Le Droit dans tous ses états

LE DROIT DANS TOUS SES ETATS

L’erreur sur la substance ou sur les qualités essentielles de la prestation: réforme des obligations

Aux termes de l’article 1132 du Code civil « l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. »

Il ressort de cette disposition que seules deux catégories d’erreur sont constitutives d’une cause de nullité du contrat :

  • L’erreur sur les qualités essentielles de la prestation due
  • L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant

À ces deux catégories d’erreur, il convient toutefois d’en ajouter une troisième à laquelle ne fait nullement référence l’ordonnance du 10 février 2016 et qui, pourtant regroupe des hypothèses où l’erreur est si grave qu’elle empêche la rencontre même des volontés. Il s’agit de la catégorie des erreurs obstacles.

Nous nous focaliserons ici sur l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation.

I) L’état du droit avant la réforme des obligations

Pour mémoire, l’ancien article prévoyait que « l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet ».

La question alors se posait de savoir ce que l’on devait entendre par la substance de la chose.

Grosso modo, deux conceptions s’affrontaient :

?La conception objective

La substance est considérée comme la matière dont est faite la chose, objet du contrat.

Exemple : je crois acheter un objet un or alors qu’il est en airain (il s’agit là de l’exemple pris par le célèbre juriste Pothier)

  • Avantage
    • Cette conception offre un critère précis
  • Inconvénient
    • Cette conception a l’inconvénient d’être trop étroite
    • En effet, elle ne permet pas d’obtenir la nullité du contrat dans l’hypothèse où j’ai acheté une sculpture que je croyais de Rodin, alors qu’elle a en réalité été réalisée par un anonyme.
    • L’erreur ne porte pas ici, sur la matière dont la chose est faite.
    • C’est la raison pour laquelle la jurisprudence s’est rapidement déportée vers une conception subjective de la notion de substance.

?La conception subjective

La substance correspond ici aux qualités substantielles de la chose.

Il s’agit, plus exactement, des qualités de la chose qui ont déterminé la volonté de l’errans, soit celles sans lesquelles il n’aurait pas contracté.

Très tôt, la jurisprudence a amis cette conception de l’erreur, afin d’apprécier la notion de « substance de la chose » (V. en ce sens Cass. req., 16 mars 1898).

  • Avantages
    • L’erreur peut ainsi porter indifféremment :
      • Soit sur la matière dont est faite la chose
      • Soit sur l’authenticité de la chose
      • Soit sur l’aptitude de la chose à remplir l’usage auquel on la destine
        • Exemple : la constructibilité d’un terrain, l’achat d’une jument qui s’avère être en gestation alors qu’on la prédestinait à la course etc.
  • Inconvénients
    • Le juge est obligé de rechercher la volonté de l’errans afin de déterminer si la qualité de la chose qui n’est pas conforme avec la représentation qu’il s’en faisait, était ou non essentielle, pour lui, quant à la conclusion du contrat
    • Une partie pourrait alors prétendre que telle qualité de la chose était essentielle à ses yeux au moment de la conclusion du contrat, alors qu’elle n’en avait jamais fait état à son cocontractant.
    • L’erreur sur la substance risque alors de se révéler dangereuse pour la sécurité juridique du contrat
    • Aussi, afin de limiter ce risque, la jurisprudence a-t-elle posé une exigence.
  • Condition posée par la jurisprudence
    • Lors de la conclusion d’un contrat, il appartient aux parties de définir l’objet de leurs obligations, ce qui suppose de leur reconnaître un ou plusieurs caractères essentiels en considérations desquelles chacune d’elles s’engage.
    • Aussi, comme le relève Jacques Ghestin, « l’erreur ne justifie l’annulation du contrat que lorsqu’elle s’analyse en un désaccord entre l’objet réel et sa définition contractuelle ».
    • La jurisprudence en a tiré la conséquence que pour constituer une cause de nullité, l’erreur doit porter sur une qualité défaillante de la chose qui est entrée dans le champ contractuel
    • Autrement dit, pour être fondé à se prévaloir d’un vice du consentement, l’errans doit établir qu’il a informé son cocontractant de la qualité de la chose qu’il jugeait comme essentielle pour conclure le contrat.
    • Il en résulte que le cocontractant doit avoir su que ladite qualité était déterminante du consentement de celui qui s’est trompé.
    • L’erreur doit donc porter sur la « qualité convenue » de la chose.
    • La preuve
      • Afin d’établir que la qualité défaillante est entrée dans le champ contractuel, le juge tiendra compte des stipulations du contrat
      • En l’absence de stipulations, la charge de la preuve pèsera sur l’errans.
      • Deux options s’offrent alors au juge :
        • Ou bien la qualité de la chose est jugée comme essentielle pour l’opinion commune auquel cas le juge admettra assez facilement l’erreur
        • Ou bien la qualité de la chose est jugée comme essentielle par le seul errans, auquel cas c’est à lui qu’il incombera de rapporter la preuve, en cas d’absence de stipulations contractuelles, que telle qualité de la chose était déterminante pour lui quant à la conclusion du contrat.

II) L’état du droit positif après la réforme des obligations

Contrairement aux rédacteurs du Code civil qui, en 1804, n’avaient nullement défini la notion de « substance de la chose », le législateur a, en 2016, remédié à cette carence en introduisant dans le Code civil un article 1133.

Cette disposition prévoit désormais que « les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté ».

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette disposition :

A) Substitution de vocable

Il ressort de l’article 1133 du Code civil que le législateur a préféré au terme « substance de la chose », le vocable « qualités essentielles ».

Cela témoigne de sa volonté de mettre un terme définitif au débat qui avait porté sur l’interprétation du terme « substance » :

  • Devait-on retenir une conception objective : dans cette hypothèse l’erreur ne pouvait être reconnue que si l’errans se trompait sur la matière de la chose
  • Devait-on, au contraire, adopter une conception subjective, auquel cas cela permettait d’admettre que l’erreur puisse être une cause de nullité, tant lorsqu’elle portait sur la matière de chose, que lorsqu’elle portait sur son authenticité ou sur son aptitude à remplir une fonction déterminée

En retenant le terme de « qualités essentielles » le législateur a manifestement entendu sortir de cette difficulté d’interprétation en optant, sans ambiguïté, pour la solution adoptée par la jurisprudence : la conception objective.

B) Éléments constitutifs de l’erreur sur les qualités essentielles

?Une erreur

L’erreur se définit classiquement comme une représentation inexacte de la réalité

Elle, consiste, en d’autres termes, en un décalage entre la croyance de celui qui se trompe et la réalité

Plus précisément, en matière contractuelle, l’erreur ne peut être reconnue que si elle porte sur un élément du contrat, dans la mesure où c’est à elles qu’il revient de définir le contenu de leurs prestations respectives.

?Des qualités essentielles expressément ou tacitement convenues

Il ressort de l’article 1133 du Code civil que le législateur a entendu consacrer la solution retenue par la jurisprudence s’agissant de l’appréciation du caractère essentiel des éléments du contrat.

Cette disposition prévoit en ce sens que les qualités essentielles sont celles « qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté ».

Autrement dit, pour être qualifiées d’essentielles, les qualités de la prestation sur lesquelles porte l’erreur doivent être entrées dans le champ contractuel.

C’est donc à l’aune de la commune intention des parties que le juge décidera si tel, ou tel autre élément du contrat revêt un caractère essentiel.

À défaut de stipulations contractuelles, il appartiendra à l’errans d’établir que son cocontractant savait que la qualité de la prestation sur laquelle a porté son erreur était déterminante de son consentement.

?Le domaine de l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation

L’erreur sur les qualités essentielles de la prestation est susceptible d’être reconnue dans plusieurs cas.

Nous en évoquerons deux à titre d’illustration :

  • L’erreur sur les caractéristiques de la chose
    • L’erreur sur les caractéristiques de la chose se rapporte à une infinité de situations
    • Il peut, en effet, s’agir d’une erreur sur :
      • le matériau ou la matière dont est faite la chose
      • l’usure de la chose
      • l’ancienneté de la chose
      • l’emplacement de la chose
      • la surface du terrain
    • Si les caractéristiques de la chose reconnues par la jurisprudence comme susceptibles de faire l’objet d’une erreur, l’une d’elles a, en particulier, été au centre d’un important débat :
      • L’erreur sur l’authenticité d’une œuvre d’art
        • Quid dans l’hypothèse où l’erreur porte sur l’authenticité d’une œuvre d’art ?
        • Dans un arrêt Poussin du 22 février 1978, la Cour de cassation a estimé que l’erreur commise par le vendeur d’un tableau sur l’authenticité de ce dernier était une cause de nullité (Cass. 1ère civ., 22 févr. 1978, n°76-11.551).

Cass. 1ère civ., 22 févr. 1978

Sur le premier moyen : vu l’article 1110 du code civil ;

Attendu que, les époux z… ayant charge Rheims, commissaire-priseur, de la vente d’un tableau attribue par l’expert x… a “l’école des Carrache”, la réunion des musées nationaux a exerce son droit de préemption, puis a présente le tableau comme une œuvre originale de Nicolas y… ;

Que les époux z… ayant demandé la nullité de la vente pour erreur sur la qualité substantielle de la chose vendue, la cour d’appel, estimant qu’il n’était pas prouve que le tableau litigieux fut une œuvre authentique de y…, et qu’ainsi l’erreur alléguée n’était pas établie, a débouté les époux z… de leur demande ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher si, au moment de la vente, le consentement des vendeurs n’avait pas été vicie par leur conviction erronée que le tableau ne pouvait pas être une œuvre de Nicolas y…, la cour d’appel n’a pas donné de base légale a sa décision ;

Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

Casse et annule en son entier l’arrêt rendu entre les parties le 2 février 1976 par la cour d’appel de paris

  • Faits
    • Vente d’un tableau, dans le cadre d’une vente aux enchères, attribué à l’école des Carrache.
    • Exerçant son droit de préemption, la réunion des musées nationaux acquiert le tableau, affirmant dans la foulée que le tableau a, en réalité, pour peintre le très célèbre Nicolas Poussin.
  • Demande
    • Les vendeurs du tableau engagent une action en nullité de la vente
  • Procédure
    • Par un arrêt du 2 février 1976, la Cour d’appel de Paris déboute les vendeurs de leur demande
    • Les juges parisiens estiment qu’il n’est pas établi que le tableau litigieux était de Nicolas Poussin, nonobstant les dires de l’acquéreur.
    • Il en résulte, selon elle que l’erreur ne saurait être caractérisée, dans la mesure où il existe un doute sur l’authenticité du tableau.
  • Solution
    • Par un arrêt du 22 février 1978, la Cour de cassation casse et annule la décision des juges du fond
    • La Cour de cassation considère ici que la Cour d’appel aurait dû, pour débouter l’auteur du pourvoi, se demander si, au moment de la vente, un doute existait quant à l’authenticité du tableau, chez les vendeurs, ou s’ils avaient la certitude que ledit tableau n’était pas l’œuvre de Nicolas Poussin.
    • Autrement dit, selon la haute juridiction, si aucun doute n’existait au moment de la vente chez les vendeurs quant à l’authenticité du tableau et que ce doute n’est apparu qu’une fois la vente conclue, alors l’erreur est bien caractérisée.
  • Analyse
    • Dans l’arrêt Poussin, les juges n’admettent pas directement qu’il y a erreur sur la substance.
    • La Cour de cassation dit simplement, que les juges auraient dû recherche des éléments de fait quant à la question de savoir :
      • Si un doute existait au moment de la formation du contrat
      • Si le doute des vendeurs est seulement né après que la réunion des musées nationaux a déclaré que le tableau était de Nicolas Poussin
    • En invitant les juges du fond à faire cette recherche, on peut en déduire que la Cour de cassation considère, dans cette décision, que pour que l’erreur soit caractérisée, il suffit que l’errans ait la certitude de la qualité qui fait défaut à la chose au moment de la conclusion du contrat.
    • Aussi, c’est seulement si le vendeur du tableau avait eu un doute sur son authenticité au moment de la vente que l’erreur n’aurait pas pu être retenue.
    • Dans cet arrêt, la Cour de cassation apporte manifestement une précision importante sur la notion d’erreur.
    • Ce qui importe ce que l’errans ait la certitude, au moment de la formation du contrat, que la chose possède la qualité qu’il croit, alors qu’en réalité elle ne les a pas ou qu’il y a un doute qui pèse sur l’existence de ces qualités.
    • En somme, pour qu’il y ait erreur, il est nécessaire que le décalage entre la croyance de l’errans et la réalité intervienne au moment de la formation du contrat.
    • Si le doute survient postérieurement, il n’aura aucune incidence sur l’erreur : elle demeure caractérisée
    • Est-ce à dire que l’erreur sera toujours prise en compte ?
  • L’arrêt Fragonard
    • Dans un arrêt Fragonard du 24 mars 1987, la Cour de cassation est venue apporter une précision à la règle dégagée dans l’arrêt Poussin (Cass. 1ère civ. 24 mars 1987, n°85-15.736).
    • Elle a, en effet, jugé que lorsqu’un doute sur l’authenticité du tableau existait au moment de conclusion du contrat, l’erreur ne constitue plus une cause de nullité.

Cass. 1ère civ. 24 mars 1987

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que, selon les juges du fond, Jean, André Vincent, depuis lors décédé, a vendu en 1933 aux enchères publiques, comme étant ” attribué à Fragonard “, un tableau intitulé Le Verrou ; que, l’authenticité du tableau ayant été ultérieurement reconnue, l’arrêt confirmatif attaqué a refusé d’annuler cette vente, pour erreur, à la demande des héritiers de Jean, André Vincent ;

Attendu que ceux-ci reprochent à la cour d’appel (Paris, 12 juin 1985) de s’être déterminée au motif essentiel que l’expression ” attribué à…. ” laisse planer un doute sur l’authenticité de l’œuvre mais n’en exclut pas la possibilité ; qu’ils soutiennent, d’une part, qu’en s’attachant seulement à déterminer le sens objectif de la mention ” attribué à…. ” et en s’abstenant de rechercher quelle était la conviction du vendeur, alors que leurs conclusions faisaient valoir qu’il était persuadé, à la suite des avis formels des experts, que l’authenticité de l’oeuvre était exclue, la cour d’appel a violé à la fois les articles 1110 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile ; qu’il est, d’autre part, prétendu qu’en toute hypothèse, le vendeur commet une erreur quand il vend sous l’empire de la conviction que l’authenticité est discutable, alors qu’elle est en réalité certaine et que tout aléa à ce sujet est inexistant ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’il résulte des énonciations souveraines du jugement confirmé ” qu’en vendant ou en achetant, en 1933, une oeuvre attribuée à Fragonard, les contractants ont accepté un aléa sur l’authenticité de l’oeuvre, que les héritiers de Jean-André Vincent ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe, que leur auteur a consenti à la vente de son tableau sous l’empire d’une conviction erronée quant à l’auteur de celui-ci ” ; que le moyen, en sa première branche, ne peut dès lors être accueilli ;

Et attendu, en second lieu, que, ainsi accepté de part et d’autre, l’aléa sur l’authenticité de l’oeuvre avait été dans le champ contractuel ; qu’en conséquence, aucune des deux parties ne pouvait alléguer l’erreur en cas de dissipation ultérieure de l’incertitude commune, et notamment pas le vendeur ni ses ayants-cause en cas d’authenticité devenue certaine ; que le moyen doit donc être entièrement écarté ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

  • Faits
    • Vente d’un tableau intitulé « Le Verrou » qui était attribué à Fragonard, bien qu’il existe un doute sur son authenticité
    • Après que la vente a été effectuée, l’authenticité de l’œuvre est confirmée.
  • Demande
    • Les héritiers du vendeur engagent une action en nullité de la vente
  • Procédure
    • Par un arrêt du 12 juin 1985, la Cour d’appel de Paris déboute les héritiers du vendeur de leur demande en annulation de la vente.
    • Les juges du fond estiment qu’il existait un doute sur l’authenticité du tableau que les vendeurs du tableau ne pouvaient ignorer au moment de la conclusion du contrat, de sorte que l’erreur commise par ces derniers ne constitue pas une cause de nullité.
  • Moyens
    • Les vendeurs soutiennent que l’erreur est caractérisée dès lors qu’il existe un décalage entre leur croyance (le doute sur l’authenticité du tableau) et la réalité (l’authenticité du tableau).
  • Solution
    • Par un arrêt du 24 mars 1987, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les héritiers du vendeur.
    • La première chambre civile relève tout d’abord « qu’en vendant ou en achetant, en 1933, une œuvre attribuée à Fragonard, les contractants ont accepté un aléa sur l’authenticité de l’œuvre ».
    • Elle en déduit que « ainsi accepté de part et d’autre, l’aléa sur l’authenticité de l’œuvre avait été dans le champ contractuel. »
    • Il en résulte alors « qu’aucune des deux parties ne pouvait alléguer l’erreur en cas de dissipation ultérieure de l’incertitude commune, et notamment pas le vendeur ni ses ayants-cause en cas d’authenticité devenue certaine ; que le moyen doit donc être entièrement écarté »
    • Autrement dit, pour la Cour de cassation, dans la mesure où le doute sur l’authenticité du tableau était connu du vendeur au moment de la vente, l’opération litigieuse a été réalisée en connaissance de cause.
    • Le doute étant entré dans le champ contractuel, aucune des deux parties ne pouvait donc soutenir qu’elle avait commis une erreur une fois l’authenticité du tableau avérée.
    • Ainsi, la haute juridiction vient-elle préciser la solution adoptée dix ans plus tôt dans l’arrêt Poussin.
    • Pour que la vente soit annulée en l’espèce, il aurait fallu que le vendeur ait eu la certitude, au moment de la vente, que le tableau n’était pas de Fragonard.
    • Or ce n’était pas le cas, puisqu’il était « attribué » à Fragonard, ce qui laissait à penser que le tableau était authentique.
      • L’erreur sur l’utilité de la chose
        • L’erreur sur l’utilité de la chose se rapporte à la fausse croyance que l’on a sur l’usage que l’on est légitimement en droit d’attente de la chose
        • Il pourra ainsi s’agir d’une erreur sur :
          • La constructibilité du terrain
          • L’inaptitude de la chose à remplir une certaine fonction
          • Les aptitudes d’un animal
          • Le potentiel d’une société à réaliser son objet social

?Des qualités essentielles qui portent sur la prestation de l’une ou l’autre partie

L’article 1133, al. 2 du Code civil prévoit que « l’erreur est une cause de nullité qu’elle porte sur la prestation de l’une ou de l’autre partie. »

Pourquoi cette précision ?

Le législateur est ici venu consacrer la position de la Cour de cassation qui s’est prononcée sur la question de savoir si l’erreur peut constituer une cause de nullité lorsqu’elle porte sur la propre prestation de l’errans.

Le plus souvent, l’erreur portera, non pas sur la prestation fournie, mais sur la prestation reçue, soit celle exécutée par le cocontractant.

Aussi, quid dans l’hypothèse où l’erreur porte sur la prestation dont est débiteur l’errans ?

Dans le silence des textes, la Cour de cassation a, très tôt, estimé que l’erreur pouvait parfaitement porter sur sa propre prestation (Cass. civ. 23 juin 1873)

Dans un arrêt du 17 novembre 1930, la haute juridiction a, par exemple, considéré que « il y a erreur sur la substance, notamment quand le consentement de l’une des parties a été déterminé par l’idée fausse que cette partie avait de la nature des droits dont elle croyait se dépouiller ou qu’elle croyait acquérir par l’effet du contrat » (Cass. civ. 17 nov. 1930).

Cette solution a été réitérée par la suite, notamment, dans le célèbre arrêt Poussin du 22 février 1978 (Cass. 1ère civ., 22 févr. 1978, n°76-11.551).

L’article 1133, al. 2 du Code civil ne vient, dès lors, que confirmer une jurisprudence déjà bien établie.

?Des qualités essentielles non affectées d’un aléa

Aux termes du nouvel article 1133, alinéa 3 du Code civil « l’acceptation d’un aléa sur une qualité de la prestation exclut l’erreur relative à cette qualité. »

De toute évidence, cette précision faite par le législateur vise à entériner la règle dégagée par la Cour de cassation dans l’arrêt Fragonard

La haute juridiction avait en effet estimé que lorsqu’un doute sur les qualités essentielles de la prestation existe au moment de la conclusion du contrat, soit que ce doute est entré dans le champ contractuel, alors les parties ne sont pas fondées à se prévaloir d’une erreur (Cass. 1ère civ. 24 mars 1987, n°85-15.736).

L’erreur sur les qualités essentielles ne pourra être invoquée que si le doute naît postérieurement à la formation du contrat.

Aussi, l’erreur ne peut être une cause de nullité que si l’errans avait la certitude, au moment où il contractait, que la prestation qu’il fournit ou qui lui est due possède les qualités qu’il croit.

1 Comment

  1. “En retenant le terme de « qualités essentielles» le législateur a manifestement entendu sortir de cette difficulté d’interprétation en optant, sans ambiguïté, pour la solution adoptée par la jurisprudence : la conception objective.”

    Je crois que c’est l’inverse justement. La jurisprudence, et l’ordonnance depuis, s’accordent à retenir une conception subjective ; en ce que la substance est, depuis un moment, assimilé aux qualités de l’objet du contrat ayant poussé les parties à contracter. Et non pas seulement à sa matière physique.


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