La forme de la prestation compensatoire: capital ou rente viagère?

I) Principe : le versement d’un capital

La loi du 26 mai 2004 a réaffirmé le principe de l’octroi d’une prestation compensatoire sous forme de capital.

L’article 270, al. 2 prévoit en ce sens que la prestation compensatoire « a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge »

Cependant,  afin de mieux répondre à la diversité de situations des parties, le législateur a diversifié les formes de paiement de la prestation en permettant notamment les prestations « mixtes » et élargi la possibilité pour les époux de soumettre à l’homologation du juge une convention portant sur la prestation compensatoire à tous les cas de divorce.

A) Le paiement de la prestation compensatoire en une seule fois

Pour que le principe de versement d’une prestation compensatoire sous forme de capital puisse être appliqué efficacement, le législateur a prévu d’encourager le versement en numéraire tout en diversifiant les formes de paiement de ce capital, notamment en autorisant l’abandon d’un bien en pleine propriété.

L’article 274 du Code civil prévoit en ce sens que : le juge décide des modalités selon lesquelles s’exécutera la prestation compensatoire en capital parmi les formes suivantes :

  • Versement d’une somme d’argent, le prononcé du divorce pouvant être subordonné à la constitution des garanties prévues à l’article 277 ;
  • Attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier.

==> Le paiement en numéraire

Des dispositions fiscales avantageuses ont été instaurées afin d’inciter à un paiement accéléré de la prestation.

En effet, l’article 199 octodecies du code général des impôts ouvre droit à une réduction d’impôt de 25 % du montant des versements effectués, dans la limite de 30 500 euros, à condition que la totalité de la prestation soit versée sur une période maximale de douze mois à compter de la date à laquelle le jugement est devenu définitif.

Par ailleurs, une nouvelle garantie de paiement, particulièrement intéressante pour une prestation en capital, a été introduite à l’article 277 du code civil, permettant dorénavant au juge d’imposer la souscription d’un contrat à cette fin.

Cette disposition prévoit en ce sens que « indépendamment de l’hypothèque légale ou judiciaire, le juge peut imposer à l’époux débiteur de constituer un gage, de donner caution ou de souscrire un contrat garantissant le paiement de la rente ou du capital. »

==> L’abandon de biens mobiliers ou immobiliers en pleine propriété

L’article 274 du Code civil prévoit que le paiement de la prestation compensatoire sous forme de capital peut consister en l’« attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier »

Cette disposition a été adoptée afin de diversifier les formes d’attribution d’un capital et de permettre au débiteur qui ne dispose pas de liquidités suffisantes d’abandonner ses droits en propriété sur un bien mobilier ou immobilier propre, commun ou indivis.

Toutefois, l’accord de l’époux débiteur est exigé pour l’attribution en propriété d’un bien propre reçu par succession ou donation.

Il doit résulter des conclusions versées au débat ou de la convention des parties. Cette restriction n’est pas étendue à l’attribution d’un droit d’usage d’habitation ou d’usufruit sur un tel bien.

Des difficultés techniques peuvent constituer un frein à la mise en œuvre de cette innovation législative.

En effet, l’attribution d’une prestation compensatoire par abandon d’un meuble ou d’un immeuble en pleine propriété peut s’avérer délicate eu égard à l’évaluation de ce bien et des droits de chacun des époux sur celui-ci s’il est commun ou indivis, dans la mesure où, le plus souvent, la prestation est fixée indépendamment de la liquidation du régime matrimonial.

Ces difficultés potentielles obligeront alors le juge à charger, même d’office, un notaire ou un professionnel qualifié d’établir, en cours de procédure, un projet de règlement des prestations et pensions après divorce, étant observé que le notaire peut également être mandaté pour dresser un projet de liquidation du régime matrimonial.

Le juge peut ainsi fonder sa décision sur des informations objectives et déterminer précisément la valeur des droits attribués au créancier de la prestation.

À défaut, il y a lieu de souligner que le juge peut ordonner la production d’un état hypothécaire afin de connaître la situation réelle de l’immeuble dont l’attribution est demandée, la présence de sûretés immobilières inscrites sur le bien pouvant en diminuer substantiellement la valeur.

Il doit être, par ailleurs, rappelé que, en application des articles 28 et 33 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 relatif à la publicité foncière, le jugement de divorce doit être publié à la conservation des hypothèques dans le délai de trois mois à compter du jour où il est devenu définitif.

Face à la diversité des modalités de paiement en capital instaurée par le législateur, la question se pose de savoir si ces différentes formes peuvent se combiner.

Sur ce point, la loi est restée silencieuse.

La jurisprudence a d’ores et déjà majoritairement privilégié une analyse souple, en prévoyant par exemple que la prestation compensatoire sera payée sous forme d’abandon par le mari de sa part sur le bien immobilier commun et d’un complément en numéraire, échelonné sur huit ans.

Cette solution répond à l’objectif poursuivi par la loi de s’adapter à la diversité de la consistance des patrimoines.

B) L’échelonnement du paiement de la prestation compensatoire

L’article 275 du Code civil prévoit que « lorsque le débiteur n’est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l’article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires. »

Afin de tenir compte des aléas de paiement qui peuvent survenir sur la durée, ce texte ouvre une faculté de révision mais l’encadre strictement :

  • Elle porte seulement sur ses modalités de paiement
  • Elle est ouverte au débiteur ou à ses héritiers
  • Elle doit être motivée par un « changement notable » de leur situation
  • C’est seulement à titre exceptionnel et par une décision spéciale et motivée que le juge peut autoriser un versement échelonné sur une durée supérieure à huit ans.

Si la mise en œuvre de cette modalité de paiement dépend de l’appréciation souveraine des juges du fond, ces derniers ne sauraient ordonner un tel fractionnement au-delà du délai précité.

Ce terme, qui se substitue à celui de versements mensuels ou annuels, offre une plus grande souplesse quant à la détermination des échéances, qui pourront être trimestrielles, semestrielles… en fonction de la situation financière du débiteur.

L’article 275-1 du Code civil prévoit expressément que les différentes modalités de paiement ne sont pas exclusives l’une de l’autre.

Le législateur a ainsi entendu autoriser le cumul entre une somme d’argent ou l’attribution d’un bien et un capital échelonné, afin de mieux adapter le montant de la prestation compensatoire à la réalité de la situation patrimoniale des époux.

II) Exception : le versement d’une rente viagère

L’article 276 du Code civil prévoit que « le juge peut, par décision spécialement motivée, lorsque l’âge ou l’état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère. Il prend en considération les éléments d’appréciation prévus à l’article 271 ».

Le législateur n’a pas modifié les conditions d’attribution de la rente viagère issues de la loi du 30 juin 2000.

Une rente, nécessairement viagère, peut être décidée, à titre exceptionnel et par décision spécialement motivée, au vu de la seule situation du créancier, lorsque celui-ci ne peut, en raison de son âge ou de son état de santé, subvenir à ses besoins.

L’application qui est faite de ce dispositif procède d’une interprétation restrictive.

L’article 276 prend  le soin de préciser que si le juge octroie une prestation compensatoire sous forme de rente viagère :

  • Il doit justifier de circonstances exceptionnelles
  • Il doit motiver spécialement sa décision

L’apport de la loi du 26 mai 2004 résulte du second alinéa introduit à l’article 276, qui autorise, tout en l’encadrant, la possibilité d’attribuer une fraction de la prestation compensatoire en capital, lorsque les circonstances l’imposent, le montant de la rente étant en conséquence minoré.

Cette solution permet de mieux adapter la prestation compensatoire à la situation des parties.

Elle s’inscrit dans la continuité de l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation du 16 mars 2004, aux termes duquel les articles 274 et 276 du code civil n’interdisent pas l’octroi d’une prestation compensatoire sous forme d’un capital et d’une rente, à la double condition que cette allocation soit exceptionnelle et spécialement motivée (Cass. 1ère civ. 16 mars 2004)

Sur le plan fiscal, en cas de cumul, seules sont prises en considération les sommes versées au titre de la rente (art 199 octodecies II du code général des impôts), qui peuvent être déduites du revenu imposable du débiteur.

Le montant de la rente, qui demeure indexée comme en matière de pension alimentaire, peut être fixé de manière uniforme ou varier selon l’évolution probable des ressources et des besoins, conformément aux dispositions inchangées de l’article 276-1 du Code civil.

La convention de divorce par acte d’avocat: conditions, effets et révision

Pour mémoire, l’article 229-1 du Code civil dispose que « lorsque les époux s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets, ils constatent, assistés chacun par un avocat, leur accord dans une convention prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par leurs avocats et établi dans les conditions prévues à l’article 1374. »

Ainsi, la convention de divorce a-t-elle pour fonction de formaliser l’accord des époux sur le principe et les effets du divorce.

I) Les conditions de validité de la convention de divorce

Pour valable, la convention doit satisfaire à des conditions de fond et de forme.

A) Sur le fond

==> Application du droit des contrats

  • Principe
    • En ce que la convention de divorce s’analyse en un contrat, le sous-titre Ier du titre III du Livre III du code civil relatif au contrat lui est, par principe, applicable ( 1100 à 1231-7 C.civ.)
    • En conséquence, la convention doit satisfaire aux conditions de formation du contrat
    • En particulier, l’article 1128 du Code civil lui est applicable.
    • Cette disposition prévoit que sont nécessaires à la validité du contrat :
      • Le consentement des parties
      • Leur capacité de contracter
      • Un consentement licite et certain.
    • La convention de divorce peut donc être attaquée en cas de vice du consentement, de défaut de capacité ou encore de contrariété à l’ordre public.
    • En cas d’inexécution de la convention, le droit des contrats devrait également être applicable à la convention de divorce, à la condition que la mesure sollicitée ne remette pas en cause le principe même du divorce
  • Exception
    • Si le caractère purement conventionnel du divorce par consentement mutuel emprunte au droit des contrats, il s’en détache en raison de son caractère familial.
    • En effet, les dispositions qui sont inconciliables par nature avec le divorce sont inapplicables.
    • Ainsi, sous réserve de l’appréciation des juridictions, une clause résolutoire portant sur le principe du divorce serait déclarée nulle car contraire à l’ordre public.
    • La deuxième hypothèse d’une action en résolution fondée sur l’inexécution suffisamment grave après une notification du créancier au débiteur ne paraît pas non plus être valable dès lors qu’elle remettrait également en cause le principe du divorce.

==> Contenu de la convention

Le contenu du contrat est régi aux articles 1162 à 1171 du Code civil. Ainsi, le contenu de la convention de divorce ne doit pas porter atteinte à ces dispositions.

  • L’exigence d’un contenu licite
    • Aux termes de l’article 1162 du Code civil « le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toute les parties».
    • En matière familiale, la jurisprudence a une appréciation plutôt extensive de l’ordre public.
    • Relèvent notamment de l’ordre public familial :
      • l’autorité parentale (il n’est pas possible de renoncer ou de céder ses droits en dehors des cas prévus par la loi)
      • l’obligation alimentaire (qui est indisponible et non susceptible de renonciation).
    • Ainsi, il appartient à l’avocat de s’assurer que la convention ne comporte pas de clauses qui contreviendraient à l’ordre public.
    • Une clause qui, par exemple, exonérerait un époux de toute responsabilité en cas de non-paiement de la pension alimentaire serait réputée non écrite.
    • Surtout, la convention de divorce ne doit donc pas contenir de clauses fantaisistes qui risqueraient d’entraîner la nullité du contrat.
  • Exclusion du droit des clauses abusives
    • le divorce par acte d’avocat paraît exclu du champ du contrôle des clauses abusives prévu à l’article 1171 du code civil.
    • En effet la prohibition des clauses qui créent « un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat» ne s’applique que dans les contrats d’adhésion.
    • Le contrat d’adhésion est défini à l’article 1110 du code civil comme étant « celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties».
    • La qualification de contrat d’adhésion suppose donc la prédétermination unilatérale de conditions générales par l’une des parties et l’absence de négociation de ces conditions générales par l’autre partie.
    • Or l’intervention d’un avocat auprès de chacune des parties a pour objet de garantir l’effectivité d’une négociation des clauses de la convention de divorce et de la prise en compte des intérêts de chacun des époux.

B) Sur la forme

==> Un acte sous seing privé contresigné

L’article 229-1 du Code civil exige que la convention prenne la forme d’un acte sous seing privé contresigné par l’avocat de chacune des parties.

Qu’est-ce qu’un acte sous seing privé contresigné par un avocat, dit acte d’avocat ?

Cette forme d’acte a été instituée par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées.

Le législateur est parti du constat que de nombreux actes sous seing privé sont conclus sans que les parties, et notamment celles qui souscrivent les obligations les plus lourdes, n’aient reçu le conseil de professionnels du droit.

Cette manière de procéder, de plus en plus répandue en France notamment par l’utilisation de formulaires pré-imprimés ou disponibles sur internet, présente deux risques principaux.

  • Premier risque
    • Il peut arriver que les conséquences de cet acte ne soient pas celles que les parties attendaient :
      • soit parce que le but recherché en commun n’est pas atteint (le bail n’est pas valable par exemple)
      • soit parce que la convention est illicite.
  • Second risque
    • L’une des parties peut être tentée de contester ultérieurement l’existence du contrat ou l’un de ses éléments.
    • Les autres parties se heurtent alors à un problème de preuve.
    • L’assistance d’un avocat est insuffisante pour parer complètement à ces risques : les parties pourront éprouver des difficultés à établir que l’acte est le produit de ses conseils et aucune force probante particulière n’en résultera.

Afin de remédier à ces deux difficultés, le législateur avait bien cherché par le passé à y remédier. Elles étaient toutefois très insuffisantes.

Certes, les parties peuvent s’adresser à un notaire : l’acte authentique reçu par celui-ci engage sa responsabilité et fait foi jusqu’à inscription de faux des faits qu’il y aura énoncés comme les ayant accomplis lui-même ou comme s’étant passés en sa présence.

En outre cet acte bénéficie d’une caractéristique exceptionnelle attachée à la qualité d’officier public du notaire : la force exécutoire.

Cette force exécutoire permet, dans certaines circonstances, d’en assurer la réalisation sans avoir besoin au préalable de recourir à une décision de justice.

Mais, s’il est admis sans difficulté que la force exécutoire ne peut être attachée qu’à l’acte authentique, il a été jugé souhaitable que l’implication d’un avocat dans la réalisation d’un acte juridique emporte des effets plus significatifs que ceux qui lui étaient reconnus jusqu’alors.

Dans une perspective d’accès au droit, de protection de l’acte juridique et de sécurité des individus comme des entreprises, il est apparu au législateur utile d’encourager le recours aux conseils de l’avocat à l’occasion de la négociation, de la rédaction et de la conclusion des actes sous seing privé.

Il a donc été envisagé de permettre aux parties de renforcer la valeur de l’acte sous seing privé qu’elles concluent en demandant à un avocat, pouvant ou non être commun à plusieurs d’entre elles, de le contresigner.

Ce contreseing – qui existe déjà pour le mandat de protection future – entraîne deux conséquences.

  • Première conséquence
    • L’avocat ayant contresigné l’acte est présumé de manière irréfragable avoir examiné cet acte, s’il ne l’a rédigé lui-même, et avoir conseillé son client
    • À ce titre, il assume pleinement la responsabilité qui en découle.
  • Seconde conséquence
    • L’avocat atteste, après vérification de l’identité et de la qualité à agir de son client, que celui-ci a signé l’acte et en connaissance de cause, ce qui empêche celui-ci de contester ultérieurement sa signature
    • L’acte contresigné par un avocat possède alors, entre ceux qui l’ont souscrit et entre leurs héritiers et ayants cause, la même foi que l’acte authentique.

Appliqué au divorce par consentement mutuel, l’acte sous seing privé contresigné par avocat offre à la convention de divorce un cadre juridique adapté et sécurisé.

Il présente, en effet, deux avantages par rapport à un acte sous seing privé classique.

  • D’une part, il confère une force probante renforcée puisqu’il fait pleine foi de l’écriture et de la signature des parties tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayant cause.
  • Ensuite, en contresignant l’acte, l’avocat atteste de par la loi avoir éclairé pleinement la ou les parties qu’il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte.

==> Les mentions

  • Mentions relatives à la civilité des parties
    • L’article 229-3 du Code civil prévoit que la convention comporte expressément, à peine de nullité
      • Les nom, prénoms, profession, résidence, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des époux
      • La date et le lieu de mariage
      • Les mêmes indications, le cas échéant, pour chacun des enfants du couple
  • Mentions relatives aux avocats
    • L’article 229-3 du Code civil prévoit que la convention comporte expressément, à peine de nullité
      • Le nom, l’adresse professionnelle et la structure d’exercice professionnel des avocats chargés d’assister les époux
      • Le barreau auquel ils sont inscrits
  • Mentions relatives au notaire instrumentaire
    • L’article 1144-1 du code de procédure civile ajoute que les époux doivent mentionner le nom du notaire ou de la personne morale titulaire de l’office notarial chargés du dépôt de la convention au rang de ses minutes.
    • Le cas échéant, rien ne s’oppose à ce que ce notaire soit le même que celui qui aura dressé l’acte liquidatif de partage en la forme authentique.
  • Mentions relatives à l’accord des époux
    • L’article 229-3 du Code civil prévoit que la convention comporte expressément, à peine de nullité
      • La mention de l’accord des époux sur la rupture du mariage et sur ses effets dans les termes énoncés par la convention
      • Les modalités du règlement complet des effets du divorce conformément au chapitre III du présent titre, notamment s’il y a lieu au versement d’une prestation compensatoire
      • L’état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière, ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation
  • Mentions relatives à la pension alimentaire et à la prestation compensatoire
    • Compte tenu de l’importance des conséquences de la prévision d’une pension alimentaire ou d’une prestation compensatoire, l’article 1444-4 du Code de procédure civile prévoit que la convention doit contenir les informations des parties sur les modalités de recouvrement, les règles de révision et les sanctions pénales encourues en cas de défaillance.
    • L’article 1144-3 précise que lorsque des biens ou droits, non soumis à la publicité foncière, sont attribués à titre de prestation compensatoire, la convention précise la valeur de ceux-ci.
    • En cas de biens soumis à publicité foncière, un acte authentique devra être rédigé par un notaire.
    • Il peut, en outre, être prévu un paiement direct entre les mains, par exemple, de l’employeur du débiteur de ladite pension ou prestation.
    • Dans ce cas, le débiteur doit indiquer dans la convention le tiers débiteur saisi chargé du paiement
  • Mentions relative à l’information de l’enfant
    • L’article 229-3 du Code civil prévoit que la convention comporte expressément, à peine de nullité
      • La mention que le mineur a été informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge dans les conditions prévues à l’article 388-1 et qu’il ne souhaite pas faire usage de cette faculté.
    • L’article 1144-2 du code de procédure civile précise que la convention doit mentionner, le cas échéant, que le mineur n’a pas reçu l’information relative à son droit d’être entendu par un juge en raison de son absence de discernement, ce qui facilitera les vérifications formelles du notaire devant procéder au dépôt.

En pratique, ces mentions peuvent apparaître dans un paragraphe distinct ou en annexe afin que les informations délivrées soient suffisamment lisibles et identifiables par le créancier (cf. annexe 2 de la présente circulaire).

==> La régularisation de la convention

  • Délai de réflexion
    • L’article 229-4 du code civil fixe un délai de réflexion de quinze jours pour chacun des époux, à compter de la réception de la lettre recommandée contenant le projet de convention, pendant lequel les parties ne peuvent signer la convention.
    • Il appartient donc aux avocats et aux parties de définir une date de rendez-vous de signature qui soit fixée à plus de quinze jours à compter de la réception du dernier courrier recommandé, signé personnellement par chacune des parties. En effet, la signature de l’un des époux ne vaut pas réception de la convention par l’autre ni ne présume celle-ci.
    • Les avocats respectifs des parties doivent donc s’assurer de la signature personnelle de l’époux sur l’avis de réception de la lettre recommandée.
  • La signature et le contreseing
    • La convention est établie selon l’acte d’avocat prévu à l’article 1374 du code civil, qui fait foi de l’écriture et de la signature des parties.
    • En contresignant l’acte, les avocats attestent du consentement libre et éclairé de leur client.
    • L’article 1145 du code de procédure civile précise que la convention doit être signée par les époux et leurs avocats ensemble, ce qui signifie une mise en présence physique des signataires au moment de la signature.
    • En pratique, un rendez-vous commun aux deux époux et aux deux avocats devra être organisé en vue de la signature de la convention.
    • En effet, l’article 1175-1° du code civil exclut la possibilité d’établir et conserver sous forme électronique les actes sous signature privée relatifs aux droits de la famille de sorte qu’en l’absence de dérogation expressément prévue dans la loi du 18 novembre 2016, la signature par la voie électronique de la convention visée à l’article 229-1 du code civil est impossible.
    • La convention et ses annexes doivent être signées en trois exemplaires afin que chaque époux dispose d’un original et qu’un exemplaire soit déposé au rang des minutes du notaire désigné.
    • Lorsque la convention ou ses annexes doivent être soumises à la formalité de l’enregistrement, un quatrième exemplaire original devra être signé pour être transmis aux services fiscaux.
    • En cas de modification de la convention par rapport au projet initial, un nouveau délai de réflexion de quinze jours doit être laissé aux époux à compter de ces modifications, ce qui suppose, si celles-ci interviennent lors d’un rendez-vous de signature, d’organiser une seconde rencontre au moins quinze jours après.
  • Transmission de la convention au notaire
    • L’archivage de la convention étant déjà assuré par son dépôt au rang des minutes d’un notaire, il n’est pas nécessaire d’en prévoir un à la charge des avocats.
    • L’avocat le plus diligent, ou mandaté par les deux parties, transmet la convention de divorce accompagnée de ses annexes au notaire mentionné dans l’acte dans un délai maximum de sept jours suivant la date de la signature de la convention (article 1146 CPC).
    • À défaut de respecter ce délai, il engage sa responsabilité professionnelle.
    • Ce délai est un délai indicatif maximal qui ne constitue pas un délai de rétractation dans la mesure où les époux ont déjà bénéficié d’un délai de réflexion antérieurement à la signature de la convention.
    • Enfin, l’original de la convention devant être transmis, l’envoi ne peut être dématérialisé.
  • Frais d’acte
    • L’article 1144-5 du Code de procédure civile prévoit que la convention règle le sort des frais induits par la procédure de divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocat, déposé au rang des minutes d’un notaire, sous réserve des règles spécifiques en matière d’aide juridictionnelle et qu’à défaut, ils sont partagés par moitié.
    • Ces frais devraient être détaillés pour comprendre, l’ensemble des frais prévisibles (en particulier, les frais de transmission de la convention au notaire et de dépôt, ceux de partage et, le cas échéant, de traduction de la convention).
    • Conformément à l’article 11.3 du règlement intérieur national de la profession d’avocats, les honoraires sont exclus de ces frais puisque l’avocat ne peut percevoir d’honoraires que de son client ou d’un mandataire de celui-ci.

==> L’intervention du notaire

  • La compétence territoriale des notaires
    • Conformément aux termes de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, les notaires ne sont pas assujettis à des règles de compétence internes.
    • En outre, les règles de compétence du règlement CE n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ne concernent que les juridictions appelées à rendre une décision.
    • Or, dans la nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel, les notaires doivent, après un contrôle formel, déposer au rang de leurs minutes la convention constituant l’accord des époux et ils ne rendent de ce fait aucune décision, de sorte qu’ils ne sont pas des juridictions au sens de ce règlement.
    • Par conséquent, les notaires, qui ne sont pas assujettis à des règles de compétence, ont vocation à recevoir tout acte, émanant de parties françaises comme étrangères, qu’elles soient domiciliées en France ou à l’étranger dès lors que le droit français s’applique à leur divorce, sans préjudice des effets que les règles de droit international privé applicables aux parties, à raison de leur nationalité par exemple, pourraient entraîner dans un autre État, en termes de reconnaissance du divorce et de ses conséquences notamment.
    • Enfin, l’article 8 du décret du 28 décembre 2016 a expressément exclu les fonctions notariales des agents consulaires du dispositif.
    • Ces derniers ne peuvent donc procéder au dépôt de la convention de divorce.
  • Le contrôle exercé par le notaire
    • Si le notaire n’a pas à contrôler le contenu ou l’équilibre de la convention, il doit, avant de pouvoir effectuer le dépôt de la convention au rang de ses minutes, vérifier la régularité de celle-ci au regard des dispositions légales ou réglementaires.
    • Pour autant, s’il est porté manifestement atteinte à l’ordre public (une clause qui évincerait les règles d’attribution de l’autorité parentale découlant de la filiation ou une clause de non-remariage par exemple), le notaire, en sa qualité d’officier public, pourra alerter les avocats sur la difficulté.
    • Ni les époux, ni les avocats n’ont en principe à se présenter devant le notaire.
      • Le contrôle du respect du délai de réflexion
        • L’article 229-1 du code civil donne expressément au notaire compétence pour s’assurer que le délai de réflexion de quinze jours entre la rédaction de la convention et la signature prévue à l’article 229-4 du même code a bien été respecté.
        • À cette fin, la convention pourra comporter utilement en annexe la copie des avis de réception des lettres recommandées envoyées à chacune des parties et contenant le projet de convention.
        • Si le délai de réflexion de quinze jours n’a pas été respecté, le notaire ne peut procéder au dépôt de la convention.
      • Le contrôle des exigences formelles
        • Le dernier alinéa de l’article 229-1 du code civil rappelle le rôle du notaire.
        • Celui-ci doit vérifier le respect des exigences prévues aux 1° au 6° de l’article 229-3 du code civil.
        • Si la convention ne contient pas l’ensemble de ces mentions, le notaire doit refuser de procéder à son dépôt.
        • Les époux devront rédiger une nouvelle convention avec les mentions manquantes et respecter le délai de réflexion de quinze jours avant de pouvoir procéder à la signature de celle-ci et de la transmettre au notaire en vue de son dépôt.
  • Le dépôt de la convention au rang des minutes du notaire
    • L’article 1146 du Code de procédure civile prévoit que le notaire dispose d’un délai maximal de quinze jours pour procéder au contrôle susmentionné de la convention et de ses annexes et déposer l’acte au rang de ses minutes.
    • Ce délai ne constituant pas un délai de rétractation, le notaire peut procéder à ce contrôle et au dépôt dès réception des documents.
    • Le dépassement de ce délai ne constitue pas une cause de caducité de la convention mais peut être de nature à engager la responsabilité professionnelle du notaire.
    • Le dépôt de la convention de divorce au rang des minutes du notaire ne confère pas à la convention de divorce la qualité d’acte authentique mais lui donne date certaine et force exécutoire à l’accord des parties et entraîne la dissolution du mariage à cette date.
    • Les effets du divorce entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, prennent effet à la date du dépôt, à moins que la convention n’en dispose autrement (article 262-1 du code civil).
    • Le dépôt au rang des minutes du notaire emporte l’obligation d’assurer la conservation de l’acte pendant une durée de 75 ans et le droit d’en délivrer des copies exécutoires et des copies authentiques.
    • L’article 14 du décret n° 71-942 du 26 novembre 1971, prévoit les conditions de conservation en cas de suppression ou de scission d’un office de notaire, à titre provisoire ou définitif, ce qui permet d’assurer la continuité de la conservation.
    • Le notaire doit délivrer une attestation de dépôt à chacun des époux qui contient, outre ses coordonnées, notamment :
      • la mention du divorce
      • l’identité complète des époux
      • leurs lieu et date de naissance
      • le nom de leurs avocats respectifs et le barreau auquel ils sont inscrits
      • la date de dépôt. U
    • Une attestation est également délivrée, le cas échéant, à l’avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle, à sa demande, afin que celui-ci puisse solliciter le paiement de la contribution de l’État (article 118-3 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991).
    • Cette attestation permettra aux ex-conjoints ou à leurs avocats de faire procéder à la mention du divorce sur les actes de l’état civil et de justifier du divorce auprès des tiers.

==> Publicité : la mention du divorce sur les actes d’état civil

Dès réception de l’attestation de dépôt de la convention de divorce et de ses annexes, les époux ou les avocats doivent en principe transmettre celle-ci à l’officier d’état civil de leur lieu de mariage aux fins de mention du divorce sur l’acte de mariage selon les modalités prévues à l’article 1147 du code de procédure civile.

Le mariage est dissous à la date de l’attestation de dépôt qui lui donne force exécutoire.

Conformément aux dispositions de l’article 49 du code civil, l’officier d’état civil qui a apposé la mention du divorce en marge de l’acte de mariage, transmet un avis à l’officier de l’état civil dépositaire de l’acte de naissance de chacun des époux aux fins de mise à jour de ces actes par la mention de divorce.

Si le mariage a été célébré à l’étranger et en l’absence d’acte de mariage conservé par un officier d’état civil français, la mention du divorce sera portée sur les actes de naissance et à défaut, l’attestation de dépôt sera conservée au répertoire civil annexe détenu au service central d’état civil à Nantes.

Toutefois, si le mariage a été célébré à l’étranger à compter du 1er mars 2007, sa transcription sur les registres de l’état civil français sera nécessaire avant de pouvoir inscrire la mention du divorce sur l’acte de naissance d’un Français.

II) Les effets de la convention

A) Opposabilité de la convention

==> À l’égard des parties

  • Principe
    • L’article 229-1, al. 3 du Code civil prévoit que le dépôt de la convention au rang des minutes du notaire « donne ses effets à la convention en lui conférant date certaine et force exécutoire»
    • Ainsi, ce n’est donc pas la signature de la convention qui la rend opposable entre les parties, mais son dépôt
  • Exception
    • L’article 262-1, al. 1er du Code civil dispose que « la convention ou le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens lorsqu’il est constaté par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire, à la date à laquelle la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce acquiert force exécutoire, à moins que cette convention n’en stipule autrement»
    • Les parties peuvent ainsi décider de modifier la date des effets du divorce, s’agissant de leurs rapports patrimoniaux.
    • Les effets du divorce pourront donc être reportés à une date antérieure au jour du dépôt au rang des minutes du notaire.
    • Ils pourront ainsi faire coïncider la date du divorce avec la date de leur séparation effective.

==> À l’égard des tiers

L’article 262 du Code civil prévoit que le divorce est opposable aux tiers à partir du jour où les formalités de mention en marge des actes d’état civil ont été effectuées.

Tant que cette mesure de publicité n’est pas accomplie par les époux, le divorce leur sera inopposable.

Ils seront donc toujours fondés à se prévaloir du principe de solidarité des dettes ménagères par exemple.

B) Étendue des effets de la convention

==> Irrévocabilité du principe du divorce

Le caractère conventionnel de la convention de divorce devrait permettre aux époux de révoquer leur accord en cas d’inexécution de leurs obligations respectives.

Toutefois, si ce caractère conventionnel emprunte au droit des contrats, il s’en détache en raison de son caractère familial.

Dès lors, il est des dispositions qui, par nature, sont inconciliables par nature avec le divorce

Ainsi, sous réserve de l’appréciation des juridictions, une clause résolutoire portant sur le principe du divorce devrait être déclarée nulle car contraire à l’ordre public.

De la même manière, l’époux qui engage une action en résolution judiciaire sur le fondement de l’inexécution suffisamment grave après une notification au débiteur devrait être débouté de sa demande.

Dans le cas contraire, une telle action pourrait conduire à remettre en cause le principe du divorce.

Or une fois l’accord des époux scellé, cet accord est irrévocable.

==> Rétractation des époux

Il convient de distinguer selon qu’un seul des époux ou les deux se rétractent.

  • Un seul époux se rétracte
    • Dans l’hypothèse où l’un des époux se rétracterait entre la signature de la convention et son dépôt au rang des minutes, le notaire doit quand même procéder à l’enregistrement de la convention.
    • En effet, la convention de divorce constitue un contrat à terme au sens de l’article 1305 du code civil, qui engage les parties de manière irrévocable, sauf consentement mutuel des parties pour y renoncer ou pour les causes que la loi autorise (article 1193 C. civ.), en l’espèce la demande d’audition de l’enfant (article 229-2 C. civ.).
    • Seuls les effets de la convention, et donc l’exigibilité des obligations de chacun des époux, sont différés jusqu’au dépôt de l’acte au rang des minutes du notaire mais la force obligatoire de la convention s’impose aux parties dès la signature.
    • En conséquence, il est interdit à un seul des époux de “faire blocage” et de bénéficier de ce fait d’une faculté de rétractation non prévue par la loi.
  • Les deux époux se rétractent
    • Lorsque, d’un commun accord, les deux époux renoncent au divorce, ils peuvent révoquer la convention jusqu’au dépôt de celle-ci au rang des minutes du notaire en application de l’article 1193 du code civil.
    • Le notaire doit être informé de la renonciation au divorce par tous moyens, aucune condition de forme n’étant imposée.
    • Dans le cas d’un renoncement à cette voie du divorce par consentement conventionnel, l’article 1148-2, alinéa 2 du code de procédure civile, rappelle que la juridiction est saisie dans les conditions des articles 1106 et 1107 du même code.
    • La convention peut aussi être modifiée entre la signature et le dépôt d’un commun accord entre les époux (article 1193 C. civ.).
    • Dans ce cas, une nouvelle convention devra être rédigée et les avocats devront veiller à informer le notaire de ce changement afin que celui-ci ne procède pas au dépôt. Le délai de réflexion de quinze jours courra à nouveau entre la rédaction du projet et la signature de celui-ci par les parties en présence de leurs avocats.

==> Exécution forcée de la convention

La loi du 18 novembre 2016 a ajouté à la liste des titres exécutoires de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution les accords par lesquels les époux consentent mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresignée par avocats, déposés au rang des minutes d’un notaire selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil.

Les époux peuvent donc solliciter l’exécution forcée de la convention dès lors que celle-ci a été déposée au rang des minutes du notaire.

Dès son dépôt, la convention de divorce a des effets identiques à ceux d’un jugement de divorce.

À cette fin, certaines dispositions ont été modifiées par la loi du 18 novembre 2016, le décret du 28 décembre 2016 et l’article 115 de la loi de finances rectificative pour 2016.

  • Pension alimentaire
    • En application de l’article L. 213-1 du code des procédures civiles d’exécution et de l’article 1er de la loi n° 75-618 du 11 juillet 1975 la convention de divorce permet d’engager une procédure de recouvrement de la pension alimentaire
    • En complément, Le code général des impôts a été modifié pour que les pensions alimentaires et prestations compensatoires fixées par la convention de divorce bénéficient du même régime fiscal que celles fixées par un jugement de divorce
  • Prestations sociales
    • Pour les mêmes raisons, l’article L. 523-1 du code de la sécurité sociale a fait l’objet d’une modification afin de permettre au créancier d’une pension alimentaire fixée par une convention de divorce établie par acte d’avocats ou par un acte authentique de bénéficier de l’allocation de soutien familial ou de l’allocation de soutien familial différentielle.
    • L’article L.581-2 du même code a en conséquence été modifié afin de permettre à la CAF qui a versé cette allocation, au lieu et place du parent débiteur défaillant, de recouvrer les sommes versées.

Toutefois, la convention ne constitue pas un titre permettant d’obtenir l’expulsion de l’époux qui se maintient illégitimement dans le logement dans la mesure où l’article L. 411-1 du code des procédures civiles d’exécution restreint cette possibilité à la production d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation, qui est toujours signé par un juge compte tenu de l’atteinte aux libertés individuelles que constitue cette mesure.

==> La révision de la convention

  • Principe
    • L’article 1193 du Code civil prévoit de façon générale la révision des conventions par consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise.
    • Il en résulte que la convention de divorce par acte sous signature privée contresigné par avocat pourra être révisée d’un commun accord des parties, par simple acte sous seing privé ou par acte sous signature privée contresigné par avocat.
    • L’acte sous seing privé simple ou contresigné par avocat portant révision de la convention n’aura toutefois ni date certaine, ni force exécutoire, sauf à ce que les parties en fassent ultérieurement constater la substance dans un acte authentique pour lui conférer date certaine, en application de l’article 1377 du code civil.
  • Tempéraments
    • En raison de la soumission de la convention de divorce à l’ordre public familial, certaines clauses de la convention ne peuvent être révisées selon le droit commun des contrats.
    • Tel est le cas du principe du divorce en raison de l’indisponibilité de l’état des personnes, ou des clauses portant sur la prestation compensatoire, dont la révision fait l’objet de dispositions spécifiques prévues à l’article 279 du code civil.
    • Les parties pourront toujours solliciter l’homologation de leur nouvel accord portant sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et fixant le montant de la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant devant le juge aux affaires familiales, par requête conjointe, en application des dispositions de l’article 373-2-7 du code civil.
    • Depuis le décret n° 2016-1906 du 28 décembre 2016, le juge peut homologuer cette convention sans audience à moins qu’il n’estime nécessaire d’entendre les parties.
    • Enfin, le juge aux affaires familiales pourra toujours être saisi par les deux parents, ensemble ou séparément sur le fondement de l’article 373-2-13 du code civil, aux fins de statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

==> Le contentieux de l’inexécution de la convention par l’un des ex-époux

En cas d’inexécution par l’un des ex-époux de ses obligations résultant de la convention de divorce ayant force exécutoire, l’autre pourra toujours saisir le tribunal de grande instance de la difficulté.

L’exception d’inexécution prévue à l’article 1209 du code civil ne pourra toutefois être invoquée dès lors qu’elle est contraire à l’intérêt de l’enfant.

Ainsi, le débiteur d’une pension alimentaire due pour l’éducation et l’entretien de l’enfant ne pourra refuser de verser cette contribution au motif que l’enfant ne lui est pas représenté.

Divorce par acte d’avocat (sans juge): domaine d’application

==> Principe

Lors de l’adoption de la loi du 18 novembre 2016, il ressort des travaux parlementaires que ce nouveau cas de divorce a vocation à se substituer à la majorité des cas de divorce par consentement mutuel.

Plus encore, l’article 229 du Code civil peut désormais être lu comme érigeant au rang de principe le divorce par consentement mutuel conventionnel.

Il s’infère de sa rédaction que, ce n’est que par exception que le recours au Juge est envisagé.

À cet égard, la circulaire du 26 janvier 2017 confirme cette interprétation en indiquant que « le nouveau divorce par consentement mutuel extrajudiciaire n’est pas un divorce optionnel. »

Si donc les époux s’accordent sur le principe de la rupture du lien conjugal et l’ensemble des conséquences du divorce, la voie judiciaire du divorce par consentement mutuel ne leur est, sauf exception, désormais plus ouverte.

La voie du divorce par consentement mutuel judiciaire n’est possible que dans les deux cas d’exclusions énoncés à l’article 229-2 du Code civil.

==> Exclusions

En application de l’article 229-2 du Code civil, le recours au divorce par consentement mutuel conventionnel est expressément exclu dans deux cas :

  • Premier cas
    • Lorsque, l’enfant mineur, informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge, demande son audition par le juge
  • Second cas
    • Lorsque l’un des époux se trouve placé sous tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice.

De toute évidence, ces deux exclusions visent à protéger des personnes irréfragablement présumées comme faibles, dont les intérêts ne doivent pas être lésés.

La garantie instituée par l’article 229-2 du Code civil est toutefois en retrait par rapport à celle conférée par la procédure de divorce par consentement mutuel judiciaire.

Cette dernière prévoit expressément un contrôle du juge sur le sort réservé à l’enfant (et à l’autre conjoint).

L’article 232 du code civil dispose en ce sens que le juge « peut refuser l’homologation et ne pas prononcer le divorce s’il constate que la convention préserve insuffisamment les intérêts des enfants ou de l’un des époux ».

Ce contrôle ne joue, désormais, qu’à la condition que l’enfant ait lui-même demandé à être entendu : d’une protection systématique on est passé à une protection hypothétique, laissant à l’enfant seul le soin de veiller à ses intérêts, pour que le juge soit ensuite en mesure d’en assurer le respect.

Il a été objecté, la faible portée, en pratique, du contrôle du juge, puisque rien n’oblige ensuite les parents à se tenir à la convention homologuée sur le sort des enfants : cette garantie serait donc illusoire.

En toute hypothèse, subordonner la saisine du juge à la demande préalable de l’enfant d’être entendu fait porter sur ses épaules le poids du renoncement à la procédure non judiciaire que souhaitaient ses parents.

En outre se posent la question de l’information de l’enfant et celle de la prise en compte de son souhait, puisqu’il n’entre pas dans le mandat des avocats de veiller aux intérêts du mineur.

==> Les passerelles

  • Du divorce conventionnel vers le divorce judiciaire
    • En vertu de l’article 1148-2 du code de procédure civile, si les époux ne parviennent pas à trouver un accord sur l’ensemble des conséquences du divorce ou si l’un d’eux ne souhaite plus divorcer, le fait d’avoir tenté de régler leur différend par la voie amiable ne les empêche pas de saisir le juge aux fins de divorce contentieux ou de séparation de corps.
  • Du divorce judiciaire vers le divorce conventionnel
    • L’article 247 du code civil prévoit que les époux qui seraient engagés dans une procédure contentieuse peuvent toujours, à tout moment de la procédure, divorcer par consentement mutuel.
    • Dans cette hypothèse, s’il n’y a pas de demande d’audition d’enfant, les parties doivent recourir au divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire. Il appartient aux avocats dans cette hypothèse de solliciter un retrait du rôle ou de se désister de l’instance en cours pour le divorce contentieux.
  • Dispositions transitoires
    • Seules les requêtes en divorce par consentement mutuel déposées avant le 1er janvier 2017 ainsi que les requêtes en passerelle fondées sur l’article 247 ancien et enregistrées avant cette date avec une convention datée et signée par chacun des époux et leur(s) avocat(s) portant règlement complet des effets du divorce, conformément à l’article 1091 du code de procédure civile, sont traitées selon les règles en vigueur avant le 1er janvier 2017.
    • En dehors de ces deux hypothèses, c’est donc uniquement dans le cas prévu à l’article 229-2 du code civil, c’est-à-dire en présence d’une demande d’audition formulée par un enfant du couple, que les époux demandent au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce par consentement mutuel en lui présentant une convention réglant les conséquences de celui-ci.

Divorce par consentement mutuel judiciaire: omission d’un bien ou d’une dette

Le principe d’intangibilité de la convention de divorce n’est pas sans limites. Il est des situations qui permettent, tantôt aux parties, tantôt aux tiers de revenir sur ce qui a été jugé ou de compléter le dispositif.

En particulier, la question s’est posée en jurisprudence du sort d’un bien ou d’une dette omis lors de l’établissement de l’état liquidatif.

Une fois homologuée, la convention de divorce est, par principe, intangible, de sorte que les époux ne peuvent plus solliciter sa révision.

Est-ce à dire que le bien ou la dette omis ne peut plus faire l’objet d’un partage ?

La première et la deuxième chambre civile se sont longtemps opposées sur la réponse à apporter à cette question.

  • La position de la deuxième chambre civile
    • Dans un arrêt du 18 mars 1992, elle a considéré que, en application du principe d’intangibilité de la convention de divorce, un bien omis ne pouvait pas être intégré, postérieurement à l’homologation, dans la composition du patrimoine commun ( 2e civ. 18 mas 1992).
    • Pour la deuxième chambre civile, cela revient à modifier sans l’accord des parties, la convention définitive devenue irrévocable et violé le texte susvisé
    • Ainsi, aurait-il fallu conclure une nouvelle convention aux côtés de l’accord homologué

Cass. 2e civ. 18 mas 1992
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 279 du Code civil ;

Attendu que la convention homologuée a la même force exécutoire qu'une décision de justice ; qu'elle ne peut être modifiée que par une nouvelle convention entre les époux ;

Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce des époux X... sur leur requête conjointe, et homologué leur convention définitive ; que M. X... a fait assigner son ex-épouse pour faire juger qu'un immeuble ne figurant pas sur la convention constituait un bien propre et régulariser une déclaration de remploi ;

Attendu que pour débouter M. X... de cette demande et dire que le bien était commun, l'arrêt énonce que l'omission de toute mention de ce remploi et des biens acquis à l'aide de celui-ci dans la convention définitive de partage peut résulter d'une simple erreur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la convention définitive homologuée, qui ne faisait pas mention de l'immeuble litigieux dans l'actif commun, attribuait à Mme Y... une somme d'argent pour solde de tout compte de la communauté, la cour d'appel, en faisant entrer postérieurement cet immeuble dans la composition du patrimoine commun, a modifié, sans l'accord des parties, la convention définitive devenue irrévocable et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 octobre 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée

  • La position de la première chambre civile
    • Dans un arrêt du 3 juillet 1996 la première chambre civile a considéré quant à elle que, en cas d’omission d’un bien dépendant de la communauté conjugale dans l’état liquidatif du régime matrimonial des époux, joint à la convention définitive homologuée par le juge du divorce, la demande de partage complémentaire était recevable.
    • Pour la première chambre civile il n’y avait donc pas lieu de régulariser une nouvelle convention de divorce.
    • Cette solution a été réaffirmée dans un arrêt du 6 mars 2001 aux termes duquel, la Cour de cassation a affirmé, au visa de l’article 279 du Code civil que « si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu’une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs omis dans l’état liquidatif homologué, à l’application éventuelle des sanctions du recel et au paiement de dommages-intérêts pour faute commise par son ex conjoint lors de l’élaboration de la convention»

Cass. 1ère civ. 6 mars 2001
Attendu que les époux Y...-X... ont divorcé sur requête conjointe par jugement du 8 mars 1990, qui a homologué la convention définitive réglant les modalités de liquidation de leur communauté, comprenant notamment les actions des sociétés Y... SA et Y... boutique, évaluées à 110 000 000 francs ; qu'ayant appris ultérieurement que son ex mari avait vendu, pour la somme de 39 000 000 francs, au groupe Seibu department store, dont dépendent les sociétés Ilona gestion et Saison Nederland BV, des actions de la société JLS KK qui ne figuraient pas dans l'état liquidatif, Mme X... a demandé la condamnation de M. Y... à lui payer l'intégralité de la somme ainsi recelée ou, subsidiairement, la moitié de cette somme à titre de partage complémentaire, ainsi que sa condamnation solidaire avec les sociétés Seibu, Ilona et Saison au paiement de dommages-intérêts ; que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevables ces demandes ;

Sur le premier moyen : (Publication sans intérêt) ;

Sur le cinquième moyen : (Publication sans intérêt) ;

Mais sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, réunis :

Vu l'article 279 du Code civil ;

Attendu que si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu'une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs omis dans l'état liquidatif homologué, à l'application éventuelle des sanctions du recel et au paiement de dommages-intérêts pour faute commise par son ex conjoint lors de l'élaboration de la convention ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes présentées de ces chefs par Mme X..., l'arrêt attaqué se borne à énoncer qu'elles remettraient en cause la convention définitive homologuée par le jugement de divorce ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée contre les sociétés Seibu department store, Ilona gestion et Saison Nederland BV, l'arrêt rendu le 10 mars 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

  • Position actuelle
    • Bien que la deuxième chambre civile ne se soit pas prononcée récemment sur la question, la doctrine considère que c’est la position de la première chambre civile qui l’a emporté.
    • Sa solution a d’ailleurs été réitérée à de nombreuses reprises
    • Dans un arrêt du 22 février 2005, elle a une nouvelle fois jugé, dans les mêmes termes qu’en 2001, que « si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu’une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs omis dans l’état liquidatif homologué» ( 1ère civ., 22 févr. 2005)
    • Dans un arrêt du 30 septembre 2009, la première chambre civile a adopté la même solution en reprenant le même attendu de principe : « si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu’une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs ou de dettes communes omis dans l’état liquidatif homologué» ( 1ère civ. 30 sept. 2009)

Cass. 1ère civ. 30 sept. 2009
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Vu l'article 279 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 et l'article 887 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, ensemble les articles 1477, 1478 et 1485 du code civil ;

Attendu que si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu'une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs ou de dettes communes omis dans l'état liquidatif homologué ;

Attendu qu'un jugement du 12 septembre 2000 a prononcé le divorce de M. X... et de Mme Y... sur leur requête conjointe et a homologué la convention définitive portant règlement des conséquences pécuniaires du divorce ; qu'aux termes de cette convention, signée en mai 2000, les époux se sont partagés le remboursement de différents prêts, sans tenir compte d'un acte notarié du 24 août 2000 par lequel ils avaient renégocié avec leur banque des "prêts consommations au CIN et chez Cofidis" ; que, reprochant à son ancienne épouse de ne pas avoir respecté ses engagements, M. X... l'a fait assigner le 28 octobre 2004 devant le tribunal de grande instance pour la voir condamner à lui rembourser les dettes communes mises à sa charge tant par la convention définitive homologuée que par la convention notariée du 24 août 2000, dont il s'était acquitté postérieurement au divorce ; que M. X... a en outre sollicité que soit ordonnée la vente aux enchères publiques d'un immeuble sis à Cernay, appartenant indivisément aux anciens époux, omis dans la convention définitive ;

Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes et ordonner que les parties règlent le sort de la ou des dettes, ainsi que de l'immeuble commun, omis dans la convention définitive, par une nouvelle convention soumise au contrôle du juge et renvoyer à cette fin les parties devant le juge aux affaires familiales, l'arrêt attaqué énonce que si M. X... soutient et rapporte la preuve qu'une dette de communauté a été omise lors de l'établissement de la convention devant régler tous les effets du divorce et que le sort de l'immeuble de communauté, ainsi que les conséquences de son occupation par Mme Y..., postérieurement au prononcé du divorce, n'ont pas davantage été pris en considération dans la convention définitive, les demandes présentées par chacune des parties sont de nature à modifier considérablement l'économie de la convention définitive qui a été homologuée par le jugement du 12 septembre 2000 et nécessitent une nouvelle convention soumise au contrôle du juge ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 décembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Divorce par consentement mutuel judiciaire: l’intangibilité de la convention

I) Le principe d’intangibilité de la convention

==> Énoncé du principe

Il ressort de plusieurs textes que la convention de divorce est indissociable du jugement qui prononce le divorce :

  • L’article 1099 du Code de procédure civile prévoit que le Juge « rend sur-le-champ un jugement par lequel il homologue la convention et prononce le divorce. »
  • L’article 279 dispose encore que « la convention homologuée a la même force exécutoire qu’une décision de justice»
  • L’article 232 prévoit quant à lui que « le juge homologue la convention et prononce le divorce »

La jurisprudence déduit de ces textes qu’il existe une indivisibilité de l’homologation de la convention avec la décision qui prononce le divorce.

Il en résulte que, à l’instar d’un jugement, elle est pourvue de l’autorité de la chose jugée ce qui lui confère son intangibilité. Autrement dit, elle ne peut plus être attaquée par les époux.

Sur ce point, elle se distingue d’un contrat soumis au droit commun, en ce que les parties peuvent toujours revenir dessus en cas de commun accord.

Tel n’est pas le cas de la convention de divorce qui, une fois homologuée par le juge, ne peut plus être supprimée, ni révisée

Dans un arrêt du 6 mai 1987 la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « le prononcé du divorce et l’homologation de la convention définitive ont un caractère indissociable et ne peuvent plus être remis en cause hors des cas limitativement prévus par la loi »

Cass. 2e civ. 6 mai 1987
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Lyon, 14 février 1985), qu'un jugement, non frappé de voies de recours, a prononcé le divorce des époux X... sur leur requête conjointe et homologué la convention définitive portant réglement des conséquences du divorce ; que Mme X..., estimant être victime d'une lésion dans cette convention, en a demandé la rescision ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré cette action irrecevable, alors que, d'une part, la convention portant règlement des effets du divorce pourrait être dissociée du jugement prononçant celui-ci, et, n'étant pas irrévocable, pourrait faire l'objet d'une action en rescision pour lésion, et alors que, d'autre part, en considérant qu'en l'absence de clause stipulant l'égalité du partage, celui-ci pouvait être présumé inégal, ce qui rendrait irrecevable l'action en rescision pour lésion, la cour d'appel aurait violé les articles 1476 et 887 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient à bon droit que le prononcé du divorce et l'homologation de la convention définitive ont un caractère indissociable et ne peuvent plus être remis en cause hors des cas limitativement prévus par la loi ;

Que par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

  • Faits
    • Prononcé d’un divorce sur requête conjointe par un arrêt de la Cour d’appel de Lyon le 14 février 1985
  • Demande
    • Action en rescision pour lésion contre une convention d’homologation introduite par une épouse.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 14 février 1985 la Cour d’appel de Lyon déboute l’appelante de sa demande.
    • Pour les juges du fond, l’action de l’épouse est irrecevable dans la mesure où le prononcé du divorce et l’homologation de la convention sont indissociables.
    • Or un jugement bénéficie de l’autorité de la chose jugée.
  • Solution
    • La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’épouse
    • Pour la deuxième chambre civile la convention réglant les effets du divorce devient, dès lors qu’elle a été homologuée par le juge, intangible.
    • Autrement dit, elle ne peut plus être attaquée
    • La Cour de cassation pose ici le principe d’intangibilité de la convention réglant les effets du divorce

==> Applications

Le principe d’intangibilité de la convention de divorce conduit à écarter un certain nombre d’actions :

  • Les actions en nullité de la convention
    • La question ici se pose de savoir si, en cas de non-respect d’une condition de validité de la convention de divorce, elle peut faire l’objet d’une annulation
    • La jurisprudence répond par la négative à cette question, au motif que le principe d’intangibilité de la convention prévaut
    • Peu importe donc le fondement invoqué par l’un des époux (contrariété à l’ordre public, vices du consentement ou encore irrégularité formelle) : l’action en nullité est irrecevable
  • Les actions en complément de part
    • Il s’agit de l’hypothèse où un époux aurait été lésé dans le partage des biens
    • Dès lors, est-il recevable à engager une action aux fins de rétablir l’équilibre qui a été rompu volontairement ou involontairement ?
    • L’article 889 du Code civil prévoit que dans le cadre d’opérations de partages prévues par la loi, lorsque l’un des copartageants établit avoir subi une lésion de plus du quart, le complément de sa part lui est fourni, au choix du défendeur, soit en numéraire, soit en nature.
    • Pour apprécier s’il y a eu lésion, on estime les objets suivant leur valeur à l’époque du partage.
    • L’action en complément de part se prescrit par deux ans à compter du partage.
    • Pour les mêmes raisons que celles qui président à l’irrecevabilité de l’action en nullité, l’action en complément de parts ne saurait être accueillie lorsqu’elle est dirigée contre la convention de divorce.
    • Le principe d’intangibilité de cette convention y fait obstacle.
    • Cette solution a notamment été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 3 mars 2010.

Cass. 1re civ., 3 mars 2010
Sur le moyen unique :

Attendu que M. X... et Mme Y... ont contracté mariage le 3 octobre 1998 sous le régime de la séparation de biens ; qu'en 1999, ils ont acquis en indivision, chacun pour moitié, un terrain situé à Saint-Pierre de la Réunion sur lequel ils ont fait édifier une maison ; qu'un jugement du 3 mars 2003 a prononcé leur divorce sur requête conjointe et homologué la convention définitive par laquelle ils fixaient à 335 387 euros la valeur de l'immeuble bâti acquis durant le mariage et prévoyaient de maintenir ce bien en indivision pour une durée de deux ans renouvelable ; que par acte sous-seing privé du même 3 mars 2003, les époux sont convenus de la vente des droits indivis de M. X... sur l'immeuble à Mme Y... pour un prix de 167 693,50 euros ; que cet acte stipulait que la vente serait réitérée par acte authentique au plus tard le 15 février 2005 ; que M. X... ne s'étant pas présenté devant le notaire pour la réitération de l'acte, Mme Y... l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance en déclaration judiciaire de vente ; que pour s'opposer à cette demande, M. X... a fait valoir que le prix fixé dans la promesse de vente était lésionnaire et a sollicité une expertise de la valeur du bien ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 19 août 2008) d'avoir déclaré irrecevable l'action en rescision pour lésion de l'acte du 3 mars 2003, dit que la vente par M. X... à Mme Y... d'une parcelle bâtie sise à Saint-Pierre pour un prix de 167 693,50 euros était parfaite et dit que le jugement tiendrait lieu d'acte authentique en vue des formalités de publicité foncière, alors, selon le moyen, que l'impossibilité de remettre en cause la convention définitive homologuée par le jugement de divorce sur demande conjointe ne concerne que le partage opéré par cette convention ; qu'ainsi en l'espèce où la convention définitive prévoyait le maintien dans l'indivision de l'immeuble litigieux, la cour d'appel, en déclarant irrecevable l'action en rescision pour lésion exercée contre une convention séparée contenant une promesse de cession par M. X... à Mme Y... de sa part indivise dans l'immeuble, non homologuée par le juge, a violé les articles 279 et 888 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a rappelé que le caractère indissociable du prononcé du divorce sur demande conjointe et de la convention définitive ne permettait aucune modification des modalités de cette dernière en dehors des cas prévus aux anciens articles 279 et 292 du code civil, a constaté par motifs propres et adoptés, d'abord, que la convention définitive homologuée comportait un chapitre intitulé "liquidation" consacré au sort de l'immeuble litigieux par lequel les époux fixaient la valeur du bien à la somme de 335 387 euros et établissaient une convention d'indivision régissant leurs droits quant à ce bien ; puis, que par acte du 3 mars 2003, les parties convenaient de la vente des droits indivis de M. X... sur l'immeuble au profit de Mme Y... pour un montant conforme à celui fixé par la convention définitive ; encore, que cet acte était antérieur au divorce puisqu'il était soumis à la condition suspensive du prononcé du divorce ; en outre, que les débats permettaient d'établir qu'il s‘agissait en réalité de trouver un statut juridique à l'immeuble permettant à la fois aux époux d'obtenir le divorce et de se ménager le bénéfice de la défiscalisation à laquelle ce bien ouvrait droit à condition qu'il ne soit pas cédé avant un délai de cinq années après son achèvement ; enfin, que les dispositions de la convention définitive relatives à l'immeuble litigieux, et notamment celle stipulant sa valeur, étaient indissociables de l'ensemble de la convention, elle-même indissociable du jugement de divorce, le consentement des époux étant dépendant du contenu de la convention définitive ; que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que la convention définitive ne pouvait être remise en cause sans remettre en cause le consentement des époux et que dès lors l'action en rescision pour lésion de plus du quart du compromis de vente du 3 mars 2003, était irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

  • Le recours en révision
    • Le recours en révision est régi aux articles 593 et suivants et Code de procédure civile
    • Il tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.
    • En raison de son caractère dérogatoire au droit commun, ce recours ne peut être exercé que dans des cas très restreints
    • L’article 595 prévoit ainsi que le recours en révision n’est ouvert que pour l’une des causes suivantes :
      • S’il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ;
      • Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d’une autre partie ;
      • S’il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement ;
      • S’il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement.
    • Dans tous ces cas, le recours n’est recevable que si son auteur n’a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu’il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée.
    • Le délai du recours en révision est de deux mois.
    • Le recours en révision peut-il être exercé dans l’hypothèse où l’homologation de la convention de divorce aurait été obtenue en fraude des droits de l’un des époux ?
    • La Cour de cassation a répondu par la négative à cette question en se fondant, à encore, sur le principe d’intangibilité de la convention.
    • Dans un arrêt du 5 novembre 2008, elle a affirmé que « mais attendu qu’ayant retenu à bon droit que le prononcé du divorce et l’homologation de la convention définitive ont un caractère indissociable, la cour d’appel en a exactement déduit l’irrecevabilité du recours en révision partielle du jugement prononçant le divorce sur requête conjointe en ses seules dispositions relatives au partage des biens» ( 1ère civ., 5 nov. 2008).

==> Cas particulier des actions en interprétation

L’action en interprétation vise à solliciter les lumières du juge sur une clause imprécise ou ambiguë de la convention

Il ne s’agit pas ici pour le Juge de revenir sur la décision rendue.

Son intervention a pour seul but d’apporter un éclairage sur les termes de la convention de divorce aux fins de permettre son exécution.

Dans la mesure où cette action ne heurte pas le principe d’intangibilité, elle est admise par la jurisprudence (C. en ce sens Cass. 1ère civ., 5 févr. 2002)

Cass. 1ère civ., 5 févr. 2002
Sur le pourvoi formé par M. Dominique André Yves X..., demeurant ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 6 mai 1999 par la cour d'appel de Caen (1e chambre civile et commerciale), au profit :

1 / de Mme Françoise Marcelle Jeanne Y..., divorcée, Boudin, demeurant "La Houssaye", 61160 Mont Ormel,

2 / de la société Cétélem, société anonyme à directoire, dont le siège est ...,

défenderesses à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 18 décembre 2001, où étaient présents : M. Renard-Payen, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mlle Barberot, conseiller référendaire rapporteur, M. Jean-Pierre Ancel, conseiller, Mme Collet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mlle Barberot, conseiller référendaire, les observations de Me Foussard, avocat de M. X..., les conclusions écrites de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X..., qui a fait opposition à l'ordonnance lui ayant fait injonction de payer le solde d'un prêt contracté avec son épouse pendant le mariage depuis dissous par divorce pour financer des travaux sur un véhicule, a appelé celle-ci en garantie pour qu'elle soit condamnée à supporter la moitié de la condamnation prononcée au profit du prêteur ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Caen, 6 mai 1999) d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le moyen :

1 / qu'en l'espèce, le prêt a été souscrit solidairement par M. et Mme X... ; que M. X... avait donc un recours contre Mme Y... à concurrence de la part incombant à cette dernière ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1214 du Code civil ;

2 / que la circonstance que, lors de la convention définitive conclue entre les époux à l'occasion du divorce, le véhicule ait été attribué à M. X..., qui ne concerne que la répartition des actifs, n'avait aucune incidence sur le recours dont disposait M. X... ; qu'à cet égard, les juges du fond ont violé l'article 1214 du Code civil ;

3 / qu'en se fondant sur la convention définitive conclue à l'occasion du divorce, bien que cette convention n'ait comporté aucune stipulation s'agissant de la charge du prêt, les juges du fond, qui ont ajouté a la convention de divorce, en ont dénaturé les termes ;

Mais attendu qu'après avoir admis la recevabilité de l'appel en garantie formée contre la femme qui était obligée à la dette en sa qualité de co-emprunteuse, la cour d'appel, qui a relevé, par une interprétation que les termes imprécis de la convention définitive de divorce rendaient nécessaire, qu'il entrait dans l'intention des époux que celui qui était attributaire du véhicule en supporte les charges, a souverainement estimé que le mari devait seul contribuer à la dette ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

II) Les limites au principe d’intangibilité de la convention

Le principe d’intangibilité de la convention de divorce n’est pas sans limites. Il est des situations qui permettent, tantôt aux parties, tantôt aux tiers de revenir sur ce qui a été jugé ou de compléter le dispositif.

==> L’omission d’un bien ou d’une dette

La question s’est posée en jurisprudence du sort d’un bien ou d’une dette omis lors de l’établissement de l’état liquidatif.

Une fois homologuée, la convention de divorce est, par principe, intangible, de sorte que les époux ne peuvent plus solliciter sa révision.

Est-ce à dire que le bien ou la dette omis ne peut plus faire l’objet d’un partage ?

La première et la deuxième chambre civile se sont longtemps opposées sur la réponse à apporter à cette question.

  • La position de la deuxième chambre civile
    • Dans un arrêt du 18 mars 1992, elle a considéré que, en application du principe d’intangibilité de la convention de divorce, un bien omis ne pouvait pas être intégré, postérieurement à l’homologation, dans la composition du patrimoine commun ( 2e civ. 18 mas 1992).
    • Pour la deuxième chambre civile, cela revient à modifier sans l’accord des parties, la convention définitive devenue irrévocable et violé le texte susvisé
    • Ainsi, aurait-il fallu conclure une nouvelle convention aux côtés de l’accord homologué

Cass. 2e civ. 18 mas 1992
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 279 du Code civil ;

Attendu que la convention homologuée a la même force exécutoire qu'une décision de justice ; qu'elle ne peut être modifiée que par une nouvelle convention entre les époux ;

Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce des époux X... sur leur requête conjointe, et homologué leur convention définitive ; que M. X... a fait assigner son ex-épouse pour faire juger qu'un immeuble ne figurant pas sur la convention constituait un bien propre et régulariser une déclaration de remploi ;

Attendu que pour débouter M. X... de cette demande et dire que le bien était commun, l'arrêt énonce que l'omission de toute mention de ce remploi et des biens acquis à l'aide de celui-ci dans la convention définitive de partage peut résulter d'une simple erreur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la convention définitive homologuée, qui ne faisait pas mention de l'immeuble litigieux dans l'actif commun, attribuait à Mme Y... une somme d'argent pour solde de tout compte de la communauté, la cour d'appel, en faisant entrer postérieurement cet immeuble dans la composition du patrimoine commun, a modifié, sans l'accord des parties, la convention définitive devenue irrévocable et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 octobre 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée

  • La position de la première chambre civile
    • Dans un arrêt du 3 juillet 1996 la première chambre civile a considéré quant à elle que, en cas d’omission d’un bien dépendant de la communauté conjugale dans l’état liquidatif du régime matrimonial des époux, joint à la convention définitive homologuée par le juge du divorce, la demande de partage complémentaire était recevable.
    • Pour la première chambre civile il n’y avait donc pas lieu de régulariser une nouvelle convention de divorce.
    • Cette solution a été réaffirmée dans un arrêt du 6 mars 2001 aux termes duquel, la Cour de cassation a affirmé, au visa de l’article 279 du Code civil que « si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu’une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs omis dans l’état liquidatif homologué, à l’application éventuelle des sanctions du recel et au paiement de dommages-intérêts pour faute commise par son ex conjoint lors de l’élaboration de la convention»

Cass. 1ère civ. 6 mars 2001
Attendu que les époux Y...-X... ont divorcé sur requête conjointe par jugement du 8 mars 1990, qui a homologué la convention définitive réglant les modalités de liquidation de leur communauté, comprenant notamment les actions des sociétés Y... SA et Y... boutique, évaluées à 110 000 000 francs ; qu'ayant appris ultérieurement que son ex mari avait vendu, pour la somme de 39 000 000 francs, au groupe Seibu department store, dont dépendent les sociétés Ilona gestion et Saison Nederland BV, des actions de la société JLS KK qui ne figuraient pas dans l'état liquidatif, Mme X... a demandé la condamnation de M. Y... à lui payer l'intégralité de la somme ainsi recelée ou, subsidiairement, la moitié de cette somme à titre de partage complémentaire, ainsi que sa condamnation solidaire avec les sociétés Seibu, Ilona et Saison au paiement de dommages-intérêts ; que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevables ces demandes ;

Sur le premier moyen : (Publication sans intérêt) ;

Sur le cinquième moyen : (Publication sans intérêt) ;

Mais sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, réunis :

Vu l'article 279 du Code civil ;

Attendu que si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu'une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs omis dans l'état liquidatif homologué, à l'application éventuelle des sanctions du recel et au paiement de dommages-intérêts pour faute commise par son ex conjoint lors de l'élaboration de la convention ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes présentées de ces chefs par Mme X..., l'arrêt attaqué se borne à énoncer qu'elles remettraient en cause la convention définitive homologuée par le jugement de divorce ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée contre les sociétés Seibu department store, Ilona gestion et Saison Nederland BV, l'arrêt rendu le 10 mars 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

  • Position actuelle
    • Bien que la deuxième chambre civile ne se soit pas prononcée récemment sur la question, la doctrine considère que c’est la position de la première chambre civile qui l’a emporté.
    • Sa solution a d’ailleurs été réitérée à de nombreuses reprises
    • Dans un arrêt du 22 février 2005, elle a une nouvelle fois jugé, dans les mêmes termes qu’en 2001, que « si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu’une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs omis dans l’état liquidatif homologué» ( 1ère civ., 22 févr. 2005)
    • Dans un arrêt du 30 septembre 2009, la première chambre civile a adopté la même solution en reprenant le même attendu de principe : « si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu’une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs ou de dettes communes omis dans l’état liquidatif homologué» ( 1ère civ. 30 sept. 2009)

Cass. 1ère civ. 30 sept. 2009
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Vu l'article 279 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 et l'article 887 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, ensemble les articles 1477, 1478 et 1485 du code civil ;

Attendu que si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu'une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs ou de dettes communes omis dans l'état liquidatif homologué ;

Attendu qu'un jugement du 12 septembre 2000 a prononcé le divorce de M. X... et de Mme Y... sur leur requête conjointe et a homologué la convention définitive portant règlement des conséquences pécuniaires du divorce ; qu'aux termes de cette convention, signée en mai 2000, les époux se sont partagés le remboursement de différents prêts, sans tenir compte d'un acte notarié du 24 août 2000 par lequel ils avaient renégocié avec leur banque des "prêts consommations au CIN et chez Cofidis" ; que, reprochant à son ancienne épouse de ne pas avoir respecté ses engagements, M. X... l'a fait assigner le 28 octobre 2004 devant le tribunal de grande instance pour la voir condamner à lui rembourser les dettes communes mises à sa charge tant par la convention définitive homologuée que par la convention notariée du 24 août 2000, dont il s'était acquitté postérieurement au divorce ; que M. X... a en outre sollicité que soit ordonnée la vente aux enchères publiques d'un immeuble sis à Cernay, appartenant indivisément aux anciens époux, omis dans la convention définitive ;

Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes et ordonner que les parties règlent le sort de la ou des dettes, ainsi que de l'immeuble commun, omis dans la convention définitive, par une nouvelle convention soumise au contrôle du juge et renvoyer à cette fin les parties devant le juge aux affaires familiales, l'arrêt attaqué énonce que si M. X... soutient et rapporte la preuve qu'une dette de communauté a été omise lors de l'établissement de la convention devant régler tous les effets du divorce et que le sort de l'immeuble de communauté, ainsi que les conséquences de son occupation par Mme Y..., postérieurement au prononcé du divorce, n'ont pas davantage été pris en considération dans la convention définitive, les demandes présentées par chacune des parties sont de nature à modifier considérablement l'économie de la convention définitive qui a été homologuée par le jugement du 12 septembre 2000 et nécessitent une nouvelle convention soumise au contrôle du juge ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 décembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

==> La révision de la prestation compensatoire

Bien que la convention de divorce soit intangible, l’article 279 du Code civil envisage la révision de la prestation compensatoire.

L’alinéa 3 de cette disposition prévoit que :

  • D’une part, les époux ont néanmoins la faculté de prévoir dans leur convention que chacun d’eux pourra, en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties, demander au juge de réviser la prestation compensatoire.
  • D’autre part, les dispositions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article 275 ainsi qu’aux articles 276-3 et 276-4 sont également applicables, selon que la prestation compensatoire prend la forme d’un capital ou d’une rente temporaire ou viagère.

Dans le silence de la convention, le débiteur d’une prestation compensatoire peut solliciter sa révision dans les conditions fixées par la loi.

La révision de la prestation compensatoire suppose toutefois de distinguer selon qu’elle est versée sous forme de capital ou de rente.

  • La révision de la prestation compensatoire versée sous forme de capital
    • L’article 275 al. 2 du Code civil autorise le débiteur d’une prestation compensatoire à demander la révision de ces modalités de paiement en cas de changement important de sa situation.
    • Lorsqu’elle est versée sous forme de capital la prestation compensatoire ne pourra donc faire l’objet d’une révision que dans ses modalités de paiement.
    • Son montant ne peut pas être revu à la baisse ou à la hausse.
    • Tout au plus, le débiteur peut obtenir un échelonnement du versement sur une durée totale supérieure à huit ans, mais ce à titre très exceptionnel.
    • Pour ce faire, deux conditions doivent être remplies
      • Il faut un changement important de la situation du débiteur
      • Le juge devra alors spécialement motiver sa décision.
  • La révision de la prestation compensatoire versée sous forme de capital
    • La règle est posée à l’article 276-3 du Code : « la prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties».
    • Lorsqu’elle est versée sous forme de rente, la prestation compensatoire peut également faire l’objet d’une révision
    • Cette révision peut se traduire de trois manières différentes :
      • Révision du montant de la rente
      • Suspension du versement de la rente
      • Suppression du versement de la rente
    • Plusieurs conditions doivent être remplies pour que la prestation compensatoire versée sous forme de rente puisse être révisée
      • La révision ne peut être décidée par le juge que s’il constate un changement important de la situation du débiteur ou inversement de la situation du créancier.
      • L’article 276-3 se réfère, tant aux besoins du créancier de la prestation compensatoire qu’aux ressources de son débiteur.
    • Par ailleurs, il est précisé à l’alinéa 2 de l’article 276-3 que « la révision ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge».
    • Autrement dit, si révision de la rente il y a, elle ne pourra se faire qu’à la baisse ; jamais à la hausse.
    • Enfin, il est à noter que le débiteur de la prestation compensatoire versée sous forme de rente peut, à tout moment, demander sa substitution par le versement d’un capital
    • L’article 276-4 dispose que « le débiteur d’une prestation compensatoire sous forme de rente peut, à tout moment, saisir le juge d’une demande de substitution d’un capital à tout ou partie de la rente. La substitution s’effectue selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat».

==> La révision des mesures prises à la faveur des enfants

L’article 373-2-13 du Code civil prévoit que les dispositions contenues dans la convention homologuée ou dans la convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire ainsi que les décisions relatives à l’exercice de l’autorité parentale peuvent être modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande des ou d’un parent ou du ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non.

Il appartiendra alors au juge de statuer sur le sort des enfants selon les articles 373-2-6 et suivants du Code civil

==> La remise en cause de convention de divorce par les tiers

L’article 1104 du Code de procédure civile prévoit que les créanciers de l’un et de l’autre époux peuvent faire déclarer que la convention homologuée leur est inopposable en formant tierce opposition contre la décision d’homologation dans l’année qui suit l’accomplissement des formalités mentionnées à l’article 262 du code civil, soit l’inscription du divorce en marge de l’état civil des époux.

Dans un arrêt du 13 mai 2015, la Cour de cassation a précisé que, pour être recevables à former tierce opposition, il appartient aux tiers de démonter :

  • D’une part, l’existence d’une fraude des droits du créancier
  • D’autre part, l’existence d’une collusion entre les époux

Cass. 1ère civ. 13 mai 2015
Vu leur connexité, joint les pourvois n° D 14-10. 501 et D 14-10. 547 ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° D 14-10. 547 :

Vu les articles 583 et 1104 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement du 26 juin 2009 a prononcé le divorce par consentement mutuel des époux X...-B...et homologué leur convention en réglant les effets, ainsi que l'acte de liquidation partage de leur communauté établi le 29 avril 2009 ; que, le 24 juin 2010, Mme Y..., se prévalant d'une créance de dommages-intérêts contre M. X... à la suite d'une procédure pénale ayant, notamment, donné lieu à l'ouverture d'une information le 21 avril 1994 et à un jugement de condamnation du 29 avril 1999, a formé tierce opposition au jugement de divorce en ce qu'il a homologué la convention de partage ; que M. A..., agissant en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de Mme Y...est intervenu à l'instance ;

Attendu que, pour déclarer inopposable à Mme Y...et à M. A..., ès qualités, la convention du 29 avril 2009, l'arrêt retient qu'il est manifeste que la liquidation de la communauté a été faite à l'insu de la créancière du mari et que la fraude résulte des circonstances rappelées qui ont présidé à la fixation des dommages-intérêts dus à celle-ci ;

Qu'en se bornant à se référer à la chronologie des décisions intervenues dans l'instance pénale à l'issue de laquelle M. X... a été déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés et condamné à des dommages-intérêts, sans rechercher si, en concluant la convention homologuée par le juge du divorce, son épouse avait pu avoir conscience d'agir en fraude des droits du créancier de son mari et s'il y avait collusion des époux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

Et sur le moyen unique du pourvoi n° D 14-10. 501 :

Vu l'article 615 du code de procédure civile ;

Attendu qu'en raison de l'indivisibilité du litige la décision attaquée doit être annulée au regard de Mme B... comme de M. X... , de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen du pourvoi formé par celui-ci ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré inopposable à Mme Y...et à M. A..., ès qualités, la convention de liquidation partage de la communauté des époux X...-B...établie le 20 avril 2009 et homologuée par jugement du 26 juin 2009, l'arrêt rendu le 23 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Divorce: la prestation compensatoire

Lorsque la loi du 27 juillet 1884, dite loi Naquet, fut adoptée consécutivement à la Restauration, cette réforme était loin d’être partagée par tous les français encore très attachés aux valeurs religieuses.

Or en droit canon, le divorce est purement et simplement prohibé en application du principe d’indissolubilité du mariage.

Ce principe religieux participait de l’idée que le mariage qui a été formé devant Dieu, ne peut être défait que par Dieu.

De surcroît, en ce qu’il constitue l’un des cinq sacrements de l’Église, seul la mort peut dissoudre le mariage.

Aussi, le divorce va-t-il à l’encontre du principe d’indissolubilité du mariage.

Sans doute animé par un souci de ne pas heurter trop brutalement ce principe, le législateur a décidé, en 1884, de maintenir, en cas de divorce, le devoir de secours.

Cela s’est traduit par l’octroi d’une pension alimentaire à l’époux qui subissait le divorce. De cette façon, le mariage serait réduit, dans sa plus simple expression, au devoir de secours.

Les mœurs ont par suite évolué et la conception du mariage dans la société s’est libéralisée.

Le législateur a souhaité mettre un terme à cette conception du divorce introduite par la loi Naquet qui ne mettait pas définitivement un terme au mariage puisque subsistait le devoir de secours à travers le mécanisme de la pension alimentaire.

La réforme de 1975 a, de la sorte, remplacé la pension alimentaire entre époux par une prestation compensatoire forfaitaire et difficilement révisable.

Cette substitution répondait à deux objectifs principaux du législateur de 1975 :

  • détacher le plus possible le règlement pécuniaire de l’attribution des torts
  • limiter les sources de conflits ultérieurs en donnant un caractère forfaitaire et quasi-définitif à la fixation de cette compensation.

La prestation compensatoire est destinée à compenser autant qu’il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux.

Attestant du souci du législateur de 1975 de mettre fin aux contentieux postérieurs au divorce que suscitait la pension alimentaire, révisable à la hausse ou à la baisse en fonction des besoins et des ressources de chacun des époux, la prestation compensatoire prend la forme d’un capital « si la consistance du patrimoine du débiteur le permet » et n’est révisable que si l’absence de révision doit avoir des conséquences d’une exceptionnelle gravité pour le débiteur.

Il était prévu, à titre subsidiaire, que la prestation compensatoire puisse prendre la forme d’une rente, la charge de la rente passant, en cas de décès de l’époux débiteur, à ses héritiers.

De nombreuses critiques ont été formulées à l’encontre du système mis en place par le législateur en 1975.

==> Les critiques de la loi du 11 juillet 1975

  • Une prestation compensatoire trop souvent attribuée sous forme de rente
    • Alors que la loi du 11 juillet 1975 prévoyait le versement de la prestation compensatoire en capital, la rente n’intervenant qu’à défaut de capital ou si celui-ci n’était pas suffisant (art. 276 du code civil), les juges ont massivement continué à prononcer des rentes. En effet, peu d’époux disposent d’une épargne suffisante pour compenser équitablement les disparités nées du divorce au détriment de l’autre et le recours à l’emprunt est très difficile.
    • En outre, la fiscalité a pénalisé le versement en capital et favorisé la rente en la rendant déductible du revenu du débiteur.
  • Une prestation compensatoire longtemps difficilement révisable
    • La loi de 1975 prévoyait que la prestation compensatoire « ne [pouvait] être révisée, même en cas de changement imprévu dans les ressources ou les besoins des parties, sauf si l’absence de révision devait avoir pour l’un des conjoints des conséquences d’une exceptionnelle gravité» (art. 273 du code civil).
    • La Cour de cassation a donné une interprétation si restrictive des conséquences d’une exceptionnelle gravité que la révision de la prestation compensatoire est devenue quasiment impossible, générant des situations injustes : telle ex-épouse, avantageusement remariée, continuait à percevoir une rente de son ex-mari désormais au chômage et dont les charges s’étaient accrues par la création d’un nouveau foyer et la naissance d’autres enfants.
  • Une transmissibilité passive décriée
    • La transmissibilité passive des prestations compensatoires apparaît comme une exception française en Europe.
    • Elle implique qu’au décès du débiteur, ses héritiers continuent de verser la prestation compensatoire, y compris versée sous forme de rente viagère, et même s’il apparaît que cette charge est supérieure à l’actif recueilli de la succession.
    • Les héritiers peuvent néanmoins accepter la succession sous bénéfice d’inventaire.
    • Mais dès lors qu’ils acceptent la succession, ils doivent également en supporter les charges et les dettes, conformément au droit général des successions.
    • Cette disposition a fait l’objet de critiques particulièrement virulentes des associations de débiteurs de prestations compensatoires, car conjuguée avec l’appréciation stricte de la condition de conséquences d’une exceptionnelle gravité pour l’ouverture de la révision de la rente, elle a pu conduire des secondes épouses et leurs enfants à être tenus de continuer à verser une rente viagère à la première épouse, alors même que leurs ressources étaient inférieures aux siennes.

==> La réforme de la loi du 30 juin 2000

  • En matière de révision des rentes viagères
    • La loi du 30 juin 2000 a considérablement assoupli les possibilités de révision de la prestation compensatoire fixée sous forme de rente viagère.
    • Elle peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties.
    • La révision ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge.
    • L’action en révision est ouverte au débiteur et aux héritiers (art. 276-3 du code civil).
  • En matière de transmissibilité passive de la prestation compensatoire
    • La loi du 30 juin 2000 a atténué les effets de la transmissibilité passive de la prestation compensatoire en prévoyant la déduction automatique des pensions de réversion versées au conjoint divorcé non remarié au décès de son ex-époux, afin d’éviter que le décès du débiteur de la pension ne soit une source d’enrichissement pour le créancier.
    • Si le débiteur de la prestation compensatoire titulaire du droit à pension était remarié, le partage de la pension de réversion s’effectue entre le conjoint survivant et le conjoint divorcé non remarié au prorata des années de mariage.
    • De plus, sauf décision contraire du juge, une déduction du même montant continue à être opérée si le créancier perd son droit à pension de réversion, en cas de remariage ou de concubinage notoire du créancier. Cette disposition, insérée à l’initiative du Sénat, tend à éviter que les héritiers du débiteur voient leurs charges augmenter du fait du remariage ou du concubinage notoire de l’ex-époux créancier.
    • Cette disposition a contribué à la diminution des rentes viagères.

Malgré l’adoption de loi du 30 juin 2000 visant à assouplir le régime de la prestation compensatoire, la réforme engagée par le législateur n’a pas suffi à éteindre les critiques.

C’est la raison pour laquelle le législateur a entendu retoucher en 2004, le dispositif qu’il avait mis en place quatre ans auparavant.

==> Les retouches de la loi du 26 mai 2004

La loi du 26 mai 2004 a procédé à la suppression du devoir de secours après-divorce : la prestation compensatoire devient alors le mode unique de compensation de la disparité économique éventuelle entre deux époux du fait du divorce, en tenant compte de nombreux critères mieux définis.

Par souci d’équité, le droit à prestation de l’époux supportant les torts exclusifs du divorce peut encore être remis en cause en considération des circonstances particulières de la rupture, et notamment en cas de violences.

En outre, les formes que peut prendre la prestation compensatoire sont assouplies pour mieux correspondre à la diversité des patrimoines en permettant la combinaison des différentes formes de versement en capital ou d’un capital avec une rente.

Enfin, si le principe d’un paiement en capital, introduit par la loi du 30 juin 2000 et qui présente l’avantage d’apurer plus rapidement les relations financières, est maintenu, la loi du 26 mai 2004 affirme la totale liberté des parties, d’un commun accord, de déterminer les formes et modalités de la prestation.

Par ailleurs, des dispositions nouvelles sont prévues par le texte en cas de décès du débiteur pour mieux répondre aux situations souvent difficiles, voire inéquitables, dans lesquelles se trouvent aujourd’hui les héritiers, tenus personnellement au paiement de la prestation compensatoire.

La nouvelle loi prévoit que ce paiement s’effectuera après capitalisation automatique de la prestation, dans la limite de l’actif successoral à moins que les héritiers ne décident ensemble de maintenir les modalités de paiement dont bénéficiait le défunt.

Désormais, le régime juridique de la prestation compensatoire s’articule autour de six axes :

  • L’attribution de la prestation compensatoire
  • La fixation du montant de la prestation compensatoire
  • La forme de la prestation compensatoire
  • La révision de la prestation compensatoire
  • L’apurement de la prestation compensatoire
  • La transmission de la prestation compensatoire

I) L’attribution de la prestation compensatoire

A) Principe

Aux termes de l’article 270, al. 2 du Code civil « l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. »

La loi du 26 mai 2004 n’a pas modifié la définition de la prestation compensatoire, dont l’objet reste de compenser la disparité que la rupture du mariage créée dans les conditions de vie respectives des époux.

Que doit-on entendre par disparité ?

Le choix du vocabulaire n’est pas anodin. Comme dans l’analyse moderne de la contribution aux charges du ménage, il n’est pas question d’attribuer des aliments abstraitement analysés et destinés à assurer la simple subsistance du conjoint.

C’est concrètement, par rapport à la situation réelle du ménage, que la disparité devra être appréciée et le choix du terme « conditions de vie respectives » marque bien un souci de concret.

Autrement dit, la prestation compensatoire sera accordée par le juge à l’un des époux, si un déséquilibre économique entre les conjoints est créé par la rupture du mariage.

L’effet principal du mariage, c’est l’instauration d’une communauté de vie.

Or l’instauration de cette communauté de vie aura pour effet de lisser, d’harmoniser les conditions matérielles dans lesquelles se trouvaient les époux lorsqu’ils vivaient séparément, avant de cohabiter.

En effet, en contribuant à hauteur de leurs facultés respectives aux charges occasionnées par la vie commune, les époux vivent dans les mêmes conditions matérielles, soit celles qui résultent de leur communauté de vie.

Inversement, la rupture de la communauté de vie entre époux a pour effet de créer une disparité s’ils ont des ressources financières inégales, à plus forte raison si l’un d’eux a consacré sa vie à l’entretien du ménage.

Aussi, la prestation compensatoire a-t-elle vocation à compenser cette disparité née de la rupture du mariage, en particulier de la cessation de la communauté de vie

Le juge octroiera une prestation compensatoire à un époux dès lors qu’il constatera une disparité économique née de la rupture du mariage.

En somme, la prestation compensatoire a vocation à « absorber » le préjudice matériel que peut causer le divorce à l’un des conjoints.

B) Domaine

En 2004, le législateur a entendu élargir le champ d’application de la prestation compensatoire.

Cet élargissement procède de sa volonté de ne plus lier les conséquences patrimoniales du divorce à sa cause

Aussi, le droit à bénéficier d’une prestation compensatoire est désormais généralisé et ne dépend plus du cas de divorce ou de la répartition des torts.

==> L’octroi d’une prestation compensatoire est possible quel que soit le cas de divorce

Le demandeur comme le défendeur en divorce pour altération définitive du lien conjugal peuvent solliciter l’attribution d’une telle prestation.

==> Le principe issu de la loi du 11 juillet 1975 selon lequel l’époux aux torts exclusifs duquel le divorce est prononcé n’a droit à aucune prestation compensatoire est supprimé.

Le droit à prestation ne dépendant plus de la répartition des torts, l’époux fautif ne perd plus automatiquement le droit à prestation compensatoire.

C) Exception : l’équité

Le législateur a apporté un tempérament au principe posé à l’article 270, al. 2 du Code civil, afin d’éviter que l’octroi d’une prestation compensatoire puisse être une source d’injustice.

Le dernier alinéa de l’article 270 du code civil laisse en effet au juge la possibilité de refuser l’octroi d’une prestation « si l’équité le commande » et dans deux hypothèses :

  • Soit en considération des critères prévus à l’article 271
    • Il s’agit d’une disposition nouvelle, dont l’effet est de prendre en considération les critères de l’article 271, non seulement pour déterminer le montant de la compensation, mais également pour statuer sur le droit lui-même à une prestation compensatoire.
    • Ces éléments d’appréciation viennent donc s’ajouter à la condition posée par l’article 270 relatif à la disparité dans les conditions de vie respectives des époux.
    • Ainsi, par exemple, la durée du mariage, la situation professionnelle de l’époux demandeur ou ses droits acquis dans la liquidation du régime matrimonial doivent désormais être pris en compte pour apprécier l’opportunité de la demande.
  • Soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture
    • Cette formulation marque un double assouplissement par rapport au droit antérieur
      • D’une part, il n’y a plus d’interdiction de principe au versement d’une prestation compensatoire au profit de l’époux aux torts exclusifs duquel serait prononcé le divorce, le juge disposant désormais d’une faculté d’appréciation en la matière
      • D’autre part, seules les circonstances particulières de la rupture peuvent justifier le refus de la prestation compensatoire à l’époux fautif.
    • Le juge peut donc refuser d’octroyer une prestation compensatoire à l’époux contre qui le divorce a été prononcé aux torts exclusifs
    • Toutefois, pour refuser l’octroi d’une prestation compensatoire, le seul prononcé du divorce aux torts exclusifs ne suffira pas
    • Il faut encore que la rupture du mariage procède de « circonstances particulières»
    • Il ressort des débats parlementaires que le législateur a souhaité que cette notion ne recouvre que les situations les plus graves, afin de ne pas réintroduire le lien entre faute et prestation compensatoire, dont l’effet serait d’amoindrir la portée de la réforme.

II) La fixation du montant de la prestation compensatoire

Les éléments permettant de fixer le montant de la prestation compensatoire figurent à l’article 271 du Code civil.

Aux termes de cette disposition :

« La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.

À cet effet, le juge prend en considération notamment :

  • la durée du mariage ;
  • l’âge et l’état de santé des époux ;
  • leur qualification et leur situation professionnelles ;
  • les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;
  • le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
  • leurs droits existants et prévisibles ;
  • leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu’il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l’époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa. »

L’article 271 établit une liste, non limitative, des critères que le juge est invité à prendre en considération dans la détermination des besoins et des ressources des époux

Les critères retenus témoignent de l’obligation pour le juge de prendre en considération les situations antérieures, présente et future des époux.

Il ressort du texte que les critères de fixation du montant de la prestation compensatoire sont, tout à la fois qualitatif et quantitatif.

==> Les critères qualitatifs

La prestation compensatoire étant destinée à compenser la disparité matérielle que crée le divorce entre les époux, le premier alinéa de l’article 271 prévoit que la prestation compensatoire est fixée « selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ».

La disparité s’apprécie au jour de la dissolution du mariage, et non par exemple, au moment de la séparation.

Autrement dit, il revient au juge d’avoir une vue d’ensemble sur cette disparité afin de se rapprocher le plus possible de la compensation optimale.

==> Les critères quantitatifs

L’article 271 du Code fixe deux critères principaux et plusieurs autres critères accessoires :

  • Les critères principaux
    • Prise en compte des besoins de l’époux créancier de la prestation compensatoire
      • Il s’agit de ses besoins présents mais également à venir.
    • Prise en compte des ressources de l’époux débiteur de la prestation compensatoire.
      • Est également prise en compte la situation de l’époux au moment du divorce mais également de son évolution potentielle
  • Les critères accessoires
    • Ces critères ne sont pas d’ordre patrimonial, mais viennent s’ajouter en compléments des deux critères principaux.
    • Les critères accessoires sont les suivants :
      • la durée du mariage
      • l’âge et l’état de santé des époux
      • qualification et situation professionnelles
      • les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne
      • le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial
      • leurs droits existants et prévisibles
      • situation respective en matière de pensions de retraite
    • Les critères ainsi énoncés par l’article 271 ne sont nullement cumulatifs
    • Il s’agit là de simples indications adressées aux Juge afin de lui permettre d’évaluer au mieux le montant de la prestation compensatoire qu’il entend allouer à l’époux bénéficiaire

==> Déclaration sur l’honneur

L’article 272 du Code civil prévoit que « dans le cadre de la fixation d’une prestation compensatoire, par le juge ou par les parties, ou à l’occasion d’une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l’honneur l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie. »

La production de cette déclaration est destinée à faciliter le travail du juge, à renforcer l’obligation de loyauté entre les parties et, en cas de dissimulation par l’une d’entre elles de sa situation, à permettre l’exercice par l’autre d’une action en révision ou en indemnisation.

  • Forme et contenu de la déclaration
    • Plusieurs tribunaux ont établi un formulaire type.
    • Leur examen fait apparaître des divergences d’appréciation quant au contenu même de ces déclarations, certaines étant très détaillées, d’autres se limitant parfois à une simple certification sur l’honneur de l’exactitude des pièces produites.
    • À la vérité, aucune forme particulière n’est exigée
  • Moment de la production de la déclaration
    • La production de la déclaration sur l’honneur doit s’effectuer lors de la première demande de prestation compensatoire, que celle-ci soit formulée dans l’assignation ou dans les conclusions ultérieures.
    • Par ailleurs, elle doit faire l’objet, si nécessaire, d’une actualisation en cours de procédure, en particulier lors des conclusions récapitulatives, pour prendre en compte les changements susceptibles d’intervenir dans la situation des parties.
  • Sanction du défaut de production de la déclaration
    • En règle générale, le défaut de production de la déclaration n’est pas considéré comme une fin de non-recevoir.
    • Certaines juridictions ont pu passer outre l’absence de déclaration et statuer au fond sur la base des seuls éléments du dossier, alors que d’autres ont choisi de surseoir à statuer, voire de débouter le demandeur agissant en fixation ou en révision de la prestation compensatoire
    • Les premiers éléments de réponse qui se dégagent résultent d’une décision de la Cour de cassation en date du 28 mars 2002.
    • Aux termes de celle-ci, doit être annulé l’arrêt qui a rejeté la demande en suppression de la prestation compensatoire sans que les parties aient été invitées par le juge à fournir la déclaration susvisée.
    • Ainsi, se voit instituée pour le juge, en l’absence de déclaration spontanée, une véritable obligation de solliciter cette production.
    • En revanche, les conséquences de la carence d’un époux, voire de son refus de répondre à l’invitation du juge, ne sont toujours pas clarifiées.
    • En l’état, à défaut de règles spécifiques, les dispositions générales du Code de procédure civile, aux termes desquelles le juge peut tirer toute conséquence de l’abstention ou du refus d’une partie, sont appliquées.
    • Une telle analyse jurisprudentielle, tout en favorisant la prise en compte par le juge de l’attitude d’une partie, permet d’éviter une sanction trop rigide, qui pourrait nuire au plaideur de bonne foi, et de conférer sa pleine portée au débat judiciaire.
  • Sanction des déclarations incomplètes ou mensongères
    • Elles peuvent ouvrir droit à une demande en révision fondée sur les articles 593 et suivants du nouveau code de procédure civile, voire éventuellement à une action civile en dommages et intérêts.
    • En outre, une déclaration mensongère pourrait donner lieu à des poursuites sur le fondement de l’article 441-1 du code pénal relatif au délit de faux et usage de faux.

III) La forme de la prestation compensatoire

A) Principe : le versement d’un capital

La loi du 26 mai 2004 a réaffirmé le principe de l’octroi d’une prestation compensatoire sous forme de capital.

L’article 270, al. 2 prévoit en ce sens que la prestation compensatoire « a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge »

Cependant,  afin de mieux répondre à la diversité de situations des parties, le législateur a diversifié les formes de paiement de la prestation en permettant notamment les prestations « mixtes » et élargi la possibilité pour les époux de soumettre à l’homologation du juge une convention portant sur la prestation compensatoire à tous les cas de divorce.

  1. Le paiement de la prestation compensatoire en une seule fois

Pour que le principe de versement d’une prestation compensatoire sous forme de capital puisse être appliqué efficacement, le législateur a prévu d’encourager le versement en numéraire tout en diversifiant les formes de paiement de ce capital, notamment en autorisant l’abandon d’un bien en pleine propriété.

L’article 274 du Code civil prévoit en ce sens que : le juge décide des modalités selon lesquelles s’exécutera la prestation compensatoire en capital parmi les formes suivantes :

  • Versement d’une somme d’argent, le prononcé du divorce pouvant être subordonné à la constitution des garanties prévues à l’article 277 ;
  • Attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier.

==> Le paiement en numéraire

Des dispositions fiscales avantageuses ont été instaurées afin d’inciter à un paiement accéléré de la prestation.

En effet, l’article 199 octodecies du code général des impôts ouvre droit à une réduction d’impôt de 25 % du montant des versements effectués, dans la limite de 30 500 euros, à condition que la totalité de la prestation soit versée sur une période maximale de douze mois à compter de la date à laquelle le jugement est devenu définitif.

Par ailleurs, une nouvelle garantie de paiement, particulièrement intéressante pour une prestation en capital, a été introduite à l’article 277 du code civil, permettant dorénavant au juge d’imposer la souscription d’un contrat à cette fin.

Cette disposition prévoit en ce sens que « indépendamment de l’hypothèque légale ou judiciaire, le juge peut imposer à l’époux débiteur de constituer un gage, de donner caution ou de souscrire un contrat garantissant le paiement de la rente ou du capital. »

==> L’abandon de biens mobiliers ou immobiliers en pleine propriété

L’article 274 du Code civil prévoit que le paiement de la prestation compensatoire sous forme de capital peut consister en l’« attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier »

Cette disposition a été adoptée afin de diversifier les formes d’attribution d’un capital et de permettre au débiteur qui ne dispose pas de liquidités suffisantes d’abandonner ses droits en propriété sur un bien mobilier ou immobilier propre, commun ou indivis.

Toutefois, l’accord de l’époux débiteur est exigé pour l’attribution en propriété d’un bien propre reçu par succession ou donation.

Il doit résulter des conclusions versées au débat ou de la convention des parties. Cette restriction n’est pas étendue à l’attribution d’un droit d’usage d’habitation ou d’usufruit sur un tel bien.

Des difficultés techniques peuvent constituer un frein à la mise en œuvre de cette innovation législative.

En effet, l’attribution d’une prestation compensatoire par abandon d’un meuble ou d’un immeuble en pleine propriété peut s’avérer délicate eu égard à l’évaluation de ce bien et des droits de chacun des époux sur celui-ci s’il est commun ou indivis, dans la mesure où, le plus souvent, la prestation est fixée indépendamment de la liquidation du régime matrimonial.

Ces difficultés potentielles obligeront alors le juge à charger, même d’office, un notaire ou un professionnel qualifié d’établir, en cours de procédure, un projet de règlement des prestations et pensions après divorce, étant observé que le notaire peut également être mandaté pour dresser un projet de liquidation du régime matrimonial.

Le juge peut ainsi fonder sa décision sur des informations objectives et déterminer précisément la valeur des droits attribués au créancier de la prestation.

À défaut, il y a lieu de souligner que le juge peut ordonner la production d’un état hypothécaire afin de connaître la situation réelle de l’immeuble dont l’attribution est demandée, la présence de sûretés immobilières inscrites sur le bien pouvant en diminuer substantiellement la valeur.

Il doit être, par ailleurs, rappelé que, en application des articles 28 et 33 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 relatif à la publicité foncière, le jugement de divorce doit être publié à la conservation des hypothèques dans le délai de trois mois à compter du jour où il est devenu définitif.

Face à la diversité des modalités de paiement en capital instaurée par le législateur, la question se pose de savoir si ces différentes formes peuvent se combiner.

Sur ce point, la loi est restée silencieuse.

La jurisprudence a d’ores et déjà majoritairement privilégié une analyse souple, en prévoyant par exemple que la prestation compensatoire sera payée sous forme d’abandon par le mari de sa part sur le bien immobilier commun et d’un complément en numéraire, échelonné sur huit ans.

Cette solution répond à l’objectif poursuivi par la loi de s’adapter à la diversité de la consistance des patrimoines.

2. L’échelonnement du paiement de la prestation compensatoire

L’article 275 du Code civil prévoit que « lorsque le débiteur n’est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l’article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires. »

Afin de tenir compte des aléas de paiement qui peuvent survenir sur la durée, ce texte ouvre une faculté de révision mais l’encadre strictement :

  • Elle porte seulement sur ses modalités de paiement
  • Elle est ouverte au débiteur ou à ses héritiers
  • Elle doit être motivée par un « changement notable » de leur situation
  • C’est seulement à titre exceptionnel et par une décision spéciale et motivée que le juge peut autoriser un versement échelonné sur une durée supérieure à huit ans.

Si la mise en œuvre de cette modalité de paiement dépend de l’appréciation souveraine des juges du fond, ces derniers ne sauraient ordonner un tel fractionnement au-delà du délai précité.

Ce terme, qui se substitue à celui de versements mensuels ou annuels, offre une plus grande souplesse quant à la détermination des échéances, qui pourront être trimestrielles, semestrielles… en fonction de la situation financière du débiteur.

L’article 275-1 du Code civil prévoit expressément que les différentes modalités de paiement ne sont pas exclusives l’une de l’autre.

Le législateur a ainsi entendu autoriser le cumul entre une somme d’argent ou l’attribution d’un bien et un capital échelonné, afin de mieux adapter le montant de la prestation compensatoire à la réalité de la situation patrimoniale des époux.

B) Exception : le versement d’une rente viagère

L’article 276 du Code civil prévoit que « le juge peut, par décision spécialement motivée, lorsque l’âge ou l’état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère. Il prend en considération les éléments d’appréciation prévus à l’article 271 ».

Le législateur n’a pas modifié les conditions d’attribution de la rente viagère issues de la loi du 30 juin 2000.

Une rente, nécessairement viagère, peut être décidée, à titre exceptionnel et par décision spécialement motivée, au vu de la seule situation du créancier, lorsque celui-ci ne peut, en raison de son âge ou de son état de santé, subvenir à ses besoins.

L’application qui est faite de ce dispositif procède d’une interprétation restrictive.

L’article 276 prend  le soin de préciser que si le juge octroie une prestation compensatoire sous forme de rente viagère :

  • Il doit justifier de circonstances exceptionnelles
  • Il doit motiver spécialement sa décision

L’apport de la loi du 26 mai 2004 résulte du second alinéa introduit à l’article 276, qui autorise, tout en l’encadrant, la possibilité d’attribuer une fraction de la prestation compensatoire en capital, lorsque les circonstances l’imposent, le montant de la rente étant en conséquence minoré.

Cette solution permet de mieux adapter la prestation compensatoire à la situation des parties.

Elle s’inscrit dans la continuité de l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation du 16 mars 2004, aux termes duquel les articles 274 et 276 du code civil n’interdisent pas l’octroi d’une prestation compensatoire sous forme d’un capital et d’une rente, à la double condition que cette allocation soit exceptionnelle et spécialement motivée (Cass. 1ère civ. 16 mars 2004)

Sur le plan fiscal, en cas de cumul, seules sont prises en considération les sommes versées au titre de la rente (art 199 octodecies II du code général des impôts), qui peuvent être déduites du revenu imposable du débiteur.

Le montant de la rente, qui demeure indexée comme en matière de pension alimentaire, peut être fixé de manière uniforme ou varier selon l’évolution probable des ressources et des besoins, conformément aux dispositions inchangées de l’article 276-1 du Code civil.

IV) La révision de la prestation compensatoire

Pour déterminer les modalités et l’étendue de la révision de la prestation compensatoire, il convient de distinguer selon qu’elle prend la forme d’une rente ou d’un capital

A) La prestation compensatoire prend la forme d’un capital

L’article 275, al. 2 du Code civil prévoit que « le débiteur peut demander la révision de ces modalités de paiement en cas de changement important de sa situation. À titre exceptionnel, le juge peut alors, par décision spéciale et motivée, autoriser le versement du capital sur une durée totale supérieure à huit ans ».

Il ressort de cette disposition que le principe issu de la loi du 30 juin 2000, selon lequel la révision ne permet que de revoir les modalités de paiement du capital, est maintenu.

La prestation allouée sous forme d’un capital échelonné sur une durée maximale de huit annuités ne peut donc être révisée dans son quantum, en raison de sa nature indemnitaire et forfaitaire.

Seules les modalités de paiement peuvent être révisées en cas de changement notable de la situation du débiteur.

Ainsi, peut être décidé un rééchelonnement des versements dans la limite des huit années prévues par la loi, ou, à titre exceptionnel au-delà de ce délai, par décision spéciale et motivée.

Le législateur a substitué à la notion de changement « notable » ouvrant droit à révision celle de changement « important », dans un souci d’harmoniser le critère ouvrant droit révision, qu’il s’agisse des modalités de paiement du capital ou du montant de la rente viagère.

S’agissant des pouvoirs du juge saisi d’une demande de révision des modalités de paiement du capital, la question se pose de savoir s’il peut autoriser une suspension temporaire des versements, éventuellement jusqu’au retour du débiteur à meilleure fortune.

Une telle lecture ne semble pas pouvoir être retenue, au regard de la volonté du législateur de permettre un règlement rapide des relations financières des ex-époux.

B) La prestation compensatoire prend la forme d’une rente

==> Principe de la révision

L’article 276-3 du Code civil prévoit que « la prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties. »

Les modalités de révision prévues par cette disposition pour les rentes viagères s’appliquent également, en l’absence de clause de révision, aux rentes conventionnelles, que celles-ci soient viagères ou temporaires.

L’un des objectifs principaux du législateur, lors de l’adoption de la loi du 30 juin 2000, était assurément de faciliter l’obtention de la révision des rentes allouées, que celles-ci soient temporaires ou viagères.

En effet, la rigidité de l’ancien dispositif avait conduit à des situations humainement délicates, puisque la révision n’était possible que si l’absence de celle-ci avait pour l’une des parties des conséquences d’une exceptionnelle gravité.

Aussi, le législateur a-t-il introduit un nouveau critère tenant à l’existence d’un changement important dans les ressources ou les besoins des parties.

Aucun événement ne constituant une cause de révision automatique, il appartient aux juges du fond d’apprécier, in concreto, l’existence de cette condition, aux aspects essentiellement économiques.

==> Conditions de la révision

La révision de la prestation compensatoire ne peut être décidée par le juge que s’il constate :

  • Soit un changement important de la situation du débiteur
  • Soit un changement important de la situation du créancier

Le Code se rapporte, de la sorte, tant aux besoins du créancier de la prestation compensatoire qu’aux ressources du débiteur.

La question s’est un temps posée de savoir si le changement important devait nécessairement concerner les deux parties.

Les décisions intervenues dans ce domaine ne l’exigent pas. Dès lors, un tel changement concernant un seul des ex-époux suffit à justifier la révision de la prestation compensatoire.

Cependant, lorsque des changements importants affectent les deux parties, la révision, tant dans son principe que dans son montant, est toujours appréciée par les juridictions en comparant l’évolution respective de leur situation.

==> Modalités de la révision

L’article 276-3 du Code civil prévoit que la révision de la prestation compensatoire peut prendre trois formes :

  • Elle peut être suspendue
  • Elle peut être supprimée
  • Elle peut être révisée

Dans cette dernière hypothèse, l’alinéa 2 de l’article 276-3 précise que « la révision ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge. »

Cette disposition interdit ainsi que le montant initial de la rente soit, à l’occasion d’une action en révision, dépassé.

Cette disposition limite en conséquence les droits du créancier, qui ne peut, après une première révision à la baisse du montant de la rente, solliciter l’augmentation de celle-ci que dans la limite du montant initial.

V) L’apurement de la prestation compensatoire

A) L’exécution provisoire de la prestation compensatoire

==> Principe

L’article 1079, al. 1er du Code de procédure civile prévoit que « la prestation compensatoire ne peut être assortie de l’exécution provisoire. »

Il en résulte tant que, en cas d’appel du jugement prononçant le divorce, le créancier de la prestation compensatoire ne pourra pas solliciter son versement à titre conservatoire, l’appel ayant un caractère suspensif.

==> Exception

La règle posée à l’article 1079 du Code de procédure civile peut s’avérer très préjudiciable aux intérêts du créancier, lorsqu’un recours est formé sur cette prestation et non sur le divorce.

En effet, le divorce étant devenu définitif, le devoir de secours prend fin, privant ainsi le créancier du droit à la pension alimentaire alors que la prestation compensatoire n’est pas encore exigible.

C’est pourquoi l’article 1079 prévoit une exception, dans cette hypothèse, lorsque l’absence d’exécution de la prestation compensatoire aurait des conséquences manifestement excessives pour le créancier.

L’exécution provisoire peut alors être ordonnée pour tout ou partie de la prestation.

En pratique, la disposition permet au juge qui prononce le divorce d’assortir la prestation compensatoire de l’exécution provisoire s’il estime que le créancier n’a pas les moyens de subvenir seul à ses besoins sans le concours soit de la pension alimentaire, tant que le divorce n’est pas définitif, soit de la prestation compensatoire une fois que le prononcé du divorce a acquis force de chose jugée.

En cause d’appel, les articles 524 à 526 du Code de procédure civile sont applicables pour l’examen des demandes tendant à arrêter l’exécution provisoire ordonnée par le juge ainsi que des demandes tendant à l’ordonner, soit lorsqu’elle a été refusée, soit lorsque le juge n’a pas statué sur cette question.

Ces demandes sont portées, selon le cas, devant le premier président, son délégué ou le conseiller de la mise en état.

L’alinéa 3 de l’article 1079 précise que l’exécution provisoire conférée à la prestation compensatoire ne prend cependant effet qu’au jour où le prononcé du divorce a acquis force de chose jugée.

Ainsi l’exécution provisoire ordonnée par le juge est privée d’effet pendant le délai de recours et pendant le temps de l’examen d’un recours portant sur le principe du divorce.

B) Le paiement du solde de la prestation compensatoire

  1. Le paiement du solde du capital

L’article 275 du Code civil prévoit un régime différent selon que l’initiative de la demande émane du débiteur ou du créancier.

  • Le débiteur ou ses héritiers peuvent se libérer à tout moment du solde du capital, dès lors qu’ils disposent des liquidités suffisantes, sans que la saisine du juge soit nécessaire.
  • Le créancier ne peut agir, quant à lui, que par la voie judiciaire et après la liquidation du régime matrimonial

2. La transformation des rentes en capital

Afin de privilégier les prestations compensatoires versées sous forme de capital, la loi du 30 juin 2000 a permis au débiteur, ou à ses héritiers, de saisir à tout moment le juge aux fins de statuer sur la substitution d’un capital à la rente (art. 276-4 C. civ.)

  • S’agissant de l’objet de la demande
    • La substitution peut seulement porter sur une partie de la rente viagère, confortant ainsi les possibilités de cumul d’une rente et d’un capital déjà prévues par le dernier alinéa de l’article 276 du code civil.
  • S’agissant des personnes susceptibles de demander la substitution
    • La loi du 26 mai 2004 a maintenu inchangées les conditions dans lesquelles le créancier peut demander cette substitution
    • A également été maintenue la possibilité pour le débiteur de demander cette substitution « à tout moment ».
    • En revanche, la disposition ouvrant cette action aux héritiers du débiteur a été supprimée
    • Aux termes de l’article 280 du code civil, la substitution d’un capital à une rente se fait d’office
    • Par exception, les héritiers peuvent décider ensemble de maintenir les formes et modalités de règlement de la prestation compensatoire qui incombaient à l’époux débiteur, en s’obligeant personnellement au paiement de cette prestation.
      • À peine de nullité, l’accord est constaté par un acte notarié.
      • Il est opposable aux tiers à compter de sa notification à l’époux créancier lorsque celui-ci n’est pas intervenu à l’acte.
    • En outre, lorsque les modalités de règlement de la prestation compensatoire ont été maintenues, les actions prévues au deuxième alinéa de l’article 275 et aux articles 276-3 et 276-4, selon que la prestation compensatoire prend la forme d’un capital ou d’une rente temporaire ou viagère, sont ouvertes aux héritiers du débiteur.
    • Ceux-ci peuvent également se libérer à tout moment du solde du capital indexé lorsque la prestation compensatoire prend la forme prévue au premier alinéa de l’article 275.
  • S’agissant des modalités de substitution du capital à tout ou partie de la rente
    • Conformément à l’article 276-4 du code civil, il peut s’agir du versement d’une somme d’argent, le cas échéant, échelonné sur une durée maximale de huit ans, de l’attribution d’un bien en propriété ou d’un droit d’usage, d’habitation ou d’usufruit.
  • Sur les modalités de calcul de la substitution du capital à tout ou partie de la rente
    • L’article 276-4, al. 1 in fine prévoit que « la substitution s’effectue selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.»
    • L’article 1 du décret n°2004-1157 du 29 octobre 2004 précise que « lors de la substitution totale ou partielle, en application des articles 276-4 et 280 du code civil, d’un capital à une rente fixée par le juge ou par convention à titre de prestation compensatoire, le capital alloué au crédirentier est égal à un montant équivalant à la valeur actuelle probable de l’ensemble des arrérages de la rente, à la date, selon le cas, de la décision du juge opérant cette substitution ou du décès du débiteur. »
    • En toute hypothèse, les parties peuvent toujours s’accorder sur le montant du capital à retenir et présenter une requête au juge aux affaires familiales en vue de l’homologation de leur accord.

VI) La transmission de la prestation compensatoire

La loi du 26 mai 2004 met fin au principe de la transmissibilité de la prestation compensatoire aux héritiers du débiteur, qui ne sont plus en principe tenus personnellement à son paiement.

En conséquence, les anciennes dispositions ont été abrogées à la faveur d’un mécanisme automatique de prélèvement sur la succession et dans la limite de l’actif de celle-ci, déterminé à l’article 280 du Code civil.

Lorsque la prestation compensatoire a fait l’objet d’une convention, les dispositions des articles 280 à 280-2 sont applicables à défaut de clause particulière prévoyant le sort de la prestation en cas de décès du débiteur (art 279 dernier alinéa).

==> Principe : prélèvement de la prestation sur l’actif successoral

L’article 280 du Code civil prévoit que, au décès du débiteur, la prestation compensatoire fait l’objet d’un prélèvement sur l’actif successoral

Si celui-ci est insuffisant, le paiement est supporté par tous les légataires particuliers proportionnellement à leur émolument.

La prestation cesse d’être due au-delà du montant de l’actif, à l’instar d’autres créances soumises au même régime.

La prestation compensatoire constitue ainsi une dette de la succession.

Il convient de rappeler que, lorsque le conjoint survivant obtient une créance d’aliments sur le fondement de l’article 767, il devient un créancier de la succession et entre, en conséquence, en concours avec le créancier de la prestation compensatoire, tous deux étant des créanciers chirographaires.

==> Cas du capital échelonné

Lorsque la prestation a été fixée par le juge sous forme d’un capital échelonné, le solde de ce capital indexé est immédiatement exigible

==> Cas de la rente

Lorsque la prestation compensatoire prenait la forme d’une rente viagère ou temporaire, il lui est substitué un capital immédiatement exigible, après déduction des pensions de réversion versées du chef du conjoint survivant, par application de l’article 280-2 (en l’absence de clause particulière de la convention).

Le caractère immédiatement exigible s’oppose à ce qu’une action en révision soit préalablement intentée par les héritiers du débiteur.

Les modalités de calcul résultent du décret n° 2004-1157 du 29 octobre 2004 pris en application des articles 276-4 et 280 du code civil et fixant les modalités de substitution d’un capital à une rente allouée au titre de la prestation compensatoire.

==> Exception : option des héritiers pour maintenir les modalités de paiement antérieures

Afin de ménager au dispositif toute la souplesse nécessaire, il est prévu un mécanisme d’option permettant aux héritiers de choisir de maintenir les modalités de paiement qui incombaient au débiteur lors de son décès.

  • Régime de l’option
    • L’option, qui n’est pas ouverte au créancier, nécessite l’accord unanime de tous les héritiers, constaté par acte notarié sous peine de nullité.
    • L’accord n’est opposable aux tiers qu’après notification au créancier, lorsque celui-ci n’est pas intervenu à l’acte.
  • Effets de l’option
    • Les héritiers, lorsqu’ils choisissent l’option, sont tenus personnellement au paiement de la prestation.
    • Ils bénéficient alors des mêmes droits que ceux dont bénéficiait le débiteur lui-même en matière de révision ou d’apurement.
    • Ainsi, en présence d’un capital échelonné, les modalités de paiement peuvent faire l’objet d’une révision et chacun peut verser le solde de la fraction de capital indexé qui lui incombe.
    • Lorsque la rente est maintenue, les héritiers s’obligent personnellement au paiement de celle-ci, après déduction des pensions de réversion éventuellement versées du chef du conjoint décédé.
    • En cas de modification ultérieure des droits à réversion ou de perte de ceux-ci, la déduction est maintenue de plein droit, sauf décision contraire du juge saisi par le créancier.
    • Les héritiers peuvent saisir le juge d’une demande en révision de la rente, viagère ou temporaire, sur le fondement de l’article 276-3 ou en substitution d’un capital à la rente, par application de l’article 276-4.

La date des effets du divorce

En apparence, la détermination de la date des effets du divorce ne soulève pas de difficultés particulières.

L’article 260 du Code civil prévoit que le mariage est dissous :

  • Soit « par la convention de divorce conclue par acte sous signature privée contresigné par avocats, à la date à laquelle elle acquiert force exécutoire»
  • Soit « par la décision qui prononce le divorce, à la date à laquelle elle prend force de chose jugée. »

Ainsi, conviendrait-il de distinguer selon que le divorce est contentieux ou selon qu’il est conventionnel pour déterminer la date de ses effets.

  • Si le divorce est contentieux, le divorce produit ses effets à la date à laquelle le jugement est passé en force de chose jugée
  • Si le divorce est conventionnel, le divorce produit ses effets à la date la convention contresignée par les avocats des époux est déposé chez le notaire

À l’examen, les choses ne sont toutefois pas aussi simples qu’il y paraît.

Si, en effet, l’on rentre dans le détail des dispositions qui régissent la date des effets du divorce, il apparaît que, en réalité, cette date ne sera pas la même selon que l’on envisage

  • les effets du divorce à l’égard des époux et à l’égard des tiers
  • les effets personnels du divorce et les effets patrimoniaux du divorce

À cela s’ajoute, la possibilité pour les époux de solliciter, en certaines circonstances, le report de la date des effets du divorce, en ce qui concerne le règlement des conséquences pécuniaires.

Très vite, on s’aperçoit alors que la date des effets du divorce n’est pas unitaire, mais plurale, de sorte qu’il convient d’opérer un certain nombre de distinctions, à commencer par celle qui commande d’envisager différemment les effets personnels du divorce et ses effets patrimoniaux.

I) Les effets relatifs à la personne des époux

Les effets relatifs à la personne des époux ne sont autres que les conséquences du mariage qui sont attachées à la qualité d’époux.

Au nombre des effets d’ordre personnel nés du mariage on compte notamment :

  • L’obligation de communauté de vie
  • Le devoir de cohabitation
  • Le devoir de fidélité
  • L’obligation de respect
  • L’obligation d’assistance
  • Le devoir de secours

S’agissant des conséquences du mariage attachées à la qualité d’époux, il convient de distinguer selon que le divorce est prononcé par un juge ou selon que le divorce est purement conventionnel.

==> Le divorce est prononcé par un juge

L’article 260 du Code civil prévoit que « le mariage est dissous […] par la décision qui prononce le divorce, à la date à laquelle elle prend force de chose jugée. »

Ainsi, lorsque le divorce est prononcé par un juge, il produit ses effets à la même date : la date à laquelle la décision est pourvue de la force de chose jugée.

Cette règle s’applique :

  • Au divorce par consentement mutuel homologué par le juge
  • Au divorce accepté
  • Au divorce pour altération définitive du lien conjugal
  • Au divorce pour faute

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par décision passée en force de chose jugée.

L’article 500 du Code de procédure civile prévoit que possède la « force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution »

L’alinéa 2 de cette disposition précise que « le jugement susceptible d’un tel recours acquiert la même force à l’expiration du délai du recours si ce dernier n’a pas été exercé dans le délai. »

Il convient alors de distinguer selon que le divorce par consentement mutuel homologué par un juge des autres cas de divorce :

  • Le divorce par consentement mutuel homologué par un juge
    • Dans la mesure où le jugement qui homologue la convention des époux est insusceptible de faire l’objet d’un appel, le jugement de divorce acquiert la force de chose jugée au jour de son prononcé
  • Les divorces contentieux
    • Les jugements de divorce rendus dans le cadre d’une procédure contentieuse sont susceptibles de faire l’objet d’un recours suspensif
    • Il en résulte que le divorce produira ses effets à l’expiration du délai d’appel d’un mois ouvert aux époux qui court à compter du jour de la signification de la décision par exploit d’huissier

==> Le divorce par acte d’avocat

L’article 260 du Code civil prévoit que « le mariage est dissous […] par la convention de divorce conclue par acte sous signature privée contresigné par avocats, à la date à laquelle elle acquiert force exécutoire »

Ainsi, lorsque le divorce se réalise sans recours au juge, il produit ses effets au jour du dépôt chez le notaire de la convention contresignée par les avocats.

L’article 229-1, al. 3 du Code civil prévoit en ce sens que le dépôt de la convention au rang des minutes du notaire « donne ses effets à la convention en lui conférant date certaine et force exécutoire ».

II) Les effets relatifs aux biens des époux

Tandis que la date de dissolution du mariage est unitaire, la date de dissolution du régime matrimoniale est plurale.

En effet, s’agissant des conséquences pécuniaires, la date à laquelle le divorce produira ses effets est différente selon que l’on envisage :

  • Les rapports entre époux
  • Les rapports avec les tiers

A) Les rapports entre époux

  1. Principe : la pluralité de dates des conséquences pécuniaires

L’article 262-1 du Code civil prévoit que la convention ou le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens :

  • Lorsqu’il est constaté par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire, à la date à laquelle la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce acquiert force exécutoire, à moins que cette convention n’en stipule autrement ;
  • Lorsqu’il est prononcé par consentement mutuel dans le cas prévu au 1° de l’article 229-2, à la date de l’homologation de la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce, à moins que celle-ci n’en dispose autrement ;
  • Lorsqu’il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, à la date de l’ordonnance de non-conciliation.

Il ressort de cette disposition qu’il convient de distinguer selon les cas de divorce pour déterminer la date de ses conséquences pécuniaires.

  • Pour le divorce par acte d’avocat, celui-ci produit ses effets au jour du dépôt de la convention contresignée chez le notaire
  • Pour le divorce par consentement mutuel judiciaire, celui-ci produit ses effets à la date de l’homologation par le juge de la convention
  • Pour les divorces contentieux, le divorce produit ses effets, non pas au jour où la décision du juge est passée en force de chose jugée, mais à la date de l’ordonnance de non-conciliation, soit avant l’acte introductif d’instance

2. Exception : le report de la date des conséquences pécuniaires

==> Principe

L’article 262-1, al. 5 prévoit que « à la demande de l’un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Cette demande ne peut être formée qu’à l’occasion de l’action en divorce. »

Il ressort de cette disposition que sur demande des époux, il peut être procédé à un report de la date des effets du divorce antérieurement à l’ordonnance de non-conciliation.

Le législateur a souhaité tenir compte de l’éventualité que la rupture soit consommée avant l’audience de conciliation, ce qui, en pratique, sera toujours le cas.

Aussi, afin de tenir compte de cette réalité, il est permis aux époux de faire coïncider la date du divorce avec la date de leur séparation, à tout le moins de s’en rapprocher.

Spécialement, ce report pourra avoir un intérêt pécuniaire, lorsque l’un des époux séparé de fait avant la tentative de conciliation aura perçu des sommes importantes au titre de gains et salaires économisés ou qu’il se sera porté acquéreur d’un bien qu’il souhaite ne pas voir tomber en communauté.

==> Conditions

La possibilité pour les époux de solliciter le report de la date du divorce est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :

  • La cessation de la cohabitation des époux
  • La cessation de la collaboration entre les époux

Il ressort de la formulation de l’article 262-1 qui comporte la conjonction de coordination « et » que la cessation doit être double, de sorte que la persistance d’un seul de ces deux éléments fait obstacle au report de la date des effets du divorce (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 28 févr. 2006).

La question qui alors se pose est de savoir comment apprécier les deux conditions que sont la cession de cohabitation et la cession de la collaboration.

Si, la cessation de la cohabitation ne soulève pas de difficulté dans l’établissement de la preuve, il en va autrement s’agissant de la cessation de la collaboration.

En particulier, quid lorsque des mouvements de valeurs font continuer à se réaliser après l’ordonnance de conciliation et durant l’instance en divorce ?

Afin de faciliter la preuve de la cessation de la collaboration entre époux, la jurisprudence a posé une présomption en cas de cessation de la cohabitation.

Dans un arrêt du 14 mars 2012, la Cour de cassation a ainsi affirmé que « la cessation de la cohabitation fait présumer la cessation de la collaboration » (Cass. 1ère civ., 14 mars 2012).

La conséquence en est que c’est à l’époux qui conteste le report de la date des effets du divorce de démontrer l’absence de cessation de la collaboration.

Aussi, est-ce seulement dans cette configuration-là que la question de la définition de la collaboration se posera.

Il ressort de la jurisprudence que la collaboration suppose que « les époux ont ajouté une activité commune aux devoirs légaux nés du mariage »[1].

Ainsi, n’est pas constitutif d’un acte de collaboration :

  • La contribution aux charges du mariage
  • Le maintien du fonctionnement d’un compte joint
  • Le maintien d’une donation au dernier vivant
  • Le paiement d’une dette commune

En revanche, peut s’apparenter en un acte de collaboration :

  • Acquisition de biens communs
  • Versement de sommes au conjoint qui excèdent la contribution aux charges du mariage

==> Effets

En cas de réunion des conditions exigées par l’article 262-1 du Code civil se pose immédiatement la question de la date du report.

Dans un arrêt du 18 mai 2011, la Cour de cassation a répondu à une partie de cette question en affirmant, au visa de l’article 262-1 « qu’il résulte du premier alinéa de ce texte qu’à défaut d’accord des époux, le jugement de divorce prend effet dans leurs rapports patrimoniaux à la date de l’ordonnance de non-conciliation ; que, dès lors, si, selon l’alinéa deux du même texte, le juge peut, à la demande de l’un d’eux, fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer, cette date ne peut qu’être antérieure à celle de l’ordonnance de non-conciliation » (Cass. 1ère civ., 18 mai 2011).

Il ressort de cette décision que le report ne peut conduire à retenir qu’une date antérieure à l’ordonnance de non-conciliation.

En pratique, la date retenue correspondra au jour de la séparation effective des époux.

B) Les rapports avec les tiers

==> Principe

L’article 262 du Code civil dispose que « la convention ou le jugement de divorce est opposable aux tiers, en ce qui concerne les biens des époux, à partir du jour où les formalités de mention en marge prescrites par les règles de l’état civil ont été accomplies. »

Autrement dit, le divorce ne produira ses effets à l’égard des tiers qu’à compter de l’accomplissement des formalités de publicité.

C’est donc l’inscription du divorce en marge de l’acte d’état civil des époux qui rendra le divorce opposable aux tiers.

En l’absence de cette formalité de publicité, les époux seront réputés mariés à l’égard des tiers qui donc pourront toujours se prévaloir des règles qui gouvernent le régime matrimonial des époux.

Il convient de préciser que ces règles pourront seulement être invoquées par les tiers contre les époux, et non dans le sens inverse.

==> Exception

L’article 262-2 du Code civil prévoit que « toute obligation contractée par l’un des époux à la charge de la communauté, toute aliénation de biens communs faite par l’un d’eux dans la limite de ses pouvoirs, postérieurement à la requête initiale, sera déclarée nulle, s’il est prouvé qu’il y a eu fraude aux droits de l’autre conjoint. »

Ainsi, en cas d’accomplissement par un époux, postérieurement à la requête initiale, d’un acte en fraude des droits de son conjoint, ledit acte est nul, ce qui dès lors affectera la situation du tiers contractant, peu importe sa bonne ou mauvaise foi.

[1] F. Terré et D. Fenouillet, Droit civil – La Famille, éd. Dalloz, 2011, n°273, p. 234.

Le divorce pour faute

Le divorce pour faute est l’archétype du divorce sanction : il vise à punir l’époux qui a manqué à ses obligations conjugales.

Pendant longtemps, le divorce pour faute était le seul moyen pour les époux de sortir des liens du mariage. Il demeurait néanmoins limité à des causes déterminées.

En 1804, le Code civil limitait ainsi le divorce pour faute à quatre cas :

  • Le mari pourra demander le divorce pour cause d’adultère de sa femme (art. 229 C. civ.)
  • La femme pourra demander le divorce pour cause d’adultère de son mari, lorsqu’il aura tenu sa concubine dans la maison commune (art. 230 C. civ.)
  • Les époux pourront réciproquement demander le divorce pour excès, sévices ou injures graves, de l’un d’eux envers l’autre (art. 231 C. civ.)
  • La condamnation de l’un des époux à une peine infamante, sera pour l’autre époux une cause de divorce ( art. 232 C. civ.)

Alors que le divorce est interdit en 1816 en raison du principe de l’indissolubilité du mariage, il est réintroduit dans le code civil en 1884, mais uniquement pour faute.

Ce n’est qu’en 1975 que le divorce par consentement mutuel soit réhabilité.

Ainsi le divorce pour faute a-t-il été la seule et unique cause de divorce pendant près d’un siècle.

==> La suppression du divorce pour faute : le sens de l’histoire ?

Si la loi du 11 juillet 1975 a maintenu le divorce pour faute, lors des travaux parlementaires qui ont conduit à l’adoption de la loi du 26 mai 2004, la question de sa conservation s’est posée.

La raison en est que, bien que la loi de 1975 ait introduit le divorce par consentement mutuel, le divorce pour faute a fait l’objet de graves détournements de procédures, engageant les couples dans de pénibles conflits préjudiciables non seulement aux époux, mais aussi à l’entourage et aux enfants.

En 2001, le député François COLCOMBET avait déjà déposé une proposition de loi visant à supprimer le divorce pour faute.

Plusieurs arguments ont été avancés par ce dernier :

  • Le divorce pour faute mobilise l’énergie des parties et du juge sur la recherche des responsabilités passées, au détriment de l’organisation de l’avenir – en particulier de celui des enfants. Cette recherche effrénée se termine le plus souvent par un match nul par double KO : une demande reconventionnelle est le plus souvent formée et le divorce prononcé aux torts partagés, mais sans faire l’économie des ravages personnels induits par la procédure elle-même.
  • Mensonges, humiliations, rien n’est épargné aux parties. La production de journaux intimes, de correspondances privées, de certificats médicaux, de documents concernant la sexualité des époux ont des effets destructeurs. Il est ensuite bien difficile de reprendre le dialogue indispensable pour exercer correctement en commun l’autorité parentale.
  • Tout l’entourage est sollicité : famille, amis, employés, etc. Le divorce étend ses ravages bien au-delà du couple. Malgré l’interdiction légale de faire témoigner les enfants, ceux-ci sont mêlés au conflit.
  • Les justiciables ont l’illusion que le juge peut faire la lumière sur la réalité de l’intimité du couple – ce qui entraîne un sentiment d’injustice profonde lorsque le juge tranche au vu des éléments nécessairement partiels et partiaux dont il dispose.
  • La loi attache aux torts dans le prononcé du divorce des effets juridiques disproportionnés : dommages et intérêts, perte de prestation compensatoire ou des donations – ce qui incite les époux à poursuivre le combat jusqu’au bout.
  • Comble de l’absurde : il arrive que des procédures de divorce pour faute, mettant fin à des unions de courte durée, s’éternisent plus longtemps que la durée de vie commune. Une procédure avec appel et pourvoi en cassation peut durer de cinq à dix ans. N’oublions pas que les ressources de la procédure sont infinies (avec un coût en conséquence…). Au demeurant, à la fin du procès, le divorce n’est pas forcément prononcé alors que les deux conjoints sont au moins d’accord sur l’échec du mariage.

François COLCOMBET en conclut que, en définitive – et c’est le plus grave -, le divorce pour faute rend pratiquement impossible l’organisation sereine de l’avenir de chacun des conjoints et surtout des enfants.

A l’échec du couple, s’ajoutent des ravages souvent irrémédiables et ce divorce devient ainsi une cause de profond désordre. Cette situation est bien connue des praticiens du droit. Elle a pris, du fait de l’augmentation du nombre de divorces, l’allure d’un véritable fléau social.

Aussi, la suppression du divorce pour faute aurait, selon ce député, pour première conséquence de ne pas envenimer inutilement le climat de la séparation dans l’intérêt des enfants et de consacrer la durée de la procédure à la recherche de la solution la meilleure.

La liquidation pourra se dérouler dans un contexte totalement différent puisqu’elle n’aura pas été précédée par la recherche et la démonstration de fautes vraies ou supposées.

Bien que, audacieuse, cette proposition n’a pas été reprise par le législateur en 2004.

==> Le maintien du divorce pour faute

La loi du 26 mai 2004 a finalement maintenu le divorce pour faute dans une rédaction identique à celle qui figurait déjà dans la loi du 11 juillet 1975.

Ce choix  se justifie, selon le rapporteur du projet de loi Patrick Delnatte par le fait que, comme le faisait observer le doyen Carbonnier, « les fautes qui font le divorce dessinent en creux les devoirs qui font le mariage ».

Pour ce député, il est indéniable que, ne serait-ce qu’à titre symbolique, ne plus faire de la violation des devoirs et obligations du mariage un cas de divorce aurait des répercussions sur le sens de l’engagement matrimonial.

En outre, si les causes de la rupture résident souvent dans une mésentente durable entre les époux, il est aussi des divorces dans lesquels c’est bien la faute de l’un des conjoints qui justifie la rupture de l’union.

Comme le notait Mme Irène Théry « si le droit doit veiller à ne pas attiser les conflits, il ne doit pas non plus ériger des modèles de « bon divorce ». La négociation ne vaut pas dans tous les cas, et il est aussi des conflits légitimes que la justice se doit de traiter, et non de disqualifier de façon moralisante ».

Ainsi en est-il particulièrement des cas de violences conjugales : réalisée en 2000, l’enquête nationale sur les violences envers les femmes a montré que, parmi les diverses violences subies, les violences conjugales sont les plus fréquentes, puisqu’elles concernent environ une femme sur dix.

La proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale en 2001 n’avait d’ailleurs pas totalement écarté la prise en compte de la faute dans les procédures de divorce, puisqu’elle permettait au juge de constater dans le jugement de divorce, à la demande d’un conjoint, que des faits d’une particulière gravité, telles que des violences physiques ou morales, commis durant le mariage, pouvaient être imputés à son conjoint et qu’elle lui permettait par ailleurs de statuer sur l’action en dommages-intérêts exercée sur le fondement de l’article 1382 du code civil par l’une des parties.

Enfin, alors que près de 38 % des divorces demeurent prononcés sur le fondement de la faute et que près de 42 % d’entre eux le sont aux torts exclusifs de l’un des époux, on peut se demander s’il n’est pas inutilement risqué de supprimer ce cas de divorce et s’il n’est pas à craindre que les époux, privés la possibilité de plaider les griefs, ne fassent de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux ou, plus grave, de l’organisation de la garde des enfants, le nouvel exutoire à leur conflit conjugal.

Si, en 2004, le législateur a entendu maintenir le divorce pour faute, il s’est s’efforcé toutefois, dans un souci de pacification des procédures, d’en réduire l’audience en aménageant les autres cas de divorce, afin que les couples ne se reportent plus sur celui-ci à défaut de pouvoir obtenir le divorce sur un autre fondement.

Le siège du divorce pour faute réside à l’article 242 du Code civil qui « le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune. »

Il ressort de cette disposition que pour être prononcé sur le fondement de la faute, le demandeur doit établir l’existence d’une faute, laquelle faute doit posséder un certain nombre de caractère.

Par ailleurs, la faute ne doit pas être neutralisée, soit par une réconciliation, soit par des torts partagés

I) Les éléments constitutifs de la faute

En droit commun, la faute est définie comme « un manquement à une obligation préexistante ».

Ainsi, la faute s’apparente-t-elle, à une erreur de conduite, une défaillance. Selon cette approche, le comportement de l’agent est fautif :

  • soit parce qu’il a fait ce qu’il n’aurait pas dû faire
  • soit parce qu’il n’a pas fait ce qu’il aurait dû faire.

À l’examen, la définition de la faute énoncée à l’article 242 du Code civil n’est pas très éloignée de celle admise du droit commun.

Selon cette disposition, la faute consiste en « des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage ».

 Le texte précise que ces faits doivent être « imputables » à l’époux fautif.

 Il ressort de cette définition de la faute qu’elle est constituée de trois éléments :

  • Un élément légal
  • Un élément matériel
  • Un élément moral

==> L’élément légal

Pour être fautif, encore faut-il que le comportement que l’on reproche à l’époux assigné en divorce consiste en un fait illicite.

L’article 242 prévoit que ce fait illicite doit consister en un manquement aux « devoirs et obligations du mariage ».

Pour déterminer si la faute commise par un époux est susceptible de fonder une demande en divorce pour faute, il convient d’identifier l’obligation ou le devoir qui a été violé.

Au nombre des devoirs et obligations qui doivent être observés par les époux figurent notamment :

  • L’obligation de vie commune ( 215 al. 1 C. civ.)
  • Le devoir de respect ( 212 C. civ.)
  • Le devoir de fidélité ( 212 C. civ.)
  • Le devoir de secours ( 212 C. civ.)
  • Le devoir d’assistance ( 212 C. civ.)
  • Le devoir conjugal ( 215, al. 1 C .civ.)
  • L’obligation de contribuer aux charges du mariage ( 214 C. civ.)

==> L’élément matériel

Pour obtenir réparation du préjudice subi, cela suppose, pour la victime, de démontrer en quoi le comportement de l’auteur du dommage est répréhensible.

Aussi, ce comportement peut-il consister :

  • Soit en un acte positif: le défendeur a fait ce qu’il n’aurait pas dû faire
  • Soit en un acte négatif: le défendeur n’a pas fait ce qu’il aurait dû faire

La question s’est alors posée de savoir à quel moment devait intervenir la faute pour fonder une demande en divorce.

Trois hypothèses peuvent être envisagées :

  • La faute est commise avant le mariage
    • Dans cette situation, la faute n’est pas une cause de divorce, pour la raison simple que, par définition, aucun devoir, ni aucune obligation du mariage ne peut avoir été violé
    • Cependant, des faits illicites commis antérieurement au mariage peuvent avoir été dissimulés par un époux à l’autre, telle une condamnation pénale
    • Dans cette hypothèse, l’époux victime de cette dissimulation pourra se prévaloir d’une erreur sur les qualités essentielles de son conjoint et solliciter, sur le fondement du vice du consentement, la nullité du mariage
  • La faute est commise au cours du mariage
    • C’est, par nature, le terrain d’élection de la faute visée à l’article 242 du Code civil
    • La faute ne peut être une cause de divorce, qu’à la condition exclusive qu’elle ait été commise au cours du mariage
  • La faute est commise au cours de la procédure de divorce
    • Cette situation est plus problématique, car en pareille hypothèse, la rupture est d’ores et déjà consommée
    • Il est de fortes chances que les époux ne cohabitent plus, ce qui en soi constitue une violation de l’obligation de communauté de vie, sauf à ce qu’une séparation de corps ait été prononcée.
    • Aussi, la question s’est posée de savoir si un manquement aux devoirs et obligations du mariage au cours de la procédure du divorce pouvait justifier que celui-ci soit prononcé aux torts exclusifs de l’époux fautif
    • En particulier, quid du non-respect de l’obligation de fidélité ?
    • De toute évidence, ni la requête initiale en divorce, ni l’ordonnance de non-conciliation ne confère aux époux une immunité.
    • Dans un arrêt du 5 mars 2008, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « l’introduction de la demande en divorce ne confère pas aux époux, encore dans les liens du mariage, une immunité faisant perdre leurs effets normaux aux torts invoqués» ( 1ère civ. 5 mars 2008).
    • Tant que le divorce n’est pas prononcé, les époux sont encore mariés et doivent, à ce titre, observer les devoirs et obligation qui découlent du mariage.
    • Cette règle est toutefois tempérée par les juridictions, notamment en ce qu’elles considèrent généralement que, lorsqu’une faute a été commise au cours de la procédure de divorce, elle ne satisfait plus l’exigence de gravité exigée à l’article 242 du Code civil.
    • Or sans cette gravité, la faute ne constitue pas une cause de divorce
    • Les juges seront, en particulier, relativement indulgents quant à la violation de l’obligation de fidélité, ne serait-ce que parce que les procédures de divorce sont particulièrement longues.
    • Dans un arrêt du 29 avril 1994, la Cour de cassation a ainsi considéré que « le constat d’adultère établi plus de 2 années après l’ordonnance ayant autorisé les époux à résider séparément et alors que le devoir de fidélité est nécessairement moins contraignant du fait de la longueur de la procédure, ne saurait constituer une violation grave des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune» ( 2e civ., 29 avr. 1994).

==> L’élément moral

L’article 242 du Code civil prévoit que pour être constitutif d’une faute, le manquement aux devoirs et obligations du mariage doit être imputable à l’époux fautif.

L’imputabilité implique que l’époux contre qui la faute est invoquée soit doué de discernement.

Autrement dit, il doit avoir conscience de ses actes, soit être capable de savoir s’il a manqué aux devoirs et obligations nés du mariage.

Pour que la faute soit caractérisée, il n’est toutefois pas nécessaire d’établir l’intention de nuire de l’époux.

Il est seulement nécessaire de démontrer que celui-ci n’était pas privé de sa faculté de discernement lorsque la faute a été commise.

II) Les caractères de la faute

La faute doit présenter deux caractères pour constituer une cause de divorce :

  • D’une part, elle doit être grave ou renouvelée
  • D’autre part, elle doit rendre intolérable le maintien de la vie commune

==> Une violation grave et renouvelée

L’article 242 du Code civil exige que la faute présente

  • Soit un certain degré de gravité
  • Soit une certaine répétition

Autrement dit, la simple faute isolée, ne saurait suffire à justifier une demande en divorce pour faute. Il est nécessaire que les circonstances qui entourent la faute soient caractérisées.

Dans un arrêt du 18 mai 2011, la Cour de cassation a rappelé que les caractères de gravité et de répétition, sont, aux termes de l’article 242, alternatifs (Cass. 1ère civ., 18 mai 2011)

==> Une violation rendant intolérable le maintien de la vie commune

L’époux en demande doit démontrer que l’atteinte dont il est victime fait obstacle à la poursuite de la vie commune.

La faute doit ainsi être tellement grave, qu’elle justifie la dissolution du mariage.

Toute la difficulté sera alors de déterminer, pour le juge, à partir de quand une faute rend intolérable le maintien de la vie commune.

Il ressort d’un arrêt du 30 novembre 2000 que la Cour de cassation admet que les juges du fond puissent déduire la satisfaction de cette exigence de la gravité de la faute dont se prévaut le demandeur.

Cass. 2e civ. 30 nov. 2000
Sur les deux moyens réunis :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué (Lyon, 18 février 1997) d'avoir prononcé le divorce des époux Y...-X... à ses torts exclusifs, alors, selon le moyen :

1° que les juges du fond ne peuvent rejeter la demande en divorce dont ils sont saisis sans examiner tous les griefs qui leur sont soumis par le demandeur ; qu'en statuant ainsi pour rejeter la demande en divorce de Mme X... par des motifs qui ne s'expliquent pas sur le grief relatif au fait, pour son mari, de l'avoir chassée du domicile conjugal après y avoir installé contre son gré sa belle-fille, la cour d'appel a violé les articles 242 du Code civil et 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

2° que le divorce ne peut être demandé par un époux pour des faits imputables à l'autre qu'à la double condition que ces faits constituent une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendent intolérable le maintien de la vie commune ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué, qui prononce le divorce aux torts de l'épouse en raison de son abandon du domicile conjugal sans avoir constaté que l'une et l'autre de ces conditions se trouvaient remplies, n'a pas donné de base légale à cette décision, au regard de l'article 242 du Code civil ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des preuves que la cour d'appel énonce, par motifs propres et adoptés, que le comportement de M. Y... à l'égard de son épouse ne justifiait pas la décision de celle-ci de quitter le domicile conjugal et que ce départ constituait ainsi une faute de sa part ;

Et attendu qu'en retenant, par motifs adoptés, que les faits imputés à l'épouse constituaient des causes de divorce au sens de l'article 242 du Code civil, ce dont il résultait que la double condition exigée par ce texte était constatée, la cour d'appel a, par une motivation suffisante, justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

III) La neutralisation de la faute

La faute commise par un époux qui pourrait, en soi, constituer un motif de divorce est susceptible d’être neutralisée par deux choses :

  • La réconciliation des époux
  • La faute de l’autre époux

A) La réconciliation

Aux termes de l’article 244 du Code civil « la réconciliation des époux intervenue depuis les faits allégués empêche de les invoquer comme cause de divorce. »

La réconciliation constitue ainsi une fin de non-recevoir.

==> Une fin de non-recevoir

En procédure, une fin de non-recevoir est un moyen qui tend à faire déclarer irrecevable une action en justice, sans examen au fond de la demande.

La fin de non-recevoir peut être invoquée en tout état de cause, soit à n’importe quel moment de l’instance, à la différence de l’exception de procédure qui doit être soulevée in limine litis.

Dans l’hypothèse où la réconciliation intervenue entre les époux est admise par le juge, le divorce ne pourra pas être prononcé, car elle met un terme à l’instance.

L’époux à l’origine de l’instance devra alors introduire une nouvelle demande en divorce.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir en quoi consiste la réconciliation ?

==> Principe

La définition de la réconciliation se déduit d’une lecture a contrario de l’article 244, al. 3 du Code civil :

Cette disposition prévoit que « le maintien ou la reprise temporaire de la vie commune ne sont pas considérés comme une réconciliation s’ils ne résultent que de la nécessité ou d’un effort de conciliation ou des besoins de l’éducation des enfants »

Aussi, la réconciliation suppose-t-elle la réunion de deux éléments cumulatifs :

  • La reprise de la vie commune
  • La volonté de l’époux offensé de pardonner, en pleine connaissance de cause, les griefs qu’il peut avoir contre son conjoint

Il en résulte qu’une brève reprise de la vie commune ou une simple cohabitation des époux ne s’apparentera pas à une réconciliation.

Pour qu’il y ait réconciliation il est donc nécessaire qu’il y ait :

  • une réciprocité de volonté de ne plus tenir compte des griefs antérieurs et connus
  • une volonté d’oubli en même temps que l’intention de reprendre la vie commune.

==> Exception

Si la réconciliation est, par principe, constitutive d’une fin de non-recevoir, l’article 244, al. 2 prévoit que « une nouvelle demande peut cependant être formée en raison de faits survenus ou découverts depuis la réconciliation, les faits anciens pouvant alors être rappelés à l’appui de cette nouvelle demande. »

Autrement dit, la réconciliation n’efface pas les griefs qu’un époux peut avoir contre son conjoint.

Aussi, en cas de réitération ou de découverte de faits nouveaux, l’époux victime peut convoquer les faits antérieurs à la réconciliation aux fins de justifier sa demande en divorce pour faute.

Dans un arrêt du 11 février 2009, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « saisi d’une demande en divorce formée en raison de faits survenus ou découverts depuis la réconciliation des époux, le juge doit examiner l’ensemble des griefs allégués, antérieurs et postérieurs à celle-ci » (Cass. 1ère civ. 11 févr. 2009).

B) Les torts partagés

==> Principe

Aux termes de l’article 245, al. 1er du Code civil « les fautes de l’époux qui a pris l’initiative du divorce n’empêchent pas d’examiner sa demande ; elles peuvent, cependant, enlever aux faits qu’il reproche à son conjoint le caractère de gravité qui en aurait fait une cause de divorce ».

Il s’agit de la situation classique de l’époux qui s’oppose au divorce et contre-attaque en faisant valoir les torts de son conjoint pour tenter d’atténuer ou de justifier les siens.

Quelle que soit la cause de divorce invoquée, la faute invoquée contre un époux au soutien d’une demande en divorce peut se trouver fortement atténuée, voire complètement excusée par l’existence de torts à la charge de l’époux demandeur.

Dès lors, aucune faute ne saurait être retenue contre l’époux qui certes a bien commis une faute, mais qui oppose à son conjoint une autre faute.

La faute du demandeur vient en quelque sorte neutraliser, excuser, la faute du défendeur.

Il ne s’agit pas d’une fin de non-recevoir comme c’est le cas de la réconciliation, mais d’un argument de défense au fond.

Quel est l’enjeu de la distinction ?

Le divorce pourra, malgré tout, être prononcé, alors que s’agissant d’une fin de non-recevoir, elle met un terme à l’instance.

Lorsqu’il existe une réciprocité des torts, cela conduira le juge à prononcer le divorce aux torts partagé conformément à l’article 245, al. 2 du Code civil.

Dans un arrêt du 31 mai 2005, la Cour de cassation a validé la décision rendue par une Cour d’appel, estimant « qu’en prononçant le divorce aux torts partagés, les juges du fond ont nécessairement estimé que les faits retenus à la charge de l’un des conjoints ne se trouvaient pas dépouillés de leur caractère fautif par le comportement de l’autre » (Cass. 1ère civ., 31 mars 2005).

==> Procédure

Le prononcé du divorce aux torts partagés peut résulter de deux voies procédurales distinctes :

  • En présence d’une demande reconventionnelle
    • L’article 245, al. 2 prévoit que les fautes opposées à l’époux qui demande un divorce pour faute « peuvent aussi être invoquées par l’autre époux à l’appui d’une demande reconventionnelle en divorce. »
    • Le juge sera ainsi tenu d’examiner la demande reconventionnelle
    • Il disposera alors de trois options :
      • Soit il prononcera le divorce aux torts partagés
      • Soit il prononcera le divorce aux torts exclusifs de l’un ou l’autre époux
  • En l’absence de demande reconventionnelle
    • Nouveauté de la loi du 11 juillet 1975, l’article 245, al. 3 prévoit que « même en l’absence de demande reconventionnelle, le divorce peut être prononcé aux torts partagés des deux époux si les débats font apparaître des torts à la charge de l’un et de l’autre. »
    • Si dès lors les débats révèlent l’existence d’une faute imputable à l’auteur de la demande principale, le juge pourra prononcer le divorce aux torts partagés, alors même qu’aucune reconventionnelle n’a été formulée
    • Il s’agit cependant d’une simple faculté pour le juge
    • La seule limite de son pouvoir résidera dans l’impossibilité pour lui de prononcer le divorce aux torts exclusifs du demandeur
    • La Cour de cassation rappelle, par ailleurs, régulièrement que « les juges qui se proposent de prononcer le divorce aux torts partagés des époux sur la seule demande de l’un d’eux doivent inviter les parties à présenter leurs observations sur les conséquences éventuelles d’un tel divorce» ( 2e civ. 12 déc. 2002).

Le divorce pour altération définitive du lien conjugal

Constituant l’une des innovations majeures du projet de loi, le divorce pour altération définitive du lien conjugal se substitue à l’ancien divorce pour rupture de la vie commune.

Aux termes de l’article 238 du code civil tel qu’il résulte de l’article 4 du projet de loi, ce divorce est prononcé dans deux hypothèses :

  • Soit en cas de cessation de la communauté de vie tant affective que matérielle entre les époux durant les deux années précédant l’assignation en divorce
  • Soit lorsque la demande en divorce introduite sur le fondement de la faute a été rejetée et que le défendeur a présenté une demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal, l’impossibilité de maintenir le lien conjugal étant, dans cette hypothèse, pleinement caractérisée.

Comme l’a indiqué le Garde des Sceaux lors de l’adoption de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce « cette voie devrait constituer une véritable alternative au divorce pour faute, en visant toutes les situations dans lesquelles la cause de la rupture se trouve plus dans la mésentente durable ou le désamour que dans l’existence d’une violation grave et avérée des obligations du mariage ».

Le divorce pour altération définitive du lien conjugal constitue ainsi la seule solution dont dispose un époux pour divorcer d’un conjoint non fautif qui ne le souhaite pas.

Il permet de demander le divorce de manière unilatérale après un délai de séparation de fait de deux ans.

==> Le droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, le divorce pour rupture de la vie commune était assorti de très lourdes conséquences pour le demandeur.

Tout d’abord, le juge pouvait refuser le divorce si l’autre époux établit que le divorce aurait pour lui ou pour les enfants des conséquences matérielles ou morales d’une exceptionnelle dureté.

Comme l’a indiqué le Conseil Constitutionnel dans un rapport publié en novembre 1998 (La jurisprudence constitutionnelle en matière de liberté confessionnelle et le régime juridique des cultes et de la liberté confessionnelle en France) : « théoriquement, le droit français de la famille ne prend pas en compte les données religieuses. Toutefois, l’étude de diverses questions du droit de la famille conduit à nuancer cette affirmation ».

Illustrant l’existence de telles « nuances », ce rapport cite notamment l’article 240 du code civil, qui donc prévoyait, en cas de demande de divorce pour rupture de la vie commune que « si l’autre époux établit que le divorce aurait, soit pour lui, compte tenu notamment de son âge et de la durée du mariage, soit pour les enfants, des conséquences matérielles ou morales d’une exceptionnelle dureté, le juge rejette la demande ».

Peu appliquée en pratique, en dépit d’un contentieux assez abondant, cette clause dite « d’exceptionnelle dureté » est supprimée par le présent projet de loi au titre de « l’adaptation de notre droit aux évolutions sociologiques de la société française ».

La jurisprudence avait eu l’occasion de préciser que « les convictions religieuses de l’épouse sont à elles seules insuffisantes pour refuser le prononcé du divorce » (Cass. 1ère civ., 12 octobre 2000).

De toute évidence, la suppression de la clause d’exceptionnelle dureté fondée sur sa caducité de fait, marqua la disparition d’une prise en compte implicite de la notion d’indissolubilité du mariage dont la symbolique continue néanmoins d’imprégner fortement un certain nombre d’unions.

Ensuite, outre le fait qu’il a les conséquences d’un divorce aux torts exclusifs, ce type de divorce était très pénalisant pour le demandeur :

  • Le devoir de secours était maintenu, ce qui se traduisait par l’octroi du défendeur d’une pension alimentaire révisable à la baisse, mais aussi à la hausse.
  • il devait assumer toutes les charges du divorce
  • le juge pouvait concéder à l’autre époux le bail forcé du logement appartenant au demandeur même en l’absence d’enfants mineurs
  • s’agissant d’un demandeur homme, il ne pouvait pas s’opposer à ce que sa femme conserve l’usage de son nom

==> Le droit positif

Alors que la durée de séparation de fait de six ans a contribué à marginaliser le divorce pour rupture de la vie commune, la durée de séparation est désormais ramenée à deux ans, ce qui paraît un délai raisonnable, notamment si le conjoint qui souhaite divorcer veut ensuite refaire sa vie.

L’idée était de permettre aux personnes qui souhaitent obtenir le divorce malgré le désaccord de leur conjoint d’avoir à engager une procédure de divorce pour faute artificielle.

L’article 238, al.1 du Code civil dispose désormais que « l’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis deux ans lors de l’assignation en divorce. »

Il résulte de cette disposition que le divorce pour altération définitive du lien conjugal peut être prononcé s’il est démontré

  • D’une part, l’existence d’une cessation de la communauté de vie entre les époux
  • D’autre part, que les époux vivent séparés depuis deux ans lors de l’assignation en divorce.

I) L’existence d’une cessation de la communauté de vie

Bien que l’article 238 indique que l’altération du lien conjugal résulte de la séparation des époux, il ne dit pas ce que l’on doit entendre par « cessation de la vie commune ».

Ce qui est certain c’est que désormais l’office du juge est encadré : il n’a pas à apprécier si la séparation des époux a entraîné ou non une altération définitive du lien conjugal

Plus précisément, à la différence de l’ancien divorce pour rupture de la vie commune, il n’a plus à s’intéresser aux « conséquences matérielles ou morales d’une exceptionnelle dureté » pour déterminer s’il convient ou non de rejeter la demande en divorce.

Il a l’obligation de prononcer le divorce dès lors qu’il a vérifié la réalité de la cessation de communauté de vie.

La notion de cessation de la vie commune, bien que non définie par la loi, n’est pas sans faire écho à la définition de la séparation de fait telle que dégagée par la jurisprudence.

Dans un arrêt du 30 janvier 1980, la Cour de cassation avait ainsi considéré que la séparation de fait était caractérisée lorsque « la communauté de vie, tant matérielle qu’affective, a cessé entre les conjoints » (Cass. 2e civ. 30 janv. 1980).

Ainsi, pour être établie, la cessation de la vie commune supposerait la réunion de deux éléments :

  • Un élément matériel : l’absence de cohabitation
  • Un élément intentionnel : la volonté de rupture

Lors de l’adoption de la loi du 26 mai 2004, le gouvernement avait insisté sur l’importance de faire porter le constat sur le double aspect de la séparation.

Au soutien de cette appréhension de la notion de cessation de la vie commune, il a été fait valoir qu’il fallait écarter le risque que soient introduites des demandes en divorce fondées uniquement sur une situation de fait, par exemple l’existence de deux domiciles différents pour des raisons professionnelles, alors qu’il a pu y avoir par ailleurs continuation d’une certaine vie affective, attestée par des échanges de lettres ou quelque autre élément.

==> L’élément matériel

L’exigence de cessation de la vie commune suppose pour les époux d’établir qu’ils ne cohabitent plus ensemble.

Pour apprécier la réalité de la séparation, le juge vérifiera en particulier l’absence de cohabitation matérielle

  • L’absence de cohabitation matérielle
    • En l’état de la jurisprudence l’absence de cohabitation doit être matérielle, en ce sens que les époux ne doivent plus vivre sous le même toit.
    • Si dès lors les époux continuent à cohabiter dans le domicile familial, la cessation de la vie commune ne pourra pas être établie
  • L’indifférence de la séparation de fait ou de droit
    • À la différence de l’ancien article 237 du Code civil, l’article 238 ne fait plus référence à la « séparation de fait » des époux.
    • Ainsi, la loi n’impose aucune formalité particulière pour matérialiser le point de départ de cette séparation, dont la preuve peut être rapportée par tout moyen.
    • Cela signifie qu’il est indifférent que la séparation des époux résulte ou non d’une décision de justice.

==> L’élément intentionnel

Bien que l’absence de cohabitation matérielle soit une condition nécessaire pour établir la cessation de la communauté de vie, elle n’est pas suffisante.

La séparation doit également être affective, en ce sens que les époux doivent être animés de l’intention de ne plus partager une vie commune.

Cet élément intentionnel se déduira le plus souvent, en pratique, du défaut de cohabitation des époux pendant deux ans.

Toutefois, certaines situations d’éloignement, liées à des motifs purement objectifs, tels que professionnels, peuvent être équivoques.

Dans ces hypothèses, s’agissant d’un élément relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond, les circonstances de l’espèce, l’attitude des époux ou de celui qui a pris l’initiative de la rupture, seront déterminantes.

Dans un arrêt du 11 juillet 1979, la Cour de cassation a par exemple considéré que si un époux postérieurement à son départ « conservé avec son épouse de bonnes relations, celles-ci n’ont comporte ni cohabitation, ni intimité d’existence et n’ont pas impliqué chez le mari l’intention de vivre autrement que séparé de sa femme ».

Elle en déduit que la séparation de fait était bien caractérisée en l’espèce (Cass. 2e civ. 11 juill. 1979)

II) La durée de la cessation de la communauté de vie

==> Principe

Aux termes de l’article 238 du Code civil « l’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis deux ans lors de l’assignation en divorce. »

Pour être éligible à la procédure de divorce pour altération définitive du lien conjugal, il est donc nécessaire que la séparation entre les époux ait duré au moins deux ans.

  • Un délai de deux ans
    • Initialement, c’est un délai de trois ans qui avait été envisagé par les parlementaires.
    • Finalement ils ont préféré ramener ce délai à deux ans.
    • Deux raisons ont été avancées :
      • D’une part, parce qu’un délai trop long limiterait sans doute d’autant l’intérêt de ce nouveau cas de divorce et continuerait de donner au divorce pour faute un avantage alors que l’objet du projet de loi est précisément d’en réduire l’audience
      • D’autre part, parce qu’ainsi fixé, ce délai demeure néanmoins important, de nature à éviter des décisions hâtives mais aussi à permettre à l’époux qui ne souhaite pas divorcer de prendre conscience de la demande et d’envisager les moyens d’y répondre.
  • Le point de départ du délai
    • L’article 237 du Code civil prévoit que le délai doit être acquis lors de l’assignation en divorce et non plus, comme auparavant, à la date de la requête.
    • Ainsi, peuvent indifféremment être prise en compte la séparation intervenue avant ou après la requête initiale en divorce, et celle intervenue après l’ordonnance de non-conciliation, dès lors que cette séparation présente un caractère continu pendant les deux années précédant l’assignation.
    • L’objectif de cette disposition était ainsi de prendre en compte non seulement l’hypothèse dans laquelle les époux sont séparés de fait lorsqu’ils présentent la requête mais également la séparation matérielle et affective qui intervient après le dépôt de cette requête.
    • Outre le fait qu’elle accroît la lisibilité du dispositif, cette modification permet d’éviter qu’un couple ayant été séparé de fait pendant, par exemple, vingt mois avant la requête, ne puisse ensuite introduire l’instance qu’après avoir de nouveau été séparés durant deux ans.
    • La rédaction adoptée par le Sénat permet ainsi de « faire masse » des périodes de séparation sans considération pour la date de l’ordonnance de non-conciliation.
  • La suspension ou l’interruption du délai
    • La séparation des époux doit avoir été continue pendant au moins deux ans pour que puisse être envisagé le divorce pour altération du lien conjugal.
    • Quid dans l’hypothèse d’une reprise de la vie commune ?
    • A-t-elle pour effet de suspendre le délai de deux ou de l’interrompre
      • En cas de suspension du délai, les époux conserveraient le bénéfice du délai déjà écoulé
      • En cas d’interruption du délai, le délai de deux serait remis à zéro de sorte qu’une nouvelle séparation de deux ans devra être comptabilisée
    • La lecture des travaux parlementaires laisse à penser que, en cas de reprise de la vie commune, il y a interruption du délai.
    • Que doit-on entendre par reprise de la vie commune ?
    • Pour le déterminer, il convient de se référer à l’article 244 du Code civil qui définit la notion de réconciliation en matière de divorce pour faute.
    • Par analogie, cette notion peut sans doute être appliquée au divorce pour altération définitive du lien conjugal.
    • L’article 244 prévoit que « le maintien ou la reprise temporaire de la vie commune ne sont pas considérés comme une réconciliation s’ils ne résultent que de la nécessité ou d’un effort de conciliation ou des besoins de l’éducation des enfants»

==> Exception

Par dérogation au principe posé à l’alinéa 1er de l’article 238 du Code civil, l’alinéa 2 prévoit que le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal lorsqu’une demande reconventionnelle de divorce pour altération définitive du lien conjugal a été formée contre une demande principale de divorce pour faute et que celle-ci a été rejetée par le juge.

Le mécanisme ainsi mis en place envisage l’hypothèse où une demande en divorce pour faute et une demande pour altération du lien conjugale sont formulées.

  • Le dispositif de l’article 246
    • Cette disposition prévoit que
      • Alinéa 1: dans l’hypothèse où un époux forme une demande en divorce pour faute et l’autre une demande reconventionnelle en demande pour altération définitive du lien conjugal, alors le juge se prononce d’abord sur la demande principale soit sur le divorce pour faute
      • Alinéa 2: si toutefois la demande en divorce pour faute est rejetée alors le juge se prononce sur le divorce pour altération définitive du lien conjugal
    • Il convient alors de se reporter à l’article 238 du Code civil qui régit le divorce pour altération du lien conjugal
  • Le renvoi au 2e alinéa de l’article 238
    • Lorsque le juge se prononce sur une demande de divorce pour altération du lien conjugal après avoir rejeté une demande de divorce pour faute, il doit se reporter, non pas à l’alinéa 1er de l’article 238, mais à l’alinéa 2
    • Or cet alinéa, dispose que le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal NONOBSTANT l’alinéa 1, soit nonobstant :
      • La cessation de la vie commune
      • La durée de séparation de deux ans
    • L’idée qui a présidé à cette exception est que face à deux demandes tendant au même résultat mais que la faute de l’autre n’est pas prouvée, il apparaît clairement que le lien conjugal ne peut plus être maintenu.
    • Aussi, cette règle a-t-elle vocation à éviter que ne soient prononcés des divorces aux torts partagés qui ne reflètent pas la réalité conjugale et éviter que l’époux contre lequel est demandé le divorce pour faute ne réplique nécessairement sur ce même terrain, envenimant ainsi les procédures.

La Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur l’articulation des articles 246 et 238, al.2 du Code civil dans un arrêt du 5 janvier 2012.

  • Faits
    • Une épouse a assigné son conjoint en divorce pour faute.
    • Ce dernier réplique en formant une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal.
  • Procédure
    • Le Tribunal de grande instance de Beauvais déboute l’épouse de sa demande en divorce pour faute par un jugement du 21 décembre 2007.
    • Par un arrêt de la Cour d’appel d’Amiens du 1er avril 2009, les juges du fond accèdent à la demande reconventionnelle du mari en divorce pour altération définitive du lien conjugal.
    • Au soutien de leur décision, les juges du fond se réfèrent à l’article 238 pris dans son alinéa 2 du Code civil, lequel prévoit que le divorce pour altération définitive du lien conjugal peut être prononcé, sans qu’il soit besoin que la cessation de la vie commune ait duré deux ans.
  • Solution
    • Par un arrêt du 5 janvier 2012, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’épouse.
    • La première chambre civile considère « en cas de présentation d’une demande principale en divorce pour faute et d’une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal, le rejet de la première emporte le prononcé du divorce du chef de la seconde»
    • Ainsi, quand bien même il n’y avait pas eu, en l’espèce, de cessation de vie commune pendant deux ans, dès lors que la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal fait suite à une demande principale en divorce pour faute et que celle-ci a été rejetée, il appartient au juge d’accéder à la demande formée reconventionnellement et de prononcer le divorce

Cass. 1ère civ. 5 janv. 2012
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Amiens, 1er avril 2009 ), que M. Y... et Mme X... se sont mariés le 19 mai 2001 ; qu’autorisée par ordonnance de non-conciliation du 30 juin 2006, l’épouse a assigné, le 30 octobre 2006, son conjoint en divorce pour faute sur le fondement de l’article 242 du code civil ; que M. Y... a, reconventionnellement, formé une demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal sur le fondement de l’article 238, alinéa 2, du code civil ; que par jugement du 21 décembre 2007, le tribunal de grande instance de Beauvais a notamment rejeté la demande en divorce pour faute de l’épouse et prononcé le divorce pour altération définitive du lien conjugal ;

Sur le premier moyen, pris en ses diverses branches :

Attendu que le moyen n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

Sur le second moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l’arrêt de prononcer son divorce pour altération définitive du lien conjugal sur le fondement de l’article 238, alinéa 2, du code civil, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne peut prononcer le divorce pour altération définitive du lien conjugal sans constater que les époux vivent séparés depuis au moins deux ans lors de l’assignation en divorce ; qu’en l’espèce, par motifs expressément adoptés du premier juge, la cour d’appel s’est bornée à recueillir une déclaration de M. Y... selon laquelle « aucune réconciliation ne peut intervenir du fait de la séparation depuis plusieurs mois », sans même procéder par elle-même à aucune constatation de nature à établir que les époux étaient séparés depuis plus de deux ans à compter de l’assignation ; qu’elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 238, alinéas 1er et 2 et 246 alinéa 2 du code civil ;

2°/ qu’en présence d’une demande principale en divorce pour faute et d’une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal, le juge ne saurait faire droit à la demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal, en se fondant sur une simple déclaration du demandeur reconventionnel sans constater par lui-même une séparation significative, en précisant à quel moment a cessé la cohabitation ; qu’en l’espèce, il ressort des mentions du jugement de première instance que les deux époux étaient encore domiciliés, à la date du jugement, soit le 21 décembre 1997, à la même adresse, rue [...] à Meru ; qu’à la date à laquelle la cour d’appel a statué, soit le 1er avril 2009, il n’existait même pas de séparation des époux égale à deux ans ; qu’en se bornant à faire état d’une simple déclaration du demandeur reconventionnel selon laquelle « aucune réconciliation ne peut intervenir du fait de la séparation depuis plusieurs mois », sans constater par elle-même une séparation significative, en précisant à quel moment avait cessé la cohabitation, la cour d’appel a, à nouveau, privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 238, alinéa 2 et 246 alinéa 2 du code civil ;

Mais attendu qu’en cas de présentation d’une demande principale en divorce pour faute et d’une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal, le rejet de la première emporte le prononcé du divorce du chef de la seconde ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

Le divorce accepté ou pour acceptation du principe de la rupture du mariage

Il divorce accepté, dit également divorce par acceptation du principe de la rupture, est une variante du divorce par consentement mutuel.

En effet, le divorce par consentement mutuel se divise en trois branches :

  • Le divorce par consentement mutuel conventionnel
    • Lorsque les parties sont d’accord pour divorcer, il leur suffit pour divorce de régulariser un acte signé par les deux avocats représentant chacune d’elles et enregistré par le notaire.
    • Ce divorce suppose que les époux s’entendent à la fois sur la rupture du mariage et sur l’ensemble des effets du divorce
    • Ils doivent alors faire constater leur accord dans une convention prenant la forme d’un acte d’avocat tel que prévu à l’article 1374 du code civil, c’est-à-dire d’un acte sous signature privée, contresigné par l’avocat de chacune des parties.
  • Le divorce par consentement mutuel judiciaire
    • Comme le divorce par consentement mutuel judiciaire, il exige l’accord des époux aussi bien sur le principe du divorce que sur ses conséquences.
    • Les époux doivent établir une convention réglant toutes les conséquences du divorce tant patrimoniales, y compris la liquidation du régime matrimonial, qu’à l’égard des enfants.
    • Cette convention est soumise à l’homologation du juge aux affaires familiales.
    • Le juge s’assure du consentement des époux et vérifie que leur convention préserve suffisamment les intérêts de chacun d’eux et des enfants.
    • Le ministère d’avocat est obligatoire, mais les deux époux peuvent être représentés par le même avocat.
  • Le divorce demandé par un époux et accepté par l’autre
    • À la différence des autres formes de divorce par consentement mutuel, ce cas de divorce implique l’accord des époux sur le principe du divorce, mais pas sur ses conséquences.
    • Ainsi, la grande différence est que les époux ne s’entendent pas sur les effets du divorce.
    • Un désaccord subsiste sur le sort des biens ou le sort des enfants, ce qui dès lors suppose l’intervention d’un juge pour trancher.
    • C’est la raison pour laquelle ce cas de divorce relève d’une procédure contentieuse.
    • Comme le divorce pour faute ou pour altération définitive du lien conjugal, c’est le juge qui va statuer sur l’état liquidatif des époux, ce qui ne les empêche pas de lui soumettre des accords sur des points particuliers.
    • La demande peut être exprimée à tout moment de la procédure, au stade de la conciliation ou ultérieurement, après l’introduction de l’instance.
    • Les conséquences du divorce sont décidées par le juge et la liquidation du régime matrimonial intervient après le prononcé du divorce.

I) Principe

Aux termes de l’article 233 du Code civil « le divorce peut être demandé par l’un ou l’autre des époux ou par les deux lorsqu’ils acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci. »

À l’instar du divorce par consentement mutuel contresigné par un avocat et du divorce par consentement mutuel judiciaire, le divorce accepté suppose que les époux soient d’accord sur le principe de la rupture.

Autrement dit, ils doivent partager le constat objectif de leur décision.

Qualifiée de « divorce résignation » par certains, le divorce accepté vise donc l’accord des époux limité au principe du divorce sans considération de sa cause et à l’exclusion de ses conséquences.

Ici, le Juge ne s’intéressera pas ici aux motifs qui ont présidé à la rupture : il se contentera de l’accord des époux sur le principe de mettre un terme à leur union.

Toutefois, comme pour le divorce par consentement mutuel judiciaire, le Juge va s’employer à vérifier la réalité du consentement des époux.

II) Conditions

A) La capacité

Aux termes de l’article 249-4 du Code civil « lorsque l’un des époux se trouve placé sous l’un des régimes de protection prévus au chapitre II du titre XI du présent livre, aucune demande en divorce par consentement mutuel ou pour acceptation du principe de la rupture du mariage ne peut être présentée. »

Ainsi, pour être éligibles au divorce accepté il faut jouir de sa pleine et entière capacité juridique.

Plus précisément, il ne faut pas que l’un des époux fasse l’objet d’une mesure de protection.

L’article 425 du Code civil prévoit qu’une mesure de protection peut être instituée au bénéfice de « toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté ».

Les mesures de protection sont au nombre de cinq :

  • La sauvegarde de justice
    • L’article 433 du Code civil prévoit que le juge peut placer sous sauvegarde de justice une personne qui a besoin d’une protection juridique temporaire ou d’être représentée pour l’accomplissement de certains actes déterminés.
    • Il s’agit de la mesure de protection la moins légère dans la mesure où la personne placée sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits
  • La curatelle
    • Aux termes de l’article 440 du Code civil, la personne qui, sans être hors d’état d’agir elle-même, a besoin d’être assistée ou contrôlée d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile peut être placée en curatelle.
    • La curatelle n’est prononcée que s’il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante.
    • Il s’agit d’une mesure de protection intermédiaire, en ce sens que la personne placée sous curatelle perd la capacité d’exercer les actes de disposition les plus graves
  • La tutelle
    • L’article 440 du Code civil dispose que la personne qui doit être représentée d’une manière continue dans les actes de la vie civile, peut être placée en tutelle.
    • La tutelle n’est prononcée que s’il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante.
    • Il s’agit de la mesure de protection la plus lourde, car elle prive son bénéficiaire de l’exercice de tous ses droits
  • Le mandat de protection future
    • L’article 477 du Code civil prévoit que toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une habilitation familiale peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter pour le cas où, pour l’une des causes prévues à l’article 425, elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts.
    • À la différence de la sauvegarde de justice, de la curatelle et de la tutelle qui sont prononcées par le Juge, le mandat est conclu par acte notarié ou par acte sous seing privé.
    • Il s’agit donc d’une mesure de protection conventionnelle et non judiciaire
  • L’habilitation familiale
    • Aux termes de l’article 494-1 du Code civil lorsqu’une personne est hors d’état de manifester sa volonté, le juge des tutelles peut habiliter une ou plusieurs personnes choisies parmi ses ascendants ou descendants, frères et sœurs ou, à moins que la communauté de vie ait cessé entre eux, le conjoint, le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité ou le concubin à la représenter ou à passer un ou des actes en son nom.
    • L’habilitation familiale ne peut être ordonnée par le juge qu’en cas de nécessité et lorsqu’il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l’application des règles du droit commun de la représentation, de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux, en particulier celles prévues aux articles 217,219,1426 et 1429, ou par les stipulations du mandat de protection future conclu par l’intéressé.

Au bilan, dès lors que l’un des époux fait l’objet de l’une des mesures de protection précitées, la voie du recours au divorce accepté est fermée.

B) L’acceptation

L’article 233 du Code civil prévoit que le divorce accepté ne peut être envisagé que lorsque les époux acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci.

Ainsi, l’accord des époux sur le principe de la rupture est au cœur du divorce accepté.

Il en résulte que le juge focalisera son attention en particulier sur l’acceptation exprimée par l’époux qui n’est pas à l’initiative de la demande.

  1. L’expression de l’acceptation

==> L’objet de l’acceptation

  • Droit antérieur
    • L’ancien article 233 du Code civil disposait que « l’un des époux peut demander le divorce en faisant état d’un ensemble de faits, procédant de l’un et de l’autre, qui rendent intolérable le maintien de la vie commune. »
    • Sous l’empire du droit antérieur, il était exigé que le demandeur fasse état de faits qui rendent intolérable le maintien de la vie commune et que l’autre époux reconnaisse ces faits.
    • Les causes du divorce devaient alors être exposées dans un mémoire qui conditionnait la recevabilité de la demande dont était destinataire l’autre époux
    • Il pouvait alors, à son tour, présenter un mémoire « où, sans contester la relation des faits, il en proposait, dans les mêmes formes sa version personnelle».
    • Les époux étaient ensuite convoqués devant le juge et s’ils confirmaient devant lui leurs positions initiales, le juge rendait une ordonnance aux termes de laquelle il constatait le double aveu de faits.
  • Droit positif
    • La loi du n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce a abandonné l’exigence du double aveu.
    • Désormais, le fondement du divorce accepté ne réside plus dans le double aveu de faits rendant intolérable le maintien de la vie commune – dont était attendue une forme de « libération psychologique » – mais dans l’acceptation commune du principe de la rupture du mariage.
    • L’accent est donc mis sur la volonté et l’accord des époux.
    • Le divorce accepté se fonde donc sur le simple constat par le juge de leur accord sur le principe de la rupture, sans considération des faits à l’origine de celle-ci.
    • En cohérence avec le nouvel esprit de ce divorce, déconnecté de toute référence aux faits, l’échange des mémoires, qui constituait le support de ces déclarations, est supprimé.
    • L’affirmation de l’absence de prise en considération des faits rompt de la sorte avec l’organisation de l’ancien cas de divorce, qui supposait que l’époux demandeur fasse finalement état des motifs qui ont présidé à la rupture.
    • De même, les dispositions de l’article 234 ancien, assimilant les effets de ce type de divorce à ceux d’un divorce aux torts partagés, sont abrogées.
    • Le seul accord des époux sur le principe de la rupture suffit pour que le divorce puisse être prononcé.

==> Le moment de l’acceptation

L’article 1123 du Code de procédure civile prévoit que « tout moment de la procédure, les époux peuvent accepter le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci »

Ainsi, les époux peuvent-ils, quel que soit le cas de divorce contentieux pour lequel ils ont opté (divorce pour faute ou pour altération définitive du lien conjugal), toujours basculer sur la procédure du divorce accepté.

En raison de l’irrévocabilité de l’accord sur le principe de la rupture, le chemin inverse n’est toutefois pas possible.

Le moment de l’acceptation peut donc intervenir à trois moments :

  • Au moment de l’audience de conciliation
    • Elle est alors constatée immédiatement dans un procès-verbal dressé par le juge et signé par les époux et leurs avocats respectifs.
    • Consécutivement, le juge renvoie les époux à introduire l’instance pour qu’il prononce le divorce et statue sur ses effets, la cause du divorce demeurant acquise.
    • Le procès-verbal est annexé à l’ordonnance et doit rappeler, à peine de nullité, le caractère irrévocable de l’acception, conformément l’article 233, al. 2 du Code civil.
  • Entre l’audience de conciliation et la demande introductive d’instance
    • Dans l’hypothèse où les époux ne parviendraient pas à un accord lors de l’audience de conciliation, tout n’est pas perdu.
    • L’article 1123, al. 3 prévoit que, après l’audience de conciliation chaque époux peut déclarer, par un écrit signé de sa main, qu’il accepte le principe de la rupture du mariage.
    • Les deux déclarations seront alors annexées à la requête conjointe introductive d’instance.
    • À peine de nullité, la déclaration écrite doit rappeler le caractère irrévocable de l’acceptation
    • Lorsque l’accord intervient à ce moment de la procédure, il se déduit de l’article 1123 du Code civil que l’instance en divorce ne pourra être introduite par la suite qu’au moyen d’une requête conjointe, ce qui donc exclut la voie de l’assignation.
  • Au moment de la demande introductive d’instance
    • En cas d’assignation en divorce, ce qui suppose qu’aucun accord écrit ne soit intervenu entre les époux, l’un d’eux peut formuler une demande expresse d’acceptation.
    • Il doit alors annexer sa déclaration à son assignation et l’assortir de la mention aux termes de laquelle l’acceptation est irrévocable.
  • En cours d’instance
    • L’article 1123, al. 5 du Code de procédure civile autorise les époux à formuler leur acceptation du divorce de manière expresse et concordante dans leurs conclusions respectives.
    • L’accord ainsi trouvé est envisagé par la passerelle instituée à l’article 247-1 du Code civil.
    • Cette disposition prévoit que les époux peuvent également, à tout moment de la procédure, lorsque le divorce aura été demandé pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, demander au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage.
    • Chaque époux annexe alors sa déclaration d’acceptation à ses conclusions.
    • Là encore, à peine de nullité, la déclaration écrite rappelle le caractère irrévocable de l’acceptation.

==> La vérification de l’accord par le juge

L’article 234 du Code civil prévoit que s’il a acquis la conviction que chacun des époux a donné librement son accord, le juge prononce le divorce et statue sur ses conséquences.

Le juge va ainsi s’intéresser à la réalité du consentement des époux et notamment s’assurer qu’aucune forme de contrainte ou pression n’a été exercée sur celui qui n’est pas à l’initiative de la demande.

Le contrôle judiciaire porte donc sur la vérification de la qualité de l’accord des parties sur le principe de la rupture du mariage et non plus sur le « double aveu » qu’il était autrefois tenu de constater par ordonnance.

Ainsi, sur le plan procédural, le formalisme particulièrement rigoureux attaché à ce cas, souvent interprété comme la cause principale de son échec, a disparu.

Toutefois, parce qu’il est au cœur de cette procédure et qu’il n’est pas rétractable, l’accord doit être examiné avec une vigilance particulière par le juge, ce qui justifie la présence de deux avocats lors du recueil de ce consentement.

L’article 253 du Code civil prévoit en ce sens que les époux ne peuvent accepter le principe de la rupture du mariage et le prononcé du divorce sur le fondement de l’article 233 que s’ils sont chacun assistés par un avocat.

Enfin, c’est au juge qu’il revient de statuer sur les conséquences du divorce.

Toutefois, il n’est plus indiqué, comme c’était le cas avant, que ce divorce suit les règles du divorce aux torts partagés, évitant un emprunt à un autre cas de divorce et marquant bien la spécificité du divorce accepté.

De même, le juge n’a plus à statuer sur la répartition des torts, dès lors que ne sont plus pris en considération les faits à l’origine de la rupture du mariage.

2. L’irrévocabilité de l’acceptation

==> Le droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, la jurisprudence considérait que, une fois rendue, l’ordonnance dans laquelle le juge constatait le double aveu des faits rendant intolérable le maintien de la vie commune, l’époux conservait la faculté de revenir sur son aveu tant que l’ordonnance n’était pas devenue définitive (Cass. 2e civ. 26 janv. 1984)

Cette solution permettait ainsi à un époux de rétracter librement son aveu par la voie de l’appel.

Or la rétractation est lourde de conséquences :

  • Privant de fondement la demande en divorce de son conjoint, elle a pour effet de rendre caduques l’ordonnance et les mesures provisoires qui ont pu être prises
  • La rétractation n’entraînant pas le rejet définitif de la demande, l’article 258 du code civil, qui permet de statuer sur la contribution aux charges du mariage, la résidence de la famille et les modalités de l’exercice de l’autorité parentale, ne trouve pas à s’appliquer.
  • Les époux n’ont donc d’autre solution que de présenter une nouvelle demande en divorce.

Source d’insécurité, voire de manœuvres dilatoires, venant s’ajouter au fait que le demandeur ignore si son conjoint va accepter cette procédure et s’expose en cas de rejet à devoir recommencer toute la procédure sur un autre fondement, cette faculté de rétractation a fait donc perdre beaucoup de crédit à ce cas de divorce.

C’est pourquoi, le législateur a entendu revenir sur cette faculté ouverte par la jurisprudence aux époux.

==> Le droit positif

  • Principe
    • Le nouvel article 233 du Code civil prévoit que l’acceptation n’est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l’appel.
    • Ainsi, le texte met un terme à une jurisprudence qui avait conduit à des possibilités inattendues de remise en cause des aveux, du fait du caractère suspensif de l’appel.
    • L’objectif recherché est donc de favoriser une plus grande sécurité juridique en évitant la remise en cause dilatoire de l’acceptation du divorce.
  • Exception
    • Il a été fait valoir lors des débats parlementaires portant sur l’adoption de la loi du 26 mai 2004 que l’acceptation pourrait toujours être remise en cause sur le fondement des vices du consentement lesquels peuvent être invoqués selon les règles du droit commun.
    • Cette possibilité a été confirmée par la Cour de cassation qui, dans un avis rendu en date du 9 juin 2008, a considéré que « l’appel général d’un jugement prononçant un divorce sur le fondement des articles 233 et 234 du code civil, même si l’acceptation du principe de la rupture du mariage ne peut plus être remise en cause, sauf vice du consentement, ne met pas fin au devoir de secours, la décision n’acquérant force de chose jugée qu’après épuisement des voies de recours.»
    • Il ressort de cet avis que la rétractation de l’acceptation pour vice du consentement peut intervenir indifféremment à deux moments
      • Entre le moment de l’acceptation et le prononcé du divorce
      • Après le prononcé du divorce, dans le cadre d’un appel général
    • L’avocat général près la Cour de cassation, Monsieur Domingo, a justifié cette solution en avançant plusieurs arguments :
      • Aucune disposition n’exclut cette catégorie de décision de la possibilité d’en interjeter appel. Comme pour tout divorce contentieux (et le divorce accepté en est un) l’appel est donc possible contre un tel jugement.
      • Cet appel ne doit pas nécessairement être limité aux conséquences du jugement de divorce. Quoique l’époux appelant ne puisse rétracter par cette voie l’acceptation qu’il a irrévocablement donnée, il doit pouvoir être en mesure de contester s’être exprimé “librement”. On ne saurait donc lui dénier a priori le droit d’interjeter un appel général contre la décision qu’il conteste puisqu’aussi bien à ce stade de la procédure nul ne peut savoir si l’objet de la contestation portera ou non sur l’intégrité du consentement.
      • Rendre recevable un appel général en ce domaine permet, comme sous l’empire de la législation antérieure de retarder le moment où le divorce devient irrévocable et de perpétuer le devoir de secours dont l’époux le plus démuni est créancier jusqu’à ce qu’intervienne une décision définitive sur la prestation compensatoire (lorsque son versement n’a pas été assorti de l’exécution provisoire).
    • La Cour de cassation a manifestement été convaincue par les arguments avancés par l’avocat général.
    • Ainsi, admet-elle que
      • D’une part, que l’appel général du jugement prononçant le divorce sur le fondement des articles 233 et 234 du Code civil est possible, même si l’acceptation du principe de la rupture du mariage ne peut plus être remise en cause
      • D’autre part, que ladite acception puisse être remise en cause en cas de vices du consentement