L’erreur sur les motifs et réforme des obligations

Les erreurs indifférences peuvent être classées en quatre catégories

  • L’erreur sur les qualités non-essentielles de la prestation
  • L’erreur sur les qualités essentielles de la personne lorsque le contrat n’est pas conclu en considération de cette dernière
  • L’erreur sur les motifs
  • L’erreur sur la valeur

Nous nous focaliserons ici sur l’erreur sur l’erreur sur les motifs.

?Principe

L’article 1135 du Code civil prévoit que « l’erreur sur un simple motif, étranger aux qualités essentielles de la prestation due ou du cocontractant, n’est pas une cause de nullité, à moins que les parties n’en aient fait expressément un élément déterminant de leur consentement ».

Ainsi, lorsque l’erreur porte sur les motifs, soit sur les raisons qui ont déterminé les parties à contracter, elle ne constitue pas une cause de nullité

Exemple : j’ai acheté une maison à Marseille car je pensais être muté dans cette ville. Or il s’avère que je suis affecté à Lille.

L’article 1135 précise qu’il importe peu que le motif sur lequel porte l’erreur ait été déterminant du consentement de l’errans, elle demeure indifférence.

Cette solution est conforme à la position de la Cour de cassation qui, notamment dans un arrêt du 13 février 2001, a eu l’occasion d’affirmer que « l’erreur sur un motif du contrat extérieur à l’objet de celui-ci n’est pas une cause de nullité de la convention, quand bien même ce motif aurait été déterminant » (Cass.1ère, Civ. 13 févr. 2001, n°98-15.092).

Une question immédiatement alors se pose : pourquoi avoir exclu des causes de nullité l’erreur sur les motifs ?

À bien y réfléchir, les qualités essentielles de la prestation ou du cocontractant peuvent également être regardées comme des motifs du contrat.

Or lorsque l’erreur porte sur ces dernières, la nullité est encourue.

Dès lors, pourquoi cette différence de traitement entre les simples motifs de l’article 1135 et ceux évoqués à l’article 1132 du Code civil ?

Cette solution se justifie par le caractère trop lointain des motifs visés à l’article 1135.

En effet, les motifs qui président à la décision d’une partie de contracter sont, par nature, indécelables pour son cocontractant.

Ils constituent, en d’autres termes, des circonstances totalement extérieures au contrat.

Tel n’est pas le cas des qualités essentielles de la prestation ou du cocontractant qui sont connues des parties.

C’est la raison pour laquelle seule l’erreur qui porte sur ces dernières constitue une cause de nullité, l’erreur sur les simples motifs étant indifférente.

Cass.1ère, Civ. 13 févr. 2001

Attendu que, par un acte passé le 20 novembre 1981 en l’étude de M. Geoffroy d’X…, notaire, M. Alain Y… a acquis, de la Société anonyme de gestion de patrimoines (SAGEP), des lots d’un immeuble en copropriété à rénover ; que M. Y… a subi, par la suite, différents redressements fiscaux ; que, faisant valoir qu’il avait acheté ce bien immobilier pour bénéficier d’avantages fiscaux qui n’avaient pu être obtenus, il a, en 1992, assigné la SAGEP, aujourd’hui en liquidation judiciaire et représentée par M. Villa, liquidateur, le syndicat des copropriétaires de la résidence le Cloître Saint-Martin, et M. Geoffroy d’X…, en nullité pour erreur ou en résolution de la vente, et en dommages-intérêts ; que l’arrêt confirmatif attaqué (Orléans, 23 mars 1998) l’a débouté de ses prétentions ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Y… fait grief à l’arrêt de s’être ainsi prononcé, alors, selon le moyen :

1° qu’en refusant d’annuler la vente faute de réalisation de l’objectif de défiscalisation, bien qu’il résultât des constatations de l’arrêt que la cause de l’engagement de M. Y… avait été le désir de réaliser des économies fiscales et que la SAGEP connaissait ce motif déterminant, la cour d’appel aurait méconnu les conséquences de ses constatations et violé l’article 1110 du Code civil ;

2° qu’en ne recherchant pas, comme il lui était demandé, si en sa qualité de professionnel de l’immobilier spécialiste de la défiscalisation, la SAGEP n’était pas censée connaître et maîtriser parfaitement les prescriptions de la loi Malraux et n’avait pas manqué à son devoir de conseil, la cour d’appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du Code civil ;

Mais attendu, d’abord, que l’erreur sur un motif du contrat extérieur à l’objet de celui-ci n’est pas une cause de nullité de la convention, quand bien même ce motif aurait été déterminant ; que c’est donc à bon droit que l’arrêt énonce que l’absence de satisfaction du motif considéré savoir la recherche d’avantages d’ordre fiscal alors même que ce motif était connu de l’autre partie, ne pouvait entraîner l’annulation du contrat faute d’une stipulation expresse qui aurait fait entrer ce motif dans le champ contractuel en l’érigeant en condition de ce contrat ; qu’ensuite, ayant relevé qu’en 1983, la SAGEP pouvait croire à l’adéquation de l’opération avec les prescriptions de la loi Malraux, étant observé qu’il n’était pas démontré qu’à l’époque de la vente cette société ait eu connaissance du risque de ne pas bénéficier des avantages fiscaux de cette loi, la cour d’appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision au regard de l’article 1116 du Code civil ; que le moyen n’est donc fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen : (Publication sans intérêt) ;

Et, sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

(Publication sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

?Tempérament

Si l’indifférence de l’erreur sur les motifs se justifie par le caractère extérieur au contrat des circonstances qui ont conduit l’errans à contracter, dans l’hypothèse où lesdites circonstances seraient connues du cocontractant, l’erreur sur les motifs devrait alors en toute logique affecter la validité du contrat.

Tel est le sens de l’article 1135 du Code civil qui après avoir exclu, par principe, des causes de nullité l’erreur sur les motifs, précise qu’elle est toujours susceptible de le devenir lorsque les parties ont en fait un élément de leur consentement, soit lorsque le motif du contrat est entré dans le champ contractuel.

Là encore, cette exception au principe, n’est autre qu’une consécration de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Dans un arrêt du 11 avril 2012, la chambre commerciale avait jugé en ce sens que « l’erreur sur un motif du contrat extérieur à l’objet de celui-ci n’est pas une cause de nullité de la convention, quand bien même ce motif aurait été déterminant, à moins qu’une stipulation expresse ne l’ait fait entrer dans le champ contractuel en l’érigeant en condition du contrat » (Cass. com. 11 avr. 2012, n°11-15.429).

Cass. com. 11 avr. 2012

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 7 décembre 2010), que Mme X… a souscrit le 3 juillet 2002, pour financer l’acquisition d’équipements médicaux destinés à l’exercice de son activité d’infirmière libérale deux contrats de crédit-bail auprès de la société BNP Paribas et deux contrats de crédit-bail auprès de la société Lixxbail, ces quatre contrats représentant une charge totale mensuelle de 1 529,82 euros toutes taxes comprises ; que les matériels fournis par la société Formes et performances ont été livrés à Mme X…, qui a signé un procès-verbal de réception ; que cette dernière ayant cessé de payer les loyers à compter du mois de novembre 2003, la société Lixxbail lui a notifié la résiliation des contrats et fait procéder à la saisie des matériels qui ont été revendus pour la somme de 0,18 euro chacun ; que le tribunal d’instance a déclaré recevable l’opposition de Mme X… aux ordonnances d’injonction de payer prononcées à son encontre ; que devant le tribunal de grande instance, Mme X… a demandé l’annulation des contrats de crédit-bail, invoquant une erreur substantielle et recherché subsidiairement la responsabilité du crédit-bailleur pour manquement à ses obligations d’information et de conseil ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X… reproche à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande d’annulation des contrats conclus avec la société Lixxbail, alors, selon le moyen :

1°/ que constitue une qualité essentielle toute caractéristique du bien entrée dans le champ contractuel qui détermine son usage ; qu’en jugeant, pour débouter Mme X… de sa demande de nullité du contrat de crédit-bail que “Mme X… en faisant valoir que la colonne d’électrothérapie et la colonne bilan louées à la société Fores et performances ne répondaient pas à ses besoins dans son activité paramédicale d’infirmière en milieu rural, n’invoque aucune erreur sur les qualités substantielles de ces matériels” sans rechercher si la destination commerciale n’était pas inhérente aux biens donnés à bail et entrée dans le champ contractuel, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1110 du code civil ;

2°/ que Mme X… faisait valoir, dans ses conclusions, que le matériel donné à bail ne pouvait être utilisé que par un médecin ; qu’en se bornant à juger pour débouter Mme X… de sa demande de nullité du contrat de crédit-bail que l’inadéquation du matériel “à ses besoins dans son activité para-médicale d’infirmière en milieu rural” n’était pas une qualité substantielle des biens objet du contrat litigieux, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l’erreur sur un motif du contrat extérieur à l’objet de celui-ci n’est pas une cause de nullité de la convention, quand bien même ce motif aurait été déterminant, à moins qu’une stipulation expresse ne l’ait fait entrer dans le champ contractuel en l’érigeant en condition du contrat ; qu’après avoir énoncé que l’erreur n’est une cause de nullité du contrat que lorsqu’elle porte sur les qualités substantielles de la chose qui en est l’objet, et que seule l’erreur excusable peut entraîner la nullité d’une convention, l’arrêt retient que Mme X…, en faisant valoir que les équipements litigieux ne répondaient pas à ses besoins dans son activité para-médicale d’infirmière en milieu rural, n’invoque aucune erreur sur les qualités substantielles de ces matériels, mais se borne à constater leur inadéquation à cette activité ; qu’ayant ainsi fait ressortir que l’erreur invoquée par le preneur ne portait pas sur les qualités substantielles des matériels litigieux, mais sur les motifs de leur acquisition, la cour d’appel, qui n’était pas tenue d’effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

?Exception

Le second alinéa de l’article 1135 du Code civil pose une exception au principe d’indifférence de l’erreur sur les motifs.

Cette disposition prévoit que « l’erreur sur le motif d’une libéralité, en l’absence duquel son auteur n’aurait pas disposé, est une cause de nullité. »

L’instauration de cette exception procède, manifestement, de l’abandon par le législateur de la référence à la cause dans la liste des conditions de validité du contrat (V en ce sens le nouvel article 1128 du Code civil).

L’exigence de la cause supposait, en effet, antérieurement à l’ordonnance du 10 février 2016, qu’une contrepartie à l’engagement de chaque partie existe, à défaut de quoi le contrat encourait la nullité.

Rapidement la question s’est alors posée de savoir en quoi la cause pouvait-elle bien consister dans les contrats à titre gratuit dans la mesure où, par définition, celui qui consent une libéralité s’engage sans contrepartie.

Très tôt, la jurisprudence a néanmoins répondu à cette question en considérant que, dans les actes à titre gratuit, la cause de l’engagement de l’auteur d’une libéralité consiste en un élément subjectif : l’intention libérale de celui qui s’engage.

Afin de contrôler l’existence de la cause, condition de validité du contrat, cela a conduit les juridictions à tenir compte des motifs du disposant.

Autrement dit, dès lors que l’auteur d’une libéralité se trompait sur les motifs de son engagement, l’acte conclu encourait la nullité.

Exemple : je crois consentir une donation à une personne que je crois être mon fils, alors qu’en réalité il ne l’est pas car il est né d’une relation adultérine de mon épouse

Aussi, cela revenait-il pour la Cour de cassation à assimiler, en matière de libéralités, l’erreur sur les motifs à l’absence de cause (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 11 févr. 1986, n°84-15.513).

En édictant, à l’article 1133, al. 2, la règle selon laquelle « l’erreur sur le motif d’une libéralité, en l’absence duquel son auteur n’aurait pas disposé, est une cause de nullité », le législateur a manifestement entendu palier la suppression de la cause de la liste des conditions de validité du contrat.

Cette exception au principe d’indifférence de l’erreur sur les motifs révèle, de la sorte, une résurgence de la cause qui est loin d’avoir disparu.

Cass. 1ère civ., 11 févr. 1986

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que les époux X… ont, par acte du 22 juillet 1981, fait donation, à titre de partage anticipé, à leurs trois enfants, de la nue propriété de partie d’un ensemble immobilier ; que le 27 janvier 1982 ils ont assigné les bénéficiaires à fin que soit déclarée nulle et de nul effet cette donation-partage, comme étant dépourvue de cause, en faisant valoir que les avantages fiscaux dont bénéficiaient les donations-partages et qui ont été supprimés rétroactivement au 9 juillet 1981 par la loi de finances rectificative du 3 août 1981, les avaient déterminés à consentir ce partage anticipé ; que les juges de première instance ont accueilli leur demande ; qu’appel de cette décision a été interjeté par le ministère public qui, tout en reconnaissant n’avoir été que partie jointe à l’instance, invoquait l’atteinte à l’ordre public ; que son appel a été déclaré irrecevable ;

Attendu que le procureur général près la Cour d’appel fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, que, d’une part, les juges de première instance, en faisant droit à la demande d’annulation par les époux X… de la donation-partage qu’ils ont consentie, n’ont pas prononcé, ainsi qu’ils l’ont affirmé, un jugement ” strictement civil rendu par référence aux conditions de validité d’une donation-partage. “, mais une décision portant atteinte à l’ordre public et plus précisément à l’ordre public fiscal, et alors, d’autre part, que ce faisant, ils ont nécessairement méconnu la rétroactivité au 9 juillet 1981 du nouveau régime fiscal des donations-partages expressément prévue à l’article 4-1 de la loi de finances rectificative du 3 août 1981 dans le souci d’éviter une source importante d’évasion fiscale à partir du moment où il était devenu de notoriété publique que la loi de finances en préparation se proposait de soumettre, en ce qui concerne les droits de mutation à titre gratuit, les donations-partages au régime du droit commun des libéralités ;

Mais attendu que la Cour d’appel, qui a relevé que les premiers juges avaient seulement recherché les circonstances et l’esprit dans lesquels les parties avaient agi pour en tirer les conséquences, sur le plan civil, au regard de la validité des donations-partages, a justement énoncé que ces juges n’avaient pas statué par une décision portant atteinte à l’ordre public en déclarant nulle pour absence de cause une donation-partage, acte purement privé intervenu entre personnes privées parce que l’application rétroactive d’une loi de finances promulguée postérieurement à l’acte avait eu pour conséquence que celui-ci ne se trouvait plus justifié par le mobile qui avait incité les parties à y recourir ; que c’est dès lors à bon droit qu’elle a déclaré le Ministère public, partie jointe, irrecevable en son appel ; que les juges du second degré, qui ont encore estimé qu’il n’y avait pas eu fraude à la loi dès lors que donateurs et donataires avaient opéré strictement dans le cadre de la législation en vigueur, n’ont pas méconnu la rétroactivité du nouveau régime fiscal, rétroactivité rendue inopérante par la nullité qu’ils prononçaient ; d’où il suit que le moyen est, en chacune de ses branches, dépourvu du moindre fondement ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

L’erreur sur les qualités essentielles de la personne

Aux termes de l’article 1132 du Code civil « l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. »

Il ressort de cette disposition que seules deux catégories d’erreur sont constitutives d’une cause de nullité du contrat :

  • L’erreur sur les qualités essentielles de la prestation due
  • L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant

À ces deux catégories d’erreur, il convient toutefois d’en ajouter une troisième à laquelle ne fait nullement référence l’ordonnance du 10 février 2016 et qui, pourtant regroupe des hypothèses où l’erreur est si grave qu’elle empêche la rencontre même des volontés. Il s’agit de la catégorie des erreurs obstacles.

Nous nous focaliserons ici sur l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant.

?Principe

Au même titre que l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation, le législateur a entendu faire de l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant une cause de nullité (art. 1133, al. 1 C. civ.).

Le législateur a ainsi reconduit la solution retenue en 1804 à la nuance près toutefois qu’il a inversé le principe et l’exception.

L’ancien article 1110 prévoyait, en effet, que l’erreur « n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention. »

Ainsi, l’erreur sur les qualités essentielles de la personne n’était, par principe, pas sanctionnée.

Elle ne constituait une cause de nullité qu’à la condition que le contrat ait été conclu intuitu personae, soit en considération de la personne du cocontractant.

Aujourd’hui, le nouvel article 1134 du Code civil prévoit que « l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n’est une cause de nullité que dans les contrats conclus en considération de la personne. »

L’exception instaurée en 1804 est, de la sorte, devenue le principe en 2016.

Cette inversion n’a cependant aucune incidence sur le contenu de la règle dans la mesure où, in fine, l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n’est une cause de nullité qu’en matière de contrats conclus intuitu personae.

?Notion d’erreur sur la personne

L’erreur sur la personne du cocontractant peut porter

  • sur son identité
  • sur ses aptitudes physiques
  • sur ses compétences
  • sur sa solvabilité
  • sur son passé professionnel
  • sur sa nationalité
  • sur son âge

L’erreur sur la substance ou sur les qualités essentielles de la prestation: réforme des obligations

Aux termes de l’article 1132 du Code civil « l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. »

Il ressort de cette disposition que seules deux catégories d’erreur sont constitutives d’une cause de nullité du contrat :

  • L’erreur sur les qualités essentielles de la prestation due
  • L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant

À ces deux catégories d’erreur, il convient toutefois d’en ajouter une troisième à laquelle ne fait nullement référence l’ordonnance du 10 février 2016 et qui, pourtant regroupe des hypothèses où l’erreur est si grave qu’elle empêche la rencontre même des volontés. Il s’agit de la catégorie des erreurs obstacles.

Nous nous focaliserons ici sur l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation.

I) L’état du droit avant la réforme des obligations

Pour mémoire, l’ancien article prévoyait que « l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet ».

La question alors se posait de savoir ce que l’on devait entendre par la substance de la chose.

Grosso modo, deux conceptions s’affrontaient :

?La conception objective

La substance est considérée comme la matière dont est faite la chose, objet du contrat.

Exemple : je crois acheter un objet un or alors qu’il est en airain (il s’agit là de l’exemple pris par le célèbre juriste Pothier)

  • Avantage
    • Cette conception offre un critère précis
  • Inconvénient
    • Cette conception a l’inconvénient d’être trop étroite
    • En effet, elle ne permet pas d’obtenir la nullité du contrat dans l’hypothèse où j’ai acheté une sculpture que je croyais de Rodin, alors qu’elle a en réalité été réalisée par un anonyme.
    • L’erreur ne porte pas ici, sur la matière dont la chose est faite.
    • C’est la raison pour laquelle la jurisprudence s’est rapidement déportée vers une conception subjective de la notion de substance.

?La conception subjective

La substance correspond ici aux qualités substantielles de la chose.

Il s’agit, plus exactement, des qualités de la chose qui ont déterminé la volonté de l’errans, soit celles sans lesquelles il n’aurait pas contracté.

Très tôt, la jurisprudence a amis cette conception de l’erreur, afin d’apprécier la notion de « substance de la chose » (V. en ce sens Cass. req., 16 mars 1898).

  • Avantages
    • L’erreur peut ainsi porter indifféremment :
      • Soit sur la matière dont est faite la chose
      • Soit sur l’authenticité de la chose
      • Soit sur l’aptitude de la chose à remplir l’usage auquel on la destine
        • Exemple : la constructibilité d’un terrain, l’achat d’une jument qui s’avère être en gestation alors qu’on la prédestinait à la course etc.
  • Inconvénients
    • Le juge est obligé de rechercher la volonté de l’errans afin de déterminer si la qualité de la chose qui n’est pas conforme avec la représentation qu’il s’en faisait, était ou non essentielle, pour lui, quant à la conclusion du contrat
    • Une partie pourrait alors prétendre que telle qualité de la chose était essentielle à ses yeux au moment de la conclusion du contrat, alors qu’elle n’en avait jamais fait état à son cocontractant.
    • L’erreur sur la substance risque alors de se révéler dangereuse pour la sécurité juridique du contrat
    • Aussi, afin de limiter ce risque, la jurisprudence a-t-elle posé une exigence.
  • Condition posée par la jurisprudence
    • Lors de la conclusion d’un contrat, il appartient aux parties de définir l’objet de leurs obligations, ce qui suppose de leur reconnaître un ou plusieurs caractères essentiels en considérations desquelles chacune d’elles s’engage.
    • Aussi, comme le relève Jacques Ghestin, « l’erreur ne justifie l’annulation du contrat que lorsqu’elle s’analyse en un désaccord entre l’objet réel et sa définition contractuelle ».
    • La jurisprudence en a tiré la conséquence que pour constituer une cause de nullité, l’erreur doit porter sur une qualité défaillante de la chose qui est entrée dans le champ contractuel
    • Autrement dit, pour être fondé à se prévaloir d’un vice du consentement, l’errans doit établir qu’il a informé son cocontractant de la qualité de la chose qu’il jugeait comme essentielle pour conclure le contrat.
    • Il en résulte que le cocontractant doit avoir su que ladite qualité était déterminante du consentement de celui qui s’est trompé.
    • L’erreur doit donc porter sur la « qualité convenue » de la chose.
    • La preuve
      • Afin d’établir que la qualité défaillante est entrée dans le champ contractuel, le juge tiendra compte des stipulations du contrat
      • En l’absence de stipulations, la charge de la preuve pèsera sur l’errans.
      • Deux options s’offrent alors au juge :
        • Ou bien la qualité de la chose est jugée comme essentielle pour l’opinion commune auquel cas le juge admettra assez facilement l’erreur
        • Ou bien la qualité de la chose est jugée comme essentielle par le seul errans, auquel cas c’est à lui qu’il incombera de rapporter la preuve, en cas d’absence de stipulations contractuelles, que telle qualité de la chose était déterminante pour lui quant à la conclusion du contrat.

II) L’état du droit positif après la réforme des obligations

Contrairement aux rédacteurs du Code civil qui, en 1804, n’avaient nullement défini la notion de « substance de la chose », le législateur a, en 2016, remédié à cette carence en introduisant dans le Code civil un article 1133.

Cette disposition prévoit désormais que « les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté ».

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette disposition :

A) Substitution de vocable

Il ressort de l’article 1133 du Code civil que le législateur a préféré au terme « substance de la chose », le vocable « qualités essentielles ».

Cela témoigne de sa volonté de mettre un terme définitif au débat qui avait porté sur l’interprétation du terme « substance » :

  • Devait-on retenir une conception objective : dans cette hypothèse l’erreur ne pouvait être reconnue que si l’errans se trompait sur la matière de la chose
  • Devait-on, au contraire, adopter une conception subjective, auquel cas cela permettait d’admettre que l’erreur puisse être une cause de nullité, tant lorsqu’elle portait sur la matière de chose, que lorsqu’elle portait sur son authenticité ou sur son aptitude à remplir une fonction déterminée

En retenant le terme de « qualités essentielles » le législateur a manifestement entendu sortir de cette difficulté d’interprétation en optant, sans ambiguïté, pour la solution adoptée par la jurisprudence : la conception objective.

B) Éléments constitutifs de l’erreur sur les qualités essentielles

?Une erreur

L’erreur se définit classiquement comme une représentation inexacte de la réalité

Elle, consiste, en d’autres termes, en un décalage entre la croyance de celui qui se trompe et la réalité

Plus précisément, en matière contractuelle, l’erreur ne peut être reconnue que si elle porte sur un élément du contrat, dans la mesure où c’est à elles qu’il revient de définir le contenu de leurs prestations respectives.

?Des qualités essentielles expressément ou tacitement convenues

Il ressort de l’article 1133 du Code civil que le législateur a entendu consacrer la solution retenue par la jurisprudence s’agissant de l’appréciation du caractère essentiel des éléments du contrat.

Cette disposition prévoit en ce sens que les qualités essentielles sont celles « qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté ».

Autrement dit, pour être qualifiées d’essentielles, les qualités de la prestation sur lesquelles porte l’erreur doivent être entrées dans le champ contractuel.

C’est donc à l’aune de la commune intention des parties que le juge décidera si tel, ou tel autre élément du contrat revêt un caractère essentiel.

À défaut de stipulations contractuelles, il appartiendra à l’errans d’établir que son cocontractant savait que la qualité de la prestation sur laquelle a porté son erreur était déterminante de son consentement.

?Le domaine de l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation

L’erreur sur les qualités essentielles de la prestation est susceptible d’être reconnue dans plusieurs cas.

Nous en évoquerons deux à titre d’illustration :

  • L’erreur sur les caractéristiques de la chose
    • L’erreur sur les caractéristiques de la chose se rapporte à une infinité de situations
    • Il peut, en effet, s’agir d’une erreur sur :
      • le matériau ou la matière dont est faite la chose
      • l’usure de la chose
      • l’ancienneté de la chose
      • l’emplacement de la chose
      • la surface du terrain
    • Si les caractéristiques de la chose reconnues par la jurisprudence comme susceptibles de faire l’objet d’une erreur, l’une d’elles a, en particulier, été au centre d’un important débat :
      • L’erreur sur l’authenticité d’une œuvre d’art
        • Quid dans l’hypothèse où l’erreur porte sur l’authenticité d’une œuvre d’art ?
        • Dans un arrêt Poussin du 22 février 1978, la Cour de cassation a estimé que l’erreur commise par le vendeur d’un tableau sur l’authenticité de ce dernier était une cause de nullité (Cass. 1ère civ., 22 févr. 1978, n°76-11.551).

Cass. 1ère civ., 22 févr. 1978

Sur le premier moyen : vu l’article 1110 du code civil ;

Attendu que, les époux z… ayant charge Rheims, commissaire-priseur, de la vente d’un tableau attribue par l’expert x… a “l’école des Carrache”, la réunion des musées nationaux a exerce son droit de préemption, puis a présente le tableau comme une œuvre originale de Nicolas y… ;

Que les époux z… ayant demandé la nullité de la vente pour erreur sur la qualité substantielle de la chose vendue, la cour d’appel, estimant qu’il n’était pas prouve que le tableau litigieux fut une œuvre authentique de y…, et qu’ainsi l’erreur alléguée n’était pas établie, a débouté les époux z… de leur demande ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher si, au moment de la vente, le consentement des vendeurs n’avait pas été vicie par leur conviction erronée que le tableau ne pouvait pas être une œuvre de Nicolas y…, la cour d’appel n’a pas donné de base légale a sa décision ;

Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

Casse et annule en son entier l’arrêt rendu entre les parties le 2 février 1976 par la cour d’appel de paris

  • Faits
    • Vente d’un tableau, dans le cadre d’une vente aux enchères, attribué à l’école des Carrache.
    • Exerçant son droit de préemption, la réunion des musées nationaux acquiert le tableau, affirmant dans la foulée que le tableau a, en réalité, pour peintre le très célèbre Nicolas Poussin.
  • Demande
    • Les vendeurs du tableau engagent une action en nullité de la vente
  • Procédure
    • Par un arrêt du 2 février 1976, la Cour d’appel de Paris déboute les vendeurs de leur demande
    • Les juges parisiens estiment qu’il n’est pas établi que le tableau litigieux était de Nicolas Poussin, nonobstant les dires de l’acquéreur.
    • Il en résulte, selon elle que l’erreur ne saurait être caractérisée, dans la mesure où il existe un doute sur l’authenticité du tableau.
  • Solution
    • Par un arrêt du 22 février 1978, la Cour de cassation casse et annule la décision des juges du fond
    • La Cour de cassation considère ici que la Cour d’appel aurait dû, pour débouter l’auteur du pourvoi, se demander si, au moment de la vente, un doute existait quant à l’authenticité du tableau, chez les vendeurs, ou s’ils avaient la certitude que ledit tableau n’était pas l’œuvre de Nicolas Poussin.
    • Autrement dit, selon la haute juridiction, si aucun doute n’existait au moment de la vente chez les vendeurs quant à l’authenticité du tableau et que ce doute n’est apparu qu’une fois la vente conclue, alors l’erreur est bien caractérisée.
  • Analyse
    • Dans l’arrêt Poussin, les juges n’admettent pas directement qu’il y a erreur sur la substance.
    • La Cour de cassation dit simplement, que les juges auraient dû recherche des éléments de fait quant à la question de savoir :
      • Si un doute existait au moment de la formation du contrat
      • Si le doute des vendeurs est seulement né après que la réunion des musées nationaux a déclaré que le tableau était de Nicolas Poussin
    • En invitant les juges du fond à faire cette recherche, on peut en déduire que la Cour de cassation considère, dans cette décision, que pour que l’erreur soit caractérisée, il suffit que l’errans ait la certitude de la qualité qui fait défaut à la chose au moment de la conclusion du contrat.
    • Aussi, c’est seulement si le vendeur du tableau avait eu un doute sur son authenticité au moment de la vente que l’erreur n’aurait pas pu être retenue.
    • Dans cet arrêt, la Cour de cassation apporte manifestement une précision importante sur la notion d’erreur.
    • Ce qui importe ce que l’errans ait la certitude, au moment de la formation du contrat, que la chose possède la qualité qu’il croit, alors qu’en réalité elle ne les a pas ou qu’il y a un doute qui pèse sur l’existence de ces qualités.
    • En somme, pour qu’il y ait erreur, il est nécessaire que le décalage entre la croyance de l’errans et la réalité intervienne au moment de la formation du contrat.
    • Si le doute survient postérieurement, il n’aura aucune incidence sur l’erreur : elle demeure caractérisée
    • Est-ce à dire que l’erreur sera toujours prise en compte ?
  • L’arrêt Fragonard
    • Dans un arrêt Fragonard du 24 mars 1987, la Cour de cassation est venue apporter une précision à la règle dégagée dans l’arrêt Poussin (Cass. 1ère civ. 24 mars 1987, n°85-15.736).
    • Elle a, en effet, jugé que lorsqu’un doute sur l’authenticité du tableau existait au moment de conclusion du contrat, l’erreur ne constitue plus une cause de nullité.

Cass. 1ère civ. 24 mars 1987

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que, selon les juges du fond, Jean, André Vincent, depuis lors décédé, a vendu en 1933 aux enchères publiques, comme étant ” attribué à Fragonard “, un tableau intitulé Le Verrou ; que, l’authenticité du tableau ayant été ultérieurement reconnue, l’arrêt confirmatif attaqué a refusé d’annuler cette vente, pour erreur, à la demande des héritiers de Jean, André Vincent ;

Attendu que ceux-ci reprochent à la cour d’appel (Paris, 12 juin 1985) de s’être déterminée au motif essentiel que l’expression ” attribué à…. ” laisse planer un doute sur l’authenticité de l’œuvre mais n’en exclut pas la possibilité ; qu’ils soutiennent, d’une part, qu’en s’attachant seulement à déterminer le sens objectif de la mention ” attribué à…. ” et en s’abstenant de rechercher quelle était la conviction du vendeur, alors que leurs conclusions faisaient valoir qu’il était persuadé, à la suite des avis formels des experts, que l’authenticité de l’oeuvre était exclue, la cour d’appel a violé à la fois les articles 1110 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile ; qu’il est, d’autre part, prétendu qu’en toute hypothèse, le vendeur commet une erreur quand il vend sous l’empire de la conviction que l’authenticité est discutable, alors qu’elle est en réalité certaine et que tout aléa à ce sujet est inexistant ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’il résulte des énonciations souveraines du jugement confirmé ” qu’en vendant ou en achetant, en 1933, une oeuvre attribuée à Fragonard, les contractants ont accepté un aléa sur l’authenticité de l’oeuvre, que les héritiers de Jean-André Vincent ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe, que leur auteur a consenti à la vente de son tableau sous l’empire d’une conviction erronée quant à l’auteur de celui-ci ” ; que le moyen, en sa première branche, ne peut dès lors être accueilli ;

Et attendu, en second lieu, que, ainsi accepté de part et d’autre, l’aléa sur l’authenticité de l’oeuvre avait été dans le champ contractuel ; qu’en conséquence, aucune des deux parties ne pouvait alléguer l’erreur en cas de dissipation ultérieure de l’incertitude commune, et notamment pas le vendeur ni ses ayants-cause en cas d’authenticité devenue certaine ; que le moyen doit donc être entièrement écarté ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

  • Faits
    • Vente d’un tableau intitulé « Le Verrou » qui était attribué à Fragonard, bien qu’il existe un doute sur son authenticité
    • Après que la vente a été effectuée, l’authenticité de l’œuvre est confirmée.
  • Demande
    • Les héritiers du vendeur engagent une action en nullité de la vente
  • Procédure
    • Par un arrêt du 12 juin 1985, la Cour d’appel de Paris déboute les héritiers du vendeur de leur demande en annulation de la vente.
    • Les juges du fond estiment qu’il existait un doute sur l’authenticité du tableau que les vendeurs du tableau ne pouvaient ignorer au moment de la conclusion du contrat, de sorte que l’erreur commise par ces derniers ne constitue pas une cause de nullité.
  • Moyens
    • Les vendeurs soutiennent que l’erreur est caractérisée dès lors qu’il existe un décalage entre leur croyance (le doute sur l’authenticité du tableau) et la réalité (l’authenticité du tableau).
  • Solution
    • Par un arrêt du 24 mars 1987, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les héritiers du vendeur.
    • La première chambre civile relève tout d’abord « qu’en vendant ou en achetant, en 1933, une œuvre attribuée à Fragonard, les contractants ont accepté un aléa sur l’authenticité de l’œuvre ».
    • Elle en déduit que « ainsi accepté de part et d’autre, l’aléa sur l’authenticité de l’œuvre avait été dans le champ contractuel. »
    • Il en résulte alors « qu’aucune des deux parties ne pouvait alléguer l’erreur en cas de dissipation ultérieure de l’incertitude commune, et notamment pas le vendeur ni ses ayants-cause en cas d’authenticité devenue certaine ; que le moyen doit donc être entièrement écarté »
    • Autrement dit, pour la Cour de cassation, dans la mesure où le doute sur l’authenticité du tableau était connu du vendeur au moment de la vente, l’opération litigieuse a été réalisée en connaissance de cause.
    • Le doute étant entré dans le champ contractuel, aucune des deux parties ne pouvait donc soutenir qu’elle avait commis une erreur une fois l’authenticité du tableau avérée.
    • Ainsi, la haute juridiction vient-elle préciser la solution adoptée dix ans plus tôt dans l’arrêt Poussin.
    • Pour que la vente soit annulée en l’espèce, il aurait fallu que le vendeur ait eu la certitude, au moment de la vente, que le tableau n’était pas de Fragonard.
    • Or ce n’était pas le cas, puisqu’il était « attribué » à Fragonard, ce qui laissait à penser que le tableau était authentique.
      • L’erreur sur l’utilité de la chose
        • L’erreur sur l’utilité de la chose se rapporte à la fausse croyance que l’on a sur l’usage que l’on est légitimement en droit d’attente de la chose
        • Il pourra ainsi s’agir d’une erreur sur :
          • La constructibilité du terrain
          • L’inaptitude de la chose à remplir une certaine fonction
          • Les aptitudes d’un animal
          • Le potentiel d’une société à réaliser son objet social

?Des qualités essentielles qui portent sur la prestation de l’une ou l’autre partie

L’article 1133, al. 2 du Code civil prévoit que « l’erreur est une cause de nullité qu’elle porte sur la prestation de l’une ou de l’autre partie. »

Pourquoi cette précision ?

Le législateur est ici venu consacrer la position de la Cour de cassation qui s’est prononcée sur la question de savoir si l’erreur peut constituer une cause de nullité lorsqu’elle porte sur la propre prestation de l’errans.

Le plus souvent, l’erreur portera, non pas sur la prestation fournie, mais sur la prestation reçue, soit celle exécutée par le cocontractant.

Aussi, quid dans l’hypothèse où l’erreur porte sur la prestation dont est débiteur l’errans ?

Dans le silence des textes, la Cour de cassation a, très tôt, estimé que l’erreur pouvait parfaitement porter sur sa propre prestation (Cass. civ. 23 juin 1873)

Dans un arrêt du 17 novembre 1930, la haute juridiction a, par exemple, considéré que « il y a erreur sur la substance, notamment quand le consentement de l’une des parties a été déterminé par l’idée fausse que cette partie avait de la nature des droits dont elle croyait se dépouiller ou qu’elle croyait acquérir par l’effet du contrat » (Cass. civ. 17 nov. 1930).

Cette solution a été réitérée par la suite, notamment, dans le célèbre arrêt Poussin du 22 février 1978 (Cass. 1ère civ., 22 févr. 1978, n°76-11.551).

L’article 1133, al. 2 du Code civil ne vient, dès lors, que confirmer une jurisprudence déjà bien établie.

?Des qualités essentielles non affectées d’un aléa

Aux termes du nouvel article 1133, alinéa 3 du Code civil « l’acceptation d’un aléa sur une qualité de la prestation exclut l’erreur relative à cette qualité. »

De toute évidence, cette précision faite par le législateur vise à entériner la règle dégagée par la Cour de cassation dans l’arrêt Fragonard

La haute juridiction avait en effet estimé que lorsqu’un doute sur les qualités essentielles de la prestation existe au moment de la conclusion du contrat, soit que ce doute est entré dans le champ contractuel, alors les parties ne sont pas fondées à se prévaloir d’une erreur (Cass. 1ère civ. 24 mars 1987, n°85-15.736).

L’erreur sur les qualités essentielles ne pourra être invoquée que si le doute naît postérieurement à la formation du contrat.

Aussi, l’erreur ne peut être une cause de nullité que si l’errans avait la certitude, au moment où il contractait, que la prestation qu’il fournit ou qui lui est due possède les qualités qu’il croit.

L’erreur obstacle

Aux termes de l’article 1132 du Code civil « l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. »

Il ressort de cette disposition que seules deux catégories d’erreur sont constitutives d’une cause de nullité du contrat :

  • L’erreur sur les qualités essentielles de la prestation due
  • L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant

À ces deux catégories d’erreur, il convient toutefois d’en ajouter une troisième à laquelle ne fait nullement référence l’ordonnance du 10 février 2016 et qui, pourtant regroupe des hypothèses où l’erreur est si grave qu’elle empêche la rencontre même des volontés. Il s’agit de la catégorie des erreurs obstacles.

Nous nous focaliserons ici sur l’erreur obstacle.

I) Notion

Il s’agit de l’erreur qui procède d’un malentendu en ce sens que les parties n’ont pas voulu la même chose.

Aussi, l’erreur est si grave que la rencontre des volontés n’a pas pu se réaliser. Traditionnellement, on distingue deux sortes d’erreur obstacle :

  • L’erreur porte sur la nature de l’acte : une partie croyait acheter un bien alors que l’autre souhaitait simplement la louer.
  • L’erreur porte sur l’objet de la prestation : une partie croyait acheter un immeuble, alors que l’autre entendait vendre un immeuble voisin

II) Effets

L’erreur obstacle a pour effet de priver les parties de leur consentement, de sorte que leurs volontés n’ont pas pu se rencontrer.

Plus qu’un vice du consentement, l’erreur obstacle rend le consentement inexistant

III) Sanction

?La reconnaissance souhaitable de l’inexistence

Dans la mesure où l’erreur obstacle a pour effet de faire « obstacle » à la rencontre des volontés, elle devrait être sanctionnée par l’inexistence.

  • Notion
    • Pour mémoire, l’inexistence consiste en la sanction généralement prononcée à l’encontre d’un acte dont l’un des éléments constitutifs essentiels à sa formation fait défaut.
    • Plus précisément l’inexistence est prononcée lorsque la défaillance qui atteint l’une des conditions de validité de l’acte porte sur son processus de formation
    • Aussi, en matière de contrat, l’inexistence vient-elle généralement sanctionner l’absence d’échange des consentements.
    • Dans un arrêt du 5 mars 1991, la Cour de cassation a approuvé en ce sens une Cour d’appel qui, après avoir relevé qu’aucun échange de consentement n’était intervenu entre les parties, a estimé qu’il n’y avait pas pu y avoir de contrat elles (Cass. 1ère civ., 5 mars 1991, n° 89-17.167)
    • Conformément à cette jurisprudence, l’erreur obstacle devrait donc, en toute logique, être sanctionnée par l’inexistence, comme le soutiennent certains auteurs[1]
    • Tel n’est cependant pas, pour l’heure, la voie empruntée par la Cour de cassation.
  • Intérêt
    • Pourquoi, préférer la sanction de l’inexistence à la nullité ?
    • Dans l’hypothèse, où le non-respect d’une condition de validité du contrat est sanctionné par la nullité, celui qui entend contester l’acte dispose d’un délai de 5 ans pour agir.
    • Conformément à l’article 2224 du Code civil, le point de départ de ce délai de prescription court à compter « du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »
    • Il s’agira, le plus souvent, du jour de la conclusion du contrat
    • Dans l’hypothèse toutefois où la sanction prononcée est l’inexistence de l’acte, le contrat n’a jamais été formé puisque les volontés ne se sont pas rencontrées.
    • Il en résulte que les parties à l’acte inexistant ne sauraient se prévaloir d’aucun droit, sinon de celui de faire constater l’inexistence.
    • Aussi, l’exercice de l’action en inexistence n’est-il subordonné à l’observation d’un quelconque délai de prescription.
    • L’intérêt de la sanction de l’inexistence ne tient pas seulement à l’absence de prescription de l’action.
    • Elle réside également dans l’impossibilité pour les parties de confirmer l’acte.
    • On ne saurait, en effet, confirmer la validité d’un acte qui n’a jamais existé.

?L’indéboulonnable admission de la nullité

Bien que l’inexistence soit, eu égard à tout ce qui vient d’être rappelé, la sanction la plus appropriée quant à répondre à la situation à laquelle conduit l’erreur obstacle, soit l’absence de rencontre des volontés des parties, la jurisprudence a néanmoins préféré opter pour la nullité du contrat (Cass. 3e civ. 16 déc. 2014, n°14-14.168).

Cass. 3e civ., 16 déc. 2014

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Fort-de-France, 24 janvier 2014), que, suivant document d’arpentage du 10 janvier 2000, une parcelle cadastrée K 2, dont Mme Maryse X… et M. Roy X… (les consorts X…) étaient propriétaires indivis, a été divisée en deux parcelles, la première supportant une maison d’habitation et la seconde un garage ; qu’aux termes d’un acte dressé le 3 avril 2001 par M. C…, notaire, membre de la SCP, les consorts X… ont vendu la parcelle cadastrée K 2 à Mme Y… ; que, faisant valoir que la vente ne portait en réalité que sur la parcelle supportant la maison, Mme X… a assigné Mme Y…, M. C… et la SCP en nullité de la vente et en indemnisation de son préjudice ; que M. X…, assisté de son curateur, est intervenu à l’instance ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles 1109 et 1110 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande des consorts X… en nullité de la vente, l’arrêt retient que les vendeurs qui avaient fait procéder à la division du terrain étaient les mieux à même de relever l’erreur de désignation du bien vendu et ne pouvaient opposer leur propre carence à l’acquéreur ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que l’erreur portait sur l’objet même de la vente et faisait obstacle à la rencontre des consentements de sorte que, fût-elle inexcusable, elle entraînait l’annulation de la vente, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il déboute les consorts X… de leur demande contre M. C… et la société civile professionnelle C…, D… et E…, l’arrêt rendu le 24 janvier 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, sur le surplus, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Basse-Terre ;

L’insanité d’esprit comme cause de nullité du contrat

La question qui se pose ici est de savoir si les parties ont voulu contracter l’une avec l’autre ?

?La difficile appréhension de la notion de consentement

Simple en apparence, l’appréhension de la notion de consentement n’est pas sans soulever de nombreuses difficultés.

Que l’on doit exactement entendre par consentement ?

Le consentement est seulement défini de façon négative par le Code civil, les articles 1129 et suivants se bornant à énumérer les cas où le défaut de consentement constitue une cause de nullité du contrat.

L’altération de la volonté d’une partie est, en effet, susceptible de renvoyer à des situations très diverses :

  • L’une des parties peut être atteinte d’un trouble mental
  • Le consentement d’un contractant peut avoir été obtenu sous la contrainte physique ou morale
  • Une partie peut encore avoir été conduite à s’engager sans que son consentement ait été donné en connaissance de cause, car une information déterminante lui a été dissimulée
  • Une partie peut, en outre, avoir été contrainte de contracter en raison de la relation de dépendance économique qu’elle entretient avec son cocontractant
  • Un contractant peut également s’être engagé par erreur

Il ressort de toutes ces situations que le défaut de consentement d’une partie peut être d’intensité variable et prendre différentes formes.

La question alors se pose de savoir dans quels cas le défaut de consentement fait-il obstacle à la formation du contrat ?

Autrement dit, le trouble mental dont est atteinte une partie doit-il être sanctionné de la même qu’une erreur commise par un consommateur compulsif ?

?Existence du consentement et vice du consentement

Il ressort des dispositions relatives au consentement que la satisfaction de cette condition est subordonnée à la réunion de deux éléments :

  • Le consentement doit exister
    • À défaut, le contrat n’a pas pu se former dans la mesure où l’une des parties n’a pas exprimé sa volonté
    • Or cela constitue un obstacle à la rencontre de l’offre et l’acceptation.
    • Dans cette hypothèse, l’absence de consentement porte dès lors, non pas sur la validité du contrat, mais sur sa conclusion même.
    • Autrement dit, le contrat est inexistant.
  • Le consentement ne doit pas être vicié
    • À la différence de l’hypothèse précédente, dans cette situation les parties ont toutes deux exprimé leurs volontés.
    • Seulement, le consentement de l’une d’elles n’était pas libre et éclairé :
      • soit qu’il n’a pas été donné librement
      • soit qu’il n’a pas été donné en connaissance de cause
    • En toutes hypothèses, le consentement de l’un des cocontractants est vicié, de sorte que le contrat, s’il existe bien, n’en est pas moins invalide, car entaché d’une irrégularité.

Nous ne nous focaliserons ici que sur l’exigence relative à l’existence du consentement.

Le nouvel article 1129 du Code civil introduit par l’ordonnance du 10 février 2016 apporte une précision dont il n’était pas fait mention dans le droit antérieur.

Cette disposition prévoit, en effet, que « conformément à l’article 414-1, il faut être sain d’esprit pour consentir valablement à un contrat. ».

Plusieurs observations peuvent être formulées au sujet de cette exigence

?Contenu de la règle

L’article 1129 pose la règle selon laquelle l’insanité d’esprit constitue une cause de nullité du contrat

Autrement dit, pour pouvoir contracter il ne faut pas être atteint d’un trouble mental, à défaut de quoi on ne saurait valablement consentir à l’acte.

Il peut être observé que cette règle existait déjà à l’article 414-1 du Code civil qui prévoit que « pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. »

Cette disposition est, de surcroît d’application générale, à la différence, par exemple de l’article 901 du Code civil qui fait également référence à l’insanité d’esprit mais qui ne se rapporte qu’aux libéralités.

L’article 1129 fait donc doublon avec l’article 414-1.

Il ne fait que rappeler une règle déjà existante qui s’applique à tous les actes juridiques en général

?Insanité d’esprit et incapacité juridique

L’insanité d’esprit doit impérativement être distinguée de l’incapacité juridique :

  • L’incapacité dont est frappée une personne a pour cause :
    • Soit la loi
      • Tel est le cas s’agissant de l’incapacité d’exercice général dont sont frappés les mineurs non émancipés.
    • Soit une décision du juge
      • Tel est le cas s’agissant de l’incapacité d’exercice dont sont frappées les personnes majeures qui font l’objet d’une tutelle, d’une curatelle, d’une sauvegarde de justice ou encore d’un mandat de protection future.
  • L’insanité d’esprit n’a pour cause la loi ou la décision d’un juge : son fait générateur réside dans le trouble mental dont est atteinte une personne.

Aussi, il peut être observé que toutes les personnes frappées d’insanité d’esprit ne sont pas nécessairement privées de leur capacité juridique.

Réciproquement, toutes les personnes incapables (majeures ou mineures) ne sont pas nécessairement frappées d’insanité d’esprit.

À la vérité, la règle qui exige d’être sain d’esprit pour contracter a été instaurée aux fins de protéger les personnes qui seraient frappées d’insanité d’esprit, mais qui jouiraient toujours de la capacité juridique de contracter.

En effet, les personnes placées sous curatelle ou sous mandat de protection future sont seulement frappées d’une incapacité d’exercice spécial, soit pour l’accomplissement de certains actes (les plus graves).

L’article 1129 du Code civil jouit donc d’une autonomie totale par rapport aux dispositions qui régissent les incapacités juridiques.

Il en résulte qu’une action en nullité fondée sur l’insanité d’esprit pourrait indifféremment être engagée à l’encontre d’une personne capable ou incapable.

?Notion d’insanité d’esprit

Le Code civil ne définit pas l’insanité d’esprit.

Aussi, c’est à la jurisprudence qu’est revenue cette tâche

Dans un arrêt du 4 février 1941, la Cour de cassation a jugé en ce sens que l’insanité d’esprit doit être regardée comme comprenant « toutes les variétés d’affections mentales par l’effet desquelles l’intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée » (Cass. civ. 4 févr. 1941).

Ainsi, l’insanité d’esprit s’apparente au trouble mental dont souffre une personne qui a pour effet de la priver de sa faculté de discernement.

Il peut être observé que la Cour de cassation n’exerce aucun contrôle sur la notion d’insanité d’esprit, de sorte que son appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond (V. notamment en ce sens Cass. 1re civ., 24 oct. 2000, n°98-17.341).

Cass. civ. 4 févr. 1941

Vu l’article 901 du Code civil.

Attendu que l’insanité d’esprit prévue par ce texte comme cause de nullité des dispositions à titre gratuit émanées de celui qui en était atteint au moment de ces libéralités, comprend toutes les variétés d’affections mentales par l’effet desquelles l’intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée ;

Attendu que, dans un chef subsidiaire de leurs conclusions d’appel, et pour le cas de rejet de leur demande principale tendant à l’annulation immédiate du testament, les héritiers du sang offraient de prouver par témoins que, dès avant le jugement d’interdiction du 11 mars 1903, et spécialement dans les mois précédents, la débilité mentale et la faiblesse d’esprit de la testatrice la rendaient incapable de régir ses biens et sa personne ; que pour repousser cette offre de preuve, l’arrêt attaqué a retenu dans un motif unique de droit, que par leur définition même et considérées d’une façon abstraite, la “débilité mentale” et la “faiblesse d’esprit” se différenciaient de l’imbécillité, de la démence et de la fureur, seules visées par l’article 489 (auquel ont été substitués les articles 414-1 et 414-2, al. 1er par L. n° 2007-308, 5 mars 2007) comme causes d’interdiction judiciaire et qui, seules, aux dires des juges, auraient pu motiver l’annulation du testament ;

Attendu qu’en restreignant ainsi la portée du mot “insanité d’esprit”, de l’article 901, la cour d’appel a violé ce texte, qui s’imposait à elle eu égard à la nature de la demande, et dont l’application était d’ailleurs requise par les demandeurs concurremment avec celle de l’article 503 (remplacé par l’actuel article 464 en une rédaction modifiée) ;

?Sanction de l’insanité d’esprit

En ce que l’insanité d’esprit prive le contractant de son consentement, elle est sanctionnée par la nullité du contrat.

Autrement dit, le contrat est réputé n’avoir jamais été conclu.

Il est anéanti rétroactivement, soit tant pour ses effets passés, que pour ses effets futurs.

Il peut être rappelé, par ailleurs, qu’une action en nullité sur le fondement de l’insanité d’esprit, peut être engagée quand bien même la personne concernée n’était pas frappée d’une incapacité d’exercice.

L’action en nullité pour incapacité et l’action en nullité pour insanité d’esprit sont deux actions bien distinctes.

La question enfin se pose du régime de la nullité en cas d’insanité d’esprit.

S’il ne fait guère de doute qu’il s’agit d’une nullité relative, dans la mesure où l’article 1129 vise à protéger un intérêt particulier quid de l’application du régime juridique attaché à l’article 414-1 ?

La nullité prévue à cet article est, en effet, régie par l’article 414-2 qui pose des conditions pour le moins restrictives lorsque l’action en nullité est introduite par les héritiers de la personne personnes protégée.

Cette disposition prévoit en ce sens que « après sa mort, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers, pour insanité d’esprit, que dans les cas suivants :

  • 1° Si l’acte porte en lui-même la preuve d’un trouble mental ;
  • 2° S’il a été fait alors que l’intéressé était placé sous sauvegarde de justice ;
  • 3° Si une action a été introduite avant son décès aux fins d’ouverture d’une curatelle ou d’une tutelle ou aux fins d’habilitation familiale ou si effet a été donné au mandat de protection future. »

La question alors se pose si cette disposition est ou non applicable en matière contractuelle.

En l’absence de dispositions contraires, il semble que oui.

Les contrats entre absents (ou par correspondance) : les théories de l’émission et de la réception

?Exposé de la problématique

Lorsqu’un contrat est conclu entre deux personnes présentes physiquement, le moment et le lieu de la rencontre des volontés ne soulèvent aucune difficulté : ils sont identiques.

Il en résulte que la formation du contrat s’opère concomitamment à l’échange des consentements des parties. Il n’y a donc aucun décalage entre les émissions de l’offre et de l’acceptation.

Quid maintenant lorsque le contrat est conclu entre deux personnes absentes, soit lorsque les cocontractants ne sont pas physiquement présents sur un même lieu, ni par eux-mêmes, ni par l’intermédiaire de représentants au moment de l’échange des consentements ?

Il en va ainsi, par exemple, des contrats conclus par courrier, par téléphone ou encore par voie électronique.

Dans cette hypothèse, une incertitude est susceptible d’exister quant à la détermination du lieu et du moment de la formation du contrat.

En effet, les cocontractants étant séparés par une certaine distance, il est nécessaire que l’offre parvienne au destinataire et que, réciproquement, s’il envisage de conclure, que son acceptation soit transmise au pollicitant.

D’où la question du lieu de la conclusion du contrat, voire du moment de sa formation si l’émission de l’acceptation se fait par voie postale.

I) Systèmes envisageables

Afin de déterminer le lieu et le moment de la conclusion d’un contrat entre absents deux systèmes sont envisageables :

  • Le système de l’émission
    • Selon ce système, le contrat est réputé conclu au moment où le destinataire de l’offre se dessaisit de son acceptation.
    • L’idée qui préside à ce système est que le contrat existe dès lors que les volontés des parties ont été exprimées, ce qui correspond au moment où l’acceptant décide de répondre favorablement à l’offre qui lui a été adressée.
    • C’est donc lors de l’émission de son acceptation que la rencontre des volontés se réalise, et donc que le contrat se forme, peu importe que ladite acceptation ne parvienne que plus tard au pollicitant.
  • Le système de la réception
    • Selon ce système, le contrat est réputé formé lorsque le pollicitant reçoit l’acceptation du destinataire de l’offre.
    • L’idée est qu’une personne qui a l’intention de s’engager par un contrat n’entend pas l’être sans le savoir.
    • Or c’est ce à quoi conduirait le système précédent.
    • Si l’on adhère, en effet, au système de l’émission cela revient à admettre que le pollicitant soit engagé au contrat, alors même que l’acceptation ne lui est pas parvenue.
    • Le système de la réception prend dès lors le contre-pied en posant que le contrat n’est parfait qu’au moment où le pollicitant est informé de l’acceptation.

II) Intérêts pratiques

?Intérêts pratiques du lieu de formation du contrat

  • En droit interne
    • Principe
      • En droit interne la compétence territoriale n’est plus, depuis l’adoption du nouveau Code de procédure civile, déterminée par le lieu de conclusion du contrat
    • Exception
      • En droit du travail, l’article R. 517-1, al. 3 du Code du travail prévoit que « le salarié peut toujours saisir le conseil de prud’hommes du lieu où l’engagement a été contracté ou celui du lieu où l’employeur est établi. »
  • En droit international
    • Principe
      • En droit international, la loi applicable au contrat qui comporte un élément d’extranéité est, d’abord, celle choisie par les parties.
      • Ainsi, c’est le principe d’autonomie qui préside à la détermination de la loi applicable en matière de contrat international
    • Exception
      • À défaut de choix des parties, après avoir longtemps appliqué aux contrats la loi de la conclusion du contrat, la jurisprudence a opté pour la théorie de la localisation du contrat, en ce sens que « à défaut de déclaration expresse [des parties], il appartient aux juges du fond de rechercher, d’après l’économie de la convention et les circonstances de la cause, quelle est la loi qui doit régir les rapports des contratants » (Cass. 1ère civ., 6 juill. 1959)
      • Selon cette théorie, le juge pourra, de la sorte, prendre en compte pour déterminer la loi applicable au contrat, le lieu de conclusion, d’exécution ou encore de domiciliation des parties.
      • Aussi, l’analyse de ces différents critères permettra au juge de déterminer l’ordre juridique avec lequel le contrat présente les rattachements les plus significatifs.
  • En droit de l’Union Européenne
    • Principe
      • Aux termes de l’article 4 §2 du règlement « Rome I », « le contrat est régi par la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle. »
    • Exceptions
      • L’article 4 §3 prévoit néanmoins que « lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances de la cause que le contrat présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé au paragraphe 1 ou 2, la loi de cet autre pays s’applique. »
      • L’article 4 §1 prévoit, quant à lui, que certains contrats sont soumis à un rattachement spécial, ce qui dépend de leur nature.
      • Ainsi, « À défaut de choix exercé conformément à l’article 3 et sans préjudice des articles 5 à 8, la loi applicable au contrat suivant est déterminée comme suit:
        • a)le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle;
        • b)le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel le prestataire de services a sa résidence habituelle;
        • c)le contrat ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail d’immeuble est régi par la loi du pays dans lequel est situé l’immeuble;
        • d)nonobstant le point c), le bail d’immeuble conclu en vue de l’usage personnel temporaire pour une période maximale de six mois consécutifs est régi par la loi du pays dans lequel le propriétaire a sa résidence habituelle, à condition que le locataire soit une personne physique et qu’il ait sa résidence habituelle dans ce même pays;
        • e)le contrat de franchise est régi par la loi du pays dans lequel le franchisé a sa résidence habituelle;
        • f)le contrat de distribution est régi par la loi du pays dans lequel le distributeur a sa résidence habituelle;
        • g)le contrat de vente de biens aux enchères est régi par la loi du pays où la vente aux enchères a lieu, si ce lieu peut être déterminé;
        • h)le contrat conclu au sein d’un système multilatéral qui assure ou facilite la rencontre de multiples intérêts acheteurs et vendeurs exprimés par des tiers pour des instruments financiers, au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 17), de la directive 2004/39/CE, selon des règles non discrétionnaires et qui est régi par la loi d’un seul pays, est régi par cette loi. »

?Intérêts pratiques de la date de conclusion du contrat

  • La possibilité de rétractation du consentement
    • Si l’offre n’engage pas son auteur, dès lors qu’elle n’est pas parvenue au destinataire, il s’agit de savoir jusqu’à quelle date le pollicitant peut se rétracter.
    • Il s’agit également de savoir à quel moment l’acceptant peut révoquer son acceptation.
  • L’application de la loi dans le temps
    • En principe, la loi applicable est la loi en vigueur au jour de la conclusion du contrat
    • Qu’en est-il lorsqu’une loi nouvelle est adoptée entre le jour de l’émission de l’acceptation et le jour de réception ?
      • Si l’on retient la date d’émission, la loi nouvelle ne s’appliquera pas
      • Si l’on retient la date de réception de l’acceptation, la loi nouvelle aura vocation à s’appliquer
  • Le moment du transfert de propriété et du transfert des risques
    • Dans les contrats translatifs de propriété, le transfert de propriété d’une partie à l’autre s’opère au moment de la conclusion du contrat
    • Dès lors, qu’en est-il lorsque la chose est détruite le jour de l’émission de l’acceptation ou de celui de sa réception ?
      • Si l’on retient la date d’émission de l’acceptation, le contrat est formé au jour où la chose est détruite : le transfert de propriété s’est donc réalisé à la faveur du vendeur
        • Dans cette hypothèse, il reviendra à l’acquéreur de procéder au paiement du prix
      • Si l’on retient la date de réception de l’acceptation, le contrat ne sera pas formé au jour où la chose est détruite : le transfert de propriété ne s’est donc pas réalisé.
        • Le contrat sera, nul en raison de l’absence d’objet, de sorte que le vendeur ne pourra pas se faire payer.
  • La capacité des cocontractants
    • La détermination de la date de formation du contrat permet de savoir si, au moment où la convention a été conclue, les parties avaient la capacité juridique de contracter
    • À défaut, le contrat sera nul en raison du non-respect d’une condition de validité du contrat.
  • Point de départ de la prescription
    • En matière de nullité, le point de départ de la prescription est la date de conclusion du contrat

III) Solutions jurisprudentielles

Il peut être observé que jusqu’à l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, le Code civil ne comportait aucune disposition relative à la conclusion des contrats entre absents.

Aussi, c’est à la jurisprudence qu’est revenue la tâche d’en définir le régime juridique. Sur ce point, elle a connu de nombreuses évolutions :

  • Première étape : refus de contrôle de qualification
    • Dans un arrêt du 6 août 1867, la Cour de cassation considère d’abord que la détermination de la date et du lieu de conclusion du contrat est une question qui relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond
    • La Cour de cassation se refuse donc à exercer tout contrôle de qualification.
    • Il s’agit, selon elle, d’une question de purs faits.
  • Deuxième étape : adoption du système de l’émission
    • Dans un arrêt du 21 mars 1932, la Cour de cassation opte pour le système de l’émission en estimant que « la formation de la promesse est réalisée, et le contrat rendu parfait par l’acceptation des propositions qui sont faites, dès l’instant où cette acceptation a lieu »
    • Manifestement, cet arrêt n’a pas reçu un très bon accueil de la doctrine, les auteurs ayant cherché à en minimisant la portée, en arguant qu’il ne s’agissait là que d’un arrêt de rejet.
    • Le système de l’émission conduit, en effet, à considérer que le contrat est conclu dès l’émission de l’acceptation alors même que le pollicitant n’en a pas eu connaissance.
    • D’où la réticence de la doctrine envers cette solution.
    • Dans l’arrêt en l’espèce, il s’agissait cependant de favoriser la volonté d’un employé de contracter avec le pollicitant.

Cass. Req., 21 mars 1932

La Cour ; —… Au fond : — Attendu que l’article 420, § 2, du Code de procédure civile attribue compétence au tribunal dans l’arrondissement duquel la promesse a été faite et la marchandise livrée ; que, d’une part, la formation de la promesse est réalisée, et le contrat rendu parfait par l’acceptation des propositions qui sont faites, dès l’instant où cette acceptation a lieu ; qu’en réponse à une lettre de la compagnie Le Llyod de France du 6 juillet 1927 proposant à Faucheux les conditions de son engagement comme inspecteur de la compagnie, celui-ci, par lettre expédiée de Gannat à la compagnie le 14 août 1927, acceptait ces propositions ; que de nouvelles conditions ayant été proposées par lettre de la compagnie du 23 janvier 1929, Faucheux les accepta par lettre expédiée de Gannat le 29 janvier 1929 ; que c’est donc à Gannat, où a eu lieu l’acceptation de Faucheux, que s’est réalisée la formation de la promesse ; que, d’autre part, les services d’inspecteur de Faucheux devant, aux termes de la lettre du 6 juillet 1927, être exécutés dans le département de l’Allier et à Gannat, c’est Gannat qui est, en même temps que le lieu de la promesse, le lieu de la livraison, celui-ci, en effet, étant, en la cause, le lieu de la prestation des services ; — Attendu, en outre, que compétence est attribuée par l’article 420, § 3, au tribunal du lieu où doit s’effectuer le payement, et que cette disposition, qui, par sa généralité, embrasse les contrats relatifs à tout ce qui tient au commerce, s’applique nécessairement au louage de services ; qu’il résulte de la correspondance des parties, et notamment des lettres de la compagnie du 23 septembre 1927, 10 janvier et 5 mars 1928, que le règlement des sommes dues à Faucheux se faisait par l’envoi de chèques tirés sur la Société Générale à Gannat, payables et encaissés dans cette ville ; que la remise d’un chèque, par un débiteur à son créancier, ne le libère pas immédiatement et ne réalise pas un payement, la libération et le payement ne se produisant que par l’encaissement définitif ; que, dès lors, c’est le lieu dans lequel doit se faire l’encaissement, et non celui de la remise du chèque, qui, en conformité de l’article 420, § 3, détermine la compétence ; — Attendu que le tribunal de commerce de Montluçon a donc été, dans la cause, compétemment saisi par application de l’article 420, § 2 et 3, du Code de procédure civile ; — Par ces motifs, déclare la requête en règlement de juges formée par la compagnie d’assurances sur la vie Le Llyod de France mal fondée, la rejette ; dit que le tribunal de Montluçon est compétent pour connaître de la cause

  • Troisième étape : hésitations jurisprudentielles
    • Entre les années 1950 et 1980, la jurisprudence a été pour le moins hésitante quant à l’adoption de l’un ou l’autre système.
    • Tantôt la Cour de cassation optait pour le système de l’émission (Cass. soc., 2 juill. 1954), tantôt elle adoptait le système de la réception (Cass. 1re civ., 21 déc. 1960)
    • Dans un arrêt du 21 novembre 1966, la chambre commerciale est allée jusqu’à renouer avec la première solution retenue en la matière, soit celle consistant à considérer qu’il s’agissait d’une question de purs faits (Cass. com. 21 nov. 1966).
    • Ainsi, les arrêts rendus durant cette période sont-ils contradictoires.
  • Quatrième étape : retour à la théorie de l’émission
    • Dans un arrêt du 7 janvier 1981, la Cour de cassation a semblé arrêter son choix sur la théorie de l’émission au grand dam de la doctrine.
    • Elle a considéré en ce sens que « faute de stipulation contraire, l’acte du 10 juin 1975 était destiné à devenir parfait, non pas par la réception par la société l’aigle de l’acceptation de la société comase, mais par l’émission par celle-ci de cette acceptation » (Cass. com. 7 janv. 1981, n°79-13.499).
      • Faits
        • En l’espèce, une offre assortie d’un délai de trente jours avait été émise.
        • Le destinataire de l’offre pouvait établir qu’il avait envoyé son acceptation avant l’expiration du délai.
        • Toutefois, il ne pouvait pas prouver que le pollicitant l’avait reçue dans le délai prévu.
      • Solution
        • La Cour de cassation décide que le contrat était réputé parfait, non pas à la réception de l’acceptation, mais à l’émission.
        • Il n’y avait donc pas à rechercher à quelle date le pollicitant avait reçu l’acceptation pour déterminer à quelle date le contrat avait été conclu.

Cass. com. 7 janv. 1981

Sur le moyen unique :

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaque (paris, 27 avril 1979) que, par acte du 10 juin 1975, la société l’aigle distribution (société l’aigle) s’est engagée a acheter pendant trois ans a la société mazout service comase (société comase), une certaine quantité de carburant; qu’une clause de l’acte prévoyait : la présente convention n’entrera en vigueur qu’après sa signature par le représentant habilite de la société comase qui disposera a cet effet d’un délai de trente jours a compter de la signature du client. Passé ce délai, les parties deviendront libres de tout engagement;

Attendu qu’il est reproche a la cour d’appel d’avoir condamne la société l’aigle à payer des dommages et intérêts a la société comase en réparation du préjudice a elle cause par la résiliation aux torts de ladite société l’aigle de la convention susvisée en retenant que la société comase avait accepté celle-ci dans le délai prévu, alors, selon le pourvoi, que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, que la société comase devait donc apporter la preuve qu’elle avait fait connaitre son acceptation a la société l’aigle distribution avant le 10 juillet 1975, qu’en fondant sa décision sur la seule considération qu’était versée aux débats une lettre de la société comase, datée du 3 juillet 1975, que la société l’aigle distribution ne pouvait pas lui être parvenue postérieurement au 10 juillet, la cour d’appel a renversé la charge de la preuve, qu’il appartenait à la seule société comase de prouver que la lettre était parvenue avant la date limite et non à la société l’aigle distribution d’apporter la preuve du contraire, qu’en ne recherchant pas par ailleurs si la lettre était parvenue avant le 10 juillet a la société destinataire, la cour a privé sa décision de base légale;

Mais attendu que, faute de stipulation contraire, l’acte du 10 juin 1975 était destine a devenir parfait, non pas par la réception par la société l’aigle de l’acceptation de la société comase, mais par l’émission par celle-ci de cette acceptation; que le moyen, qui soutient le contraire, est dépourvu de fondement;

Par ces motifs :

Rejette le pourvoi formé contre l’arrêt rendu le 27 avril 1979 par la cour d’appel de paris.

  • Cinquième étape : l’abandon du système de l’émission
    • Dans un arrêt du 17 septembre 2014, la Cour de cassation a semblé abandonner le système de l’émission, à la faveur de la théorie de la réception (Cass. 3e civ. 17 sept. 2014, n°13-21.824)
      • Faits
        • Par acte du 16 janvier 2004, des vendeurs s’engagent à vendre une maison à un acquéreur
        • le 11 février 2004, le notaire, chargé des actes, a notifié à la commune d’Alignan-du-vent (la commune) une déclaration d’intention d’aliéner
        • La commune a cependant exercé son droit de préemption lors de sa délibération du 29 mars 2004
        • Aussi, notifie-t-elle sa décision de préemption aux vendeurs par lettre du 2 avril
        • Toutefois, par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er avril 2004, le notaire informe la commune de ce que les vendeurs ont résilié la promesse de vente
      • Demande
        • Après reconnaissance de la régularité de l’exercice du droit de préemption par la juridiction administrative, la commune a assigné les vendeurs en perfection de la vente ;
      • Procédure
        • Par un arrêt du 23 mai 2013, la Cour d’appel de Montpellier déboute la commune de sa demande
        • Les juges du fond estiment que le contrat n’était pas parfait au moment de l’exercice du droit de rétractation des vendeurs
      • Solution
        • La Cour de cassation approuve alors les juges du fond d’avoir « retenu à bon droit que l’offre de vente résultant de la déclaration d’intention d’aliéner constituait jusqu’à son acceptation par le titulaire du droit de préemption une simple pollicitation qui pouvait être rétractée unilatéralement »
        • Plus précisément, la Cour de cassation relève, en l’espèce, que les vendeurs exercent leur droit de rétractation avant que la commune ne leur notifie son intention d’acquérir leur maison.
        • Aussi, selon que l’on adopte le système de l’émission ou de la réception, la Cour de cassation pouvait adopter deux solutions radicalement différentes :
          • Si l’on applique la jurisprudence traditionnelle, soit le système de l’émission, alors le contrat doit être réputé formé dès la délibération de la commune par laquelle elle manifeste sa volonté d’exercer son droit de préemption et donc d’acquérir la maison
          • Si, en revanche, on applique le système de la réception, alors le contrat ne peut être formé qu’au moment où les vendeurs prennent connaissance de la décision de la commune d’exercer son droit de préemption.
        • En l’espèce, la Cour de cassation considère que « la décision de préempter n’avait pu prendre effet puisqu’à sa notification intervenue au mieux le 3 avril, [or] Mme X… avait rétracté son intention d’aliéner avant que la commune ne lui signifie son intention d’acquérir ».
        • Autrement dit, selon la haute juridiction, dans la mesure où la notification du droit de préemption, soit la décision d’acceptation a été portée à la connaissance des vendeurs après qu’ils ont exercé leur droit rétractation, cela constituait un obstacle à la conclusion du contrat.
        • La Cour de cassation fait donc une application stricte de la théorie de la réception.

Cass. 3e civ. 17 sept. 2014

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 23 mai 2013), que, par acte du 16 janvier 2004, Mme X… a promis de vendre une maison à M. Y… ; que le 11 février 2004, la société civile professionnelle Vidal-Cabannes (la SCP), chargée des actes, a notifié à la commune d’Alignan-du-vent (la commune) une déclaration d’intention d’aliéner ; que la commune a exercé son droit de préemption lors de sa délibération du 29 mars 2004 et l’a notifié par lettre du 2 avril à Mme X… et M. Y… ; que, par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er avril 2004, la SCP a informé la commune de ce que Mme X… et M. Y… avaient résilié la promesse de vente; qu’après reconnaissance de la régularité de l’exercice du droit de préemption par la juridiction administrative, la commune a assigné Mme X… en perfection de la vente ;

Attendu que la commune fait grief à l’arrêt de la débouter, alors, selon le moyen :

1°/ que, selon l’article 689 du code de procédure civile, lorsqu’elle est faite à personne, la notification est toujours valable quel que soit le lieu où elle est délivrée ; qu’il en résulte que la notification de la décision de préemption au domicile réel du propriétaire, qui en a accusé réception, est toujours valable, peu important que celui-ci ait élu domicile chez son notaire ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que la décision de préemption de la commune d’Alignan-du-Vent du 29 mars 2004 avait été notifiée à Mme X… par lettre recommandée du 1er avril 2004, laquelle en avait accusé réception le 3 avril ; qu’en retenant que cette notification était irrégulière dès lors qu’elle aurait dû être adressée à l’adresse du mandataire de la propriétaire mentionnée sur la déclaration d’intention d’aliéner, à savoir le notaire chez lequel Mme X… avait fait élection de domicile, la cour d’appel a violé le texte susvisé, ensemble l’article R. 213-8 du code de l’urbanisme ;

2°/ qu’en matière de préemption, la vente est parfaite à la date à laquelle l’autorité titulaire du droit de préemption adresse au déclarant sa lettre de notification de la décision de préemption dès lors qu’à cette date, ladite autorité n’a été saisie d’aucune rétractation de la déclaration ; qu’en décidant que la vente n’était pas parfaite entre les parties après avoir constaté que la lettre portant notification de la décision de préemption avait été déposée au bureau de poste le 2 avril 2004, cependant que c’est le 3 avril 2004 seulement que la commune avait reçu du notaire de la déclarante notification de l’intention de cette dernière de renoncer à la vente, la cour d’appel a violé les articles 1583 du code civil, L. 213-7 et R. 213-8 du code de l’urbanisme ;

Mais attendu qu’ayant relevé, abstraction faite d’un motif erroné mais surabondant, que Mme X… et M. Y… avaient pris la décision de résilier la vente le 1er avril 2004 et que cette décision avait été notifiée par lettre recommandée postée le 1er avril 2004 et réceptionnée en mairie le 3 avril 2004, la cour d’appel, qui a retenu à bon droit que l’offre de vente résultant de la déclaration d’intention d’aliéner constituait jusqu’à son acceptation par le titulaire du droit de préemption une simple pollicitation qui pouvait être rétractée unilatéralement, a pu en déduire que la décision de préempter n’avait pu prendre effet puisqu’à sa notification intervenue au mieux le 3 avril, Mme X… avait rétracté son intention d’aliéner avant que la commune ne lui signifie son intention d’acquérir ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

IV) L’ordonnance du 10 février 2016 : consécration du système de la réception

Aux termes de l’article 1121 du Code civil introduit par l’ordonnance du 10 février 2016 « le contrat est conclu dès que l’acceptation parvient à l’offrant. Il est réputé l’être au lieu où l’acceptation est parvenue. »

Ainsi, le législateur a-t-il entendu consacrer la théorie de la réception.

Désormais, le contrat est donc réputé formé au moment même où l’acceptation parvient au pollicitant, de sorte que celui-ci n’est plus susceptible d’être engagé dans les liens contractuels alors même qu’il ignore l’acceptation du destinataire de l’offre.

Le régime juridique de l’acceptation: notion, caractères, étendue, manifestation et réforme des obligations

?Théorie de l’offre et de l’acceptation

Le contrat n’est autre que le produit de la rencontre des volontés. Plus précisément, cette rencontre des volontés s’opère, en simplifiant à l’extrême, selon le processus suivant :

  • Premier temps : une personne, le pollicitant, émet une offre de contracter
  • Second temps : l’offre fait l’objet d’une acceptation par le destinataire

Si, pris séparément, l’offre et l’acceptation ne sont que des manifestations unilatérales de volontés, soit dépourvues d’effet obligatoire, lorsqu’elles se rencontrent, cela conduit à la création d’un contrat, lui-même générateur d’obligations.

Tous les contrats sont le fruit d’une rencontre de l’offre et de l’acceptation, peu importe que leur formation soit instantanée où s’opère dans la durée.

Aussi, en dehors de la rencontre de l’offre et de l’acceptation aucun contrat ne saurait valablement se former, cette rencontre traduisant l’échange des consentements des parties.

Or conformément à la théorie de l’autonomie de la volonté, seules les parties qui ont exprimé leur consentement au contrat peuvent s’obliger. On saurait, en effet, contraindre une personne à contracter, sans qu’elle y consente.

?Réforme des obligations

Curieusement, en 1804, les rédacteurs du Code civil se sont surtout focalisés sur les conditions de validité et sur l’exécution du contrat.

Aussi, cela s’est fait au détriment du processus de conclusion du contrat qui était totalement ignoré par le Code civil.

Aucune disposition n’était, en effet, consacrée à la rencontre des volontés, alors même qu’il s’agit là du fait générateur du contrat.

Afin de remédier à cette carence, c’est donc à la jurisprudence qu’est revenue la tâche de bâtir la théorie de l’offre et de l’acceptation, notamment à partir des dispositions relatives au consentement des parties.

Il ne restait alors plus qu’au législateur de consacrer cette construction prétorienne lors de la réforme du droit des obligations.

C’est ce qu’il a fait lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016 qui a introduit dans le Code civil plusieurs dispositions qui régissent le processus de conclusion du contrat (art. 1113 à 1122).

En introduction de la sous-section relative à « l’offre et l’acceptation », le nouvel article 1113 prévoit désormais que « le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager. ».

Nous nous focaliserons ici sur le régime de l’acceptation.

I) Notion

L’acceptation est définie à l’article 1118 du Code civil comme « la manifestation de volonté de son auteur d’être lié dans les termes de l’offre. »

Pour mémoire, l’article 1114 du Code civil définit l’offre comme « la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation ».

Ainsi l’acceptation apparaît-elle comme le miroir de l’offre. Et pour cause, dans la mesure où elle est censée venir à sa rencontre. L’acceptation est, en ce sens l’acte unilatéral par lequel l’acceptant signifie au pollicitant qu’il entend consentir au contrat.

À la différence, néanmoins, de l’offre, l’acceptation, lorsqu’elle est exprimée, a pour effet de parfaire le contrat.

Quand, en d’autres termes, l’offre rencontre l’acceptation, le contrat est, en principe, réputé formé. Le pollicitant et l’acceptant deviennent immédiatement liés contractuellement. L’acceptation ne réalisera, toutefois, la rencontre des volontés qu’à certaines conditions

II) Conditions

Afin d’être efficace, l’acceptation doit répondre à 3 conditions cumulatives qui tiennent

  • D’une part, au moment de son intervention
  • D’autre part, à ses caractères
  • Enfin, à son étendue

A) Le moment de l’acceptation

L’acceptation doit nécessairement intervenir avant que l’offre ne soit caduque

Aussi, cela signifie-t-il que l’acceptation doit avoir été émise :

  • Soit pendant le délai stipulé par le pollicitant
  • Soit, à défaut, dans un délai raisonnable, c’est-à-dire, selon la jurisprudence, pendant « le temps nécessaire pour que celui à qui [l’offre] a été adressée examine la proposition et y réponde » (Cass. req., 28 févr. 1870)

Lorsque l’acceptation intervient en dehors de l’un de ces délais, elle ne saurait rencontrer l’offre qui est devenue caduque.

L’acceptation est alors privée d’efficacité, en conséquence de quoi le contrat ne peut pas être formé.

B) Les caractères de l’acceptation

?L’acceptation pure et simple

Pour être efficace, l’acceptation doit être pure et simple.

En d’autres termes, il n’existe véritablement d’acceptation propre à former le contrat qu’à la condition que la volonté de l’acceptant se manifeste de façon identique à la volonté du pollicitant.

La Cour de cassation a estimé en ce sens que le contrat « ne se forme qu’autant que les deux parties s’obligent dans les mêmes termes » (Cass. 2e civ., 16 mai 1990, n°89-13.941).

Par pure et simple, il faut donc entendre, conformément à l’article 1118, al. 1er, que l’acceptation doit avoir été formulée par le destinataire de l’offre de telle sorte qu’il a exprimé sa volonté claire et non équivoque « d’être lié dans les termes de l’offre. »

?La modification de l’offre

L’article 1118, al. 3 du Code civil prévoit que « l’acceptation non conforme à l’offre est dépourvue d’effet, sauf à constituer une offre nouvelle. »

Lorsque, dès lors, l’acceptant émet une réserve à l’offre sur un ou plusieurs de ses éléments ou propose une modification, l’acceptation s’apparente à une contre-proposition insusceptible de réaliser la formation du contrat.

Au fond, l’acceptation se transforme en une nouvelle offre que le pollicitant initial peut ou non accepter.

En toutes hypothèses, le contrat n’est pas formé

Le pollicitant et le destinataire de l’offre doivent, en somme, être regardés comme des partenaires dont la rencontre des volontés n’est qu’au stade des pourparlers.

Aussi, la conclusion définitive du contrat est-elle subordonnée à la concordance parfaite entre l’offre et l’acceptation.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par une « acceptation non conforme à l’offre ».

  • Conceptions envisageables
    • Première conception
      • L’acceptation est non conforme à l’offre, dès lors qu’une réserve ou une proposition de modification est émise par le destinataire
    • Seconde conception
      • Afin de déterminer si l’acceptation est non conforme à l’offre, il convient de distinguer selon que la réserve ou la proposition de modification porte ou non sur un élément essentiel du contrat.
  • La jurisprudence
    • La jurisprudence considère que le contrat n’est réputé formé qu’à la condition que l’offre et l’acceptation se rencontrent sur les éléments essentiels du contrat (V. en ce sens Cass. req., 1er déc. 1885).
    • Dans un arrêt du 28 février 2006, la Cour de cassation a ainsi reconnu la conformité d’une acceptation à l’offre en relevant « qu’un accord de volontés était intervenu entre les parties sur les éléments qu’elle-même tenait pour essentiels même si des discussions se poursuivaient par ailleurs pour parfaire le contrat sur des points secondaires et admis s’être engagée » (Cass. com. 28 févr. 2006, n°04-14.719)
    • Il résulte de cette décision que, dès lors que l’acceptation a porté sur les éléments essentiels du contrat, elle est réputée conforme à l’offre
    • A contrario, cela signifie que lorsque la réserve émise par le destinataire de l’offre porte sur des éléments accessoires au contrat, elle ne fait pas obstacle à la rencontre de l’acceptation et de l’offre.
    • Toutefois, dans l’hypothèse où la réserve exprimée par le destinataire de l’offre porte sur un élément accessoire tenu pour essentiel par l’une des parties, elle s’apparente à une simple contre-proposition, soit à une nouvelle offre et non à acceptation pure et simple de nature à parfaire le contrat (Cass. 3e civ. 27 mai 1998).
  • L’ordonnance du 10 février 2016
    • Si l’article 1118, al. 3 du Code civil prévoit que « l’acceptation non conforme à l’offre est dépourvue d’effet », cette disposition se garde bien de préciser ce que l’on doit entendre par « acceptation non conforme à l’offre. »
    • Toutefois, la formule « sauf à constituer une offre nouvelle », laisse à penser que le législateur a entendu consentir une certaine latitude au juge quant à l’appréciation de la conformité de l’acceptation à l’offre.
    • Est-ce à dire que la distinction établie par la jurisprudence entre les réserves qui portent sur des éléments essentiels du contrat et les réserves relatives à des éléments contractuels accessoires a été reconduite ?
    • On peut raisonnablement le penser, étant précisé que pour apprécier la conformité de l’acceptation à l’offre le juge se référera toujours à la commune intention des parties.

C) L’étendue de l’acceptation

À supposer que l’acceptation soit identique à l’offre, encore faut-il, pour être efficace, que l’acceptant ait eu connaissance de tous les éléments du contrat.

La question alors se pose de savoir si l’émission de l’acceptation permet de considérer que le destinataire de l’offre n’est engagé que s’agissant des seuls éléments du contrat dont il a eu connaissance, ou si, au contraire, l’acceptation vaut pour toutes les clauses, y compris celles dont il n’a pas pris connaissance lors de la conclusion du contrat.

Plusieurs sortes de documents doivent être distinguées :

  • Les documents contractuels signés
    • S’agissant des documents contractuels signés, la jurisprudence pose une présomption simple de connaissance des stipulations contractuelles par le destinataire de l’offre (Cass. 1re civ. 20 janv. 1993).
    • Aussi, lui appartiendra-t-il de prouver, en cas de clause sibylline ou peu apparente, qu’il n’en a pas eue connaissance, de sorte que son acceptation n’a pas pu rencontrer l’offre dans tous ses éléments (V. en ce sens Cass. 1re civ., 3 mai 1979).
  • Les conditions générales
    • Notion
      • Tout d’abord, il peut être observé, à titre de remarque liminaire, que les conditions générales se rencontrent, le plus souvent, dans les contrats d’adhésion, soit les contrats dont les stipulations ne sont pas susceptibles d’être discutées par les parties, l’une ne laissant pour seul choix à l’autre que d’adhérer en bloc au contrat ou, à défaut, de ne pas contracter.
      • L’article 1110 du Code civil définit encore le contrat d’adhésion comme « celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties. »
      • Aucune définition n’ayant été donnée par le législateur des conditions générales, c’est vers la doctrine qu’il convient de se tourner.
      • Un auteur définit les conditions générales comme « les clauses abstraites, applicables à l’ensemble des contrats individuels ultérieurement conclus, rédigées par avance et imposées par un contractant à son partenaire »[2]
      • Les conditions générales sont, autrement dit, les stipulations qui figurent sur un document contractuel prérédigé.
    • Valeur contractuelle
      • Quelle valeur donner aux conditions générales ?
      • Aux termes de l’article 1119 du Code civil, « les conditions générales invoquées par une partie n’ont effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées. »
      • Il ressort de cette disposition que, pour être opposables au destinataire de l’offre, les conditions générales doivent avoir été
        • d’une part, portées à sa connaissance
        • d’autre part, acceptées par lui
      • L’examen de la jurisprudence révèle que la satisfaction de ces deux conditions cumulatives peut être établie de deux façons :
        • Tout d’abord, les conditions générales sont présumées avoir été portées à la connaissance du destinataire de l’offre et acceptées par lui lorsque figure sur le document contractuel signé la mention par laquelle le signataire reconnaît avoir pris connaissance et accepté les conditions générales (V. en ce sens Cass. 1re civ. 20 janv. 1993)
        • Ensuite, les conditions générales doivent, soit figurer sur le document contractuel signé, soit être expressément visé par ce dernier (Cass. 1re civ., 16 févr. 1999).
    • Conflit entre conditions générales ou avec les conditions particulières
      • Il peut arriver qu’une discordance existe, soit entre les conditions générales entre elles, soit entre les conditions générales et les conditions particulières.
      • Dans les deux cas on ne saurait manifestement estimer que le destinataire de l’offre a accepté les conditions générales
      • Est-ce à dire que ces discordances sont susceptibles de faire obstacle à la rencontre de l’offre et de l’acceptation ?
      • L’ordonnance du 10 février 2016 a introduit deux règles qui permettent de régler ce genre de conflits
        • S’agissant des discordances entre les conditions générales entre elles
          • L’article 1119, al. 2 prévoit que « en cas de discordance entre des conditions générales invoquées par l’une et l’autre des parties, les clauses incompatibles sont sans effet. »
          • La solution retenue par le législateur vient confirmer la jurisprudence antérieure (Cass. com. 20 nov. 1984)
          • Dans la mesure où les conditions générales sont, la plupart du temps, stipulées à la faveur du pollicitant, leur anéantissement ne saurait porter atteinte aux intérêts du destinataire de l’offre.
          • Ajouté à cela, le nouvel article 1190 du Code civil dispose que le contrat d’adhésion s’interprète contre celui qui l’a proposé.
        • S’agissant des discordances entre les conditions générales et les stipulations particulières
          • Le législateur a repris la jurisprudence antérieure qui estimait que les conditions particulières primaient sur les conditions générales (Cass. 1re civ., 9 févr. 1999).
          • L’article 1119, al. 3 du Code civil prévoit en ce sens que « en cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particulières, les secondes l’emportent sur les premières. »
  • Les documents publicitaires
    • Quid du sort des documents publicitaires sur le fondement desquels, le destinataire de l’offre s’est engagé ?
    • L’acceptation a-t-elle pour effet de les faire entrer dans le champ contractuel, de sorte que les stipulations obligent l’acceptant ?
    • La jurisprudence estime de façon constante que « les documents publicitaires peuvent avoir une valeur contractuelle dès lors que, suffisamment précis et détaillés, ils ont eu une influence sur le consentement du cocontractant » (Cass. 1ère civ., 6 mai 2010, n°08-14.461).
    • Il en résulte que, dans l’hypothèse où le contrat signé ne reprend pas les stipulations figurant sur les documents publicitaires, le destinataire de l’offre sera malgré tout tenu de les respecter.
  • Les documents annexes
    • Il s’agit de tous les documents accessoires au contrat principal, soit les brochures, affiches ou encore les écriteaux, lesquels seront, le plus souvent, portés à la connaissance du destinataire de l’offre que postérieurement à la conclusion du contrat.
    • L’examen de la jurisprudence révèle que les documents annexes n’entrent dans le champ contractuel qu’à la condition qu’ils aient été portés à la connaissance du signataire, préalablement à l’acception (V. en ce sens Cass. com., 10 févr. 1959)
    • Aussi, sauf à ce que le contrat signé fasse expressément référence aux documents annexes, ils seront présumés être inopposables à l’acceptant
    • Il appartiendra donc au pollicitant de prouver que le destinataire de l’offre a bien eu connaissance des documents annexes.

III) Manifestation de l’acceptation

Aux termes de l’article 1118, « l’acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d’être lié dans les termes de l’offre. »

Aussi, ressort-il de cette disposition que pour être efficace, l’acceptation doit être extériorisée.

Dans la mesure où le consensualisme préside au processus de rencontre des volontés, la validité du contrat n’est subordonnée, en principe, à la satisfaction d’aucunes formes en particulier (V. en ce sens Cass. 3e civ. 27 nov. 1990, n°89-14.033).

Conséquemment, trois hypothèses peuvent être envisagées :

A) L’acceptation est expresse

Il s’agit de l’hypothèse où l’acceptation est exprimée par le destinataire de l’offre au moyen d’un écrit, de la parole ou d’un geste.

Dans cette situation, l’efficacité de l’acceptation ne soulève guère de difficulté, dans la mesure où la volonté de l’acceptant sera dépourvue d’ambiguïté.

B) L’acceptation tacite

L’acceptation est tacite lorsque la volonté du destinataire de l’offre de l’accepter résulte des circonstances de faits.

La situation la plus courante est l’exécution par l’acceptant du contrat, objet de l’offre.

Dans un arrêt du 25 juin 1991, la Cour de cassation a ainsi estimé que « en acceptant d’intervenir dans l’exécution de l’accord, [le destinataire de l’offre] a nécessairement souscrit aux obligations définies par celui-ci » (Cass. 1ère civ., 25 juin 1991, n° 90-11.485).

L’acceptation tacite pourra également résulter de diverses sortes de comportements, tel que monter dans un taxi ou un autobus ou encore continuer d’encaisser les loyers nonobstant l’expiration d’un bail.

C) Le silence de l’acceptant

Très tôt, la question s’est posée de savoir si le silence du destinataire de l’offre pouvait valoir acceptation.

Pour Demogue « il y a silence au sens juridique quand une personne au cours de cette activité qu’est la vie n’a manifesté sa volonté par rapport à un acte juridique, ni par une action spéciale à cet effet, ni par une action dont on puisse déduire sa volonté ».

Aussi, convient-il de distinguer le silence de l’acceptation tacite :

?L’acceptation tacite

Elle se manifeste par une attitude, un comportement, un geste ou l’exécution d’un contrat

Autrement dit, le destinataire de l’offre ne dit pas oui, ni ne l’écrit pas. Son acceptation se déduit de son comportement.

?Le silence

Il ne fait l’objet d’aucune extériorisation.

Le destinataire de l’offre ne réagit pas, il est complètement passif.

Le silence vaut-il acceptation ?

  • Principe
    • Dans un ancien arrêt du 25 mars 1870 la Cour de cassation a eu l’occasion d’affirmer que « en droit, le silence de celui qu’on prétend obligé ne peut suffire, en l’absence de toute autre circonstances, pour faire preuve contre lui de l’obligation alléguée » (Cass. 1re civ., 25 mai 1870).
    • Ainsi, selon cette décision qui ne dit mot ne consent pas (Pour un rappel de cette règle V. notamment Cass. com., 25 avr. 2006).
    • Surtout, l’article 1120 du Code civil introduit par l’ordonnance du 10 février 2016 prévoit désormais que « le silence ne vaut pas acceptation ».
  • Exceptions
    • Si l’article 1120 prévoit que l’acceptation ne saurait se déduire du silence du destinataire de l’offre, il précise néanmoins, in fine, « à moins qu’il n’en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d’affaires ou de circonstances particulières. »
    • Autrement dit, il est des cas où, par exception, le silence peut parfaitement valoir acceptation.
    • Il en ira ainsi dans toute une série de circonstances :
      • L’existence d’un texte spécial
        • Lorsque le silence est réglementé, il peut être interprété comme valant acceptation
        • Exemples :
        • En matière de contrat de bail, l’article 1738 du Code civil prévoit, en matière de contrat de bail, que « si, à l’expiration des baux écrits, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par l’article relatif aux locations faites sans écrit.
        • En matière de contrat de travail, l’article L. 1222-6 du Code du travail prévoit que lorsque l’employeur envisage la modification d’un élément essentiel du contrat de travail « à défaut de réponse dans le délai d’un mois, ou de quinze jours si l’entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée. »
      • L’existence d’usages professionnels
        • Le silence peut également être réglementé par un usage professionnel
        • En vertu de cet usage, le professionnel qui a reçu une offre peut être obligé d’exprimer son refus, faute de quoi il sera réputé l’avoir acceptée.
        • Dans un arrêt du 13 mai 2003, la Cour de cassation a ainsi estimé en ce sens que, s’agissant d’un contrat de vente de vin entre deux professionnels exerçant dans le même secteur d’activité, « l’établissement et l’envoi, par le courtier au vendeur et à l’acheteur de la “lettre de confirmation” sans qu’il y ait de leur part un accord formel équivalait suivant l’usage ancien et constant en Bordelais, à une vente parfaite, sauf protestation dans un très bref délai fixé par les usages loyaux et constants de la profession à 48 heures de la réception de cette lettre dont l’envoi est à la charge du courtier » (Cass. com. 13 mai 2003, n°00-21.555).
      • La force de l’habitude
        • Lorsque deux contractants étaient antérieurement en relations d’affaires et que, périodiquement et régulièrement, ils concluaient des contrats ayant la même nature, le même objet et le même but, sans, à chaque nouveau contrat, exprimer formellement leur volonté de s’engager, la jurisprudence considère que, en dépit du silence, un contrat qui s’inscrit dans la continuité de cette relation contractuelle est réputé formé (Cass. com., 15 mars 2011, n°10-16.422)
        • Ainsi, la force de l’habitude peut conférer au silence du destinataire de l’offre la valeur d’une acceptation.
      • L’intérêt exclusif du destinataire
        • Lorsque l’offre est faite dans l’intérêt exclusif du destinataire, le silence vaut acceptation.
        • Il en va ainsi lorsqu’un créancier consent une remise de dette à son débiteur (Cass. req., 29 mars 1938)
        • L’idée sous-jacente est ici que l’acceptant n’a aucune raison de refuser l’offre qui lui est faite, compte tenu de l’avantage exclusif qu’elle lui procure.
      • L’existence de circonstances particulières caractérisant une acceptation
        • Dans un arrêt du 24 mai 2005, la Cour de cassation a estimé que « si, en principe, le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n’en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d’une acceptation » (Cass. 1re civ., 24 mai 2005, n°02-15.188).

Cass. 1re civ., 24 mai 2005

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que le préfet de la région d’Ile-de-France a notifié à M. X…, qui avait obtenu un permis de construire sur une parcelle dont il est propriétaire, un arrêté lui enjoignant de faire réaliser préalablement aux travaux une opération préventive de fouilles archéologiques ; que M. X… a accepté un devis “diagnostic archéologique” établi par l’Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN), aux droits de laquelle vient l’INRAP ; que l’AFAN a informé M. X… que le diagnostic était positif et que “la partie arrière de la parcelle nécessitait une investigation plus approfondie, une petite fouille de sauvetage urgent devant être réalisée”, ce qui a conduit le préfet à prendre un nouvel arrêté prévoyant que l’AFAN procéderait en urgence à une opération préventive de fouilles entre le 14 avril 1998 et le 17 avril 1998 ; que M. X… ayant refusé de régler la facture correspondant à ces travaux au motif qu’il n’avait pas accepté le devis que lui avait adressé l’AFAN, celle-ci l’a assigné en paiement ;

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt attaqué (Versailles, 1er mars 2002) d’avoir accueilli cette demande alors, selon le pourvoi :

1 / que le silence ne vaut pas à lui seul acceptation ; que M. X…, destinataire du second devis, ne l’avait jamais retourné ni signé et n’avait pas davantage déclaré l’accepter ; qu’en décidant cependant que le propriétaire du terrain aurait de la sorte accepté ce second devis, la cour d’appel a violé les articles 1101 et 1108 du Code civil ;

2 / qu’il appartient au créancier qui demande l’exécution de la convention qu’il invoque de rapporter la preuve de l’existence de l’accord résultant de l’acceptation de son offre par l’autre partie ; qu’en énonçant que M. X…, destinataire du second devis, ne soutenait pas valablement ne pas l’avoir accepté, à défaut de manifestation expresse de volonté de rupture de ses relations contractuelles avec l’AFAN, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en violation de l’article 1315 du Code civil ;

Mais attendu que si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n’en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d’une acceptation ; que l’arrêt relève que le permis de construire délivré à M. X… lui imposait de ne pas mettre en péril les vestiges archéologiques situés sur le terrain d’assiette de l’opération de construction, que l’arrêté du préfet de la région d’Ile-de-France, pris en exécution de cette contrainte, a imposé l’opération de fouille préventive, que cet arrêté a été signé au visa de la convention signée par l’Etat et l’AFAN et qu’ainsi M. X…, dont la volonté est certes liée par les contraintes administratives, ne pouvait sans se priver de l’attestation de levée de contraintes archéologiques qui lui a été délivrée le 29 avril 1998 ne pas faire exécuter les prestations prévues par le second devis ; qu’ayant exactement déduit de ces circonstances que le silence gardé par M. X… à la suite de la réception du devis que lui avait adressé l’AFAN avait la signification d’une acceptation, c’est sans inverser la charge de la preuve que la cour d’appel a ensuite énoncé que M. X… ne pouvait, à défaut de manifestation expresse de volonté, soutenir qu’il n’avait pas accepté le second devis ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

        • Avec cette décision, la haute juridiction a, de la sorte, entendu abandonner le caractère limitatif des circonstances où le silence est susceptible d’être interprété comme valant acceptation.
        • Autrement dit, dorénavant, des circonstances particulières, autres qu’un usage ou des relations affaire, peuvent conférer au silence du destinataire de l’offre la signification d’une volonté de s’engager.
        • Cette solution a été consacrée par le législateur à l’article 1120 du Code civil qui prévoit que le silence résultant de « circonstances particulières » peut valoir acceptation.

IV) Effets

?Principe

À la différence de l’offre, l’acceptation, lorsqu’elle est exprimée, a pour effet de parfaire le contrat.

En vertu du principe du consensualisme, le contrat est donc formé, de sorte que le pollicitant devient immédiatement lié contractuellement à l’acceptant.

Dans un arrêt du 14 janvier 1987, la Cour de cassation affirme en ce sens que s’agissant d’un contrat de vente que « la vente est parfaite entre les parties dès qu’on est convenu de la chose et du prix et que le défaut d’accord définitif sur les éléments accessoires de la vente ne peut empêcher le caractère parfait de la vente à moins que les parties aient entendu retarder la formation du contrat jusqu’à la fixation de ces modalités » (Cass. 3e civ. 14 janv. 1987, n°85-16.306).

Cass. 3e civ. 14 janv. 1987

Sur le moyen unique :

Attendu selon l’arrêt attaqué (Orléans 23 mai 1985), statuant sur renvoi après cassation, que, par acte sous seing privé du 13 novembre 1978, Mme A… s’est engagée à céder à M. Y… une maison et toute l’oeuvre en sa possession de la famille A… moyennant une somme payable comptant et une rente viagère mensuelle ; que l’acte précisait que serait étudiée avec la Bibliothèque Nationale la possibilité de faire, de cette maison, un musée ou une fondation A…, que M. Y… souscrivait divers engagements dont notamment celui de mettre à la disposition de Mme A… les moyens nécessaires pour terminer la biographie de son oncle, Alexandre A…, et faire éditer un livre, et d’organiser, dans sa galerie, une série d’expositions des oeuvres de la famille A… ; qu’il était mentionné que l’accord ne prendrait son effet définitif qu’après avoir été entériné par un notaire ; que postérieurement au paiement par M. Y… de la partie du prix payable comptant et du premier terme de la rente, Mme A… a refusé de donner suite à cet accord ;

Attendu que Mme Lebel Z…, aux droits de Mme A…, fait grief à l’arrêt d’avoir déclaré valable l’accord passé le 13 novembre 1978 entre Mme A… et M. Y…, alors, selon le moyen, que “si la vente est parfaite dès lors qu’est constaté l’accord des parties sur la chose et le prix, il est loisible aux parties de subordonner le caractère parfait et définitif de la vente à la réalisation d’une condition suspensive, qu’en l’espèce, dans l’acte du 13 novembre 1978, relatif à la cession non seulement d’un bien immobilier mais également de biens mobiliers et des droits y afférents, il était expressément stipulé par les parties que leur accord ne prendra son effet définitif qu’après avoir été entériné par un notaire (Me du X… …), qu’en se bornant à retenir, pour affirmer qu’il ne résultait d’aucune disposition de l’acte ni des circonstances de la cause que les parties aient entendu retarder la formation du contrat jusqu’à la signature d’un acte authentique, que celles-ci étaient d’accord sur la chose et le prix dès le 13 novembre 1978 et qu’il n’était pas établi que Mme A… avait entendu faire des conditions accessoires énumérées dans l’acte un élément essentiel de la vente, sans rechercher quelle avait été la commune intention des parties en prévoyant dans l’acte du 13 novembre 1978 que leur accord ne prendra son effet définitif qu’après avoir été entériné par le notaire désigné, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1134 du Code civil, et a violé par fausse application l’article 1589 du Code civil” ;

Mais attendu qu’après avoir énoncé justement que la vente est parfaite entre les parties dès qu’on est convenu de la chose et du prix et que le défaut d’accord définitif sur les éléments accessoires de la vente ne peut empêcher le caractère parfait de la vente à moins que les parties aient entendu retarder la formation du contrat jusqu’à la fixation de ces modalités, l’arrêt retient souverainement que les parties à l’acte du 13 novembre 1978 s’étaient, dès cette date, entendues sur la chose et sur le prix et que si elles ont prévu l’entérinement de l’acte par un notaire, il ne résulte ni des dispositions de cet acte ni des circonstances de la cause qu’elles aient voulu faire de cette modalité accessoire un élément constitutif de leur consentement ; que par ces seuls motifs, l’arrêt est légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

?Exceptions

Par exception, il est des cas où la rencontre de l’offre et l’acceptation ne suffit pas à former le contrat.

La loi exigera en effet, soit que l’expression du consentement soit complétée par l’accomplissement de certaines formalités ou à la remise de la chose, soit que le destinataire de l’offre observe un délai de réflexion avant de manifester son acceptation.

Parfois même, la loi autorisera le destinataire de l’offre à se rétracter, nonobstant la rencontre de l’offre et l’acceptation.

Plusieurs hypothèses doivent donc être envisagées :

  • La formation du contrat est subordonnée à l’accomplissement de certaines formalités : les contrats solennels
    • Principe
      • L’article 1109, al. 2 du Code civil prévoit que « le contrat est solennel lorsque sa validité est subordonnée à des formes déterminées par la loi »
      • Ainsi, la rencontre de l’offre et de l’acceptation est insuffisante pour réaliser la formation d’un contrat solennel.
      • La loi impose aux contractants l’accomplissement de certaines formalités, lesquelles sont exigées ad validitatem et non ad probationem, comme tel est le cas en matière de contrats consensuels.
    • Applications
      • L’établissement d’un acte authentique sera parfois exigé
        • Il en va ainsi en matière de donation, de vente immobilière, d’hypothèque ou encore de convention matrimoniale
      • L’établissement d’un écrit simple sera d’autres fois exigé
        • Il en va ainsi en matière de crédit à la consommation, de démarchage à domicile, de crédit immobilier, de cautionnement ou encore de conventions collectives
    • Sanction
      • Le non-respect du formalisme exigé par la loi en matière de contrat solennel est sanctionné par la nullité absolue.
  • La formation du contrat est subordonnée à la remise de la chose : les contrats réels
    • Principe
      • L’article 1109, al. 3 prévoit que « le contrat est réel lorsque sa formation est subordonnée à la remise d’une chose. »
      • En matière de contrat réel, la rencontre de l’offre et l’acceptation est, là encore, insuffisante quant à réaliser la formation du contrat
      • Sa validité est conditionnée par la remise de la chose
    • Applications
      • Peuvent être qualifiés de contrats réels les contrats de gage, de dépôt ou de prêt, encore que pour ce dernier, la jurisprudence a évolué.
      • Particularité du contrat de prêt :
        • Depuis un arrêt du 28 mars 2000, il convient de distinguer selon que le prêt est consenti ou non par un professionnel (Cass. 1ère civ., 28 mars 2000, n°97-21.422)
        • La haute juridiction a, effet, décidé dans cette décision que « le prêt consenti par un professionnel du crédit n’est pas un contrat réel ».
        • En dehors de cette hypothèse, le contrat de prêt demeure un contrat réel, de sorte que la remise de la chose est exigée ad validitatem.

Cass. 1ère civ., 28 mars 2000

Attendu que Daniel X… a acheté, le 21 février 1992, à la société Sanlaville, du matériel agricole qui devait être fourni par la société Fiatgeotech, le financement du prix devant être assuré à hauteur de 700 000 francs par un prêt consenti par la société UFB Locabail ; qu’aux termes du contrat, l’UFB Locabail s’est engagée à verser directement à la société Sanlaville le montant du prêt sur simple avis qui lui serait fait par le vendeur de la livraison du matériel, sous condition, notamment de l’adhésion de Daniel X… à une assurance-vie à souscrire auprès de la compagnie UAP Collectives aux droits de laquelle se trouve la société Axa collectives, qui a repris l’instance en ses lieu et place ; que Daniel X… ayant fait parvenir le 31 mars 1992 à l’UFB Locabail le dossier d’adhésion à la garantie d’assurance sur la vie, la société Sanlaville a adressé, le 22 juin suivant, à l’UFB le bon de livraison du matériel ; que Daniel X… est, entre-temps, décédé accidentellement le 4 juin 1992 ; qu’une contestation étant née sur la qualité du matériel livré et l’UFB Locabail ayant dénié devoir financer l’opération, les héritiers X… ont assigné la société Sanlaville, prise en la personne de son liquidateur judiciaire et l’UFB Locabail pour faire prononcer la résiliation de la vente et, subsidiairement, condamner l’UFB à verser à la société Sanlaville le montant du prêt ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que l’UFB Locabail fait grief à l’arrêt attaqué (Grenoble, 1er octobre 1997), d’avoir jugé que le contrat de financement souscrit par Daniel X… l’obligeait à payer la somme convenue à ses héritiers, alors, selon le moyen, en premier lieu, qu’il ressort de l’arrêt que l’UFB n’ayant jamais remis les fonds faisant l’objet du contrat de prêt à Daniel X… avant la date de livraison du matériel, le contrat de prêt ne s’était pas formé, la cour d’appel a violé l’article 1892 du Code civil ; alors, en deuxième lieu, que le contrat de prêt était conclu intuitu personae dès lors que le prêteur s’engageait en considération des possibilités de remboursement de l’emprunteur, de sorte qu’en condamnant néanmoins l’UFB à exécuter le contrat de prêt initialement conclu au bénéfice de Daniel X… au profit des ayants-cause de ce dernier, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l’article 1122 du Code civil ; alors, en troisième lieu, que l’article 6 du contrat de prêt stipulait que les sommes restant dues par l’emprunteur deviendraient immédiatement exigibles en cas de décès de ce dernier et l’article 10 de l’acte prévoyait qu’en cas de décès de l’emprunteur avant remboursement de toutes les sommes dues au prêteur, il y aurait solidarité et indivisibilité entre ses héritiers, de sorte qu’en se fondant sur ces clauses qui impliquaient que les fonds avaient été préalablement remis à l’emprunteur avant son décès, pour caractériser une obligation de l’UFB de verser des fonds au profit des héritiers, la cour d’appel s’est fondée sur un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil ; et alors, en quatrième lieu, que les fonds que l’UFB s’était engagée à verser à Daniel X… ne lui ayant jamais été remis, l’engagement de l’établissement financier ne pouvait s’analyser qu’en une promesse de prêt dont l’inexécution, à la supposer fautive, ne pouvait donner lieu qu’à l’allocation de dommages-intérêts, de sorte qu’en condamnant néanmoins l’UFB à exécuter son engagement résultant de la promesse de prêt en lui imposant de verser aux ayants-droit de Daniel X… les sommes qui y étaient visées, la cour d’appel a violé les articles 1892 et 1142 du même Code ;

Mais attendu que le prêt consenti par un professionnel du crédit n’est pas un contrat réel ; que l’arrêt attaqué, qui relève que la proposition de financement avait été signée par Daniel X… et que les conditions de garanties dont elle était assortie étaient satisfaites, retient, à bon droit, que la société UFB Locabail était, par l’effet de cet accord de volonté, obligée au paiement de la somme convenue ; d’où il suit que le moyen qui n’est pas fondé en sa première branche, est inopérant en ses trois autres branches

    • Sanction
      • Comme en matière de contrat solennel, la sanction encourue en cas de non remise de la chose objet d’un contrat réel est la nullité absolue.
      • Le contrat est donc réputé n’avoir jamais existé en raison d’une irrégularité de forme qui fait obstacle, non pas à la rencontre des volontés, mais à sa validité.
  • La formation du contrat est subordonnée à l’observation d’un délai de réflexion
    • Principe
      • Le nouvel article 1122 du Code civil prévoit que « la loi ou le contrat peuvent prévoir un délai de réflexion ».
      • Par délai de réflexion, il faut entendre, précise cette même disposition, « le délai avant l’expiration duquel le destinataire de l’offre ne peut manifester son acceptation ».
      • Ainsi, le délai de réflexion fait-il obstacle à la rencontre de l’offre et l’acceptation, cette dernière ne pouvait être exprimée qu’à l’expiration du délai stipulé par le pollicitant ou par la loi.
      • Lorsque le législateur impose l’observation d’un délai de réflexion, il est animé par un souci de protection de la partie la plus faible.
      • Le délai de réflexion a vocation à prévenir une décision précipitée que le destinataire de l’offre pourrait regretter après coup.
      • Car en l’absence de délai de réflexion, dès lors que l’offre rencontre l’acceptation, le contrat est formé.
      • L’acceptant est alors tenu d’exécuter la prestation à laquelle il s’est obligé.
    • Applications
      • En matière de crédit immobilier, l’article 313-34 du Code de la consommation prévoit que « l’offre est soumise à l’acceptation de l’emprunteur et des cautions, personnes physiques, déclarées. L’emprunteur et les cautions ne peuvent accepter l’offre que dix jours après qu’ils l’ont reçue. »
      • En matière de contrat d’enseignement à distance, l’article 444-8 du Code de l’éducation prévoit encore que « à peine de nullité, le contrat ne peut être signé qu’au terme d’un délai de sept jours après sa réception. »
    • Sanction
      • La sanction encourue en cas d’inobservation d’un délai de réflexion est la nullité du contrat
      • L’acceptation est réputée n’avoir jamais rencontré l’offre émise par le pollicitant.
  • La formation du contrat est subordonnée à l’absence de rétractation du destinataire de l’offre
    • Principe
      • L’article 1122 du Code civil prévoit que « la loi ou le contrat peuvent prévoir […] un délai de rétractation ».
      • Par délai de rétractation il faut entendre poursuit cette disposition « le délai avant l’expiration duquel son bénéficiaire peut rétracter son consentement. »
      • Le délai de rétractation se distingue du délai de réflexion en ce qu’il ne fait pas obstacle à la rencontre de l’offre et l’acceptation.
    • Nature du délai de rétractation
      • Dans l’hypothèse où la loi prévoit un délai de rétractation la question se pose de savoir à quel moment le contrat est réputé être définitivement formé ?
      • Les thèses en présence
        • Selon la première thèse, le contrat ne serait définitivement formé qu’à l’expiration du délai de rétractation (V. en en ce sens G. Cornu)
          • La conséquence en est, selon cette thèse, que le contrat ne saurait faire l’objet d’une exécution, dans la mesure où il n’existe pas encore, nonobstant la rencontre de l’offre et de l’acceptation.
        • Selon la deuxième thèse, le contrat serait réputé formé dès la rencontre de l’offre et de l’acceptation, le droit de rétractation devant s’analyser comme une faculté, pour l’acceptant, d’anéantir unilatéralement le contrat (V. en ce sens A. Françon)
          • Il en résulte, selon cette théorie, que le contrat peut être exécuté dès l’acceptation de l’offre par son destinataire, celui-ci bénéficiant d’une faculté de dédit
        • Selon la troisième thèse, le contrat serait, certes, réputé formé dès l’échange des consentements. Toutefois, son efficacité serait suspendue à l’expiration du délai de rétractation (V. en ce sens V. Christianos)
          • Dès lors, bien que formé, le contrat ne saurait faire l’objet d’une exécution de la part du destinataire de l’offre.
      • La jurisprudence
        • Dans un arrêt du 10 juin 1992, la Cour de cassation a estimé que s’agissant d’un contrat de vente que « le contrat était formé dès la commande », nonobstant l’existence d’un droit de rétractation (Cass.1ère civ. 10 juin 1992, n°90-17.267).
        • Ainsi, la haute juridiction considère-t-elle que la formation du contrat est acquise dès l’échange des consentements, soit lorsque les parties se sont entendues sur les éléments essentiels du contrat.

Cass.1ère civ. 10 juin 1992

Sur le moyen unique :

Vu l’article 3 de la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 ;

Attendu que le 12 août 1988 M. Michel X… a souscrit, à la suite d’un démarchage auprès de la société Air photo France, un bon de commande pour une photographie encadrée de sa maison ; que par lettre recommandée du 5 septembre 1988 il a fait connaître à cette société qu’il annulait sa commande ; que la société lui a opposé la tardiveté de la rétractation, intervenue après le délai de 7 jours prévus par la loi du 22 décembre 1972 ;

Attendu que pour annuler l’injonction de payer en date du 5 juillet 1989 délivrée contre M. X…, la décision attaquée a énoncé que le délai de 7 jours n’est pas un délai préfix et que M. X… avait fait parvenir son annulation à la société Air photo France dans un délai suffisamment bref pour permettre à cette dernière d’éviter des frais d’agrandissement et les aléas de leur recouvrement ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que le contrat était formé dès la commande et que la faculté de renonciation était limitée à 7 jours à compter de celle-ci, le Tribunal a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 1er février 1990, entre les parties, par le tribunal d’instance de Pontarlier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d’instance de Montbéliard

      • Le législateur
        • À l’examen, l’ordonnance du 10 février 2016 semble opiner dans le sens de la Cour de cassation
        • Car si le délai de rétractation est celui « avant l’expiration duquel son bénéficiaire peut rétracter son consentement », cela signifie, implicitement, que pour pouvoir « rétracter son consentement », le destinataire de l’offre doit, au préalable, l’avoir exprimé.
        • Or, conformément au principe du consensualisme, le contrat est réputé formé dès l’échange des consentements des parties.
        • Si dès lors, le législateur avait estimé que l’existence d’un droit de rétractation faisait obstacle à la formation du contrat, il est peu probable qu’il ait associé cette faculté à la manifestation du consentement de l’acceptant.
      • Au total, il apparaît donc que le délai de rétractation n’interdit pas au destinataire de l’offre de consentir au contrat qui lui est proposé.
      • Ce délai lui offre seulement la faculté de se rétracter pendant une période déterminée.
      • Le consentement de l’acceptant ne devra donc irrévocable qu’à l’expiration du délai de rétractation.
    • Applications
      • En matière de contrats conclus entre un professionnel et un consommateur, le délai de rétractation est fixé par la loi à 14 jours
      • En matière de contrat d’assurance vie, la loi prévoit un délai de rétractation de 30 jours
      • En matière de courtage matrimonial, le délai de rétractation est de 7 jours à compter de la signature du contrat
    • Sanctions
      • Dans l’hypothèse où il se rétracte, le destinataire de l’offre est réputé n’avoir jamais accepté le contrat, ce qui dès lors a pour effet de priver d’efficacité la rencontre des volontés.
      • En d’autres termes, le contrat est anéanti rétroactivement.
      • L’exercice du droit de rétraction produit, dès lors, le même effet qu’une nullité.
      • Quid, néanmoins, dans l’hypothèse où le contrat a été totalement ou partiellement exécuté ?
      • L’article 1122 du Code civil est silencieux sur ce point.
      • La question de la sanction applicable en cas d’exécution anticipée du contrat est donc ouverte.
      • Dans la mesure où le droit de droit de rétractation ne s’analyse pas, a priori, comme un obstacle à la formation du contrat, seules deux sanctions sont envisageables en cas d’exécution totale ou partielle :
        • La résolution
        • La caducité
  1. Ph. Delebecque, Les clauses allégeant les obligations : thèse, Aix, 1981, p. 198, n° 164 ?
  2. A. Seube, « Les conditions générales des contrats », Mélanges Jauffret, 1974, p. 622 ?

 

Le régime juridique de l’offre: notion, caractères, révocation, caducité et réforme des obligations

?Théorie de l’offre et de l’acceptation

Le contrat n’est autre que le produit de la rencontre des volontés. Plus précisément, cette rencontre des volontés s’opère, en simplifiant à l’extrême, selon le processus suivant :

  • Premier temps : une personne, le pollicitant, émet une offre de contracter
  • Second temps : l’offre fait l’objet d’une acceptation par le destinataire

Si, pris séparément, l’offre et l’acceptation ne sont que des manifestations unilatérales de volontés, soit dépourvues d’effet obligatoire, lorsqu’elles se rencontrent, cela conduit à la création d’un contrat, lui-même générateur d’obligations.

Tous les contrats sont le fruit d’une rencontre de l’offre et de l’acceptation, peu importe que leur formation soit instantanée où s’opère dans la durée.

Aussi, en dehors de la rencontre de l’offre et de l’acceptation aucun contrat ne saurait valablement se former, cette rencontre traduisant l’échange des consentements des parties.

Or conformément à la théorie de l’autonomie de la volonté, seules les parties qui ont exprimé leur consentement au contrat peuvent s’obliger. On saurait, en effet, contraindre une personne à contracter, sans qu’elle y consente.

?Réforme des obligations

Curieusement, en 1804, les rédacteurs du Code civil se sont surtout focalisés sur les conditions de validité et sur l’exécution du contrat.

Aussi, cela s’est fait au détriment du processus de conclusion du contrat qui était totalement ignoré par le Code civil.

Aucune disposition n’était, en effet, consacrée à la rencontre des volontés, alors même qu’il s’agit là du fait générateur du contrat.

Afin de remédier à cette carence, c’est donc à la jurisprudence qu’est revenue la tâche de bâtir la théorie de l’offre et de l’acceptation, notamment à partir des dispositions relatives au consentement des parties.

Il ne restait alors plus qu’au législateur de consacrer cette construction prétorienne lors de la réforme du droit des obligations.

C’est ce qu’il a fait lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016 qui a introduit dans le Code civil plusieurs dispositions qui régissent le processus de conclusion du contrat (art. 1113 à 1122).

En introduction de la sous-section relative à « l’offre et l’acceptation », le nouvel article 1113 prévoit désormais que « le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager. ».

Nous nous focaliserons ici sur le régime de l’offre.

I) Notion

?Définition

L’offre de contracter, ou pollicitation, est un acte unilatéral de volonté par lequel une personne, le pollicitant, fait connaître, d’une part, son intention ferme de contracter avec une autre personne (le destinataire) et, d’autre part, les termes essentiels du contrat proposé.

L’offre est, en d’autres termes, une proposition à conclure un contrat

?Distinctions

L’offre doit être distinguée de plusieurs notions avec lesquelles il convient de ne pas la confondre :

  • Offre de contracter et engagement unilatéral de volonté
    • L’engagement unilatéral de volonté oblige son auteur à exécuter la prestation promise
    • L’offre de contracter n’engage à rien son auteur tant qu’elle n’a pas été acceptée, le principe étant qu’elle peut être librement révoquée.
  • Offre de contracter et invitation à entrer en pourparlers
    • L’invitation à entrer en pourparlers ne fixe pas les éléments essentiels du contrat, de sorte que si elle est acceptée, le contrat ne saurait être formé
    • L’offre de contracter prévoit quant à elles tous les éléments nécessaires à la rencontre des volontés. En cas d’acceptation, le contrat est conclu, sans que le pollicitant puisse négocier.
  • Offre de contracter et promesse unilatérale de contrat
    • La promesse unilatérale de contrat est un avant-contrat, en ce sens qu’elle est le produit d’un accord de volontés.
    • L’offre de contracter ne s’apparente pas à un avant-contrat, dans la mesure où, par définition, elle n’a pas été acceptée.

II) Les caractères de l’offre

Aux termes de l’article 1114 du Code civil, « l’offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation ».

Bien que, étonnamment, cette disposition n’en fasse pas directement mention, il en ressort que, pour être valide, à tout le moins pour être efficace, l’offre doit être ferme et précise.

?La fermeté de l’offre

  • L’absence de réserve
    • L’offre doit être ferme
    • Par ferme, il faut entendre que le pollicitant a exprimé sa volonté « d’être lié en cas d’acceptation ».
    • Autrement dit, l’offre doit révéler la volonté irrévocable de son auteur de conclure le contrat proposé.
    • Plus concrètement, l’offre ne doit être assortie d’aucune réserve, ce qui aurait pour conséquence de permettre au pollicitant de faire échec à la formation du contrat en cas d’acceptation
    • Cela lui permettrait, en effet, de garder la possibilité de choisir son cocontractant parmi tous ceux qui ont répondu favorablement à l’offre
    • Or au regard de la théorie de l’offre et de l’acceptation, cela est inconcevable.
    • L’auteur de l’offre ne saurait disposer de la faculté d’émettre des réserves, dans la mesure où il est de l’essence de l’offre, une fois acceptée, d’entraîner instantanément la conclusion du contrat
    • Elle ne saurait, par conséquent, être assortie d’une condition, faute de quoi elle s’apparenterait à une simple invitation à entrer en pourparlers.
    • Dans un arrêt du 10 janvier 2012, la Cour de cassation a, par exemple, censuré une Cour d’appel pour avoir estimé qu’une offre de prêt qui était assortie de « réserves d’usage » était valide (Cass. com. 10 janv. 2012, n°10-26.149).
    • Au soutien de sa décision la chambre commerciale avance que « un accord de principe donné par une banque ‘sous les réserves d’usage’ implique nécessairement que les conditions définitives de l’octroi de son concours restent à définir et oblige seulement celle-ci à poursuivre, de bonne foi, les négociations en cours ».

Cass. com. 10 janv. 2012

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l’article 1382 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le 5 mai 2007, M. X… et Mme Y… ont signé un compromis de vente portant sur l’acquisition d’un appartement au prix de 350 000 euros, sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt ; que, par lettre du 4 juin 2007, la société Lyonnaise de banque (la banque), leur a donné un “accord de principe sous les réserves d’usage” pour un prêt de 335 000 euros, subordonnant son accord, notamment, à l’obtention par Mme Y… d’un contrat de travail à durée indéterminée, ce dont il a été justifié le 11 juin 2007 ; que, le 23 juin 2007, la banque a notifié son refus d’octroyer le prêt sollicité en invoquant un taux d’endettement excessif ; que M. X… et Mme Y… ont assigné la banque en responsabilité et demandé la réparation de leurs préjudices ;

Attendu que pour condamner la banque à payer à M. X… et Mme Y… une certaine somme, l’arrêt retient qu’en formulant un accord de principe “sous les réserves d’usage”, pour un prêt dont le montant, la durée, le taux, les frais de dossier sont spécifiés, la banque s’est engagée à formuler une offre conforme à ces éléments et qu’elle était tenue de poursuivre, de bonne foi, la négociation sur les autres éléments accessoires, nécessaires à la formulation de la convention de prêt ; qu’il retient encore que la banque n’a pas respecté cette obligation en mettant fin aux discussions au motif, fallacieux, d’un taux d’endettement trop élevé ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’un accord de principe donné par une banque «sous les réserves d’usage» implique nécessairement que les conditions définitives de l’octroi de son concours restent à définir et oblige seulement celle-ci à poursuivre, de bonne foi, les négociations en cours, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a rejeté les demandes en paiement de dommages-intérêts formées au titre du retard dans la régularisation du compromis et de la mauvaise foi, l’arrêt rendu le 16 septembre 2010, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée

  • Les contrats conclus intuitu personae
    • Il s’agit des contrats conclus en considération de la personne du cocontractant
    • Tel est le cas, par exemple, du contrat de bail, du contrat de travail ou encore du contrat de prêt, dans lesquels la personne du cocontractant est déterminante du consentement du pollicitant
    • Ainsi, les contrats conclus intuitu personae sont-ils toujours assortis d’une réserve tacite : la personne du destinataire de l’offre
    • Il en résulte que, l’acceptation ne suffira pas à former le contrat, sa conclusion étant subordonnée à l’agrément du pollicitant
    • Tant la doctrine que la jurisprudence s’accordent à dire que les contrats conclus intuitu personae ne pourront jamais faire l’objet d’une véritable offre, au sens, désormais, de l’article 1114 du Code civil.
  • Tempérament
    • Il est un cas où, malgré l’émission d’une réserve, l’offre n’est pas déchue de sa fermeté : il s’agit de l’hypothèse où la réserve concerne un événement extérieur à la volonté du pollicitant.
      • Exemples :
        • L’offre de vente de marchandises peut être conditionnée au non-épuisement des stocks
        • L’offre de prêt peut être conditionnée à l’obtention, par le destinataire, d’une garantie du prêt (Cass. 3e civ., 23 juin 2010, n°09-15.963)
    • Ce qui compte c’est que la réalisation de la réserve ne dépende pas de la volonté du pollicitant.
    • La validité de la réserve est, par ailleurs, subordonnée au respect d’une condition
      • Condition
        • Dans un arrêt du 1er juillet 1998, la Cour de cassation a estimé qu’une offre pouvait, par exception, être assortie d’une réserve, qu’à la condition que cette réserve ait été explicitement exprimée par le pollicitant (Cass. 3e civ., 1er juill. 1998, n°96-20.605)

Cass. 3e civ., 1er juill. 1998

Sur le moyen unique :

Vu l’article 1583 du Code civil ;

Attendu que la vente est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur dès qu’on est convenu de la chose et du prix ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Besançon, 12 avril 1996), que les époux Y…, propriétaires de différentes parcelles de terrain sur le territoire de la commune de Chaux-la-Lotière (la commune), ont accepté, par lettre du 3 avril 1992, l’offre de la commune parue le 1er avril 1992 dans un journal portant sur la vente d’un terrain à bâtir ; que la commune a, néanmoins, vendu la parcelle à Mme X… ; que les époux Y… ont assigné la commune et Mme X… pour voir juger que l’offre de vente de la parcelle et l’acceptation de celle-ci, par eux, le 3 avril 1992 valait vente à leur profit ;

Attendu que, pour rejeter cette demande, l’arrêt retient que, si, en principe, l’acceptation de l’offre publique notifiée à la commune par les époux Y… suffisait à la formation du contrat de vente, en l’espèce, la commune avait loti et mis en vente dans le but de fixer sur son territoire de nouveaux habitants et que cette considération sur les qualités requises pour contracter étant connue des époux Y… leur était opposable ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que l’offre publique de vente ne comportait aucune restriction, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 avril 1996, entre les parties, par la cour d’appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Dijon

?La précision de l’offre

Dans la mesure où aussitôt qu’elle sera acceptée, l’offre suffira à former le contrat, elle doit être suffisamment précise, faute de quoi la rencontre des volontés ne saurait se réaliser.

L’article 1114 du Code civil prévoit en ce sens que « l’offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé »

Par éléments essentiels, il faut entendre, selon Philippe Delebecque, « les éléments centraux, spécifiques, qui traduisent l’opération juridique et économique que les parties veulent réaliser »[1].

Autrement dit, il s’agit des éléments dont la détermination constitue une condition de validité du contrat

Exemple :

  • La validité du contrat de vente est subordonnée à la détermination de la chose cédée et du prix
  • La validité du contrat de bail est subordonnée à la détermination de la chose louée et du loyer

A contrario, l’offre pourra être considérée comme précise, bien que les modalités d’exécution du contrat n’aient pas été exprimées par le pollicitant (Cass. 3e civ., 28 oct. 2009, n°08-20.224), sauf à ce qu’il soit d’usage qu’elles soient tenues pour essentielles par les parties.

Rien n’interdit, par ailleurs, à l’offrant de conférer un caractère essentiel à un élément du contrat qui, d’ordinaire, est regardé comme accessoire.

Il lui appartiendra, néanmoins, d’exprimer clairement dans son offre que cet élément est déterminant de son consentement (V en ce sens Cass. com., 16 avr. 1991, n°89-20.697), faute de quoi les juridictions estimeront qu’il n’est pas entré dans le champ contractuel.

?Sanction

L’article 1114 du Code civil prévoit que la sanction du défaut de précision et de fermeté de l’offre n’est autre que la requalification en « invitation à entrer en négociation ».

Cela signifie dès lors que, en cas d’acceptation, le contrat ne pourra pas être considéré comme formé, la rencontre des volontés n’ayant pas pu se réaliser.

Ni l’offrant, ni le destinataire de l’offre ne pourront, par conséquent, exiger l’exécution du contrat.

Deux options vont alors s’offrir à eux :

  • Soit poursuivre les négociations jusqu’à l’obtention d’un accord
  • Soit renoncer à la conclusion du contrat

En toute hypothèse, tant que les partenaires ne se sont pas entendus sur les éléments essentiels du contrat, la seule obligation qui leur échoit est de faire preuve de loyauté de bonne foi lors du déroulement des négociations et en cas de rupture des pourparlers.

III) La manifestation de l’offre

Aux termes de l’article 1113, al. 2 du Code civil, il est précisé que l’offre « peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur. »

Le législateur est manifestement venu entériner la position de la jurisprudence selon laquelle pour être valide, l’offre doit être extériorisée.

?Principe : le consensualisme

Conséquence du principe d’autonomie de la volonté, le consensualisme préside au processus de rencontre des volontés.

Il en résulte que, par principe, la validité du contrat n’est subordonnée à la satisfaction d’aucunes formes en particulier.

Le seul échange des consentements suffit à conclure le contrat.

Aussi, l’extériorisation de l’offre est libre, de sorte qu’elle peut être, soit expresse, soit tacite :

  • L’offre expresse
    • L’offre est expresse lorsqu’elle est formulée oralement ou par le biais d’un écrit
  • L’offre tacite
    • L’offre est tacite lorsque le pollicitant s’exprime par un comportement, une attitude.
    • Tel est le cas lorsqu’un objet est exposé dans la vitrine d’un magasin ou lorsqu’un chauffeur de taxi stationne sur un emplacement dédié
    • Il en sera de même en matière de tacite reconduction d’un contrat à exécution successive.
    • Lorsqu’un locataire reste dans les lieux qui lui sont loués après l’expiration du bail, son attitude peut, en effet, être regardée comme une offre de renouvellement du contrat.

?Exception : le formalisme

Dans certains cas, le législateur exige l’établissement d’un écrit ainsi que la figuration de certaines mentions sur l’offre de contracter.

Tel est par exemple le cas en matière de crédit à la consommation (art. 310-10 et suivants du Code de la consommation).

Il en va de même en matière de contrat conclue par voie électronique, lorsque l’offre émane d’un professionnel

L’article 1127-1 du Code civil impose à ce dernier doit faire figurer sur son offre un certain nombre d’informations.

IV) Efficacité

L’offre est susceptible d’être privée d’efficacité dans deux hypothèses :

  • Lorsqu’elle est révoquée
  • Lorsqu’elle devient caduque

A) La révocation de l’offre

L’article 1115 du Code civil prévoit que l’offre « peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire. »

Aussi, cette disposition invite-t-elle à distinguer deux situations s’agissant de la révocation de l’offre :

?L’offre n’a pas été portée à la connaissance de son destinataire

Dans cette hypothèse, conformément à l’article 1115 du Code civil, c’est donc le principe de liberté qui préside à la révocation de l’offre.

Cette liberté de révocation se justifie pour deux raisons :

  • Première raison
    • La rencontre des volontés n’a pas pu se réaliser dans la mesure où l’offre, qui n’est pas parvenue à son destinataire, ne peut pas, par définition, avoir été acceptée.
    • Il en résulte que le contrat ne s’est pas formé et que, par voie de conséquence, aucune obligation n’a été créée.
    • On ne saurait, dès lors, obliger le pollicitant à exécuter un contrat inexistant, et donc lui interdire de se rétracter.
  • Seconde raison
    • Il peut être observé que la liberté de révocation de l’offre dont jouit le pollicitant tant qu’elle n’a pas été portée à la connaissance du destinataire, confirme l’intention du législateur de ne pas assimiler l’offre à un engagement unilatéral de volonté
    • Si tel avait été le cas, cela aurait eu pour conséquence de priver le pollicitant de la faculté de révoquer son offre.
    • Dès son émission, l’offre aurait, en effet, été génératrice d’une obligation de maintien
    • Or le principe c’est la libre révocation de l’offre, preuve qu’elle ne s’apparente pas à un engagement unilatéral de volonté.

?L’offre a été portée à la connaissance de son destinataire

L’article 1116 du Code civil prévoit que lorsque l’offre est parvenue à son destinataire « elle ne peut être rétractée avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable ».

Aussi, dans cette hypothèse, le principe qui préside à la révocation de l’offre n’est plus la liberté, mais l’obligation de maintien.

Deux questions immédiatement alors se posent : quelle est l’étendue de l’obligation de maintien de l’offre d’une part, et quelle est la sanction de sa violation, d’autre part ?

  • L’étendue de l’obligation de maintien de l’offre
    • Trois hypothèses doivent être distinguées :
      • L’offre émise par le pollicitant est assortie d’un délai
        • Dans cette hypothèse, pèse sur le pollicitant une obligation de maintien de l’offre
        • Il ne pourra pas la révoquer pendant ce délai
        • Dans certains cas, la loi fixe elle-même ce délai
          • Exemples :
            • En matière de contrats conclus à distance
            • En matière de crédit à la consommation
      • L’offre émise par le pollicitant n’est assortie d’aucun délai
        • Dans cette hypothèse, l’article 1115 du Code civil est venu consacrer la jurisprudence qui avait posé la règle selon laquelle, lorsqu’aucun délai n’est stipulé, le pollicitant est tenu de maintenir l’offre dans un délai raisonnable
        • Par délai raisonnable il faut entendre « le temps nécessaire pour que celui à qui [l’offre] a été adressée examine la proposition et y réponde » (Cass. req., 28 févr. 1870)
        • Le délai raisonnable est apprécié in concreto, soit, selon les circonstances de l’espèce.
        • En outre, en cas de réponse immédiate exigée par le pollicitant, la Cour de cassation estime que l’offre est réputée n’être assortie d’aucun délai
        • Elle devra par conséquent être, malgré tout, être maintenue dans un délai raisonnable (Cass. 3e civ., 25 mai 2005, n°03-19.411).
      • L’offre est émise par voie électronique
        • En matière de contrat électronique, l’article 1127-1 du Code civil prévoit que « l’auteur d’une offre reste engagé par elle tant qu’elle est accessible par voie électronique de son fait. »
        • Ainsi, tant que l’offre est en ligne, le pollicitant a l’obligation de maintien de l’offre qu’il a émise, peu importe qu’il ait assorti cette dernière d’un délai.
  • La sanction de l’obligation de maintien de l’offre
    • La question qui se pose est ici de savoir quelle sanction prononcer en cas de rétractation prématurée de l’offre par le pollicitant ?
    • La doctrine
      • Deux théories ont été avancées par les auteurs :
        • Soit l’on considère que, en cas de violation de l’obligation de maintien de l’offre, la rétractation du pollicitant est privée d’efficacité, de sorte que, si l’offre est acceptée, le contrat est réputé être formé
          • Au soutien de cette théorie, deux fondements ont été avancés:
            • La théorie de l’engagement unilatéral : l’offre s’apparenterait à un engagement unilatéral de volonté. L’obligation de maintien de l’offre trouverait alors sa source dans la seule volonté du pollicitant.
            • La théorie de l’avant-contrat : l’obligation de maintien de l’offre trouverait sa source dans un accord de volontés implicite entre le pollicitant et le destinataire qui porterait sur la stipulation d’un délai de réflexion
        • Soit l’on estime, à l’inverse, que, en cas de violation de l’obligation de maintien de l’offre, la rétractation du pollicitant produit tous ses effets, en conséquence de quoi elle ferait obstacle à la formation du contrat
          • Selon cette thèse, la violation de l’obligation de maintien de l’offre serait constitutive d’une faute délictuelle
          • Par conséquent, elle ne pourrait donner lieu qu’à l’allocation de dommages et intérêts
    • La jurisprudence
      • La jurisprudence a plutôt abondé dans le sens de la seconde thèse, soit en faveur de l’allocation de dommages et intérêts.
      • Autrement dit, la rétractation du pollicitant produirait, en tout état de cause, tous ses effets, nonobstant la violation de l’obligation de maintien de l’offre (V. en ce sens Cass. soc., 22 mars 1972, n°71-40.266)
      • La jurisprudence ne considérera le contrat formé que dans l’hypothèse où l’acceptation est antérieure à la rétractation (Cass. 1re civ., 8 oct. 1958).
      • Dans un arrêt du 20 mai 2009, la Cour de cassation a ainsi reproché à une Cour d’appel d’avoir prononcé la caducité d’une offre « sans rechercher si l’acceptation était intervenue dans le délai raisonnable nécessairement contenu dans toute offre de vente non assortie d’un délai précis » (Cass. 3e civ., 20 mai 2009, n°08-13.230).

Cass. 3e civ., 20 mai 2009

Sur le moyen unique :

Vu l’article 1101 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 15 janvier 2008) que le département de la Haute-Savoie a adressé le 17 mars 1995 à M. X… une offre de rétrocession d’une partie d’un terrain que celui-ci lui avait vendu en 1981 en se réservant un droit de préférence ; que le 8 décembre 2001 M. X… a enjoint au département de signer l’acte authentique de vente ; que Mme X…, venant aux droits de son père décédé, l’ayant assigné le 28 janvier 2004 en réalisation forcée de la vente, le département s’est prévalu de la caducité de son offre ;

Attendu que pour accueillir la demande, l’arrêt retient que l’offre contenue dans la lettre du 17 mars 1995 a été renouvelée dans le courrier du 7 octobre 1996 sans être assortie d’aucun délai et qu’en conséquence M. X… a pu l’accepter par courrier du 8 décembre 2001 ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher si l’acceptation était intervenue dans le délai raisonnable nécessairement contenu dans toute offre de vente non assortie d’un délai précis, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 15 janvier 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Chambéry, autrement composée ;

    • L’ordonnance du 10 février 2016
        • Il ressort des alinéas 2 et 3 de l’article 1116 du Code civil introduits par l’ordonnance du 10 février 2016 que :
          • D’une part, « la rétractation de l’offre en violation de cette interdiction empêche la conclusion du contrat.
          • D’autre part, la rétractation « engage la responsabilité extracontractuelle de son auteur dans les conditions du droit commun sans l’obliger à compenser la perte des avantages attendus du contrat. »
        • Le législateur a donc choisi d’entériner la solution dégagée par la jurisprudence s’agissant de la sanction de l’obligation de maintien de l’offre.
        • Autrement dit, dès lors que l’offre n’a pas été acceptée par son destinataire, la rétractation du pollicitant fait obstacle à la formation du contrat.
        • Aussi, en cas de rétractation prématurée de l’offre, le juge ne pourra allouer au destinataire que des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle.
        • L’alinéa 3 de l’article 1116 précise que le juge ne sera pas tenu d’indemniser le requérant pour « la perte des avantages attendus du contrat ».

B) La caducité de l’offre

À titre de remarque liminaire, il peut être observé que classiquement la caducité se définit comme la sanction qui prive un acte d’efficacité en raison de la disparition de l’un de ses éléments essentiels.

De ce point de vue, la caducité se rapproche de la nullité, qui a également pour conséquence l’anéantissement de l’acte qu’elle affecte.

Est-ce à dire que les deux notions se confondent ? Assurément non. C’est précisément en s’appuyant sur la différence qui existe entre les deux que les auteurs définissent la caducité.

Tandis que la nullité sanctionnerait l’absence d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation, la caducité s’identifierait, quant à elle, à l’état d’un acte régulièrement formé initialement, mais qui, en raison de la survenance d’une circonstance postérieure, perdrait un élément essentiel à son existence.

La caducité et la nullité ne viseraient donc pas à sanctionner les mêmes défaillances.

En matière d’offre, l’article 1117 du Code civil prévoit que l’offre devient caduque dans trois hypothèses :

  • Soit à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable
  • Soit en cas d’incapacité de l’auteur de l’offre
  • Soit en cas de décès de l’offrant
  • Soit en cas de décès du destinataire de l’offre

Les deux derniers cas de caducité de l’offre ne sont pas sans avoir fait l’objet d’hésitations jurisprudentielles.

1. Le décès de l’offrant

?Les tergiversations jurisprudentielles sur le sort de l’offre en cas de décès de l’offrant

La question s’est, en effet, posée en jurisprudence de savoir si l’offre devenait caduque en cas de décès de l’offrant ou si, au contraire, elle devait être maintenue.

  • Première étape
    • Avant 1983, la jurisprudence considérait que lorsque le décès de l’offrant intervenait entre l’émission de l’offre et l’acceptation, cela faisait obstacle à la formation du contrat.
    • Le décès du pollicitant avait donc pour effet d’entraîner la caducité de l’offre
    • La Cour de cassation estimait en ce sens que la rencontre des volontés n’avait pas pu se réaliser, dans la mesure où son décès emportait disparition de sa volonté.
  • Deuxième étape
    • Dans un arrêt du 3 novembre 1983, la Cour de cassation est revenue sur sa position initiale en considérant dans le cadre d’un litige qu’elle a eu à connaître que « l’offre de vente n’avait pas été rétractée par m z… et ne pouvait dès lors être considérée comme caduque, ou inopposable à ses héritiers, du seul fait de son décès, et que l’acceptation de cette offre par la safer avait rendue la vente parfaite » (Cass. 3e civ., 3 novembre 1983, n°82-12.996)
    • Autrement dit, pour la Cour de cassation, le décès de l’offrant ne fait pas obstacle à la formation du contrat.
    • Le décès n’est donc pas de nature à entraîner la caducité de l’offre.
    • Celle-ci se transmettrait dès lors aux héritiers du pollicitant qui, en cas d’acceptation pendant le délai, sont obligés d’acter la formation du contrat, et par voie de conséquence, de l’exécuter.
  • Troisième étape
    • Dans un arrêt du 10 mars 1989, la Cour de cassation a opéré un nouveau revirement de jurisprudence en estimant que l’offre « devenue caduque par l’effet du décès [du pollicitant], ne pouvait être l’objet postérieurement à cette date d’une acceptation de la part [de son destinataire] » (Cass. 3e civ., 10 mai 1989, n°87-18.130).
    • La Cour de cassation revient ainsi à sa position initiale, soit à la règle selon laquelle le décès de l’offrant a pour effet d’entraîner la caducité de l’offre.
  • Quatrième étape
    • Dans un arrêt du 10 décembre 1997, nouveau revirement jurisprudence : la Cour de cassation décide que l’offre survit au décès de l’offrant (Cass. 3e civ., 10 déc. 1997, n°95-16.461)
    • Faits
      • En l’espèce, il s’agissait d’une offre assortie d’un délai exprès d’acceptation faite par deux offrants
      • L’un décède pendant le délai d’acceptation et le destinataire de l’offre accepte avant l’expiration du délai.
    • Procédure
      • Par un arrêt du 27 mars 1995, la Cour d’appel de Toulouse considère que le contrat ne pouvait pas se former puisque l’offre était caduque à la date de l’acceptation.
    • Solution
      • La décision des juges du fond est censurée par la Cour de cassation qui estime que qu’en raison de l’acceptation pendant le délai et en dépit du décès de l’un des offrants avant l’acceptation, le contrat était formé.
      • Pour justifier sa solution, la haute juridiction avance que les offrants s’étaient engagés à maintenir leur offre pendant un délai précis et que, par conséquent, le décès de l’un des offrants avant la fin de ce délai n’avait pas pu rendre l’offre caduque.
    • Analyse
      • Comment interpréter cet arrêt ?
      • La question se pose de savoir ce qui fait obstacle à la caducité :
        • Est-ce la stipulation d’un délai
        • Est-ce le décès de l’offrant
      • Les deux interprétations ont été défendues par la doctrine de sorte que l’on s’est demandé si véritablement cette décision opérait un revirement de jurisprudence.
      • La réponse à cette question va être apportée près de 17 ans plus tard

Cass. 3e civ., 10 déc. 1997

Sur le moyen unique :

Vu l’article 1134 du Code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 27 mars 1995), que, par acte sous seing privé du 21 mai 1987, les époux Y… ont promis de vendre à M. X… une maison, et ce jusqu’au 31 décembre 1991, que M. Y… étant décédé le 3 février 1989, M. X… a accepté l’offre le 27 avril 1990 et levé l’option le 1er novembre 1991 ; qu’il a ensuite assigné les consorts Y… afin d’obtenir la signature de l’acte authentique de vente à laquelle ces derniers s’opposaient ;

Attendu que pour décider que l’offre de vente faite par les époux Y… était devenue caduque lors de son acceptation par M. X…, le 27 avril 1990 du fait du décès de M. Y…, l’arrêt retient que le délai prévu à la promesse unilatérale de vente n’était qu’un délai de levée d’option et non un délai de maintien de l’offre ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses propres constatations que les époux Y… s’étaient engagés à maintenir leur offre jusqu’au 31 décembre 1991 et que le décès de M. Y… n’avait pu rendre cette offre caduque, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 27 mars 1995, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux.

  • Cinquième étape
    • Dans un arrêt du 25 juin 2014, la Cour de cassation a finalement estimé que « l’offre qui n’est pas assortie d’un délai est caduque par le décès de celui dont elle émane avant qu’elle ait été acceptée » (Cass. 1re civ., 25 juin 2014, n°13-16.529).
    • Aussi, ressort-il de cet arrêt que le sort de l’offre dépend, en définitive, de la stipulation d’un délai
      • En présence d’un délai : le décès de l’offrant n’entraîne pas la caducité de l’offre
      • En l’absence d’un délai : le décès de l’offrant entraîne la caducité de l’offre
    • Dans cet arrêt, la Cour de cassation adopte donc une solution intermédiaire qui consiste à distinguer selon que le pollicitant a, ou non, stipulé un délai.
    • Cette distinction est, cependant, très critiquable dans la mesure où l’on comprend mal pourquoi il conviendrait de traiter différemment le sort de l’offre selon qu’elle est ou non assortie d’un délai
    • En toutes hypothèses, il échoit, en effet, au pollicitant de maintenir l’offre, a minima, dans un délai raisonnable.
    • Pourquoi, dès lors, distinguer selon la nature du délai ?
    • À la vérité, soit l’on considère que, en cas de décès de l’offrant cette obligation est transmise à ses héritiers, soit l’on considère que l’offre est caduque.
    • On ne saurait, toutefois, adopter une solution intermédiaire.

Cass. 1re civ., 25 juin 2014

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, par acte unilatéral sous seing privé du […] juillet 2005, P. X… a « déclaré vendre » à son frère, M. J.-M. X…, la moitié indivise d’immeubles qu’ils ont recueillie dans la succession de leur père F. X… ; qu’il est décédé le […] novembre 2005 en laissant à sa succession ses deux enfants, M. T. X… et Mme Y… ; que des difficultés se sont élevées entre eux quant au sort des biens litigieux, M. J.-M. X… prétendant en être entier propriétaire pour avoir acquis la part indivise de son frère ; que par un premier arrêt, non critiqué, la cour d’appel a dit que cet acte constituait une offre de vente qui n’avait pas été acceptée avant le décès de P. X… ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. J.-M. X… fait grief à l’arrêt de dire que l’offre de vente du […] juillet 2005 était caduque au décès de P. X… et de dire, en conséquence, que la maison et le bois situés à […] faisaient partie de l’actif de la succession de F. X…, alors, selon le moyen :

1°/ qu’une offre de vente ne peut être considérée comme caduque du seul fait du décès de l’offrant ; qu’en jugeant néanmoins, pour dire que la maison et le bois sis à […] faisaient partie de l’actif de la succession, que l’offre de vente faite le […] juillet 2005 à son frère par P. X… était devenue caduque au décès de ce dernier, la cour d’appel a violé les articles 1101, 1103 et 1134 du code civil ;

2°/ que le décès de l’offrant qui était engagé dans des pourparlers ne rend pas son offre caduque ; qu’en se bornant, pour dire que l’offre du […] juillet 2005 était caduque, à se fonder sur la double circonstance déduite du décès de l’offrant et de l’intuitu personae de cette offre, sans rechercher si, dès lors que les parties s’étaient rapprochées après l’émission de l’offre, que le bénéficiaire avait cherché le financement de l’acquisition, que les pourparlers étaient engagés à un point tel qu’au mois d’octobre 2005 les pièces nécessaires à la rédaction de l’acte notarié de vente étaient demandées à ce dernier, le décès du pollicitant ne pouvait constituer une cause de caducité de son offre, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1101, 1103 et 1134 du code civil ;

Mais attendu que l’offre qui n’est pas assortie d’un délai est caduque par le décès de celui dont elle émane avant qu’elle ait été acceptée ; qu’ayant relevé qu’aucun délai de validité de l’offre n’avait été fixé la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, en a, à bon droit déduit, que l’offre était caduque en raison du décès de P. X… ; que le moyen n’est donc pas fondé

?Le règlement législatif du sort de l’offre en cas de décès de l’offrant

En réaction aux critiques adressées par la doctrine à la position de la Cour de cassation, le législateur a opté pour l’abandon de la solution adoptée en 2014.

Il ressort, en effet, de l’article 1117, al. 2 du Code civil que peu importe qu’un délai ait, ou non, été stipulé, l’offre ne survit pas au décès de l’offrant : elle est frappée de caducité.

Autrement dit, le décès de l’offrant fait obstacle à la formation du contrat. Les héritiers ne seront donc pas liés par l’offre émise par le de cujus, en ce sens qu’ils ne seront pas contraints d’exécuter le contrat en cas d’acceptation.

2. Le décès du destinataire de l’offre

Dans sa rédaction antérieure à la loi du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance du 10 février 2016, l’article 1117 du Code civil ne réglait pas le sort de l’offre en cas de décès du destinataire.

À la lecture de cette disposition, des sénateurs ont fait part de leur étonnement de ne pas voir réglée cette situation.

À cet égard, la Cour de cassation a pu considérer que, dans cette hypothèse, l’offre devenait caduque et plus précisément qu’elle ne se transmettait pas aux héritiers du destinataire (Cass. 1ère civ., 5 nov. 2008, n° 07-16.505).

Selon certains auteurs, la solution devrait être radicalement inverse en présence d’un contrat conclu intuitu personae.

Le législateur a néanmoins jugé une clarification nécessaire, le silence de la loi sur ce point lui semblant source d’incertitude et d’insécurité juridique.

Il a donc été décidé de modifier l’article 1117 du code civil afin d’affirmer clairement la caducité de l’offre en cas de décès du destinataire.

Désormais, l’offre devient donc caduque dans quatre cas :

  • Soit à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable
  • Soit en cas d’incapacité de l’auteur de l’offre
  • Soit en cas de décès du pollicitant
  • Soit en cas de décès du destinataire
  1. Ph. Delebecque, Les clauses allégeant les obligations : thèse, Aix, 1981, p. 198, n° 164 ?
  2. A. Seube, « Les conditions générales des contrats », Mélanges Jauffret, 1974, p. 622 ?

La promesse synallagmatique de contrat ou compromis de vente

Les contrats préparatoires se définissent comme les conventions conclues entre les parties, à titre provisoire, en vue de la signature d’un contrat définitif.

Dans cette perspective, le contrat préparatoire doit être distingué de l’offre de contrat :

  • Le contrat préparatoire est le produit d’une rencontre des volontés
    • Cela signifie donc qu’un contrat s’est formé, lequel est générateur d’obligations à l’égard des deux parties
    • Ces dernières sont donc réciproquement engagées à l’acte
    • En cas de violation de leurs obligations, elles engagent leur responsabilité contractuelle
  • L’offre de contrat est le produit d’une manifestation unilatérale de volonté
    • Il en résulte que l’offre de contrat n’est autre qu’un acte unilatéral
    • Il n’est donc générateur d’obligation qu’à l’égard de son auteur
    • L’offre de contrat ne crée donc aucune obligation à l’égard du bénéficiaire de l’offre
    • Le promettant, en revanche, engage sa responsabilité délictuelle en cas de retrait fautif de l’offre.

Parmi les contrats préparatoires, il convient de distinguer deux sortes de contrats :

  • Le pacte de préférence
  • La promesse de contrat

Nous nous focaliserons ici sur la promesse de contrat.

Contrairement à l’engagement pris par le promettant dans le cadre d’un pacte de préférence sur qui pèse seulement une obligation de négocier, la promesse de contrat oblige son auteur à conclure le contrat envisagé.

Dans ce second cas de figure, le promettant a, en d’autres termes, donné son consentement définitif quant à la réalisation de la vente. Il est, par conséquent, lié par l’engagement qu’il a pris, les principaux termes du contrat étant d’ores et déjà fixés.

Le promettant ne peut donc, ni se rétracter, ni négocier, sauf s’agissant, éventuellement, des modalités d’exécution du contrat.

Aussi, la conclusion du contrat dépend-elle désormais, soit de la volonté du bénéficiaire de la promesse qui, dans cette hypothèse, dispose d’un droit d’option, soit de la réalisation d’une condition stipulée par les parties (autorisation administrative, obtention d’un prêt etc.)

Il peut être observé qu’une promesse de contrat peut être conclue à des fins très diverses : vente, prêt, location, constitution de garantie, cession de droits sociaux, embauche etc…

Par ailleurs, l’examen des différents types de promesses de contrat révèle l’existence d’une distinction fondamentale entre :

  • D’une part, les promesses unilatérales
  • D’autre part, les promesses synallagmatiques

Nous examinerons la seconde forme de promesse.

La promesse synallagmatique de contrat est l’acte par lequel deux parties s’engagent réciproquent l’une envers l’autre à conclure un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés. Elle est couramment qualifiée de compromis ou plus précisément encore de compromis de vente.

La promesse synallagmatique peut toutefois porter sur d’autres contrats que la vente. Elle peut, en effet, avoir pour objet le contrat d’embauche, le contrat de location ou encore la cession de droits sociaux.

Afin de cerner au mieux la notion de promesse synallagmatique, plusieurs remarques s’imposent :

I) Promesse synallagmatique de contrat et promesse unilatérale de contrat

  • Point commun : le produit d’un accord de volontés
    • Tant la promesse synallagmatique, que la promesse unilatérale sont les produits d’un accord de volontés.
    • Il en résulte qu’elles peuvent être qualifiées de contrat
    • À la différence du pacte de préférence, cet accord de volonté porte, non pas sur l’engagement pris par l’une ou l’autre partie de négocier, mais sur la conclusion du contrat définitif
    • Aussi, lorsqu’une promesse synallagmatique est conclue, les négociations ont déjà eu lieu.
    • La promesse synallagmatique n’en est que le produit, car pour être valable, les parties doivent s’être entendues sur les éléments essentiels du contrat définitif, sans quoi leur consentement ne saurait être irrévocable.
  • Différences : l’engagement réciproque des parties
    • À la différence de la promesse unilatérale de contrat où seul le promettant a exprimé son consentement irrévocable, la promesse synallagmatique oblige les deux parties à conclure le contrat futur.
    • Autrement dit, elles ont toutes les deux exprimé leur consentement définitif à l’acte.
    • La rencontre des volontés a donc pu se réaliser.
    • En matière de promesse unilatérale de contrat, tel n’est pas le cas dans la mesure où le bénéficiaire dispose d’un droit d’option, ce qui lui confère la faculté de ne pas conclure le contrat définitif.
    • Lorsqu’une promesse synallagmatique est en revanche conclue, la formation du contrat définitif n’est suspendue à l’exercice d’aucun droit d’option.
    • Cette prérogative n’est conférée à aucune des deux parties

II) Avant-contrat ou contrat définitif ?

La conclusion d’une promesse synallagmatique implique que les deux parties aient exprimé leur consentement irrévocable au contrat définitif.

La question se pose alors de savoir si, finalement, ce dernier ne se confondrait pas avec la promesse synallagmatique ?

En d’autres termes la promesse synallagmatique peut-elle vraiment être qualifiée d’avant-contrat ?

La lecture de l’article 1589 alinéa nous invite à apporter une réponse négative à cette question.

Cette disposition prévoit, en effet, que « la promesse de vente vaut vente, lorsqu’il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix. »

En matière de promesse synallagmatique de vente, le Code civil pose ainsi un rapport d’équivalence entre la promesse et la vente.

Cette équivalence se justifie par le fait que, lors de la conclusion de la promesse synallagmatique, toutes les conditions de validité du contrat de vente sont d’ores et déjà remplies :

  • Les parties ont exprimé leur consentement définitif à la vente
  • Les parties se sont entendues sur la chose et sur le prix

Pourquoi, dès lors, parler de promesse synallagmatique et non de vente ?

?La doctrine

Elle est partagée entre deux opinions :

  • Contre l’autonomie de la promesse synallagmatique
    • Les partisans de l’autonomie de la promesse synallagmatique soutiennent qu’elle se confondrait avec le contrat définitif
    • Dans la mesure où les éléments essentiels du contrat sont déterminés, il s’agirait là, en vérité, du contrat prévu par les parties
    • Ce contrat serait toutefois assorti d’une condition ou d’un terme suspensif dont la réalisation constituerait une modalité d’exécution du contrat : autorisation administrative, établissement d’un acte authentique, obtention d’un prêt etc…
  • Pour l’autonomie de la promesse synallagmatique
    • Pour les partisans de l’autonomie de la promesse synallagmatique, ils avancent qu’elle ne s’apparenterait pas au contrat définitif
    • Selon eux, la condition ou le terme dont est assortie la promesse ne sauraient être regardés comme une simple modalité d’exécution du contrat.
    • Elle constituerait, au contraire, un élément essentiel du contrat
    • Or la formation du contrat serait subordonnée à la réalisation de cet élément
    • Lors de la conclusion de la promesse synallagmatique le contrat définitif ne serait donc pas parfait, malgré l’échange des consentements.

?La jurisprudence

L’examen de la jurisprudence révèle qu’elle a opté pour la voie médiane, en considérant que le caractère essentiel de la condition ou du terme dont est assortie la promesse synallagmatique de contrat dépendait de la volonté des parties.

Dans un arrêt du 10 mai 2005, la Cour de cassation a estimé en ce sens que la règle selon laquelle « la promesse de vente vaut vente n’a qu’un caractère supplétif » (Cass. 3e civ., 10 mai 2005, n°03-19.238).

Ainsi la troisième chambre civile considère-t-elle dans cet arrêt qu’il appartient aux seules parties de déterminer si la condition ou le terme suspensif dont est assortie la promesse synallagmatique constitue une simple modalité d’exécution du contrat ou s’il apparente à un véritable élément constitutif de celui-ci.

Cass. 3e civ., 10 mai 2005

Sur le moyen unique :

Vu l’article 1134 du Code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Basse-Terre, 2 juin 2003), que par acte du 25 mars 1996 Mme X… et ses co-indivisaires ont promis de vendre une parcelle à la société civile immobilière Kanlanjan (SCI) qui a levé l’option le même jour ; que la promesse stipulait que le consentement du promettant était subordonné à la condition de la signature de l’acte de vente authentique au plus tard le 30 avril 1996 et qu’à titre de condition suspensive, le prix devait être réglé au plus tard le jour de l’acte authentique, le propriétaire pouvant se prévaloir de son non-paiement soit pour poursuivre la réalisation soit pour se considérer comme libre de tous engagements ; que le prix n’a pas été payé à la date convenue et que l’acte authentique n’a pas été signé le 30 avril 1996 ;

que la SCI a assigné les vendeurs en constatation de la perfection de la vente ;

Attendu que pour accueillir la demande, l’arrêt retient que l’option a été levée et que la vente a été formée le 25 mars 1996, que le paiement du prix ne peut être érigé en condition suspensive et que les modalités de paiement du prix ne concernent que l’exécution de la vente et le transfert de propriété ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la règle selon laquelle la promesse de vente vaut vente n’a qu’un caractère supplétif, la cour d’appel qui a dénaturé les termes clairs et précis de la convention, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 2 juin 2003, entre les parties, par la cour d’appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Basse-Terre, autrement composée ;

Cette voie médiane empruntée par la Cour de cassation l’a conduite, depuis longue date, a estimé, par exemple, que dans l’hypothèse où une promesse synallagmatique de vente serait assortie d’une clause de réitération en la forme authentique, sauf à ce que les parties prévoient expressément le contraire, elle ne saurait constituer une condition validité du contrat, de sorte que la promesse vaut vente, conformément à l’article 1589, al. 1 du Code civil

Dans un arrêt 20 décembre 1994, la haute juridiction a, de la sorte, refusé de suivre une Cour d’appel qui avait estimé que le contrat de vente, objet d’une promesse synallagmatique, n’était pas parfait, dès lors que ladite promesse était assortie d’une clause qui stipulait que « que l’acquéreur sera propriétaire des biens vendus à compter seulement de la réitération par acte authentique » (Cass. 3e civ. 20 oct. 1994, n°92-20.878).

Cass. 3e civ. 20 déc. 1994

Sur le moyen unique :

Vu l’article 1589 du Code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande de M. Y… en réalisation forcée de la vente d’un immeuble que lui avait consentie M. X… par acte sous seing privé du 20 mai 1986, l’arrêt attaqué (Chambéry, 6 novembre 1992), statuant sur renvoi après cassation, retient que le ” compromis ” stipule que l’acquéreur sera propriétaire des biens vendus à compter seulement de la réitération par acte authentique, de sorte que le vendeur n’est tenu, envers l’acquéreur, que d’une obligation de faire pouvant se résoudre en dommages-intérêts ;

Qu’en statuant ainsi, après avoir constaté, par motifs adoptés, l’accord des parties sur la chose et sur le prix et sans relever d’autres circonstances de nature à démontrer que les parties avaient fait de la réitération par acte notarié un élément constitutif de leur consentement, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 6 novembre 1992, entre les parties, par la cour d’appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Grenoble.

  • Faits
    • Une promesse synallagmatique de vente est conclue par acte sous seing privé en date du 20 mai 1986
    • Cette promesse est, toutefois, assortie d’une clause de réitération en la forme d’acte authentique
    • Rétractation du vendeur avant que l’acte authentique ne soit signé devant notaire
  • Demande
    • L’acquéreur agit en exécution forcée de la vente
  • Procédure
    • Par un arrêt du 6 novembre 1992, la Cour d’appel de Chambéry déboute l’acquéreur de sa demande
    • Les juges du fonds constatent, tout d’abord, que la promesse synallagmatique stipulait que « l’acquéreur sera propriétaire des biens vendus à compter seulement de la réitération par acte authentique »
    • Elle en déduit ensuite que « le vendeur n’est tenu, envers l’acquéreur, que d’une obligation de faire pouvant se résoudre en dommages-intérêts »
    • Ainsi, pour la Cour d’appel le vendeur était infondé à obtenir l’exécution forcée de la vente, puisque le contrat n’était pas parfait.
    • Pour les juges du fond, la rétractation du vendeur était donc pleinement, efficace.
  • Solution
    • La Cour de cassation casse et annule la décision de la Cour d’appel en visant l’article 1589, al. 1 du Code civil.
    • Elle relève, en effet, que :
      • D’une part, les parties s’étaient entendues sur la chose et sur le prix
      • D’autre part, aucunes circonstances de l’espèce ne permettaient d’établir que les parties avaient fait de la réitération par acte notarié un élément constitutif de leur consentement
    • Il en résulte, selon elle, que, conformément à l’article 1589, al. 1 du Code civil, la promesse synallagmatique conclue entre les parties valait vente.
    • La clause de réitération de leurs consentements par acte authentique ne constituait donc pas, selon la haute juridiction, une condition de validité du contrat définitif
    • Celui-ci était d’ores et déjà formé dès la conclusion de la promesse de synallagmatique.
    • Aussi ressort-il de cet arrêt que la formation du contrat aurait pu être reportée au moment de l’établissement de l’acte authentique qu’à la condition que les parties l’aient expressément prévu dans la promesse.
    • Or tel n’était pas le cas en l’espèce.
    • Par conséquent, l’application de l’article 1589, bien que supplétif, ne pouvait pas être écartée.

III) Promesse synallagmatique et promesses unilatérales croisées

Il est fréquent, notamment dans le cadre de cessions de droits sociaux, que les parties à l’opération concluent l’une envers l’autre des promesses unilatérales croisées

En termes obligationnels, la situation est alors la suivante :

  • L’acquéreur s’engage irrévocablement envers le vendeur à acquérir le bien
  • Le vendeur s’engage irrévocablement envers l’acquéreur à lui vendre le bien

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir si la conclusion de promesses unilatérales croisées ne pourrait-elle pas valoir promesse synallagmatique ?

En effet, dans cette hypothèse, les parties ont réciproquement exprimé leur consentement définitif au contrat futur.

Or c’est là la marque de la promesse synallagmatique.

On pourrait toutefois objecter à cette analyse que, contrairement aux parties d’une promesse synallagmatiques, les bénéficiaires d’une promesse unilatérale disposent d’un droit d’option, de sorte que la conclusion du contrat n’est, en aucun cas, acquise.

En cas de conclusion de promesses unilatérales croisées, trois situations sont, en effet, envisageables :

  • Aucune des parties ne lève l’option : les engagements réciproques pris sont caducs
  • Les deux parties lèvent l’option : le contrat définitif est parfait
  • Une seule des deux parties lève l’option : le contrat définitif est parfait

Il ressort de ces trois possibilités, qu’il est une chance que le contrat définitif ne soit pas conclu, soit dans l’hypothèse où les deux parties ne lèveraient pas l’option.

Or en matière de promesse synallagmatique, cette hypothèse n’est pas envisageable dans la mesure où aucune des parties ne dispose d’un droit d’option.

Toutefois, rien ne les empêche de prévoir que la formation définitive du contrat sera subordonnée à la réalisation d’une condition ou d’un terme suspensif.

Aussi, dans l’hypothèse où cet élément essentiel du contrat ferait défaut, il sera fait échec à la formation du contrat définitif, de sorte que l’on est susceptible de se retrouver dans une situation similaire à celle qui se rencontre en matière de promesses unilatérales croisées, à savoir que les parties ne lèvent pas leur droit d’option.

Il en résulte que, sur le plan juridique, l’assimilation de la conclusion de promesses unilatérales croisées à une promesse synallagmatique de contrat pourrait, tout autant se justifier, qu’être contestée.

Qu’en est-il de la position de la jurisprudence ?

Dans un arrêt du 16 janvier 1990, la Cour de cassation a, par exemple, pu estimer que la conclusion de promesses unilatérales de vente pouvait valoir promesse synallagmatique, à la condition qu’elles soient stipulées en des termes identiques et que les parties se soient entendues sur les éléments essentiels du contrat (Cass. com. 16 janv. 1990, n°88-16.265)

Toutefois, dans un arrêt du 25 avril 1989, la chambre commerciale a adopté la solution inverse en considérant que « la promesse de vente qui ne contenait pas, en contrepartie de l’engagement de vendre, un engagement corrélatif d’acheter à la charge du bénéficiaire, nécessaire pour constituer une promesse synallagmatique, ne pouvait être considérée comme une telle promesse » (Cass. com. 25 avr. 1989, n°87-17.281).

Plus récemment, la Cour de cassation a encore jugé que « l’échange d’une promesse unilatérale d’achat et d’une promesse unilatérale de vente réalise une promesse synallagmatique de vente valant vente définitive dès lors que les deux promesses réciproques ont le même objet et qu’elles sont stipulées dans les mêmes termes » (Cass. com. 22 nov. 2005, n°04-12.183).

Cass. com. 22 nov. 2005

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 1134 et 1589 du Code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que les consorts X… ont cédé, le 22 juillet 1986, aux consorts Y… 1 350 des 1 500 actions qu’ils détenaient dans le capital de la société X… ; que, sous l’intitulé “engagement au 31 décembre 1987”, l’article 4 du contrat de cession stipulait deux promesses de vente et d’achat rédigées dans les termes suivants : “Le groupe Y… s’engage d’une façon solidaire et indivisible à acquérir au plus tard le 31 décembre 1987 les 10 % restant soit 150 actions au prix définitif de 140 000 francs de manière à porter sa participation à 100 %, les consorts X… s’engagent d’une façon solidaire et indivisible à vendre au plus tard le 31 décembre 1987, les 10 % restant soit 150 actions au prix définitif de 140 000 francs” ; que les consorts X… ont fait assigner le 30 octobre 1997 les consorts Y… et la société X… devant le tribunal de commerce en exécution forcée de cet engagement ;

Attendu que pour rejeter cette demande, la cour d’appel a retenu que les engagements constituaient un échange de promesses unilatérales de vente et d’achat devenues caduques à l’expiration du délai imparti à chacune des parties pour lever l’option ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’échange d’une promesse unilatérale d’achat et d’une promesse unilatérale de vente réalise une promesse synallagmatique de vente valant vente définitive dès lors que les deux promesses réciproques ont le même objet et qu’elles sont stipulées dans les mêmes termes, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 19 septembre 2003, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence

Que retenir de cette jurisprudence qui, à maints égards, paraît cruellement manquer de cohérence ?

À la vérité, tout est question d’intention des parties.

Autrement dit, afin de déterminer si la conclusion de promesses unilatérales croisées vaut promesse synallagmatique, il convient de se demander :

  • Si, d’une part, les promesses ont été stipulées en des termes identiques
  • Si, d’autre part, elles ont le même objet et ont été conclues à la même période
  • Si, enfin, les parties se sont entendues sur les éléments essentiels du contrat définitif

Dans l’hypothèse où ces trois conditions seraient réunies, la Cour de cassation sera manifestement encline à considérer que la conclusion de promesses unilatérales croisées vaut promesse synallagmatique.

Si, à l’inverse, les promesses unilatérales croisées ont été stipulées en considération de facteurs qui leur confèrent une certaine autonomie, la qualification de promesse synallagmatique leur sera alors refusée.

Il peut être observé que l’enjeu réside dans la possibilité pour les parties d’agir en exécution forcée de la promesse en cas de rétractation d’un cocontractant.

En résumé : indépendamment de leurs conditions de validités respectives, les avant-contrats se distinguent, d’abord, les uns des autres en fonction de la position qu’ils occupent sur l’échelle de la rencontre des volontés :

La promesse unilatérale de contrat (vente ou achat): notion, effets et sanctions

Les contrats préparatoires se définissent comme les conventions conclues entre les parties, à titre provisoire, en vue de la signature d’un contrat définitif.

Dans cette perspective, le contrat préparatoire doit être distingué de l’offre de contrat :

  • Le contrat préparatoire est le produit d’une rencontre des volontés
    • Cela signifie donc qu’un contrat s’est formé, lequel est générateur d’obligations à l’égard des deux parties
    • Ces dernières sont donc réciproquement engagées à l’acte
    • En cas de violation de leurs obligations, elles engagent leur responsabilité contractuelle
  • L’offre de contrat est le produit d’une manifestation unilatérale de volonté
    • Il en résulte que l’offre de contrat n’est autre qu’un acte unilatéral
    • Il n’est donc générateur d’obligation qu’à l’égard de son auteur
    • L’offre de contrat ne crée donc aucune obligation à l’égard du bénéficiaire de l’offre
    • Le promettant, en revanche, engage sa responsabilité délictuelle en cas de retrait fautif de l’offre.

Parmi les contrats préparatoires, il convient de distinguer deux sortes de contrats :

  • Le pacte de préférence
  • La promesse de contrat

Nous nous focaliserons ici sur la promesse de contrat.

Contrairement à l’engagement pris par le promettant dans le cadre d’un pacte de préférence sur qui pèse seulement une obligation de négocier, la promesse de contrat oblige son auteur à conclure le contrat envisagé.

Dans ce second cas de figure, le promettant a, en d’autres termes, donné son consentement définitif quant à la réalisation de la vente. Il est, par conséquent, lié par l’engagement qu’il a pris, les principaux termes du contrat étant d’ores et déjà fixés.

Le promettant ne peut donc, ni se rétracter, ni négocier, sauf s’agissant, éventuellement, des modalités d’exécution du contrat.

Aussi, la conclusion du contrat dépend-elle désormais, soit de la volonté du bénéficiaire de la promesse qui, dans cette hypothèse, dispose d’un droit d’option, soit de la réalisation d’une condition stipulée par les parties (autorisation administrative, obtention d’un prêt etc.)

Il peut être observé qu’une promesse de contrat peut être conclue à des fins très diverses : vente, prêt, location, constitution de garantie, cession de droits sociaux, embauche etc…

Par ailleurs, l’examen des différents types de promesses de contrat révèle l’existence d’une distinction fondamentale entre :

  • d’une part, les promesses unilatérales
  • d’autre part, les promesses synallagmatiques

Nous examinerons la première forme de promesse.

I) Notion

Aux termes de l’article 1124 du Code civil « la promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. »

Plusieurs éléments ressortent de cette définition :

A) Le produit d’un accord de volontés

La promesse unilatérale est qualifiée par le législateur de contrat, ce qui signifie qu’elle est le produit d’un accord de volontés

À la différence du pacte de préférence, cet accord de volonté porte sur l’engagement, pris par le promettant, non pas de négocier, mais de conclure le contrat définitif

Autrement dit, le promettant a exprimé son consentement irrévocable de contracter

Réciproquement, le bénéficiaire a accepté l’engagement pris envers lui, de sorte qu’il devient créancier du promettant

Aussi, la conclusion du contrat définitif dépend-elle désormais, de la volonté du seul bénéficiaire de la promesse qui dispose d’une option qui lui est consentie pendant un certain délai :

  • S’il lève l’option le contrat est définitivement formé par le jeu de la rencontre de l’offre (la promesse unilatérale de contrat) et de l’acceptation (l’exercice du droit d’option)
  • S’il ne lève pas l’option dans le délai fixé, le processus de formation du contrat est anéanti et le promettant est libéré de son engagement

Ainsi, la promesse unilatérale de contrat confère-t-elle au bénéficiaire de la promesse un véritable droit potestatif

B) Création d’obligations

?À la charge du promettant

La conclusion d’une promesse unilatérale de contrat crée une obligation de maintenir l’offre de contracter durant un certain délai à la charge du promettant

Ce dernier s’engage à voir la promesse consentie au bénéficiaire transformée en contrat définitif, en cas de levée de l’option

Contrairement au pacte de préférence, cet engagement n’est pas subordonné à la volonté du promettant de vendre le bien.

Celui-ci a d’ordre et déjà exprimé son consentement définitif de contracter.

Il en résulte que le promettant est privé de la possibilité de négocier les éléments essentiels du contrat ou encore de se rétracter.

?À la charge du bénéficiaire

La promesse unilatérale de contrat peut être assortie d’une obligation pour le bénéficiaire de verser au promettant une indemnité d’immobilisation

Cette indemnité sera due dans l’hypothèse où le bénéficiaire ne lèverait pas option

Elle est en somme la contrepartie de l’immobilisation du bien par le promettant pendant la durée de la promesse

C) Promesse unilatérale de contrat et offre de contracter

?Critères de la distinction

  • L’offre de contracter
    • Elle s’apparente à un engagement unilatéral de volonté
    • Aussi, la seule obligation qui pèse sur le pollicitant est, conformément à l’article 1116 du Code civil, de maintenir l’offre
      • Soit pendant « un délai raisonnable » si elle n’est assortie d’aucun délai
      • Soit jusqu’à « l’expiration du délai fixé », si l’offre est à durée déterminée
    • En dehors de ces exigences, l’offre est librement révocable.
  • La promesse unilatérale de contrat
    • Elle est le produit d’un accord de volontés, de sorte que la promesse de contrat s’apparente à un contrat
    • Il en résulte qu’elle est génératrice d’obligations : le promettant s’engage à conclure le contrat définitif
    • Aussitôt son consentement exprimé, ce dernier est donc privé de la faculté de se rétracter

?Intérêt de la distinction

L’intérêt de la distinction entre l’offre de contracter et la promesse unilatérale de contrat tient à deux choses :

  • La nature de la responsabilité du débiteur de l’engagement
    • En cas de violation de l’engagement pris dans le cadre d’une promesse unilatérale de contrat, le promettant engage sa responsabilité contractuelle.
    • En cas de violation de l’engagement pris dans le cadre d’une offre de contracter, le pollicitant engage sa responsabilité délictuelle.
  • La transmissibilité et la cessibilité du créancier de l’engagement
    • L’offre de contracter
      • Elle s’apparente à un engagement unilatéral de volonté, de sorte qu’elle est étroitement attachée à la personne du pollicitant
        • Elle n’est, par conséquent, ni transmissible, ni cessible
        • L’article 1117 du Code civil prévoit en ce sens que l’offre de contracter devient caduque « en cas d’incapacité ou de décès de son auteur. »
    • La promesse unilatérale de contrat
      • Elle confère au bénéficiaire un véritable droit de créance à l’encontre du promettant
      • Il en résulte que le droit d’option est librement cessible, tout autant qu’il est transmissible aux héritiers à cause de mort

II) Conditions de validité de la promesse unilatérale de contrat

A) Conditions de droit commun

Dans la mesure où la promesse unilatérale est un contrat, elle est soumise aux conditions de droit commun énoncées à l’article 1128 du Code civil

  • Les parties doivent donc être capables et avoir consenti à la promesse
  • L’engament pris par le promettant doit, par ailleurs, avoir un objet déterminé et licite

B) Conditions spécifiques

?Les éléments essentiels du contrat définitif

À la différence du pacte de préférence, la promesse unilatérale de contrat requiert que les éléments essentiels du contrat soient déterminés.

Cela s’explique par le fait que le promettant a exprimé son consentement irrévocable de contracter.

Aussi, pour avoir valablement consenti, il doit avoir été en mesure d’apprécier la portée de son engagement.

Or cela suppose que les éléments essentiels du contrat aient été stipulés.

En matière de promesse unilatérale de vente, les parties doivent donc être tombées d’accord sur la chose et le prix.

La Cour de cassation a estimé en ce sens que la fixation du prix ne doit pas nécessiter la survenance d’un nouvel accord, faute de quoi la promesse serait nulle (V. en ce sens Cass. com., 30 nov. 2004, n°03-13.756).

?Le droit d’option

Pour que la promesse unilatérale de contrat soit valide, cela suppose que le promettant consente au bénéficiaire un droit d’option.

L’article 1124, al.1 vise expressément ce droit d’option

À la vérité, la promesse unilatérale de contrat ne se conçoit pas en dehors de ce droit d’option. Elle lui est consubstantielle.

Cela signifie que, non seulement ce droit d’option doit exister, mais encore que son exercice ne doit pas être enfermé dans des conditions trop restrictives.

Aussi, l’étendue de ce droit d’option dépendra de deux éléments :

  • La durée du droit d’option
    • Un délai extinctif a été fixé par les parties
      • Dans cette hypothèse – la plus simple – la promesse unilatérale devient caduque une fois le délai d’option écoulé
      • Si, les parties sont libres de fixer la durée de la promesse, quid dans l’hypothèse où le délai serait, soit extrêmement réduit, soit extrêmement long ?
      • La validité du délai devrait, sans aucun doute, s’apprécier à la lumière des principes de loyauté et de prohibition des engagements perpétuels
    • Aucun délai extinctif n’a été fixé par les parties
      • Contrairement à l’avant-projet de réforme du droit des obligations, l’ordonnance du 10 février 2010 ne subordonne pas la validité de la promesse à la fixation d’une durée d’option déterminée
      • Il en résulte que les parties peuvent n’avoir, soit par choix, soit par omission, fixé aucun délai
      • Dans cette hypothèse, le promettant devrait pouvoir se rétracter à tout moment, conformément au principe de prohibition des engagements perpétuels.
      • Il peut, par ailleurs, être observé que dans un arrêt du 25 mars 2009, la Cour de cassation n’exige pas du promettant qu’il mette en demeure le bénéficiaire de la promesse d’opter avant de se rétracter (Cass. 3e civ., 25 mars 2009, n°08-12.237).
      • On pourrait néanmoins penser que, comme en matière d’offre de contrat, le promettant doit, dans le cadre d’une promesse unilatérale de contrat, maintenir son engagement durant un délai raisonnable.

Cass. 3e civ., 25 mars 2009

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1101 et 1134 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Colmar, 29 novembre 2007), que les époux X… ont consenti le 20 août 2004 à la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural d’Alsace (SAFER) une promesse unilatérale de vente de diverses parcelles de terre, enregistrée à l’initiative de la SAFER le 23 août 2004 ; qu’ils ont retiré cette promesse le 25 août 2004 ; que la SAFER a levé l’option par lettre recommandée du 7 septembre 2004 ; que la SAFER a assigné les époux X… en réalisation forcée de la vente ;

Attendu que pour accueillir la demande, l’arrêt retient qu’en l’absence de délai imparti à la SAFER pour lever l’option, il appartenait aux époux X…, qui souhaitaient revenir sur leurs engagements, de mettre préalablement en demeure le bénéficiaire de la promesse d’accepter ou de refuser celle-ci ; qu’en l’absence de cette formalité leur “dénonciation” de leur promesse était sans effet sur l’acceptation de la bénéficiaire, régulièrement intervenue le 7 septembre 2004 ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu’il le lui était demandé, si le retrait par les époux X… de leur promesse unilatérale de vente n’avait pas été notifié à la SAFER avant que celle-ci ne déclare l’accepter, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 29 novembre 2007, entre les parties, par la cour d’appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Colmar, autrement composée

  • Le montant de l’indemnité d’immobilisation
    • Les parties peuvent avoir prévu d’assortir la promesse unilatérale de contrat d’une indemnité d’immobilisation due au promettant dans l’hypothèse où le bénéficiaire ne lèverait pas l’option
    • Quid dans l’hypothèse où le montant de cette indemnité serait très élevé, voire égale au prix fixé dans le contrat définitif ?
    • Ne pourrait-on pas considérer que le montant de l’indemnité d’immobilisation est de nature à priver le bénéficiaire de son droit de ne pas lever l’option ?
    • On pourrait alors en déduire que la promesse est nulle dans la mesure où le droit d’option serait vidé de substance.
    • La jurisprudence de la Cour de cassation révèle que sa position est pour le moins incertaine :
      • Dans un arrêt du 1er décembre 2010 elle a approuvé une Cour d’appel qui avait refusé de prononcer la nullité d’une promesse unilatérale de contrat en relevant « qu’aux termes de l’acte du 6 mai 1958 une seule partie, les vendeurs, s’était engagée de manière ferme et définitive, envers le candidat acquéreur, qui prenait acte de l’engagement mais qui de son côté ne s’engageait pas, à conclure le contrat définitif, disposant d’une option lui permettant dans l’avenir de donner ou non son consentement à la vente et que le versement d’un dépôt de garantie d’un montant presqu’égal au prix de la vente ne préjudiciait en rien à la qualification de cet acte » (Cass. 1ère civ., 1er déc. 2010, n°09-65.673).

Cass. 1ère civ., 1er déc. 2010

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 novembre 2008) qu’Edouard X…, qui était alors marié en premières noces sans contrat avec Mme Y…, a signé le 6 mai 1958, une promesse de vente en vue d’acquérir un appartement en cours de construction ; que l’acte authentique, qui devait intervenir dans un délai de deux ans, a été régularisé le 13 avril 1960, postérieurement à l’assignation en divorce délivrée le 18 mai 1959 mais avant que celui-ci soit prononcé le 21 mai 1962 ; qu’Edouard X…, est décédé le 21 juin 2002 laissant pour lui succéder, son fils unique, Bernard X…, né de sa première union et Mme Z…, sa seconde épouse, commune en biens ; que, par testament olographe du 3 juillet 1995, Edouard X… a légué à cette dernière la propriété de l’appartement litigieux ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé, après avis de la troisième chambre civile :

Attendu que M. Bernard X… fait grief à l’arrêt d’avoir jugé que l’immeuble sis … était un bien propre de son père ;

Attendu qu’ayant retenu, d’une part, qu’aux termes de l’acte du 6 mai 1958 une seule partie, les vendeurs, s’était engagée de manière ferme et définitive, envers le candidat acquéreur, qui prenait acte de l’engagement mais qui de son côté ne s’engageait pas, à conclure le contrat définitif, disposant d’une option lui permettant dans l’avenir de donner ou non son consentement à la vente et que le versement d’un dépôt de garantie d’un montant presqu’égal au prix de la vente ne préjudiciait en rien à la qualification de cet acte, et, d’autre part, que l’acte authentique signé le 13 avril 1960 stipulait que la propriété du bien n’était acquise qu’à compter de cette date, la cour d’appel en a exactement déduit que l’immeuble litigieux constituait un bien propre du défunt ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé

      • Dans un arrêt du 26 septembre 2012, elle a adopté la solution inverse en estimant que « au vu de l’importance de cette indemnité, les articles 1.3 et 1.6 du contrat créent une véritable obligation d’acquérir à la charge du bénéficiaire, transformant la promesse unilatérale de vente en contrat synallagmatique » (Cass. 3e civ. 26 sept. 2012, n°10-23.912).

Cass. 3e civ. 26 sept. 2012

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 29 juin 2010), que par acte sous seing privé du 4 avril 2007, la société DR Cap Corniche a signé avec la société France Invest Ans une promesse unilatérale de vente portant sur l’achat d’un immeuble et a versé une indemnité d’immobilisation ; que la société France Invest Ans n’ayant pas signé l’acte authentique dans le délai de la promesse, la société DR Cap Corniche l’a assignée en paiement de l’indemnité d’immobilisation et en réparation de son préjudice ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l’article 1589 du code civil ;

Attendu que pour débouter la société DR Cap Corniche de sa demande en paiement de l’indemnité d’immobilisation, l’arrêt retient qu’au vu de l’importance de cette indemnité, les articles 1.3 et 1.6 du contrat créent une véritable obligation d’acquérir à la charge du bénéficiaire, transformant la promesse unilatérale de vente en contrat synallagmatique ;

Qu’en statuant ainsi, sans relever que la promesse de vente était assortie d’une indemnité si importante par rapport au prix de vente qu’elle privait la société France Invest de sa liberté d’acheter ou de ne pas acheter, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts de la société DR Cap Corniche, l’arrêt rendu le 29 juin 2010, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier ; remet, en conséquence, pour le surplus, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier, autrement composée

      • Il peut être observé que la Cour de cassation refuse systématiquement (V. en ce sens Cass. 3e civ., 5 déc. 1984) d’assimiler l’indemnité d’immobilisation à une clause pénale
      • Elle ne saurait donc faire l’objet d’une révision en application de l’article 1231-5, al. 2 du Code civil qui prévoit que « le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. »

C) Conditions de forme

?Principe

La promesse unilatérale de contrat est un acte consensuel

Il en résulte que sa validité n’est pas soumise à la satisfaction de conditions de forme, sauf dispositions légales spécifiques

Le seul échange des consentements suffit, par conséquent, à parfaire la promesse

?Exception

Conformément à l’article 1589-2 du Code civil, lorsque la promesse porte sur la vente afférente à un immeuble, à un droit immobilier, à un fonds de commerce, à un droit à un bail portant sur tout ou partie d’un immeuble ou aux titres de certaines sociétés, sa validité est subordonnée, à peine de nullité, à l’accomplissement d’une formalité d’enregistrement dans le délai de dix jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire.

III) Effets de la promesse de contrat

A) Les effets à l’égard du bénéficiaire

?L’octroi d’un droit d’option

La promesse de contrat confère au bénéficiaire un droit d’option en vertu duquel il dispose, durant un certain délai, d’une exclusivité contractuelle quant à la conclusion du contrat

Aussi, tant que le délai d’option n’a pas expiré, le bénéficiaire peut librement accepter ou refuser de conclure le contrat définitif

?La nature du droit d’option

  • Un droit réel ?
    • Le droit d’option ne s’apparente pas à un droit réel dans la mesure où le bénéficiaire ne dispose d’aucun pouvoir direct et immédiat sur la chose promise
    • Qui plus est, tant que le bénéficiaire n’a pas levé l’option, le contrat n’est pas encore conclu.
    • Or le transfert de propriété ne saurait s’effectuer qu’au moment de la formation du contrat.
  • Un droit de créance ?
    • Le droit d’option ne s’apparente pas non plus à droit de créance, dans la mesure où, en consentant la promesse, le promettant s’est seulement engagé à contracter avec le bénéficiaire.
    • Il ne s’est nullement obligé à lui confier la jouissance de la chose promise, bien que la propriété de cette dernière ait vocation à être transférée au bénéficiaire une fois le contrat conclu.
  • Un droit potestatif ?
    • Le droit potestatif se définit comme la prérogative qui permet à son titulaire de créer, modifier, ou éteindre une situation juridique par un acte de volonté unilatéral
    • Tel est la particularité du droit d’option qui confère au bénéficiaire de la promesse le pouvoir de conclure le contrat définitif par l’effet de sa seule volonté

?L’exercice du droit d’option

Durant le délai d’option, le bénéficiaire peut

  • Soit accepter de lever l’option auquel cas le contrat définitif est conclu par le jeu de la rencontre des volontés
  • Soit refuser de lever l’option auquel cas la promesse de contrat devient caduque, la rencontre des volontés n’ayant pas pu s’effectuer

B) Les effets à l’égard du promettant

?Création d’une obligation de faire

La promesse de contrat a pour effet de rendre irrévocable le consentement du promettant quant à la conclusion du contrat future

Autrement dit, le promettant ne s’est pas seulement engagé à négocier.

Il s’est également obligé à contracter avec le bénéficiaire de la promesse dans l’hypothèse où celui-ci lèverait l’option

Ainsi, la promesse de contrat crée-t-elle, à la charge du promettant, une obligation de faire

?Création d’une obligation de ne pas faire

Lors de la conclusion de la promesse, le promettant ne s’est pas seulement engagé à contracter avec le bénéficiaire, il s’est aussi obligé à ne pas conclure de contrat avec des tiers

En d’autres termes, il lui est fait défense de disposer de la chose promise jusqu’à l’expiration du délai d’option.

IV) Inexécution de la promesse de contrat

L’inexécution de la promesse peut intervenir dans deux situations distinctes :

A) Le promettant contracte avec un tiers

?Violation de l’obligation de ne pas faire

Dans l’hypothèse où le promettant contracte avec un tiers, il viole son obligation de ne pas faire, laquelle lui impose de ne pas disposer de la chose promise tant que le délai d’option n’est pas écoulé.

?La nullité du contrat

En guise de sanction, l’article 1124, al. 3 du Code civil prévoit que « le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l’existence est nul.

Le prononcé de la nullité est subordonné à la réunion de deux conditions cumulatives :

  • La preuve de l’existence d’une promesse
  • La connaissance par le tiers de l’existence de la promesse

Il peut être observé que l’ordonnance du 10 février 2016 n’a prévu aucune action interrogatoire à la faveur des tiers alors qu’une telle action leur a été conférée en matière de pacte de préférence

La question qui alors se pose est de savoir dans quelles circonstances les tiers sont réputés avoir connaissance de la promesse unilatérale

Dans le silence de la loi, la charge de la preuve devrait peser sur le bénéficiaire.

?L’octroi de dommages et intérêts

À la différence de l’article 1123, al. 2 du Code civil qui permet au bénéficiaire d’un pacte de préférence d’« obtenir la réparation du préjudice subi », l’article 1124 n’offre pas une telle possibilité pour le bénéficiaire d’une promesse unilatérale de contrat

Est-ce à dire que ce dernier est privé de la faculté d’engager une action en responsabilité à l’encontre du promettant dans l’hypothèse où il conclurait le contrat définitif avec un tiers en violation de la promesse ?

On ne saurait raisonnablement l’envisager, ne serait-ce que parce que l’on voit mal pourquoi le bénéficiaire ne serait pas fondé à agir en responsabilité, dès lors qu’il prouve que la violation de la promesse lui a occasionné un préjudice certain

B) Le promettant rétracte son consentement

?Violation de l’obligation de faire

Dans l’hypothèse où le promettant rétracte son consentement quant à la conclusion du contrat définitif, il viole l’obligatoire de faire qui lui échoit, soit son engagement de conclure le contrat définitif avec le bénéficiaire de la promesse.

?La sanction de la rétractation

La sanction de la rétraction du promettant a fait l’objet d’un important débat doctrinal.

La question s’est, en effet, posée de savoir ce que le bénéficiaire de la promesse pouvait obtenir lorsque, pendant le délai et au mépris du droit d’option, le promettant se rétracte et revient sur son engagement de contracter ?

Plus concrètement, en dépit de la rétractation du promettant, le bénéficiaire qui lève l’option pendant le délai fixé :

  • peut-il prétendre à la conclusion du contrat, ce qui donc se traduirait par l’exécution forcée de l’obligation de faire du promettant ?
  • ou peut-il seulement revendiquer l’octroi de dommages et intérêts et renoncer à la conclusion du contrat, objet de la promesse ?

Deux solutions radicalement opposées ont été adoptées, d’abord par la jurisprudence, puis par le législateur :

  • La jurisprudence
    • Première étape
      • Dans un arrêt Cruz du 15 décembre 1993, la Cour de cassation a approuvé une Cour d’appel qui avait refusé de prononcer l’exécution forcée d’une promesse suite à la rétractation du promettant.
      • Au soutien de son approbation, la troisième chambre civile avance que « tant que les bénéficiaires n’avaient pas déclaré acquérir, l’obligation de la promettante ne constituait qu’une obligation de faire et que la levée d’option, postérieure à la rétractation de la promettante, excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir » (Cass. 3e civ., 15 déc. 1993, n°91-10.199).
      • Autrement dit, pour la troisième chambre civile, dans la mesure où en cas de rétractation du promettant l’inexécution de la promesse porte sur obligation de faire, cette inexécution ne peut se résoudre qu’en dommages et intérêts conformément à l’ancien article 1142 du code civil
      • Pour mémoire, cette disposition prévoyait que « toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur. »
      • Ainsi, pour la Cour de cassation, la rétractation du promettant pendant le délai d’option ne peut donner lieu qu’à l’octroi de dommages et intérêts
      • Elle en déduit alors que ladite rétractation conserve toute efficacité.
      • Il peut être observé que la haute juridiction est restée arc-boutée, pendant longtemps, sur sa position estimant que la rétraction du promettant faisait obstacle à la rencontre des volontés.
      • Plus précisément, selon elle, au moment où le bénéficiaire a manifesté sa volonté d’acquérir le bien, le promettant, puisqu’il s’est rétracté, a manifesté, quant à lui, la volonté inverse, soit son intention de ne plus contracter.
      • Les volontés du bénéficiaire et du promettant ne se sont donc pas rencontrées et le contrat définitif n’a pas pu se former.
      • Critiques
        • Bien que conforme à la lettre de l’article 1142, la solution retenue par la Cour de cassation n’en repose pas moins sur analyse erronée de la situation juridique.
        • En effet, une fois que le promettant a exprimé son consentement à la promesse, il a d’ores et déjà manifesté sa volonté définitive de contracter avec le bénéficiaire.
        • En d’autres termes, dès la conclusion de la promesse, le promettant s’est engagé irrévocablement à conclure le contrat futur.
        • Une fois la promesse acceptée par le bénéficiaire, conformément au principe de force obligatoire des contrats, le promettant ne peut donc plus revenir sur son engagement.
        • Aussi, le promettant ne devrait-il plus disposer de la faculté de rétracter son consentement, comme l’y autorise la Cour de cassation dans l’arrêt Cruz.

Arrêt Cruz

(Cass. 3e civ., 15 déc. 1993)

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 8 novembre 1990), que Mme Y…, qui avait consenti, le 22 mai 1987, aux consorts X… une promesse de vente d’un immeuble, valable jusqu’au 1er septembre 1987, a notifié aux bénéficiaires, le 26 mai 1987, sa décision de ne plus vendre ; que les consorts X…, ayant levé l’option le 10 juin 1987, ont assigné la promettante en réalisation forcée de la vente ;

Attendu que les consorts X… font grief à l’arrêt de les débouter de cette demande, alors, selon le moyen, que, dans une promesse de vente, l’obligation du promettant constitue une obligation de donner ; qu’en rejetant la demande des bénéficiaires en réalisation forcée de la vente au motif qu’il s’agit d’une obligation de faire, la cour d’appel a ainsi violé les articles 1134 et 1589 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d’appel, ayant exactement retenu que tant que les bénéficiaires n’avaient pas déclaré acquérir, l’obligation de la promettante ne constituait qu’une obligation de faire et que la levée d’option, postérieure à la rétractation de la promettante, excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir, le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

    • Deuxième étape
      • Dans un arrêt du 8 septembre 2010, la Cour de cassation a estimé que, en concluant une promesse de contrat, « le promettant avait définitivement consenti à vendre et que l’option pouvait être valablement levée, après son décès, contre ses héritiers tenus de la dette contractée par leur auteur, sans qu’il y eût lieu d’obtenir l’autorisation du juge des tutelles » (Cass. 3e civ. 8 sept. 2010, n°09-13.345)
      • Certains auteurs ont vu dans cette décision un abandon de la jurisprudence Cruz.
      • Dans cette décision, la Cour de cassation affirme effectivement, très explicitement, que le promettant a irrévocablement exprimé son consentement quant à la conclusion du contrat définitif
      • Aussi, cela devait-il conduire la haute juridiction à admettre que, en cas de rétraction du promettant, le bénéficiaire soit fondé à agir en exécution forcée de la promesse.

Cass. 3e civ. 8 sept. 2010

Attendu, selon les arrêts attaqués (Pau, 21 octobre 2008 et 3 février 2009), que par acte sous seing privé du 30 mai 2005, M. et Mme X… ont consenti à la société Francelot, avec faculté de substitution, une promesse unilatérale de vente d’un terrain ; que la promesse était valable jusqu’au 22 avril 2006 et prorogeable ensuite deux fois par périodes d’un an à défaut de dénonciation par le promettant trois mois avant l’expiration de chaque délai ; que M. X… est décédé le 31 juillet 2006, laissant notamment pour lui succéder un héritier mineur, placé sous le régime de l’administration légale sous contrôle judiciaire ; que la société Conseil en bâtiment, substituée dans le bénéfice de la promesse, a levé l’option le 18 décembre 2007 ; que les consorts X… ayant refusé de régulariser la vente, la société Conseil en bâtiment les a assignés pour faire déclarer celle-ci parfaite ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche :

Vu l’article 1589 du code civil ;

Attendu que pour dire irrecevable la demande de la société de Conseil en bâtiment, l’arrêt retient que l’exécution forcée de la vente n’étant que la conséquence de la reconnaissance par jugement de sa validité, il est nécessaire au préalable de statuer sur l’existence ou non de cette vente, qu’une promesse unilatérale de vente n’a pas pour effet de transmettre à celui qui en est bénéficiaire la propriété ou des droits immobiliers sur le bien qui en est l’objet, que l’obligation du promettant quoique relative à un immeuble constitue tant que le bénéficiaire n’a pas déclaré acquérir non pas une obligation de donner mais une obligation de faire, qu’en l’espèce, lors du décès de M. Edouard X… avant la levée de l’option, la vente n’était pas réalisée et que, par voie de conséquence, l’autorisation du juge des tutelles était nécessaire à cette réalisation ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le promettant avait définitivement consenti à vendre et que l’option pouvait être valablement levée, après son décès, contre ses héritiers tenus de la dette contractée par leur auteur, sans qu’il y eût lieu d’obtenir l’autorisation du juge des tutelles, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la quatrième branche du premier moyen :

REJETTE le pourvoi formé contre l’arrêt du 21 octobre 2008 ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 3 février 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Pau, autrement composée ;

    • Troisième étape
      • Bien qu’en 2010 la Cour de cassation ait admis que, en concluant une promesse, le promettant avait exprimé son consentement irrévocable au contrat définitif, dans un arrêt du 11 mai 2011, elle refuse d’en tirer la conséquence que, en cas de rétraction du promettant, l’exécution forcée de la promesse puisse être prononcée (Cass. 3e civ. 11 mai 2011, n°10-12.875).
      • La haute juridiction persiste à maintenir la position qu’elle avait adoptée dans l’arrêt Cruz.
      • Elle affirme en ce sens que « la levée de l’option par le bénéficiaire de la promesse postérieurement à la rétractation du promettant excluant toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir, la réalisation forcée de la vente ne peut être ordonnée ».
      • Comme le souligné par Grégoire Forest : retour à la case départ.

Cass. 3e civ. 11 mai 2011

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 novembre 2009), rendu sur renvoi après cassation (3e chambre civile, 28 janvier 2009, pourvoi n° 08-12. 649), que les époux Pierre et Simone X… ont acquis l’usufruit d’un immeuble aux Saintes-Maries-de-la-Mer et leur fils Paul la nue-propriété ; que par acte authentique du 13 avril 2001, celui-ci a consenti après le décès de son père une promesse unilatérale de vente de l’immeuble à M. Y…, qui l’a acceptée, en stipulant que Mme Simone X… en avait l’usufruit en vertu de l’acte d’acquisition et que la réalisation de la promesse pourrait être demandée par le bénéficiaire dans les quatre mois à compter du jour où celui-ci aurait connaissance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, du décès de l’usufruitière ; que par acte sous seing privé du 7 avril 2004, Mme Z… a pris l’engagement de régulariser l’acte authentique de vente relatif à la promesse unilatérale de vente et s’est mariée le 28 avril 2004 avec M. Paul X…, qui est décédé le 25 mai 2004 ; que par acte du 31 octobre 2005, Mme Z…- X… a assigné M. Y… en annulation de la promesse unilatérale de vente ; que par lettre du 31 janvier 2006, Mme Z…- X… a notifié à M. Y… le décès de sa belle-mère usufruitière, survenu le 2 janvier 2006 ; que M. Y… a levé l’option le 17 mai 2006 ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles 1101 et 1134 du code civil ;

Attendu que pour dire la vente parfaite, l’arrêt retient qu’en vertu de la promesse unilatérale de vente Mme Z…- X… devait maintenir son offre jusqu’à l’expiration du délai de l’option, sans aucune faculté de rétractation ; que Mme Z…- X… ne pouvait se faire justice à elle-même et que le contrat faisant loi, elle ne pouvait unilatéralement se désengager ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la levée de l’option par le bénéficiaire de la promesse postérieurement à la rétractation du promettant excluant toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir, la réalisation forcée de la vente ne peut être ordonnée, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 novembre 2009, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;

  • L’ordonnance du 10 février 2016
    • Manifestement, le législateur n’est pas demeuré insensible aux critiques formulées par la doctrine à l’encontre de la position de la Cour de cassation
    • C’est la raison pour laquelle il a décidé de mettre un terme à la jurisprudence Cruz lors avec l’ordonnance du 10 février 2016.
    • Le nouvel article 1124, al. 2 du Code civil prévoit à cette fin que « la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis. »
    • Ainsi, dorénavant, en cas de rétractation du promettant durant le délai d’option, le bénéficiaire sera fondé à demander l’exécution forcée de la promesse.
    • La rétractation du promettant sera donc privée d’efficacité, ce qui signifie que dès lors que le bénéficiaire lève l’option, la rencontre des volontés est scellée et le contrat définitif est irrévocablement formé.
    • Reste que cette nouvelle règle ne s’applique que pour les promesses unilatérales conclues après l’entrée en vigueur de l’ordonnance.
    • Pour celles nées antérieurement à ce texte, elles demeurent soumises aux solutions dégagées par la jurisprudence.
  • Le revirement de jurisprudence
    • Après l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, la Cour de cassation a abandonné la position adoptée dans l’arrêt Cruz.
    • Son revirement de jurisprudence s’est opéré en deux étapes :
      • Première étape
        • Par deux arrêts rendus le 21 septembre 2017, la Chambre sociale a jugé que « la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, dont l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ; que la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat de travail promis » (Cass. soc. 21 sept. 2017, n°16-20.103 et n°16-20.104).
        • Il est ainsi explicitement affirmé dans cette décision que la révocation d’une promesse de contrat ne fait pas obstacle à la formation du contrat définitif et donc à ce que, en cas d’irrégularité, elle donne lieu à une exécution forcée de l’engagement pris.
        • Compte tenu de ce que la solution retenue émanait de la Chambre sociale, la doctrine s’est demandé si elle emportait l’adhésion de toutes les chambre de la Cour de cassation ou s’il fallait y voir une position isolée.
        • Il s’est finalement avéré que cette décision augurait un abandon définitif de la jurisprudence Cruz par la haute juridiction.
      • Seconde étape
        • Dans un arrêt du 23 juin 2021, la Troisième chambre civile approuve une Cour d’appel « ayant retenu à bon droit que la rétractation du promettant ne constituait pas une circonstance propre à empêcher la formation de la vente » de sorte que les juges du fond ont « exactement déduit que, les consentements des parties s’étant rencontrés lors de la levée de l’option par les bénéficiaires, la vente était parfaite » (Cass. 3e civ. 23 juin 2021, n°20-17.554).
        • Contrairement à ce que l’on aurait pu penser, pour aboutir à cette solution, la Cour de cassation ne s’appuie nullement sur l’ordonnance du 10 février 2016 ; mais fonde son analyse sur les arguments techniques qui avaient été proposés par la doctrine sous l’empire du droit antérieur.
        • A l’examen, son raisonnement s’opère en trois temps :
          • Premier temps
            • La Troisième civile avance – à juste titre – que lorsque le promettant consent une promesse de contrat, il ne souscrit nullement une obligation de faire ; il mais exprime son consentement au contrat définitif, dont la formation dépend de la seule levée de l’option par le bénéficiaire.
            • Ainsi selon elle « à la différence de la simple offre de vente, la promesse unilatérale de vente est un avant-contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire et à la date duquel s’apprécient les conditions de validité de la vente, notamment s’agissant de la capacité du promettant à contracter et du pouvoir de disposer de son bien. »
          • Deuxième temps
            • La Cour de cassation souligne que, parce que l’engagement pris par le promettant de contracter a d’ores été déjà été donné, celui-ci « s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire »
            • Pendant toute la durée de validité de la promesse, le promettant est, autrement dit, irrévocablement engagé.
          • Troisième temps
            • Dans la mesure où le promettant est irrévocablement engagé dès la souscription de la promesse, la Troisième chambre civile en déduit que la rétractation du promettant ne saurait constituer une circonstance propre à empêcher la formation du contrat.
        • La Troisième chambre civile a, par suite, reconduit, la solution adoptée dans l’arrêt du 23 juin 2021.
        • Dans un arrêt du 20 octobre 2021 elle a jugé que le promettant ne pouvait pas revenir sur sa promesse durant le délai d’option consenti au bénéficiaire, son engagement présentant, pendant ce délai, un « caractère ferme et définitif ».
        • La vente étant parfaite, peu importe que la levée de l’option comporte ou non un délai, la révocation de la promesse ne fait pas obstacle à l’exécution du contrat valablement formé (Cass. 3e civ. 20 oct. 2021, n°20-18.514).