigée contre lui.
    • S’il y parvenait, ce qui ferait obstacle à l’exercice du recours subrogatoire, le tiers solvens serait alors contraint de démontrer qu’il a agi, soit dans le cadre d’un mandat qui lui aurait été confié par le débiteur, soit dans le cadre d’une gestion d’affaire.
    • S’agissant de la gestion d’affaires, la Cour de cassation a admis dans un arrêt remarqué du 12 janvier 2012 qu’elle était caractérisée dès lors qu’il était établi que le tiers solvens a agi « à la fois dans son intérêt et dans celui de la débitrice, et que les paiements litigieux avaient été utiles à celle-ci non seulement en permettant l’extinction de ses dettes mais en outre en évitant la saisie de ses biens immobiliers» ( 1ère civ.12 janv. 2012, n°10-24.512).
    • Cette approche pour le moins libérale de la gestion affaires, combinée à l’élargissement du domaine de la subrogation légale, suggère que le tiers solvens ne devrait pas rencontrer de réelles difficultés à fonder en droit une action en remboursement contre le débiteur.

2. Tempérament

==> L’admission du refus du créancier

L’article 1342-1 du Code civil assortit l’interdiction pour le créancier de refuser le paiement réalisé par un tiers d’une exception : s’il justifie d’un refus légitime.

Il s’agit là d’une reprise de la règle énoncée à l’ancien article 1237 du Code civil qui prévoyait que « l’obligation de faire ne peut être acquittée par un tiers contre le gré du créancier, lorsque ce dernier a intérêt qu’elle soit remplie par le débiteur lui-même ».

La question qui immédiatement se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par refus légitime. Autrement dit, quelles sont les situations qui autorisent le créancier à refuser le paiement émanant d’un tiers ?

Sous l’empire du droit antérieur, la jurisprudence avait estimé que ce refus était justifié dans deux cas de figure :

  • Premier cas de figure
    • Il est admis que le créancier puisse s’opposer au paiement réalisé par un tiers lorsque celui-ci intervient dans le cadre d’un rapport d’obligation marqué par un fort intuitu personae.
    • Cette situation se rencontrera notamment lorsque le débiteur est seul compétent pour fournir la prestation due, à tout le moins telle qu’attendue par le créancier.
    • À cet égard, c’était le sens de l’ancien article 1237 du Code civil qui autorisait le créancier à refuser le paiement « lorsque ce dernier a intérêt qu’elle soit remplie par le débiteur lui-même».
  • Second cas de figure
    • Il a également été admis que le créancier puisse s’opposer à recevoir le paiement émanant d’un tiers lorsque celui-ci serait de nature à porter atteinte à ses intérêts.
    • Tel pourrait être le cas si ce paiement avait, par exemple, pour effet de priver le créancier d’une faculté à l’encontre du débiteur.
    • Dans un arrêt du 24 juin 1913, la Cour de cassation a ainsi reconnu à un vendeur d’immeuble le droit de refuser le paiement proposé par un tiers, nonobstant la situation de faillite dans laquelle se trouvait l’acquéreur, dans la mesure où cela l’aurait privé de la possibilité d’agir en résolution de la vente ( civ. 24 juin 1913).

Lorsque le créancier refuse le paiement d’un tiers, l’article 1342-1 du Code civil suggère que ce refus soit motivé par le créancier, faute de quoi il lui sera difficile d’établir sa légitimité en cas de saisine du juge.

Afin de surmonter ce refus, la seule option qui s’offre au tiers sera de mettre en œuvre la procédure de mise en demeure du créancier prévue aux articles 1345 et suivants du Code civil.

==> L’indifférence du refus du débiteur

Si le créancier dispose de la faculté de s’opposer au paiement réalisé par un tiers, la question se pose de savoir si le débiteur est investi de la même faculté.

Le projet d’ordonnance portant réforme du droit des contrats avait envisagé cette possibilité qui aurait été introduite à l’article 1320-1 du Code civil. Le législateur n’a toutefois pas retenu cette proposition.

L’opposition au paiement de la dette par un tiers ne peut dès lors être formée que par le créancier, à la condition qu’il justifie d’un motif légitime.

II) L’accipiens ou celui qui est payé

Si la plupart du temps le paiement sera réalisé entre les mains du créancier, il est des cas où il pourra être effectué auprès d’un tiers.

La qualité d’accipiens n’est ainsi pas nécessairement endossée par le créancier ; elle peut également être attribuée à une personne désignée.

A) Le paiement entre les mains du créancier

Si le Code civil ne prévoit pas expressément que c’est au débiteur qu’il appartient de payer, il précise en revanche auprès de qui le paiement doit être effectué.

L’article 1342-2 énonce en effet que le paiement doit être fait, en premier lieu, au créancier lui-même.

Le principe ainsi posé est l’identité entre les personnes de l’accipiens et de créancier. Pour que le paiement soit valable dans cette hypothèse encore faut-il que la personne qui le reçoit justifie :

  • D’une part, de sa qualité de créancier
  • D’autre part, de sa capacité juridique

==> La qualité de créancier

Une personne endosse la qualité de créancier lorsqu’elle est titulaire d’une créance, soit d’un droit personnel, lequel naît de la création d’un rapport d’obligation.

À cet égard, l’acquisition d’une créance peut-elle résulter :

  • Soit du fait générateur lui-même de l’obligation : conclusion d’un contrat, fait illicite, effet de la loi, etc.
  • Soit de la transmission de l’obligation : cession, saisie, succession etc.

Aussi, est-il indifférent que la personne qui reçoit le paiement n’ait pas été créancier au jour de la naissance de l’obligation. Ce qui importe, c’est qu’elle ait acquis la qualité de créancier au jour du paiement.

C’est ce qui explique que le paiement réalisé entre les mains d’un ayant droit du créancier ou du cessionnaire d’une créance est parfaitement valable.

==> La capacité du créancier

L’article 1342-2, al. 3e du Code civil prévoit que « le paiement fait à un créancier dans l’incapacité de contracter n’est pas valable, s’il n’en a tiré profit. »

Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition :

  • Premier enseignement
    • Seule une personne capable peut recevoir le paiement
    • Plus précisément, il faut, énonce le texte, justifier de la capacité de contracter.
    • Sous l’empire du droit antérieur, comme souligné par des auteurs[2], le paiement n’était valable que si la personne qui le recevait jouissait de la capacité de disposer, soit une capacité autorisant à accomplir les actes les plus gaves et non limitée aux seuls actes d’administration.
    • En tout état de cause, l’incapacité du créancier est sanctionnée par la nullité du paiement.
    • En application de l’article 1147 du Code civil, il s’agit d’une nullité relative ; seule la personne protégée peut donc s’en prévaloir.
  • Second enseignement
    • Le paiement réalisé entre les mains d’une personne frappée d’une incapacité n’est pas nécessairement nul.
    • Il peut être valable, dit l’article 1342-2, al. 3e du Code civil, si la personne incapable en a tiré profit, soit si elle a fait bon usage des fonds reçus entre ses mains.

B) Le paiement entre les mains d’un tiers

Pour que le paiement réalisé entre les mains d’un tiers soit valable, il faut que l’accipiens ait été désigné par le créancier.

1. Le paiement fait à la personne désignée

L’article 1342-2 du Code civil prévoit expressément que le paiement peut être fait « à la personne désignée pour le recevoir. »

Par « personne désignée », il faut entendre le représentant du créancier, soit celui investi du pouvoir d’agir au nom et pour le compte de ce dernier.

Pour mémoire, le pouvoir de représentation peut avoir trois sources différentes :

  • La loi: elle désigne les parents comme représentants légaux de l’enfant mineur (administration légale)
  • Le juge: il désigne la personne qui sera chargée de représenter l’incapable majeur (tutelle, curatelle etc.) ou d’administrer une société faisant l’objet d’une procédure collective (administration judiciaire)
  • Le contrat : il peut conférer à la partie désignée le pouvoir de représenter son cocontractant (mandat)

Lorsque le représentant tire son pouvoir d’un mandat, la jurisprudence n’exige pas que celui-ci soit régularisé par écrit (V. en ce sens Cass. req. 3 août, 1840).

La Cour de cassation est allée jusqu’à admettre, dans un arrêt du 14 avril 2016, que le mandat puisse résulter d’un « usage accepté » par les parties (Cass. 3e civ. 14 avr. 2016, n°15-11.343).

Plus généralement, il est indifférent que la personne qui reçoit le paiement tire son pouvoir de la loi, d’une décision de justice ou d’un contrat, ce qui importe c’est qu’elle ait agi dans le cadre d’une représentation du créancier et que donc elle ait valablement reçu pouvoir de le représenter.

Enfin, il peut être observé que l’admission de la réception du paiement par le représentant du créancier rejoint la règle énoncée à l’article 1340 du Code civil qui prévoit que « la simple indication faite par le débiteur d’une personne désignée pour payer à sa place n’emporte ni novation, ni délégation. Il en est de même de la simple indication faite, par le créancier, d’une personne désignée pour recevoir le paiement pour lui. »

2. Le paiement fait à une personne non désignée

a. Principe

Lorsque le paiement est réalisé entre les mains d’une personne qui n’était pas investie du pouvoir de le recevoir, il n’est pas valable.

La conséquence en est que le débiteur n’est pas libéré de son obligation. Cette situation est exprimée par l’adage « qui paye, mal paye deux fois ».

Aussi, le débiteur peut-il être contraint par le créancier à payer une nouvelle fois, le paiement n’ayant pas produit son effet libératoire.

Cette règle n’est toutefois pas absolue ; elle est assortie de deux exceptions.

b. Exceptions

==> Ratification

L’article 1342-2 du Code civil prévoit que « le paiement fait à une personne qui n’avait pas qualité pour le recevoir est néanmoins valable si le créancier le ratifie ou s’il en a profité »

Ainsi, le paiement réalisé entre les mains d’une personne qui n’avait pas le pouvoir de le recevoir peut échapper à la nullité dans deux cas :

  • Premier cas : le paiement a été ratifié par le créancier
    • Le paiement demeure donc valable lorsqu’il a été ratifié a posteriori par le créancier.
    • Cela suppose que ce dernier ait exprimé la volonté de faire produire au paiement son effet libératoire.
    • La ratification du paiement peut être expresse ou implicite.
    • Dans un arrêt du 12 juillet 1993 la Cour de cassation a ainsi admis que l’inscription au débit du compte courant d’un associé qui avait perçu en son nom personnel un paiement qui était destiné à la société valait ratification, de sorte que le débiteur était libéré de son obligation ( com. 12 juill. 1993, n°91-16.793).
    • Dans un arrêt du 1er mars 1962, la Cour de cassation a en revanche considéré que la seule connaissance par le créancier de la réalisation du paiement entre les mains d’une personne qui n’avait pas le pouvoir de le recevoir ne valait pas ratification ( soc. 1er mars 1962).
  • Second cas : le créancier a tiré profit du paiement
    • Lorsque le paiement est réalisé entre les mains d’une personne qui n’avait pas qualité pour le recevoir, il demeure valable si le créancier en a tiré profit.
    • Autrement dit, le paiement doit avoir procuré in fine au créancier un bénéfice équivalent à celui dont il aurait profité s’il avait été réalisé entre les mains de la bonne personne.
    • Tel sera le cas si, en présence de deux héritiers créanciers d’une même dette, le paiement est fait, pour l’intégralité de la dette à l’un d’eux, tandis que l’autre héritier était débiteur du premier.

==> Créancier apparent

  • Principe
    • L’article 1342-3 du Code civil prévoit que « le paiement fait de bonne foi à un créancier apparent est valable.»
    • Il ressort de cette disposition que, nonobstant l’absence de ratification d’un paiement réalisé entre les mains d’une personne qui n’avait pas le pouvoir de le recevoir, et bien que le créancier n’en ait retiré aucun profit, le paiement peut malgré tout demeurer valable en présence d’un « créancier apparent».
    • À l’analyse, il s’agit là d’une reprise du principe posé par l’ancien article 1240 qui prévoyait que « le paiement fait de bonne foi à celui qui est en possession de la créance est valable, encore que le possesseur en soit par la suite évincé. »
    • Si sur le fond, la règle énoncée reste inchangée ; sur la forme elle connaît une évolution majeure en ce que le législateur a notamment expurgé de sa formulation la référence à « la possession de la créance».
    • La raison en est que l’ancienne formule pouvait être trompeuse, car elle suggérait que le possesseur de la créance était celui qui détenait un titre constatant la créance.
    • Or tel n’était pas le sens du texte : le possesseur de la créance visait la personne qui, pour le solvens, présentait l’apparence du créancier.
    • Le législateur a ainsi entendu lever toute ambiguïté et consacrer la jurisprudence relative à la théorie de l’apparence.
    • Aussi, lorsque le solvens de bonne foi a été trompé par les apparences, soit avait toutes les raisons de croire que la personne auprès de laquelle il a payé était le véritable créancier, son paiement demeure valable et produit un effet libératoire.
    • Tel sera le cas, par exemple, lorsque le solvens paye l’héritier apparent du créancier alors que, en réalité, celui-ci n’était titulaire d’aucun droit en raison de l’existence d’un testament contraire dont lui-même ignorait l’existence car découvert tardivement.
    • L’application de la théorie de l’apparence suppose la réunion de deux conditions cumulatives :
      • Première condition
        • Le solvens doit être de bonne foi, ce qui implique qu’il devait ignorer que la personne entre les mains de laquelle il a payé n’était pas le véritable créancier
        • Autrement dit, il doit avoir cru, de façon erronée, à la qualité de créancier de l’accipiens.
      • Seconde condition
        • La personne qui a reçu le paiement doit avoir, aux yeux des tiers, l’apparence du créancier
        • La croyance du solvens doit ainsi être légitime en ce sens qu’une personne placée dans la même situation aurait commis la même erreur d’appréciation
  • Effets
    • Les conditions de l’apparence sont réunies
      • Dans cette hypothèse, le paiement réalisé par le solvens produit un effet libératoire, ce qui signifie que le débiteur est libéré de son obligation envers le créancier.
      • Charge alors à ce dernier de se retourner vers l’accipiens et de lui réclamer le paiement qui lui était destiné sur le fondement de l’enrichissement injustifié régi aux articles 1303 à 1303-4 du Code civil.
      • Pour mémoire, l’article 1303 du Code civil prévoit que « en dehors des cas de gestion d’affaires et de paiement de l’indu, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement. »
    • Les conditions de l’apparence ne sont pas réunies
      • Dans cette hypothèse, le paiement réalisé par le solvens ne produit aucun effet libératoire.
      • Aussi, le créancier pourra toujours exiger le paiement auprès du débiteur qui demeure tenu.
      • Tout au plus, il pourra engager une action en répétition de l’indu à l’encontre de l’accipiens, étant précisé que le juge dispose de la faculté de réduire le montant de la restitution dans l’hypothèse où le paiement – indu – procède d’une faute ( 1302-3, al. 2e C. civ.).

 

[1] E-D Glasson, A. Tissier, R. Morel, Traité théorique et pratique d’organisation judiciaire de compétence et de procédure civile, Paris, Libr. du Rec. Sirey, 1925-1936, t. 1 n° 173

[2] V. en ce sens G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations – Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, éd. Dalloz, 2018, n°941, p.849.

De la distinction entre la condition et le terme (obligation conditionnelle et obligation à terme)

I) Notions

==> La condition

Si, par principe, l’obligation est réputée exister dès l’échange des consentements, les parties peuvent subordonner sa création ou sa disparition à la réalisation d’un événement dont elles déterminent la teneur lors de la conclusion du contrat.

Cette modalité de l’obligation qui est susceptible d’affecter son existence est qualifiée de condition.

Introduit par l’ordonnance du 10 février 2016, le nouvel article 1304 du Code civil prévoit que « l’obligation est conditionnelle lorsqu’elle dépend d’un événement futur et incertain. »

La condition fait ainsi dépendre l’existence de l’obligation d’un événement dont la réalisation est indépendante de la volonté des parties (à tout le moins du débiteur).

Classiquement, on distingue deux sortes de conditions : la condition suspensive et la condition résolutoire.

  • La condition suspensive
    • Le nouvel article 1304 du Code civil prévoit, en son alinéa 2 que « la condition est suspensive lorsque son accomplissement rend l’obligation pure et simple. »
    • La condition suspensive est de la sorte celle qui suspend la naissance de l’obligation à la réalisation d’un événement futur et incertain.
    • Le rapport au Président de la République précise que « en présence d’une condition suspensive, la naissance de l’obligation est suspendue à l’accomplissement de cette condition : tant que la condition n’est pas réalisée, l’obligation conditionnelle n’existe qu’en germe, seul l’accomplissement de la condition rend l’obligation pure et simple».
    • Deux hypothèses sont alors envisageables :
      • La condition suspensive se réalise
        • L’obligation est confirmée dans sa création
        • Dès lors, le contrat devient efficace : il peut recevoir exécution
      • La condition suspensive ne se réalise pas
        • L’obligation est réputée n’avoir jamais existé
        • La conséquence en est que si elle constituait un élément essentiel du contrat, l’acte est frappé de caducité
  • La condition résolutoire
    • Le nouvel article 1304 du Code civil prévoit en son alinéa 3 que la condition « est résolutoire lorsque son accomplissement entraîne l’anéantissement de l’obligation.»
    • Ainsi, la condition résolutoire est celle qui, si elle se réalise, menace de disparition une obligation qui existe déjà.
    • Plus précisément, selon le rapport au Président de la République « en présence d’une condition résolutoire, l’obligation naît immédiatement et produit tous ses effets, mais son anéantissement est subordonné à l’accomplissement de la condition. »
      • Exemple :
        • Les parties prévoient que, en cas de nom paiement du loyer à une échéance déterminée, le bail est résilié de plein droit

La distinction entre la condition suspensive et la condition résolutoire tient au fond à ce que « dans le premier cas, l’obligation est provisoirement inefficace, mais son efficacité peut résulter rétroactivement de la réalisation de la condition, tandis que dans le second, elle est provisoirement efficace, mais peut être rétroactivement anéantie si la condition se réalise »[1]

==> Le terme

Initialement, le Code civil ne donnait aucune définition du terme. Lors de la réforme des obligations, le législateur a remédié à cette carence en introduisant un nouvel article 1305 dans le Code civil

Cette disposition prévoit que « l’obligation est à terme lorsque son exigibilité est différée jusqu’à la survenance d’un événement futur et certain, encore que la date en soit incertaine. »

Deux enseignements majeurs peuvent être tirés de cette définition :

  • Premier enseignement : une modalité temporelle de l’obligation
    • Le terme est une modalité de l’obligation qui a pour objet d’affecter son exigibilité ou sa durée
      • Lorsque le terme fait dépendre l’exigibilité de l’obligation d’un événement, on dit que le terme est suspensif
        • Dans cette hypothèse, l’obligation existe
        • Toutefois, tant que l’événement ne s’est pas réalisé, le créancier ne peut pas en réclamer l’exécution
      • Lorsque le terme fait dépendre la durée de l’obligation d’un événement, on dit que le terme est extinctif
        • Dans cette hypothèse, non seulement l’obligation existe, mais encore elle est exigible
        • Il en résulte que tant que l’événement ne s’est pas réalisé le débiteur doit l’exécuter
        • Lorsque, en revanche, l’échéance fixée interviendra, l’obligation disparaîtra
  • Second enseignement : un événement futur et certain
    • Le terme consiste en un événement qui est futur et certain, mais dont la date de réalisation peut être incertaine.
    • Si donc l’événement doit être certain pour être qualifié de terme, sa date de réalisation peut en revanche ne pas être fixée :
      • Lorsque la date de réalisation de l’événement dont dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation est déterminée, le terme est certain
      • Lorsque la date de réalisation de l’événement dont dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation est indéterminée, le terme est incertain
    • En toute hypothèse, pour constituer un terme l’événement auquel est subordonnée l’exigibilité ou la durée de l’obligation doit nécessairement être certain dans son principe
      • Exemple:
        • l’événement auquel est subordonné le versement d’une prime d’assurance au décès d’une personne constitue un terme et non une condition
        • Si la date de décès d’une personne est, par nature, incertaine, il est certain que cet événement se produira
      • À, défaut de certitude quant à la réalisation même de l’événement, celui-ci s’apparentera à une condition

II) Critères de la distinction

La condition se distingue du terme sur deux points :

  • Premier élément distinctif : existence / exigibilité-durée
    • La condition
      • Elle est une modalité de l’obligation qui affecte son existence, en ce sens que de sa réalisation dépend
        • soit sa création : la condition est suspensive
        • soit sa disparition : la condition est résolutoire
    • Le terme
      • Il est une modalité de l’obligation qui affecte, non pas son existence, mais son exigibilité ou sa durée
        • Le terme est suspensif lorsqu’il affecte l’exigibilité de l’obligation
        • Le terme est extinctif lorsqu’il affecte la durée de l’obligation
  • Second élément distinctif : l’incertitude
    • La condition
      • Elle se rapporte à un événement incertain, en ce sens que sa réalisation est indépendante de la volonté des parties
      • Ce n’est qu’en cas de survenance de cet événement que l’obligation produira ses effets
    • Le terme
      • Il se rapporte à un événement certain, en ce sens que sa survenance n’est pas soumise à un aléa
      • Les parties ont la certitude que cet événement se produira, soit parce que son échéance est déterminée, soit parce que sa réalisation est inévitable

[1] F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil : les obligations, éd. Dalloz 2007, coll. « précis », n°1221, p. 1161-1162.

La déchéance du terme

La déchéance du terme est une sanction qui consiste à priver le débiteur du bénéfice du terme, soit de la suspension de l’exigibilité de l’obligation.

Il s’ensuit que l’obligation devient immédiatement exigible, ce qui offre la possibilité, pour le créancier, d’engager des poursuites.

La déchéance du terme peut être légale ou conventionnelle.

I) La déchéance du terme conventionnelle

Dans cette hypothèse, la déchéance du terme ne soulève aucune difficulté particulière.

L’obligation devient immédiatement exigible dès lors que la cause de déchéance du terme prévue par les parties se réalise.

Lorsque la déchéance du terme est conventionnelle, elle devra expressément être prévue par les parties.

II) La déchéance du terme légale

A) Les causes de déchéance du terme

Lorsque la déchéance du terme est d’origine légale, elle est susceptible d’intervenir dans plusieurs cas, étant précisé que le législateur a récemment abandonné l’une des causes de déchéance antérieurement retenue.

==> Les causes maintenues de déchéance du terme

  • La diminution des sûretés
    • L’article 1305-4 du Code civil dispose que « le débiteur ne peut réclamer le bénéfice du terme s’il ne fournit pas les sûretés promises au créancier ou s’il diminue celles qui garantissent l’obligation. »
    • Deux causes de déchéance du terme sont envisagées par cette disposition
      • L’absence de fourniture des sûretés promises au créancier
      • La diminution des sûretés promises au créancier
    • Pour que l’une de ces deux causes de déchéance soit caractérisée, cela suppose la réunion de trois conditions cumulatives
      • La constitution d’une sûreté
        • Le texte exige qu’une sûreté ait été constituée au profit du créancier
        • Aucune distinction n’est faite entre les sûretés personnelles et les sûretés réelles, de sorte que les deux peuvent être envisagées.
      • La constitution d’une sûreté spéciale
        • Il ressort de l’article 1305-4 que la sûreté doit avoir été promise au créancier
        • Par promise, il faut entendre que la sûreté a une origine contractuelle
        • On peut en déduire que la déchéance du terme ne saurait être fondée sur le droit de gage général
        • Une sûreté spéciale doit avoir contractuellement été constituée à la faveur du créancier.
      • L’absence de constitution de la sûreté ou sa diminution
        • Peu importe que le débiteur n’ait pas constitué la sûreté promise ou l’ait seulement diminuée, dans les deux cas, cette conduite constitue une cause de déchéance du terme
        • Le législateur ne distingue pas non plus selon que la source de la diminution de la sûreté est légale ou conventionnelle
      • Un fait imputable au débiteur
        • Pour que l’absence de fourniture de la sûreté promise ou la diminution de la sûreté constituent des causes de nullité, encore faut-il que ces situations puissent être imputées au débiteur
        • La question qui immédiatement se pose est alors de savoir si le fait du débiteur doit être fautif ou non pour entraîner la déchéance du terme
        • Dans le droit antérieur les tribunaux exigeaient une faute.
        • L’article 1305-4 est quant à lui silencieux sur ce point ce que l’on peut regretter.
  • La défaillance de l’emprunteur
    • L’article 312-39 du Code de la consommation prévoit que « en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. »
    • Ainsi, le non-paiement de l’échéance d’un prêt constitue une cause légale de déchéance du terme.
    • La Cour de cassation est toutefois venue préciser dans un arrêt du 15 juin 2015 que « si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle»
    • Autrement dit, pour se prévaloir de la déchéance du terme, le prêteur était tenu d’adresser à l’emprunteur une mise en demeure de régulariser l’échéance impayée.
    • Aussi, c’est seulement si l’emprunteur ne défère pas à cette mise en demeure que la déchéance du terme est acquise.
    • Elle devra être notifiée au débiteur par l’envoi d’un nouveau courrier.

Cass. 1ère civ. 3 juin 2015
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 1134, 1147 et 1184 du code civil ;

Attendu que, si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Laser Cofinoga a consenti, le 23 juillet 2009, à M. X..., un prêt personnel remboursable par mensualités ; que celui-ci ayant cessé ses paiements à partir du mois de juin 2010, la société s'est prévalue de la déchéance du terme par lettre recommandée avec avis de réception du 16 janvier 2011, puis l'a assigné en remboursement ;

Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt énonce qu'il ne résulte pas des stipulations contractuelles que le prêteur soit tenu de mettre en demeure l'emprunteur préalablement au constat de la déchéance du terme ;

Qu'en statuant ainsi, en l'absence de stipulation expresse dispensant le créancier de mise en demeure, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

  • La liquidation judiciaire
    • En cas de liquidation judiciaire, l’article L. 643-1 du Code de commerce prévoit que « le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues. »
    • Ainsi, pour faciliter l’opération de liquidation d’une entreprise, ce texte prévoit qu’elle constitue une cause de déchéance du terme

==> Les causes abandonnées de déchéance du terme

  • Les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire
    • Antérieurement à la réforme des procédures collectives, le jugement d’ouverture avait notamment pour effet de rendre exigible les dettes non échues
    • Désormais, l’article L. 622-29 du Code de commerce prévoit que « le jugement d’ouverture ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé. Toute clause contraire est réputée non écrite. »
    • L’instauration de cette règle se justifie par le triple objectif poursuivi par les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire :
      • la sauvegarde de l’entreprise
      • le maintien de l’activité et de l’emploi
      • l’apurement du passif
  • La faillite
    • Avant l’adoption de la loi du 25 janvier 1985, l’ancien article 1188 du Code civil visait comme cause de déchéance du terme la faillite du débiteur.
    • Cette disposition prévoyait que « le débiteur ne peut plus réclamer le bénéfice du terme lorsqu’il a fait faillite […].»
    • Ainsi, en 1985 le législateur a-t-il abandonné cette cause de déchéance du terme.

B) Les effets de la déchéance du terme

La déchéance du terme produit deux effets principaux :

  • Premier effet
    • L’obligation à terme devient exigible, de sorte que le créancier peut réclamer au débiteur son exécution immédiate
      • En matière de contrat de prêt le capital emprunté restant dû ainsi que les intérêts et pénalités devront donc intégralement être acquittés par le débiteur
      • Pour l’y contraindre, le créancier pourra engager à son encontre des poursuites judiciaires
  • Second effet
    • La déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires, et à ses cautions ( 1305-5 C. civ.)
      • Cela signifie que la déchéance du terme produit un effet personnel
      • Le créancier devra, en conséquence, attendre la survenance de l’échéance pour actionner les coobligés en paiement
      • Cette règle se justifie par la nature de la déchéance du terme qui n’est autre qu’une sanction
      • Dans la mesure où elle vise à sanctionner le débiteur fautif, elle ne saurait toucher des personnes qui n’ont commis aucune faute.
      • La loi de ratification a précisé le second effet de la déchéance du terme en modifiant l’article 1305-5 du code civil relatif à l’inopposabilité de la déchéance du terme aux coobligés. pour ajouter que cette disposition est également applicable aux cautions.
      • En effet, la déchéance ayant par nature un caractère de sanction personnelle, elle ne doit pas produire d’effet sur les coobligés du débiteur déchu, sauf texte spécial dérogeant à cette règle.
      • La jurisprudence sur ce point est constante, qu’il s’agisse d’une caution, même solidaire, ou de codébiteurs solidaires.
      • Il ressort de la lecture du rapport au Président de la République que le texte entendait viser tant les codébiteurs que les cautions.
      • Or, stricto sensu, le terme « coobligés » fait référence aux codébiteurs seulement.
      • C’est la raison pour laquelle, l’article 1305-5 a été complété pour viser expressément les cautions du débiteur déchu.

Le terme: modalité de l’obligation (notion, caractères, effets)

?Notion

Initialement, le Code civil ne donnait aucune définition du terme. Lors de la réforme des obligations, le législateur a remédié à cette carence en introduisant un nouvel article 1305 dans le Code civil

Cette disposition prévoit que « l’obligation est à terme lorsque son exigibilité est différée jusqu’à la survenance d’un événement futur et certain, encore que la date en soit incertaine. »

Deux enseignements majeurs peuvent être tirés de cette définition :

  • Premier enseignement : une modalité temporelle de l’obligation
    • Le terme est une modalité de l’obligation qui a pour objet d’affecter son exigibilité ou sa durée
      • Lorsque le terme fait dépendre l’exigibilité de l’obligation d’un événement, on dit que le terme est suspensif
        • Dans cette hypothèse, l’obligation existe
        • Toutefois, tant que l’événement ne s’est pas réalisé, le créancier ne peut pas en réclamer l’exécution
      • Lorsque le terme fait dépendre la durée de l’obligation d’un événement, on dit que le terme est extinctif
        • Dans cette hypothèse, non seulement l’obligation existe, mais encore elle est exigible
        • Il en résulte que tant que l’événement ne s’est pas réalisé le débiteur doit l’exécuter
        • Lorsque, en revanche, l’échéance fixée interviendra, l’obligation disparaîtra
  • Second enseignement : un événement futur et certain
    • Le terme consiste en un événement qui est futur et certain, mais dont la date de réalisation peut être incertaine.
    • Si donc l’événement doit être certain pour être qualifié de terme, sa date de réalisation peut en revanche ne pas être fixée :
      • Lorsque la date de réalisation de l’événement dont dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation est déterminée, le terme est certain
      • Lorsque la date de réalisation de l’événement dont dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation est indéterminée, le terme est incertain
    • En toute hypothèse, pour constituer un terme l’événement auquel est subordonnée l’exigibilité ou la durée de l’obligation doit nécessairement être certain dans son principe
      • Exemple :
        • l’événement auquel est subordonné le versement d’une prime d’assurance au décès d’une personne constitue un terme et non une condition
        • Si la date de décès d’une personne est, par nature, incertaine, il est certain que cet événement se produira
    • À, défaut de certitude quant à la réalisation même de l’événement, celui-ci s’apparentera à une condition

?Distinction entre le terme et la condition

Le terme se distingue de la condition sur deux points :

  • Premier élément distinctif : existence / exigibilité-durée
    • La condition
      • Elle est une modalité de l’obligation qui affecte son existence, en ce sens que de sa réalisation dépend
        • soit sa création (condition suspensive)
        • soit sa disparition (condition résolutoire)
    • Le terme
      • Il est une modalité de l’obligation qui affecte, non pas son existence, mais son exigibilité ou sa durée
        • Le terme est suspensif lorsqu’il affecte l’exigibilité de l’obligation
        • Le terme est extinctif lorsqu’il affecte la durée de l’obligation
  • Second élément distinctif : l’incertitude
    • La condition
      • Elle se rapporte à un événement incertain, en ce sens que sa réalisation est indépendante de la volonté des parties
      • Ce n’est qu’en cas de survenance de cet événement que l’obligation produira ses effets
    • Le terme
      • Il se rapporte à un événement certain, en ce sens que sa survenance n’est pas soumise à un aléa
      • Les parties ont la certitude que cet événement se produira, soit parce que son échéance est déterminée, soit parce que sa réalisation est inévitable

?Terme casuel / terme potestatif / terme mixte

  • Le terme casuel
    • Le terme est dit casuel lorsqu’il consiste en un événement dont la réalisation est indépendante de la volonté des parties.
      • Exemple : les parties prévoient qu’il sera mis fin contrat en cas de décès de l’une d’elles (terme extinctif)
    • Ce type de terme ne soulève pas de difficulté. Il peut librement être stipulé par les contractants.
  • Le terme potestatif
    • Le terme est dit potestatif lorsqu’il consiste en un événement dont la réalisation dépend de la seule volonté d’une partie au contrat.
    • La question qui immédiatement se pose est de savoir si, à l’instar de la condition potestative, la stipulation d’un terme potestatif est prohibée.
    • Qu’en est-il, dans cette perspective, de la clause qui prévoit que le débiteur exécutera la prestation prévue lorsqu’il le voudra
    • Ne pourrait-on pas envisager qu’elle présente un caractère potestatif ?
    • Bien que l’on puisse être légitimement en droit de la penser, la jurisprudence a plutôt tendance à analyser cette clause comme instituant un terme incertain, l’exigibilité de l’obligation pouvant ainsi être reportée jusqu’au décès du débiteur (Cass. 1ère civ. 21 juill. 1965 ; Cass. 1ère civ. 13 déc. 1994, n°93-10.206).
    • S’il est certaines décisions qui ont admis une requalification du terme en condition potestative illicite, sans doute est-ce parce que la réalisation du terme, bien que tenu certaine par les parties, ne l’était objectivement pas.
    • Au vrai, dans bien des cas, les tribunaux confondent le terme et la condition, ce qui explique la confusion qui règne sur ce point.
  • Le terme mixte
    • Par terme mixte il faut entendre l’événement dont la réalisation dépend, à la fois de la volonté d’une partie au contrat, et d’un fait ou d’un acte extérieur à cette volonté.
    • Il s’agit, en particulier, de la stipulation qui prévoit que le débiteur exécutera la prestation prévue lorsqu’il le pourra. C’est la clause de retour à meilleure fortune.
    • Dans un arrêt remarqué du 4 décembre 1985, la Cour de cassation a estimé que cette clause institue non pas « une condition purement potestative, mais un terme à échéance incertaine pouvant être fixe judiciairement » (Cass. 3e civ. 4 déc. 1985, n°84-14.353).
    • Aussi, appartient-il au juge, en pareil cas, de déterminer l’échéance à laquelle l’obligation devient exigible.

?Un événement futur et certain

Pour être qualifié de terme l’événement dont dépend l’exécution de l’obligation doit être futur et certain.

Si le premier de ces caractères ne soulève pas de difficulté particulière, tel n’est pas le cas de l’exigence de certitude de l’événement qui a fait l’objet d’un débat doctrinal qui s’est accompagné d’une évolution de la jurisprudence.

  • Exposé de la problématique
    • En principe, pour être qualifié de terme, l’événement dont dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation doit être certain dans son principe, peu importe sa date de réalisation.
    • Aussi, que doit-on entendre par certain ?
    • Suffit-il que l’événement pris pour référence par les parties soit tenu pour certain par les parties pour être qualifié de terme ou est-il nécessaire que réalisation soit objectivement certaine ?
    • Pour la doctrine classique, de deux choses l’une :
      • Soit l’événement est objectivement certain auquel cas il s’apparente à un terme
      • Soit l’événement est objectivement incertain auquel cas il constitue une condition
    • C’est donc une approche objective de la certitude qui a été retenue par les auteurs.
  • Évolution de la jurisprudence
    • Première étape
      • Dans un premier temps, la Cour de cassation a adopté une approche plutôt subjective de l’exigence de certitude
      • Elle estimait en ce sens que dès lors que les parties avaient considéré l’événement pris en référence, comme certain, il pouvait être qualifié de terme quand bien même sa réalisation était objectivement incertaine (V. notamment en ce sens Cass. 1ère civ. 21 juill. 1965).
    • Seconde étape
      • Dans une décision relativement récente, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en considérant que « le terme est un événement futur et certain auquel est subordonnée l’exigibilité ou l’extinction d’une obligation », ce dont elle déduit que si « l’événement [est] incertain non seulement dans sa date, mais aussi quant à sa réalisation, il [s’agit] d’une condition et non d’un terme » (Cass. 1ère civ. 13 avr. 1999, n°97-11.156).
      • Il ressort de cette solution un rejet de la conception subjective du terme, dont les parties n’ont plus la discrétion de la qualification.
      • Le revirement opéré par la première chambre civile a été confirmé dans les mêmes termes par un arrêt du 13 juillet 2004 (Cass. 1ère civ. 13 juill. 2004, n°01-01.429)

Cass. 1ère civ. 13 avr. 1999

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Union générale cinématographique, pris en sa première branche :

Vu l’article 1185 du Code civil ;

Attendu que le terme est un événement futur et certain auquel est subordonnée l’exigibilité ou l’extinction d’une obligation ;

Attendu que, pour débouter la société Union générale cinématographique (UGC), de son appel en garantie tendant à voir dire que la société Compagnie immobilière et commerciale francilienne (CICF) devrait supporter les charges dues à l’Association foncière urbaine du centre commercial principal des Flanades, à Sarcelles, au titre du lot n° 54, exploité à usage de cinémas, l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, retient que l’accord du 13 mars 1981, faisant la loi des parties, selon lequel la société CIRP, aux droits de laquelle se trouve la CICF, s’est engagée à supporter ces charges aux lieu et place de l’UGC, tant que le nombre d’entrées annuelles des cinémas resterait inférieur ou égal à 380 000, comporte un terme et non une condition, dès lors qu’il a été considéré comme de réalisation certaine par les parties ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que l’événement étant incertain non seulement dans sa date, mais aussi quant à sa réalisation, il s’agissait d’une condition et non d’un terme, la cour d’appel a violé le texte susvisé par fausse application ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen du pourvoi incident, ni sur ceux du pourvoi principal de la société Compagnie immobilière et commerciale francilienne CICF :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 juin 1996, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens.

I) La fixation du terme

Le terme peut avoir trois sources différentes : il peut être conventionnel, légal ou judiciaire

La distinction entre ces trois sortes de termes présente un triple intérêt :

Tout d’abord, tandis que les termes conventionnels et légaux s’imposent au juge, le délai judiciaire (de grâce) relève de son pouvoir souverain d’appréciation

Ensuite, tandis que seul le débiteur peut bénéficier du terme judiciaire, les termes légaux et conventionnels peuvent également profiter au créancier

Enfin, tandis que les termes légaux et judiciaires doivent être exprès, le terme conventionnel peut être tacite

A) Le terme conventionnel

Le plus souvent le terme de l’obligation est fixé conventionnellement par les parties.

Bien que l’article 1305 du Code civil ne vise que le terme suspensif, la règle est également applicable au terme extinctif.

L’article 1305-2 du Code civil précise qu’il « peut être exprès ou tacite. »

Lorsque le terme est tacite, le juge devra rechercher la commune intention des parties.

Le terme peut être fixé, soit à la conclusion du contrat, soit au cours de son exécution.

Cette dernière hypothèse se rencontre notamment lorsque le créancier consentira des délais de paiement au débiteur.

  • En matière commerciale, l’octroi de délais de paiement pourra se faire dans le cadre d’une procédure de conciliation (anciennement règlement amiable.
  • En matière civile, l’octroi de délais de paiement pourra se faire dans le cadre d’une procédure de surendettement.

L’octroi de délais de paiement a pour effet, non pas d’éteindre la dette, mais de suspendre son exigibilité.

Aussi, cela s’analyse-t-il en la stipulation d’un terme suspensif.

B) Le terme légal

Deux sortes de termes légaux doivent être distinguées :

  • Le vrai terme légal
    • Le vrai terme légal est celui qui affecte, tantôt l’exigibilité de l’obligation, tantôt son existence.
      • Lorsque le terme légal est suspensif, soit affecte l’exigibilité de l’obligation, il consiste à ouvrir un droit à ouvrir l’exercice d’un droit à l’expiration d’un certain délai
      • Lorsque le terme légal est extinctif, soit affecte l’existence de l’obligation, il consiste à éteindre un droit à l’expiration d’un certain délai.
  • Le faux terme légal
    • Le faux terme légal est celui qui suspend, non pas l’exigibilité de l’obligation, mais les poursuites judiciaires susceptibles d’être engagées par un créancier contre le débiteur
    • L’examen des textes révèle que les faux termes légaux sont une espèce rare.
    • Cette rareté s’explique par le fait que la frilosité du législateur à s’ingérer dans l’exécution des conventions.
    • Aussi, la fixation de pareil terme légal ne se rencontrera que dans des circonstances très particulières : on parlera alors de moratoire légal
    • Des moratoires légaux ont ainsi été instaurés par le législateur par :
      • La loi du 5 août 1914 instituant un moratoire pour les dettes contractées pendant la première guerre mondiale
      • Le décret-loi du 1er septembre 1939 qui a suspendu toutes les mesures d’exécution à la faveur des soldats mobilisés et des prisonniers de guerre
      • La loi du 15 juillet 1970 autorisant les rapatriés à différer le remboursement de leurs dettes

C) Le terme judiciaire

À l’instar du terme légal, il convient de distinguer le « vrai » terme judiciaire du « faux » terme judiciaire.

1. Le vrai terme judiciaire

Il s’agit du terme qui affecte l’exigibilité de l’obligation.

La fixation du terme par le juge est spécifiquement prévue par le nouvel article 1305-1 du Code civil qui dispose que « à défaut d’accord, le juge peut le fixer en considération de la nature de l’obligation et de la situation des parties ».

Ainsi, jouit-il de la faculté de déterminer la date d’exigibilité de l’obligation, ce qui ne constitue nullement une nouveauté.

Comme rappelé par le Rapport au Président de la République une telle intervention judiciaire, qui permet de maintenir le contrat, est déjà consacrée par la jurisprudence – en dehors même du contrat de prêt pour lequel elle est prévue aux articles 1900 et 1901 du code civil.

Pour rappel :

  • L’article 1900 prévoit en ce sens que « s’il n’a pas été fixé de terme pour la restitution, le juge peut accorder à l’emprunteur un délai suivant les circonstances. »
  • Quant à l’article 1901, il dispose que « s’il a été seulement convenu que l’emprunteur payerait quand il le pourrait, ou quand il en aurait les moyens, le juge lui fixera un terme de paiement suivant les circonstances. »

2. Le faux terme judiciaire

Outre la faculté pour le juge de différer l’exigibilité d’une obligation, il est investi du pouvoir d’empêcher que des poursuites judiciaires soient diligentées contre un débiteur défaillant.

Cette mesure susceptible d’être prise par le juge est plus couramment qualifiée de délai de grâce ou de terme de grâce, bien qu’il ne s’agisse pas d’un véritable terme

?Notion

Le délai de grâce se définit classiquement comme « le délai supplémentaire raisonnable que le juge peut, par un adoucissement de la rigueur du terme, accorder au débiteur pour s’exécuter, compte tenu de sa situation économique et de sa position personnelle »[1].

Plus précisément, le délai de grâce consenti par le juge à un contractant fait obstacle à l’engagement de poursuites judiciaires contre lui.

Contrairement à une idée reçue, le délai de grâce n’affecte nullement l’exigibilité de la dette, dans la mesure où il n’empêche pas la production d’intérêts moratoires, ni la compensation.

?Historique

Initialement, le pouvoir conféré au juge d’octroyer au débiteur un délai de grâce était pour le moins restreint puisqu’il ne pouvait en user qu’avec une extrême parcimonie.

Puis les lois du 25 mars et du 22 août 1936 ont étendu le pouvoir du juge tout en précisant que le délai de grâce ne pouvait pas dépasser un an.

Le législateur est intervenu une nouvelle fois avec la loi du 9 juillet 1991 pour porter ce délai à deux ans. Il en a profité par là même pour diversifier les modalités de mise en œuvre du délai de grâce (échelonnement de la dette ou suspension pure et simple).

Lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, ce dernier n’a pas jugé nécessaire de revenir sur cette dernière réforme.

Le rapport au Président de la République indique en ce sens que conservées « sont conservées, mais rassemblées en un seul article, les dispositions existantes du code civil sur le report ou l’échelonnement du paiement des dettes par décision judiciaire (article 1343-5). »

Aussi, les conditions d’octroi d’un délai de grâce demeurent les mêmes.

?Domaine d’application des délais de grâces

  • Principe
    • Il ressort de l’article 1343-5 du Code civil qu’un délai de grâce peut être consenti par le juge au débiteur pour toute dette de droit privé
    • Il importe peu que la dette soit de nature contractuelle ou délictuelle
    • La cause de la dette est, par ailleurs, indifférente
    • L’alinéa 5 de l’article 1343-5 précise que « toute stipulation contraire est réputée non écrite. »
    • Il s’agit donc là d’une disposition d’ordre public.
  • Exceptions
    • Dans certains cas, le législateur a pu estimer que les intérêts du débiteur ne devaient pas primer sur ceux du créancier.
    • Aussi, a-t-il interdit au juge, en pareilles hypothèses, d’octroyer des délais de grâces au débiteur.
    • Il en va ainsi pour plusieurs sortes de dettes dont notamment :
      • Les dettes d’aliments (art. 1343-5, al. 6 C. com.)
      • En matière d’effets de commerce (art. L. 511-81 et L. 512-3 C. com.)
      • Les créances de salaires (Cass. soc. 18 nov. 1992)
      • Les cotisations sociales (Cass. soc. 16 avr. 1992)
      • La prestation compensatoire (Cass. 2e civ. 10 avr. 2014)

?Textes

  • Droit commun
    • Le droit commun des délais de grâce a pour siège de corpus de règles qu’il convient de distinguer
      • L’article 1343-5 du Code civil pour les conditions et les modalités d’octroi d’un délai de grâce
      • Les articles 510 à 513 du Code de procédure civile pour la procédure d’octroi d’un délai de grâce
  • Textes spéciaux
    • Plusieurs textes spéciaux ont été édictés par le législateur en vue de conférer au juge la faculté d’octroyer au débiteur des délais de grâces dans des circonstances particulières
    • Tel est le cas par exemple en matière :
      • De vente d’immeuble (art. 1655 C. civ.)
      • De prêt immobilier (art. L. 314-20 C. conso)
      • D’occupation de lieux habités ou de locaux à usage professionnel (art. L. 412-3 C. constr.)

?Conditions d’octroi du délai de grâce

L’octroi au débiteur d’un délai de grâce n’est pas automatique.

C’est au juge qu’il revient d’apprécier l’opportunité de consentir ou de refuser au débiteur une telle faveur eu égard.

Pour ce faire, il doit satisfaire un certain nombre de conditions posées par la loi :

  • Une dette monétaire
    • Pour être éligible à l’octroi d’un délai de grâce, la dette dont fait état le débiteur doit être de nature monétaire.
    • L’article 1343-5 du Code vise « le paiement des sommes dues »
    • Ainsi, ne peut-il s’agit d’une obligation de faire ou de ne pas faire.
  • La situation du débiteur
    • Pour solliciter le bénéfice d’un délai de grâce, le débiteur doit justifier
      • D’une part, d’une situation obérée, soit qu’il rencontre des difficultés qui objectivement ne lui permettent pas de satisfaire à son obligation de paiement
      • D’autre part, que les difficultés rencontrées résultent de circonstances indépendantes de sa volonté
      • Enfin, qu’il est de bonne foi, ce qui signifie qu’il a mis en œuvre tous les moyens dont ils disposent pour remplir son obligation.
  • Les besoins du créancier
    • La question qui se posera ici au juge est de savoir si, en octroyant un délai de grâce au débiteur, cette faveur est susceptible de compromettre la situation financière du créancier.
    • Aussi, les besoins du créancier détermineront la mesure dans laquelle le juge suspendra ou échelonnera le paiement de la dette
    • Si les besoins du créancier sont importants, celui-ci étant lui-même obligé vis-à-vis d’autres créanciers, le juge sera moins facilement enclin à octroyer à son débiteur des délais de paiement.
    • Il en ira tout autrement dans le cas contraire.

?Modalités d’octroi du délai de grâce

L’octroi d’un délai de grâce au débiteur par le juge peut s’opérer selon des modalités, les unes principales, les autres accessoires.

  • Les modalités principales
    • Le report de l’échéance
      • En application de l’article 1343-5 du Code civil, le juge peut suspendre le paiement de la dette pendant un délai maximum de deux ans
      • Cette mesure n’a toutefois pas pour effet de suspendre l’exigibilité de la dette.
      • Elle fait seulement obstacle à l’engagement de poursuites judiciaires par le créancier.
    • L’échelonnement de la dette
      • Le juge peut, s’il l’estime nécessaire, plutôt que de suspendre le paiement de la dette, seulement l’échelonner, là encore dans la limite de deux années.
  • Les modalités accessoires
    • Deux modalités accessoires peuvent être prises en complément des modalités principales d’octroi d’un délai de grâce
      • Réduction des intérêts et ordre d’imputation des paiements
        • Le juge peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêts à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
      • Les mesures visant à faciliter ou garantir le paiement
        • Le juge peut subordonner les mesures prises à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette

II) Le bénéficiaire du terme

?Intérêt de la détermination du bénéficiaire du terme

En principe le terme peut être stipulé dans l’intérêt du débiteur, du créancier ou encore des deux parties au contrat.

L’intérêt de connaître le bénéficiaire du terme réside dans la possibilité pour ce dernier d’y renoncer discrétionnairement.

L’article 1305-3, al. 2 du Code civil prévoit en ce sens que « la partie au bénéfice exclusif de qui le terme a été fixé peut y renoncer sans le consentement de l’autre. »

Exemple : un terme stipulé à la faveur du seul créancier interdit au débiteur d’exécuter sa prestation tant que l’échéance n’est pas survenue.

De son côté le créancier pourra, soit accepter une exécution anticipée du contrat, soit attendre l’expiration du terme.

?Principe : présomption de stipulation du terme dans l’intérêt du débiteur

L’article 1305-3 du Code civil dispose que « le terme profite au débiteur, s’il ne résulte de la loi, de la volonté des parties ou des circonstances qu’il a été établi en faveur du créancier ou des deux parties. »

Ainsi, le terme est-il toujours présumé être stipulé à la faveur du seul débiteur. L’instauration de cette présomption se justifie par les effets du terme.

La stipulation d’un terme constitue effectivement un avantage consenti au débiteur, en ce qu’il suspend l’exigibilité de la dette.

Le terme autorise donc le débiteur à ne pas exécuter la prestation prévue au contrat.

Il s’agit là d’une présomption simple, de sorte qu’elle peut être combattue par la preuve contraire.

Les parties ou la loi peuvent encore prévoir que le terme est stipulé, soit à la faveur du seul créancier, soit à la faveur des deux parties au contrat.

?Exceptions : la stipulation du terme dans l’intérêt du créancier ou des deux parties au contrat

  • La stipulation du terme dans l’intérêt du seul créancier
    • Dans cette hypothèse, il sera fait interdiction au débiteur d’exécuter la prestation avant l’expiration du terme
    • Le créancier pourra toutefois renoncer au bénéfice du terme ce qui autorisera le débiteur à ne pas attendre l’échéance pour éteindre la dette qui lui échoit.
  • La stipulation du terme dans l’intérêt des deux parties au contrat
    • Cette hypothèse se rencontre, notamment en matière de contrat de prêt
    • Dans cette catégorie de contrat le terme est stipulé
      • D’une part, dans l’intérêt du débiteur, en ce que celui-ci dispose de la faculté de procéder à un remboursement anticipé des fonds mis à sa disposition
      • D’autre part, dans l’intérêt du créancier, en ce que, en cas de remboursement anticipé des sommes prêtés, il est fondé à réclamer une indemnité de résiliation.
    • En matière de crédit à la consommation, il peut toutefois être observé que le terme est irréfragablement présumé être stipulé dans l’intérêt de l’emprunteur.
    • L’article L. 312-34 du Code de la consommation dispose que « l’emprunteur peut toujours, à son initiative, rembourser par anticipation, en partie ou en totalité, le crédit qui lui a été consenti. Dans ce cas, les intérêts et frais afférents à la durée résiduelle du contrat de crédit ne sont pas dus. »
    • Cette disposition exclut, en outre, la possibilité pour le prêteur de réclamer, en contrepartie une indemnité dans un certain nombre de cas, soit :
      • En cas d’autorisation de découvert ;
      • Si le remboursement anticipé a été effectué en exécution d’un contrat d’assurance destiné à garantir le remboursement du crédit
      • Si le remboursement anticipé intervient dans une période où le taux débiteur n’est pas fixe »
    • En dehors de ces cas, le texte prévoit que lorsque le montant du remboursement anticipé est supérieur à un certain seuil fixé, le prêteur peut exiger
      • Si le délai entre le remboursement anticipé et la date de fin du contrat de crédit est supérieur à un an, une indemnité qui ne peut dépasser 1 % du montant du crédit faisant l’objet du remboursement anticipé
      • Si le délai ne dépasse pas un an, l’indemnité ne peut pas dépasser 0,5 % du montant du crédit faisant l’objet d’un remboursement anticipé.
      • En aucun cas l’indemnité éventuelle ne peut dépasser le montant des intérêts que l’emprunteur aurait payés durant la période comprise entre le remboursement anticipé et la date de fin du contrat de crédit convenue initialement.
    • Aucune indemnité autre que celle mentionnée au présent article ni aucuns frais ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur en cas de remboursement par anticipation.

III) Les effets du terme

Les effets du terme diffèrent selon qu’il est suspensif ou extinctif.

A) Le terme suspensif

1. Avant l’échéance

Avant l’échéance, l’obligation existe, mais n’est pas exigible.

?L’existence de l’obligation

La stipulation d’un terme suspensif n’affecte pas l’existence de l’obligation

Il en résulte plusieurs conséquences :

  • Première conséquence
    • En application de l’article 1305-2 du Code civil « ce qui a été payé d’avance ne peut être répété »
    • Autrement dit, dans l’hypothèse où le débiteur aurait exécuté la prestation promise avant l’échéance, il ne pourra ni demander le remboursement des sommes versées, ni la restitution de la chose délivrée.
    • La raison en est que l’exécution anticipée de la prestation correspond à une obligation qui existe puisque seulement affectée dans son exigibilité
    • Il n’y a donc aucun indu propre à justifier une action en répétition.
  • Deuxième conséquence
    • Le point de départ de la prescription des actions dirigées contre l’acte n’est pas différé à l’expiration du terme.
  • Troisième conséquence
    • Le créancier de l’obligation à terme dispose de la faculté toute mesure conservatoire utile à la préservation de ses intérêts.
  • Quatrième conséquence
    • La créance à terme peut faire l’objet d’une saisie-attribution
    • La Cour de cassation a statué en ce sens dans plusieurs décisions (V. notamment Cass. 2e civ. 8 mars 2001)

?L’inexigibilité de l’obligation

L’article 1305-2 du Code civil prévoit que « ce qui n’est dû qu’à terme ne peut être exigé avant l’échéance ».

Cela signifie que l’obligation ne peut pas être exécutée immédiatement : son exécution est différée à l’échéance convenue par les parties.

Plusieurs conséquences découlent de l’inexigibilité d’une obligation.

  • Première conséquence
    • Le créancier n’a pas le droit de réclamer l’exécution de l’obligation au débiteur, tout autant qu’il ne saurait être fondé à engager des poursuites à son encontre.
    • Tant que le terme n’est pas échu, le créancier ne peut engager aucune action aux fins d’obtenir le paiement de sa créance.
  • Deuxième conséquence
    • Le débiteur n’est pas tenu d’exécuter la prestation contractuellement promise tant que l’échéance n’est pas survenue.
    • L’inexigibilité de la dette lui confère un moyen de défense au fond qui rendra irrecevable l’exercice de toute voie d’exécution par le créancier.
  • Troisième conséquence
    • Tant que l’obligation n’est pas devenue exigible, le créancier ne saurait se prévaloir d’une éventuelle compensation.
    • Cela reviendrait, en effet, à contraindre le débiteur à accepter un paiement anticipé.
    • La compensation ne pourra opérer qu’à la condition que
      • D’une part, le terme ait été stipulé dans l’intérêt du débiteur, ce qui, par principe, est présumé
      • D’autre part, le débiteur se prévale de la compensation.
  • Quatrième conséquence
    • Le délai de prescription de l’obligation et des actions y afférant ne court pas tant que le terme n’est pas échu.
    • L’article 2233 prévoit en ce sens que « la prescription ne court pas […] à l’égard d’une créance à terme, jusqu’à ce que ce terme soit arrivé. »
    • Le report du point de départ de la prescription se justifie par l’impossibilité pour le créancier d’agir contre le débiteur
    • Or comme l’énoncé de manière générale l’article 2234 « la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure. »
    • Dans un arrêt du 30 mars 2005, la Cour de cassation a estimé que « le point de départ d’un délai à l’expiration duquel une action ne peut plus être exercée, se situe nécessairement à la date d’exigibilité de l’obligation qui lui a donné naissance » (Cass. 1ère civ. 30 mars 2005, n°02-13.765).
  • Cinquième conséquence
    • Le créancier ne peut exercer, ni l’action oblique, ni l’action paulienne.
    • L’une des conditions d’exercice de ces deux actions est l’exigibilité de la créance

2. Après l’échéance

?Exigibilité de la créance

À l’échéance du terme la créance devient exigible, ce qui signifie que le créancier peut réclamer au débiteur l’exécution de l’obligation.

S’il ne défère pas à sa demande, le créancier peut l’y contraindre en engageant des poursuites judiciaires.

L’exercice d’une action en justice ne saurait toutefois être intenté sans une mise en demeure préalable.

?Exigence d’une mise en demeure préalable

  • Principe
    • Aux termes de l’article 1221 du Code civil « le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature »
    • La mise en demeure préalable du débiteur est, par conséquent, une obligation pour le créancier.
    • L’échéance du terme ne vaut pas mise en demeure.
    • Cette exigence résulte d’une lecture a contrario de l’article 1344 du Code civil
    • En effet, cette disposition prévoit que « le débiteur est mis en demeure de payer […] si le contrat le prévoit, par la seule exigibilité de l’obligation »
    • A contrario cela signifie que si le contrat ne le prévoit pas, une mise en demeure doit être adressée au débiteur préalablement à toute action du créancier.
  • Forme de la mise en demeure
    • La mise en demeure peut s’effectuer
      • soit par une sommation
      • soit par un acte portant interpellation suffisante
    • Il importe peu que l’acte soit notifié au débiteur par voie de recommandé ou sous la forme d’une missive simple.
  • Contenu de la mise en demeure
    • Trois éléments doivent figurer dans la mise en demeure
      • Une sommation ou une interpellation suffisante du débiteur
      • Le délai imparti au débiteur pour se conformer à la mise en demeure
      • La menace d’une sanction
  • Effets de la mise en demeure
    • Trois effets principaux sont attachés à la mise en demeure
      • Elle confère le droit au créancier d’engager des poursuites à l’encontre du débiteur
      • Lorsque l’obligation consiste en une somme d’argent, la mise en demeure fait courir l’intérêt moratoire, au taux légal, sans que le créancier soit tenu de justifier d’un préjudice.
      • Lorsque l’obligation consiste en la délivrance d’une chose, la mise en demeure met les risques à la charge du débiteur, s’ils n’y sont déjà.
  • Sanction de l’absence de mise en demeure
    • En cas d’absence de mise en demeure du débiteur, le créancier est réputé lui avoir accordé un délai de paiement (V. en ce sens Cass. civ. 11 janv. 1892).

Mise en demeure
(Règles générales)

Mentions
(Art. 648 CPC)
Contenu de l’acte
(Art. 1344 C. civ.)
Notification
Date de l’acte Une sommation ou une interpellation suffisante du débiteur Au choix:

> Signification (Art. 651 CPC)

OU

> Lettre missive (Art. 1344 C. civ.)

> Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance

> Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement

Le délai imparti au débiteur pour se conformer à la mise en demeure
Les nom et domicile du destinataire, ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social La menace d’une sanction

B) Le terme extinctif

?Avant l’échéance

L’obligation assortie d’un terme extinctif s’apparente à une obligation pure et simple tant que le terme n’est pas échu.

Il en résulte qu’elle est exigible dès sa stipulation de sorte que le débiteur doit l’exécuter immédiatement.

À la différence des contrats à durée indéterminée, les contrats à durée déterminée sont tous pourvus d’un terme extinctif.

La loi autorise toutefois les parties à poursuivre l’exécution au-delà du terme.

?Après l’échéance

Passé l’échéance, non seulement l’obligation n’est plus exigible, mais encore et surtout elle n’existe plus.

Quid dans l’hypothèse où les parties poursuivraient l’exécution du contrat au-delà du terme ? Cette situation s’analyserait en une novation du contrat, en ce sens qu’un nouveau rapport contractuel serait créé (v. en ce sens Cass. 3e civ. 10 juin 1998).

Ce nouveau contrat prendrait alors la forme d’un contrat à durée indéterminée, sauf à ce que les parties décident de l’assortir d’un terme semblablement au contrat initial.

Dans un arrêt du 15 novembre 2005, la Cour de cassation a considéré que « sauf disposition ou volonté contraire, la tacite reconduction d’un contrat de durée déterminée, dont le terme extinctif a produit ses effets, donne naissance à un nouveau contrat, de durée indéterminée, et dont les autres éléments ne sont pas nécessairement identiques » (Cass. 1ère civ. 15 nov. 2005, n°02-21.366).

Cass. 1ère civ. 15 nov. 2005

Attendu que pour développer la notoriété de son commerce de planches à voile et accessoires, la société North sports, ci-après la société, avait conclu avec Mlle X…, véliplanchiste, un contrat triennal “de parrainage” prenant effet le 31 décembre 1993 et renouvelable par tacite reconduction ; que des relations contractuelles ont été entretenues après le 31 décembre 1996, jusqu’à ce que, par lettre du 3 mars 1997, la société procède unilatéralement à leur résiliation ; qu’après avoir vainement agi en référé, Mlle X… a assigné au fond, en constatation de rupture fautive et paiement de diverses sommes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mlle X… fait grief à la cour d’appel de l’avoir déboutée, alors, selon le moyen, que deux des magistrats ayant statué figuraient déjà dans la formation de référé ayant réformé l’ordonnance par laquelle, sur la base du caractère non sérieusement contestable de sa réclamation, une provision lui avait été initialement accordée ; qu’il en résulterait que, en violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’arrêt attaqué n’aurait pas été rendu par un tribunal indépendant et impartial au sens de ce texte ;

Mais attendu que l’arrêt de référé précédemment intervenu n’avait écarté les demandes de Mlle X… que par refus de se prononcer sur elles, ayant retenu que les appréciations de fait et de droit qu’elles impliquaient relevaient exclusivement des pouvoirs du juge du fond ; que cette précédente décision n’ayant pas décidé de la contestation sur les droits et obligations en litige, le moyen s’avère dépourvu de tout fondement ;

Sur le second moyen pris en ses quatre premières branches, tel qu’exposé au mémoire en demande et reproduit en annexe :

Attendu que, sauf disposition ou volonté contraire, la tacite reconduction d’un contrat de durée déterminée, dont le terme extinctif a produit ses effets, donne naissance à un nouveau contrat, de durée indéterminée, et dont les autres éléments ne sont pas nécessairement identiques ; que la cour d’appel, après avoir constaté la commune intention des parties de poursuivre le principe de leurs relations contractuelles à compter du 1er janvier 1997, a relevé l’échec ultérieur de leurs négociations quant à la durée de celles-ci et au budget à allouer à Mlle X… ; qu’elle a pu en déduire que la rupture unilatérale alors opérée par la société avait été exempte de toute méconnaissance de l’article 1134 du Code civil ; que le moyen n’est pas fondé ;

Cette position adoptée en 2005 par la Cour de cassation a été confirmée par le législateur à l’occasion de la réforme des obligations.

Il ressort du nouvel article 1215 du Code civil que « lorsqu’à l’expiration du terme d’un contrat conclu à durée déterminée, les contractants continuent d’en exécuter les obligations, il y a tacite reconduction. Celle-ci produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat. »

IV) La disparition du terme

Trois circonstances sont susceptibles de conduire à la disparition du terme :

  • L’échéance du terme
  • La renonciation du terme
  • La déchéance du terme

A) L’échéance du terme

?Exigibilité de l’obligation

C’est le mode de disparition normal du terme.

À l’échéance, l’obligation devient exigible de sorte que le débiteur doit immédiatement exécuter l’obligation.

?Computation des délais

La computation des délais pour déterminer la date de l’échéance s’opère selon les règles de la prescription.

Cela signifie donc que :

  • D’une part, le délai se compte par jours, et non par heures (art. 2228 C.civ.)
  • D’autre part, le délai est acquis lorsque le dernier jour du terme est accompli (art. 2229 C. civ.)

B) La renonciation du terme

?Principe

L’article 1305-3 du Code civil prévoit que « la partie au bénéfice exclusif de qui le terme a été fixé peut y renoncer sans le consentement de l’autre. »

Deux enseignements peuvent immédiatement être tirés de cette disposition :

  • D’une part, la partie dans l’intérêt de laquelle le terme a été stipulé peut y renoncer
  • D’autre part, l’exercice de la faculté de renonciation du terme ne suppose pas l’accord de l’autre partie

Au regard de cette règle, la détermination de la partie au profit de laquelle le terme est stipulé prend tout son intérêt :

  • Si le terme a été stipulé dans l’intérêt exclusif du débiteur, il pourra alors procéder à une exécution anticipée de son obligation
  • Si le terme a été stipulé dans l’intérêt exclusif du créancier, il pourra refuser une exécution anticipée de l’obligation par son débiteur
  • Si le terme est stipulé dans l’intérêt des deux parties, l’exécution de l’obligation sera subordonnée à l’obtention d’un accord

?Forme de la renonciation

En ce que la renonciation s’analyse en une manifestation unilatérale de volonté, elle prendra la forme d’un acte unilatéral

Aussi, en application de l’article 1100-1 du Code civil, elle obéit, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats.

Concrètement, cela signifie que la renonciation pourra être expresse ou tacite

?Effets de la renonciation

L’acte de renonciation a pour effet de rendre immédiatement exigible l’obligation à terme

Dans la mesure où la renonciation prend la forme d’un acte unilatéral une fois exprimée, le débiteur ne pourra plus se rétracter.

La renonciation produit ses effets, dès lors qu’elle est portée à la connaissance du créancier.

C) La déchéance du terme

La déchéance du terme est une sanction qui consiste à priver le débiteur du bénéfice du terme, soit de la suspension de l’exigibilité de l’obligation.

Il s’ensuit que l’obligation devient immédiatement exigible, ce qui offre la possibilité, pour le créancier, d’engager des poursuites.

La déchéance du terme peut être légale ou conventionnelle.

1. La déchéance du terme conventionnelle

Dans cette hypothèse, la déchéance du terme ne soulève aucune difficulté particulière.

L’obligation devient immédiatement exigible dès lors que la cause de déchéance du terme prévue par les parties se réalise.

Lorsque la déchéance du terme est conventionnelle, elle devra expressément être prévue par les parties.

2. La déchéance du terme légale

a. Les causes de déchéance du terme

Lorsque la déchéance du terme est d’origine légale, elle est susceptible d’intervenir dans plusieurs cas, étant précisé que le législateur a récemment abandonné l’une des causes de déchéance antérieurement retenue.

?Les causes maintenues de déchéance du terme

  • La diminution des sûretés
    • L’article 1305-4 du Code civil dispose que « le débiteur ne peut réclamer le bénéfice du terme s’il ne fournit pas les sûretés promises au créancier ou s’il diminue celles qui garantissent l’obligation. »
    • Deux causes de déchéance du terme sont envisagées par cette disposition
      • L’absence de fourniture des sûretés promises au créancier
      • La diminution des sûretés promises au créancier
    • Pour que l’une de ces deux causes de déchéance soit caractérisée, cela suppose la réunion de quatre conditions cumulatives :
      • La constitution d’une sûreté
        • Le texte exige qu’une sûreté ait été constituée au profit du créancier
        • Aucune distinction n’est faite entre les sûretés personnelles et les sûretés réelles, de sorte que les deux peuvent être envisagées.
      • La constitution d’une sûreté spéciale
        • Il ressort de l’article 1305-4 que la sûreté doit avoir été promise au créancier
        • Par promise, il faut entendre que la sûreté a une origine contractuelle
        • On peut en déduire que la déchéance du terme ne saurait être fondée sur le droit de gage général
        • Une sûreté spéciale doit avoir contractuellement été constituée à la faveur du créancier.
      • L’absence de constitution de la sûreté ou sa diminution
        • Peu importe que le débiteur n’ait pas constitué la sûreté promise ou l’ait seulement diminuée, dans les deux cas, cette conduite constitue une cause de déchéance du terme
        • Le législateur ne distingue pas non plus selon que la source de la diminution de la sûreté est légale ou conventionnelle
      • Un fait imputable au débiteur
        • Pour que l’absence de fourniture de la sûreté promise ou la diminution de la sûreté constituent des causes de nullité, encore faut-il que ces situations puissent être imputées au débiteur
        • La question qui immédiatement se pose est alors de savoir si le fait du débiteur doit être fautif ou non pour entraîner la déchéance du terme
        • Dans le droit antérieur les tribunaux exigeaient une faute.
        • L’article 1305-4 est quant à lui silencieux sur ce point ce que l’on peut regretter.
  • La défaillance de l’emprunteur
    • L’article 312-39 du Code de la consommation prévoit que « en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. »
    • Ainsi, le non-paiement de l’échéance d’un prêt constitue une cause légale de déchéance du terme.
    • La Cour de cassation est toutefois venue préciser dans un arrêt du 15 juin 2015 que « si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle » (Cass. 1ère civ. 3 juin 2015, n°14-15.655).
    • Autrement dit, pour se prévaloir de la déchéance du terme, le prêteur était tenu d’adresser à l’emprunteur une mise en demeure de régulariser l’échéance impayée.
    • Aussi, c’est seulement si l’emprunteur ne défère pas à cette mise en demeure que la déchéance du terme est acquise.
    • Elle devra être notifiée au débiteur par l’envoi d’un nouveau courrier.

Cass. 1ère civ. 3 juin 2015

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 1134, 1147 et 1184 du code civil ;

Attendu que, si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Laser Cofinoga a consenti, le 23 juillet 2009, à M. X…, un prêt personnel remboursable par mensualités ; que celui-ci ayant cessé ses paiements à partir du mois de juin 2010, la société s’est prévalue de la déchéance du terme par lettre recommandée avec avis de réception du 16 janvier 2011, puis l’a assigné en remboursement ;

Attendu que, pour accueillir la demande, l’arrêt énonce qu’il ne résulte pas des stipulations contractuelles que le prêteur soit tenu de mettre en demeure l’emprunteur préalablement au constat de la déchéance du terme ;

Qu’en statuant ainsi, en l’absence de stipulation expresse dispensant le créancier de mise en demeure, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 13 février 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux ;

  • La liquidation judiciaire
    • En cas de liquidation judiciaire, l’article L. 643-1 du Code de commerce prévoit que « le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues. »
    • Ainsi, pour faciliter l’opération de liquidation d’une entreprise, ce texte prévoit qu’elle constitue une cause de déchéance du terme

?Les causes abandonnées de déchéance du terme

  • Les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire
    • Antérieurement à la réforme des procédures collectives, le jugement d’ouverture avait notamment pour effet de rendre exigible les dettes non échues
    • Désormais, l’article L. 622-29 du Code de commerce prévoit que « le jugement d’ouverture ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé. Toute clause contraire est réputée non écrite. »
    • L’instauration de cette règle se justifie par le triple objectif poursuivi par les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire :
      • la sauvegarde de l’entreprise
      • le maintien de l’activité et de l’emploi
      • l’apurement du passif
  • La faillite
    • Avant l’adoption de la loi du 25 janvier 1985, l’ancien article 1188 du Code civil visait comme cause de déchéance du terme la faillite du débiteur.
    • Cette disposition prévoyait que « le débiteur ne peut plus réclamer le bénéfice du terme lorsqu’il a fait faillite […]. »
    • Ainsi, en 1985 le législateur a-t-il abandonné cette cause de déchéance du terme.

b. Les effets de la déchéance du terme

La déchéance du terme produit deux effets principaux :

?Premier effet

L’obligation à terme devient exigible, de sorte que le créancier peut réclamer au débiteur son exécution immédiate.

En matière de contrat de prêt le capital emprunté restant dû ainsi que les intérêts et pénalités devront donc intégralement être acquittés par le débiteur

Pour l’y contraindre, le créancier pourra engager à son encontre des poursuites judiciaires

?Second effet

La déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires, et à ses cautions (art. 1305-5 C. civ.).

Cela signifie que la déchéance du terme produit un effet personnel.

Le créancier devra, en conséquence, attendre la survenance de l’échéance pour actionner les coobligés en paiement.

Cette règle se justifie par la nature de la déchéance du terme qui n’est autre qu’une sanction.

Dans la mesure où elle vise à sanctionner le débiteur fautif, elle ne saurait toucher des personnes qui n’ont commis aucune faute.

La loi de ratification a précisé le second effet de la déchéance du terme en modifiant l’article 1305-5 du code civil relatif à l’inopposabilité de la déchéance du terme aux coobligés pour ajouter que cette disposition est également applicable aux cautions.

En effet, la déchéance ayant par nature un caractère de sanction personnelle, elle ne doit pas produire d’effet sur les coobligés du débiteur déchu, sauf texte spécial dérogeant à cette règle.

La jurisprudence sur ce point est constante, qu’il s’agisse d’une caution, même solidaire, ou de codébiteurs solidaires.

Il ressort de la lecture du rapport au Président de la République que le texte entendait viser tant les codébiteurs que les cautions.

Or, stricto sensu, le terme « coobligés » fait référence aux codébiteurs seulement.

C’est la raison pour laquelle, l’article 1305-5 a été complété pour viser expressément les cautions du débiteur déchu.

  1. G. Cornu, Vocabulaire juridiqur ?

Les délais de grâce: régime juridique

?Intérêt de la distinction entre les termes conventionnels, judiciaires et légaux

La distinction entre ces trois sortes de termes présente un triple intérêt :

  • Tout d’abord, tandis que les termes conventionnels et légaux s’imposent au juge, le délai judiciaire (de grâce) relève de son pouvoir souverain d’appréciation
  • Ensuite, tandis que seul le débiteur peut bénéficier du terme judiciaire, les termes légaux et conventionnels peuvent également profiter au créancier
  • Enfin, tandis que les termes légaux et judiciaires doivent être exprès, le terme conventionnel peut être tacite

I) Notion

Le délai de grâce se définit classiquement comme « le délai supplémentaire raisonnable que le juge peut, par un adoucissement de la rigueur du terme, accorder au débiteur pour s’exécuter, compte tenu de sa situation économique et de sa position personnelle »[1].

Plus précisément, le délai de grâce consenti par le juge à contractant fait obstacle à l’engagement de poursuites judiciaires contre lui.

Contrairement à une idée reçue, le délai de grâce n’affecte nullement l’exigibilité de la dette, dans la mesure où il n’empêche pas la production d’intérêts moratoires, ni la compensation.

II) Historique

Initialement, le pouvoir conféré au juge d’octroyer au débiteur un délai de grâce était pour le moins restreint puisqu’il ne pouvait en user qu’avec une extrême parcimonie.

Puis les lois du 25 mars et du 22 août 1936 ont étendu le pouvoir du juge tout en précisant que le délai de grâce ne pouvait pas dépasser un an.

Le législateur est intervenu une nouvelle fois avec la loi du 9 juillet 1991 pour porter ce délai à deux ans. Il en a profité par là même pour diversifier les modalités de mise en œuvre du délai de grâce (échelonnement de la dette ou suspension pure et simple).

Lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, ce dernier n’a pas jugé nécessaire de revenir sur cette dernière réforme.

Le rapport au Président de la République indique en ce sens que conservées « sont conservées, mais rassemblées en un seul article, les dispositions existantes du code civil sur le report ou l’échelonnement du paiement des dettes par décision judiciaire (article 1343-5). »

Aussi, les conditions d’octroi d’un délai de grâce demeurent les mêmes.

III) Domaine d’application des délais de grâces

?Principe

Il ressort de l’article 1343-5 du Code civil qu’un délai de grâce peut être consenti par le juge au débiteur pour toute dette de droit privé.

Il importe peu que la dette soit de nature contractuelle ou délictuelle.

La cause de la dette est, par ailleurs, indifférente

L’alinéa 5 de l’article 1343-5 précise que « toute stipulation contraire est réputée non écrite. »

Il s’agit donc là d’une disposition d’ordre public.

?Exceptions

Dans certains cas, le législateur a pu estimer que les intérêts du débiteur ne devaient pas primer sur ceux du créancier.

Aussi, a-t-il interdit au juge, en pareilles hypothèses, d’octroyer des délais de grâces au débiteur.

Il en va ainsi pour plusieurs sortes de dettes dont notamment :

  • Les dettes d’aliments (art. 1343-5, al. 6 C. com.)
  • En matière d’effets de commerce (art. L. 511-81 et L. 512-3 C. com.)
  • Les créances de salaires (Cass. soc. 18 nov. 1992)
  • Les cotisations sociales (Cass. soc. 16 avr. 1992)
  • La prestation compensatoire (Cass. 2e civ. 10 avr. 2014)

IV) Textes

?Droit commun

Le droit commun des délais de grâce a pour siège de corpus de règles qu’il convient de distinguer :

  • L’article 1343-5 du Code civil pour les conditions et les modalités d’octroi d’un délai de grâce
  • Les articles 510 à 513 du Code de procédure civile pour la procédure d’octroi d’un délai de grâce

?Textes spéciaux

Plusieurs textes spéciaux ont été édictés par le législateur en vue de conférer au juge la faculté d’octroyer au débiteur des délais de grâces dans des circonstances particulières

Tel est le cas par exemple en matière :

  • De vente d’immeuble (art. 1655 C. civ.)
  • De prêt immobilier (art. L. 314-20 C. conso)
  • D’occupation de lieux habités ou de locaux à usage professionnel (art. L. 412-3 C. constr.)

V) Conditions d’octroi du délai de grâce

L’octroi au débiteur d’un délai de grâce n’est pas automatique.

C’est au juge qu’il revient d’apprécier l’opportunité de consentir ou de refuser au débiteur une telle faveur eu égard

Pour ce faire, il doit satisfaire un certain nombre de conditions posées par la loi :

  • Une dette monétaire
    • Pour être éligible à l’octroi d’un délai de grâce, la dette dont fait état le débiteur doit être de nature monétaire.
    • L’article 1343-5 du Code vise « le paiement des sommes dues »
    • Ainsi, ne peut-il s’agit d’une obligation de faire ou de ne pas faire.
  • La situation du débiteur
    • Pour solliciter le bénéfice d’un délai de grâce, le débiteur doit justifier
      • D’une part, d’une situation obérée, soit qu’il rencontre des difficultés qui objectivement ne lui permettent pas de satisfaire à son obligation de paiement
      • D’autre part, que les difficultés rencontrées résultent de circonstances indépendantes de sa volonté
      • Enfin, qu’il est de bonne foi, ce qui signifie qu’il a mis en œuvre tous les moyens dont ils disposent pour remplir son obligation.
  • Les besoins du créancier
    • La question qui se posera ici au juge est de savoir si, en octroyant un délai de grâce au débiteur, cette faveur est susceptible de compromettre la situation financière du créancier.
    • Aussi, les besoins du créancier détermineront la mesure dans laquelle le juge suspendra ou échelonnera le paiement de la dette
    • Si les besoins du créancier sont importants, celui-ci étant lui-même obligé vis-à-vis d’autres créanciers, le juge sera moins facilement enclin à octroyer à son débiteur des délais de paiement.
    • Il en ira tout autrement dans le cas contraire.

VI) Modalités d’octroi du délai de grâce

L’octroi d’un délai de grâce au débiteur par le juge peut s’opérer selon des modalités, les unes principales, les autres accessoires

?Les modalités principales

  • Le report de l’échéance
    • En application de l’article 1343-5 du Code civil, le juge peut suspendre le paiement de la dette pendant un délai maximum de deux ans
    • Cette mesure n’a toutefois pas pour effet de suspendre l’exigibilité de la dette.
    • Elle fait seulement obstacle à l’engagement de poursuites judiciaires par le créancier.
  • L’échelonnement de la dette
    • Le juge peut, s’il l’estime nécessaire, plutôt que de suspendre le paiement de la dette, seulement l’échelonner, là encore dans la limite de deux années.

?Les modalités accessoires

Deux modalités accessoires peuvent être prises en complément des modalités principales d’octroi d’un délai de grâce :

  • Réduction des intérêts et ordre d’imputation des paiements
    • Le juge peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
  • Les mesures visant à faciliter ou garantir le paiement
    • Le juge peut subordonner les mesures prises à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette

VII) La procédure d’octroi du délai de grâce

?L’exigence d’une décision de justice

Aux termes de l’article 510 du Code de procédure civile, le délai de grâce ne peut être accordé que par la décision dont il est destiné à différer l’exécution.

Par décision, il faut entendre :

  • Les jugements de première instance
  • Les arrêts d’appel
  • Les accords de conciliation ou de médiations homologués par le juge
  • Les sentences arbitrales
  • Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire
  • Les titres exécutoires délivrés par les huissiers de justice en cas de non-paiement d’un chèque
  • Les titres exécutoires délivrés par les personnes morales de droit public

?Le pouvoir souverain d’appréciation du juge

La faculté conférée au juge d’octroyer des délais de grâce relève de son pouvoir souverain d’appréciation.

Dans un arrêt du 24 octobre 2006, la Cour de cassation a considéré en ce sens qu’« en refusant d’accorder un délai de paiement au débiteur, la cour d’appel n’a fait qu’exercer le pouvoir discrétionnaire qu’elle tient de l’article 1244-1 du code civil, sans avoir à motiver sa décision » (Cass. 1ère civ. 24 oct. 2006, n°04-16.706).

Cass. 1ère civ. 24 oct. 2006

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu les articles 9 du code civil et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que dans son numéro daté du 7 juin 2001, l’hebdomadaire l’Express a publié, au sein d’un dossier intitulé “Lille. Les réseaux qui comptent”, un article titré “Francs-maçons, le ménage s’impose” ; que, relatant la mise en examen pour faux en écriture publique, favoritisme et prise illégale d’intérêts de M. Michel X…, maire de Ronchin (Nord), le journal fait état de l’appartenance de l’intéressé et de huit membres nominativement désignés du conseil municipal à la franc-maçonnerie ;

Attendu que pour condamner la société Groupe Express-Expansion, éditrice, et M. Denis Y…, directeur de la publication, à dommages-intérêts envers les personnes ainsi mentionnées, l’arrêt retient que l’appartenance à la franc-maçonnerie relève de la vie privée, que l’article n’apporte aucune révélation sur le lien entre l’activité des plaignants et leur affiliation divulguée, ni sur la solidarité ayant pu en résulter dans la commission invoquée des faits délictueux, et que la mention litigieuse avait donc été purement gratuite, sans nécessité au regard ni de la teneur générale des développements, ni de la mise en examen intervenue, ni du devoir d’informer le public ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait observé que le contexte général de la publication était la mise au jour, légitime dans une société démocratique, de réseaux d’influence, et que l’appartenance à la franc-maçonnerie suppose un engagement, de sorte que la révélation litigieuse, qui s’inscrivait dans le contexte d’une actualité judiciaire, était justifiée par l’information du public sur un débat d’intérêt général, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et par suite a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 juin 2004, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

?La motivation de la décision

Il ressort des articles 1343-5 du Code civil et 510 du Code de procédure civile que lorsque le juge octroie au débiteur un délai de grâce il doit spécialement motiver sa décision

?Juridiction compétence

La juridiction compétente pour statuer en matière de délai de grâce sera différente selon

  • Le montant du litige
    • Pour les litiges qui relèvent de matières civiles, c’est le Tribunal judiciaire qui sera compétent.
    • Le juge des contentieux de la protection sera notamment amené à connaître des actions relatives au crédit à la consommation et des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers.
  • La nature du litige
    • Le Tribunal de commerce sera compétent pour connaître des délais de grâce en matière commerciale.
    • Le Tribunal d’instance sera compétent pour connaître les litiges en matière de crédit à la consommation ou de saisie des rémunérations
    • Le juge de l’exécution sera compétent pour connaître les demandes de délai de grâce formulées dans le cadre de l’exécution d’une décision de justice.

?Point de départ du délai de grâce

Aux termes de l’article 511 du Code de procédure civile

  • Lorsque la décision est contradictoire, le délai court à compter du jour de son prononcé
  • Lorsque la décision n’est pas contradictoire, le délai court à compter du jour de sa notification

VIII) Effets

?Les effets à l’égard du débiteur

L’octroi d’un délai de grâce a pour effet principal d’empêcher l’engagement de poursuites judiciaires et non d’affecter le terme de l’obligation, en ce que son exigibilité serait suspendue, soit pour partie en cas d’échelonnement de la dette, soit totalement en cas de report de l’échéance à une date ultérieure

L’article 1347-3 du Code civil prévoit encore que le délai de grâce ne fait pas obstacle à la compensation, de sorte que la dette qui pèse sur la tête du débiteur peut être éteinte en cas de compensation avec une créance dont il serait titulaire contre son créancier.

?Les effets à l’égard du créancier

En application de l’article 1343-5, al. 4 du Code civil

  • D’une part, la décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier.
  • D’autre part, Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

L’article 513 du Code de procédure tempère néanmoins cette règle en disposant que le délai de grâce ne fait pas obstacle aux mesures conservatoires.

Cette faculté offerte au créancier lui permet de se garantir contre une éventuelle défaillance de paiement à l’issue du délai de grâce.

  1. G. Cornu, Vocabulaire juridiqur ?

La condition potestative: régime juridique

Pour être valable, l’obligation conditionnelle doit être subordonnée à la réalisation d’un événement indépendant de la volonté des parties.

Le nouvel article 1304-2 du Code civil exprime cette règle en prévoyant que « est nulle l’obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur. ».

Ainsi, les conditions dites potestatives sont, par principe, prohibées.

La raison en est que pareille condition est de nature contredire la portée de l’engagement de celui à la faveur de qui elle est stipulée.

Peut-on raisonnablement estimer, en effet, qu’un engagement dont l’efficacité est subordonnée à la seule volonté de celui qui s’oblige constitue un véritable engagement ?

Au fond, cela reviendrait à admettre que le bénéficiaire de la condition potestative puisse revenir discrétionnairement revenir sur son consentement : d’où la prohibition d’une telle condition dès 1804 par le législateur.

La prohibition n’est toutefois pas absolue, elle comporte des limites dont l’étendue a été précisée par le législateur à l’occasion de la réforme des obligations.

I) Les limites qui tiennent à la position du contractant

Il ressort de l’article 1304-2 du Code civil que la prohibition des conditions potestatives ne s’applique que dans l’hypothèse où le bénéficiaire de la condition est en position de débiteur.

 A contrario cela signifie que lorsque la réalisation de la condition dépend de la seule volonté du créancier, bien que potestative, elle échappe à la prohibition posée à l’article 1304-2.

Cette solution se justifie par le fait que, dans cette configuration, la condition est insusceptible de contredire la portée de l’engagement dont elle subordonne l’exécution puisque, par définition, ce n’est pas le créancier qui s’engage mais le débiteur.

Il est, par conséquent, indifférent que le créancier dispose de la faculté de réaliser discrétionnairement la condition.

La Cour de cassation a statué en ce sens notamment dans un arrêt du 17 décembre 1991.

(Cass. com. 17 déc. 1991)
Sur le moyen unique pris en ses trois branches :

Vu les articles 1170 et 1174 du Code civil ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que M. X..., propriétaire d'un commerce de station-service et vente de carburant, en relation commerciale depuis plusieurs années avec la Société des pétroles BP, (la société BP) qui lui fournissait en exclusivité le carburant, a signé un contrat dit de " commission " avec la même société ; que ce contrat prévoyait que M. X... percevrait une commission fixe sur le prix de vente des carburants et en outre, que dans l'hypothèse où les prix affichés à la pompe par lui seraient inférieurs, pour des montants chiffrés par le contrat, au prix limité d'affichage de la société BP dans la zone du prix du point de vente, la commission due serait réduite proportionnellement à l'écart constaté ; que M. X... a résilié unilatéralement ce contrat et que la société BP a saisi le tribunal de commerce tendant à ce que la résiliation du contrat fût prononcée aux torts exclusifs de M. X... et à ce qu'il soit condamné à lui verser des dommages-intérêts ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société BP, la cour d'appel retient que le contrat contenait une clause de variation de la marge du commissionnaire dépendant de la seule volonté de la société BP qui pouvait déterminer cette marge en fixant le prix des carburants et entachait le contrat de nullité ;

Attendu qu'en statuant ainsi alors qu'il résulte des éléments rapportés par l'arrêt que la diminution de la commission due à M. X... était conditionnée par la baisse des prix affichés à la pompe, dont celui-ci prenait l'initiative, par rapport aux prix limite d'affichage BP dans la zone de prix du point de vente et donc par une limitation des bénéfices de cette société, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 septembre 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon

II) Les limites qui tiennent à la nature de la condition potestative

Avant la réforme des obligations, la doctrine, suivie par la jurisprudence, a souhaité restreindre le périmètre de la prohibition des conditions potestatives, afin d’éviter que les parties au contrat ne puissent invoquer trop facilement la nullité de conditions qu’elles sont censées avoir négocié et acceptées librement et en toute connaissance de cause.

Aussi, animé par un souci de responsabilisation des contractants, les auteurs se sont engagés dans la voie de la distinction entre, d’une part, les conditions purement potestatives et, d’autre part, les conditions simplement potestatives.

Pointant les difficultés pratiques soulevées par cette distinction la doctrine a, par suite, préférer renouveler la notion de condition mixte, ce qui a conduit à une redéfinition de la notion de condition potestative.

==> L’instauration d’une distinction entre les obligations purement potestatives et les conditions simplement potestatives

  • Exposé de la distinction
    • Selon la doctrine classique, la condition potestative ne doit être prohibée qu’à la condition qu’elle contredise l’engagement du débiteur.
    • Aussi, cette théorie l’a-t-elle conduite à distinguer selon que la condition est purement potestative ou simplement potestative
      • La condition purement potestative
        • Il s’agit de la condition dont la réalisation dépend du seul consentement du débiteur.
        • L’exécution de l’obligation est, en d’autres termes, subordonnée à une simple manifestation de volonté.
        • Elle était autrefois qualifiée de condition « si voluero», ce qui signifie je m’engage « si je le veux », « si tel est mon bon désir », « s’il me sied ».
        • Dans la mesure où cette condition revient à conférer au débiteur la faculté de revenir discrétionnairement sur son consentement et donc de contredire la portée de son engagement, elle constitue l’essence même de la potestativité, d’où l’admission unanime et en tout temps de sa prohibition.
      • La condition simplement potestative
        • Il s’agit de la condition dont la réalisation suppose que le débiteur fasse plus qu’exprimer sa volonté.
        • Pour que la condition se réalise, il va devoir accomplir un acte ou un fait déterminé qui lui est extérieur.
        • La condition simplement potestative peut être illustrée par les formules : « si je pars à Paris », « si je vends ma voiture ».
        • Contrairement à la condition purement potestative, la condition simplement potestative implique une action ou une abstention.
        • La réalisation de cette condition dépend donc à la fois de la volonté du débiteur et d’une circonstance dont il n’a pas la maîtrise.
        • L’accomplissement d’un acte peut, en effet, se heurter à la survenance d’un événement qui y fait obstacle.
        • En toute hypothèse, pour rompre ou nouer le lien obligationnel, il sera nécessaire que le débiteur aliène une partie de sa liberté.
        • C’est la raison pour laquelle, la condition potestative a toujours été admise.
  • Portée de la distinction
    • La distinction élaborée par la doctrine entre les conditions purement potestatives et les conditions simplement potestatives a, dans certaines décisions, inspiré les juges, qui y ont trouvé un moyen pour sanctionner certains déséquilibres contractuels.
    • La Cour de cassation s’est, par ailleurs, appuyée sur cette théorie pour opérer une sous-distinction, au sein de la catégorie des conditions purement potestatives, entre les conditions suspensives et les conditions résolutoires.
    • Il ressort, par exemple, d’un arrêt du 2 mai 1900, que lorsque la condition serait purement potestative, mais résolutoire, elle n’encourrait pas la nullité, de sorte que seules les conditions suspensives seraient prohibées ( civ. 2 mai 1900).
    • Cette solution s’expliquerait par le fait que l’atteinte portée à l’engagement du débiteur serait moins grande lorsqu’elle prend sa source dans une condition résolutoire que lorsqu’elle résulte d’une condition suspensive.
      • Lorsqu’elle est suspensive, la condition potestative confère au débiteur la faculté de contredire totalement la portée de son engagement, celui-ci pouvant discrétionnairement agir sur la création même de l’obligation
      • Lorsqu’elle est résolutoire, la condition potestative confère au débiteur la faculté de contredire seulement partiellement la portée de son engagement, celui-ci ne pouvant agir que sur la pérennité de son engagement qui peut avoir déjà reçu un commencement d’exécution.
    • Au total, bien que la jurisprudence se soit appuyée dans certaines décisions, sur la distinction entre les conditions purement potestatives et les conditions simplement potestatives, certains auteurs ont critiqué le caractère artificiel de cette distinction qui, d’une part reposerait sur un critère flou et inopérant et, d’autre part, ne rendrait pas véritablement compte du droit positif.
    • Aussi, ce constat a-t-il conduit la jurisprudence et la doctrine moderne à dépasser la distinction classique à la faveur d’un renouvellement de la notion de condition mixte.

==> Le renouvellement de la notion de condition mixte

Si, initialement, la notion de condition mixte a été entendue de manière restrictive, la jurisprudence a, sous l’impulsion de la doctrine, opéré une extension de son périmètre.

  • La restriction du périmètre de la condition mixte
    • Dans un premier temps, la notion de condition mixte a donc fait l’objet d’une conception étroite.
    • La raison en est que l’ancien article 1171 du Code civil la définissait comme « celle qui dépend tout à la fois de la volonté d’une des parties contractantes, et de la volonté d’un tiers. »
    • Aussi, cela excluait-il, d’emblée, que puisse être inclus dans le périmètre de la condition mixte l’événement qui tout à la fois dépend de la volonté du débiteur et de la survenance d’un fait autre que la volonté d’un tiers.
    • L’inconvénient de cette conception était que la condition ainsi stipulée devait être qualifiée de potestative, quand bien même sa réalisation de ne dépendait pas de la seule volonté du débiteur.
    • Cette situation était d’autant plus absurde que l’on admettait qu’une condition qualifiée de simplement potestative puisse être valable, alors même que sa réalisation était subordonnée à l’accomplissement d’un acte si insignifiant que l’on pourrait la confondre avec une condition purement potestative, ce qui dès lors pourrait justifier qu’elle tombe sous le coup de la prohibition.
    • En réaction à l’incohérence de ce système, les auteurs ont proposé d’élargir le périmètre de la condition mixte.
  • L’extension du périmètre de la condition mixte
    • L’extension de la notion de condition mixte s’est traduite par l’incorporation dans son périmètre des événements dont la réalisation dépend, et de la volonté du débiteur, et de la survenance d’un fait autre que la volonté d’un tiers.
    • La Cour de cassation ne semble manifestement pas s’être opposée à cette nouvelle appréhension de la notion.
    • Dans un arrêt du 28 mai 1974 elle a, par exemple, qualifié de condition mixte un événement qui dépendait « à la fois de la volonté [du débiteur] et de circonstances qui lui sont étrangères» ( 1ère civ. 28 mai 1974).
    • Dorénavant, peu importe donc que la réalisation de la condition dépende ou non du fait d’un tiers : dès lors qu’elle porte au moins pour partie sur un événement autre que la volonté du débiteur elle échappe au principe de la prohibition.
    • Là ne s’est pas arrêtée l’évolution de ce mouvement.
    • L’extension du périmètre de la condition mixte s’est, en effet, accompagnée d’une redéfinition générale du critère de la potestativité.

==> La redéfinition de la notion de condition potestative

L’entreprise de redéfinition de la notion de condition potestative, d’abord engagée par la jurisprudence contemporaine, puis parachevée par le législateur lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, est assise sur l’abandon des distinctions classiques, combiné à la clarification des critères.

  • L’abandon des distinctions classiques
    • La redéfinition du critère de la potestativité a donc conduit à abandonner les distinctions qui avaient été opérées par la doctrine et la jurisprudence classique.
    • Plusieurs distinctions ont ainsi été répudiées :
      • La distinction entre les conditions purement potestatives et les conditions simplement potestatives
        • Il est désormais indifférent que la condition porte sur un événement dont la réalisation dépend de la volonté ou du pouvoir du débiteur
        • Dès lors que la survenance de l’événement est au pouvoir arbitraire du débiteur, la condition peut être qualifiée de potestative
      • La distinction entre les conditions suspensives et les conditions résolutoire
        • Qu’elle soit suspensive ou résolutoire dès lors qu’elle porte sur un événement qui dépend de la seule volonté du débiteur la condition tombe sous le coup de la prohibition.
      • La distinction entre les conditions mixtes et les conditions simplement potestatives
        • Tandis que la condition mixte supposait, dans sa conception initiale, que la réalisation de l’événement auquel elle était rattachée dépende pour partie de la volonté d’un tiers, tel n’était pas le cas de la condition simplement potestative qui autorisait à envisager la prise en compte d’un fait d’une autre nature en complément de la volonté du débiteur.
        • L’extension du périmètre de la condition mixte a, mécaniquement, rendu caduque cette distinction.
      • La distinction entre les actes à titre gratuit et les actes à titres onéreux
        • Il a un temps été discuté de la question de savoir si l’on ne devait pas opposer les actes à titre gratuit aux actes à titre onéreux.
          • S’agissant des actes à titre gratuit
            • La prohibition devrait toucher tant les conditions purement potestatives que les conditions simplement potestatives.
            • Cette rigueur dans la sanction des conditions potestative aurait pour fondement l’adage « donner et retenir ne vaut»
          • S’agissant des actes à titre onéreux
            • La prohibition ne devrait toucher que les seules conditions purement potestatives.
            • La sanction se justifierait, dans cette hypothèse, par le caractère illusoire de l’engagement du débiteur dont l’engagement est contredit par la faculté de dédouanement que lui confère la condition.
      • La distinction entre les contrats synallagmatiques et les contrats unilatéraux
        • Certains auteurs ont avancé, à une époque relativement récente, que le principe de prohibition des conditions potestatives n’aurait pas vocation à s’appliquer aux contrats synallagmatiques.
        • Au soutien de cette thèse ces auteurs ont soutenu qu’une condition potestative ne peut être annulée que si sa réalisation est au pouvoir du seul débiteur.
        • Or dans un contrat synallagmatique, les parties endossent tout à la fois les qualités de débiteur et de créancier.
        • La conséquence en est que si un contractant revient sur son engagement en activant la condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté, il devrait corrélativement s’ensuivre la perte de la contrepartie réciproque qui lui a été consentie.
        • Un élément autre que la seule volonté du débiteur entre donc en ligne de compte dans le processus de réalisation de la condition.
        • Pour cette raison, la stipulation de conditions potestatives dans une convention synallagmatique ne devrait pas être prohibée.
        • Bien que audacieuse, cette thèse n’a manifestement pas convaincu la jurisprudence qui l’a rejeté à plusieurs reprises.
        • Dans un arrêt du 7 juin 1983 la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui « après avoir retenu l’existence d’une condition potestative de la part de l’acquéreur qui pouvait, de sa seule volonté, accepter ou refuser de passer l’acte authentique et de payer le prix [a décidé] que la nullité de cette condition n’affectait pas la validité de la convention en raison de la réciprocité des obligations».
        • Pour la troisième chambre civile, il importe peu que la convention soit synallagmatique « toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige ».
        • Cette solution a notamment été réitérée par la suite, notamment dans un arrêt du 13 octobre 1993 ( 3e civ., 13 oct. 1993).

Cass. 3e civ. 7 juin 1983
Sur le moyen unique : vu l'article 1174 du code civil ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige ;

Attendu selon l'arrêt attaque (Toulouse, 22 octobre 1981) que par acte sous seing privé du 11 octobre 1977, les époux x... ont "vendu" aux époux y... une maison d'habitation sous les conditions suspensives de la délivrance d'un certificat d'urbanisme et de l'obtention d'un prêt ;

Que l'acte stipulait que les conditions réalisées, le consentement du vendeur a la vente et la mutation de propriété étaient subordonnés à la condition de la signature de l'acte authentique avec le paiement du prix dans un délai fixe et que si l'acquéreur ne pouvait pas ou ne voulait pas passer l'acte et en payer le prix, le présent accord serait nul et non avenu de plein droit ;

Attendu qu'après avoir retenu l'existence d'une condition potestative de la part de l'acquéreur qui pouvait, de sa seule volonté, accepter ou refuser de passer l'acte authentique et de payer le prix, l'arrêt décide que la nullité de cette condition n'affectait pas la validité de la convention en raison de la réciprocité des obligations ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, contractée sous une condition potestative, l'obligation des époux y... de signer l'acte authentique de vente et de payer le prix était nulle et que cette nullité entraînait, par voie de conséquence, celle de la vente, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs : CASSE et ANNULE l'arrêt rendu entre les parties le 22 octobre 1981 par la cour d'appel de Toulouse ;

  • La clarification des critères de la potestativité
    • L’entreprise de redéfinition de la notion de condition potestative a conduit le législateur et la jurisprudence à clarifier les critères qui permettent de déterminer si une condition tombe ou non sous le coup de la prohibition.
      • Premier critère : l’influence du débiteur sur l’événement
        • Aux termes du nouvel article 1304-2 du Code civil, « est nulle l’obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur.»
        • Il ressort de l’énoncé de cette règle que le législateur a entendu retenir une conception restrictive de la potestativité, sans doute animé par le même désir que la jurisprudence classique : éviter que les parties au contrat ne puissent invoquer trop facilement la nullité de conditions qu’elles sont censées avoir négocié et acceptées librement et en toute connaissance de cause.
        • Pour ce faire, il a été inscrit dans le marbre de loi que la condition potestative est celle « dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur»
        • Cette précision n’est pas sans faire écho à la condition « si voluero» qui subordonne l’exécution de l’obligation à une simple manifestation de volonté que la doctrine opposait classiquement à la condition « in facto a voluntate pendente » dont la réalisation suppose, quant à elle l’accomplissement d’un acte ou d’un fait déterminé qui dépend du débiteur mais qui lui est extérieur.
        • En se rapportant expressément à la volonté du débiteur et non à son pouvoir, le législateur a-t-il souhaité exclure du champ de la prohibition les conditions qualifiées de simplement potestatives ?
        • Cette solution serait conforme à l’évolution de la jurisprudence contemporaine.
        • Aussi, peut-on déduire de la lettre du nouvel article 1304-2 du Code civil que seules sont désormais interdites les conditions purement potestatives.
      • Deuxième critère : l’intérêt du débiteur dans l’événement
        • Pour être qualifiée de potestative, il ne suffit pas que la condition soit au pouvoir arbitraire du débiteur, il faut encore que celui-ci ait un intérêt à faire échouer la survenance de l’événement.
        • Dès lors que le débiteur doit, pour se délier de son engagement, consentir un sacrifice, quand bien même la réalisation de l’événement dépendra de sa seule volonté, la condition – potestative en apparence – ne tombera pas sous le coup de la prohibition.
        • A contrario, cela signifie qu’une condition pourra être qualifiée de potestative lorsque la réalisation de l’événement dont dépend la condition suppose que le débiteur accomplisse un acte ou un fait insignifiant.
      • Troisième critère : le contrôle judiciaire de l’événement
        • Régulièrement, la jurisprudence estime que lorsque la condition dépend de la seule volonté du débiteur mais que celui-ci doit, pour fonder sa décision se référer à des éléments extérieurs susceptibles de faire l’objet d’un contrôle judiciaire, la condition ne pourra pas être qualifiée de potestative (V. notamment en ce sens 1ère civ. 22 nov. 1989)
        • La Cour de cassation, par exemple, a statué en ce sens dans un arrêt du 29 septembre 2009
        • Il s’agissait en l’espèce d’une clause qui conférait à l’assuré le droit de prétendre à une prise en charge dans l’hypothèse où une invalidité le placerait dans l’impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit,
        • La troisième chambre civile valide cette clause estimant qu’elle « dépendait non de la seule volonté de l’assureur, mais de circonstances objectives, susceptibles d’un contrôle judiciaire»
        • Autrement dit, pour les juges, si l’appréciation de l’activation de la clause était laissée au pouvoir de l’assureur, il n’en devait pas moins fonder sa décision sur des éléments objectifs (les justificatifs produits par l’assuré) lesquels pouvaient par suite faire l’objet d’un contrôle par le juge.
        • La condition ainsi stipulée dans le contrat ne peut dès lors pas être qualifiée de potestative.

Cass. com. 29 sept. 2009
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 15 février 2007) qu'à l'occasion de deux prêts consentis par le Crédit agricole, M. X... a adhéré à un contrat d'assurance de groupe, garantissant les risques de décès et d'invalidité, souscrit par la banque auprès de la Caisse nationale de prévoyance et d'assurance (l'assureur) ; qu'ayant été reconnu en état d'invalidité par la Mutualité sociale agricole à compter du 1er novembre 2000, M. X... a demandé à bénéficier de la garantie invalidité totale et définitive prévue au contrat ; qu'à la suite du refus de l'assureur, il a assigné ce dernier en exécution du contrat ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels s'interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ou non-professionnel ; qu'en l'espèce, le caractère ambigu de la clause litigieuse, relative à l'impossibilité définitive pour l'adhérent de se livrer à toute occupation et/ou toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit résulte des propres énonciations de l'arrêt, qui relève expressément « que cette clause est certes ambiguë puisque la conjonction « ou » introduit une alternative et qu'au contraire le terme « et » impose un cumul » ; qu'en déboutant cependant M. X... de sa demande de garantie, au prétexte «que cependant l'interprétation faite par l'assureur est plus favorable à M. X... puisqu'elle considère que lorsque l'adhérent exerce une activité professionnelle il peut prétendre à la prise en charge lorsque l'invalidité le place dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit, sans exiger qu'il soit également inapte à toute autre occupation », la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 133-2, alinéa 2, du code de la consommation ;

2°/ que constitue une clause potestative entachée de nullité la clause par laquelle l'assureur se réserve la possibilité d'une interprétation plus ou moins stricte des conditions de la garantie ; qu'en infirmant le jugement de première instance qui avait relevé « que le fait de prévoir l'alternative de « et » et « ou » laisse à penser que, selon le bon vouloir de l'assureur, celui-ci peut opposer à l'adhérent, pour refuser sa garantie, ou simplement le fait qu'il ne puisse plus exercer une activité rémunérée ou à la fois qu'il ne puisse exercer une activité rémunérée et qu'il ne puisse se livrer à aucune occupation ; que par ailleurs, le terme « occupation » sans adjectif adjoint permet au seul assureur d'exiger ou non comme condition de sa prise en charge qu'il y ait impossibilité d'exercer une occupation professionnelle ou privée ou les deux », sans s'expliquer sur le caractère potestatif de cette clause dont elle a pourtant relevé par ailleurs l'ambiguïté quant au caractère cumulatif ou alternatif des conditions de la garantie, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1170 et 1174 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, après avoir relevé l'ambiguïté de la clause litigieuse, a exactement décidé que l'interprétation faite par l'assureur était la plus favorable à l'assuré puisque, lorsque ce dernier exerce une activité professionnelle, il peut prétendre à une prise en charge quand l'invalidité le place dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit sans exiger qu'il soit également inapte à toute autre occupation ;

Et attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, dont il résulte que l'application de la clause, dépendait non de la seule volonté de l'assureur, mais de circonstances objectives, susceptibles d'un contrôle judiciaire, la cour d'appel a nécessairement exclu le caractère potestatif de la condition ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

III) Sanction

L’article 1304-2 du Code civil prévoit que la stipulation d’une condition potestative est sanctionnée par la nullité.

Était-ce bien utile de préciser qu’elle était la sanction encourue dans la mesure où le même résultat pourrait être obtenu sur le terrain du consentement ?

Car finalement, la condition potestative est celle qui contredit la portée de l’engagement du débiteur. Aussi, pourrait-on imaginer que clause soit annulée pour défaut de consentement.

Toujours est-il que la nullité encourue par une condition potestative est sans nul doute relative. Leur prohibition vise à protéger l’intérêt d’une partie en particulier : le créancier.

L’article 1304-2 précise toutefois in fine que « cette nullité ne peut être invoquée lorsque l’obligation a été exécutée en connaissance de cause. »

Cela signifie que la nullité susceptible d’être soulevée par le créancier est couverte par l’exécution de l’obligation qui était subordonnée à la réalisation de la condition potestative.