Par un arrêt du 7 février 2018, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en considérant que la résolution d’un contrat n’emportait pas anéantissement des clauses limitatives de responsabilité (Cass. com. 7 févr. 2018, n°16-20352).
- Faits
- Le 12 octobre 2010, une société a procédé à des réparations sur la chaudière d’une centrale exploitée par une société œuvrant dans le domaine de l’énergie.
- Après la survenance de nouvelles fuites, une expertise judiciaire a été diligentée.
- Il en est résulté que lesdites fuites étaient imputables aux soudures effectuées par la société qui était intervenue pour réparer la chaudière.
- Demande
- La société venant aux droits de l’exploitant de la centrale a assigné la société qui était intervenue sur la chaudière en résolution du contrat ainsi qu’en paiement de dommages-intérêts en réparation des préjudices matériels et de ses pertes d’exploitation
- En défense, la société poursuivie a opposé à la demanderesse la clause limitative de responsabilité stipulée dans le contrat
- Procédure
- Par un arrêt du 20 avril 2016, la Cour d’appel de Colmar a accédé à la demande de résolution du contrat.
- Elle par ailleurs condamné le prestataire au paiement de dommages et intérêts sans tenir compte de la clause limitative de responsabilité.
- Les juges du fond ont estimé que « la résolution de la vente emportant anéantissement rétroactif du contrat et remise des choses en leur état antérieur, il n’y a pas lieu d’appliquer la clause limitative de responsabilité»
- Solution
- Par un arrêt du 7 février 2018, la Cour de cassation casse et annule la décision de la Cour d’appel.
- Si, la chambre commerciale ne se prononce pas sur le bien-fondé de la résolution qui n’était nullement discutée en la cause, elle considère que « en cas de résolution d’un contrat pour inexécution, les clauses limitatives de réparation des conséquences de cette inexécution demeurent applicables»
- Autrement dit, pour les juges de la haute juridiction, la clause limitative de responsabilité que le prestataire avait cherché à opposer à la société exploitante de la centrale demeurait pleinement efficace nonobstant la résolution du contrat.
- Analyse
- En considérant que la résolution du contrat ne fait pas obstacle à l’application de la clause limitative de responsabilité, la solution de la Cour de cassation interroge sur les effets de la résolution.
- Pour mémoire, la résolution entraîne, par principe, l’anéantissement rétroactif du contrat.
- Cela signifie que le contrat est réputé n’avoir jamais existé.
- La conséquence en est, s’agissant de la clause limitative de responsabilité, qu’elle devrait être anéantie au même titre que le contrat dans lequel elle figure.
- En ce que les clauses du contrat forment, en principe, un tout indivisible elles ont vocation à subir le même sort, sauf stipulation contraire.
- La Cour de cassation avait d’ailleurs statué en ce sens dans un arrêt du 5 octobre 2010.
- Plus précisément, la chambre commerciale avait considéré que « la résolution de la vente emportant anéantissement rétroactif du contrat et remise des choses en leur état antérieur, la cour d’appel en a exactement déduit qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer les clauses limitatives de responsabilité » ( com. 5 oct. 2010).
- Cette solution s’inscrit, de toute évidence en contradiction avec la position retenue, en l’espèce, par la Cour de cassation.
- Par cet arrêt du 7 février 2018 c’est donc un revirement de jurisprudence qu’elle opère.
- Pourquoi ce revirement ?
- De prime abord, on comprend mal le raisonnement adopté par la chambre commerciale.
- Comment, en effet, envisager qu’un contrat puisse tout à la fois être résolu et exécuté ?
- Ce sont là deux effets juridiques radicalement opposés, d’où la jurisprudence antérieure qui avait posé le principe d’interdiction d’appliquer les clauses du contrat en cas de résolution.
- Au vrai, la solution retenue par la Cour de cassation dans la présente décision ne peut se comprendre que si on l’appréhende à la lumière de la réforme des obligations.
- Le nouvel article 1230 du Code civil dispose désormais que « la résolution n’affecte ni les clauses relatives au règlement des différends, ni celles destinées à produire effet même en cas de résolution, telles les clauses de confidentialité et de non-concurrence. »
- En introduisant cette disposition dans le Code civil, le législateur a entendu parachever le régime de la résolution en prévoyant expressément que survivent à la résolution notamment « les clauses relatives au règlement des différends».
- Or tel est la fonction de la clause limitative de responsabilité, d’où le sort privilégié qui lui est réservé par la Cour de cassation dans cet arrêt.
Cass. com. 7 févr. 2018 | |
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Sur le moyen unique Vu les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ; Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le 12 octobre 2010, la société Constructions industrielles de la Méditerranée (la société CNIM) a procédé à des réparations sur une chaudière d’une centrale exploitée par la Société de cogénération de Tavaux (la société SCT), aux droits de laquelle est venue la société Valmy énergies ; que cette dernière a obtenu, après la survenance de nouvelles fuites, une expertise judiciaire qui a conclu qu’elles étaient imputables aux soudures effectuées par la société CNIM ; que la société Valmy énergies a assigné cette dernière en résolution du contrat, restitution et paiement de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices matériels et de ses pertes d’exploitation ; que la société CNIM a demandé l’application de la clause limitative de réparation ; Attendu que pour condamner la société CNIM à payer à la société Valmy énergies la somme de 761 253,43 euros à titre de dommages-intérêts, l’arrêt retient que la résolution de la vente emportant anéantissement rétroactif du contrat et remise des choses en leur état antérieur, il n’y a pas lieu d’appliquer la clause limitative de responsabilité ; Qu’en statuant ainsi, alors qu’en cas de résolution d’un contrat pour inexécution, les clauses limitatives de réparation des conséquences de cette inexécution demeurent applicables, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société Constructions industrielles de la Méditerranée à payer à la société Valmy énergies à titre de dommages-intérêts, la somme de 761 253,43 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement et en ce qu’il statue sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 20 avril 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Colmar ; |
TEXTES
Code civil
Article 1184 (ancien)
La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
Article 1230 (nouveau)
La résolution n’affecte ni les clauses relatives au règlement des différends, ni celles destinées à produire effet même en cas de résolution, telles les clauses de confidentialité et de non-concurrence.