La rémunération des intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP)

A titre de remarque liminaire, il peut être observé que la rémunération est une condition d’application du régime juridique de l’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement.

L’article L. 519-1 du Code monétaire et financier prévoit, en effet, que « est intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement toute personne qui exerce, à titre habituel, contre une rémunération ou toute autre forme d’avantage économique, l’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement, sans se porter ducroire ou qui fournit un service de conseil au sens de l’article L. 519-1-1. »

Il ressort de cette définition que pour être intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement trois conditions cumulatives doivent être remplies :

  • Objet de l’intermédiation
    • L’intermédiation ne peut avoir pour objet qu’une opération de banque ce qui comprend
      • La réception de fonds du public
      • La fourniture de services de paiement
      • La fourniture de crédits
  • Exercice à titre habituel
    • Pour être soumis au régime juridique de l’intermédiation en opération de banque et en services de paiement, l’intermédiaire doit exercer cette activité à titre habituel
    • On peut en déduire que lorsque l’opération d’intermédiation est ponctuelle, elle ne tombe pas sous le coup des dispositions du Code monétaire et financier.
  • Existence d’une contrepartie
    • Il ressort de l’article L. 519-1 du code monétaire et financier que le statut d’IOBSP est subordonné à l’octroi d’une rémunération.
    • L’article R. 519-5 du Code monétaire et financier précise que la rémunération doit s’entendre comme tout versement pécuniaire ou toute autre forme d’avantage économique convenu et lié à la prestation d’intermédiation.
    • Aussi, lorsque l’intermédiation est assurée par un opérateur à titre gratuit, il est insusceptible d’endosser le statut d’IOBSP et n’est donc pas soumis aux obligations y afférent.

Focalisons nous sur cette dernière condition: l’exigence d’une contrepartie.

==> Paiement de la rémunération

  • Principe
    • L’article L. 519-6 du Code monétaire pose qu’il est interdit à toute personne physique ou morale qui apporte son concours, à quelque titre que ce soit et de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, à l’obtention ou à l’octroi d’un prêt d’argent, de percevoir une somme représentative de provision, de commissions, de frais de recherche, de démarches, de constitution de dossier ou d’entremise quelconque, avant le versement effectif des fonds prêtés.
    • Il lui est également interdit, avant la remise des fonds et de la copie de l’acte, de présenter à l’acceptation de l’emprunteur des lettres de change, ou de lui faire souscrire des billets à ordre, en recouvrement des frais d’entremise ou des commissions mentionnés à l’alinéa précédent.
  • Exception
    • L’article L. 519-6-1 prévoit que par dérogation à l’article 519-6 et dans le cadre de la fourniture d’un service de conseil indépendant, les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement peuvent percevoir une rémunération de leur client.
  • Sanction
    • La violation des règles applicables en matière de rémunération est punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.

==> Fixation de la rémunération

Aux termes de l’article L. 322-4 du Code monétaire et financier avant la conclusion d’un contrat de crédit, l’intermédiaire de crédit et l’emprunteur conviennent par écrit ou sur un autre support durable des frais éventuels dus par l’emprunteur à l’intermédiaire de crédit pour ses services.

L’article R. 519-26 du Code monétaire et financier opère en outre une distinction selon le statut de l’intermédiaire et la nature de l’activité exercée :

  • Pour toute opération
    • Lorsque l’intermédiaire fournit un service de conseil
      • Avant la conclusion du contrat de fourniture de ce service, il doit indiquer au client, y compris au client potentiel, par écrit ou sur un autre support durable, le montant des frais que celui-ci devra acquitter, le cas échéant, ou, si ce montant ne peut être déterminé avec certitude au moment de la communication des informations, les modalités de son calcul.
    • Lorsque l’intermédiaire est mandataire exclusif ou non exclusif
      • Il lui échoit de communiquer à la demande du client ou du client potentiel toute participation, directe ou indirecte, supérieure à 10 % des droits de vote ou du capital, qu’ils détiennent dans un établissement de crédit, une société de financement, un établissement de paiement ou un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement.
  • Pour les opérations de crédit
    • Lorsque l’opération de banque est relative à un contrat de crédit, l’intermédiaire précise s’il perçoit, au titre de cette opération, une rémunération de l’établissement de crédit, de la société de financement, de l’établissement de paiement ou de l’établissement de monnaie électronique concerné et quels en sont le montant ou, si ce montant n’est pas connu, les modalités de son calcul.
    • L’intermédiaire doit, en outre, rappeler à son client
      • D’une part, qu’il lui est interdit de percevoir une somme représentative de provision, de commissions, de frais de recherche, de démarches, de constitution de dossier ou d’entremise quelconque, avant le versement effectif des fonds prêtés.
      • D’autre part, qu’il lui est également interdit, avant la remise des fonds et de la copie de l’acte, de présenter à l’acceptation de l’emprunteur des lettres de change, ou de lui faire souscrire des billets à ordre, en recouvrement des frais d’entremise ou des commissions mentionnés à l’alinéa précédent.

De l’irrecevabilité de la tierce opposition formée par le Commissaire à l’exécution du plan à l’encontre du jugement statuant sur la résolution du plan (Cass. Com. 29 nov. 2017)

Par un arrêt du 29 novembre 2017, la Cour de cassation précise le régime juridique des voies de recours ouvertes à l’encontre du jugement statuant sur la résolution du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

==> Faits

Une société est placée en redressement judiciaire par jugement du 18 novembre 2002.

Alors que le 6 septembre 2004 elle avait bénéficié de l’arrêt d’un plan, elle est assignée en redressement judiciaire par l’URSSAF

==> Demande

Le commissaire à l’exécution du plan forme une tierce opposition au jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire.

==> Procédure

Par un arrêt du 31 mars 2016, la Cour d’appel de Pau déclare la tierce opposition formée par le commissaire à l’exécution du plan.

Les juges du fond constatent que le redressement judiciaire a été ouvert sur assignation de l’URSSAF, pour défaut de paiement de créances nées postérieurement à l’adoption du plan, sans référence à l’existence de celui-ci et sans que le commissaire à son exécution n’ait été appelé à l’instance.

Ils en déduisent que ce dernier, qui représente l’intérêt collectif des créanciers appelés au plan, est un tiers au jugement d’ouverture et que la voie de l’appel lui étant fermée, sa tierce opposition est recevable.

==> Solution

Par un arrêt du 29 novembre 2017, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel.

Elle justifie sa décision en relevant :

  • d’une part, que l’ouverture d’une procédure collective pendant l’exécution d’un plan de sauvegarde ou de redressement emporte la résolution du plan.
  • d’autre part, que toute décision prononçant la résolution du plan est susceptible d’appel de la part du commissaire à l’exécution de celui-ci.

Fort de ce constat, la chambre commerciale en conclut que le commissaire à l’exécution était bien irrecevable à en former tierce opposition.

==> Analyse

Pour mémoire, l’article L. 626-27, I du Code de commerce prévoit que la résolution du plan peut intervenir dans deux hypothèses :

  • Soit en cas d’inexécution des engagements pris par le débiteur
    • Le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution si le débiteur n’exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan.
  • Soit en cas de survenance d’un état de cessation des paiements
    • Lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l’exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de redressement judiciaire ou, si le redressement est manifestement impossible, une procédure de liquidation judiciaire.

Tandis que la première cause de résolution du plan est facultative, en ce sens que le juge n’est pas tenu par le constat de l’inexécution des engagements du débiteur, la cessation des paiements entraîne, à l’inverse, de plein droit, la résolution du plan.

Le litige soumis à la Cour de cassation en l’espèce portait sur cette seconde cause de résolution du plan.

Plus précisément, la question se posait de savoir si le Commissaire à l’exécution du plan était recevable à former tierce opposition au jugement prononçant la résolution.

Plusieurs règles sont applicables au prononcé de ce jugement :

  • Contenu du jugement
    • Lorsque le tribunal décide la résolution du plan en application du troisième alinéa du I de l’article L. 626-27, il ouvre, dans le même jugement, une procédure, selon le cas, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire du débiteur.
  • Notification du jugement
    • Le jugement est signifié à la diligence du greffier dans les huit jours de son prononcé aux personnes qui ont qualité pour interjeter appel, à l’exception du ministère public.
    • Il est communiqué aux personnes mentionnées à l’article R. 621-7, soit
      • Aux mandataires de justice désignés ;
      • Au procureur de la République ;
      • Au directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques du département dans lequel le débiteur a son siège et à celui du département où se trouve le principal établissement.
  • Publicité
    • Le jugement qui décide la résolution du plan fait l’objet des publicités prévues à l’article R. 621-8.
    • Le greffier doit ainsi informer la personne chargée de réaliser l’inventaire de sa désignation par tout moyen.
  • Voies de recours
    • Initialement, les dispositions de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises relatives aux voies de recours en matière de sauvegarde ne visaient pas expressément le jugement prononçant la résolution du plan.
    • Toutefois, dans la mesure où la résolution du plan impliquait nécessairement l’ouverture d’une procédure collective, il suffisait de transposer au jugement de résolution, le régime des voies de recours applicable au jugement d’ouverture.
    • L’ordonnance du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté est venue combler ce vide en introduisant un 8° à l’article L. 661-1, dans le Code de commerce.
    • Cette disposition dispose que « sont susceptibles d’appel ou de pourvoi en cassation […] les décisions statuant sur la résolution du plan de sauvegarde ou du plan de redressement de la part du débiteur, du commissaire à l’exécution du plan, du comité d’entreprise ou, à défaut des délégués du personnel, du créancier poursuivant et du ministère public. »
    • L’article L. 661-1, 8° désigne comme personnes ayant qualité à agir notamment
      • Le débiteur
      • Le Commissaire à l’exécution du plan
      • Le Comité d’entreprise
      • À défaut de CE, les représentants du personnel
      • Le créancier poursuivant
      • Le ministère civil
    • Ainsi, contrairement à ce qui avait été décidé par la Cour d’appel de Pau, le Commissaire à l’exécution du plan avait bien qualité à agir pour interjeter appel du jugement statuant sur la résolution du plan.
    • Quant à la tierce opposition, conformément à l’article L. 661-3 du Code de commerce, elle est seulement ouverte en cas de décision arrêtant ou modifiant le plan de sauvegarde ou de redressement ou rejetant la résolution de ce plan.
    • À l’inverse, l’alinéa 3 de cette disposition précise qu’il ne peut être exercé de tierce opposition contre les décisions rejetant l’arrêté ou la modification du plan de sauvegarde ou de redressement ou prononçant la résolution de ce plan.
    • En l’espèce, le Commissaire au plan ayant qualité à agir pour interjeter appel du jugement statuant sur la résolution du plan, la voie de la tierce opposition lui était en toute hypothèse fermée.
    • La solution adoptée par la Cour de cassation doit, en conséquence, être approuvée.

Cass. com. 29 nov. 2017
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 626-27, L. 661-1, 8° et L. 661-3, alinéa 2 , du code de commerce ;

Attendu qu’il résulte du premier de ces textes que l’ouverture d’une procédure collective pendant l’exécution d’un plan de sauvegarde ou de redressement emporte la résolution du plan ; qu’en application du deuxième, toute décision prononçant la résolution du plan est susceptible d’appel de la part du commissaire à l’exécution de celui-ci ; que le commissaire à l’exécution est irrecevable à en former tierce opposition ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Eléments, mise en redressement judiciaire le 18 novembre 2002, a bénéficié d’un plan arrêté le 6 septembre 2004, M. X... étant désigné commissaire à l’exécution du plan, ultérieurement remplacé par la société Y... (le commissaire à l’exécution du plan) ; que le tribunal, sur assignation de l’URSSAF Midi-Pyrénées, a ouvert le redressement judiciaire de la société Eléments ; que le commissaire à l’exécution du plan a formé tierce-opposition à ce jugement ;

Attendu que, pour déclarer la tierce opposition du commissaire à l’exécution du plan recevable, l’arrêt relève que le redressement judiciaire a été ouvert sur assignation de l’URSSAF, pour défaut de paiement de créances nées postérieurement à l’adoption du plan, sans référence à l’existence de celui-ci et sans que le commissaire à son exécution n’ait été appelé à l’instance, et en déduit que ce dernier, qui représente l’intérêt collectif des créanciers appelés au plan, est un tiers au jugement d’ouverture et que la voie de l’appel lui étant fermée, sa tierce opposition est recevable ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; Et vu l’article 627 du code de procédure civile, après avertissement délivré à la partie en demande ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 31 mars 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Pau ;

TEXTES

Code de commerce

Article L. 626-27

I ? En cas de défaut de paiement des dividendes par le débiteur, le commissaire à l’exécution du plan procède à leur recouvrement conformément aux dispositions arrêtées. Il y est seul habilité. Lorsque le commissaire à l’exécution du plan a cessé ses fonctions, tout intéressé peut demander au tribunal la désignation d’un mandataire ad hoc chargé de procéder à ce recouvrement.

Le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution si le débiteur n’exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan.

Lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l’exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de redressement judiciaire ou, si le redressement est manifestement impossible, une procédure de liquidation judiciaire.

Le jugement qui prononce la résolution du plan met fin aux opérations et à la procédure lorsque celle-ci est toujours en cours. Sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 626-19, il fait recouvrer aux créanciers l’intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues, et emporte déchéance de tout délai de paiement accordé.

II ? Dans les cas mentionnés aux deuxième et troisième alinéas du I, le tribunal est saisi par un créancier, le commissaire à l’exécution du plan ou le ministère public.

III. ? Après résolution du plan et ouverture d’une nouvelle procédure par le même jugement ou par une décision ultérieure constatant que cette résolution a provoqué l’état de cessation des paiements, les créanciers soumis à ce plan ou admis au passif de la première procédure sont dispensés de déclarer leurs créances et sûretés. Les créances inscrites à ce plan sont admises de plein droit, déduction faite des sommes déjà perçues. Bénéficient également de la dispense de déclaration, les créances portées à la connaissance de l’une des personnes mentionnées au IV de l’article L. 622-17 dans les conditions prévues par ce texte.

Article L. 661-1

I.-Sont susceptibles d’appel ou de pourvoi en cassation :

1° Les décisions statuant sur l’ouverture des procédures de sauvegarde ou de redressement judiciaire de la part du débiteur, du créancier poursuivant et du ministère public ;

2° Les décisions statuant sur l’ouverture de la liquidation judiciaire de la part du débiteur, du créancier poursuivant, du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et du ministère public ;

3° Les décisions statuant sur l’extension d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou sur la réunion de patrimoines de la part du débiteur soumis à la procédure, du débiteur visé par l’extension, du mandataire judiciaire ou du liquidateur, de l’administrateur et du ministère public ;

4° Les décisions statuant sur la conversion de la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire de la part du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire et du ministère public ;

5° Les décisions statuant sur le prononcé de la liquidation judiciaire au cours d’une période d’observation de la part du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et du ministère public ;

6° Les décisions statuant sur l’arrêté du plan de sauvegarde ou du plan de redressement de la part du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et du ministère public, ainsi que de la part du créancier ayant formé une contestation en application de l’article L. 626-34-1 ;

6° bis Les décisions statuant sur la désignation d’un mandataire prévue au 1° de l’article L. 631-19-2 et sur la cession de tout ou partie de la participation détenue dans le capital prévue au 2° du même article, de la part du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ou, à défaut, du représentant des salariés mentionné à l’article L. 621-4, des associés ou actionnaires parties à la cession ou qui ont refusé la modification du capital prévue par le projet de plan et des cessionnaires ainsi que du ministère public ;

7° Les décisions statuant sur la modification du plan de sauvegarde ou du plan de redressement de la part du débiteur, du commissaire à l’exécution du plan, du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et du ministère public, ainsi que de la part du créancier ayant formé une contestation en application de l’article L. 626-34-1 ;

8° Les décisions statuant sur la résolution du plan de sauvegarde ou du plan de redressement de la part du débiteur, du commissaire à l’exécution du plan, du comité d’entreprise ou, à défaut des délégués du personnel, du créancier poursuivant et du ministère public.

II.-L’appel du ministère public est suspensif, à l’exception de celui portant sur les décisions statuant sur l’ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

III.-En l’absence de comité d’entreprise ou de délégué du personnel, le représentant des salariés exerce les voies de recours ouvertes à ces institutions par le présent article.

Article L. 661-3

Les décisions arrêtant ou modifiant le plan de sauvegarde ou de redressement ou rejetant la résolution de ce plan sont susceptibles de tierce opposition.

Le jugement statuant sur la tierce opposition est susceptible d’appel et de pourvoi en cassation de la part du tiers opposant.

Il ne peut être exercé de tierce opposition contre les décisions rejetant l’arrêté ou la modification du plan de sauvegarde ou de redressement ou prononçant la résolution de ce plan.

Les nullités de la période suspecte

En cas d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, le législateur a institué un système de nullités qui s’appliquent au cours de la période s’étendant de la date de la cessation des paiements à la date du jugement d’ouverture. Cette période est qualifiée de suspecte.

L’objectif poursuivi par ce dispositif est de sanctionner les actes qui, entre ces deux dates, auraient pour objet ou pour effet de disperser l’actif du débiteur ou d’avantager indûment certains débiteurs par rapport à d’autres, avant même l’ouverture d’une procédure collective.

Tout d’abord, il peut être observé que la procédure de sauvegarde n’est pas concernée par la période suspecte dans la mesure où elle est subordonnée à l’absence de cessation des paiements.

Or il s’agit là du point de départ de la période suspecte.

La détermination de la date de cessation des paiements présente ainsi un intérêt majeur.

==> Période suspecte et cessation des paiements

  • Fixation initiale de la date de cessation des paiements
    • Aux termes de l’article L. 631-8 du Code de commerce le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur.
    • À défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d’ouverture de la procédure.
    • Ainsi, le Tribunal tentera de déterminer le plus précisément possible le moment à partir duquel le débiteur n’était plus en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
    • Si l’identification de ce moment est impossible, c’est la date du jugement d’ouverture qui fera office de date de la cessation des paiements.
    • En toute hypothèse, la cessation des paiements doit être appréciée au jour où la juridiction statue (V. en ce sens com. 14 nov. 2000).
    • Il en va de même lorsque le débiteur a interjeté appel ( com. 7 nov. 1989).
  • Report de la date de cessation des paiements
    • Principe
      • En cours de procédure, le Tribunal peut être conduit à modifier la date de cessation des paiements
      • L’article L. 631-8, al. 2e dispose en ce sens que « elle peut être reportée une ou plusieurs fois»
    • Conditions
      • Les personnes ayant qualité à agir
        • La demande de report de la date de cessation des paiements ne peut être formulée que par les personnes limitativement énumérées par l’article L. 631-8, al. 3e du Code de commerce
          • l’administrateur
          • le mandataire judiciaire
          • le ministère public
        • Ainsi, le débiteur n’a pas qualité à agir en report de la date de cessation des paiements.
        • Il en va de même pour les créanciers qui souhaiteraient agir à titre individuel
      • Le délai de demande du report
        • L’article L. 631-8 du Code de commerce prévoit que la demande de modification de date doit être présentée au tribunal dans le délai d’un an à compter du jugement d’ouverture de la procédure.
        • Une fois ce délai écoulé, l’action en report est forclose de sorte que la date de cessation des paiements est définitivement figée.
    • Limites
      • La possibilité pour le Tribunal saisi de reporter la date de cessation des paiements est enfermée dans trois limites
        • Première limite : date butoir
          • Si la date de cessation des paiements peut être reportée plusieurs fois, elle ne peut pas être antérieure à plus de 18 mois à la date du jugement d’ouverture de la procédure
          • La date butoir des 18 mois peut être écartée dans certains cas prévus par la jurisprudence
            • Caractérisation du délit de banqueroute ( crim. 12 janv. 1981).
            • Action en comblement de l’insuffisance d’actif ( com. 30 nov. 1993).
        • Deuxième limite : homologation de l’accord amiable
          • Lorsqu’une procédure de conciliation a été ouverte et que l’accord conclu entre le débiteur et les créanciers a été homologué, la date de cessation des paiements ne peut pas être antérieure à la date de la décision d’homologation.
        • Troisième limite : personne morale en formation
          • La date de cessation des paiements ne peut fort logiquement jamais être reportée antérieurement à la date de naissance de la personne morale, quand bien même la date butoir des 18 mois n’est pas atteinte ( com. 1er févr. 2000).

==> Période suspecte et présomption de fraude

Ensuite, si le législateur a décidé de faire peser une présomption de fraude sur les actes accomplis par le débiteur pendant la période suspecte, tous ne sont pas logés à la même enseigne.

Cette présomption sera plus ou moins facile à combattre selon la nature et la gravité de l’acte.

Aussi, plusieurs cas de nullité doivent être distingués. Plus précisément, deux catégories de nullités sont envisagées par le Code de commerce.

  • Les nullités de droit
    • Elles sanctionnent les actes sur lesquels pèse une présomption irréfragable de fraude
  • Les nullités facultatives
    • Elles sanctionnent les actes dont le caractère frauduleux est laissé à la libre appréciation du juge

I) Les nullités de droit

Les nullités de droit sont celles qui doivent être prononcées par le juge dès lors que l’un des actes énumérés par l’article L. 632-1 du Code de commerce a été accompli par le débiteur au cours de la période suspecte.

Tous les actes visés par cette disposition sont irréfragablement présumés comme anormaux, soit parce qu’ils ont pour effet de distraire certains biens du patrimoine du débiteur, soit parce qu’ils ont pour effet de porter atteinte au principe d’égalité des créanciers.

L’article L. 632-1 du Code de commerce énumère douze cas de nullités de droit :

  • Tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière
    • Sont ici visés tous les actes de donation qui par nature sont suspects en raison de la situation de fragilité dans laquelle le débiteur se trouvait au moment où ils sont été accomplis.
    • Peu importe la forme de la donation, ce qui compte étant l’existence d’une intension libérale du débiteur qui conduit à un appauvrissement de l’actif de l’entreprise sans contrepartie.
  • Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l’autre partie
    • Pour mémoire le contrat est commutatif lorsque chacune des parties s’engage à procurer à l’autre un avantage qui est regardé comme l’équivalent de celui qu’elle reçoit.
    • Autrement dit, le contrat commutatif est celui où l’étendue, l’importance et le montant des prestations réciproques sont déterminés lors de la formation du contrat
    • Aussi, sont ici visés les contrats qui ont été conclus sans véritable contrepartie
    • À tout le moins la contrepartie consentie au débiteur est dérisoire
  • Tout paiement, quel qu’en ait été le mode, pour dettes non échues au jour du paiement
    • Sont ici visés les paiements effectués par le débiteur avant le terme de l’obligation.
    • Ce dernier a ainsi réglé une dette qu’il n’était pas tenu de payer car non encore arrivée à échéance.
    • Pour cette raison, on suspecte que ce paiement a été accompli afin de permettre au créancier satisfait d’échapper à la procédure de répartition.
  • Tout paiement pour dettes échues, fait autrement qu’en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession visés par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d’affaires
    • Ce qui est ici suspect ce n’est pas la date du paiement, mais le mode de règlement utilisé par le débiteur.
      • Les modes de paiements normaux
        • Aux termes de l’article L. 632-1-I-4 quatre modes de paiements sont réputés normaux
          • Le paiement en espèces
          • Le paiement par effets de commerce
          • Le paiement par virement bancaire
          • Le paiement par bordereau Dailly
        • En dehors de ce texte, plusieurs autres modes de paiement sont admis par la jurisprudence
          • La cession de créance ( com. 30 mars 1993)
          • La délégation ( com. 23 janv. 2001)
          • La compensation légale
      • Les modes de paiement anormaux
        • La dation en paiement
        • La compensation conventionnelle
  • Tout dépôt et toute consignation de sommes effectués en application de l’article 2075-1 du code civil, à défaut d’une décision de justice ayant acquis force de chose jugée
    • Pour mémoire, l’article 2075-1 du Code civil désormais codifié à l’article 2350 prévoit que le dépôt ou la consignation de sommes, effets ou valeurs, ordonné judiciairement à titre de garantie ou à titre conservatoire, emporte affectation spéciale et droit de préférence au sens de l’article 2333.
    • Ainsi, est ici visé le privilège du gagiste sur les sommes consignées par le débiteur à la suite d’une décision judiciaire
    • La nullité se justifie car l’opération s’apparente à la constitution d’une sûreté en garantie d’une créance antérieure.
  • Toute hypothèque conventionnelle, toute hypothèque judiciaire ainsi que l’hypothèque légale des époux et tout droit de nantissement ou de gage constitués sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées
    • Sont ici visées les sûretés prises durant la période suspecte en garantie d’une créance antérieure.
    • Les sûretés personnelles ne sont manifestement pas concernées par ce cas de nullité
    • Il peut être observé que la date de référence qui doit être prise en compte pour déterminer si la sûreté a été prise au cours de la période suspecte est le jour de constitution de la sûreté et non sa date de publication.
  • Toute mesure conservatoire, à moins que l’inscription ou l’acte de saisie ne soit antérieur à la date de cessation de paiement
    • Sont ici visées les mesures conservatoires prises là encore en garantie d’une créance antérieure
    • Il s’agit notamment des saisies conservatoires et des sûretés judiciaires conservatoires
  • Toute autorisation et levée d’options définies aux articles L. 225-177 et suivants du présent code
    • Ce cas de nullité a pour objet de sanctionner par la nullité les autorisations, levées et reventes d’options donnant droit à la souscription d’actions, intervenues au cours de la période suspecte.
    • L’article L. 225-177 du code de commerce permet, en effet, à l’assemblée générale extraordinaire d’une société anonyme d’autoriser, sur le rapport du conseil d’administration ou du directoire, et sur le rapport spécial des commissaires aux comptes, le conseil d’administration ou le directoire à consentir, au bénéfice des membres du personnel salarié de la société ou de certains d’entre eux, des options donnant droit à la souscription d’actions.
    • Ces options d’achat peuvent alors être levées par leurs bénéficiaires, dans un délai déterminé.
    • L’application du régime des nullités de la période suspecte se justifie alors par le fait que les propriétaires d’options pourraient avoir accès à des informations avant les marchés financiers sur l’état des difficultés de l’entreprise et seraient donc susceptibles d’en abuser et d’affaiblir encore davantage le capital de l’entreprise.
    • Aussi, par souci de limiter au maximum les risques de détournement qui pourraient intervenir au cours de la période suspecte, il importe d’éviter que les dirigeants d’une société qui connaît des difficultés qui l’ont conduite à la cessation des paiements puissent procéder à des opérations sur leurs stocks-options.
  • Tout transfert de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire, à moins que ce transfert ne soit intervenu à titre de garantie d’une dette concomitamment contractée
    • La fiducie constitue ainsi une cause de nullité lorsque l’acte est accompli au cours de la période suspecte
    • Le législateur a souhaité observer un certain parallélisme avec le sort des sûretés réelles.
  • Tout avenant à un contrat de fiducie affectant des droits ou biens déjà transférés dans un patrimoine fiduciaire à la garantie de dettes contractées antérieurement à cet avenant
    • Est ici visée l’opération de fiducie-sûreté « rechargeable »
    • Le législateur sanctionne ici encore la volonté du créancier d’échapper à la procédure de répartition.
  • Lorsque le débiteur est un entrepreneur individuel à responsabilité limitée, toute affectation ou modification dans l’affectation d’un bien, sous réserve du versement des revenus mentionnés à l’article L. 526-18, dont il est résulté un appauvrissement du patrimoine visé par la procédure au bénéfice d’un autre patrimoine de cet entrepreneur
    • Le législateur anticipe ici un éventuel changement d’affectation par le débiteur de ses biens
    • Il est, en effet, un risque que, en cas de cession des paiements, ce dernier ne soit tenté de transférer son patrimoine d’une masse de biens à l’autre.
  • La déclaration d’insaisissabilité faite par le débiteur en application de l’article L. 526-1.
    • Ce cas de nullité procède de la même logique que le précédent
    • Surtout, il a été institué par le législateur afin de briser la jurisprudence de la Cour de cassation qui, par exemple, dans un arrêt du 13 mars 2012 a dénié le droit à un liquidateur de contester la déclaration d’insaisissabilité accomplie par le débiteur au cours de la période suspecte en raison d’un défaut de qualité à agir.
    • La chambre commerciale a estimé en ce sens que « le liquidateur ne peut légalement agir que dans l’intérêt de tous les créanciers et non dans l’intérêt personnel d’un créancier ou d’un groupe de créanciers ; qu’en application du premier, la déclaration d’insaisissabilité n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, postérieurement à sa publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant ; qu’en conséquence, le liquidateur n’a pas qualité pour agir, dans l’intérêt de ces seuls créanciers, en inopposabilité de la déclaration d’insaisissabilité » ( com. 13 mars 2012).

II) Les nullités facultatives

Les nullités facultatives sont celles sur lesquelles ne pèse pas de présomption irréfragable de fraude.

Elles viennent sanctionner les actes dont le caractère frauduleux est laissé à la libre appréciation du juge

Ainsi, le juge dispose-t-il d’un pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité de prononcer une nullité facultative.

Trois cas de nullité facultative sont énumérés par les articles L. 632-1, II et L. 632-2 du Code de commerce :

  • Les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière et la déclaration d’insaisissabilité faits dans les six mois précédant la date de cessation des paiements ( L. 632-1, II C. com.)
    • Les actes visés ici sont les mêmes que ceux sanctionnés par une nullité de droit
    • Seulement, ils ont été accomplis, non pas au cours de la période suspecte, mais dans les 6 mois qui précèdent cette période
  • Les paiements pour dettes échues effectués à compter de la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis à compter de cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements ( L. 632-2, al. 1er C. com.)
    • Le domaine de cette nullité est extrêmement vaste
    • Cette disposition offre, en effet, la possibilité au juge d’annuler tous les actes et paiements effectués par le débiteur avec un créancier qui avait connaissance de la cessation de paiement.
    • La difficulté sera alors d’établir que le créancier avait connaissance au moment de la conclusion de l’acte de l’état de cessation des paiements du débiteur.
    • La preuve peut se faire par tous moyens.
  • Tout avis à tiers détenteur, toute saisie attribution ou toute opposition peut également être annulé lorsqu’il a été délivré ou pratiqué par un créancier à compter de la date de cessation des paiements et en connaissance de celle-ci.
    • Nouveauté de la loi du 26 juillet 2005, le législateur a envisagé que des actes émanant de tiers puissent faire l’objet d’une nullité.
    • Il en va ainsi des avis à tiers détenteur, des saisies-attribution et des oppositions
    • Il faut néanmoins qu’ils interviennent au cours de la période suspecte pour être menacés par la sanction de l’annulation.

Ouverture d’une procédure collective: le principe d’interdiction des paiements

Aux termes de l’article L. 620-1 du Code de commerce, la procédure de sauvegarde « est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. »

De toute évidence, il serait illusoire de vouloir atteindre ce triple objectif si aucun répit n’était consenti à l’entreprise pendant sa période de restructuration.

C’est la raison pour laquelle un certain nombre de règles ont été édictées afin d’instaurer une certaine discipline collective à laquelle doivent se conformer les créanciers.

Ces règles visent ainsi à assurer un savant équilibre entre, d’une part, la nécessité de maintenir l’égalité entre les créanciers et, d’autre part, éviter que des biens essentiels à l’activité de l’entreprise soient prématurément distraits du patrimoine du débiteur.

Parmi les principes de discipline collective posés par le législateur on compte notamment :

  • L’interdiction des paiements pour les créances nées avant le jugement d’ouverture
  • L’arrêt des poursuites individuelles contre le débiteur et ses coobligés
  • L’arrêt du cours des intérêts pour créances résultant de prêts conclus pour une durée de moins d’un an.
  • Interdiction d’inscriptions de sûretés postérieurement au jugement d’ouverture

La combinaison de ces quatre principes aboutit à un gel du passif de l’entreprise qui donc est momentanément soustrait à l’emprise des créanciers.

Focalisons-nous sur le premier d’entre eux: le principe d’interdiction des paiements.

Aux termes de l’article L. 622-7, I du Code de commerce « le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d’ouverture, non mentionnée au I de l’article L. 622-17. Ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires. »

Ainsi, cette disposition érige-t-elle en principe l’interdiction pour le débiteur de payer ses créanciers, en particulier ceux dont la créance est née antérieurement à l’ouverture de la procédure collective.

Pour rappel, l’article 1342, al. 1er du Code civil définit le paiement comme « l’exécution volontaire de la prestation due ». Il a pour effet de libérer le débiteur à l’égard du créancier et d’éteindre la dette.

Le paiement constitue le principal mode d’extinction des obligations.

Parmi les autres causes de satisfaction du créancier on compte également la compensation dont on s’est longtemps demandé si elle devait être envisagée de la même manière que le paiement s’agissant des créances nées antérieurement au jugement d’ouverture.

Le législateur a clos le débat lors de l’adoption de la loi du 26 juillet 2005. Le mécanisme de la compensation a été rangé dans la catégorie des exceptions dont est assorti le principe d’interdiction des paiements.

I) Le domaine du principe d’interdiction des paiements

Il ressort de l’article L. 622-7 du Code de commerce que le champ d’application du principe d’interdiction des paiements est relativement étendu.

L’application de ce principe est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives qui tiennent :

  • D’une part, à la date de naissance de la créance
  • D’autre part, à l’auteur du paiement

A) La condition tenant à la date de naissance de la créance

Deux catégories de créances doivent être distinguées

  • Les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture
  • Les créances nées postérieurement au jugement d’ouverture
  1. Les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture

Toutes les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture tombent, par principe, sous le coup de l’interdiction des paiements.

Dans ces conditions, la détermination de la date de naissance de la créance présente un intérêt essentiel.

Dès lors que la créance est née postérieurement au jugement d’ouverture, elle échappe au principe d’interdiction des paiements.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par créance antérieure ?

Si l’on est légitimement en droit de penser qu’une créance peut être qualifiée d’antérieure dès lors que son fait générateur se produit avant le prononcé du jugement d’ouverture, plusieurs difficultés sont nées :

  • tantôt quant à l’opportunité de retenir comme critère de la créance antérieure son fait générateur
  • tantôt quant à la détermination du fait générateur de la créance en lui-même

a) Sur l’opportunité de retenir le fait générateur comme critère de la créance antérieure

Si, en première intention, l’on voit mal pourquoi le fait générateur d’une créance ne pourrait-il pas être retenu pour déterminer si elle est ou non antérieure au jugement d’ouverture, une difficulté est née de l’interprétation de l’ancien article L. 621-43 du Code de commerce.

Cette disposition prévoyait, en effet, que « à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au représentant des créanciers. »

Seules les créances « ayant une origine antérieure au jugement d’ouverture » étaient donc soumises au régime de la déclaration.

La formule choisie par le législateur n’était pas dénuée d’ambiguïté : fallait-il prendre pour date de référence, afin de déterminer l’antériorité d’une créance, sa date de naissance ou sa date d’exigibilité ?

Cette question s’est en particulier posée pour les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture mais dont l’exigibilité intervenait postérieurement.

Le contentieux relatif aux créances à déclarer selon leur date de naissance a été très important.

L’enjeu était, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de sauvegarde du 27 juillet 2005, de savoir si le créancier pouvait ou non se faire payer à échéance.

L’arrêt rendu en date du 20 février 1990 par la Cour de cassation est une illustration topique de cette problématique.

Cass. com. 20 févr. 1990
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Service agricole industriel du Clairacais (la société) a été mise en redressement judiciaire le 17 juin 1986, puis en liquidation judiciaire le 15 juillet 1986 et que le personnel a été licencié le 8 août 1986, avec dispense d'accomplir le préavis légal ; que l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du Lot-et-Garonne (l'URSSAF) n'a été inscrite sur la liste des créances bénéficiant des dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 que pour les cotisations afférentes aux salaires de la période postérieure à l'ouverture de la procédure collective ; que la contestation par elle formée en vue d'obtenir son admission sur la liste précitée pour les cotisations relatives aux salaires de la période du 1er mai au 17 juin 1986, ainsi qu'aux indemnités de congés payés et de préavis consécutives aux licenciements, a été rejetée par le tribunal, dont la cour d'appel a infirmé la décision ;.

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de l'URSSAF en ce qui concerne les cotisations sur les indemnités de congés payés et de préavis, alors, selon le pourvoi, qu'en application de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, le paiement prioritaire des créances nées après le jugement d'ouverture ne peut être obtenu pour des créances nées après le jugement de liquidation ; qu'en déclarant prioritaires des créances sociales afférentes aux indemnités de rupture, la cour d'appel, qui a relevé que les licenciements, fait générateur de la créance, étaient postérieurs au jugement d'ouverture, mais n'a pas constaté qu'ils étaient antérieurs au jugement de liquidation, a violé par fausse application la disposition susvisée ;

Mais attendu que l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 étant applicable aux créances nées régulièrement après l'ouverture du redressement judiciaire, c'est à bon droit que la cour d'appel a considéré que devait bénéficier des dispositions de ce texte la créance de cotisations de l'URSSAF relative aux indemnités de congés payés et de préavis consécutives aux licenciements opérés après le prononcé de la liquidation judiciaire ; que le moyen est donc sans fondement ;

Mais sur la première branche du moyen :

Vu les articles 40 et 47, premier alinéa, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que, pour accueillir la demande de l'URSSAF relative aux cotisations sur les salaires de la période du 1er mai au 17 juin 1986, l'arrêt retient que ces salaires ont été versés après l'ouverture du redressement judiciaire, en sorte que la créance de l'URSSAF, qui n'a pris naissance que lors du versement ainsi effectué, bénéficie de la priorité de paiement prévue à l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu qu'en se prononçant ainsi, alors qu'elle constatait que les cotisations dont le paiement était poursuivi se rapportaient à des salaires perçus pour une période de travail antérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire, ce dont il résultait que la créance de l'URSSAF avait son origine antérieurement à ce jugement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a accueilli la demande de l'URSSAF relative aux cotisations sur les salaires de la période du 1er mai au 17 juin 1986, l'arrêt rendu le 16 juin 1988, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse

  • Faits
    • Une société est placée en liquidation judiciaire
    • son personnel est licencié
    • L’URASSAF est éligible au rang de créancier privilégié seulement pour les créances postérieures au jugement d’ouverture
  • Demande
    • L’URSAFF demande à ce que l’ensemble de ces créances soient admises au rang de créances privilégiées
  • Procédure
    • Par un arrêt du 16 juin 1988, la Cour d’appel d’Agen fait droit à la demande de l’URSAFF
    • Les juges du fond estiment que dans la mesure où les salaires sur lesquels portent les cotisations impayées ont été versés postérieurement à l’ouverture de la procédure, ils n’endossent pas la qualification de créance antérieure.
  • Solution
    • Par un arrêt du 20 février 1990, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel
    • Elle reproche à la Cour d’appel d’avoir accédé à la demande de l’URSAFF en qualifiant la créance invoquée de postérieure « alors qu’elle constatait que les cotisations dont le paiement était poursuivi se rapportaient à des salaires perçus pour une période de travail antérieure au jugement d’ouverture du redressement judiciaire, ce dont il résultait que la créance de l’URSSAF avait son origine antérieurement à ce jugement»
    • Les créances dont se prévalait l’URSAFF devaient donc être soumises au régime juridique, non pas des créances postérieures, mais à celui des créances antérieures.
    • S’agissant des autres créances invoquées par l’organisme social, lesquels portaient sur des salaires perçus postérieurement au jugement d’ouverture, la chambre commerciale estime à l’inverse que « l’article 40 de la loi du 25 janvier 1985 étant applicable aux créances nées régulièrement après l’ouverture du redressement judiciaire, c’est à bon droit que la cour d’appel a considéré que devait bénéficier des dispositions de ce texte la créance de cotisations de l’URSSAF relative aux indemnités de congés payés et de préavis consécutives aux licenciements opérés après le prononcé de la liquidation judiciaire»
  • Analyse
    • Cette solution adoptée par la Cour de cassation intervient à la suite d’un long débat portant sur le régime juridique des créances de sécurité sociale
    • Très tôt s’est posée la question de la qualification des cotisations sociales qui se rattachaient à des salaires payés après le jugement d’ouverture mais se rapportant à une période de travail antérieure à ce jugement.
    • Deux conceptions s’opposaient sur cette question
      • Première conception
        • On considère que le régime juridique des créances de sécurité sociale est autonome et ne doit pas être influencé par les dispositions relatives au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises
        • Selon cette conception, les créances doivent donc être réglées à la date normale d’exigibilité dès lors qu’elles sont postérieures au jugement d’ouverture quand bien même les cotisations seraient calculées sur un salaire rémunérant une période d’emploi antérieure au jugement.
      • Seconde conception
        • On peut estimer, à l’inverse, que le fait générateur des cotisations sociales réside dans le travail fourni par le salarié et non le paiement des salaires, quand bien même leur versement constitue une condition de leur exigibilité.
        • Selon cette conception, les cotisations sociales doivent donc être regardées comme des créances antérieures.
    • De toute évidence, la Cour de cassation a opté dans l’arrêt en l’espèce pour la seconde conception.
    • Pour la chambre commerciale, le fait générateur du salaire c’est le travail effectué.
    • Or les cotisations sociales sont afférentes au salaire dû au salarié
    • Par conséquent, leur fait générateur c’est bien le travail du salarié et non la date d’exigibilité du salaire.
    • La Cour de cassation reproche ainsi à la Cour d’appel d’avoir confondu la naissance de la créance et son exigibilité.
    • C’est donc au jour du travail effectué qu’il faut remonter pour déterminer si l’on est en présence d’une créance antérieure ou postérieure au jugement d’ouverture.

Le critère de rattachement d’une créance à la catégorie des créances antérieure est donc celui de la date de sa naissance.

L’adoption de la date de naissance de la créance comme critère de rattachement à la catégorie des créances antérieure exclut dès lors tout rôle que pourrait jouer la date d’exigibilité de la créance dans ce rattachement.

La date d’exigibilité n’est que celle à laquelle le créancier peut prétendre au paiement.

Elle est, par conséquent, naturellement distincte de la date de naissance qui, en principe, interviendra antérieurement.

Tandis que la date de naissance de la créance se rapporte à sa création, sa date d’exigibilité se rapporte quant à elle à son exécution.

Le débat est définitivement clos depuis l’adoption de la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 qui a remplacé la formule « ayant une origine antérieure au jugement d’ouverture » par l’expression « est née » qui apparaît plus précise.

C’est donc le fait générateur de la créance dont il doit être tenu compte et non la date d’exigibilité afin de savoir si une créance est soumise au régime de la déclaration ou si, au contraire, elle peut faire l’objet d’un paiement à l’échéance.

b) Sur la détermination du fait générateur de la créance en lui-même

La détermination du fait générateur d’une créance n’est pas toujours simple.

Pour ce faire, il convient de distinguer les créances contractuelles des créances extracontractuelles.

?) Les créances extracontractuelles

L’antériorité d’une créance extracontractuelle au jugement d’ouverture n’est pas toujours aisée à déterminer.

La détermination de la date de naissance de cette catégorie de créances soulève parfois, en effet, des difficultés.

Bien que la jurisprudence soit guidée, le plus souvent, par une même logique, on ne saurait se livrer à une systématisation des critères adoptés.

Aussi, est-ce au cas par cas qu’il convient de raisonner en ce domaine, étant précisé que les principales difficultés se sont concentrées sur certaines créances en particulier :

==> Les créances de condamnation

Deux sortes de créances doivent être ici distinguées : la créance principale de condamnation et les créances accessoires à la condamnation

  • La créance principale de condamnation
    • Il s’agit de la créance qui a pour effet générateur l’événement à l’origine du litige.
    • La créance de réparation naît, par exemple, au jour de la survenance du dommage.
    • Si donc le dommage survient antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure, quand bien même la décision de condamnation serait rendue postérieurement, la créance de réparation endossera la qualification de créance antérieure (V. en ce sens com., 9 mai 1995; Cass. com., 4 oct. 2005, n° 03-19.367)
  • Les créances accessoires à la condamnation
    • Son notamment ici visées les créances de dépens et d’article 700
    • La particularité de ces créances est qu’elles sont attachées, moins au fait générateur du litige, qu’à la décision de condamnation
    • Aussi, toute la difficulté est de déterminer la date de naissance de cette catégorie singulière de créances
    • La jurisprudence a connu une évolution sur ce point :
    • Première étape
      • Dans un premier temps, la Cour de cassation a estimé que, en raison du caractère accessoire des créances de dépens ou d’article 700, leur qualification dépendait de la date de naissance de la créance principale de condamnation.
      • Telle a été la solution retenue par la chambre commerciale dans un arrêt du 24 novembre 1998
      • Faits
        • Un groupement agricole a subi un préjudice suite à la pollution d’une rivière par une société qui, par suite, fera l’objet d’une procédure de redressement judiciaire
        • Cette société est déclarée responsable du préjudice causé au groupement agricole
        • Elle est notamment condamnée aux dépens et à l’article 700 (frais irrépétibles)
      • Demande
        • Le groupement agricole demande à l’administrateur que les dépens de première instance et d’appel ainsi que la somme due au titre de l’article 700 soient admis au rang des créances postérieures
      • Procédure
        • Par un arrêt du 21 juin 1994, la Cour d’appel de Rennes déboute l’administrateur de sa demande
        • Pour les juges du fond, il n’y a pas lieu de distinguer selon que les dépens et l’article 700 ont été octroyés avant ou après l’ouverture de la procédure, dans la mesure où leur fait générateur se situe antérieurement au jugement d’ouverture, soit au moment où l’action a été introduite par le groupement
      • Moyens
        • L’auteur du pourvoi soutient que la créance de dépens et d’article 700 est née postérieurement à l’ouverture de la procédure soit au moment du prononcé du jugement dans lequel ils sont octroyés au groupement agricole.
        • Or le jugement a bien été prononcé postérieurement à l’ouverture de la procédure
      • Solution
        • Par un arrêt du 24 novembre 1998, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le créancier
        • Elle estime que « la créance de dépens et les sommes allouées au GAEC en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ont, comme la créance principale elle-même, leur origine antérieurement au jugement d’ouverture dès lors qu’elles sont nées de l’action engagée avant ce jugement et poursuivie après lui contre la SET et les organes de la procédure collective en vue de faire constater cette créance principale et d’en fixer le montant»
        • Autrement dit, pour la chambre commerciale, la qualification de la créance de dépens et d’article 700 est adossée à celle de la créance principale.
        • Si cette dernière naît avant le jugement d’ouverture, les créances de dépens et de frais irrépétibles sont soumises au régime des créances antérieures.
        • Dans le cas contraire, elles endossent la qualification de créances postérieures.

Cass. Com. 24 nov. 1998
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Rennes, 22 juin 1994) et les productions, que le groupement agricole d'exploitation en commun de la Morinais (le GAEC), qui a subi des dommages à la suite de la pollution d'une rivière, a engagé diverses procédures en vue de rechercher la responsabilité de la société Entreprise redonnaise de réparations électriques (société ERRE) et d'obtenir réparation de son préjudice ; qu'après la mise en redressement judiciaire de la société ERRE devenue la Société européenne de transformateurs (la SET), le Tribunal, qui a constaté l'intervention volontaire de l'administrateur du redressement judiciaire de la SET et du représentant de ses créanciers, a déclaré cette société et son dirigeant, M. X..., pris à titre personnel, responsables du préjudice subi par le GAEC, a fixé la créance de ce dernier à l'égard de la SET, a fixé à 10 000 francs la somme due au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et a dit que les dépens seront supportés in solidum par la SET et M. X... ; que la cour d'appel, statuant sur le recours formé contre ce jugement, l'a confirmé en toutes ses dispositions et, y ajoutant, a dit que les dépens d'appel seront supportés in solidum par l'administrateur du redressement judiciaire de la SET et M. X... ; que le GAEC a demandé que les dépens de première instance et d'appel ainsi que la somme due au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile lui soient payés par l'administrateur du redressement judiciaire de la SET en application de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que le GAEC reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les créances de dépens et celles résultant de la mise en oeuvre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile nées régulièrement après le jugement d'ouverture au sens de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 bénéficient du régime instauré par ledit article, spécialement lorsque le ou les instances en cause ont été reprises par l'administrateur de la procédure collective ; que tel était le cas en l'espèce, ainsi que le GAEC, appelant, le faisait valoir dans ses écritures circonstanciées ; qu'en refusant de dire et juger que les frais de dépens litigieux bénéficieraient du privilège de l'article 40 précité, au motif qu'il n'y a pas lieu de distinguer les frais engagés postérieurement au jugement d'ouverture pouvant bénéficier du rang des dettes de l'article 40 et des autres, en sorte que l'ensemble des frais engagés pour parvenir à rendre la décision définitive est à inclure dans la déclaration de créance à inscrire au passif, excepté les frais engagés par les mandataires judiciaires depuis leur nomination, la cour d'appel a statué sur le fondement de motifs erronés et a ainsi violé, par refus d'application, l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, d'autre part, que la cour d'appel devait, à tout le moins, faire le départ entre les frais et dépens visés antérieurement et ceux visés postérieurement au jugement déclaratif, les organes de la procédure collective ayant repris à leur compte la procédure pendante devant le tribunal de grande instance, puis la cour d'appel, pour se prononcer pertinemment sur ceux susceptibles de bénéficier du régime de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'en refusant de procéder de la sorte, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article précité ;

Mais attendu que la créance de dépens et les sommes allouées au GAEC en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ont, comme la créance principale elle-même, leur origine antérieurement au jugement d'ouverture dès lors qu'elles sont nées de l'action engagée avant ce jugement et poursuivie après lui contre la SET et les organes de la procédure collective en vue de faire constater cette créance principale et d'en fixer le montant ; qu'ainsi la cour d'appel, qui a exactement énoncé qu'il n'y avait pas lieu de distinguer selon que les frais avaient été engagés avant ou après le jugement d'ouverture, n'a pas violé l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, inapplicable en la cause ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

    • Seconde étape
      • Dans un arrêt remarqué du 12 juin 2002, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en considérant que « la créance des dépens et des frais résultant de l’application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, mis à la charge du débiteur, trouve son origine dans la décision qui statue sur ces dépens et frais et entrent dans les prévisions de l’article L. 621-32 du Code de commerce lorsque cette décision est postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective»
      • Ainsi, pour la chambre commerciale, la qualification des créances de dépens et d’article 700 ne doit plus être déterminée en considération de la date de naissance de la créance de condamnation principale
      • Les créances accessoires à la condamnation doivent, en toute hypothèse, échapper à la qualification de créances antérieures, dès lors que la décision de condamnation est rendue postérieurement au jugement d’ouverture.
      • Dans un arrêt du 7 octobre 2009, la Cour de cassation a confirmé cette solution en précisant que « la créance de dépens et des frais résultant de l’application de l’article 700 du code de procédure civile mise à la charge du débiteur trouve son origine dans la décision qui statue sur ces frais et dépens et entre dans les prévisions de l’article L. 622 17 du code de commerce (ancien article L. 621 32), lorsque cette décision est postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective» ( com. 7 oct. 2009)

Cass. com. 12 juin 2002
Attendu, selon l'arrêt déféré (Colmar, 14 décembre 1999), que la société Schwind (la société) ayant été mise en redressement judiciaire le 4 juin 1996, l'URSSAF du Bas-Rhin a déclaré une créance qui a été contestée ;

Et sur les deuxième et troisième moyens réunis :

Attendu que la société reproche à l'arrêt, qui l'a condamnée à payer à l'URSAFF une somme de 3 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens, d'avoir dit que cette indemnité et les dépens de l'URSSAF seraient employés en frais privilégiés de procédure collective, alors, selon le moyen, que les créances de dépens obtenues à l'issue d'une action tendant à faire admettre une créance antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, sont des créances antérieures car elles se rattachent à la créance contestée par l'action, de sorte qu'elles peuvent seulement être admises au passif du débiteur et à la condition qu'elles aient fait l'objet d'une déclaration régulière ; qu'en condamnant la procédure collective à payer les dépens, la cour d'appel a violé les articles 47 et 50 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que la créance des dépens et des frais résultant de l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, mis à la charge du débiteur, trouve son origine dans la décision qui statue sur ces dépens et frais et entrent dans les prévisions de l'article L. 621-32 du Code de commerce lorsque cette décision est postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs :

REJETTE le pourvoi.

==> Les créances sociales

La qualification des créances sociales a fait l’objet d’un abondant contentieux, notamment en ce qui concerne la détermination du fait générateur de l’indemnité de licenciement.

Dans un arrêt du 16 juin 2010, la chambre sociale a considéré que le fait générateur de l’indemnité de licenciement résidait, non pas dans la conclusion du contrat de travail, mais dans la décision de licenciement.

Cass. soc. 16 juin 2010
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 juin 2008), que M. X..., employé par la société Cider santé (la société) a été licencié le 14 mai 2007 pour motif économique par le liquidateur, la société ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde puis de liquidation judiciaire par jugements successifs du tribunal de commerce des 17 janvier et 2 mai 2007 ; que les sommes représentant les droits du salarié au jour de la rupture de son contrat de travail n'ayant été garanties par l'assurance générale des salaires qu'en partie, le salarié a saisi le juge de l'exécution, qui a autorisé par ordonnances du 16 juillet 2007 deux saisies conservatoires entre les mains des sociétés Repsco promotion et Codepharma ; que Mme Y..., liquidateur de la société, a assigné le 12 septembre 2007 M. X..., la société Repsco promotion et la société Codepharma, devant le juge de l'exécution aux fins d'obtenir la rétractation de ces deux ordonnances ;

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt confirmatif de rejeter sa demande de mainlevée des saisies conservatoires pratiquées par M. X... entre les mains des sociétés Codepharma et Repso promotion alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 641-13-I du code de commerce ne vise ni les créances nées pour les besoins de la procédure, ni les créances nées pour les besoins de la liquidation judiciaire parmi les créances assorties d'un privilège de procédure ; qu'en qualifiant l'indemnité due au salarié licencié postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire de son employeur de «créance née régulièrement pour les besoins de la procédure» pour affirmer que cette créance devait bénéficier d'un traitement préférentiel, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ que seules les créances nées pendant la poursuite provisoire de l'activité en liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de la procédure ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période bénéficient d'un privilège de procédure ; que tel n'est pas le cas de l'indemnité due au salarié, licencié pour motif économique en raison du prononcé, sans poursuite d'activité, de la liquidation judiciaire de son employé ; qu'en élisant néanmoins une telle créance à un rang privilégié aux motifs erronés qu' «il n'y avait pas lieu de distinguer entre créance indemnitaire liée à la rupture du contrat de travail et créance de salaire lorsque ces créances sont nées après l'ouverture de la procédure collective», la cour d'appel a de nouveau violé l'article L. 641-13-I du code de commerce ;

Mais attendu que relèvent notamment du privilège institué par l'article L. 641-13-I du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur au jour du licenciement, les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, pour les besoins du déroulement de la procédure ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a retenu que le licenciement de M. X... avait été prononcé par le liquidateur conformément à ses obligations dans le cadre de la procédure collective en cours, en a exactement déduit que les créances indemnitaires résultant de la rupture du contrat de travail étaient nées régulièrement après le jugement prononçant la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de cette procédure, et qu'en conséquence, elles relevaient de l'article L. 641-13-I du code de commerce, peu important que l'activité ait cessé immédiatement ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

  • Faits
    • Un salarié est licencié pour motif économique par le liquidateur de la société qui l’employait.
    • Cette société faisait l’objet, au moment du licenciement, d’une procédure de liquidation judiciaire
    • Afin d’obtenir le paiement de ses indemnités, non garanties par l’AGS, le salarié demande au JEX l’autorisation de pratiquer deux saisies conservatoires sur les comptes de son ex-employeur
  • Demande
    • Le liquidateur de la société demande la rétractation des deux ordonnances autorisant la réalisation des saisies demandées par le salarié
  • Procédure
    • Par un arrêt du 2 juin 2008, la Cour d’appel de Versailles déboute le liquidateur de sa demande
    • Pour les juges du fond, dans la mesure où le licenciement a été prononcé dans le cadre de la procédure collective, soit postérieurement au jugement d’ouverture, la créance d’indemnité de licenciement pouvait être admise au rang des créances privilégiées.
  • Solution
    • Par un arrêt du 16 juin 2010, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le liquidateur
    • La chambre sociale considère que « relèvent notamment du privilège institué par l’article L. 641-13-I du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur au jour du licenciement, les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, pour les besoins du déroulement de la procédure»
    • Or elle constate que le licenciement du salarié a été prononcé dans le cadre de la procédure collective en cours.
    • Il en résulte pour elle que « les créances indemnitaires résultant de la rupture du contrat de travail étaient nées régulièrement après le jugement prononçant la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de cette procédure, et qu’en conséquence, elles relevaient de l’article L. 641-13-I du code de commerce, peu important que l’activité ait cessé immédiatement ».
    • Ainsi, pour la Cour de cassation, dès lors que les créances indemnitaires résultant de la rupture du contrat de travail étaient nées régulièrement après le jugement prononçant la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de cette procédure, elles échappaient à la qualification de créance antérieure, à la faveur du régime des créances privilégiées.

==> Les créances fiscales

Le fait générateur d’une créance fiscale est différent selon le type d’impôt auquel est assujetti le débiteur.

En toute hypothèse, la date qui est le plus souvent retenue pour déterminer si une créance fiscale endosse ou non la qualification de créance antérieure est le jour de son exigibilité.

  • S’agissant de l’impôt sur le revenu
    • La Cour de cassation a estimé que la date qui doit être prise en compte, ce n’est pas le jour de perception du revenu, mais l’expiration de l’année au cours de laquelle ces revenus ont été perçus.

Cass. com. 14 janv. 2004
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 janvier 2001), que par jugement du 21 juillet 1994, M. X... a été mis en liquidation judiciaire ; que le trésorier principal de Bagneux a décerné le 15 février 1996 à l'employeur de Mme X... un avis à tiers détenteur relatif à l'impôt sur les revenus de l'année 1994 des époux X..., dont ceux-ci ont demandé la mainlevée au juge de l'exécution ;

Et sur le moyen unique du pourvoi formé par Mme X..., pris en ses deux branches :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'annulation et de mainlevée de l'avis à tiers détenteur, alors, selon le moyen :

1 / qu'en estimant que la créance du trésorier principal de Bagneux au titre de l'impôt sur le revenu dû par les époux X... pour l'année 1994 était postérieure à l'ouverture de la procédure collective ouverte le 21 juin 1994 à l'encontre de M. X..., dès lors que les impositions n'avaient été mises en recouvrement que le 31 juillet 1995, sans rechercher si le Trésor public n'était pas tenu de déclarer à titre provisionnel sa créance au passif de la procédure collective, la cour d'appel a privé sa décision de tout fondement légal au regard des articles 47 et 50 de la loi du 25 janvier 1985, devenus les articles L. 621-40 et L. 621-43 du Code du commerce ;

2 / que dans leurs conclusions signifiées le 2 février 2000, M. et Mme X... faisaient valoir que le dessaisissement de M. X... consécutif à la liquidation judiciaire de ses biens interdisait toute poursuite exercée sur les biens communs des époux, soit en l'occurrence sur les gains et salaires de Mme X... ; qu'en estimant que la procédure collective ouverte à l'égard de M. X... laissait subsister l'obligation distincte pesant sur son épouse, codébitrice solidaire de l'impôt sur le revenu, sans répondre aux conclusions des époux X... faisant valoir que les biens communs des époux ne pouvaient en toute hypothèse faire l'objet de poursuite, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, le fait générateur de l'impôt sur les revenus résultant de l'expiration de l'année au cours de laquelle ces revenus ont été perçus, l'arrêt, répondant aux conclusions prétendument délaissées, retient exactement que la créance du Trésor public au titre de l'impôt sur les revenus perçus par les époux X... au cours de l'année 1994 était postérieure à l'ouverture, le 21 juin 1994, de la procédure collective de M. X... et que le comptable du Trésor chargé du recouvrement pouvait poursuivre individuellement le débiteur sur ses biens ; que la cour d'appel, qui n'avait pas à se livrer à la recherche inopérante visée à la première branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE irrecevable le pourvoi formé par M. X... ;

REJETTE le pourvoi formé par Mme X... ;

  • S’agissant de l’impôt sur les sociétés
    • La Cour de cassation a statué dans le même sens, en considérant que « le fait générateur de l’impôt sur les sociétés et la taxe y afférente résulte, en application des articles 36, 38 et 209 du CGI, de la clôture de l’exercice comptable et non pas de la perception des impôts »

Cass. com., 16 déc. 2008
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 décembre 2007), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, 28 novembre 2006, pourvoi n° 05-13.708 ) que la société à responsabilité limitée Network music group (la société) a fait l'objet, le 20 août 1997, d'un jugement de redressement judiciaire, puis, le 5 mai 1998, d'un plan de continuation ; qu'à la suite de la mise en recouvrement, les 31 août et 30 novembre 1998, de l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1997 et de la contribution de 10 % y afférente, le trésorier principal de Boulogne-Billancourt (le trésorier) a, en application des dispositions de l'article L. 621-32 du code de commerce, demandé à l'administrateur le règlement de cette créance fiscale due par la société ; que contestant le caractère privilégié de la créance du Trésor, la société a assigné le trésorier et le commissaire à l'exécution du plan ès qualités devant le tribunal de commerce, pour en obtenir le remboursement, motif pris de ce qu'elle était née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de remboursement de l'impôt sur les sociétés et de la contribution de 10 % y afférente, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en application des articles 1668 et 1668 B du code général des impôts et des articles 358 à 366 I de l'annexe III à ce code, dans leur rédaction alors en vigueur, l'impôt sur les sociétés et la contribution supplémentaire y afférente, dus au titre d'un exercice donné, lequel correspond à une période de 12 mois mais ne coïncide pas nécessairement avec l'année civile, sont réglés spontanément par le contribuable sous forme d'acomptes trimestriels et sans émission d'un avis d'imposition, au plus tard le 20 février, le 20 mai, le 20 août et le 20 novembre de cet exercice et ce, à compter de la date de clôture de l'exercice précédent; que le solde de cet impôt et de son complément doit lui-même être acquitté spontanément par le redevable en même temps qu'il souscrit sa déclaration de résultats de l'exercice considéré c'est-à-dire, dans les trois mois de la clôture de l'exercice ou si aucun exercice n'est clos au cours d'une année, avant le 1er avril de l'année suivante ; qu'en considérant que le fait générateur de l'impôt sur les sociétés résulte de l'expiration de l'année au cours de laquelle les bénéfices sont perçus, bien qu'il soit exigible trimestriellement dans les conditions susvisées et que la date de son fait générateur ne puisse être postérieure à sa date d'exigibilité, les juges d'appel ont purement et simplement violé les textes susvisés ;

2°/ que l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu ne sont pas dus et versés dans des conditions identiques ; que l'impôt sur les sociétés est payé spontanément, par voie d'acomptes, tandis que le paiement de l'impôt sur le revenu est précédé de l'émission d'un avis d'imposition ; que la circonstance que les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés soient déterminés dans les mêmes conditions que les bénéfices passibles de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en application de l'article 209 du code général des impôts est sans incidence sur le fait générateur et les conditions d'exigibilité de l'impôt sur les sociétés qui demeurent différents de ceux de l'impôt sur le revenu ; qu'en assimilant les conditions dans lesquelles l'impôt sur les sociétés est dû avec celles de l'impôt sur le revenu sous prétexte que les modalités de calcul des bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés et des bénéfices passibles de l'impôt sur le revenu étaient identiques, les juges d'appel ont encore violé les dispositions des articles 12, 209, 1668 et 1668 B du code général des impôts et des articles 358 à 366 I de l'annexe III à ce code ;

3°/ que les acomptes d'impôt sur les sociétés dus au Trésor public antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et non acquittés, constituent des créances nées antérieurement à cette décision, qui ne peuvent donc être réglées postérieurement et doivent donner lieu à une déclaration du Trésor public en application de l'article L. 621-43 du code de commerce ; qu'en considérant que le fait générateur de l'impôt sur les sociétés est l'expiration de l'année et non la perception des bénéfices et qu'il n'y avait pas lieu de mettre à part les sommes nées de l'activité de la société antérieure à l'ouverture de la procédure collective, bien que l'impôt sur les sociétés soit exigible au cours de l'exercice de réalisation des bénéfices et doive être réglé spontanément par voie d'acomptes, les juges d'appel ont violé les articles L. 621-24, L. 621-32 et L. 621-43 du code de commerce alors en vigueur ainsi que les articles 1668, 1668 B du code général des impôts et 358 à 366 I de l'annexe III à ce code ;

Mais attendu qu'en matière de procédure collective, la date du fait générateur de l'impôt permet de déterminer si la créance doit être déclarée au titre de l'article L. 621-43 du code de commerce ou si son recouvrement peut être poursuivi au titre de l'article L. 621-32 du même code ; que, c'est à bon droit, que la cour d'appel a retenu que le fait générateur de l'impôt sur les sociétés et la taxe y afférente résulte, en application des articles 36, 38 et 209 du CGI, de la clôture de l'exercice comptable et non pas de la perception des impôts, et, après avoir constaté que le principe de la créance des impôts en cause était né au 31 décembre 1997, soit après l'ouverture de la procédure collective, en a déduit que celle-ci relevait de l'article L. 621-32 du code de commerce ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

  • S’agissant de la TVA
    • L’article 269, 1, a) du Code général des impôts prévoit que le fait générateur de la TVA assise sur des prestations de service est, sauf cas particuliers, l’exécution de la prestation en cause et celui de la TVA assise sur une vente est, toujours sous réserve de situations spécifiques, la date de livraison.

==> Créance de dépollution

Dans un arrêt du 17 septembre 2002, la Cour de cassation a estimé que la créance de dépollution naît « de l’arrêté préfectoral ordonnant la consignation, postérieur au jugement d’ouverture »

Autrement dit, cette créance dont est titulaire le Trésor a pour fait générateur la décision du préfet ordonnant qu’une somme d’argent soit consignée en vue du financement de la remise en état du site pollué.

Dans un arrêt du 19 novembre 2003, la Cour de cassation a semblé revenir sur sa décision en retenant comme fait générateur de la créance la date de fermeture du site (Cass. com. 19 nov. 2003).

La portée de cette jurisprudence est toutefois incertaine pour les auteurs.

Cass. com. 17 sept. 2002
Sur le premier moyen :

Vu les articles 40 et 50 de la loi du 25 janvier 1985, ainsi que l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, que la Société d'utilisation du phénol (la société SUP), exploitante d'une installation classée, a été mise en redressement judiciaire le 6 janvier 1994, puis en liquidation judiciaire ;

que le liquidateur, M. X..., n'ayant pas déféré à une mise en demeure de remettre le site en l'état, le préfet lui a ordonné le 8 septembre 1995, par application du troisième texte susvisé, de consigner une somme répondant des travaux à réaliser ; que le liquidateur a soutenu que, n'ayant pas été déclarée à la procédure collective, cette créance du Trésor était éteinte ;

Attendu que pour déclarer éteinte la créance du Trésor et accueillir la demande de restitution de la somme consignée présentée par le liquidateur de la société SUP, la cour d'appel a retenu que l'activité de celle-ci était nécessairement arrêtée le jour de la liquidation judiciaire ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la créance du Trésor était née de l'arrêté préfectoral ordonnant la consignation, postérieur au jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

?) Les créances contractuelles

La question de la date de naissance des créances contractuelles n’est pas sans poser un certain nombre de difficultés en matière de procédures collectives.

En principe, les créances contractuelles ont pour fait générateur la date de conclusion du contrat, soit, selon le principe du consensualisme, au jour de la rencontre des volontés.

Cette conception volontariste du contrat devrait, en toute logique, conduire à ne qualifier de créances antérieures que les obligations résultant d’un contrat conclu antérieurement au jugement d’ouverture.

En raison néanmoins du caractère dérogatoire du droit des entreprises en difficulté et des objectifs spécifiques qu’il poursuit, il est des cas où cette conception du fait générateur de la créance contractuelle est remise en cause, à tout le moins est envisagée sous un autre angle.

Au fond, comme le soulignent certains auteurs, tant l’article L. 622-17, qui régit les créances antérieures, que l’article L. 622-13 relatif aux créances postérieures, se prononcent moins sur le fait générateur, que sur le régime qui leur est applicable.

Aussi, le droit des entreprises en difficulté ne remettrait nullement en cause l’approche civiliste du fait générateur des créances contractuelles.

La date du contrat permettrait donc toujours de déterminer le caractère antérieur ou postérieur de la créance et, ce faisant, le régime normalement applicable à la créance à condition toutefois, et là résiderait la particularité du droit des entreprises en difficulté, qu’aucune disposition spécifique ne vienne soumettre cette créance à un régime distinct de celui qui devrait lui être naturellement applicable.

Comme en matière de créance extracontractuelle, c’est également au cas par cas qu’il convient ici de raisonner.

==> Créance résultant d’un contrat de vente

  • Principe
    • Dans un arrêt du 15 février 2000, la Cour de cassation a estimé que la créance résultant d’un contrat de vente avait pour fait générateur, non pas la date de conclusion du contrat, mais le jour de son exécution.

Cass. com. 15 févr. 2000
Attendu, selon l'arrêt déféré, que, par ordonnance du 6 septembre 1994, le juge-commissaire du redressement judiciaire de la société SIAQ a admis la créance de la société Etudes et réalisations graphiques (société ERG), à titre chirographaire, pour une certaine somme, tandis que la société ERG soutenait que sa créance était née de la poursuite de l'activité et relevait de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que pour dire que la créance de la société ERG, correspondant à une commande passée avant le redressement judiciaire de la société SIAQ et livrée à celle-ci postérieurement au jugement d'ouverture, ne relevait pas de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, l'arrêt énonce que " le fait que cette prestation ait profité à la société SIAQ après l'ouverture de la procédure importe peu, dès lors que l'accord des parties sur la réalisation de la commande, qui fige les obligations respectives des parties et fait naître l'obligation au paiement, est intervenu avant la procédure collective " ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mai 1996, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

  • Faits
    • Contrat de vente conclu entre deux sociétés
    • Entre la conclusion du contrat et la livraison de la marchandise, la société acheteuse est placée en redressement judiciaire
    • La société vendeuse n’est donc pas payée
    • Tandis que le juge-commissaire considère qu’il s’agit là d’une créance antérieure, le vendeur estime que sa créance est née de la poursuite de l’activité
  • Demande
    • Le vendeur se prévaut du bénéfice de l’article 40 de la loi du 25 janvier 85, soit du régime des créanciers privilégiés
  • Procédure
    • Par un arrêt du 6 mai 1996, la Cour d’appel d’Agen déboute le vendeur de sa demande
    • Les juges du fond estiment que le contrat de vente a été conclu antérieurement à l’ouverture de la procédure, de sorte que la créance revendiquée ne saurait être admise au rang des créances privilégiées
  • Solution
    • Par un arrêt du 15 février 2000, la Cour de cassation, casse l’arrêt de la Cour d’appel
    • La Cour de cassation considère que le fait générateur de l’obligation de paiement ce n’est pas la conclusion du contrat de vente, mais la délivrance de la chose achetée
    • Or en l’espèce, la délivrance a eu lieu postérieurement au jugement d’ouverture.
    • La créance du vendeur, peut donc bien être admise au rang des créances privilégiées
  • Analyse
    • De toute évidence, la solution retenue ici par la Cour de cassation est totalement dérogatoire au droit commun
    • Techniquement la créance nait bien, comme l’avait affirmé la Cour d’appel, au jour de la conclusion du contrat !
    • C’est la rencontre des volontés qui est créatrice d’obligations et non la délivrance de la chose
    • Tel n’est pas ce qui est pourtant décidé par la Cour de cassation
    • Pour la chambre commerciale c’est l’exécution de la prestation qui fait naître la créance
    • Le droit de revendication du vendeur de meuble dessaisi est manifestement sacrifié sur l’autel du droit des procédures collectives.
    • Cette solution est appliquée de manière générale à tous les contrats à exécution successive
  • Exceptions
    • Contrat de vente immobilière
      • Dans cette hypothèse, la qualification de la créance dépend, non pas de la remise des clés de l’immeuble, mais de son transfert de propriété.
      • Dans un arrêt du 1er février 2000, la Cour de cassation a estimé en ce sens que « le contrat de vente de l’immeuble dont l’une des clauses subordonne le transfert de propriété au paiement intégral du prix est un contrat de vente à terme n’incluant pas un prêt et que ce contrat était en cours lors de l’ouverture de la procédure collective, une partie du prix restant à payer» ( com. 1er févr. 2000).
    • Garantie des vices cachés
      • Dans l’hypothèse où le débiteur endosse la qualité, non plus de vendeur, mais d’acheteur, la créance de garantie des vices cachés a pour fait générateur la date de conclusion du contrat.
      • Cette solution a été consacrée dans un arrêt du 18 janvier 2005.
      • La Cour de cassation a considéré dans cette décision que « la créance née de la garantie des vices cachés a son origine au jour de la conclusion de la vente et non au jour de la révélation du vice» ( com. 18 janv. 2005)

==> Créance résultant d’un contrat à exécution successive

En matière de contrat à exécution successive, la Cour de cassation considère que le fait générateur de la créance réside, non pas dans la date de conclusion du contrat, mais au jour de la fourniture de la prestation caractéristique.

  • Pour le contrat de travail
    • Le fait générateur de la créance de salaire réside dans l’exécution de la prestation de travail.
    • Dans un arrêt du 8 novembre 1988 la Cour de cassation considère, par exemple, que « après avoir retenu exactement que les dispositions relatives à l’exigibilité des cotisations ne pouvaient prévaloir sur celles de la loi du 25 janvier 1985 qui interdisent de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture du redressement judiciaire, le jugement constate que les cotisations réclamées se rapportaient à des salaires perçus pour une période de travail antérieure à l’ouverture de la procédure collective ; qu’en l’état de ces énonciations, c’est à bon droit que le tribunal a décidé qu’une telle créance était née antérieurement au jugement d’ouverture et que, par suite, peu important l’époque à laquelle les salaires correspondants avaient été payés, l’acte tendant à obtenir paiement de cette créance devait être annulé» ( com. 8 nov. 1988).
  • Pour le contrat de bail
    • Le fait générateur de la créance de loyer réside quant à elle dans la jouissance de la chose
    • Dans un arrêt du 28 mai 2002, la Cour de cassation a estimé en ce sens que « la redevance prévue par un contrat à exécution successive poursuivi par l’administrateur est une créance de la procédure pour la prestation afférente à la période postérieure au jugement d’ouverture et constitue une créance née antérieurement au jugement d’ouverture pour la prestation afférente à la période antérieure à ce jugement et soumise à déclaration au passif» ( com. 28 mai 2002)

==> Créance résultant d’un contrat de prêt

Bien que la jurisprudence tende désormais à considérer que le contrat de prêt constitue, non plus un contrat réel, mais un contrat consensuel, en matière de procédure collective, la cour de cassation estime toujours que la qualification endossée par la créance de remboursement est déterminée par la date de déblocage des fonds.

En matière d’ouverture de crédit, la chambre commerciale a estimé que, en ce qu’elle constitue une promesse de prêt, elle « donne naissance à un prêt, à concurrence des fonds utilisés par le client » (Cass. com. 21 janv. 2004).

==> Créance résultant d’un contrat de cautionnement

L’hypothèse visée ici est la situation où la caution, après avoir été actionnée en paiement par le créancier, se retourne contre le débiteur principal.

Elle dispose contre ce dernier de deux recours : un recours personnel et un recours subrogatoire.

  • En cas d’exercice par la caution de son recours subrogatoire
    • Dans cette hypothèse, la créance dont elle se prévaut la caution contre le débiteur n’est autre que celle dont était titulaire le créancier accipiens
    • La date de naissance de cette créance devrait, en conséquence, être déterminée selon les règles applicables à cette créance
  • En cas d’exercice par la caution de son recours personnel
    • Recours de la caution contre le débiteur
      • La détermination du fait générateur de la créance invoquée par la caution est ici plus problématique.
      • Deux approches sont envisageables
        • On peut considérer que la créance a pour fait générateur la conclusion du contrat
        • On peut également estimer que cette créance naît du paiement de la caution entre les mains du créancier accipiens.
      • Selon que l’on retient l’une ou l’autre approche, lorsque le jugement d’ouverture intervient entre la date de conclusion du contrat de caution et la date de paiement, la qualification de la créance sera différente.
      • Dans un arrêt du 3 février 2009, la Cour de cassation a opté pour la première approche.
      • Elle a, autrement dit, considéré que « la créance de la caution qui agit avant paiement contre le débiteur principal, sur le fondement de l’article 2309 du code civil, prend naissance à la date de l’engagement de caution» ( com. 3 févr. 2009)

Cass. com. 3 févr. 2009
Sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble l'article 2309 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que poursuivi en paiement des sommes dues par Mme X..., au titre d'un prêt dont il s'était rendu caution, M. de Y... (la caution), a, en application des dispositions de l'article 2309 du code civil , assigné celle-ci, qui avait été mise en liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, en paiement de la somme mise en recouvrement contre lui ;

Attendu que, pour déclarer l'action de la caution recevable et condamner Mme X... à lui payer une certaine somme, l'arrêt retient que l'action indemnitaire est née postérieurement à la clôture de la procédure collective de la débitrice principale puisque l'assignation en paiement de la banque à l'encontre de la caution a été délivrée le 16 novembre 1990 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la créance de la caution qui agit avant paiement contre le débiteur principal, sur le fondement de l'article 2309 du code civil, prend naissance à la date de l'engagement de caution et que l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985 ne permet pas aux créanciers, de recouvrer l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, sauf dans les cas prévus aux articles 169, alinéa 2, et 170 de cette même loi, la cour d'appel, qui a constaté que l'engagement de caution était du 30 janvier 1984 et que la liquidation judiciaire de Mme X... avait été clôturée le 28 février 1990 pour insuffisance d'actif, a violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 avril 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

  • Recours de la caution contre ses cofidéjusseurs
    • Dans un arrêt du 16 juin 2004, la Cour de cassation a retenu une solution identique à celle adoptée dans l’arrêt du 3 février 2009.
      • Faits
        • Une banque consent un prêt à une société
        • En garantie, deux associés souscrivent à un cautionnement en faveur de la banque
        • L’un des associés caution cède ses parts sociales à l’autre
        • La société est par suite placée en liquidation judiciaire
        • La caution qui avait cédé ses parts règle à la banque la créance à hauteur du montant déclarée à la procédure
        • La caution se retourne alors contre le commissaire d’exécution au plan afin que lui soit réglée la part due par son ex-coassocié décédé entre-temps
      • Demande
        • La caution qui a réglé la dette principale réclame à l’administrateur le paiement de la part dû par les ayants droit de son cofidéjusseur
      • Procédure
        • Par un arrêt du 2 octobre 2001, la Cour d’appel de Besançon accède à la requête de la caution
        • Les juges du fond estiment que dans la mesure où l’action contre le cofidéjusseur ne naît qu’à partir du moment où l’un d’eux a réglé la dette principale, la créance de la caution naît au jour du paiement de la dette principale
      • Solution
        • Par un arrêt du 16 juin 2004, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel
        • Elle considère que « la créance de la caution qui a payé la dette et qui agit contre son cofidéjusseur sur le fondement de l’article 2033 du Code civil, prend naissance à la date de l’engagement de caution»
        • Aussi, la Cour de cassation reproche-t-elle à la Cour d’appel d’avoir pris comme fait générateur de la créance le paiement de la dette principale par la caution.
        • Pour elle, dans la mesure où la souscription du cautionnement a eu lieu antérieurement au jugement d’ouverture, la créance de la caution n’est pas éligible au rang des créances privilégiées.
      • Analyse
        • La solution adoptée par la Cour de cassation ne s’impose pas avec évidence.
        • Car au fond, cette position revient à dire que, au moment où elle s’engage envers le créancier, la caution acquiert :
          • D’une part, la qualité de débiteur accessoire de la dette principale
          • D’autre part, la qualité de créancier chirographaire antérieur quant au recours qui lui est ouvert par le code civil contre son ou ses cofidéjusseurs
        • Au total, il semble désormais être acquis que le recours personnel de la caution, qu’il soit dirigé contre un cofidéjusseur soumis à une procédure collective ou contre le débiteur principal soumis à une procédure collective, naît au jour de la signature du contrat de cautionnement.

Cass. com. 16 juin 2004
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 15 mars 1986, l'Union des banques régionales (la banque) a consenti un prêt à la société La Lizaine (la société), avec pour garantie le cautionnement solidaire de MM. X... et Y..., associés de la société ; que, le 31 janvier 1988, M. Y... a cédé à M. X... l'ensemble de ses parts sociales ; que la société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a déclaré sa créance qui a été admise pour un certain montant ;

que M. X... a été mis en redressement judiciaire à la suite duquel un plan de cession a été arrêté, M. Z... étant nommé commissaire à l'exécution du plan ; que M. Y... ayant réglé, en sa qualité de caution, une somme de 50 000 francs pour solde de la créance de la banque, a assigné M. X... en remboursement de cette somme ; que M. Z..., ès qualités, est intervenu à l'instance ; que M. X... est décédé le 4 mars 1998 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de M. X..., décédé, à payer 25 000 francs à M. Y... alors, selon le moyen, qu'aucune des parties, à qui il appartenait de fixer les termes du litige, n'avait demandé à la cour d'appel de condamner M. Z..., ès qualités, à payer la somme de 25 000 francs à M. Y... ; qu'en prononçant cette condamnation, la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte des conclusions récapitulatives déposées par M. Y... le 20 mai 1999 que ce dernier a sollicité la condamnation de M. Z..., en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, à lui payer une somme de 50 000 francs en application de l'article 2033 du Code civil ; que le moyen manque en fait ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 40 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, devenu l'article L.621-32 du Code de commerce ;

Attendu que la créance de la caution qui a payé la dette et qui agit contre son cofidéjusseur sur le fondement de l'article 2033 du Code civil, prend naissance à la date de l'engagement de caution;

Attendu que pour condamner M. Z..., commissaire à l'exécution du plan de M. X..., décédé, à payer 25 000 francs à M. Y..., l'arrêt retient que s'agissant de rapports entre deux cautions, et non entre une caution et le débiteur principal, M. Y... ne disposait d'aucune action avant d'avoir payé, ce par application de l'article 2033 du Code civil, que l'origine de sa créance est, dès lors, postérieure à l'ouverture de la procédure collective de M. X..., de telle sorte que cette créance n'était pas soumise à l'obligation de déclaration ;

Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que l'engagement de caution de M. Y... avait été souscrit avant l'ouverture du redressement judiciaire de M. X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 octobre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

2. Les créances nées postérieurement au jugement d’ouverture

La loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 a étendu le champ d’application du principe d’interdiction des paiements en incluant dans son giron les créances qui n’entrent pas dans la catégorie des créances dites privilégiées visées à l’article L. 622-17 du code de commerce.

L’article L. 622-17 les définit comme les créances « nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période. »

Deux enseignements peuvent immédiatement être tirés de cette disposition :

  • D’une part, le principe d’interdiction des paiements ne s’applique pas seulement aux créances nées antérieurement au jugement d’ouverture, il est également susceptible de s’appliquer aux créances postérieures.
  • D’autre part, pour être applicable à une créance née postérieurement au jugement d’ouverture, ladite créance ne doit pas être considérée comme privilégiée au sens de l’article L. 622-17 du Code de commerce

Aussi, afin d’apprécier l’étendue du champ d’application du principe d’interdiction des paiements, convient-il de déterminer ce que l’on doit entendre par créance privilégiée.

Il ressort de la définition posée à l’article L. 622-17 du Code de commerce qu’une créance privilégiée répond à trois critères cumulatifs qui tiennent

  • D’abord, à la date de naissance de la créance
  • Ensuite, à la régularité de la créance
  • Enfin, à l’utilité de la créance

a) L’exigence de postériorité de la créance au jugement d’ouverture

Pour être qualifiée de privilégiée, la créance doit nécessairement être née postérieurement au jugement d’ouverture.

Dans ces conditions, la détermination de la date de naissance de la créance présentera un intérêt majeur.

Dès lors que la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture, elle est imperméable à la qualification de créance privilégiée.

Afin de déterminer si une créance est postérieure, il conviendra alors de raisonner dans les mêmes termes que pour les créances antérieures.

b) L’exigence de régularité de la créance

L’article L. 622-17, I du Code de commerce vise les créances nées régulièrement après l’ouverture de la procédure.

Que doit-on entendre par l’expression « nées régulièrement » ?

Le législateur a entendu viser ici les créances nées conformément aux règles de répartition des pouvoirs entre les différents organes de la procédure.

Pour mémoire, selon la nature de la procédure dont fait l’objet le débiteur, l’administrateur, lorsqu’il est désigné, sera investi d’un certain nombre de pouvoirs, qu’il exercera, parfois, à titre exclusif.

En matière de procédure de sauvegarde, l’article L. 622-1 du Code de commerce prévoit par exemple que si « l’administration de l’entreprise est assurée par son dirigeant […] lorsque le tribunal désigne un ou plusieurs administrateurs, il les charge ensemble ou séparément de surveiller le débiteur dans sa gestion ou de l’assister pour tous les actes de gestion ou pour certains d’entre eux. »

Lorsqu’il s’agit d’une procédure de liquidation judiciaire, le débiteur sera complètement dessaisi de son pouvoir de gestion de l’entreprise à la faveur de l’administrateur (art. L. 641-9 C. com.)

Ainsi, la créance régulière est celle qui résulte d’un acte accompli en vertu d’un pouvoir dont était valablement investi son auteur.

A contrario, une créance sera jugée irrégulière en cas de dépassement de pouvoir par le débiteur ou l’administrateur.

Pour apprécier la régularité d’une créance il faut alors distinguer selon que la créance est d’origine contractuelle ou délictuelle

==> Les créances contractuelles

  • Pour les créances nées de la conclusion d’un contrat
    • La créance naît régulièrement si le contrat a été conclu par un organe qui était investi du pouvoir d’accomplir l’acte.
    • Pour les actes de gestion courante, le débiteur dispose de ce pouvoir en matière de procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire.
  • Pour les créances nées de l’exécution d’un contrat en cours
    • Lorsqu’une décision de continuation a été prise
      • La créance ne peut naître régulièrement qu’à la condition que le contrat ait été poursuivi en vertu d’une décision prise par la personne habilitée
      • Il s’agira
        • soit de l’administrateur lorsqu’il est désigné
        • soit du débiteur après avis conforme du mandataire
      • En matière de liquidation judiciaire, seul le liquidateur est investi de ce pouvoir.
    • Lorsqu’aucune décision de continuation n’a été prise
      • Lorsque la créance trouve son origine dans l’exécution d’un contrat en cours pour lequel aucune décision de continuation n’a été prise, la jurisprudence considère classiquement que cette absence de décision n’entache pas la régularité de la créance.
      • Il est, par ailleurs, indifférent que la décision prise ultérieurement soit favorable ou non à une continuation du contrat en cours (V. en ce sens com. 12 juill. 1994)
  • Cas particulier de la créance de salaire
    • Si, en principe, l’irrégularité de la créance s’apprécie au regard du dépassement de pouvoir du débiteur ou de l’administrateur, il est un cas où cette règle est écartée
    • Dans un arrêt du 13 juillet 2010, la Cour de cassation a, en effet, estimé que quand bien même une créance de salaire serait née irrégulièrement dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire, elle pouvait, malgré tout, bénéficier du régime des créances privilégiées.

Cass. soc. 13 juill. 2010
Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 621-32 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, bien que faisant l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, M. X... a continué d'exercer son activité et d'employer M. Y... qu'il avait engagé en qualité de manoeuvre avant l'ouverture de la procédure ; qu'ayant appris l'existence de la procédure collective, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement des indemnités de rupture et d'un rappel de salaires ;

Attendu pour rejeter cette demande, l'arrêt, qui prononce la résiliation du contrat de travail, retient que les créances dont M. Y... poursuit le paiement, nées de la poursuite d'activité de M. X... après sa liquidation judiciaire, ou de la résiliation du contrat postérieurement à la liquidation judiciaire, ne sont pas nées régulièrement après le jugement d'ouverture au sens de l'ancien article L. 621-32 du code de commerce, qu'elles se trouvent par conséquent hors procédure et que leur montant ne peut pas être fixé dans le cadre de la procédure collective ;

Qu'en statuant ainsi alors d'une part qu'en cas de liquidation judiciaire de l'employeur, le contrat de travail du salarié se poursuit de plein droit tant que le liquidateur ne l'a pas rompu, et que, sauf en cas de fraude, est opposable à la procédure collective la créance du salarié née de la poursuite illicite de l'activité, sans que puissent lui être opposés l'usage irrégulier de ses pouvoirs par le débiteur et la méconnaissance de son dessaisissement, et alors, d'autre part, que l'article L. 621-32 du code de commerce, alors applicable, ne concernait que les modalités de paiement des créances et non les conditions de leur admission au passif salarial, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

  • Faits
    • Une société fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire
    • Alors que la procédure de liquidation est engagée, l’entreprise continue d’employer un salarié alors qu’aucune décision en ce sens n’ayant été prise par le liquidateur
  • Demande
    • Après avoir eu connaissance de la procédure de liquidation, le salarié saisit la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir le paiement d’une indemnité de rupture de son contrat de travail et un rappel de salaire.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 10 octobre 2007 la Cour d’appel de Montpellier déboute le salarié de sa demande
    • Les juges du fond estiment que la créance invoquée par le salarié est née irrégulièrement, de sorte qu’il ne saurait se prévaloir du privilège consenti aux créanciers postérieurs
    • Pour la Cour d’appel, il s’agit donc d’une créance hors procédure, de sorte que le salarié ne peut, ni déclarer sa créance, ni en demander le paiement à l’échéance.
  • Solution
    • Par un arrêt du 13 juillet 2010, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel au visa de l’article L. 621-32 du Code de commerce
    • La chambre sociale considère :
      • D’une part, qu’« en cas de liquidation judiciaire de l’employeur, le contrat de travail du salarié se poursuit de plein droit tant que le liquidateur ne l’a pas rompu, et que, sauf en cas de fraude, est opposable à la procédure collective la créance du salarié née de la poursuite illicite de l’activité, sans que puissent lui être opposés l’usage irrégulier de ses pouvoirs par le débiteur et la méconnaissance de son dessaisissement»
      • D’autre part, « que l’article L. 621-32 du code de commerce, alors applicable, ne concernait que les modalités de paiement des créances et non les conditions de leur admission au passif salarial»
    • Autrement dit, pour la haute juridiction, le salarié était parfaitement fondé à réclamer le paiement à échéance de sa créance.
    • Elle justifie sa solution en avançant deux arguments :
      • Premier argument
        • En cas de liquidation judiciaire, le contrat de travail du salarié se poursuivrait de plein droit
        • L’article L. 622-17, VI prévoit en ce sens que les contrats de travail échappent au pouvoir discrétionnaire de l’administrateur concernant la poursuite ou non des contrats en cours.
      • Second argument
        • La créance du salarié, même irrégulière, est opposable à la procédure collective car
          • D’une part, la violation en l’espèce des règles du dessaisissement du débiteur fautif n’est pas imputable au salarié
          • D’autre part, la créance invoquée par le salarié serait parfaitement régulière au regard de l’article L. 621-32 du Code de commerce applicable à la procédure de liquidation judiciaire puisque le contrat de travail n’a pas été rompu par le liquidateur.
  • Analyse
    • De toute évidence, la Cour de cassation se livre ici à une interprétation audacieuse de l’article L. 621-32.
    • En l’espèce, il y avait clairement un dépassement de pouvoir de la part du débiteur
    • Techniquement, la créance était donc bien irrégulière.
    • Aussi, en affirmant que la violation des règles de dessaisissement par le débiteur n’était pas imputable au salarié, la Cour de cassation ajouter une condition au texte.
    • L’article L. 621-32 ne prévoit nulle part qu’une créance peut être considérée comme régulière si le dépassement de pouvoir du débiteur ou de l’administrateur n’est pas imputable au créancier.
    • Lorsque, en outre, la chambre sociale ajoute que l’article L. 621-32 du Code ne concerne que les modalités de paiement des créances et non les conditions de leur admission, cette affirmation est, là encore, très critiquable.
    • Lorsque, en effet, cette disposition énonce qu’une créance doit être née régulièrement pour être opposable à la procédure et bénéficier d’un privilège de traitement, que fait-elle sinon poser une condition d’admission des créances ?
    • Ce ne sont pas des modalités de paiement dont il était question dans l’arrêt en l’espèce, mais bien de déterminer le bien-fondé du paiement d’une créance née postérieurement au jugement d’ouverture.

==> Les créances extracontractuelles

Dans la mesure où, par définition, les créances délictuelles et quasi-délictuelles naissent de faits illicites, elles ne devraient, en toute logique, jamais pouvoir être considérées comme nées régulièrement.

Animée par un souci de protection du créancier et, plus encore, d’indemnisation des victimes de dommages causés par le débiteur, la jurisprudence a admis que ces créances puissent être admises au rang des créances privilégiées.

Dans un arrêt remarqué du 13 octobre 1998, la Cour de cassation a que la nature délictuelle d’une créance ne faisait pas obstacle à ce qu’elle puisse être née régulièrement « après le jugement d’ouverture de la procédure collective, c’est-à-dire conformément aux règles gouvernant les pouvoirs du débiteur ou, le cas échéant, de l’administrateur ».

Cass. com. 13 oct. 1998
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu, selon l'arrêt déféré, que M. Michel Z... a été assigné, le 6 mai 1992, en contrefaçon et paiement de dommages-intérêts par M. Edouard Z... ; que sur l'assignation en intervention forcée délivrée à M. X..., liquidateur judiciaire de M. Michel Z... désigné par un jugement du 22 mai 1986, la cour d'appel a dit que la condamnation en paiement de dommages-intérêts portée contre M. Michel Z..., l'est contre M. Y..., son liquidateur judiciaire ;

Sur la fin de non-recevoir relevée par la défense : (sans intérêt) ;

Et sur le moyen :

Vu l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient que la créance délictuelle de M. Edouard Z... à l'encontre de M. Michel Z... est née postérieurement au jugement d'ouverture et entre ainsi dans les prévisions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 de sorte que M. Michel Z... étant dessaisi de ses biens par l'effet du jugement de liquidation judiciaire, la condamnation devra être prononcée contre M. Y..., ès qualités ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la créance était née régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure collective, c'est-à-dire conformément aux règles gouvernant les pouvoirs du débiteur ou, le cas échéant, de l'administrateur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la condamnation pécuniaire portée par le jugement contre M. Michel Z... l'est contre M. Y..., liquidateur judiciaire de ce dernier, et en ce qu'il a condamné M. Michel Z... sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 29 septembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.

c) L’exigence d’utilité de la créance

Pour être qualifié de créance privilégiée, l’article L. 622-17, I du Code de commerce exige que la créance soit née « pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période ».

Cette exigence a été introduite par la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, complétée ensuite par l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008.

L’objectif poursuivi par le législateur était de réduire le nombre des créances susceptibles de faire l’objet d’un paiement à échéance, les critères de postériorité et de régularité ayant été jugés insuffisamment sélectifs.

Cette restriction a notamment été suggérée par la Cour de cassation en 2002 dans son rapport annuel.

Selon elle, la priorité conférée à l’ensemble des créances postérieures au jugement d’ouverture était « de nature à rendre plus difficile le redressement de l’entreprise si trop de créanciers peuvent en profiter. Il paraît excessif que la créance fasse ainsi l’objet d’un paiement prioritaire du seul fait qu’elle est née après le jugement d’ouverture ; il serait plus favorable au redressement des entreprises que seules les créances nécessaires à la poursuite de l’activité après le jugement d’ouverture bénéficient d’un tel traitement de faveur ».

Fort de cette invitation à durcir les critères d’admission des créances privilégiées, le législateur en a créé un nouveau : le critère d’utilité.

Afin de déterminer ce que l’on doit entendre par ce nouveau critère il convient d’envisager d’abord la notion d’utilité après quoi nous aborderons l’appréciation de cette notion. Nous nous intéresserons, enfin, aux difficultés d’application qu’elle soulève.

?) La notion d’utilité de la créance

Pour être considérée comme utile au sens de l’article L. 622-17, I la créance doit être née :

  • Soit pour les besoins de la procédure en tant que telle
  • Soit pour les besoins de l’activité de l’entreprise

==> Les créances nées pour les besoins de la procédure

L’article L. 622-17, I du Code de commerce vise ici :

  • Les créances nées pour les besoins du déroulement de la procédure
    • Il s’agit essentiellement des frais de justice, des honoraires de l’administrateur, du mandataire, des avocats, des huissiers des commissaires-priseurs ou encore des frais d’expertise.
  • Les créances nées pour les besoins de la période d’observation
    • Il s’agit de tous les frais engagés par le débiteur nécessaires à la poursuite de l’activité de l’entreprise, notamment ceux engendrés par la continuation des contrats en cours.

==> Les créances nées pour les besoins de l’activité de l’entreprise

En premier lieu, il peut être observé que cette seconde catégorie de créances privilégiées tend à prendre en compte les cas dans lesquels, par exemple, une commande aurait été passée par le débiteur, donnant lieu à une prestation, mais que le mandataire judiciaire ou l’administrateur ne considérerait pas comme correspondant aux besoins de la procédure ou de la période d’observation.

Il n’y aurait là aucune justification à priver de telles créances d’un paiement prioritaire. D’où sa prise en compte par le législateur.

En second lieu, avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008, l’article L. 622-17, I du Code de commerce prévoyait que, étaient éligibles au statut des créances privilégiées, les créances nées « en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur, pour son activité professionnelle, pendant cette période, sont payées à leur échéance ».

Cette disposition vise désormais les créances nées « en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance. »

La précision « pour son activité professionnelle » a ainsi été supprimée de la version initiale du texte.

Cette suppression procède d’une volonté du législateur de ne pas limiter le bénéfice du privilège de priorité aux seules créances nées pour les pour besoins de l’activité professionnelles du débiteur.

Des créances nées en contrepartie d’une prestation étrangère à son activité professionnelle pourraient, en conséquence, être qualifiées de créances privilégiées.

Pour ce faire, elles n’en devront pas moins satisfaire à trois conditions cumulatives :

  • Une créance qui correspond à une prestation
    • Par prestation, il faut entendre la fourniture d’un bien ou d’un service.
    • Cette terminologie a été intégrée dans le Code civil par l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, de sorte qu’elle ne soulève dès lors plus de difficulté
  • Une créance née en contrepartie de la prestation
    • La créance doit consister en la contrepartie d’une prestation fournie au débiteur.
    • La fourniture de cette prestation doit avoir été utile
      • Soit à la procédure
      • Soit au maintien de l’activité de l’entreprise
    • En revanche, il est indifférent que le contrat à l’origine de la créance n’ait fait l’objet d’aucune décision de continuation dès lors qu’elle est née régulièrement.
  • Une créance née pendant la période d’observation
    • La créance ne peut accéder au rang de créance privilégiée que si elle est née pendant la période d’observation
    • Dès lors que la créance naît en dehors de cette période, quand bien même elle serait utile à la procédure où à la poursuite de l’activité, elle ne pourra pas bénéficier du privilège de priorité.
    • C’est là une exigence formelle posée par le texte.

?) L’appréciation de l’utilité de la créance

Une question a agité la doctrine : l’utilité de la créance doit-elle être appréciée en considération de l’acte qui en est à l’origine, ou au regard du bénéfice que le débiteur en retire ?

Les auteurs optent majoritairement pour la première option. Pour déterminer si créance utile pour la procédure ou pour le maintien de l’activité, il convient de se rapporter à son fait générateur.

Seules les circonstances de sa naissance sont à même de renseigner le juge sur l’opportunité de la décision prise par le débiteur.

Au fond, la question qui se pose est de savoir si l’acte d’où résulte la créance a été accompli dans l’intérêt de la procédure ou de l’entreprise.

?) Les difficultés d’application du critère

Les difficultés d’application du critère d’application du critère d’utilité concernent en particulier les créances fiscales et sociales.

Peut-on considérer que de telles créances présentent une utilité pour la procédure dans la mesure où elles conduisent, par nature, à aggraver la situation du débiteur ?

Dans un arrêt du 15 juin 2011, la Cour de cassation a admis qu’une créance dont se prévalait le RSI puisse bénéficier du statut de créance privilégiée.

Cass. com. 15 juin 2011
Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 622-17 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse nationale du régime social des indépendants Participations extérieures (la caisse) a fait signifier à la société ARDDI (la société) le 6 octobre 2008 une contrainte datée du 12 août 2008, portant sur la contribution sociale de solidarité et des sociétés et la contribution additionnelle 2007 assises sur le chiffre d'affaires de l'année 2006 ; que la société, qui a été mise en redressement judiciaire le 20 octobre 2006, a fait opposition à cette contrainte le 7 octobre 2008 ;

Attendu que pour annuler cette contrainte, l'arrêt retient que si la créance est bien une créance dont le fait générateur est intervenu postérieurement au jugement ouvrant la procédure collective, elle ne peut être considérée comme une créance née en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pour son activité professionnelle pendant cette période, ni comme une créance répondant aux besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, et qu'elle aurait dû faire l'objet d'une déclaration conformément à l'article L. 622-24, alinéa 5, du code de commerce ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la contribution sociale de solidarité et la contribution additionnelle constituent pour les sociétés assujetties une obligation légale prévue par les articles L. 651-1 et L. 245-13 du code de la sécurité sociale et que les créances en résultant, qui sont inhérentes à l'activité de la société, entrent dans les prévisions de l'article L. 622-17 du code de commerce pour l'activité poursuivie postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;

  • Faits
    • Le RSI délivre une contrainte à une société en raison de cotisations sociales impayées en date du 6 octobre 2008
    • Depuis deux ans, la société faisait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire
  • Demande
    • Le débiteur revendique l’inopposabilité de la contrainte qui lui a été notifiée
  • Procédure
    • Par un arrêt du 6 avril 2010, la Cour d’appel de Nîmes accède à la requête du débiteur
    • Les juges du fond estiment la créance dont est porteuse la contrainte est certes postérieure à l’ouverture de la procédure collective
    • Toutefois, elle ne remplit pas les critères d’une créance prioritaire dans la mesure où :
      • D’une part, elle ne constitue pas la contrepartie d’une prestation fournie par le débiteur
      • D’autre part, elle n’est pas née pour les besoins de la procédure collective
    • La Cour d’appel en conclut que cette créance aurait dû faire l’objet d’une déclaration, ce qui n’a pas été fait.
    • La créance du RSI serait donc éteinte
  • Solution
    • Par un arrêt du 15 juin 2011, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel
    • La Cour de cassation considère que la « contribution sociale de solidarité et la contribution additionnelle constituent pour les sociétés assujetties une obligation légale prévue par les articles L. 651-1 et L. 245-13 du code de la sécurité sociale et que les créances en résultant, qui sont inhérentes à l’activité de la société, entrent dans les prévisions de l’article L. 622-17 du code de commerce pour l’activité poursuivie postérieurement à l’ouverture de la procédure collective»
    • Autrement dit, la créance dont se prévaut le RSI répondrait, en tous points, aux critères d’éligibilité du privilège de priorité
  • Analyse
    • La solution dégagée par la Cour de cassation est, en l’espèce, parfaitement conforme à la lettre et à l’esprit de la loi.
    • Dans la mesure où le paiement des cotisations sociales est une obligation légale, il est absolument nécessaire que l’entreprise, quelle que soit sa situation, satisfasse à cette obligation à défaut de quoi elle s’expose à aggraver automatiquement son passif.
    • Rien ne justifie, en conséquence, que la créance de RSI ne puisse pas être qualifiée de créance privilégiée.

Ainsi, lorsqu’une créance résulte d’une obligation légale à laquelle est subordonné l’exercice de l’activité de l’entreprise, elle est parfaitement éligible au rang des créances privilégiées.

B) La condition tenant à l’auteur du paiement

 Pour mémoire, l’article L. 622-7, I dispose que « le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture »

Cette disposition ne précise pas si le principe d’interdiction des paiements s’applique uniquement au débiteur ou s’il est écarté lorsque la dette est éteinte du fait de l’intervention d’un tiers.

Plusieurs situations peuvent se présenter :

==> La saisie-attribution d’une créance à exécution successive

Dans cette situation, le paiement de la dette du débiteur est effectué par un tiers-saisi vers lequel s’est tourné le créancier.

La question qui alors se pose est de savoir si le tiers-saisi peut valablement se libérer entre les mains du créancier s’agissant des créances de loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture, à la même que le principe d’interdiction des paiements semble y faire obstacle.

Sur cette question, une divergence de position est née entre la chambre commerciale et la deuxième chambre civile, divergence à laquelle il a été mis un terme par la chambre mixte.

  • La position de la chambre commerciale
    • Dans un arrêt du 17 mai 2001, la chambre commerciale a admis qu’une saisie-attribution produisait un effet sur les créances de loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture ( com., 17 mai 2001),
  • La position de la deuxième chambre civile
    • À l’inverse de la chambre commerciale, la deuxième chambre civile a considéré dans un arrêt du 8 mars 2001 que la saisie-attribution était privée d’efficacité pour les créances de loyers nées postérieurement au jugement d’ouverture ( 2e civ., 8 mars 2001).
  • L’intervention de la chambre mixte
    • Dans un arrêt du 22 novembre 2002, la Cour de cassation a estimé que le principe d’interdiction des paiements ne privait pas d’efficacité la saisie ainsi diligentée ( ch. Mixte, 22 nov. 2002).
      • Faits
        • Un créancier pratique une saisie-attribution entre les mains du locataire du débiteur saisi.
        • Ce dernier est, par suite, placé en liquidation judiciaire, le jugement d’ouverture intervenant alors postérieurement à la saisie
        • Le tiers saisi (le locataire) ayant réglé les loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture entre les mains du créancier saisissant, le liquidateur saisit le juge des référés afin d’obtenir le remboursement de ces sommes et la mainlevée de la saisie.
      • Demande
        • Le liquidateur saisit le juge des référés afin d’obtenir
          • D’une part, le remboursement des sommes perçues postérieurement à l’ouverture de la procédure de liquidation
          • D’autre part, la mainlevée de la saisie-attribution.
      • Procédure
        • Alors que le juge des référés avait accueilli favorablement la demande du liquidateur, la cour d’appel de Versailles infirme la décision dans un arrêt du 19 février 1999
        • Les juges du fond estiment que l’effet attributif de la saisie-attribution est définitivement acquis avant l’ouverture de la procédure collective, de sorte que le créancier était fondé à continuer de percevoir les loyers de son débiteur après le prononcé du jugement d’ouverture.
      • Solution
        • Par un arrêt du 22 novembre 2002, la Chambre mixte de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le liquidateur.
        • Elle estime « qu’il résulte des articles 13 et 43 de la loi du 9 juillet 1991 et des articles 69 et suivants du décret du 31 juillet 1992, que la saisie-attribution d’une créance à exécution successive, pratiquée à l’encontre de son titulaire avant la survenance d’un jugement portant ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaires de celui-ci, poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance, après ledit jugement»
        • Autrement dit, quand bien même l’exécution de la créance se poursuivait postérieurement au jugement d’ouverture, dans la mesure où elle a fait l’objet d’une saisie-attribution antérieurement au jugement, elle n’est pas soumise au régime juridique des créances antérieures.
        • Pour la chambre mixte « la saisie-attribution d’une créance à exécution successive poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance, après ledit jugement».
      • Analyse
        • Deux logiques s’affrontaient dans l’arrêt en l’espèce : la logique à laquelle répond le droit des entreprises en difficulté et celle qui sous-tend le droit des voies d’exécution
        • L’ouverture d’une procédure collective n’est pas neutre : elle poursuit comme objectif la sauvegarde de l’entreprise en difficulté, le maintien de l’activité et de l’emploi ainsi que l’apurement du passif.
        • À l’évidence, la poursuite des effets de la saisie-attribution sur les échéances postérieures au jugement d’ouverture ne favorise guère ce triple objectif.
        • La solution adoptée par la Cour de cassation contrevient, en outre, au principe d’égalité des créanciers, qui n’admet que des dérogations partielles à la faveur des celles créanciers privilégiés.
        • Tel n’était pas le cas en l’espèce, le créancier saisissant n’était pas un créancier susceptible de se prévaloir du bénéfice du paiement à l’échéance.
        • Aussi, pour certains auteurs, les principes qui régissent la naissance des créances à exécution successive ne sauraient être placés sur le même plan qu’une règle spécifique au droit des entreprises en difficulté.
        • L’article L. 622-7, I du Code de commerce ne vise pas à contribuer à la théorie de la formation des créances, mais seulement à préserver l’actif du débiteur.
        • Malgré les critiques, la chambre mixte s’est malgré tout ralliée à la position de la deuxième chambre civile, considérant que la saisie-attribution diligentée antérieurement au jugement d’ouverture produisait bien un effet sur les créances de loyers échus postérieurement audit jugement.

Cass. ch. Mixte 22 nov. 2002
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 février 1999), que la Banque La Hénin, aux droits de laquelle vient la société Chauray Contrôle, a fait pratiquer à l'encontre de la société Tiar (la société) une saisie-attribution entre les mains des locataires de cette société, sur des loyers à échoir ; qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société, Mme X..., agissant en qualité de liquidateur, a saisi un juge des référés pour obtenir le remboursement des loyers échus postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, ainsi que la mainlevée de la saisie-attribution ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985, une créance de loyers échus postérieurement au prononcé du redressement judiciaire est soumise aux règles de cette procédure, ce dont il résulte qu'en raison de l'indisponibilité dont elle se trouve frappée dans le patrimoine du débiteur, cette créance échappe à l'effet attributif opéré par la saisie-attribution limité aux seules sommes échues avant le jugement d'ouverture de la procédure collective ; qu'en considérant néanmoins que le tiers saisi était tenu de payer les loyers échus postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective au créancier qui a pratiqué une saisie-attribution de la créance de loyers avant le jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'il résulte des articles 13 et 43 de la loi du 9 juillet 1991 et des articles 69 et suivants du décret du 31 juillet 1992, que la saisie-attribution d'une créance à exécution successive, pratiquée à l'encontre de son titulaire avant la survenance d'un jugement portant ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires de celui-ci, poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance, après ledit jugement ; que, dès lors, la cour d'appel, qui a retenu que la saisie avait définitivement produit son effet attributif avant le jugement prononçant la mise en liquidation judiciaire de la société, a décidé, à bon droit, qu'il n'y avait pas lieu d'en ordonner la mainlevée et a rejeté la demande de remboursement des loyers ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

==> La délégation portant sur une créance à exécution successive

Cette situation correspond à l’hypothèse où dans le cadre d’une délégation :

  • Dans un premier temps, le délégant consent une délégation au délégateur dont il est débiteur avant qu’il ne fasse l’objet d’une procédure collective
  • Dans un second temps, le délégué se libère entre les mains du délégataire postérieurement au jugement d’ouverture.

La question qui immédiatement se pose est de savoir si le paiement effectué par le délégué entre les mains du délégataire ne contreviendrait pas au principe d’interdiction des paiements, dans la mesure où la délégation a pour effet d’éteindre la dette du délégant-débiteur.

Schéma - délégation

Cette question s’est notamment posée dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 30 mars 2005.

Cass. com. 30 mars 2005
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 621-24 du Code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 24 octobre 1997, la société Mirabeau a confié à la société Colas Midi Méditerranée (la société Colas) la construction d'un ensemble immobilier destiné à être donné en location à la société SGS Thomson Microelectronics (la société Thomson) suivant un bail commercial conclu le 30 avril 1997 ; qu'en règlement de sa dette correspondant aux travaux, la société Mirabeau a consenti à la société Colas une délégation des loyers dus par la société Thomson ; que la société Mirabeau a été mise en redressement judiciaire le 16 septembre 1999, M. X... étant désigné en qualité d'administrateur ; que la société Colas a assigné la société Thomson et M. X..., ès qualités, en paiement des sommes dues au titre de la délégation de loyers ;

Attendu que pour décider que la société Colas n'était pas fondée à demander le paiement des loyers devenus exigibles postérieurement à l'ouverture de la procédure collective de la société Mirabeau et la condamner, en conséquence, à reverser à cette dernière société les sommes reçues au titre de l'exécution provisoire du jugement, ordonner à M. Y..., séquestre, de remettre à la société Mirabeau toutes les sommes reçues de la société Thomson au titre de la délégation de loyers et ordonner à cette dernière société de payer à la société Mirabeau les sommes dues en exécution du contrat de bail, l'arrêt retient que, par l'effet du jugement déclaratif, aucune partie de l'actif ne peut être distraite au profit d'un créancier particulier, que la délégation imparfaite des loyers dus par la société Thomson ayant laissé subsister la créance de la société Mirabeau, délégante, dans son patrimoine, l'ouverture de la procédure collective fait obstacle aux droits du délégataire sur les créances nées de la poursuite d'un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement, cette règle étant applicable pendant la période d'observation comme après l'adoption d'un plan de continuation ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article L. 621-24 du Code de commerce ne s'appliquent qu'aux paiements faits par le débiteur et non par un tiers, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions condamnant la société Colas à payer à la société Mirabeau la somme de 682 729,68 euros reçue de M. Y... au titre de l'exécution provisoire, ordonnant à M. Y..., ès qualités, de remettre à la société Mirabeau toutes sommes reçues de la société Thomson au titre de la délégation de loyers et ordonnant à la société Thomson de payer à la société Mirabeau les sommes dues en exécution du contrat de bail, et ce pour la durée du plan, l'arrêt rendu le 11 mars 2003, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

  • Faits
    • Par acte du 24 octobre 1997, la société Mirabeau a confié à la société Colas Midi Méditerranée (la société Colas) la construction d’un ensemble immobilier destiné à être donné en location à la société SGS Thomson Microelectronics (la société Thomson) suivant un bail commercial conclu le 30 avril 1997
    • En règlement de sa dette correspondant aux travaux, la société Mirabeau a consenti à la société Colas une délégation des loyers dus par la société Thomson
    • La société Mirabeau a été mise en redressement judiciaire le 16 septembre 1999

Schéma 2 - délégation.JPG

  • Demande
    • la société Colas assigne la société Thomson et l’administrateur, ès qualités, en paiement des sommes dues au titre de la délégation de loyers
  • Procédure
    • Par un arrêt du 11 mars 2003, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, déboule le délégué de sa demande en paiement des loyers devenus exigibles postérieurement au jugement d’ouverture.
    • Aussi, le condamne-t-elle, de surcroît, à reverser au délégant toutes les sommes reçues du délégataire au titre de la délégation de loyers
    • Les juges du fond justifient leur décision en avançant que par l’effet du jugement d’ouverture, aucune partie de l’actif ne peut être distraite au profit d’un créancier particulier
    • Or la délégation imparfaite des loyers dus par le délégataire ayant laissé subsister la créance du débiteur (délégant) dans son patrimoine, l’ouverture de la procédure collective fait obstacle aux droits du délégataire sur les créances nées de la poursuite d’un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement, cette règle étant applicable pendant la période d’observation comme après l’adoption d’un plan de continuation.
  • Solution
    • Par un arrêt du 30 mars 2005, la Cour de cassation censure la décision prise par la Cour d’appel.
    • Elle considère que « les dispositions de l’article L. 621-24 du Code de commerce ne s’appliquent qu’aux paiements faits par le débiteur et non par un tiers »
    • Le principe d’interdiction des paiements n’est de la sorte applicable qu’aux seuls débiteurs.
    • Lorsque, dès lors, c’est un tiers qui procède à un paiement qui a pour effet d’éteindre la dette du débiteur, il échappe à la prohibition instituée à l’article L. 622-7, I du code de commerce

Le principe posé par cet arrêt revêt manifestement une portée générale. Son application ne se limite donc pas au seul mécanisme de la délégation.

==> La cession de créances professionnelles

Cette hypothèse correspond à la situation où, dans le cadre d’une cession de créances :

  • Dans un premier temps le cédant cède sa créance avant qu’il ne fasse l’objet d’une procédure collective
  • Dans un second temps le débiteur-cédé se libère postérieurement au jugement d’ouverture entre les mains du cessionnaire.

Dans cette configuration le débiteur-cédé endosse manifestement la qualité de tiers à la procédure collection.

La question qui alors se pose est de savoir si, lorsque le débiteur cédé se libère entre les mains du cessionnaire, cette opération ne contrevient pas au principe d’interdiction des paiements dans la mesure où cela a pour effet d’éteindre la dette du cédant envers le cessionnaire.

Schéma - cession Dailly.JPG

Sur cette question, la position de la jurisprudence a radicalement évolué.

  • Première étape
    • Dans un arrêt du 26 avril 2000, la Cour de cassation a d’abord estimé que l’ouverture d’une procédure collective empêchait que le débiteur cédé se libère entre les mains du cessionnaire, quand bien même la cession de créances était intervenue antérieurement au jugement d’ouverture.
    • La chambre commerciale a considéré en ce sens que « le jugement d’ouverture de la procédure collective à l’égard du cédant fait obstacle aux droits de la banque cessionnaire sur les créances nées de la poursuite d’un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement»

Cass. com. 26 avr. 2000
Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par la société Socpresse que sur le pourvoi principal formé par la Westpac Banking Corporation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 22 août 1996), que, par contrat souscrit le 23 octobre 1986, la société Socpresse a engagé M. X... pour exercer les fonctions de conseiller aux affaires Pacifique Sud, du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1991 ; que, par un premier bordereau de cession de créances professionnelles du 28 juin 1988, M. X... a cédé ses créances correspondant aux rémunérations dues en vertu de ce contrat, à échéance du 31 décembre 1988 et du 31 mars 1989, à la Banque Indosuez, aux droits de laquelle se trouve la Westpac Banking Corporation (la banque) ; que, par un second acte du 17 décembre 1988, M. X... a cédé les créances se rapportant aux autres rémunérations prévues par ce contrat à la banque qui a notifié les cessions de créances à la société Socpresse, débiteur cédé ; que M. X... a été mis en liquidation judiciaire le 20 décembre 1989 ; que la société Socpresse a payé les créances cédées par le premier acte mais a refusé le paiement des créances cédées par le second ; qu'elle a été assignée par la banque en paiement de ces dernières créances ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable sa demande relative au paiement des créances échues postérieurement au jugement de liquidation judiciaire, alors, selon le pourvoi, que la cession de créance profesionnelle future, consentie en période suspecte est valable et le débiteur cédé ne peut opposer au cessionnaire l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du cédant pour refuser de payer les créances aux échéances ; qu'en considérant que la mise en liquidation judiciaire de M. X... a mis un terme aux droits de la banque pour toutes les créances postérieures au jugement, la cour d'appel a violé les articles 1 et 4 de la loi du 2 janvier 1981 et 107 et 152 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le jugement d'ouverture de la procédure collective à l'égard du cédant fait obstacle aux droits de la banque cessionnaire sur les créances nées de la poursuite d'un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement ; que le moyen n'est pas fondé ;

  • Deuxième étape
    • Dans un arrêt du 7 décembre 2004 la Cour de cassation a abandonné sa position antérieure en considérant que l’ouverture d’une procédure collective ne faisait pas obstacle à ce que le débiteur cédé se libère entre les mains du cessionnaire.
    • Elle a ainsi considéré que « même si son exigibilité n’est pas encore déterminée, la créance peut être cédée et que, sortie du patrimoine du cédant, son paiement n’est pas affecté par l’ouverture de la procédure collective de ce dernier postérieurement à cette date»

Cass. com. 7 déc. 2004
Statuant tant sur le pourvoi principal présenté par la CRCAM d'Aquitaine que sur le pourvoi incident présenté par la société Labat-Merle (la société Labat) ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 10 octobre 2000, pourvoi n° P 97-21.744), que, par acte du 27 janvier 1992, la société Euroméca a cédé à la CRCAM d'Aquitaine (la Caisse), selon les modalités de la loi du 2 janvier 1981 codifiée sous les articles L. 313-23 et suivants du Code monétaire et financier, la créance qu'elle détenait sur la société Labat au titre d'une commande que celle-ci lui avait passée ; que la société Labat n'a pas accepté cette cession, dont elle avait reçu notification, et a réglé le solde de la facture à la société Euroméca, en règlement judiciaire depuis le 19 février 1992 ;

que la Caisse a fait assigner la société Labat en paiement ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 313-23, L. 313-24 et L. 313-27 du Code monétaire et financier ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que, même si son exigibilité n'est pas encore déterminée, la créance peut être cédée et que, sortie du patrimoine du cédant, son paiement n'est pas affecté par l'ouverture de la procédure collective de ce dernier postérieurement à cette date ;

Attendu que pour rejeter la demande de la Caisse en paiement de la créance par la société Labat, débiteur cédé, l'arrêt retient que la créance cédée est née de la livraison et même de la fabrication postérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société Euroméca, entreprise cédante, et que ce jugement fait obstacle aux droits de la Caisse sur les créances nées de l'exécution du contrat au cours de la période d'observation et exigibles au jugement d'ouverture ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, la cession prenant effet entre les parties et devenant opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau, la cour d'appel, qui a relevé que la cession avait pris effet entre la société Euoméca et la Caisse avant l'ouverture de la procédure collective, ce dont il résulte que le paiement que la société Labat ne contestait pas devoir, et qu'elle avait effectué après avoir reçu notification de la cession, n'était pas libératoire, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les textes susvisés ;

Et sur le pourvoi incident :

Attendu que ce pourvoi se trouve privé d'objet par la cassation consécutive au pourvoi principal ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er octobre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;

II) La sanction du principe d’interdiction des paiements

Plusieurs sanctions sont applicables en cas de violation du principe d’interdiction des paiements

  • L’annulation du paiement
    • Principe
      • Aux termes de l’article L. 622-7, III « tout acte ou tout paiement passé en violation des dispositions du présent article est annulé»
      • Les sommes payées par le débiteur sont de la sorte réintégrées dans son patrimoine (V. en ce sens com. 3 oct. 2000)
    • Titularité de l’action
      • Tout intéressé
      • Le ministère public
    • Délai de prescription
      • Trois ans
    • Point de départ de la prescription
      • À compter de la date de réalisation du paiement
  • Faillite personnelle
    • L’article L. 653-5, 4° du Code de commerce prévoit que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne qui a « payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers».
    • Cette sanction n’est applicable que dans le cas où le débiteur fait l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
    • Elle n’est pas encourue en cas de procédure de sauvegarde.
  • Sanction pénale
    • Aux termes de l’article L. 654-8, 1° du Code de commerce « est passible d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 euros le fait […] pour toute personne mentionnée à l’article L. 654-1, de passer un acte ou d’effectuer un paiement en violation des dispositions de l’article L. 622-7»
    • Ainsi, la violation du principe d’interdiction des paiements est-elle pénalement sanctionnée ce qui témoigne de l’importance que le législateur confère à l’objectif de maintien de l’égalité entre les créanciers et de préservation dans le patrimoine du débiteur des biens essentiels à la poursuite de son activité.

III) Les exceptions au principe d’interdiction des paiements

Le principe d’interdiction des paiements instituée à l’article L. 622-7, I du Code de commerce souffre de plusieurs exceptions.

A) Le paiement par compensation de créances connexes

==> Notion

La compensation est définie à l’article 1347 du Code civil comme « l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes. »

Cette modalité d’extinction des obligations suppose ainsi l’existence de deux créances réciproques.

Le droit commun exige, outre, leur réciprocité que ces créances soient certaines dans leur principe, liquides dans leur montant et exigibles, soit dont le terme est échu.

En ce que la compensation consiste, au fond, en un double paiement automatique, la question s’est rapidement posée de savoir si elle pouvait opérer entre deux créances dont l’une d’elles ne devenait certaine, liquide ou exigible qu’après le jugement d’ouverture.

Dans cette hypothèse, le principe d’interdiction des paiements ne fait-il pas obstacle à la compensation ?

Schéma - compensation.JPG

  • Première étape : l’admission jurisprudentielle du paiement par compensation
    • Dans un arrêt du 19 mars 1991, la Cour de cassation a, pour la première fois, admis que la compensation puisse opérer entre deux créances dont l’une était née postérieurement au jugement d’ouverture ( com. 19 mars 1991).
    • Avant cette décision, la jurisprudence était pour le moins fluctuante, la loi du 25 janvier 1985 étant silencieuse sur cette question.
  • Deuxième étape : consécration légale du paiement par compensation
    • Il faut attendre la loi du 10 juin 1994 pour que le paiement par compensation soit admis au rang des exceptions au principe d’interdiction des paiements.
    • L’article L. 622-7 du Code de commerce prévoit désormais que si le jugement d’ouverture emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, cette règle est écartée en cas de « paiement par compensation de créances connexes».
    • Par exception, le paiement par compensation est donc admis lorsque ses conditions sont réunies postérieurement au jugement d’ouverture.

==> Conditions

La question qui alors se pose est de savoir quelles sont les conditions d’application de cette exception au principe d’interdiction des paiements.

Elles sont au nombre de trois :

  • Des créances certaines
    • Cela signifie qu’elles ne doivent être pas être contestables
    • Elles doivent être avérées dans leur principe
  • Des créances réciproques
    • Les personnes en présence doivent être simultanément et personnellement créancières et débitrices l’une de l’autre
  • Des créances connexes
    • D’abord, la jurisprudence a défini les créances connexes comme les créances issues de l’exécution ou de l’inexécution d’un même contrat (V. en ce sens 1ère civ. 11 juill. 1958).
    • Ensuite la Cour de cassation a également admis qu’une connexité puisse exister entre créances nées d’une convention cadre ( com. 19 avr. 2005)
    • Enfin, la jurisprudence a encore étendu la notion de connexité en l’appliquant à des créances réciproques qui se rattachaient à « plusieurs conventions constituant les éléments d’un ensemble contractuel unique servant de cadre général à ces relations» ( com. 9 mai 1995).
    • Dans cette dernière hypothèse, c’est alors la notion d’opération économique qui fonde le mécanisme ( com. 19 mars 1991).

Au total, il ressort de la jurisprudence que la Cour de cassation envisage la notion de connexité de manière assez souple.

Il peut d’ailleurs être observé que la Cour de cassation n’exige pas que les créances soient liquides et exigibles pour que la compensation puisse opérer dans le cadre d’une procédure collective.

Dans un arrêt du 28 septembre 2004, elle a affirmé en ce sens que « la compensation fondée sur la connexité des créances n’exige pas la réunion des conditions de la compensation légale » (Cass. com. 28 sept. 2004).

==> Efficacité

La compensation ne pourra être efficace, soit emporter extinction de la créance, qu’à la condition que le créancier déclare ladite créance.

Cette exigence est régulièrement rappelée par la Cour de cassation qui estime qu’en l’absence de déclaration, la compensation sera sans effet, de sorte que la créance sera inopposable à la procédure (V. en ce sens Cass. com. 22 févr. 1994 ; Cass. com. 26 oct. 1999).

B) Le paiement des créances alimentaires

L’article L. 622-7, I du Code de commerce exclut expressément les créances alimentaires du champ de l’interdiction des paiements des créances antérieures.

Qui plus est, cette catégorie de créance échappe à l’exigence de déclaration.

C) Le paiement des créances salariales

Aux termes de l’article L. 625-8 du Code de commerce « nonobstant l’existence de toute autre créance, les créances que garantit le privilège établi aux articles L. 143-10, L. 143-11, L. 742-6 et L. 751-15 du code du travail doivent, sur ordonnance du juge-commissaire, être payées dans les dix jours du prononcé du jugement ouvrant la procédure par le débiteur ou, lorsqu’il a une mission d’assistance, par l’administrateur, si le débiteur ou l’administrateur dispose des fonds nécessaires. »

Les créances salariales visées par cette disposition doivent ainsi être payées immédiatement sur les fonds dont dispose l’entreprise.

En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, si le paiement s’avère impossible c’est à l’AGS qu’il reviendra de régler les salariés.

Quant aux créances de salaire résultant d’une prestation de travail postérieure au jugement d’ouverture, elles devront être payées à l’échéance.

D) Le paiement des créances assises sur un, gage, un droit de rétention, une fiducie ou un crédit-bail

L’article L. 622-7, II du Code de commerce prévoit que le juge-commissaire peut autoriser le débiteur « à payer des créances antérieures au jugement, pour retirer le gage ou une chose légitimement retenue ou encore pour obtenir le retour de biens et droits transférés à titre de garantie dans un patrimoine fiduciaire, lorsque ce retrait ou ce retour est justifié par la poursuite de l’activité. Ce paiement peut en outre être autorisé pour lever l’option d’achat d’un contrat de crédit-bail, lorsque cette levée d’option est justifiée par la poursuite de l’activité. »

Ainsi, afin, de mettre un terme à un gage, à un droit de rétention ou encore pour rapatrier le bien dans le patrimoine du débiteur en raison l’existence d’une fiducie ou d’un crédit-bail, ce dernier peut être autorisé par le juge-commissaire à régler une créance née antérieurement au jugement d’ouverture.

Pour ce faire trois conditions doivent être réunies :

  • Première condition
    • Le bien doit avoir fait l’objet alternativement
      • soit d’un gage
      • soit d’un droit de rétention
      • soit d’une fiducie
      • soit d’un crédit-bail
  • Deuxième condition
    • Le bien sur lequel porte la créance antérieure doit être utile à la poursuite de l’activité de l’entreprise.
    • A défaut, le paiement de la créance antérieure ne présentera aucun intérêt.
  • Troisième condition
    • Le débiteur ou l’administrateur doivent obtenir l’autorisation du juge-commissaire

E) Le paiement des créances assises sur une clause de réserve de propriété

Conformément à l’article L. 624-16 du Code de commerce, sur autorisation du juge-commissaire, il peut être fait échec à l’exercice du droit de revendication du vendeur qui bénéfice d’une réserve de propriété par le paiement du prix du bien.

Cette disposition prévoit en ce sens, après avoir énoncé les conditions et les modalités de la revendication, que « dans tous les cas, il n’y a pas lieu à revendication si, sur décision du juge-commissaire, le prix est payé immédiatement. »

Cette règle constitue une dérogation au principe d’interdiction des paiements. Elle se justifie pour la nécessité de favoriser la poursuite de l’activité de l’entreprise.

F) Le paiement provisionnel de créances assises sur des sûretés

Autre dérogation au principe d’interdiction des paiements, la possibilité de payer les créanciers titulaires d’une sûreté.

Plus précisément, l’article L. 622-8 du Code de commerce prévoit que « le juge-commissaire peut ordonner le paiement provisionnel de tout ou partie de leur créance aux créanciers titulaires de sûretés sur le bien » lorsque celui-ci est vendu au cours de la période d’observation.

La sûreté peut ici consister tant, en un privilège spécial, qu’en un privilège général. Sont également visés l’hypothèque, le nantissement ou encore le gage.

L’efficacité de la délégation de paiement en cas d’ouverture d’une procédure collective

Pour mémoire, l’article L. 622-7, I dispose que « le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture »

Cette disposition ne précise pas si le principe d’interdiction des paiements s’applique uniquement au débiteur ou s’il est écarté lorsque la dette est éteinte du fait de l’intervention d’un tiers.

Quid en cas de délégation de paiement?

Cette situation correspond à l’hypothèse où dans le cadre d’une délégation :

  • Dans un premier temps, le délégant consent une délégation au délégateur dont il est débiteur avant qu’il ne fasse l’objet d’une procédure collective
  • Dans un second temps, le délégué se libère entre les mains du délégataire postérieurement au jugement d’ouverture.

La question qui immédiatement se pose est de savoir si le paiement effectué par le délégué entre les mains du délégataire ne contreviendrait pas au principe d’interdiction des paiements, dans la mesure où la délégation a pour effet d’éteindre la dette du délégant-débiteur.

Schéma - délégation.JPG

Cette question s’est notamment posée dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 30 mars 2005.

Cass. com. 30 mars 2005
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 621-24 du Code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 24 octobre 1997, la société Mirabeau a confié à la société Colas Midi Méditerranée (la société Colas) la construction d'un ensemble immobilier destiné à être donné en location à la société SGS Thomson Microelectronics (la société Thomson) suivant un bail commercial conclu le 30 avril 1997 ; qu'en règlement de sa dette correspondant aux travaux, la société Mirabeau a consenti à la société Colas une délégation des loyers dus par la société Thomson ; que la société Mirabeau a été mise en redressement judiciaire le 16 septembre 1999, M. X... étant désigné en qualité d'administrateur ; que la société Colas a assigné la société Thomson et M. X..., ès qualités, en paiement des sommes dues au titre de la délégation de loyers ;

Attendu que pour décider que la société Colas n'était pas fondée à demander le paiement des loyers devenus exigibles postérieurement à l'ouverture de la procédure collective de la société Mirabeau et la condamner, en conséquence, à reverser à cette dernière société les sommes reçues au titre de l'exécution provisoire du jugement, ordonner à M. Y..., séquestre, de remettre à la société Mirabeau toutes les sommes reçues de la société Thomson au titre de la délégation de loyers et ordonner à cette dernière société de payer à la société Mirabeau les sommes dues en exécution du contrat de bail, l'arrêt retient que, par l'effet du jugement déclaratif, aucune partie de l'actif ne peut être distraite au profit d'un créancier particulier, que la délégation imparfaite des loyers dus par la société Thomson ayant laissé subsister la créance de la société Mirabeau, délégante, dans son patrimoine, l'ouverture de la procédure collective fait obstacle aux droits du délégataire sur les créances nées de la poursuite d'un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement, cette règle étant applicable pendant la période d'observation comme après l'adoption d'un plan de continuation ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article L. 621-24 du Code de commerce ne s'appliquent qu'aux paiements faits par le débiteur et non par un tiers, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions condamnant la société Colas à payer à la société Mirabeau la somme de 682 729,68 euros reçue de M. Y... au titre de l'exécution provisoire, ordonnant à M. Y..., ès qualités, de remettre à la société Mirabeau toutes sommes reçues de la société Thomson au titre de la délégation de loyers et ordonnant à la société Thomson de payer à la société Mirabeau les sommes dues en exécution du contrat de bail, et ce pour la durée du plan, l'arrêt rendu le 11 mars 2003, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

  • Faits
    • Par acte du 24 octobre 1997, la société Mirabeau a confié à la société Colas Midi Méditerranée (la société Colas) la construction d’un ensemble immobilier destiné à être donné en location à la société SGS Thomson Microelectronics (la société Thomson) suivant un bail commercial conclu le 30 avril 1997
    • En règlement de sa dette correspondant aux travaux, la société Mirabeau a consenti à la société Colas une délégation des loyers dus par la société Thomson
    • La société Mirabeau a été mise en redressement judiciaire le 16 septembre 1999

Schéma 2 - délégation

  • Demande
    • la société Colas assigne la société Thomson et l’administrateur, ès qualités, en paiement des sommes dues au titre de la délégation de loyers
  • Procédure
    • Par un arrêt du 11 mars 2003, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, déboule le délégué de sa demande en paiement des loyers devenus exigibles postérieurement au jugement d’ouverture.
    • Aussi, le condamne-t-elle, de surcroît, à reverser au délégant toutes les sommes reçues du délégataire au titre de la délégation de loyers
    • Les juges du fond justifient leur décision en avançant que par l’effet du jugement d’ouverture, aucune partie de l’actif ne peut être distraite au profit d’un créancier particulier
    • Or la délégation imparfaite des loyers dus par le délégataire ayant laissé subsister la créance du débiteur (délégant) dans son patrimoine, l’ouverture de la procédure collective fait obstacle aux droits du délégataire sur les créances nées de la poursuite d’un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement, cette règle étant applicable pendant la période d’observation comme après l’adoption d’un plan de continuation.
  • Solution
    • Par un arrêt du 30 mars 2005, la Cour de cassation censure la décision prise par la Cour d’appel.
    • Elle considère que « les dispositions de l’article L. 621-24 du Code de commerce ne s’appliquent qu’aux paiements faits par le débiteur et non par un tiers »
    • Le principe d’interdiction des paiements n’est de la sorte applicable qu’aux seuls débiteurs.
    • Lorsque, dès lors, c’est un tiers qui procède à un paiement qui a pour effet d’éteindre la dette du débiteur, il échappe à la prohibition instituée à l’article L. 622-7, I du code de commerce

Le principe posé par cet arrêt revêt manifestement une portée générale. Son application ne se limite donc pas au seul mécanisme de la délégation.

L’efficacité de la saisie-attribution en cas d’ouverture d’une procédure collective

Pour mémoire, l’article L. 622-7, I dispose que « le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture »

Cette disposition ne précise pas si le principe d’interdiction des paiements s’applique uniquement au débiteur ou s’il est écarté lorsque la dette est éteinte du fait de l’intervention d’un tiers.

Qui notamment en cas de saisie-attribution portant sur une créance à exécution successive?

Dans cette situation, le paiement de la dette du débiteur est effectué par un tiers-saisi vers lequel s’est tourné le créancier.

La question qui alors se pose est de savoir si le tiers-saisi peut valablement se libérer entre les mains du créancier s’agissant des créances de loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture, à la même que le principe d’interdiction des paiements semble y faire obstacle.

Sur cette question, une divergence de position est née entre la chambre commerciale et la deuxième chambre civile, divergence à laquelle il a été mis un terme par la chambre mixte.

  • La position de la chambre commerciale
    • Dans un arrêt du 17 mai 2001, la chambre commerciale a admis qu’une saisie-attribution produisait un effet sur les créances de loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture ( com., 17 mai 2001),
  • La position de la deuxième chambre civile
    • À l’inverse de la chambre commerciale, la deuxième chambre civile a considéré dans un arrêt du 8 mars 2001 que la saisie-attribution était privée d’efficacité pour les créances de loyers nées postérieurement au jugement d’ouverture ( 2e civ., 8 mars 2001).
  • L’intervention de la chambre mixte
    • Dans un arrêt du 22 novembre 2002, la Cour de cassation a estimé que le principe d’interdiction des paiements ne privait pas d’efficacité la saisie ainsi diligentée ( ch. Mixte, 22 nov. 2002).
      • Faits
        • Un créancier pratique une saisie-attribution entre les mains du locataire du débiteur saisi.
        • Ce dernier est, par suite, placé en liquidation judiciaire, le jugement d’ouverture intervenant alors postérieurement à la saisie
        • Le tiers saisi (le locataire) ayant réglé les loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture entre les mains du créancier saisissant, le liquidateur saisit le juge des référés afin d’obtenir le remboursement de ces sommes et la mainlevée de la saisie.
      • Demande
        • Le liquidateur saisit le juge des référés afin d’obtenir
          • D’une part, le remboursement des sommes perçues postérieurement à l’ouverture de la procédure de liquidation
          • D’autre part, la mainlevée de la saisie-attribution.
      • Procédure
        • Alors que le juge des référés avait accueilli favorablement la demande du liquidateur, la cour d’appel de Versailles infirme la décision dans un arrêt du 19 février 1999
        • Les juges du fond estiment que l’effet attributif de la saisie-attribution est définitivement acquis avant l’ouverture de la procédure collective, de sorte que le créancier était fondé à continuer de percevoir les loyers de son débiteur après le prononcé du jugement d’ouverture.
      • Solution
        • Par un arrêt du 22 novembre 2002, la Chambre mixte de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le liquidateur.
        • Elle estime « qu’il résulte des articles 13 et 43 de la loi du 9 juillet 1991 et des articles 69 et suivants du décret du 31 juillet 1992, que la saisie-attribution d’une créance à exécution successive, pratiquée à l’encontre de son titulaire avant la survenance d’un jugement portant ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaires de celui-ci, poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance, après ledit jugement»
        • Autrement dit, quand bien même l’exécution de la créance se poursuivait postérieurement au jugement d’ouverture, dans la mesure où elle a fait l’objet d’une saisie-attribution antérieurement au jugement, elle n’est pas soumise au régime juridique des créances antérieures.
        • Pour la chambre mixte « la saisie-attribution d’une créance à exécution successive poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance, après ledit jugement».
      • Analyse
        • Deux logiques s’affrontaient dans l’arrêt en l’espèce : la logique à laquelle répond le droit des entreprises en difficulté et celle qui sous-tend le droit des voies d’exécution
        • L’ouverture d’une procédure collective n’est pas neutre : elle poursuit comme objectif la sauvegarde de l’entreprise en difficulté, le maintien de l’activité et de l’emploi ainsi que l’apurement du passif.
        • À l’évidence, la poursuite des effets de la saisie-attribution sur les échéances postérieures au jugement d’ouverture ne favorise guère ce triple objectif.
        • La solution adoptée par la Cour de cassation contrevient, en outre, au principe d’égalité des créanciers, qui n’admet que des dérogations partielles à la faveur des celles créanciers privilégiés.
        • Tel n’était pas le cas en l’espèce, le créancier saisissant n’était pas un créancier susceptible de se prévaloir du bénéfice du paiement à l’échéance.
        • Aussi, pour certains auteurs, les principes qui régissent la naissance des créances à exécution successive ne sauraient être placés sur le même plan qu’une règle spécifique au droit des entreprises en difficulté.
        • L’article L. 622-7, I du Code de commerce ne vise pas à contribuer à la théorie de la formation des créances, mais seulement à préserver l’actif du débiteur.
        • Malgré les critiques, la chambre mixte s’est malgré tout ralliée à la position de la deuxième chambre civile, considérant que la saisie-attribution diligentée antérieurement au jugement d’ouverture produisait bien un effet sur les créances de loyers échus postérieurement audit jugement.

Cass. ch. Mixte 22 nov. 2002
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 février 1999), que la Banque La Hénin, aux droits de laquelle vient la société Chauray Contrôle, a fait pratiquer à l'encontre de la société Tiar (la société) une saisie-attribution entre les mains des locataires de cette société, sur des loyers à échoir ; qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société, Mme X..., agissant en qualité de liquidateur, a saisi un juge des référés pour obtenir le remboursement des loyers échus postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, ainsi que la mainlevée de la saisie-attribution ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985, une créance de loyers échus postérieurement au prononcé du redressement judiciaire est soumise aux règles de cette procédure, ce dont il résulte qu'en raison de l'indisponibilité dont elle se trouve frappée dans le patrimoine du débiteur, cette créance échappe à l'effet attributif opéré par la saisie-attribution limité aux seules sommes échues avant le jugement d'ouverture de la procédure collective ; qu'en considérant néanmoins que le tiers saisi était tenu de payer les loyers échus postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective au créancier qui a pratiqué une saisie-attribution de la créance de loyers avant le jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'il résulte des articles 13 et 43 de la loi du 9 juillet 1991 et des articles 69 et suivants du décret du 31 juillet 1992, que la saisie-attribution d'une créance à exécution successive, pratiquée à l'encontre de son titulaire avant la survenance d'un jugement portant ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires de celui-ci, poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance, après ledit jugement ; que, dès lors, la cour d'appel, qui a retenu que la saisie avait définitivement produit son effet attributif avant le jugement prononçant la mise en liquidation judiciaire de la société, a décidé, à bon droit, qu'il n'y avait pas lieu d'en ordonner la mainlevée et a rejeté la demande de remboursement des loyers ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Le paiement par compensation de dettes connexes: exception au principe d’interdiction des paiements

==> Notion

La compensation est définie à l’article 1347 du Code civil comme « l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes. »

Cette modalité d’extinction des obligations suppose ainsi l’existence de deux créances réciproques.

Le droit commun exige, outre, leur réciprocité que ces créances soient certaines dans leur principe, liquides dans leur montant et exigibles, soit dont le terme est échu.

En ce que la compensation consiste, au fond, en un double paiement automatique, la question s’est rapidement posée de savoir si elle pouvait opérer entre deux créances dont l’une d’elles ne devenait certaine, liquide ou exigible qu’après le jugement d’ouverture.

Dans cette hypothèse, le principe d’interdiction des paiements ne fait-il pas obstacle à la compensation ?

Schéma - compensation.JPG

  • Première étape : l’admission jurisprudentielle du paiement par compensation
    • Dans un arrêt du 19 mars 1991, la Cour de cassation a, pour la première fois, admis que la compensation puisse opérer entre deux créances dont l’une était née postérieurement au jugement d’ouverture ( com. 19 mars 1991).
    • Avant cette décision, la jurisprudence était pour le moins fluctuante, la loi du 25 janvier 1985 étant silencieuse sur cette question.
  • Deuxième étape : consécration légale du paiement par compensation
    • Il faut attendre la loi du 10 juin 1994 pour que le paiement par compensation soit admis au rang des exceptions au principe d’interdiction des paiements.
    • L’article L. 622-7 du Code de commerce prévoit désormais que si le jugement d’ouverture emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, cette règle est écartée en cas de « paiement par compensation de créances connexes».
    • Par exception, le paiement par compensation est donc admis lorsque ses conditions sont réunies postérieurement au jugement d’ouverture.

==> Conditions

La question qui alors se pose est de savoir quelles sont les conditions d’application de cette exception au principe d’interdiction des paiements.

Elles sont au nombre de trois :

  • Des créances certaines
    • Cela signifie qu’elles ne doivent être pas être contestables
    • Elles doivent être avérées dans leur principe
  • Des créances réciproques
    • Les personnes en présence doivent être simultanément et personnellement créancières et débitrices l’une de l’autre
  • Des créances connexes
    • D’abord, la jurisprudence a défini les créances connexes comme les créances issues de l’exécution ou de l’inexécution d’un même contrat (V. en ce sens 1ère civ. 11 juill. 1958).
    • Ensuite la Cour de cassation a également admis qu’une connexité puisse exister entre créances nées d’une convention cadre ( com. 19 avr. 2005)
    • Enfin, la jurisprudence a encore étendu la notion de connexité en l’appliquant à des créances réciproques qui se rattachaient à « plusieurs conventions constituant les éléments d’un ensemble contractuel unique servant de cadre général à ces relations» ( com. 9 mai 1995).
    • Dans cette dernière hypothèse, c’est alors la notion d’opération économique qui fonde le mécanisme ( com. 19 mars 1991).

Au total, il ressort de la jurisprudence que la Cour de cassation envisage la notion de connexité de manière assez souple.

Il peut d’ailleurs être observé que la Cour de cassation n’exige pas que les créances soient liquides et exigibles pour que la compensation puisse opérer dans le cadre d’une procédure collective.

Dans un arrêt du 28 septembre 2004, elle a affirmé en ce sens que « la compensation fondée sur la connexité des créances n’exige pas la réunion des conditions de la compensation légale » (Cass. com. 28 sept. 2004).

==> Efficacité

La compensation ne pourra être efficace, soit emporter extinction de la créance, qu’à la condition que le créancier déclare ladite créance.

Cette exigence est régulièrement rappelée par la Cour de cassation qui estime qu’en l’absence de déclaration, la compensation sera sans effet, de sorte que la créance sera inopposable à la procédure (V. en ce sens Cass. com. 22 févr. 1994 ; Cass. com. 26 oct. 1999).

Entreprises en difficulté: les conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde

Lorsqu’une entreprise rencontre des difficultés, il est un risque que ses dirigeants ne réagissent pas à temps pour les traiter, soit parce qu’ils ne prennent pas conscience de la situation, soit parce qu’ils ne souhaitent pas effrayer les créanciers ou s’exposer à la menace de poursuites.

En tout état de cause, si le dirigeant ne réagit pas rapidement, son incurie est susceptible de compromettre la continuité de l’exploitation.

Aussi, afin que le chef d’entreprise ne se retrouve pas dans cette situation, le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour instaurer des procédures dont la vocation commune est l’appréhension des difficultés rencontrées par l’entreprise.

Tantôt cette appréhension des difficultés de l’entreprise sera préventive, tantôt elle sera curative.

==> Prévention des entreprises en difficulté / Traitement des entreprises en difficulté

Deux sortes de procédures doivent être distinguées :

  • Les procédures de prévention des entreprises en difficulté
    • Il s’agit ici d’intervenir, en amont, soit avant que l’entreprise ne soit en cessation des paiements.
    • Les deux principales procédures de prévention des entreprises en difficulté sont :
      • le mandat ad hoc
      • la conciliation
    • Elles présentent l’avantage pour le débiteur
      • d’une part, d’être confidentielles, l’objectif étant de ne pas effrayer les créanciers, ce qui produirait l’effet inverse de celui recherché
      • d’autre part, de revêtir une dimension contractuelle, en ce sens qu’elles ont pour finalité de conduire à la conclusion d’un accord amiable
  • Les procédures de traitement des entreprises en difficulté
    • Il s’agit ici d’intervenir à un stade où si, la cessation des paiements n’est pas encore constatée, elle est imminente si l’on ne réagit pas
    • Les procédures de traitement des entreprises en difficulté sont au nombre de trois :
      • La procédure de sauvegarde
      • La procédure de redressement judiciaire
      • La procédure de liquidation judiciaire
    • Contrairement aux procédures de préventions des entreprises en difficultés, les procédures de traitement des entreprises en difficulté empruntent, non pas la voie amiable, mais la voie judiciaire
    • Il en résulte inévitablement un nombre bien plus important de contraintes pour le dirigeant, susceptible d’être dépossédés de son pouvoir de gestion de son entreprise à la faveur d’un administrateur.

==> Genèse de la procédure de sauvegarde

Antérieurement à la grande réforme du droit des entreprises en difficulté engagée par la loi du 26 juillet 2005, on ne dénombrait que deux procédures de traitement des entreprises en difficultés :

  • La procédure de redressement judiciaire
  • La procédure de liquidation judiciaire

Si ces deux procédures réformées par la loi du 25 janvier 1985 poursuivaient déjà comme objectif le sauvetage des entreprises et des emplois, le législateur a cherché, en 2005, à compléter les dispositifs de traitement des entreprises en difficulté afin de permettre aux différents acteurs en présence d’agir encore plus tôt lorsqu’une entreprise est en mauvaise posture économique, sans pour autant que les droits des créanciers soient totalement lésés.

Sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985, il peut être observé que l’ouverture d’une procédure collective était soumise à la survenance d’une cessation des paiements du débiteur.

La cessation des paiements était le seul et unique critère permettant l’ouverture d’une procédure judiciaire, à l’exception des cas exceptionnels d’« ouverture-sanction » de la procédure.

L’application de ce critère avait pour inconvénient majeur de manquer cruellement de souplesse :

  • Tant que la cessation des paiements du débiteur n’était pas constatée, il ne pouvait faire l’objet que d’une procédure de traitement amiable, alors même que les difficultés rencontrées par l’entreprise auraient pu justifier l’ouverture d’une procédure collective.
  • En revanche après la constatation de la cessation des paiements, il ne pouvait plus que faire l’objet d’une procédure judiciaire, alors que la voie amiable aurait parfaitement pu être envisagée, aux fins de résorber les difficultés traversées par l’entreprise.

En 2005, le législateur est venu mettre un terme à cette situation pour le moins absurde, en permettant l’ouverture d’une procédure collective sans qu’il soit besoin d’établir la cessation des paiements.

Pour ce faire la loi du 26 juillet 2005 a institué la procédure de sauvegarde applicable à tout débiteur « qui justifie de difficultés susceptibles de le conduire à la cessation des paiements »

Il s’agit, autrement dit, d’une procédure judiciaire qui s’ouvre avant même que le débiteur ne soit en cessation des paiements.

Cette innovation majeure tendait à répondre à la critique récurrente adressée au droit antérieur, selon laquelle la prise en charge judiciaire des difficultés des entreprises intervient, dans la majeure partie des cas, trop tardivement, à un moment où la situation du débiteur est tellement obérée que l’issue de la procédure ne peut être que la liquidation.

Aussi, la nouvelle procédure de sauvegarde, s’inspirant de dispositifs existant dans d’autres traditions juridiques – notamment le chapitre 11 du titre 11 du code fédéral américain, relatif à la faillite – a été pensée pour assurer une réorganisation de l’entreprise en lui permettant de faire face aux difficultés qu’elle traverse.

==> Finalité de la procédure de sauvegarde

Aux termes de l’article L. 620-1 du Code de commerce, la procédure de sauvegarde « est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. »

Ainsi poursuit-elle un triple objectif :

  • La poursuite de l’activité économique
  • Le maintien de l’emploi
  • L’apurement du passif

Ces trois objectifs poursuivis par la procédure de sauvegarde ont, indéniablement, guidé la main du législateur quant au façonnement du régime judiciaire de cette procédure.

Il en va de même des décisions adoptées par la Cour de cassation qui, pour la plupart, doivent être interprétées à l’aune de la finalité de la procédure de sauvegarde.

Pour bien comprendre où la procédure de sauvegarde se situe par rapport aux autres procédures de traitement des entreprises en difficulté, comparons-la avec les objectifs poursuivis par ces dernières.

  • La procédure de conciliation: conclusion entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, d’un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise ( L. 611-7 C. com).
  • La procédure de sauvegarde: faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif ( L. 620-1 C. com)
  • La procédure de sauvegarde accélérée: restructuration de l’endettement des grandes entreprises remplissant des conditions de seuil
  • La procédure de redressement judiciaire:
    • Permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif ( L. 631-1 C. com.)
    • Élaboration d’un plan de redressement à l’issue d’une période d’observation ( L. 631-1 C. com.)
  • La procédure de liquidation judiciaire :
    • Soit, mettre fin à l’activité de l’entreprise ou réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens ( L. 640-1 C. com.)
    • Soit la cession de l’entreprise ayant pour but d’assurer le maintien d’activités susceptibles d’exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d’apurer le passif ( L. 642-1 C. com.)

==> Parachèvement de la réforme

Instaurée par la loi du 26 juillet 2005, la procédure de sauvegarde a fait l’objet de plusieurs réformes successives en 2008, 2010 et 2014.

  • Première réforme : ordonnance n° 2008-1345du 18 décembre 2008
    • Après trois années d’application, il est apparu nécessaire de renforcer l’efficacité des dispositifs qu’elle propose et de tirer les conséquences des difficultés rencontrées par les praticiens.
    • À cette fin, l’objectif principal poursuivi par l’ordonnance du 18 décembre 2008 était triple :
      • Assouplissement des conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde
        • L’ordonnance adoptée en 2008, dispense le débiteur de démontrer que les difficultés rencontrées par l’entreprise sont de nature à le conduire à la cessation des paiements
        • Il est ressort de la pratique que cette preuve est trop souvent ardue à rapporter
        • Sa complexité s’accroît, qui plus est, à mesure de la précocité de sa demande d’ouverture.
      • Extension des pouvoirs du dirigeant de l’entreprise en difficulté
        • L’ordonnance étend le rôle et les prérogatives du dirigeant au moment de l’ouverture et pendant la procédure de sauvegarde.
        • Ainsi, a été introduite la possibilité pour le débiteur qui demande l’ouverture d’une sauvegarde de proposer au tribunal la désignation de l’administrateur judiciaire de son choix ( L. 621-4 C. com.).
        • Il lui est également désormais permis de procéder lui-même à l’inventaire de son patrimoine dans le délai fixé par le tribunal, sous réserve que celui-ci soit certifié par un commissaire aux comptes ou attesté par un expert-comptable ( L. 621-4 et L. 622-6-1 C. com).
      • Amélioration des conditions de réorganisation de l’entreprise
        • L’ordonnance entend faciliter la poursuite de l’activité au cours de la période d’observation et la préparation du plan de sauvegarde, notamment en aménageant les effets de certaines sûretés.
        • Elle améliore par ailleurs les règles de fonctionnement des comités de créanciers et des assemblées d’obligataires, afin de prendre en considération les enseignements de la pratique et l’apparition de nouveaux acteurs du financement des entreprises.
        • Enfin, elle s’attache à favoriser une réorganisation pérenne après l’arrêté du plan de sauvegarde.
  • Deuxième réforme : loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière
    • Elle est venue instituer une nouvelle procédure de sauvegarde des entreprises, intitulée « procédure de sauvegarde financière accélérée ».
    • Réservée au cercle des « créanciers financiers » des entreprises, c’est-à-dire aux établissements de crédit, la sauvegarde financière accélérée permet de dépasser l’opposition des créanciers minoritaires lorsque moins d’un tiers d’entre eux ont fait échouer la conciliation préalable.
    • Cette innovation juridique s’inscrit dans le droit de fil de la loi de 2005 sur la sauvegarde des entreprises.
    • La sauvegarde est dite « accélérée », car le délai est fixé à un mois à compter du jugement d’ouverture et n’est prorogeable qu’une fois.
    • Le régime de la déclaration de créance est précisé.
    • La majorité des deux tiers s’apprécie conformément à la procédure de sauvegarde de droit commun, c’est-à-dire en fonction du montant des créances.
  • Troisième réforme : ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives
    • L’institution d’une procédure de sauvegarde accélérée
      • Cette ordonnance a instauré une procédure de sauvegarde accélérée dont les principes sont inspirés de la procédure de sauvegarde financière accélérée prévue par la loi du 22 octobre 2010.
      • Bien qu’il s’agisse d’une procédure collective puisque les effets de l’ouverture de cette procédure concernent des catégories homogènes de créanciers auxquels est imposée une discipline collective et dont les intérêts sont représentés par un mandataire judiciaire, la sauvegarde accélérée ne peut être ouverte que si le débiteur a préalablement obtenu l’ouverture d’une procédure de conciliation, en cours à la date de la saisine du tribunal.
    • Précision du régime juridique de la procédure de sauvegarde classique
      • Première précision
        • L’ordonnance du 12 mars 2014 a supprimé l’obligation pour l’administrateur de payer sans délai le cocontractant dont le contrat est poursuivi pendant la période d’observation
          • Le texte fait néanmoins peser sur l’administrateur l’obligation de vérifier qu’en imposant la continuation du contrat il ne risque pas de créer un préjudice prévisible à l’intéressé.
          • La règle du paiement comptant demeure applicable à la procédure de redressement judiciaire et à la liquidation judiciaire, en application de l’article L. 641-11-1 du Code de commerce.
      • Deuxième précision
        • à défaut de plan adopté par les comités de créanciers et lorsque la clôture de la procédure conduirait à bref délai à la cessation des paiements, l’ordonnance autorise le Tribunal à convertir la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire à la demande non seulement du débiteur, mais également des mandataires de justice ou du ministère public, ce qui élargit les passerelles entre les procédures.
      • Troisième précision
        • alors que le débiteur n’intervenait que pour le choix de l’administrateur judiciaire, le texte prévoit qu’il peut formuler des observations lorsqu’est envisagée la désignation de plusieurs mandataires judiciaires ou plusieurs administrateurs judiciaires, ainsi que lorsque le ministère public propose la désignation d’un ou plusieurs mandataires de justice.

==> La procédure de sauvegarde ou la procédure de droit commun

Il ressort de l’articulation des dispositions du Code de commerce consacrées au traitement des entreprises en difficulté que la procédure de sauvegarde est érigée en procédure de droit commun.

Elle constitue, autrement dit, la procédure dont les règles s’appliquent aux autres procédures collectives soit aux procédures de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire.

Il en résulte que les Titres III et IV du Livre VI du Code de commerce ne comportent que des dispositions particulières.

Il conviendra, en conséquence, pour le praticien de se reporter au Titre II du Livre VI afin d’accéder aux dispositions générales qui régissent les procédures de traitement des entreprises en difficulté, ce qui n’est pas sans susciter l’étonnement dans la mesure où la procédure de sauvegarde est celle à laquelle il est le moins recouru dans la pratique.

Au vrai, la différence majeure qui existe entre les trois procédures collectives envisagées par le Code de commerce réside essentiellement dans leurs conditions d’ouverture.

S’agissant de la procédure de sauvegarde, son ouverture est, en principe, subordonnée à la satisfaction de conditions qui tiennent :

  • D’une part, à l’activité de l’entreprise (I)
  • D’autre part, à la situation de l’entreprise (II)

Toutefois, il est des circonstances qui justifieront que la procédure de sauvegarde soit applicable à un débiteur qui ne remplira aucune de ces deux séries de conditions. On dira alors qu’elle fait l’objet d’une extension (III).

I) La condition tenant à l’activité de l’entreprise

Aux termes de l’article L. 620-2, al. 1er du Code de commerce « la procédure de sauvegarde est applicable à toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu’à toute personne morale de droit privé. »

Il ressort de cette disposition que sont éligibles à la procédure de sauvegarde deux catégories de personnes :

  • Les débiteurs exerçant une activité commerciale, artisanale ou agricole
  • Les personnes morales de droit privé et aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé

A) Les débiteurs exerçant une activité commerciale, artisanale ou agricole

La première catégorie de personnes susceptibles de bénéficier de la procédure de sauvegarde regroupe les débiteurs exerçant une activité commerciale, artisanale ou agricole

Ce qui importe, ce n’est donc pas la qualité de commerçant, d’artisan ou d’agriculteur, mais la nature de l’activité exercée.

Peu importe la forme de l’entreprise concernée, ce qui compte c’est qu’elle exerce une activité commerciale, artisanale ou agricole.

  1. L’exercice d’une activité commerciale

a) Principe

Les personnes qui, en principe, exercent une activité commerciale ne sont autres que les commerçants.

La question qui alors se pose est de savoir qu’est-ce qu’un commerçant ?

i) Définition de la qualité de commerçant

Aux termes de l’article L. 121-1 du Code de commerce, « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle ».

Trois enseignements peuvent être tirés de cette définition du commerçant :

  • Le commerçant tient sa qualité de l’accomplissement d’actes de commerce.
    • C’est donc l’activité commerciale qui confère à son auteur la qualité de commerçant et non l’inverse
  • L’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ne confère nullement à son auteur la qualité de commerçant.
    • Il s’agit seulement d’un mode de preuve de la qualité de commerçant
  • La reconnaissance de la qualité de commerçant suppose la réunion de trois conditions cumulatives:
    • L’accomplissement d’actes de commerce
    • À titre de profession habituelle
    • De manière indépendante

ii) Les éléments constitutifs de la qualité de commerçant

==> L’accomplissement d’actes de commerce

  • Principe
    • Seuls les actes de commerce par nature confèrent à leur auteur la qualité de commerçant
  • Exclusion
    • Les actes de commerce par accessoire sont exclus dans la mesure où pour être qualifiés d’actes de commerce, cela suppose que leur auteur revête la qualité de commerçant
    • Les actes de commerce par la forme ne sont pas non plus susceptibles de conférer à leur auteur la qualité de commerçant dans la mesure où ils sont précisément accomplis indépendamment de la qualité de commerçant
      • Ainsi, le fait d’émettre de façon régulière des lettres de change, ne saurait conférer au tireur la qualité de commerçant, nonobstant le caractère commercial de cet acte
  • Exception
    • Par exception, la qualité de commerçant peut être conférée à certaines personnes, indépendamment de l’activité qu’elles exercent
    • Il s’agit :
      • Des sociétés visées à l’article L. 210-1 du Code de commerce auxquelles on confère la qualité de commerçant indépendamment de leur activité, soit :
        • Les sociétés en nom collectif
        • Les sociétés en commandite simple
        • Les sociétés à responsabilité limitée
        • Les sociétés par actions
      • Des associés en nom collectif ( L. 221-1 du Code de commerce)
      • Des associés commandités ( L. 222-1 du Code de commerce)

==> L’accomplissement d’actes de commerce à titre de profession habituelle

  • Principe
    • L’accomplissement isolé d’actes de commerce est insuffisant quant à conférer la qualité de commerçant.
    • Il est nécessaire que celui qui accomplit des actes de commerce par nature se livre à une certaine répétition et qu’il accomplisse lesdits actes dans le cadre de l’exercice d’une profession
  • Conditions
    • L’exigence de répétition
      • Aucun seuil n’a été fixé par la jurisprudence pour déterminer à partir de quand il y a répétition
      • À, ce qui compte, c’est moins le nombre d’actes de commerce accomplis que le dessein de leur auteur[1], soit la spéculation
      • Il en résulte que l’accomplissement d’un seul acte de commerce peut suffire à conférer à son auteur la qualité de commerçant
        • Exemple : l’acquisition d’un fonds de commerce
    • L’exercice d’une profession
      • Pour que l’accomplissement d’actes de commerce de façon répétée confère à leur auteur la qualité de commerçant, encore faut-il que l’exercice de son activité commerciale constitue une profession
      • Par profession, il faut entendre selon le doyen Riper « le fait de consacrer d’une façon principale et habituelle son activité à l’accomplissement d’une tâche dans le dessein d’en tirer profit »
      • Autrement dit, pour que l’activité commerciale constitue une profession, cela suppose que, pour son auteur, elle soit sa principale source de revenus et lui permette d’assurer la pérennité de son entreprise
      • Dès lors, celui qui accomplirait de façon habituelle des actes de commerce sans aucune intention d’en tirer profit, ne saurait se voir conférer la qualité de commerçant ( en ce sens Cass. com., 13 mai 1970 : D. 1970, jurispr. p. 644).
    • Non-exclusivité de l’activité commerciale
      • Il n’est nullement besoin que l’activité commerciale soit exclusive de toute autre activité pour que la qualité de commerçant soit conférée à son auteur
      • L’activité commerciale peut parfaitement se cumuler avec une activité civile

==> L’accomplissement d’actes de commerce de façon indépendante

  • Principe
    • La jurisprudence a posé une troisième condition quant à la reconnaissance de la qualité de commerçant à celui qui accomplit des actes de commerce à titre de profession habituelle ( en ce sens Cass. com., 30 mars 1993: Bull. civ. 1993, IV n° 126, p. 86).
    • Leur auteur doit les accomplir de façon indépendante, soit en son nom et pour son compte.
    • Il en résulte que celui qui accomplit des actes de commerce de façon répété pour le compte d’autrui ne saurait se voir conférer la qualité de commerçant.
  • Notion d’indépendance
    • L’indépendance dont il s’agit est juridique et non économique.
    • Il en résulte que les membres d’un réseau de distribution ou un franchisé peuvent parfaitement être qualifiés de commerçants.
  • Personnes exclues de la qualité de commerçant
    • Les salariés qui agissent pour le compte de leur employeur.
    • Les dirigeants sociaux qui agissent au nom et pour le compte d’une société.
    • Les mandataires, tels que les agents commerciaux qui représentent un commerçant.

iii) L’établissement de la qualité de commerçant

==> La présomption de la qualité de commerçant

  • Présomption simple
    • Principe
      • Aux termes de l’article L. 123-7 du Code de commerce « l’immatriculation d’une personne physique emporte présomption de la qualité de commerçant».
      • Ainsi, l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés fait présumer la qualité de commerçant
      • Il s’agit là d’une présomption simple
    • Exception
      • L’article 123-7 du Code de commerce prévoit néanmoins que « cette présomption n’est pas opposable aux tiers et administrations qui apportent la preuve contraire. Les tiers et administrations ne sont pas admis à se prévaloir de la présomption s’ils savaient que la personne immatriculée n’était pas commerçante.»
  • Présomption irréfragable
    • Le commerçant qui cesse son activité doit formuler une demande de radiation du RCS dans les deux mois qui suivent sa cessation d’activité.
    • À défaut, il est irréfragablement présumé commerçant en cas de vente ou de location-gérance de son fonds de commerce ( en ce sens Cass. com., 9 févr. 1971 : D. 1972, jurispr. p. 600, note A. Jauffret)

==> La preuve de la qualité de commerçant

Dans l’hypothèse où aucune immatriculation au registre du commerce et des sociétés n’a été effectuée, la qualité de commerçant se prouve par tous moyens.

Il conviendra de démontrer la satisfaction des conditions exigées à l’article L. 121-1 du Code de commerce.

Parfois, la seule démonstration de l’exploitation d’une entreprise commerciale suffira (V. en ce sens Cass. com., 11 févr. 2004 : JurisData n° 2004-022278)

b) Cas particuliers

==> Les associés en nom collectif

Conformément à l’article L. 221-1 du Code de commerce les associés en nom collectif endossent la qualité de commerçant

Aussi, cela signifie-t-il que le droit commercial leur est applicable.

Est-ce à dire qu’ils peuvent nécessairement solliciter le bénéfice de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ?

Une lecture stricte de l’article L. 611-4 du Code de commerce devrait étonnamment nous conduire à répondre par la négative à cette question.

Pour mémoire ce texte prévoit que la procédure de sauvegarde ne peut bénéficier qu’aux seuls débiteurs qui exercent une activité commerciale.

Or nonobstant leur qualité de commerçant, techniquement les associés en nom collectif n’exercent aucune activité commerciale.

Lorsqu’ils accomplissent un acte de commerce, ils agissent au nom et pour le compte de la société dans laquelle ils sont intéressés.

Il en résulte que la procédure de sauvegarde ne devrait pas leur être applicable dans la mesure où ils n’exercent aucune activité commerciale.

Dans un arrêt du 5 décembre 2013, la Cour de cassation a pourtant décidé du contraire.

Cass. 2e civ., 5 déc. 2013
Sur le moyen unique, après avis de la chambre commerciale en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile :

Attendu, selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort (juge de l'exécution, tribunal d'instance de Bayonne, 17 juin 2011), que M. et Mme X..., qui se sont portés cautions solidaires d'un prêt consenti à la société en nom collectif dont ils étaient les associés gérants, ont saisi une commission de surendettement d'une demande de traitement de leur situation de surendettement ; qu'un créancier a contesté la décision de la commission ayant déclaré leur demande recevable ;

Attendu que M. et Mme X... font grief au jugement de les déclarer irrecevables à saisir la commission de surendettement alors, selon le moyen, que la procédure de traitement du surendettement bénéficie sans restriction à la caution personne physique dont l'engagement garantit le paiement de dettes professionnelles, nées notamment de l'activité d'une société ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable la demande des débiteurs tendant au bénéfice du traitement de leur surendettement, le jugement attaqué a retenu que leur engagement de caution souscrit au profit d'une société était afférent à une opération professionnelle ; qu'en statuant de la sorte, le juge de l'exécution a violé l'article L. 330-1 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

Mais attendu que les associés gérants d'une société en nom collectif qui ont de droit la qualité de commerçants sont réputés exercer une activité commerciale au sens des articles L. 631-2 et L. 640-2 du code de commerce qui disposent, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, que les procédures de redressement et liquidation judiciaires sont applicables à "toutes personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale" ; qu'il s'ensuit qu'en application de l'article L 333-1 du code de la consommation, ils sont exclus du bénéfice des dispositions relatives au surendettement des particuliers ;

Que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision d'irrecevabilité se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

  • Faits
    • Deux associés d’une SNC se sont portés caution solidaire d’un prêt consenti à leur société.
    • Ne parvenant pas à satisfaire à leur engagement lorsque la banque les sollicite pour régler la dette de leur société, ils demandent l’ouverture, à leur profit d’une procédure de surendettement.
    • Leur demande est jugée recevable par la commission de surendettement, à la suite de quoi un créancier décide de contester la décision de la commission.
  • Procédure
    • Par jugement rendu en dernier ressort le 17 juin 2011 par le juge de l’exécution près le Tribunal de grande instance de Bayonne, il a été fait droit à la demande de surendettement effectué par les associés en nom collectif qui avait été jugée irrecevable par la commission de surendettement
    • Le JEX a estimé, en l’espèce, que dans la mesure où l’acte de caution a été accompli pour les besoins de l’activité professionnelle des débiteurs, ces derniers ne pouvaient pas bénéficier de la procédure de surendettement.
    • Autrement dit, pour le JEX, il aurait fallu pour que les dettes contractées par les associés en nom collectif puissent justifier l’ouverture d’une procédure de surendettement qu’elles revêtent une nature purement civile.
    • Or en l’espèce ce n’est pas le cas, puisqu’il s’agissait d’un cautionnement souscrit par les débiteurs en vue d’obtenir un prêt pour une société.
  • Moyens des parties
    • Les associés en nom collectif invoquent, au soutien de leur demande, que la procédure de surendettement bénéficie à la caution personne physique qui garantit une dette professionnelle, ce conformément à l’article L. 330-1 du Code de la consommation.
    • Pour mémoire, l’article L. 711-1 du Code de la consommation dispose que « la situation de surendettement des personnes physiques est caractérisée par l’impossibilité manifeste pour le débiteur de bonne foi de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir. L’impossibilité manifeste pour une personne physique de bonne foi de faire face à l’engagement qu’elle a donné de cautionner ou d’acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur individuel ou d’une société caractérise également une situation de surendettement».
    • L’argument avancé en l’espèce est pour le moins solide.
    • En effet, l’article L. 711-1 du Code de la consommation vise clairement la situation en l’espèce.
    • Voilà deux personnes physiques qui viennent cautionner, à titre personnel, la société dans laquelle ils sont associés.
  • Problématique
    • La question qui alors se pose est de savoir si une personne physique qui se porte caution, à titre personnel, pour la dette contractée pour la société en nom collectif dont elle est associée peut bénéficier d’une procédure de surendettement ?
  • Solution
    • Par un arrêt du 5 décembre 2013, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les associés de la société pour laquelle ils se sont portés caution.
    • Elle justifie sa décision en affirmant que « les associés gérants d’une société en nom collectif qui ont de droit la qualité de commerçants sont réputés exercer une activité commerciale au sens des articles L. 631-2 et L. 640-2 du code de commerce qui disposent, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, que les procédures de redressement et liquidation judiciaires sont applicables à “toutes personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale” ; qu’il s’ensuit qu’en application de l’article L 333-1 du code de la consommation, ils sont exclus du bénéfice des dispositions relatives au surendettement des particuliers»
    • La Cour de cassation raisonne ici en quatre temps:
      • La Cour de cassation rappelle d’abord que les associés en nom collectif ont, de droit, la qualité de commerçant, ce qui est indiscutable !
      • Ensuite elle relève que les articles 631-2 et L. 640-2 intègrent dans la liste des personnes susceptibles de faire l’objet d’une procédure de redressement ou liquidation judiciaire qui « exercent une activité commerciale ».
      • Par un syllogisme un peu douteux, elle en déduit que les associés en nom collectif sont expressément visés par ces dispositions du Code de commerce, puisqu’ils seraient réputés, de par leur qualité de commerçant, exercer une activité commerciale !
      • En conséquence, dans la mesure où l’ouverture d’une procédure collective est exclusive de toute autre procédure, les associés en nom collectif ne sauraient bénéficier de la procédure de surendettement personnel.
      • La raison en est que l’article L. 711-1 du Code de la consommation exclut le surendettement des particuliers lorsque le débiteur relève des procédures instituées par le livre VI du Code de commerce, sans qu’il y ait lieu de distinguer, précise la jurisprudence.
    • Manifestement, en l’espèce, la Cour de cassation n’abonde pas dans le sens des juges du fond.
    • Elle signale son désaccord au moyen d’une substitution de motifs :
      • le JEX avait jugé irrecevable la demande de surendettement des associés en nom collectifs en raison de la nature de la dette contracté par eux : une dette professionnelle
      • La Cour de cassation considère, quant à elle, la demande de surendettement irrecevable, non pas, en raison de la nature de la dette contractée, mais en raison de la nature de l’activité exercée par les associés : une activité commerciale
    • Ce sont là bien évidemment, deux fondements juridiques bien distincts.
    • Aussi, la Cour de cassation a-t-elle estimé que celui sur lequel reposait s’est appuyé le JEX était erroné !
    • Car pour la Cour de cassation, afin de déterminer si une personne physique peut faire l’objet d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire, il faut se reporter aux seuls articles L. 631-2 et 640-2 du code de commerce.
    • Or ces dispositions ne font nullement référence au critère de la nature de la dette contractée !
    • L’article L. 631-2 du Code de commerce dispose en effet que « la procédure de redressement judiciaire est applicable à toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu’à toute personne morale de droit privé».
    • Ainsi, la Cour de cassation rappelle-t-elle aux JEX qu’il doit se tenir à une interprétation stricte des textes, ce qu’il n’a pas fait.
  • Analyse
    • La solution adoptée en l’espèce par la Cour de cassation est pour le moins audacieuse.
    • L’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté a modifié le champ d’application des articles L. 611-4, L. 620-2, L. 631-2 et 640 du Code de commerce, en ce sens que ces dispositions ne visent plus comme bénéficiaire d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire « tout commerçant» mais « toute personne exerçant une activité commerciale »,
    • L’objectif de cette modification a été de permettre aux auto-entrepreneurs de bénéficier d’une procédure collective.
    • Le législateur n’a toutefois pas anticipé l’effet collatéral que cela engendrerait sur le statut des associés en nom collectif.
    • Avant 2008, dans la mesure où ils avaient la qualité de commerçant par application de l’article L. 221-1 du Code de commerce, ils pouvaient bénéficier d’une procédure collective.
    • À compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 18 décembre 2008, le critère d’application du Livre VI du Code de commerce est devenu l’exercice d’une activité commerciale.
    • Or s’il ne fait aucun doute que l’associé en nom collectif a bien la qualité de commerce, c’est « en dehors de toute référence à l’activité commerciale ».
    • C’est ainsi que dans un arrêt du 6 juillet 2010, la Cour d’appel de Paris, avait refusé l’ouverture d’un redressement judiciaire à la faveur d’un associé en nom collectif.
    • Au regard de la réforme de 2008, la solution retenue dans le présent arrêt apparaît dès lors surprenante, sauf à considérer que la chambre commerciale a souhaité réparer l’erreur commise par le législateur.
    • Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, le jugement d’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire d’une personne morale produisait « ses effets à l’égard de toutes les personnes membres ou associées de la personne morale et indéfiniment et solidairement responsables du passif social » et elle entraînait l’ouverture « à l’égard de chacune d’elles d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire selon le cas » ( com., art. L. 624-1 ancien).
    • Aussi, étaient surtout visés les associés en nom collectif et les associés commandités dans les sociétés en commandite.
    • Sous cet angle, la solution énoncée par la Cour de cassation dans l’arrêt ici rapporté ne fait donc en quelque sorte que revenir à une jurisprudence traditionnelle.
    • De surcroît, lorsqu’il a abrogé l’ancien article L. 624-1 du Code de commerce le législateur n’avait pas pour volonté d’exclure l’associé en nom du champ d’application du droit des procédures collectives, mais d’éviter l’ouverture d’une telle procédure sans vérifier au préalable la situation du débiteur.
    • En d’autres termes, en 2005 comme en 2008, l’objectif n’était nullement d’exclure l’associé en nom du champ d’application du Livre VI du Code de commerce.
    • Si, par conséquent, la solution dégagée par la Cour de cassation apparaît certes quelque peu audacieuse au regard de la lettre des textes, c’est uniquement au regard des textes de 2008 qui, comme nous l’avons vu, ont exclu les associés en nom du droit des procédures collectives, indirectement, presque par inadvertance.
    • En voulant attraire les entrepreneurs dans le champ d’application du livre VI du code de commerce, le législateur a, corrélativement, fait sortir de son giron les associés en nom collectif.

==> Les personnes physiques qui exercent une activité commerciale mais qui n’ont pas satisfait à l’obligation d’inscription au RCS

Cette obligation est énoncée à l’article L. 123-1 du Code de commerce qui prévoit dispose que :

« Il est tenu un registre du commerce et des sociétés auquel sont immatriculés, sur leur déclaration :

  • Les personnes physiques ayant la qualité de commerçant, même si elles sont tenues à immatriculation au répertoire des métiers ;
  • Les sociétés et groupements d’intérêt économique ayant leur siège dans un département français et jouissant de la personnalité morale conformément à l’article 1842 du code civil ou à l’article L. 251-4 ;
  • Les sociétés commerciales dont le siège est situé hors d’un département français et qui ont un établissement dans l’un de ces départements ;
  • Les établissements publics français à caractère industriel ou commercial ;
  • Les autres personnes morales dont l’immatriculation est prévue par les dispositions législatives ou réglementaires ;
  • Les représentations commerciales ou agences commerciales des Etats, collectivités ou établissements publics étrangers établis dans un département français.»

Dans un arrêt du 25 mars 1997, la Cour de cassation avait estimé en ce sens qu’une personne physique qui n’a jamais été inscrite au registre du commerce ne peut être sur sa demande, admise au bénéfice du redressement judiciaire (Cass. com., 25 mars 1997)

Cette solution est sans aucun doute applicable à la procédure de sauvegarde.

Cass. com., 25 mars 1997
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 26 septembre 1994), que Mme X... qui a géré, en société créée de fait, un fonds de commerce de bijouterie de 1985 à 1989, a déclaré le 19 février 1993 son état de cessation des paiements ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir refusé de l'admettre au bénéfice du redressement judiciaire au motif, selon le pourvoi, qu'elle ne justifiait pas avoir été en état de cessation des paiements à l'époque de sa gestion, alors, d'une part, que la cessation des paiements est appréciée au jour où statue la juridiction, même en cause d'appel ; qu'en se plaçant au moment où Mme X... gérait le fonds de commerce pour apprécier si elle était en état de cessation des paiements, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985, et alors, d'autre part, et en tout état de cause, que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que, pour débouter Mme X... de sa demande d'admission au bénéfice du redressement judiciaire, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que l'intéressée ne justifiait pas avoir été en état de cessation des paiements au moment de sa gestion ; qu'en statuant ainsi, sans procéder à une analyse, même sommaire, des pièces versées aux débats par Mme X..., la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, selon l'article 65, alinéa 1er, du décret du 30 mai 1984, la personne assujettie à immatriculation au registre du commerce qui n'a pas requis cette dernière à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter du commencement de son activité ne peut se prévaloir, jusqu'à immatriculation, de la qualité de commerçant, tant à l'égard des tiers que des administrations publiques ;

Attendu que l'arrêt a relevé que Mme X..., personne physique, n'a jamais été inscrite au registre du commerce ; qu'il en résulte qu'elle ne pouvait être sur sa demande, admise au bénéfice du redressement judiciaire ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux erronés de la cour d'appel, l'arrêt se trouve légalement justifié ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

  • Faits
    • La gérante d’une société créée de fait exploitant un fonds de commerce de bijouterie déclare la cessation le 19 février 1993.
    • Elle revendique alors le bénéfice d’une procédure de redressement judiciaire, cette demande lui est refusée.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 26 septembre 1994, la Cour d’appel de Bourges déboute la requérante de sa demande de redressement judiciaire
    • Pour les juges du fonds, la requérante ne justifiait pas la cessation des paiements de sorte qu’elle ne pouvait pas prétendre à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.
  • Solution
    • Par un arrêt du 25 mars 1997, la chambre commerciale rejette le pourvoi formé par la gérante du fonds de commerce
    • Comme la Cour d’appel, la Cour de cassation estime, certes, que la gérante du fonds, ne pouvait pas bénéficier de la procédure de redressement judiciaire.
    • Cependant, leur point d’accord s’arrête ici.
    • Pour le reste, à savoir la motivation de la Cour d’appel, la Cour de cassation censure la décision des juges du fonds au moyen d’une substitution de motif.
    • En l’espèce, cette substitution de motif nous est signalée par la formule « par ce motif de pur droit, substitué à ceux erronés»
      • La motivation de la Cour d’appel
        • La cessation des paiements n’est pas établie.
        • Par conséquent, la gérante ne peut pas bénéficier de la procédure de redressement
      • La motivation de la Cour de cassation
        • La Cour de cassation relève que l’article 65 al. 1er du décret du 30 mai 1984 prévoit que la personne à qui il échoit de s’immatriculer au RCS qui ne l’a pas fait dans un délai de 15 jours à compter du commencement de son activité, n’est pas fondée à se prévaloir de la qualité de commerçant à l’égard des tiers et de l’administration.
        • Aussi, dans la mesure où la gérante du fonds était une commerçante de fait, car non immatriculée au RCS, elle ne pouvait pas se prévaloir de la procédure de redressement judiciaire, laquelle bénéficie aux seuls commerçants régulièrement enregistrés
      • On le voit, ici la motivation de la Cour de cassation diverge en tous points de la motivation des juges du fond
      • Alors que la Cour d’appel laisse la porte ouverte au commerçant de fait quant au bénéfice de la procédure de redressement judiciaire, à la condition qu’il justifie de l’état de cessation des paiements, la Cour de cassation lui refuse en toute hypothèse cette possibilité
      • Pour la chambre commerciale, la qualité de commerçant de fait, fait obstacle au bénéfice d’une procédure de redressement judiciaire.

==> Les personnes qui ont cessé leur activité commerciale mais qui ont omis de solliciter leur radiation du RCS

Si l’on opte pour une lecture stricte de l’article L. 611-4 du Code de commerce, seules les personnes qui exercent une activité commerciale sont éligibles à la procédure de sauvegarde.

Il en résulte que celles qui ont cessé leur activité ne devraient pas pouvoir, a priori, se prévaloir de cette procédure.

Quid, néanmoins, lorsqu’une personne physique a cessé son activité commerciale, mais qu’elle demeure toujours inscrite au RCS ?

Pour mémoire :

  • L’article L. 123-7 du Code de commerce prévoit que « l’immatriculation d’une personne physique emporte présomption de la qualité de commerçant. »
  • L’article L. 121-1 du Code de commerce dispose de son côté que « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle. »

Il ressort de la combinaison de ces deux dispositions que :

  • D’une part, la personne physique qui est inscrite au RCS est présumée endosser la qualité de commerçant
  • D’autre part, le commerçant est présumé exercer une activité commerciale

En conclusion, la personne qui a cessé son activité commerciale mais qui a omis de solliciter sa radiation du RCS est présumée exercer une activité commerciale.

Dans ces conditions, la procédure de sauvegarde devrait lui être applicable.

La Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt du 17 février 2015.

Cass. com., 17 févr. 2015
Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (juge de l'exécution, tribunal d'instance de Muret, 14 août 2012), rendu en dernier ressort, que Mme X... a formé un recours contre la décision ayant déclaré irrecevable sa demande de traitement de sa situation de surendettement ;

Attendu que Mme X... fait grief au jugement de confirmer cette décision alors, selon le moyen, que le commerçant qui donne son fonds en location-gérance cesse d'être commerçant ; qu'en déduisant la qualité de commerçante de Mme X... de ce qu'elle a donné son fonds en location-gérance et de ce qu'elle est en conséquence demeurée inscrite au registre du commerce et des sociétés, le tribunal a statué par des motifs impropres à établir qu'elle effectuait des actes de commerce, et a dès lors privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-1 du code de commerce ;

Mais attendu que le décret n° 86-465 du 25 mars 1986 a supprimé l'obligation faite à celui qui donne son fonds en location-gérance de s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés ; qu'ayant relevé que Mme X... était inscrite au registre du commerce et des sociétés depuis le 11 juin 2001 pour une activité de terrassements et location d'engins de travaux publics et qu'elle était demeurée inscrite après avoir donné son fonds en location-gérance le 1er juillet 2002, de sorte qu'elle était présumée avoir la qualité de commerçant, le juge de l'exécution a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

  • Faits
    • Une commerçante donne son fonds de commerce en location-gérance, sans se désinscrire, en parallèle, du RCS.
    • Ne parvenant pas à faire face à ses dettes, elle sollicite le bénéfice de la procédure de surendettement.
  • Procédure
    • La requérante est déboutée par le Juge de l’exécution de sa demande
    • Le JEX a estimé, que dans la mesure où la requérante a donné son fonds en location-gérance et qu’elle était toujours inscrite au RCS, alors elle était réputée commerçante.
    • Dans ces conditions, seul le livre VI du Code de commerce a vocation à s’appliquer à cette dernière, étant précisé que
    • Pour mémoire, l’article L. 711-3 du Code de la consommation prévoit que « Les dispositions du présent livre ne s’appliquent pas lorsque le débiteur relève des procédures instituées par le livre VI du code de commerce. »
  • Solution
    • Par un arrêt du 17 février 2015, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le loueur du fonds de commerce
    • Elle relève, tout d’abord que le décret du 25 mars 1986 a supprimé l’obligation faite au loueur de fonds de commerce de s’inscrire au RCS.
    • Aussi, considère-t-elle que, dans la mesure où la requérante ne s’est pas désinscrite du RCS, on peut en déduire qu’elle a conservé son activité de commerçant.
    • Dès lors, pour la Cour de cassation, c’est bien le livre VI du Code de commerce.
    • Elle ne peut donc pas bénéficier de la procédure de surendettement, conformément à l’ancien article L. 333-3 du Code de la consommation devenu L. 711-3 qui, on le rappelle, exclut le surendettement des particuliers lorsque le débiteur relève des procédures instituées par le livre VI du Code de commerce,
  • Analyse
    • La Cour de cassation juge en l’espèce que la propriétaire du fonds ne peut pas bénéficier du surendettement des particuliers parce qu’elle est présumée être commerçante en raison de son inscription au RCS.
    • A contrario, si la requérante avait été radiée du RCS, la solution de l’arrêt du 17 février 2015 aurait conduit à admettre l’application de la procédure de surendettement des particuliers à la requérante.
    • En tout état de cause, dans un cas comme dans l’autre la situation est embarrassante :
      • Ouvrir une procédure de surendettement au bénéfice ou à l’encontre d’un loueur de fonds de commerce colle mal avec sa qualité de commerçant en sommeil
        • Quid s’il récupère le fonds alors qu’il fait l’objet d’une procédure de surendettement ?
      • Quant à la situation dans laquelle il serait radié du RCS, on sait que la procédure collective reste possible, dès lors du moins que les dettes proviennent de l’activité professionnelle
        • L’article L. 631-3 du Code de commerce prévoit en ce sens que « la procédure de redressement judiciaire est également applicable après la cessation de leur activité professionnelle si tout ou partie de leur passif provient de cette dernière»
        • Mais on sait aussi en pratique toutes les difficultés matérielles auxquelles un tribunal de commerce est confronté à l’occasion d’une procédure collective ouverte pour ou contre un futur ex-commerçant
        • Faut-il faire désigner un mandataire ad hoc ?
        • Faut-il ré-immatriculer le commerçant le temps de la procédure ?
      • On le voit, cette présomption de qualité de commerçant sur laquelle s’appuie la Cour de cassation est gênante.
        • D’un point de vue économique, le loueur du fonds reste dans la sphère commerciale, qu’il soit ou pas radié du RCS.
          • Il est donc logique qu’en cas de difficultés financières, le droit des entreprises en difficulté qui s’applique.
        • D’un point de vue juridique, le loueur du fonds de commerce en sommeil n’est, en principe, plus commerçant, sauf à ce qu’il omette de solliciter sa radiation du RCS
          • Dans cette situation il n’a toutefois que l’apparence d’un commerçant dans la mesure où il n’exerce aucune activité commerciale
          • Or conformément à l’article L. 121-1 du Code de commerce, c’est l’exercice d’une activité commerciale qui confère à une personne physique sa qualité de commerçant et non l’inverse.
        • Au total, la solution adoptée par la Cour de cassation est loin d’être satisfaisante.
        • Toutefois, tant la lettre que l’esprit des textes ne lui laissaient guère d’autre choix.

2. Les personnes qui exercent une activité artisanale

Les commerçants ne sont pas les seules personnes à être éligibles à la procédure de sauvegarde. Celles qui exercent une activité artisanale peuvent également solliciter l’ouverture de cette procédure.

L’article L. 620-2, al. 1er du Code de commerce le leur permet explicitement.

Comme pour les commerçants la question se pose de savoir ce qu’est une personne qui exerce une activité artisanale.

S’il n’existe aucune véritable définition juridique des artisans, la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 fait obligation aux personnes qui exercent une activité professionnelle indépendante de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services, à l’exclusion de l’agriculture et de la pêche et qui ont moins de dix salariés de s’immatriculer au répertoire des métiers spécifique aux artisans.

Quatre grands secteurs d’activité sont ainsi distingués (V. en ce sens : http://www.artisanat.fr/Default.aspx?tabid=292):

  • les métiers de service (cordonnier, esthéticienne, coiffeur, fleuriste, photographe etc.)
  • les métiers de production (menuisier, couturier, ébéniste, tapissier)
  • les métiers du bâtiment (maçon, couvreur, plombier, chauffagiste, électricien etc.)
  • les métiers de l’alimentation (charcutier, chocolatier, boulanger traiteur etc.)

Est-ce à dire que pour solliciter l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, l’artisan doit nécessairement être immatriculé au répertoire des métiers ?

Antérieurement à l’ordonnance du 18 décembre 2008, il convenait de répondre par l’affirmative à cette question.

L’ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 visait, en effet, « toute personne immatriculée au répertoire des métiers ».

Seuls les artisans de droit pouvaient de la sorte solliciter l’ouverture d’une procédure collective.

L’ordonnance du 18 décembre 2008 a modifié cet état du droit en faisant désormais référence aux personnes qui exercent une activité artisanale.

On peut en déduire qu’il n’est donc plus nécessaire que l’artisan soit immatriculé au répertoire des métiers pour solliciter l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.

Aussi, cette procédure est-elle également applicable aux artisans de fait, nonobstant l’exigence posée à l’article R. 621-1 du Code de commerce qui conditionne la demande d’ouverture d’une procédure de sauvegarde notamment à la fourniture d’un « extrait d’immatriculation aux registres et répertoires mentionnés à l’article R. 621-8 et à l’article L. 526-7 ou, le cas échéant, le numéro unique d’identification ».

3. Les personnes qui exercent une activité agricole

Jusqu’à une époque récente, le législateur a toujours répugné intégrer les agriculteurs dans le giron des procédures collectives.

Cette exclusion reposait sur l’idée que l’activité agricole était, par nature, étrangère à la sphère commerciale.

De plus en plus, la jurisprudence tendait pourtant à distinguer parmi les agriculteurs :

  • ceux qui exerçaient leur activité de manière traditionnelle
  • ceux dont le comportement se rapprochait de celui des commerçants.

Lors de l’adoption de la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l’adaptation de l’exploitation agricole à son environnement économique et social, le législateur en a tiré la conséquence que les agriculteurs devaient pouvoir bénéficier des procédures collectives à l’instar des commerçants et des artisans. L’assimilation n’est cependant pas totale.

  • D’une part, le législateur a donné compétence au tribunal de grande instance pour connaître du redressement et de la liquidation judiciaires des agriculteurs
  • D’autre part, la loi du 30 décembre 1988 comporte des aménagements divers, telle que par exemple la durée du plan de sauvegarde (15 ans)

En toute hypothèse, les agriculteurs sont éligibles à la procédure de sauvegarde. Pour ce faire, ils doivent :

  • En premier lieu justifier de l’exercice d’une activité agricole
    • Aux termes de l’article L. 311-1 du Code rural, « sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l’acte de production ou qui ont pour support l’exploitation ».
  • En second lieu, exercer une activité agricole à titre de profession habituelle
    • Dans un arrêt du 5 avril 1994, la Cour de cassation a considéré en ce sens que les activités agricoles « ne confèrent la qualité d’agriculteur, au sens de l’article 2, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985, qu’à ceux qui les exercent à titre de profession habituelle» ( com. 5 avr. 1994).

4. Les personnes morales de droit privé et aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante

Les personnes morales de droit privé et aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.

 ==> S’agissant des personnes morales de droit privé

Il s’agit de toutes les personnes morales quelle que soit leur forme ou leur objet.

Le législateur n’a pas conditionné le bénéfice de la procédure de sauvegarde à l’exercice par les personnes morales d’une activité commerciale ou artisanale.

Il est seulement nécessaire que le groupement concerné satisfasse à deux conditions cumulatives :

  • D’une part, il doit être doté de la personnalité juridique
  • D’autre part, il doit être soumis aux règles du droit privé

Si ces deux conditions sont remplies, le groupement pourra bénéficier de la procédure de sauvegarde.

Dans cette perspective sont notamment visées :

  • Les sociétés commerciales
  • Les sociétés civiles
  • Les sociétés agricoles
  • Les groupements d’intérêt économique
  • Les associations
  • Les syndicats professionnels
  • Les syndicats de copropriétaires

À l’inverse sont exclus du bénéfice de la procédure de sauvegarde les groupements dépourvus de la personnalité morale, tels que :

  • Les sociétés créées de fait
  • Les sociétés de fait
  • Les sociétés en formation, soit non encore immatriculées
  • Les sociétés en participation
  • Les associations non déclarées

==> S’agissant des personnes physiques exerçant une activité indépendante

Selon l’article L. 611-5 du Code de commerce il s’agit de toutes celles qui  exercent une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.

Cette catégorie de personnes est plus difficile à cerner. La difficulté de leur identification tient à notion d’« activité professionnelle indépendante » dont la définition interroge.

  • La notion d’activité professionnelle indépendante
    • Que doit-on, en effet, entendre par « activité professionnelle indépendante» ?
    • Deux conceptions sont envisageables :
      • Première conception
        • L’activité indépendante doit être entendue au sens technique du terme
        • Autrement dit, dès lors que le travailleur exerce son activité professionnelle librement, soit sans que s’exerce sur lieu un pouvoir de subordination ou de direction, il doit être regardé comme indépendant.
      • Seconde conception
        • Selon cette conception, plus restrictive, le travailleur indépendant est celui qui exerce son activité professionnelle pour son propre compte.
        • Il travaille au nom et pour le compte de personne.
  • La conception retenue par la jurisprudence
    • L’examen des décisions révèle que c’est la seconde conception qui l’a emporté.
    • La Cour de cassation a, en effet, exclut du champ d’application du Livre VI du Code de commerce un certain nombre de personnes physiques exerçant une activité professionnelle qui ont toutes en commun de travailler au nom et pour le compte d’autrui.
    • Il en va ainsi :
      • Des salariés
      • Des mandataires
      • Des agents commerciaux
      • Des dirigeants sociaux
      • Des associés d’une société d’exercice libéral
    • S’agissant de cette dernière catégorie de personnes, la Cour de cassation a rendu un arrêt particulièrement intéressant en date du 9 février 2010.

Cass. com. 9 févr. 2010
Sur le moyen unique, après avertissement délivré aux parties :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 mars 2008), que M. X..., qui exerçait individuellement la profession d'avocat depuis 1977, a constitué en 2005 la SELARL d'avocats Cabinet Michelet (la SELARL) ; que se prévalant d'une créance de 277 510 euros représentant des sommes facturées à ses clients au titre de la TVA et non reversées à l'administration des impôts, lors de son exercice professionnel individuel, le chef de service comptable du service des impôts des entreprises de Paris 7e Gros Caillou Varenne (le comptable des impôts) a, par acte du 25 juin 2007, assigné M. X... en liquidation judiciaire ;

Attendu que le comptable des impôts fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen, que la cour d'appel a rappelé que l'assignation visait M. X..., avocat, et non pas la SELARL ; qu'elle a considéré que M. X... était débiteur à l'égard du comptable des impôts d'une somme de 277 510 euros au titre de son activité individuelle ; qu'en relevant elle-même que M. X... demeurait inscrit au tableau de l'ordre des avocats du barreau de Paris et qu'il n'avait pas cessé son activité professionnelle d'avocat lorsqu'il avait créé la SELARL, de sorte qu'on ne pouvait opposer au créancier poursuivant l'expiration du délai d'un an visé à l'article L. 631-5 du code de commerce, tout en constatant que le comptable ne pouvait assigner l'intéressé en liquidation judiciaire au titre des créances nées de son activité individuelle d'avocat dans la mesure où, à la date d'assignation, il exerçait sa profession au sein d'une SELARL, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 631-5, L. 640-2 et L. 640-5 du code de commerce ;

Mais attendu que l'avocat, qui a cessé d' exercer son activité à titre individuel pour devenir associé d'une société d'exercice libéral, n'agit plus en son nom propre mais exerce ses fonctions au nom de la société ; qu'il cesse dès lors d'exercer une activité professionnelle indépendante au sens de l'article L. 640-2 du code de commerce ; que le tribunal peut ouvrir à son égard une procédure de liquidation judiciaire après cette cessation d'activité, lorsque tout ou partie du passif provient de l'activité professionnelle antérieure ; que toutefois, si la procédure est ouverte sur l'assignation d'un créancier, cette dernière doit intervenir dans le délai d'un an à compter de la cessation de l'activité individuelle ;

Attendu qu'ayant relevé que la SELARL a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 11 janvier 2005, l'arrêt retient que M. X..., depuis cette date, n'agit plus en son nom propre mais exerce les fonctions d'avocat au nom de la société, qu'il en déduit exactement, que ce dernier n'exploite plus pour son propre compte une entreprise libérale ;

Et attendu que M. X... ayant cessé d'exploiter, en son nom propre, une activité indépendante , au sens des articles L. 640-2 et suivants du code de commerce, à compter de l'immatriculation de la SELARL au registre du commerce le 11 janvier 2005, le comptable des impôts, qui l'a assigné en liquidation judiciaire le 25 juin 2007, était irrecevable en sa demande ; que ce motif de pur droit rend le moyen sans portée ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

  • Faits
    • Après avoir exercé sa profession à titre individuel, un avocat s’associe en 2003 au sein d’une SELARL (Société d’Exercice Libéral à Responsabilité Limitée).
    • Le comptable des impôts se prévalant d’une créance de TVA collectée et non reversée, assigne ledit avocat, devenu associé en liquidation judiciaire.
    • En défense, l’avocat oppose, au comptable des impôts, la prescription de l’action, conformément à l’article L 640-5 du Code de commerce.
    • Pour mémoire, cette disposition prévoit que « la procédure (de liquidation judiciaire) peut être ouverte sur l’assignation d’un créancier, quelle que soit la nature de sa créance. Toutefois, lorsque le débiteur a cessé son activité professionnelle, cette assignation doit intervenir dans le délai d’un an à compter de la cessation de l’activité, s’il s’agit d’une personne exerçant une activité artisanale, d’un agriculteur ou d’une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé».
    • Ainsi, l’avocat soulève-t-il la prescription de l’action en liquidation judiciaire engagée par le comptable public des impôts.
  • Procédure
    • Par un arrêt infirmatif du 26 juin 2008, la Cour d’appel de Paris prononce l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de l’intimé.
    • Les juges du fond estiment, en l’espèce, le passage de l’exercice individuel à l’exercice social ne marque pas la fin de l’activité professionnelle.
    • Bien au contraire, pour la Cour d’appel, l’exercice de l’activité au sein d’une SELARL n’est qu’une modalité d’exercice de la profession d’avocat.
    • L’avocat qui se prévalait de la prescription de l’action n’a, en réalité, pas cessé son activité professionnelle, fut-il est devenu associé d’une SELARL
  • Solution
    • Par un arrêt du 9 février 2010, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de paris
    • Elle retient que l’avocat qui exerce au sein d’une SELARL n’agit plus en son nom propre mais exerce ses fonctions au nom de la société.
    • Au moment où il devient associé de la SELARL, il cesse d’exercer une activité professionnelle indépendante au sens de l’article L. 640-2 du Code de commerce.
    • Pour être recevable, l’action du comptable des impôts devait donc être exercée dans le délai d’un an à compter de la cessation de l’activité individuelle de l’avocat conformément à l’article L. 640-5 du Code de commerce.
    • La Cour de cassation en déduit que l’action du créancier est, en l’espèce prescrite, eu égard à l’ancienneté de l’association de l’avocat.

II) La condition tenant à la situation de l’entreprise

Aux termes de l’article L. 620-1 du Code de commerce « il est institué une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d’un débiteur mentionné à l’article L. 620-2 qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter. »

Ainsi pour être éligible à la procédure de sauvegarde, le débiteur doit établir la réunion de deux conditions cumulatives :

  • D’une part, l’entreprise doit rencontrer des difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter
  • D’autre part, l’entreprise ne doit pas être en cessation des paiements

A) L’existence de difficultés insurmontables

Dès lors que l’entreprise rencontre des difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde est envisageable pour le débiteur.

Que doit-on entendre par la formule « difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter » ? L’article L. 620-1 du Code de commerce ne le dit pas.

Ce silence est sans aucun doute volontaire, l’intention ayant animé le législateur étant de laisser au juge un grand pouvoir d’appréciation.

Bien que le législateur ne donne aucune définition des difficultés insurmontables, deux éléments peuvent servir d’appui pour mieux cerner la notion :

  1. Les critères d’ouverture des procédures collectives voisines

Afin de déterminer le niveau gravité de la difficulté qui doit être atteint par l’entreprise pour justifier l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, on peut, tout d’abord, se reporter à la hiérarchie des différents critères d’ouverture d’une procédure collective :

  • La procédure de conciliation est applicable aux débiteurs « éprouvent une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours.» ( L. 611-4 C. com.)
  • La procédure de sauvegarde est applicable au débiteur qui « sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter» ( L. 611-20 C. com.)
  • La procédure de redressement judiciaire est applicable au débiteur qui « dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements» ( L. 631-1 C. com)
  • La procédure de liquidation judiciaire est applicable à « tout débiteur en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible» ( L. 640-1 C. com.)

Il ressort de cette définition que pour être considérées comme insurmontables, les difficultés ne doivent pas seulement être prévisibles, mais bel et bien avérées.

Elles doivent être tellement graves que le débiteur n’est pas en mesure de redresser la barre de son entreprise.

Toutefois, si lesdites difficultés peuvent être de nature à conduire à la cessation des paiements, elles ne doivent, en aucun cas, consister en une cessation des paiements, sauf à basculer sur l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire voire de liquidation.

Il appartiendra donc au Tribunal de déterminer la nature des difficultés rencontrées par le débiteur et d’identifier la cause de leur caractère insurmontable.

Pourquoi le débiteur n’est-il pas en mesure de les surmonter seul ?

Plusieurs causes peuvent être à l’origine de cette situation.

2. Les critères dégagés par la jurisprudence

Deux épisodes jurisprudentiels ont contribué à l’entreprise de délimitation de la notion de difficultés insurmontables

==> Les arrêts du 26 juin 2007

Dans deux arrêts du 26 juin 2007 la chambre commerciale de la Cour de cassation considère notamment que « la situation de la société débitrice doit être appréciée en elle-même, sans que soient prises en compte les capacités financières du groupe auquel elle appartient » (Cass. com. 26 juin 2007, n°06-20820 et n°06-17821)

Peu importe donc que la société mère soit en bonne santé, le tribunal doit statuer en considération de la seule situation de la société débitrice.

La Cour de cassation ajoute que « les conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde doivent être appréciées au jour où il est procédé à cette ouverture »

La position adoptée ici par la Cour de cassation se justifie par l’idée que l’ouverture d’une procédure de sauvegarde doit être un ultime recours

Si, entre le moment où le Tribunal a été saisi et le moment où il se prononce, la situation de l’entreprise s’est améliorée il est inutile d’ouvrir une procédure qui, parce qu’elle n’est pas confidentielle comme la conciliation, est susceptible d’effrayer les créanciers.

Cass. com. 26 juin 2007
Attendu, selon l'arrêt déféré (Colmar, 26 septembre 2006), que la société N. Schlumberger, dont le capital est détenu par la société Euroshor, elle-même contrôlée à parité par le groupe NSC et le groupe Orlandi, a sollicité, le 22 janvier 2006, l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ; que le 7 février 2006, le tribunal a accueilli sa demande ; que la société Euler Hermes Sfac (la société Euler Hermes) a fait tierce opposition au jugement ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que la société Euler Hermes fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la tierce opposition, alors, selon le moyen, que le débiteur sollicitant l'ouverture d'une procédure de sauvegarde doit justifier de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter, de nature à la conduire à la cessation des paiements ; qu'en considérant que la situation devait s'apprécier au regard des seules ressources propres de la société N. Schlumberger SAS, excluant le soutien que le groupe était prêt à apporter à la société, pourtant de nature à rendre les difficultés surmontables, la cour d'appel, ajoutant une condition au texte, a violé l'article L. 620-1 du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant retenu que, pour l'ouverture de la procédure de sauvegarde d'une filiale, il est indifférent de savoir quelle sera la position que prendra la société mère dans le cadre de la période d'observation et l'éventuelle élaboration d'un plan de sauvegarde et que la situation de la société débitrice doit être appréciée en elle-même, sans que soient prises en compte les capacités financières du groupe auquel elle appartient, la cour d'appel, qui n'a pas relevé l'existence d'un engagement de la société mère en faveur de sa filiale, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur la seconde branche du moyen :

Attendu que la société Euler Hermes fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que, pour apprécier l'existence de difficultés insurmontables de nature à conduire à la cessation des paiements, la juridiction doit se placer au jour où elle statue ; qu'en se plaçant au jour de la demande d'ouverture de procédure, la cour d'appel, qui n'a pas pris en considération la situation véritable et objective du débiteur, s'est fondée sur des considérations hypothétiques qui se sont révélées fausses en l'espèce ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 620-1 du code de commerce ;

Mais attendu que les conditions d'ouverture de la procédure de sauvegarde doivent être appréciées au jour où il est procédé à cette ouverture ; qu'ayant relevé que, même si la débitrice disposait de lignes de crédit non négligeables à la date de saisine du tribunal lui permettant d'envisager le financement d'un nouveau plan social dont la décision avait été prise au début de l'année 2006, l'épuisement prévu de ces lignes de crédit dans un avenir proche et l'existence d'un passif échu notable la plaçaient dans une situation extrêmement fragile de nature à la conduire à la cessation des paiements, la cour d'appel, qui ne s'est pas déterminée seulement d'après les éléments existants à la date de la demande d'ouverture de la sauvegarde mais a apprécié la situation au jour du jugement d'ouverture, a pu en déduire que la société Schlumberger justifiait de difficultés qu'elle ne pouvait surmonter de nature à la conduire à la cessation des paiements ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

==> Les arrêts du 8 mars 2011 (affaire Cœur de Défense)

Dans trois arrêts rendus en date du 8 mars 2011, la Cour de cassation a estimé qu’il est indifférent que l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ait été sollicitée par le débiteur pour échapper à ses engagements (Cass. com. 8 mars 2011)

Dès lors que l’existence de difficultés insurmontables est établie, le débiteur est fondé à réclamer l’ouverture de cette procédure.

  • Faits
    • Il s’agissait, en l’espèce, d’une vaste opération immobilière, qui avait vu la SAS HOLD acquérir l’ensemble immobilier « Coeur Défense » pour un montant de plus de 1,6 milliard d’euros.
    • Ce prix d’achat était financé par deux emprunts consentis par la banque Lehman Brothers Bankhaus AG.
    • Ces emprunts étaient garantis à la fois par
      • une hypothèque consentie par HOLD et portant sur l’ensemble immobilier
      • une cession de créances professionnelles à titre de garantie portant sur les loyers afférents à l’ensemble immobilier
      • une garantie autonome consentie par l’associé unique de la SAS HOLD, la SARL de droit luxembourgeois Dame Luxembourg
      • un nantissement des actions HOLD détenues par Dame Luxembourg, consenti avec un pacte commissoire.
      • Une garantie supplémentaire était requise de HOLD par le contrat de financement, puisqu’elle devait souscrire deux contrats couvrant le risque de hausse des taux d’intérêt, ce qu’elle avait initialement fait auprès de sociétés du groupe Lehman Brothers.
    • L’opération initiale restait dans le périmètre de ce groupe, Dame Luxembourg étant elle-même détenue par des sociétés Lehman Brothers.
    • Par la suite, la physionomie de l’opération changea.
    • Les créances de remboursement furent cédées à un fonds commun de titrisation, Windermere XII, représenté par la SA Eurotitrisation, et les deux sociétés du groupe Lehman Brothers qui assuraient la couverture de taux d’intérêt
    • Seulement, ces deux sociétés du groupe Lehman Brothers disparurent, emportées par la faillite du groupe en 2008.
    • La SA Eurotitrisation, titulaire de la créance de remboursement, demanda alors à HOLD de souscrire de nouveaux contrats de couverture de taux, puisque le groupe Lehman Brothers avait disparu, ce qu’elle ne fit pas, arguant de l’impossibilité de souscrire de tels contrats au vu de la conjoncture économique alors constatée.
    • Eurotitrisation menaça en retour HOLD de se prévaloir de la clause de déchéance du terme, sanction contractuelle du « défaut » de l’emprunteur.
  • Demande
    • La société HOLD détenue par la société Dame Luxembourg demande au tribunal de commerce de Paris l’ouverture d’une procédure de sauvegarde le 28 octobre 2008
  • Procédure
    • Les créanciers forment une tierce opposition, laquelle sera jugée recevable mais rejetée au fond par jugement du TC de Paris le 7 oct. 2009
    • Le tribunal saisi par HOLD et Dame Luxembourg donnait suite aux demandes, et ouvrait deux procédures de sauvegarde, le 3 novembre 2008, qui débouchaient sur des plans de sauvegarde arrêtés par jugements en date du 9 septembre 2009.
    • La cour d’appel de Paris, saisie sur tierce opposition par la société Eurotitrisation, rétracta cependant les jugements d’ouverture des procédures de sauvegarde de la société HOLD et de la société Dame Luxembourg, par un arrêt du 25 février 2010.
    • Pour les juges du fond les sociétés requérantes n’ont pas fait état de difficultés insurmontables au sens de l’article L. 620-1 du Code de commerce, mais seulement de circonstances imprévues rendant son obligation de couverture du risque d’augmentation du taux d’intérêt plus onéreuse.
    • En sollicitant l’ouverture d’une mesure de sauvegarde les sociétés requérantes auraient cherché à se départir de leurs obligations contractuelles
  • Solution
    • Par un arrêt du 8 mars 2011, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel
    • La Chambre commerciale estime que, « hors le cas de fraude, l’ouverture de la procédure de sauvegarde ne peut être refusée au débiteur, au motif qu’il chercherait ainsi à échapper à ses obligations contractuelles, dès lors qu’il justifie, par ailleurs, de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter et qui sont de nature à le conduire à la cessation des paiements»
    • La Cour de cassation écarte ainsi d’un revers de main l’argument tendant à dire que les sociétés requérantes cherchaient à échapper à leurs obligations contractuelles.
    • La haute juridiction estime que l’argument soutenu par la Cour d’appel revenait à ajouter une condition à la loi
    • Or la loi précise prévoit simplement à l’article 620-1 du Code de commerce que dès lors que le débiteur est confronté à des difficultés insurmontables, il peut bénéficier de la procédure de sauvegarde.
    • Ne pourrait-on d’ailleurs pas dire, qu’il est quasi inhérent à cette démarche que de vouloir échapper à ses obligations contractuelles ?
    • En effet, lorsqu’un débiteur revendique le bénéfice d’une procédure collective, c’est, pour le dire trivialement, qu’il souhaite un temps mort.
    • Il veut échapper momentanément à ses créanciers afin de retrouver son souffle.
    • Si la Cour de cassation avait, en conséquence, retenu l’argument de la Cour d’appel, cela serait revenu à ne jamais accorder le bénéfice d’une procédure de sauvegarde
    • À chaque fois qu’un créancier sollicite cette mesure, c’est précisément qu’il désire, non pas échapper à ses créanciers, mais à tout le moins neutraliser leurs poursuites.
    • Pour certains auteurs « en déconnectant ces difficultés de l’état de cessation des paiements auquel elles sont susceptibles de conduire, l’ordonnance de 2008 a finalement rendu la sauvegarde davantage suspecte d’être une arme déloyale. »[1]

Au total, que retenir de la jurisprudence ?

L’ouverture d’une procédure de sauvegarde doit être appréciée à l’aune du seul critère qu’est l’existence de difficultés insurmontables !

La notion de « difficultés insurmontables » est, de toute évidence, suffisamment large pour englober de nombreuses situations.

On peut néanmoins se demander si une seule difficulté suffit (par exemple, la perte du principal client, comme cela a été suggéré pendant les travaux parlementaires), ou s’il en faudra au moins deux.

A priori l’article L. 620-1 du Code de commerce vise indifféremment les difficultés :

  • Juridiques
  • Economiques
  • Financières
  • environnementales

Partant, le juge devra se livrer à une appréciation in concreto de la situation afin de savoir si le débiteur dispose ou non la faculté de surmonter les difficultés rencontrées.

Face à deux situations identiques, la conclusion du juge pourra être différente, selon que le débiteur a ou non les moyens de réagir.

En toute hypothèse, les conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde devront toujours être appréciées au jour où il est procédé à cette ouverture (Cass. com., 26 juin 2007)

Cass. com. 8 mars 2011
Vu leur connexité, joint les pourvois n° M 10-13.988, N 10 13.989 et P 10-13.990 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société par actions simplifiée Heart of La Défense (société HOLD), dont le capital est entièrement détenu par une holding, la société Dame Luxembourg, a acquis, par l’intermédiaire d’une société civile immobilière, l’ensemble immobilier à usage de bureaux destiné à la location appelé “Coeur Défense” ; que, pour les besoins du financement de cette acquisition, la société HOLD a contracté auprès de la société Lehman Brothers Bankhaus AG deux prêts, garantis par une hypothèque inscrite sur l’immeuble, par une cession de créances professionnelles portant sur l’ensemble des créances de loyers et charges au titre des baux existants ou futurs conclus par la société HOLD et par le nantissement de la totalité des actions de celle-ci consenti par la société Dame Luxembourg avec pacte commissoire ; que les prêts portant intérêt à taux variable, la société HOLD a également conclu deux contrats de couverture du risque de leur variation avec la société Lehman Brothers international, en qualité de contrepartie, elle-même garantie par la société Lehman Brothers Inc. ; que, dans le cadre d’une opération de titrisation, la créance du prêteur a été ensuite cédée au fonds commun de titrisation Windermere XII (le FCT), dont la société Eurotitrisation est le gestionnaire ; que les sociétés Lehman Brothers international et Inc. ayant fait l’objet, au Royaume-Uni et aux États-Unis, de procédures collectives, la société Eurotitrisation a demandé une nouvelle contrepartie, en indiquant que les contrats de couverture n’étaient plus conformes aux critères de notation, ce qui constituait un cas de défaut ; que les sociétés HOLD et Dame Luxembourg ont, alors, chacune, demandé, le 28 octobre 2008, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ; que, le 3 novembre 2008, le tribunal a accueilli ces demandes et, par jugement du 9 septembre 2009, a arrêté le plan de sauvegarde, rejetant, le 7 octobre 2009, la tierce opposition formée entre-temps par la société Eurotitrisation à l’encontre des jugements d’ouverture de la procédure ; que les loyers et charges à venir ayant fait l’objet, en référé, d’un séquestre, un dernier jugement, prononcé au fond le 19 octobre 2009, a ordonné la mainlevée de cette mesure ainsi que le versement des sommes séquestrées entre les mains de la société Eurotitrisation, celle-ci s’engageant à reverser les sommes nécessaires aux dépenses d’entretien de l’ensemble immobilier ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° P 10-13.990 :

Attendu que les sociétés HOLD et Dame Luxembourg font grief à l’arrêt (RG n° 09/22756) d’avoir déclaré recevable la tierce opposition formée par la société Eurotitrisation, alors, selon le moyen, que la tierce opposition visant le jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, qui ne peut être demandée que par le débiteur, n’est recevable qu’à la condition, pour le créancier demandeur, d’établir que ledit jugement a été prononcé en fraude de ses droits ou d’invoquer des moyens propres ; qu’un moyen propre ne peut tendre à la contestation d’un effet inhérent à la procédure, ni être commun à tous les créanciers ; qu’en se bornant à énoncer en l’espèce, pour dire que la société Eurotitrisation disposait de moyens propres, que la société HOLD avait, en sollicitant l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, cherché à imposer au FCT la modification des contrats de prêts qu’elle disait n’être plus en mesure de respecter et que la société Dame Luxembourg avait, pour sa part, cherché à faire échec à la mise en oeuvre du pacte commissoire, sans rechercher, concrètement, si les arguments ainsi invoqués, relatifs aux buts prêtés aux demandeurs à la sauvegarde, lesquels ne se distinguaient pas des effets légaux de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, n’auraient pas pu être invoqués par n’importe quel autre créancier de la société HOLD, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 661-2 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l’article 583 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’il résulte des articles L. 661-2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008, et 583, alinéa 2, du code de procédure civile, que la tierce opposition est ouverte à l’encontre du jugement statuant sur l’ouverture de la procédure de sauvegarde à tout créancier invoquant des moyens qui lui sont propres ; qu’ayant retenu que la société Eurotitrisation alléguait que la procédure de sauvegarde avait pour but exclusif de permettre aux sociétés HOLD et Dame Luxembourg d’échapper, au moins temporairement, à l’exécution de leurs obligations contractuelles envers le seul FCT, qu’elle représentait, ou de la contraindre à négocier leur aménagement, de sorte que les moyens invoqués par le créancier lui étaient propres, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen du même pourvoi, pris en ses trois premières branches :

Vu l’article L. 620-1, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008, ensemble l’article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour accueillir la tierce opposition de la société Eurotitrisation et rétracter le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde de la société HOLD, l’arrêt retient que celle-ci n’a pas prétendu éprouver de difficultés à poursuivre son activité de bailleresse de bureaux, mais seulement fait état de circonstances imprévues lui rendant plus onéreuse l’exécution de son obligation de couverture du risque de variation des taux d’intérêt, imposée par les contrats de prêt ayant originellement financé son acquisition et que la difficulté alléguée ne concerne que le renchérissement du contrat de couverture ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la société HOLD soutenait qu’il était impossible de trouver, en octobre 2008, une nouvelle contrepartie pour des contrats de couverture et que le prix d’un tel produit financier, de l’ordre de 60 à 70 millions d’euros, était, non seulement insurmontable, mais purement théorique en l’absence de tout marché à ce moment, la cour d’appel a méconnu l’objet du litige ;

Sur le troisième moyen du même pourvoi, pris en sa huitième branche :

Vu l’article L. 620-1, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008, ensemble l’article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour accueillir la tierce opposition de la société Eurotitrisation et rétracter le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde de la société Dame Luxembourg, l’arrêt retient que la seule conséquence pour elle de la défaillance de la société HOLD serait la perte de son investissement, en exécution du pacte commissoire portant sur les actions nanties de sa filiale, mais qu’elle n’aurait à faire face à aucune autre dette après son exécution, la dette délictuelle invoquée par les obligataires du FCT n’étant pas fondée et le prêt de 249 000 000 euros envers ses actionnaires n’étant pas prouvé ni exigible, les actionnaires soutenant la demande de sauvegarde ;

Attendu qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Dame Luxembourg qui soutenait qu’elle serait privée de son seul actif par la défaillance de sa filiale, tandis qu’elle se trouverait exposée au risque de devoir rembourser le prêt, figurant à son bilan, de 249 000 000 euros consenti par ses propres actionnaires, ce qui était de nature à la conduire à la cessation des paiements au sens du premier des textes susvisés, la cour d’appel a violé ces textes ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi, pris ses quatrième et cinquième branches, et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, réunis :

Vu l’article L. 620-1, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu que, si la procédure de sauvegarde est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin, notamment, de permettre la poursuite de l’activité économique, il ne résulte pas de ce texte que l’ouverture de la procédure soit elle-même subordonnée à l’existence d’une difficulté affectant cette activité ;

Attendu que, pour rétracter les jugements ayant ouvert les procédures de sauvegarde des sociétés HOLD et Dame Luxembourg, l’arrêt retient aussi que la première n’invoque pas l’existence de difficultés pouvant affecter son activité de bailleresse et que la seconde n’a pas prétendu éprouver de difficultés à poursuivre son activité de gestion de son portefeuille de titres ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi, pris en sa huitième branche et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche, réunis :

Vu l’article L. 620-1, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu que, hors le cas de fraude, l’ouverture de la procédure de sauvegarde ne peut être refusée au débiteur, au motif qu’il chercherait ainsi à échapper à ses obligations contractuelles, dès lors qu’il justifie, par ailleurs, de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter et qui sont de nature à le conduire à la cessation des paiements ;

Attendu que, pour rétracter les jugements ayant ouvert les procédures de sauvegarde des sociétés HOLD et Dame Luxembourg, l’arrêt retient encore que la première a cherché à porter atteinte à la force obligatoire de la clause des contrats de prêt lui imposant une obligation de couverture répondant à certains critères de notation et la seconde à échapper à l’exécution du pacte commissoire ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi, pris en sa neuvième branche et le troisième moyen, pris en sa deuxième branche, réunis :

Vu l’article L. 620-1, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu que, pour rétracter les jugements ayant ouvert les procédures de sauvegarde des sociétés HOLD et Dame Luxembourg, l’arrêt retient que l’activité de location immobilière de la première pourrait se poursuivre normalement quelle que soit la composition de son actionnariat ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que, si la société débitrice justifie de difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter et qui sont de nature à la conduire à la cessation des paiements, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ne peut lui être refusée au motif que ses associés ne seraient pas fondés à éviter, par ce moyen, d’en perdre le contrôle, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et, vu l’article 625 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation de l’arrêt RG n° 09/22756 entraîne, par voie de conséquence, celle de l’arrêt RG n° 09/21530, qui a dit sans objet l’appel du ministère public à l’encontre du jugement du 9 septembre 2009 ayant arrêté le plan de sauvegarde, et de l’arrêt RG n° 09/21184, qui a confirmé, en raison de la rétractation du jugement de sauvegarde, la mainlevée du séquestre des loyers et charges et ordonné le versement des sommes séquestrées entre les mains de la société Eurotitrisation ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il confirmé le chef du dispositif du jugement déféré ayant déclaré recevable la tierce opposition, l’arrêt RG n° 09/22756 rendu le 25 février 2010, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;

B) L’absence de cessation des paiements

Autre condition pour que le débiteur soit éligible à la procédure de sauvegarde, il ne doit pas être en cessation des paiements.

Manifestement, il s’agit là d’une notion centrale du droit des entreprises en difficulté : de la caractérisation de ses éléments constitutifs dépend l’ouverture ou non d’une procédure collective.

Sous l’empire de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, la cessation des paiements était le seul critère permettant l’ouverture d’une procédure judiciaire, à l’exception des cas exceptionnels d’« ouverture-sanction » de la procédure.

Désormais, depuis l’instauration de la procédure de sauvegarde par la loi du 25 juillet 2005, le déclenchement d’une procédure collective n’est plus lié à l’existence avérée d’une cessation des paiements, tandis que les procédures amiables de résorption des difficultés des entreprises peuvent intervenir après la cessation des paiements du débiteur.

Immédiatement une nouvelle d’ordre notionnel se pose : qu’est-ce que la cessation des paiements ? (A)

Pour être complet, il conviendra, après avoir cerné la notion, d’envisager son régime juridique.

  1. La notion de cessation des paiements

Étrangement, tandis que le siège du droit commun des procédures collectives est situé dans la partie du Code de commerce dédiée à la procédure de sauvegarde, la définition de la cessation des paiements est traitée, quant à elle, dans la partie consacrée à la procédure de redressement judiciaire.

À bien y réfléchir, cette localisation de la notion de cessation des paiements dans le Titre III du Livre VI n’est, en soi, pas illogique.

Le législateur a souhaité envisager cette notion, non pas dans sa fonction négative (condition d’exclusion de la procédure de sauvegarde), mais dans sa fonction positive (condition d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire).

Ces remarques liminaires effectuées, que doit-on entendre par la notion de cessation des paiements ?

Classiquement, les auteurs envisagent cette notion en adoptant une double approche, la première positive, la seconde négative.

Nous ne dérogerons pas à la règle.

a) L’approche positive de la cessation des paiements

Initialement, la cessation des paiements n’était définie par aucun texte. Aussi, la définition de cette notion était, jusqu’assez tardivement, pour le moins rudimentaire.

Dans un premier temps, la jurisprudence estimait que la cessation des paiements était caractérisée dès lors que le débiteur n’était pas en mesure de régler une dette à l’échéance.

Puis, les Tribunaux ont sensiblement modifié leur appréciation de la cessation des paiements en considérant qu’elle était établie dès lors que la situation du débiteur était gravement compromise et non pas seulement momentanément obérée.

Enfin, dans un arrêt de principe rendu par la Chambre commerciale en date du 14 février 1978, la Cour de cassation a considéré que l’état de cessation des paiements est caractérisé lorsque le débiteur n’est pas « mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible » (Cass. com. 14 févr. 1978).

Cass. com. 14 févr. 1978
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : vu l'article premier de la loi du 13 juillet 1967 ;
Attendu que, pour débouter l’URSSAF des landes de sa demande de mise en liquidation des biens de Barada, la cour d'appel a retenu par motifs propres et par motifs adoptes des premiers juges, que, le défaut de paiement d'une seule dette ne suffisant pas à constituer l'état de cessation des paiements, la situation de Barada, qui justifiait avoir versé des acomptes importants et dont la dette envers l’URSSAF ne se montait plus qu'à 39.639 francs 45 centimes, n'était pas désespère et sans issue, de sorte que la cessation de ses paiements n'était pas établie ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si Barada était en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel n'a pas donné de base légale a sa décision ;

PAR CES MOTIFS : CASSE et ANNULE l'arrêt rendu entre les parties le 9 juin 1976 par la cour d'appel de Pau.

Par cet arrêt, la Cour de cassation posait les premiers jalons de la définition de la cessation des paiements.

Et pour cause, le législateur la reprendra lors de l’adoption de la loi du 25 janvier 1985.

Cette définition a, par la suite, été reprise par la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises

L’article L. 631-1 du Code de commerce dispose en ce sens que « il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements »

L’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté a précisé cette définition en ajoutant au texte que « le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements. »

Que retenir de cette définition de la cessation des paiements, dont l’ébauche a d’abord été faite par la jurisprudence, puis qui a été précisée après avoir été consacrée par le législateur ?

Il ressort de l’article L. 620-1 du Code de commerce que trois éléments constitutifs caractérisent la notion de cessation des paiements :

  • Un passif exigible
  • Un actif disponible
  • Une impossibilité de faire face au passif exigible avec l’actif disponible

i) Le passif exigible

Que doit-on comprendre par passif exigible ? Toute la difficulté de cerner le sens à donner à cette formule réside dans le terme exigible.

À la vérité, cet adjectif recèle un sens manifeste et un sens moins évident qui prête à discussion.

Aussi convient-il d’envisager les deux sens.

?) Le sens manifeste de la notion de passif exigible

Deux enseignements peuvent immédiatement être tirés de l’adjectif exigible :

  • D’une part, le passif qui doit être pris en compte pour apprécier la cessation des paiements n’est pas celui qui rassemble la totalité des dettes du débiteur.
    • Seules les dettes exigibles peuvent être intégrées dans le calcul du ratio passif/actif
    • Les dettes non encore arrivées à terme ou conditionnelles doivent être exclues du calcul.
  • D’autre part, par passif exigible il faut entre celui qui commande un paiement immédiat de la part du débiteur, soit le passif échu.
    • Le passif échu est celui qui est dû sans terme, ni condition
    • Le créancier est fondé à en revendiquer le paiement immédiat

?) Le sens discuté de la notion de passif exigible

En pratique, l’état de cessation des paiements se révélera lorsque le débiteur ne sera pas en mesure de procéder au règlement d’une dette échue.

Encore faut-il toutefois que le créancier constate le défaut de paiement du débiteur.

À la vérité, tant que le débiteur n’est pas actionné en paiement, l’état de cessation des paiements relève du domaine de l’abstrait en ce sens qu’il ne produit aucun véritable effet.

Cette situation, qui dans le monde des affaires se rencontre fréquemment, conduit alors à se demander si l’exigibilité à laquelle fait référence l’article L. 620-1 du Code de commerce doit se comprendre

  • au sens strict, c’est-à-dire au sens de passif échu ?

OU

  • au sens large, c’est-à-dire au sens de passif exigé par le créancier ?

Selon que l’on retient l’une ou l’autre conception, la situation est, de toute évidence, plus ou moins favorable au débiteur.

  • Si l’on retient une conception stricte, la seule existence d’un passif échu suffit à caractériser le premier élément constitutif de la cessation des paiements
  • Si, au contraire, l’on retient une conception souple, tant que le créancier n’a pas actionné le débiteur en paiement, celui-ci ne peut pas être considéré comme se trouvant en cessation des paiements, nonobstant l’existence d’un passif échu.

Quel raisonnement tenir pour justifier l’une ou l’autre approche de la notion d’exigibilité ?

La question a fait l’objet d’un important débat doctrinal nourri par un contentieux fourni.

Surtout, il ressort de la jurisprudence que la position de la Cour de cassation sur cette question a considérablement évolué jusqu’à finalement être consacrée en 2008 par le législateur.

==> Première étape : adoption d’une conception souple de la notion de passif exigible

Tout d’abord, dans un certain nombre d’arrêts, la Cour de cassation a pu estimer que l’absence de réclamation du paiement d’une dette par le créancier auprès du débiteur pouvait s’analyser comme l’octroi tacite d’un délai de paiement (V. en ce sens com. 22 févr. 1994)

Ensuite, dans un arrêt du 12 novembre 1997, la chambre commerciale a condamné une Cour d’appel pour n’avoir pas tiré les conséquences de la non-réclamation par le Trésor d’une dette fiscale au débiteur ( com. 12 nov. 1997)

Pour la Cour de cassation le défaut de paiement de cette dette n’était, en effet, pas suffisant pour établir le défaut de paiement du passif exigible, contrairement à ce qui avait été jugé par les juges du fond.

Avec cet arrêt, la chambre commerciale introduit l’idée que, au fond, seules les dettes exigées par le créancier doivent être prises en compte dans la détermination du passif exigible.

Cette position – libérale – de la Cour de cassation a été confirmée, un an plus tard, dans un arrêt controversé rendu le 28 avril 1998 ( com 28 avr. 1998).

  • Faits
    • Deux associés souhaitent dissoudre leur société
    • La gérante de la société désignée par le liquidateur amiable pour l’occasion informe le bailleur des locaux dans lesquels est établie la société de son intention de résilier le bail
    • Le bailleur oppose le non-achèvement de la période triennale en cours, de sorte que la résiliation ne peut intervenir immédiatement
    • Plus aucun loyer n’est alors payé par la société après sa dénonciation du bail
    • Le bailleur assigne la société en paiement des loyers arriérés
    • Le bailleur l’assigne ensuite en redressement judiciaire
    • La société est alors placée en liquidation judiciaire par jugement du 10 juin 1992
  • Demande
    • Le liquidateur demande à ce que la date de cessation des paiements soit reportée au jour du premier impayé de loyer de la société
  • Procédure
    • Par un arrêt du 7 septembre 1995, la Cour d’appel de Caen déboute le liquidateur de sa demande
    • Les juge du fond estiment la date de cessation des paiements ne peut pas être reportée antérieurement au moment où la dette est exigée par le créancier.
    • Or en l’espèce, la dette a été exigée après qu’elle soit échue
  • Moyens des parties
    • Le liquidateur soutient que la date qui doit être retenue pour déterminer la cessation des paiements, c’est le moment où la dette devient exigible et non le moment où la dette est exigée.
  • Solution
    • Par un arrêt du 28 avril 1998, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le liquidateur.
    • Au soutien de sa décision elle affirme que « le passif à prendre en considération pour caractériser l’état de cessation des paiements est le passif exigible et exigé, dès lors que le créancier est libre de faire crédit au débiteur »
    • Ainsi, pour la Cour de cassation, dès lors que la dette n’est pas réclamée par le créancier au débiteur, quand bien même elle serait exigible, elle ne permet pas de faire constater l’état de cessation des paiements.
  • Analyse
    • Pour mémoire, l’article L. 631-1 du Code de commerce prévoit que la cessation des paiements c’est la situation d’une entreprise qui se trouve dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.
    • Il ressort de cette disposition qu’est seul évoqué le terme « exigible »
    • Le terme « exigé » ne figure nullement dans le texte.
    • La première conséquence – immédiate – que l’on peut tirer de cette décision, c’est que la Cour de cassation ajoute une condition à la loi.
    • Pourquoi, cet ajout ?
    • Sans aucun doute pour retarder la cessation des paiements.
    • Car pour la Cour de cassation, à tout le moins c’est ce qui ressort de sa décision, dès lors que la dette n’est pas exigée par le créancier, sa situation n’est pas suffisamment grave pour justifier la constatation des paiements, dont il résultera l’ouverture d’une procédure collective.
    • Cette solution repose sur l’idée qui consiste à dire que, au fond, la période qui s’écoule entre le moment où la dette est exigible et le moment où la dette est exigée peut s’analyser comme un délai de paiement consenti au débiteur.
    • Il en résulte que ce délai de paiement est à mettre au crédit de l’actif disponible.
    • On peut alors en déduire qu’une dette échue n’a pas à être prise en compte dans la détermination du passif dès lors que le créancier consent à son débiteur des facilités de paiement ou des reports d’échéance.
    • C’est la théorie de « la réserve de crédit »
    • L’exigibilité de la dette ne suffit donc pas ; il faut encore que le paiement ait été demandé puisque, sauf cas exceptionnels, une mise en demeure est nécessaire pour constater la défaillance du débiteur.
    • Sans compter que, tant que le paiement de la dette n’est pas réclamé au débiteur, il bénéficie d’une « réserve de crédit ».
    • C’est en ce sens que la Cour de cassation a préféré parler de passif exigé plutôt que de passif simplement exigible.
    • Le passif à prendre en considération est donc le passif qui n’a pas été payé alors qu’on avait demandé au débiteur qu’il le soit.
  • Critiques
    • La position adoptée par la Cour de cassation fait certes profiter le débiteur de l’inertie de son créancier
    • Elle conduit cependant à retarder sensiblement le déclenchement et donc corrélativement l’efficacité de la procédure.
    • Si l’insuffisance de l’actif disponible est parfois difficile à caractériser notamment lorsque le débiteur continue à faire face à ses échéances en utilisant des moyens ruineux ou frauduleux, il en allait différemment en l’espèce puisque l’entreprise n’a pas pu établir qu’elle disposait d’une quelconque trésorerie.
    • La cessation des paiements semblait donc d’autant plus acquise que l’entreprise était en fait dans une situation irrémédiablement compromise qui n’est certes pas nécessaire à la qualification mais qui témoigne néanmoins du caractère inéluctable de la procédure.
    • La position adoptée par la Cour de cassation est donc dangereuse.
    • Pourquoi vouloir retarder à tout prix la cessation des paiements alors qu’elle est inévitable ?
    • Cela n’a pas grand sens
    • Cette jurisprudence a-t-elle survécu à l’adoption de la loi du 26 juillet 2005 ?

Cass. com 28 avr. 1998

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 7 septembre 1995), que les associés de la société à responsabilité limitée Normandie express cuisines (société Normandie) ayant décidé sa dissolution anticipée, Mme Y..., gérante, a été désignée en qualité de liquidateur amiable;

Que celle-ci a informé la société civile immobilière REG (le bailleur), propriétaire des locaux loués à la société Normandie, de son intention de résilier le bail ;

Que, par lettre du 8 novembre 1990, le bailleur lui a répondu que la résiliation ne pouvait intervenir qu'au terme de la période triennale en cours, soit le 25 juin 1993, et que "sans que cela constitue de notre part une renonciation à nos droits", il mettait "les locaux en relocation pour le 1er janvier 1991";

Qu'aucun loyer n'ayant été réglé après cette date, le bailleur, par acte du 19 mars 1991, a assigné la société Normandie en paiement de l'arriéré;

Qu'après condamnation de la société au paiement d'une certaine somme à ce titre, le bailleur l'a assignée en redressement judiciaire;

Que le Tribunal a ouvert la procédure simplifiée de redressement judiciaire de la société Normandie, par jugement du 10 juin 1992, puis l'a mise en liquidation judiciaire;

que M. X..., désigné en qualité de représentant des créanciers puis de liquidateur de la procédure collective, a demandé que la date de cessation des paiements soit reportée au 1er janvier 1991 et que Mme Y... soit condamnée, sur le fondement de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, à supporter les dettes sociales, lui reprochant d'avoir, en omettant de déclarer la cessation des paiements de la société Normandie, contribué à l'insuffisance d'actif ;

[…]

Et sur le second moyen :

Attendu que le liquidateur de la procédure collective reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement des dettes sociales alors, selon le pourvoi, qu'en vertu des articles 37, 38 et 141 de la loi du 25 janvier 1985, dans leur rédaction applicable en la cause, le bailleur ne peut prétendre au paiement des loyers échus postérieurement à la renonciation de la personne qualifiée pour y procéder à poursuivre le bail, et acquiert du fait de cette renonciation le droit de faire prononcer en justice la résiliation du contrat;

qu'en retenant, pour décider que la tardiveté de la déclaration de cessation des paiements de la société Normandie n'avait pas contribué à l'insuffisance d'actif, que la bailleresse aurait pu produire sa créance de loyers à échoir jusqu'à l'expiration de la période triennale en cours même si le contrat avait été résilié dès la cessation des paiements, la cour d'appel a donc violé les textes ci-dessus mentionnés ;

Mais attendu que le moyen se borne à prétendre que la déclaration de la cessation des paiements de la société Normandie faite dans le délai légal par Mme Y... aurait, par suite de la possibilité de renoncer à la poursuite du contrat de bail en cours qu'offrait l'ouverture de la procédure collective, évité l'accumulation d'une dette de loyer postérieurement à cette renonciation;

que, dès lors que les dettes nées après le jugement d'ouverture et, par conséquent, celles postérieures à la renonciation, n'entrent pas dans le passif pris en compte pour la détermination de l'insuffisance d'actif pouvant être mise à la charge des dirigeants, ce moyen est inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

==> Deuxième étape : adoption d’une conception stricte de la notion de passif exigible

Dans un arrêt du 27 février 2007, la Cour de cassation a durci sa position quant à l’approche de la notion de passif exigible ( com. 27 févr. 2007)

  • Faits
    • Une société est placée en liquidation judiciaire
    • Suite à une réformation du jugement, c’est finalement une procédure de redressement judiciaire qui est ouverte
  • Demande
    • La date de cessation des paiements arrêtée par le Tribunal est contestée par la société et le mandataire ad hoc
  • Procédure
    • Par un arrêt du 13 septembre 2005, la Cour d’appel de Paris ne fait pas droit à la demande des appelants quant à une modification de la date de cessation des paiements
    • Les juges du fond ont estimé en l’espèce que l’actif disponible de la société n’était pas suffisant pour couvrir le passif exigible
  • Moyens
    • Premier reproche
      • L’auteur du pourvoi reproche à la Cour d’appel de n’avoir pas tenu compte, dans le calcul de l’actif de la société, de deux immeubles, qui faisaient certes l’objet d’un droit de préemption par la Mairie, ce qui donnerait lieu à une indemnisation au prix du marché.
      • Il aurait donc fallu tenir compte de la valeur de ces immeubles dans le calcul de l’actif disponible
    • Second reproche
      • L’auteur du pourvoi reproche aux juges du fond d’avoir reporté la date de cessation des paiements, alors que le passif de la société était certes exigible, mais non encore exigé par le créancier
      • L’auteur du pourvoi s’appuie ici sur la solution dégagée dans l’arrêt du 28 février 1998
  • Solution
    • Par un arrêt du 27 février 2007, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société et son mandataire ad hoc
    • La Cour de cassation estime en l’espèce que « la société, qui n’avait pas allégué devant la cour d’appel qu’elle bénéficiait d’un moratoire de la part de ses créanciers, ne faisait valoir aucune contestation relative au montant ou aux caractéristiques de son passif de sorte que la cour d’appel, qui n’avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision»»
    • Cela signifie, autrement dit, que le crédit dont est susceptible de jouir le débiteur ne saurait se déduire de l’attitude passive du créancier
    • Pour la Cour de cassation, la décision du créancier de faire crédit au débiteur doit être univoque et prouvée
    • Si l’on compare cette décision avec l’arrêt rendu en 1998, il apparaît que la Cour de cassation opère ici un véritable revirement de jurisprudence.
    • Elle considère que le critère légal du « passif exigible » ne doit pas être combiné avec le critère prétorien du « passif exigé »
    • La Cour de cassation nous indique par là même que le crédit dont peut se prévaloir le débiteur pour être pris en compte dans l’actif disponible, et non dans le passif exigible, doit procéder d’une démarche volontaire et surtout expresse du créancier.
    • Le crédit consenti au débiteur ne doit pas se déduire de l’inaction du créancier, sauf à encourir une requalification en dette exigible.
  • Portée
    • L’abandon du critère du « passif exigé » ne fait aucun doute à la lecture d’un arrêt rendu le même jour par la Chambre commerciale.
    • Dans cette décision la Cour de cassation décide que « lorsque le débiteur n’allègue pas devant la cour d’appel qu’il bénéficie d’un moratoire de la part de ses créanciers et ne fait valoir aucune contestation relative au montant ou aux caractéristiques de son passif, la cour d’appel peut décider que le passif est exigible, même s’il n’est pas exigé» ( com., 27 févr. 2007).
    • Plus récemment, la chambre commerciale est venue préciser que les sommes correspondant à « un moratoire obtenu pour les dettes sociales» devaient être soustraites du passif exigible ( com., 18 mars 2008).

Cass. com. 27 févr. 2007
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 13 septembre 2005), que la société Avenir Ivry (la société) a été mise en liquidation judiciaire par le tribunal qui s'était saisi d'office ; que la cour d'appel a réformé le jugement et a ouvert une procédure de redressement judiciaire ;

Attendu que la société et son mandataire ad hoc font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué et d'avoir fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 13 septembre 2005, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en s'abstenant de rechercher, cependant qu'elle y était invitée, si la commune d'Ivry, après avoir exercé son droit de préemption sur les deux immeubles de la société, n'avait pas émis, le 15 février 2005, l'offre de les acquérir au prix correspondant à la valeur retenue par le juge de l'expropriation, en sorte que ces immeubles eussent constitué un actif disponible pour être immédiatement cessibles au bénéficiaire du droit préférentiel de les acheter, par la seule acceptation de son offre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-1 du code de commerce ;

2°/ qu'en retenant l'état de cessation des paiements de la société après avoir relevé que ses dettes étaient exigibles, sinon exigées, et quand le liquidateur à liquidation judiciaire, qui s'en rapportait à justice sur les mérites de l'appel contre la décision du premier juge ayant statué sur sa saisine d'office, soulignait qu' aucune poursuite n'est en cours concernant le passif déclaré lequel, dans ces conditions, n'est pas à ce jour exigé, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-1 du code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt a exactement retenu que l'actif de la société, constitué de deux immeubles non encore vendus, n'était pas disponible ;

Attendu, d'autre part, que la société, qui n'avait pas allégué devant la cour d'appel qu'elle bénéficiait d'un moratoire de la part de ses créanciers, ne faisait valoir aucune contestation relative au montant ou aux caractéristiques de son passif, de sorte que la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

==> Troisième étape : Consécration légale de la conception stricte de la notion de passif exigible

La solution retenue par la Cour de cassation dans ses deux arrêts du 27 février 2007 a été reprise le législateur à l’occasion de l’adoption de l’ordonnance du 18 décembre 2008.

Ce texte est venu compléter l’article L. 631-1 du Code de commerce en y apportant la précision que « le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements.»

Il ressort de cette disposition que c’est donc au débiteur qu’il appartiendra de prouver l’existence d’un délai de paiement.

Cette exigence ne déroge toutefois en rien à la règle aux termes de laquelle, il revient au créancier, en toute hypothèse, d’établir au soutien de son assignation en redressement ou en liquidation judiciaire l’état de cessation des paiements du débiteur.

?) L’exigence d’un passif exigible reposant sur une créance certaine et liquide

Bien  que l’article L. 631-1 du Code de commerce ne semble conditionner la cessation des paiements qu’à l’établissement d’un passif exigible, celui-ci n’en doit pas moins reposer sur une créance certaine et liquide.

Autrement dit, le Tribunal ne devra pas s’arrêter à la seule constatation du défaut de paiement du débiteur ; il devra également vérifier que les créances dont se prévaut le créancier sont certaines et liquides.

Pour constituer un élément de la cessation des paiements, la dette impayée ne doit pas être litigieuse c’est-à-dire qu’elle ne doit être contestée :

  • ni dans son existence
  • ni dans son montant
  • ni même dans son mode de paiement

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 novembre 2008 est une illustration de cette exigence (Cass. 1ère civ. 25 nov. 2008).

  • Faits
    • Une SCI est condamnée en référé à payer deux provisions à une société avec laquelle elle était en litige.
    • Les sommes allouées par le Tribunal à la société qui est sortie gagnante du procès ne sont pas réglées
  • Demande
    • Assignation en redressement judiciaire
  • Procédure
    • Par un arrêt du 25 octobre 2007, la Cour d’appel de Versailles fait droit à la demande du créancier : ouverture d’une procédure de redressement judiciaire
    • Les juges du fonds estiment que la créance litigieuse était exigible dans la mesure où une ordonnance de référé est assortie, de plein droit, de l’exécution provisoire.
    • Dès lors, compte tenu de l’état de l’actif disponible de la société débitrice, la cessation des paiements ne pouvait être que constatée
  • Solution
    • Par un arrêt du 25 novembre 2008, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel.
    • Elle considère que « le sort définitif de la créance était subordonné à une instance pendante devant les juges du fond, de sorte que cette créance, litigieuse et donc dépourvue de caractère certain, ne pouvait être incluse dans le passif exigible retenu »
    • Pour la première civile, la créance litigieuse ne pouvait donc pas être qualifiée en l’espèce de créance exigible, dans la mesure où son sort définitif n’était pas encore scellé.
    • Tant que les juges du fond n’ont pas statué, la créance demeure incertaine, d’où l’impossibilité de l’intégrer dans le calcul du passif exigible.

Cass. 1ère civ. 25 nov. 2008
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 631-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la SCI Alliance (la SCI) a été condamnée par deux ordonnances de référé à payer diverses sommes à titre de provision à la société Gilles matériaux (société Matériaux) ; que la SCI, qui n'a pas réglé lesdites sommes, a saisi les juges du fond ; que dans le même temps, la société Matériaux a fait assigner la SCI aux fins de faire constater son état de cessation des paiements et voir, en conséquence, prononcer l'ouverture d'un redressement judiciaire à son encontre ;

Attendu que pour ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SCI, l'arrêt retient que la créance de la société Matériaux est exigible en vertu des ordonnances de référé et que le fait qu'une instance au fond soit en cours n'en suspend pas l'exécution provisoire ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le sort définitif de la créance était subordonné à une instance pendante devant les juges du fond, de sorte que cette créance, litigieuse et donc dépourvue de caractère certain, ne pouvait être incluse dans le passif exigible retenu, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté l'exception de sursis à statuer, l'arrêt rendu le 25 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

ii) L’actif disponible

Pour être en cessation des paiements, le débiteur doit se trouver dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

Quel sens donner à la formule « actif disponible » ?

Il s’agit de l’actif immédiatement réalisable, soit celui qui le débiteur est en mesure de rassembler afin de satisfaire à la demande de règlement du créancier.

==> Problématique

La difficulté soulevée par la notion d’actif disponible réside dans la question de savoir ce que l’on doit entendre par « disponible ».

Plus précisément, à partir de quand peut-on considérer que l’actif du débiteur est disponible ?

Est-ce seulement l’actif mobilisable immédiatement ? À très court terme ? À court terme ? À moyen terme ?

Où placer le curseur ?

Si le débiteur possède des biens immobiliers, doivent-il être pris en compte dans le calcul de l’actif disponible où doit-on estimer que l’existence d’un délai entre la demande du créancier et la vente des biens ne permet pas de les intégrer dans l’actif disponible ?

==> La jurisprudence

Il ressort de la jurisprudence que la notion d’actif disponible est entendue très étroitement par la Cour de cassation.

Bien que cette dernière n’ait pas donné de définition précise de la notion, ces différentes décisions permettent de cerner son niveau d’exigence à l’endroit des juges du fond.

  • Les éléments exclus de l’actif disponible
    • Les biens immobiliers
      • Dans un arrêt du 27 février 2007, la Cour de cassation a estimé que « l’actif de la société, constitué de deux immeubles non encore vendus, n’était pas disponible» ( com. 27 févr. 2007)
      • En l’espèce, le débiteur était pourtant sur le point de recevoir paiement du prix de vente dans le cadre d’une opération d’expropriation.
      • Cet argument n’a toutefois pas convaincu la chambre commerciale qui a confirmé l’état de cessation des paiements constaté par la Cour d’appel.
    • Le fonds de commerce
      • Dans un arrêt du 26 janvier 2015, la Cour de cassation s’est prononcée en faveur de l’exclusion du fonds de commerce de l’actif disponible du débiteur.
        • Faits
          • Une société est placée en redressement judiciaire après constat de l’état de cessation des paiements
        • Demande
          • Le liquidateur assigne le dirigeant de la société débitrice en paiement des dettes sociales pour n’avoir pas déclaré l’état de cessation des paiements dans les délais
        • Procédure
          • Par un arrêt du 26 janvier 2015, la Cour d’appel de Pau déboute le liquidateur de sa demande
          • Les juges du fond estiment que l’état de cessation des paiements est intervenu à une date postérieure de celle évoquée par le liquidateur
          • Pour eux, devait être pris en compte pour apprécier l’état de cessation des paiements, la valeur du fonds de commerce mis en vente de la société débitrice
        • Solution
          • Par un arrêt du 15 février 2011, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel
          • La Cour de cassation estime, indépendamment de la question du passif exigible, que le fonds de commerce, bien que mis en vente, ne constitue pas un élément de l’actif disponible.
          • La chambre commerciale adopte ici une vision très restrictive de l’actif disponible.
          • Il ne peut s’agir que de l’actif réalisable et mobilisable immédiatement.
          • Or ce n’est pas le cas d’un fonds de commerce mis en vente.
        • Analyse
          • Que retenir de cette décision ?
          • L’actif disponible ne comprend pas les biens réalisables à court terme, ce qui est le cas des immobilisations.
          • Elles doivent donc être systématiquement exclues de l’assiette de l’actif disponible.
    • Une créance à recouvrer
      • La Cour de cassation considère régulièrement qu’une créance à recouvrer ne peut pas être intégrée dans le calcul de l’actif disponible
      • Dans un arrêt du 7 février 2012 elle a estimé en ce sens que « si le montant d’une créance à recouvrer peut, dans certaines circonstances exceptionnelles, être ajouté à l’actif disponible, il résulte des conclusions de Mme Y… que, non seulement, celle-ci n’indiquait pas dans quel délai elle escomptait percevoir le montant de la créance qu’elle invoquait sur le Trésor, mais que celle-ci était égale au montant total des sommes déclarées par le comptable public en 2007 diminué du montant global des décharges d’impositions qu’elle avait obtenues, à la fois par décision d’une juridiction administrative du 1er juin 2010 et par décision de l’administration du 3 août 2006, antérieure aux déclarations des créances fiscales, lesquelles n’ont, dès lors, porté que sur les sommes estimées encore dues, de sorte qu’il n’existait, au vu des conclusions, de certitude ni sur l’existence d’un solde en faveur de Mme Y…, ni sur la possibilité de son encaissement dans des conditions éventuellement compatibles avec la notion d’actif disponible ; que la cour d’appel n’était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes »
      • Autrement dit, pour la chambre commerciale parce que le recouvrement de créance est une opération qui comporte, en soi, une part d’aléa, la créance à recouvrer ne peut être incluse dans le calcul de l’actif disponible, sauf cas exceptionnel.
    • La garantie à première demande
      • Dans un arrêt du 26 juin 1990, la Cour de cassation a estimé qu’une garantie à première demande ne pouvait pas être intégrée dans le calcul de l’actif disponible ( com. 26 juin 1990)
      • Qu’est-ce qu’une garantie à première demande ?
      • Il s’agit d’un acte par lequel un garant (le plus souvent une banque ou une compagnie d’assurances) s’engage à payer dès la 1ère demande et dans un délai de 15 jours, à la demande du bénéficiaire (le pouvoir adjudicateur), une somme d’argent déterminée sans pouvoir soulever d’exception, d’objection ou de contestation tenant à l’exécution de l’obligation garantie selon le contrat de base.
        • Faits
          • En l’espèce, un tiers (le district de Lacq) garantissait une dette du débiteur (la Secadil) à l’égard de l’un de ses créanciers (la Sofrea) en vertu d’une garantie à première demande.
          • Le garant avait également accepté que les sommes qu’il pourrait verser à la suite de l’appel de garantie ne seraient pas immédiatement exigibles dans ses rapports avec la Secadil (le débiteur).
        • Demande
          • La Sofrea (le créancier) assigne son débiteur en redressement judiciaire
        • Procédure
          • La cour d’appel de Pau prononce un sursis à statuer, retenant que la garantie donnée par le district avait pour effet d’apurer le passif de la Secadil vis-à-vis des tiers, sans y substituer une créance exigible
          • Pour les juges du fond le créancier, en l’état, n’apportait pas la preuve de la cessation des paiements de la débitrice, cette preuve ne pouvant être établie que si le jeu des « cautions » ne permettait pas le règlement du prêt.
        • Solution
          • L’arrêt de la Cour de cassation est cassé pour violation de l’article 3 de la loi du 25 janvier 1985, définissant la cessation des paiements.
          • Au soutien de sa décision, elle considère que « après avoir relevé que la SECADIL était dans l’impossibilité de faire face à ses engagements tant envers la SOFREA qu’envers les autres organismes prêteurs, ” le terme d’état de cessation des paiements pouvant donc s’appliquer à elle “, et alors que ni l’existence de la garantie à première demande consentie par le district, ni l’accord de celui-ci pour différer l’exigibilité à son égard de la dette de la SECADIL résultant d’une éventuelle mise en oeuvre de la garantie ne pouvaient influer sur l’appréciation de l’état de cessation des paiements de la société au moment où elle statuait sur la demande, la cour d’appel a violé les textes susvisés»
          • Autrement dit, pour la chambre commerciale ce qui doit être pris en compte pour apprécier l’état de cessation des paiements, c’est uniquement la situation du débiteur au jour où le tribunal statue, sans tenir compte du crédit dont il peut disposer auprès de tiers (banquiers, cautions…).
          • Il s’agissait pourtant d’une garantie à première demande, soit réalisable sous 15 jours.
          • Selon la Cour de cassation ce délai fait obstacle à l’intégration de la garantie à première demande dans l’assiette de l’actif disponible.

Cass. com. 26 juin 1990
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble l'article 380-1 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, créancière de la Société d'exploitation du circuit automobile du district de Lacq (la SECADIL) en vertu d'un prêt de somme d'argent consenti à cette dernière avec la garantie à première demande du district de Lacq (le district) qui avait, par ailleurs, accepté que les sommes versées par lui à ce titre ne deviennent pas immédiatement exigibles dans ses rapports avec la débitrice, la Société de financement régional Elf-Aquitaine (la SOFREA), après commandement fait à l'emprunteuse pour avoir paiement des échéances non réglées, l'a assignée en redressement judiciaire ;

Attendu que, pour surseoir à statuer sur cette demande, l'arrêt retient que la garantie donnée par le district avait pour effet d'apurer le passif de la SECADIL vis-à-vis des tiers, sans y substituer une créance exigible, de sorte que la SOFREA, en l'état, n'apportait pas la preuve de la cessation des paiements de la débitrice, cette preuve ne pouvant être établie que si le jeu des " cautions " ne permettait pas le règlement du prêt ;

Attendu qu'en se prononçant ainsi, après avoir relevé que la SECADIL était dans l'impossibilité de faire face à ses engagements tant envers la SOFREA qu'envers les autres organismes prêteurs, " le terme d'état de cessation des paiements pouvant donc s'appliquer à elle ", et alors que ni l'existence de la garantie à première demande consentie par le district, ni l'accord de celui-ci pour différer l'exigibilité à son égard de la dette de la SECADIL résultant d'une éventuelle mise en oeuvre de la garantie ne pouvaient influer sur l'appréciation de l'état de cessation des paiements de la société au moment où elle statuait sur la demande, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a ordonné le sursis à statuer sur la demande de mise en redressement judiciaire de la SECADIL, l'arrêt rendu le 18 octobre 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse

  • Les éléments inclus dans l’actif disponible
    • Les liquidités
      • Les liquidités correspondent à la trésorerie dont dispose le débiteur sur ses comptes bancaires.
      • De par leur nature, ces fonds sont disponibles à vue.
      • Il en va de même des effets de commerce dont il est susceptible d’être porteur, tels qu’une lettre de change ou un billet à ordre.
      • L’origine des liquidités est indifférente pour la Cour de cassation.
      • Il importe peu, en conséquence, que pour échapper à la cessation des paiements, le débiteur effectue un apport en compte courant (V. en ce sens com. 24 mars 2004).
      • Cette démarche ne doit toutefois pas avoir pour finalité de maintenir artificiellement en vie « une société qui était manifestement en état de cessation de paiements avec ses seuls actifs».
    • Les réserves de crédit
      • Aux termes de l’article L. 631-1 du Code de commerce, « le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements»
      • Pour mémoire, cette précision a été ajoutée par l’ordonnance du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté
      • Alors que sous l’empire du droit antérieur la jurisprudence a pu être fluctuante sur cette question, l’intervention du législateur a permis de clarifier les choses.
      • Les réserves de crédits consenties au débiteur par les créanciers, doivent être incluses dans le calcul de l’actif disponible.

==> Conclusion

Il ressort de la jurisprudence que la notion d’actif disponible doit être entendue très étroitement.

Il ne peut s’agir que des éléments immédiatement réalisables.

Un parlementaire avait suggéré de n’y intégrer que les éléments d’actifs réalisables à un mois (Amendement Lauriol : JOAN CR, 16 oct. 1984, p. 4690).

Cette proposition n’a pas été retenue, le gouvernement de l’époque ne souhaitant pas enfermer la notion de cessation des paiements dans des délais, ce qui présenterait l’inconvénient de considérablement réduire la marge d’appréciation laissée au juge.

Or en matière de traitement des entreprises en difficulté, c’est le principe du cas par cas qui préside à la décision des tribunaux.

Aussi, l’actif disponible correspond-il à celui qui peut être mobilisé à très court terme, ce qui exclut tous les biens dont la réalisation suppose l’accomplissement de formalités.

La conséquence en est que ne peut être comprise dans l’actif disponible la valeur du patrimoine immobilier du débiteur qui, bien que supérieure au passif exigible, n’est pas réalisable immédiatement.

iii) L’impossibilité de faire face au passif exigible avec l’actif disponible

Pour être en cessation des paiements, il ne suffit pas que le débiteur présente un lourd passif exigible, encore faut-il que celui-ci ne puisse pas être couvert par l’actif disponible.

Aussi, cela signifie-t-il que le simple défaut de paiement du débiteur ne saurait fonder l’ouverture d’une procédure collective.

Dès lors que le débiteur a la capacité de faire face, il est à l’abri, à la condition toutefois que l’actif dont il fait état ne soit pas artificiel ni ne soit obtenu par des moyens frauduleux, telle l’émission de traites de complaisance.

Concrètement, c’est seulement lorsque le débiteur ne sera plus en mesure de se faire consentir des crédits par ses créanciers ou par un organisme prêteur que la cessation des paiements sera caractérisée.

L’ouverture d’une procédure collective apparaît alors inévitable.

b) L’approche négative de la cessation des paiements

La cessation des paiements se distingue de plusieurs situations et notions qu’il convient d’envisager afin de mieux la cerner.

==> Cessation des paiements et insolvabilité

La cessation des paiements c’est la situation du débiteur qui s trouve dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible

L’insolvabilité c’est la situation du débiteur qui se trouve dans l’impossibilité de faire face à la totalité des dettes qui pèsent sur sa tête avec l’ensemble de son actif.

Autrement dit, tandis que pour établir la cessation des paiements on se limite à comparer le passif exigible à l’actif disponible, l’insolvabilité résulte d’un déséquilibre entre l’ensemble du passif contracté par le débiteur et la totalité de l’actif porté à son crédit.

Si, la plupart du temps, les entreprises qui font l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire sont insolvables, cette situation ne saurait se confondre avec l’état de cessation des paiements.

Deux raisons peuvent être avancées au soutien de ce constat :

  • La solvabilité ne fait pas obstacle à la cessation des paiements
    • Un débiteur peut parfaitement être solvable, soit être en possession d’un actif dont la valeur est supérieure à son passif.
    • Pour autant, il peut ne pas être en mesure de faire face à son passif disponible, l’actif qu’il possède n’étant pas disponible, car non réalisable immédiatement.
    • Telle est l’issue à laquelle est susceptible de conduire la solution adoptée par la Cour de cassation dans l’arrêt du 27 février 2007.
    • Pour mémoire, elle avait estimé dans cette décision que « l’actif de la société, constitué de deux immeubles non encore vendus, n’était pas disponible» ( com. 27 févr. 2007)
  • L’insolvabilité ne correspond pas nécessairement à la cessation des paiements
    • Le passif d’une entreprise pris dans sa totalité peut être nettement supérieur à son actif disponible, sans pour autant que cette dernière soit en cessation des paiements
    • Seul le passif exigible de l’entreprise ne peut, en effet, être pris en compte, soit les dettes échues.
      • Exemple
        • Une société en formation emprunte la somme d’un million d’euros pour acquérir un immeuble tandis que son actif disponible n’est que de 100.000 euros
        • Si l’on compare le passif et l’actif de cette entreprise, il ne fait aucun doute qu’il en résulte un déséquilibre négatif
        • Toutefois, pour déterminer si elle est en cessation de paiements il convient d’intégrer au calcul, non pas le montant total de la somme empruntée, mais le montant des échéances mensuelles dues.
        • Si lesdites échéances sont de 10.000 euros par mois, l’entreprise peut sans aucune difficulté y faire face avec son actif disponible.

==> Cessation des paiements et situation irrémédiablement compromise

La situation irrémédiablement compromise est la situation dans laquelle se trouve un débiteur qui emprunte de manière irréversible le chemin de la liquidation judiciaire.

Autrement dit, lorsque le débiteur est dans cette situation il n’y a plus aucun espoir qu’il surmonte les difficultés rencontrées.

Les dettes accumulées sont telles, que l’élaboration d’un plan de redressement est inutile. Aussi, le Président du Tribunal n’aura d’autre choix que de prononcer la liquidation judiciaire de l’entreprise.

Si la situation irrémédiablement compromise ne constitue pas l’événement déclencheur d’une procédure collective, lorsqu’elle est établie elle ouvre le droit du banquier de résilier unilatéralement, sans préavis, sa relation avec le débiteur, sans risque pour lui de voir sa responsabilité engagée pour rupture abusive.

L’article L. 313-12, al. 2e du Code monétaire et financier prévoit en ce sens que « l’établissement de crédit ou la société de financement n’est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l’ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise. »

==> Cessation des paiements et défaut de paiement

Le défaut de paiement du débiteur ne saurait, en aucun, cas constituer une cause d’ouverture d’une procédure collective, sauf à ce que cette défaillance soit la manifestation de l’état de cessation des paiements.

Cette règle a notamment trouvé application dans un arrêt de la chambre commerciale du 27 avril 1993.

  • Faits
    • Redressement judiciaire d’une personne physique
    • Ce redressement fait suite à l’assignation du débiteur par un organisme en raison d’un impayé de cotisations sociales
  • Demande
    • Assignation en redressement judiciaire
  • Procédure
    • Par un arrêt du 2 avril 1991, la Cour d’appel de Montpellier fait droit à la demande du créancier, elle confirme l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.
    • Les juges du fonds estiment que les impayés du débiteur font présumer la cessation des paiements
    • Aussi, reviendrait-il au débiteur de démontrer que sa défaillance est le fruit d’un refus de paiement et non d’une impossibilité de faire face à sa dette
  • Solution
    • Par un arrêt du 27 avril 1993, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel
    • Au soutien de sa décision, la chambre commerciale considère que « la cessation des paiements est distincte du refus de paiement et doit être prouvée par celui qui demande l’ouverture du redressement judiciaire»
    • Deux enseignements peuvent être retirés de la solution dégagée par la Cour de cassation
      • D’une part, la cessation des paiements ne s’apparente pas à un refus de paiement
        • La seule comparaison du passif exigible à l’actif disponible permet d’établir la cessation des paiements
      • D’autre part, en aucun cas il appartient au débiteur de prouver qu’il n’est pas en cessation des paiements
        • La Cour d’appel a renversé la charge de la preuve

Cass. com. 27 avr. 1993
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Vu l'article 1315 du Code civil, ensemble l'article 3, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que la cessation des paiements est distincte du refus de paiement et doit être prouvée par celui qui demande l'ouverture du redressement judiciaire ;

Attendu que pour confirmer la mise en redressement judiciaire de M. X... sur assignation de l'Union des travailleurs indépendants mutualistes de l'Hérault (l'UTIMH), à laquelle il est redevable d'un arriéré de cotisations, l'arrêt attaqué retient que son passif fait présumer l'état de cessation de ses paiements, et qu'il lui appartient, en conséquence, de rapporter la preuve que sa défaillance est justifiée par un refus de paiement résultant d'une prise de position de caractère syndical et qu'il est en mesure de régler ses dettes, ce qu'il ne fait pas ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que M. X... se trouve dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 avril 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.

2. Le régime de la cessation des paiements

==> La preuve de la cessation des paiements

  • Charge de la preuve
    • Principe
      • La preuve de la cessation des paiements pèse sur celui qui s’en prévaut.
      • Pour vérifier la réalité de la cessation des paiements le Tribunal saisi désignera le plus souvent un expert.
    • Limite
      • Lorsqu’une demande de conversion d’une procédure de redressement judiciaire et liquidation judiciaire est formulée, la Cour de cassation admet que l’état de cessation des paiements puisse ne pas être prouvé.
      • La chambre commerciale a estimé en ce sens après avoir relevé que « la conversion du redressement en liquidation judiciaire devait être examinée au regard des dispositions de l’article L. 631-15, II, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008, applicable en la cause ; que la cessation des paiements étant déjà constatée lors de l’ouverture du redressement judiciaire, le renvoi opéré par ce texte à l’article L. 640-1 du même code ne peut viser que la condition relative à l’impossibilité manifeste du redressement ; que dès lors, la cour d’appel n’avait pas à se prononcer sur la cessation des paiements» ( com. 23 avr. 2013).
  • Moyens de preuve
    • La preuve de la cessation des paiements se fait par tout moyen.
    • La plupart du temps c’est la méthode du faisceau d’indices qui sera appliquée par les tribunaux
    • Ce qui importe c’est que la preuve rapportée soit précise.
    • Les juridictions ne sauraient se contenter de motifs généraux pour retenir l’état de cessation des paiements (V. en ce sens com. 13 juin 2006).

==> La date de la cessation des paiements

  • Rôle de la date de cessation des paiements
    • La détermination de la date de la cessation des paiements comporte trois enjeux
      • Lorsqu’il constate l’état de cessation des paiements, le débiteur dispose d’un délai de 45 jours pour déclarer sa situation au Tribunal compétent
      • La date de cessation des paiements fixe le point de départ de la période suspecte, soit de la période au cours de laquelle certains actes conclus avec des tiers sont susceptibles d’être annulés.
      • Certaines sanctions prévues contre les dirigeants visent des faits intervenus postérieurement à la cessation des paiements, tels que la banqueroute.
  • Fixation initiale de la date de cessation des paiements
    • Aux termes de l’article L. 631-8 du Code de commerce le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur.
    • À défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d’ouverture de la procédure.
    • Ainsi, le Tribunal tentera de déterminer le plus précisément possible le moment à partir duquel le débiteur n’était plus en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
    • Si l’identification de ce moment est impossible, c’est la date du jugement d’ouverture qui fera office de date de la cessation des paiements.
    • En toute hypothèse, la cessation des paiements doit être appréciée au jour où la juridiction statue (V. en ce sens com. 14 nov. 2000).
    • Il en va de même lorsque le débiteur a interjeté appel ( com. 7 nov. 1989).

==> Report de la date de cessation des paiements

  • Principe
    • En cours de procédure, le Tribunal peut être conduit à modifier la date de cessation des paiements
    • L’article L. 631-8, al. 2e dispose en ce sens que « elle peut être reportée une ou plusieurs fois»
  • Conditions
    • Les personnes ayant qualité à agir
      • La demande de report de la date de cessation des paiements ne peut être formulée que par les personnes limitativement énumérées par l’article L. 631-8, al. 3e du Code de commerce
        • l’administrateur
        • le mandataire judiciaire
        • le ministère public
      • Ainsi, le débiteur n’a pas qualité à agir en report de la date de cessation des paiements.
      • Il en va de même pour les créanciers qui souhaiteraient agir à titre individuel
    • Le délai de demande du report
      • L’article L. 631-8 du Code de commerce prévoit que la demande de modification de date doit être présentée au tribunal dans le délai d’un an à compter du jugement d’ouverture de la procédure.
      • Une fois ce délai écoulé, l’action en report est forclose de sorte que la date de cessation des paiements est définitivement figée.
  • Limites
    • La possibilité pour le Tribunal saisi de reporter la date de cessation des paiements est enfermée dans trois limites
      • Première limite : date butoir
        • Si la date de cessation des paiements peut être reportée plusieurs fois, elle ne peut pas être antérieure à plus de 18 mois à la date du jugement d’ouverture de la procédure
        • La date butoir des 18 mois peut être écartée dans certains cas prévus par la jurisprudence
          • Caractérisation du délit de banqueroute ( crim. 12 janv. 1981).
          • Action en comblement de l’insuffisance d’actif ( com. 30 nov. 1993).
      • Deuxième limite : homologation de l’accord amiable
        • Lorsqu’une procédure de conciliation a été ouverte et que l’accord conclu entre le débiteur et les créanciers a été homologué, la date de cessation des paiements ne peut pas être antérieure à la date de la décision d’homologation.
      • Troisième limite : personne morale en formation
        • La date de cessation des paiements ne peut fort logiquement jamais être reportée antérieurement à la date de naissance de la personne morale, quand bien même la date butoir des 18 mois n’est pas atteinte ( com. 1er févr. 2000).

==> L’unité de la cessation des paiements

  • Droit antérieur
    • Sous l’empire du droit antérieur, il a été admis par la chambre criminelle dans un arrêt du 18 novembre 1991 que, « pour déclarer constitué le délit de banqueroute, le juge répressif a le pouvoir de retenir, en tenant compte des éléments soumis à son appréciation, une date de cessation des paiements autre que celle déjà fixée par la juridiction consulaire» ( crim. 18 nov. 1991)
    • Deux dates de cessation des paiements pouvaient de la sorte être fixées
      • L’une pour déterminer le point de départ de la période suspecte
      • L’autre pour déterminer si une infraction pénale a été commise par le dirigeant
    • Cette position de la chambre criminelle a été confirmée par la suite (V. notamment en ce sens crim. 21 juin 1993)
    • De son côté, la chambre commerciale avait également admis que la date de cessation des paiements pouvait être fixée différemment d’une juridiction consulaire à une autre ( com. 20 juin 1993)
    • Il en va ainsi lorsque, par exemple, après avoir prononcé l’ouverture d’une procédure collective, le juge consulaire
      • Soit prononce la faillite personnelle du dirigeant
      • Soit le condamne en comblement du passif
      • Soit le condamne en redressement judiciaire
    • Cette autonomie des juridictions consulaires se justifie par la possibilité qui leur a été reconnue de s’affranchir de la date butoir des 18 mois quant à la fixation de la date de cessation des paiements.
  • Droit positif
    • Par un arrêt du 4 novembre 2014, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en posant comme principe que « l’omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, susceptible de constituer une faute de gestion, s’apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture ou dans un jugement de report» ( com. 4 nov. 2014).
    • Ainsi, la Cour de cassation consacre-t-elle le principe général d’unité de la notion de cessation des paiements
    • Le mouvement avait déjà été enclenché par le décret n° 2005-1677 du 28 décembre 2005 pris en application de la loi du 26 juillet 2005.
    • Ce texte prévoyait, en effet, que « pour l’application de l’article R. 653-8, la date retenue pour la cessation des paiements ne peut être différente de celle retenue en application de l’article L. 631-8».
    • La Cour de cassation en avait tiré la conséquence dans un arrêt du 5 octobre 2010 « qu’il résulte des dispositions des articles L. 653-8, alinéa 3, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, et R. 653-1, alinéa 2, du code de commerce que, pour sanctionner par l’interdiction de gérer le dirigeant de la société débitrice qui n’a pas déclaré la cessation des paiements de celle-ci dans le délai légal, la date de la cessation des paiements à retenir ne peut être différente de celle fixée par le jugement d’ouverture de la procédure collective ou un jugement de report ; que, dès lors, ce dirigeant a un intérêt personnel à contester la décision de report de la date de cessation des paiements ; que son pourvoi formé à titre personnel est, en conséquence, recevable» ( com. 5 octobre 2010).
    • Le champ d’application de cette solution était cependant circonscrit au domaine de la sanction relative à l’interdiction de gérer.
    • Dans l’arrêt du 4 novembre 2014, la Cour de cassation étend cette solution à toutes les actions dont l’exercice est subordonné à l’établissement de la cessation des paiements (action en comblement de l’insuffisance d’actif, poursuite du délit de banqueroute etc.).
    • Reste désormais une question en suspens : la chambre criminelle se ralliera-t-elle à la position de la chambre commerciale ?

Cass. com. 4 nov. 2014
Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’après la mise en redressement puis liquidation judiciaires de la société Arizona (la société) les 4 février et 9 avril 2008, M. Y..., agissant en qualité de liquidateur, a assigné le gérant de cette société, M. X... (le dirigeant), en responsabilité pour insuffisance d’actif et en prononcé d’une mesure d’interdiction de gérer ;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l’article L. 651 2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu que l’omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, susceptible de constituer une faute de gestion, s’apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture ou dans un jugement de report ;

Attendu que pour condamner le dirigeant à contribuer à l’insuffisance d’actif de la société, l’arrêt retient que cette dernière était en cessation des paiements depuis au moins le 5 juillet 2007 et qu’en s’abstenant d’en faire la déclaration dans le délai de quarante cinq jours, le dirigeant a commis une faute de gestion ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans préciser si la date du 5 juillet 2007 était celle fixée par le jugement d’ouverture ou un jugement de report, la cour d’appel, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article L. 653 8, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008, et l’article R. 653 1, alinéa 2, du même code ;

Attendu que pour condamner le dirigeant à une mesure d’interdiction de gérer, l’arrêt retient l’omission de déclarer, dans le délai légal, la cessation des paiements, dont il fixe la date au 5 juillet 2007 ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans préciser si la date du 5 juillet 2007 était celle fixée par le jugement d’ouverture ou un jugement de report, la cour d’appel, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 janvier 2013, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée

III) L’extension de la procédure de sauvegarde

Lorsqu’une procédure de sauvegarde est ouverte elle n’a, en principe, pour seul sujet que le débiteur qui justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter.

Et pour cause, la finalité d’une telle procédure est d’assurer « la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. »

Attraire dans le champ d’une telle procédure à une personne morale ou physique tierce qui se porte bien serait, par conséquent, un non-sens, quand bien même cette personne se trouverait dans une position de dépendance économique par rapport au débiteur.

Fort de ce postulat, doit-on tirer la conséquence que dès lors qu’une entreprise est in bonis, cette situation constitue un obstacle à l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ?

Très tôt la jurisprudence a rejeté cette thèse.

Dès le XIXe siècle elle a considéré qu’une entreprise qui ne rencontrait aucune difficulté pouvait parfaitement faire l’objet d’une procédure collective, soit parce qu’elle n’était autre qu’une personne morale fictive derrière laquelle se réfugiait le débiteur aux fins d’organiser son insolvabilité, soit parce qu’existait entre elle et ce dernier une confusion des patrimoines.

Pour ce faire, la jurisprudence a forgé la règle de l’extension de procédure.

Cette règle consiste à étendre une procédure collective préalablement ouverte à l’encontre d’un débiteur à une ou plusieurs autres personnes qui ne remplissent pas nécessairement les conditions d’éligibilité.

La juridiction saisie mène à bien la procédure ainsi ouverte à l’encontre des personnes morales ou physiques visées comme s’il n’y avait qu’un seul débiteur. Les éléments d’actif et de passif font alors l’objet d’une appréhension globale.

Schéma 1

Lors de l’adoption de la loi du 26 juillet 2005, le législateur est venu consacrer cette construction jurisprudentielle en ajoutant un alinéa 2 à l’article L. 621-2 du Code de commerce aux termes duquel « à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale. »

Lorsque l’une des causes d’extension de la procédure de sauvegarde énoncée par ce texte est caractérisée (A), il s’ensuit la mise en œuvre d’une procédure commune aux personnes visées (B), laquelle emporte des conséquences singulières (C)

A) Les causes d’extension de la procédure de sauvegarde

Il ressort de l’article L. 621-2, al. 2 du Code de commerce que la procédure de sauvegarde est susceptible de faire l’objet d’une extension dans deux cas :

  • La confusion de patrimoines
  • La fictivité de la personne morale
  1. La confusion de patrimoines

En substance, la confusion des patrimoines consiste pour des personnes morales ou physiques qui, en apparence, arborent des patrimoines distincts, se comportent comme s’il n’existait qu’un seul patrimoine.

La notion de confusion des patrimoines n’est toutefois définie par aucun texte. Aussi, c’est à la jurisprudence qu’est revenue la tâche d’en délimiter les contours.

Il ressort des décisions rendues en la matière que la confusion de patrimoines est établie par la caractérisation de deux critères alternatifs que sont :

  • L’existence d’une imbrication inextricable des patrimoines
  • L’existence de relations financières anormales

a) L’existence d’une imbrication inextricable des patrimoines

Ce critère correspond à l’hypothèse où les patrimoines sont tellement enchevêtrés l’un dans l’autre qu’il est impossible de les dissocier.

L’analyse de la jurisprudence révèle que cette situation se rencontre dans deux cas distincts :

==> Existence d’une confusion des comptes

Il ressort d’un arrêt rendu en date du 24 octobre 1995, que l’imbrication des patrimoines peut se déduire de l’existence d’une confusion des comptes entre ceux tenus par le débiteur et la personne morale ou physique avec laquelle il est en relation d’affaires (Cass. com. 24 oct. 1995).

  • Faits
    • Accord de commercialisation conclu entre la société Forest I et la société Leading
    • Par cet accord, la société Forest I qui avait acquis 50% du capital de la société Leading, a pris en location gérance le fonds de cette dernière société
    • Il en est résulté la mise en commun de moyens de gestion financière, industrielle et comptable
    • Survenance d’un désaccord entre les deux sociétés
      • Demande de rétrocession des actions acquises par la société Forest I
      • Demande de résiliation du contrat de gérance
    • Dans ce contexte, ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société Leading
    • Cette procédure est étendue à la société Forest I
  • Demande
    • La société Forest I conteste cette extension de la procédure collective
  • Procédure
    • Par un arrêt du 8 décembre 1992, la Cour d’appel de Bourges confirme l’extension de la procédure de redressement judiciaire à la société Forest I
    • La Cour d’appel estime que, en raison du désordre généralisé des comptes et de l’état d’imbrication ce ces derniers, la confusion des patrimoines des 2 sociétés est caractérisée.
    • Dès lors, l’existence de cette caractérisation de patrimoines justifie l’extension de la procédure de redressement à la société Forest I
  • Moyens
    • L’auteur du pourvoi soutient que la seule imbrication d’intérêts entre deux sociétés ne suffit pas à caractériser la confusion de patrimoines.
  • Solution
    • Par un arrêt du 24 octobre 1995, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société Forest I
    • La Cour de cassation juge, en l’espèce qu’il résulte du désordre généralisé des comptes et de l’état d’imbrication inextricable entre les deux sociétés une confusion de leurs patrimoines respectifs, de sorte que l’extension par la CA de la procédure de redressement à la société Forest I est justifiée.
    • Manifestement, la chambre commerciale exerce ici un contrôle strict sur la motivation des juges du fond
    • L’étroitesse de ce contrôle vise à éviter que les Tribunaux n’admettent trop facilement l’extension d’une procédure collective.
    • Cette situation doit demeurer une exceptionnelle :
      • D’une part, en raison du bouleversement qu’elle provoque sur les droits des créanciers
      • D’autre part, parce qu’un tel montage n’est pas automatiquement illicite si les deux sociétés
        • agissent ouvertement,
        • sont gérées de façon autonome
        • leurs relations sont juridiquement causées par la conclusion de contrats en bonne et due forme
      • Lorsque les juges du fond entendent retenir la confusion des patrimoines, il leur faudra, en conséquence, motiver substantiellement leur décision.
      • Dans l’arrêt en l’espèce, la Cour de cassation a manifestement été contrainte de piocher dans la motivation des juges de première instance pour sauver la décision des juges d’appel.
      • Autre enseignement important de cette décision, la chambre commerciale relève que «  l’exécution partielle des divers contrats conclus entre les deux sociétés a créé un désordre généralisé des comptes et un état d’imbrication inextricable entre elles»
      • On peut en déduire que pour être établie, l’imbrication des patrimoines doit se traduire par une impossibilité de distinguer les passifs nés de l’un des débiteurs ou du chef de l’autre.
      • La reconstitution des patrimoines respectifs doit, autrement dit, être impossible, ce qui suppose une confusion des comptes, d’où l’importance de cet élément.

La confusion des comptes n’est pas le seul indice auquel s’attachent les juges pour retenir l’imbrication des patrimoines.

Cass. com. 24 oct. 1995
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Leading reproche à l'arrêt confirmatif attaqué (Bourges, 8 décembre 1992) de lui avoir étendu le redressement judiciaire de la société Forest I aux motifs, selon le pourvoi, que le jugement d'extension ne se trouvait pas entaché de nullité et de vice de forme, alors, d'une part, que la société Leading avait soutenu dans ses conclusions qu'en vertu de l'article 6 de la loi du 25 janvier 1985, le tribunal ne pouvait statuer sur l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à son encontre qu'après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil les représentants du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel ;

que cette formalité substantielle n'ayant pas été remplie, la procédure d'extension devait être annulée et le jugement infirmé et que la cour d'appel aurait dû répondre au moyen ainsi soulevé ;

et alors, d'autre part, que la société Leading avait soutenu dans ses conclusions qu'elle n'avait pas pu présenter sa défense devant les premiers juges et qu'il en était résulté une violation du contradictoire et des droits de la défense devant entraîner l'annulation du jugement dont appel et que la cour d'appel était tenue de se prononcer sur le moyen ainsi soulevé ;

Mais attendu, d'une part, que le débiteur n'a pas qualité pour invoquer le défaut de convocation des représentants du comité d'entreprise ou des délégués du personnel préalablement à la décision du tribunal sur l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;

Attendu, d'autre part que l'appel de la société Leading tendant à l'annulation du jugement, la cour d'appel se trouvait saisie de l'entier litige et devait, en vertu de l'article 562, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, statuer sur le fond, même si elle déclarait le jugement nul ;

que, dès lors, le moyen est irrecevable, faute d'intérêt ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Leading reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, que le redressement judiciaire d'une personne morale ne peut être étendu à une autre qu'en cas de confusion de leurs patrimoines ou de fictivité de l'une d'elles ;

que ne répond à aucune de ces hypothèses une imbrication d'intérêts suite à l'exécution de contrats les ayant liées entre elles et la nécessité d'une expertise amiable destinée à apurer les comptes entre les parties ; que la cour d'appel n'ayant relevé aucun élément de fait établissant une quelconque confusion de patrimoines entre deux sociétés indépendantes ou leur fictivité ou celle de leurs activités communes, elle n'a pu étendre de la société Forest I à la société Leading le redressement judiciaire de la première qu'en violation des articles 1842, alinéa 1er, du Code civil, et 7, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'après avoir constaté, tant par motifs propres qu'adoptés, qu'en application d'un accord de commercialisation, la société Forest I, qui avait acquis une participation de 50 % dans le capital de la société Leading, a pris en location-gérance le fonds de commerce de cette société, mettant en commun avec elle certains moyens de gestion financière, industrielle et comptable et qu'à la suite d'un désaccord entre les parties et de la désignation judiciaire d'un adminis- trateur provisoire de la société Leading, il a été décidé de procéder à la rétrocession des actions de la société Leading détenues par la société Forest I et à la résiliation du contrat de location-gérance mais que faute de paiement du prix des actions de la société Leading, ces accords n'ont pas été appliqués, l'arrêt relève que l'exécution partielle des divers contrats conclus entre les deux sociétés a créé un désordre généralisé des comptes et un état d'imbrication inextricable entre elles ; que par ces constatations et appréciations retenant la confusion de patrimoines des deux sociétés, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi

==> Existence d’une identité d’entreprise, d’activité et de patrimoine

L’imbrication des patrimoines ne se caractérise pas seulement par la confusion des comptes, elle peut également avoir pour origine l’existence d’une identité d’entreprise, d’activité et de patrimoine.

Cette situation a été mise en exergue par un arrêt du 2 juillet 2013 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com. 2 juill. 2013).

  • Faits
    • Une épouse qui exerçait à titre personnel une activité dans le secteur du bâtiment fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire
    • Il s’ensuivra une extension de la procédure de liquidation au conjoint de cette dernière ainsi qu’à l’EURL dont il était l’associé unique et gérant
  • Demande
    • L’époux conteste l’extension à son endroit ainsi qu’à son EURL de la procédure de liquidation dont faisait l’objet sa conjointe
  • Procédure
    • Par un arrêt du 10 novembre 2011, la Cour d’appel de Nîme déboute l’époux de sa demande
    • Les juges du fond relèvent, entre autres, pour retenir la confusion des patrimoines plusieurs éléments
      • Participation active du mari dans l’activité de son épouse
      • Réciproquement, immixtion de l’épouse dans l’activité de l’Eurl
      • L’organisation du travail entre les deux époux s’apparentait à une identité d’entreprise, d’activité et de patrimoine
  • Solution
    • La cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’époux gérant de l’EURL
    • Ainsi, confirme-t-elle la solution dégagée par la Cour d’appel aux termes de laquelle l’extension de procédure collective fondée sur une confusion de patrimoines peut intervenir entre personnes physiques.
    • Autre apport de cet arrêt, la Cour de cassation considère que la confusion de patrimoines peut résulter, outre d’une confusion des comptes, de l’existence « d’une véritable identité d’entreprise, d’activité et de patrimoine».
    • C’est là le second indice qui conduira les juges à retenir la confusion de patrimoines, étant précisé que la Cour de cassation exige une motivation substantielle de la décision.
    • Les juges du fond devront donc établir factuellement l’existence de cette identité d’entreprise comme s’est employée à la vérifier la Cour de cassation dans l’arrêt en l’espèce.

Cass. com. 2 juill. 2013
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 10 novembre 2011), que Mme X..., qui exerçait, à titre personnel, une activité dans le secteur du bâtiment sous l'enseigne RS Construction, a été mise en liquidation judiciaire le 19 décembre 2007 ; que le liquidateur a assigné en extension de la liquidation judiciaire sur le fondement de l'article L. 621-2 du code de commerce le conjoint de Mme X... et l'Eurl Construction et rénovation du sud (l'Eurl), immatriculée le 21 novembre 2007 par M. X... qui en était l'unique associé et le gérant ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé à son encontre et à l'encontre de l'Eurl l'extension de la procédure de liquidation judiciaire alors, selon le moyen :

1°/ que la procédure de liquidation judiciaire d'une personne ne peut être étendue à une autre qu'en cas de fictivité de la personnalité morale ou de confusion de leur patrimoine ; qu'en affirmant que l'organisation du travail de l'entreprise « s'est en permanence poursuivie, au point qu'il s'agit plus d'une imbrication ou même d'une confusion, mais d'une véritable et exacte et totale identité d'entreprise, d'activité et de patrimoine, avec les mêmes personnes », c'est-à-dire en écartant expressément la confusion des patrimoines sans retenir de fictivité de la personnalité morale, tout en étendant la liquidation judiciaire à M. X... et à l'Eurl, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses constatations, en violation de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

2°/ qu'en étendant la procédure collective à M. X... et à l'Eurl sans rechercher s'il y avait eu confusion entre leur patrimoine et celui de Mme X... ou si la personnalité morale était fictive, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

3°/ que pour étendre la procédure de liquidation judiciaire d'une personne à une autre personne sur le fondement de la confusion des patrimoines, des relations financières anormales ou une confusion des comptes doivent être caractérisées entre les deux personnes ; qu'à défaut de caractériser une telle situation entre Mme et M. X..., la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

4°/ que dans ses conclusions d'appel M. X... indiquait qu'« en l'absence de toutes autres ressources du couple, M. X... décidait de constituer une Eurl, immatriculée le 21 novembre 2007, il reprenait les engagements qu'il avait signés pour le compte de sa société en formation (11 juillet 2007) notamment auprès de Mme Y..., maître d'ouvrage » ; qu'en affirmant « qu'il reconnaît ainsi que bien avant de créer sa propre société et même la procédure collective de son époux (novembre 2007), il a mis en oeuvre en sous main, dans son intérêt et celui de son épouse, une structure pour continuer la même activité avec un même client », voyant ainsi dans la constitution de l'Eurl un comportement frauduleux, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. X..., en violation de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, la participation active de M. X... dans l'exploitation de l'activité de son épouse et l'immixtion de celle-ci dans l'activité de l'Eurl, l'arrêt retient que l'Eurl, immatriculée dans le même temps où Mme X... déclarait sa cessation des paiements et portant une raison sociale proche de l'enseigne de Mme X..., a poursuivi les activités et les chantiers en cours et réglé les factures de cette dernière ; qu'il retient encore, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que l'organisation du travail entre les deux conjoints s'est en permanence poursuivie au point de créer une véritable et totale identité d'entreprise, d'activité et de patrimoine et que la création de l'Eurl ne constituait qu'un leurre ; que, par ces constatations et appréciations, caractérisant, d'un côté, l'existence de relations financières anormales justifiant l'extension de la liquidation judiciaire de Mme X... à son conjoint et, de l'autre, la fictivité de l'Eurl justifiant l'extension de la même procédure à la société, la cour d'appel a, hors toute dénaturation, légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui manque en fait dans sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

b) L’existence de relations financières anormales

Lorsque les personnes qui font l’objet de la procédure d’extension sont des personnes morales, la confusion des patrimoines se déduira de l’existence de relations financières anormales.

La jurisprudence a sensiblement évolué sur la définition de ce critère.

==> Premier temps : exigence de flux financiers anormaux

Dans un arrêt rendu le 11 mai 1993, la jurisprudence avait défini la confusion de patrimoines par un critère déterminant : l’existence de flux financiers anormaux tels qu’il n’est plus possible de distinguer les actifs et les passifs des deux sociétés.

Elle avait estimé en ce sens dans cette décision « qu’ayant relevé que la présence de dirigeants ou d’associés communs, l’identité d’objets sociaux, la centralisation de la gestion en un même lieu, l’existence de relations commerciales constantes et la communauté de clientèle ne suffisaient pas à démontrer la confusion des patrimoines des sociétés Agratex, Soproco et Sofradimex, dès lors qu’elles conservaient une activité indépendante, un actif et un passif propre et qu’aucun flux financier anormal n’existait entre elles, la cour d’appel, qui a effectué les recherches visées aux deux premières branches du moyen et n’avait pas à effectuer celle, inopérante, visée à la troisième branche, a légalement justifié sa décision »

La Cour de cassation s’appuiera sur cette notion pour caractériser la confusion des patrimoines dans de nombreux autres arrêts.

Dans un arrêt du 10 juillet 2012, elle estime, par exemple, que « ces flux financiers anormaux suffisaient à caractériser l’imbrication inextricable des patrimoines » (Cass. com. 10 juill. 2012).

==> Second temps : exigence de relations financières anormales

Dans un arrêt du 7 janvier 2003, la Cour de cassation se réfère non plus à la notion de « flux financiers anormaux », mais de « relations financières anormales » pour retenir la confusion des patrimoines (Cass. com. 7 janv. 2003).

  • Faits
    • Une SCI loue à une autre société, la société LMT, des locaux en contrepartie du paiement de loyers dont le prix dépassait celui du marché
    • La société preneuse réalisera, par suite, lors de son occupation des locaux des travaux d’embellissement, dont la propriété est revenue à la SCI.
    • C’est alors qu’à partir de 1995, il apparaît que la société locataire ne règle plus aucun loyer à la SCI
      • À la suite de quoi la SCI ne diligentera aucune mesure d’exécution
      • Alors que cela la mettait dans une situation rendant impossible le remboursement de ses emprunts
    • Peu de temps après, la société LMT est placée en redressement judiciaire.
    • Cette procédure collective est étendue à la SCI
  • Demande
    • La SCI conteste l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à son endroit
  • Procédure
    • Par un arrêt confirmatif du 6 janvier 2000, la Cour d’appel de Rouen déboute la SCI de sa demande
    • Les juges du fonds relèvent :
      • Le caractère excessif des loyers perçus par la SCI
      • Le bénéfice de travaux d’embellissement réalisés par la société preneuse
      • L’absence de mesure d’exécution diligentée contre la société preneuse en réaction aux impayés de loyers alors que la SCI se trouvait dans l’impossibilité de rembourser ses emprunts
    • Les juges du fond déduisent de ces relations financières anormales une confusion de patrimoine entre la SCI et la société LMT qui justifie l’extension de la procédure de redressement judiciaire.
  • Solution
    • Par un arrêt du 7 janvier 2003, la chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la SCI
    • La chambre commerciale considère que, eu égard les rapports entretenus entre la SCI et la société LMT, il existait entre ces deux sociétés « des relations financières anormales constitutives de la confusion des patrimoines»
    • De toute évidence, pour retenir la confusion des patrimoines, la Cour de cassation ne fait ici nullement référence à une quelconque imbrication inextricable des patrimoines, confusion des comptes ou bien encore identité d’entreprise.
    • La cour de cassation s’appuie ici sur un autre critère : l’existence de relations financières anormales.
    • Qu’est-ce que l’anormalité ?
    • Il résulte de cet arrêt que l’anormalité se déduit d’abord de l’absence de toute contrepartie.
    • L’existence ou non de cette contrepartie s’apprécie au regard de l’ensemble des relations nouées entre les deux personnes, et non pas au regard d’une opération envisagée isolément, sous peine d’interdire toute concertation entre des sociétés membres d’un même groupe.
    • L’absence de contrepartie était manifeste dans l’arrêt en l’espèce !
  • Portée
    • On assiste, dans l’arrêt en l’espèce, à un ajustement jurisprudentiel.
    • La confusion des patrimoines est fondée, non plus sur l’existence de « flux financiers anormaux» qui résultaient le plus souvent de versements de fonds sans contrepartie, mais sur l’existence de « relations financières anormales ».
    • Ce dernier critère s’avère mieux adapté, car il recouvre les flux financiers anormaux et permet de viser les hypothèses dans lesquelles l’anormalité tient justement à l’absence de mouvement de comptes entre les deux sociétés.
    • Qui plus est, ce nouveau critère est plus favorable aux créanciers, car, étant définie plus largement, la confusion des patrimoines est un peu plus facilement admise.
    • Ce changement de terminologie a été confirmé par la jurisprudence postérieure.
    • Dans un arrêt Métaleurop du 19 avril 2005, la Cour de cassation a par exemple affirmé que « dans un groupe de sociétés, les conventions de gestion de trésorerie et de change, les échanges de personnel et les avances de fonds par la société-mère, qu’elle a constatés, révélaient des relations financières anormales constitutives d’une confusion du patrimoine de la société-mère avec celui de sa filiale » ( com. 19 avr. 2005).
    • Dans un autre arrêt du 13 septembre 2011, la chambre commerciale a adopté une solution qui s’inscrit dans le droit fil de ce mouvement.
    • Elle valide la décision d’une Cour d’appel en relevant que « l’arrêt retient que, dépassant la seule obligation, qui lui était imposée par le bail, d’effectuer les grosses réparations au sens de l’article 606 du code civil, la société System’D a supporté, en plus du loyer, la charge d’importants travaux d’aménagement, intérieur et extérieur, de l’immeuble loué pour un coût équivalent à six années de loyers, qu’elle a dû partiellement financer par le recours à l’emprunt, tandis que la SCI, au terme du bail, devenait, sans aucune indemnité, propriétaire de tous les aménagements ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations caractérisant des relations financières anormales entre les deux sociétés, peu important l’absence de mouvements de fonds entre elles relatifs aux travaux d’aménagement, la cour d’appel a légalement justifié sa décision»
    • Une fois de plus, le contrôle minutieux par la Cour de cassation de la motivation des juges du fond témoigne de son niveau d’exigence quant à la caractérisation de la confusion des patrimoines fondée sur l’existence de relations financières anormales.
    • Plus récemment, dans un arrêt du 16 juin 2015, la Cour de cassation a considéré que « pour caractériser des relations financières anormales constitutives d’une confusion de patrimoines, les juges du fond n’ont pas à rechercher si celles-ci ont augmenté, au préjudice de ses créanciers, le passif du débiteur soumis à la procédure collective dont l’extension est demandée» ( com. 16 juin 2015).

Cass. com. 7 janv. 2003
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 16 novembre 2010), que, le 3 mars 1999, M. X... et Mme Y... ont constitué une société civile immobilière BLM (la société BLM) qui a donné à bail, le 24 mars 1999, un immeuble à l'entreprise individuelle de Mme Y... ; que, le 1er juillet 2008, Mme Y... a été mise en liquidation judiciaire, M. Z... étant désigné liquidateur ; que, le 30 juin 2009, le tribunal a prononcé l'extension de la liquidation judiciaire de Mme Y... à la société BLM et à M. X... ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé l'extension à son encontre de la liquidation judiciaire de Mme Y..., alors, selon le moyen, que des flux financiers anormaux ne sont susceptibles de caractériser une confusion de patrimoines que s'ils procèdent d'une volonté systématique et qu'ils se sont déroulés sur une période étendue ; que la cour d'appel qui, pour retenir une confusion de patrimoines, s'est bornée à relever l'existence de flux anormaux entre l'entreprise La Flèche deux roues et M. X..., sans constater que ces prétendus flux procédaient d'une volonté systématique et s'étaient déroulés pendant une période étendue, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 621-2 et L. 631-2 du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'il résulte de l'examen des pièces versées aux débats que M. X..., qui s'était en réalité conduit comme le gérant de fait de l'entreprise liquidée depuis sa création, avait, s'immisçant sans titre dans la comptabilité de Mme Y..., établi pour le compte de celle-ci des chèques sans procuration sur le compte de l'entreprise et des factures, ainsi qu'à titre personnel passé des commandes pour des pièces détachées et diverses fournitures pour un véhicule automobile sans rapport démontré avec l'exercice de ce commerce ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a constaté que ces flux financiers anormaux suffisaient à caractériser l'imbrication inextricable des patrimoines personnels de M. X... et Mme Y..., a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

2. La fictivité de la personne morale

Conformément à l’article L. 621-2 du Code de commerce, l’extension de la procédure de sauvegarde peut également résulter de la fictivité de la personne morale.

Toute la question est alors de savoir ce que l’on doit entendre par fictivité. Qu’est-ce qu’une personne morale fictive ?

  • Notion de fictivité
    • Une société est fictive lorsque les associés n’ont nullement l’intention de s’associer, ni même de collaborer
    • Ils poursuivent une fin étrangère à la constitution d’une société
  • Caractères de la fictivité
    • Les juges déduiront la fictivité de la société en constatant le défaut d’un ou plusieurs éléments constitutifs de la société
      • Défaut d’affectio societatis
      • Absence d’apport
      • Absence de pluralité d’associé

Dans un arrêt Franck du 19 février 2002, soit avant l’intervention du législateur en 2005, la Cour de cassation avait déjà estimé (Cass. com. 19 févr. 2002) que la fictivité d’une société soumise à une procédure collective devait être sanctionnée par l’extension de ladite procédure au véritable maître de l’affaire.

Cass. com. 19 févr. 2002
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z..., Mme Y... et M. Y... ont constitué, le 14 décembre 1988, la société Garaude production investissements (société GPI) qui est devenue actionnaire de la société Z... ; que la société GPI a été mise en redressement judiciaire le 4 novembre 1994, converti en liquidation judiciaire le 10 mars 1995, M. X... étant désigné en qualité de liquidateur ; que le liquidateur a demandé au tribunal de constater la fictivité de la société GPI et d'étendre notamment à M. Y... la procédure collective ouverte à l'égard de cette société ;

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Vu l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-5 du Code de commerce ;

Attendu que, pour étendre à M. Y... la liquidation judiciaire de la société GPI, l'arrêt retient que la société GPI et la société Z... avaient les mêmes associés, que l'emprunt contracté par la société GPI auprès de la société Sicofrance avait pour seul but de procurer à la société Z..., qui lui avait donné mandat de le souscrire, les liquidités dont celle-ci avait besoin, que la société GPI, sans autre activité pendant quatre ans que d'avoir contracté un emprunt destiné à la société Z..., n'avait réalisé aucune des opérations industrielles et commerciales comprises dans son objet social ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si M. Y..., associé, était le maître de l'affaire sous couvert de la personne morale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE,

EN RÉSUMÉ :

Schéma 2

B) La procédure d’extension de la procédure de sauvegarde

  • Les personnes ayant qualité à agir
    • Aux termes de l’article L. 621-2, al. 2 du Code de commerce, « à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale. »
    • La liste des personnes ayant qualité à agir en extension de la procédure de sauvegarde est donc limitative.
    • Elle comprend
      • L’administrateur
      • Le mandataire judiciaire
      • Le débiteur
      • Le ministère public
    • Les créanciers ne peuvent, de la sorte, agir que par l’entremise du mandataire.
    • Ils n’ont pas qualité pour formuler une demande d’extension de la procédure.
    • Cette règle, consacrée par le législateur en 2008, avait été posée par la Cour de cassation dans un arrêt du 16 mars 1999.
    • La chambre commerciale rejette le pourvoi formé par un créancier qui sollicitait individuellement, l’extension d’une procédure collective.
    • Elle considère dans cette décision « qu’après avoir relevé que la société Botta et fils ne possédait pas la qualité de créancière de la société Pitance nécessaire pour l’assigner directement en redressement judiciaire, l’arrêt retient exactement qu’à le supposer établi, le préjudice de la société Botta et fils serait commun à l’ensemble des créanciers de la société Botta Savoie et que l’action exercée au nom et dans l’intérêt de l’ensemble des créanciers n’est pas ouverte aux créanciers individuels» ( com. 16 mars 1999).
    • Cette solution a été réitérée sans ambiguïté notamment dans un arrêt remarqué du 15 mai 2001.
    • Elle avait estimé dans cette décision que « l’action tendant à l’extension de la procédure collective d’une personne à une autre sur le fondement de la confusion des patrimoines ou de la fictivité d’une personne morale n’est pas ouverte aux créanciers» ( com. 15 mai 2001).
  • Forme de la demande
    • Lorsque le Tribunal est saisi par l’administrateur, le mandataire judiciaire ou le débiteur
      • Conformément à l’article R. 621-8-1 du Code de commerce la demande d’extension de la procédure est formée par voie d’assignation
    • Lorsque le Tribunal est saisi par le ministère public
      • Conformément à l’article R. 631-4 du Code de commerce la demande d’extension de la procédure est formée par voie de requête
  • Notification du jugement d’extension
    • Aux termes de l’article R. 621-8-1 du Code de commerce le jugement d’extension est signifié au débiteur soumis à la procédure et au débiteur visé par l’extension, à la diligence du greffier, dans les huit jours de son prononcé.
    • Il est communiqué, dans le même délai :
      • Aux mandataires de justice désignés ;
      • Au procureur de la République ;
      • Au directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques du département dans lequel le débiteur a son siège et à celui du département où se trouve le principal établissement.
  • Publicité du jugement d’extension
    • En l’absence d’appel interjeté par le ministère public
      • En application de la combinaison des articles R. 621-8-1 et 621-8 du Code de commerce, le jugement qui prononce l’extension ou ordonne la réunion fait l’objet des publicités suivantes
        • Le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde est mentionné avec l’indication des pouvoirs conférés à l’administrateur, lorsqu’il en a été désigné, au registre du commerce et des sociétés s’il s’agit d’un commerçant ou d’une personne morale immatriculée à ce registre.
        • À la demande du greffier du tribunal qui a ouvert la procédure, les mêmes mentions sont portées sur le répertoire des métiers ou sur le répertoire des entreprises dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, s’il s’agit d’une entreprise artisanale.
        • S’il s’agit d’une personne non immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou aux répertoires mentionnés au deuxième alinéa, les mentions sont portées sur un registre ouvert à cet effet au greffe du tribunal de grande instance. Dans ce cas, le greffier indique, selon le cas, le siège ou l’adresse du débiteur, les noms, prénoms et adresse du représentant légal de la personne morale débitrice ou du débiteur personne physique.
        • Si une déclaration d’affectation a été faite conformément à l’article L. 526-7, mention du jugement d’ouverture est également portée, à la demande du greffier du tribunal qui l’a prononcé, conformément aux 1°, 3° et 4° de cet article, soit sur le registre spécial mentionné à l’article R. 526-15 ou celui mentionné à l’article R. 134-6 du présent code, soit sur le registre prévu par l’article L. 311-2 du code rural et de la pêche maritime.
        • Un avis du jugement est adressé pour insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. Cette insertion contient l’indication du nom du débiteur ou, lorsque la procédure est ouverte à raison de l’activité d’un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, la dénomination prévue par le dernier alinéa de l’article L. 526-6, selon le cas de son siège ou de son adresse professionnelle, de son numéro unique d’identification ainsi que, s’il y a lieu, du nom de la ville du greffe ou de la chambre de métiers et de l’artisanat de région où il est immatriculé ou, si un patrimoine a été affecté à l’activité en difficulté et selon le cas, de la ville où le greffe tient le registre prévu par l’article L. 526-7 ou, celle où est située la chambre d’agriculture mentionnée par ce texte, de l’activité exercée, de la date du jugement qui a ouvert la procédure et, le cas échéant, de celle de la cessation des paiements fixée par le tribunal si elle est différente. Elle précise également le nom et l’adresse du mandataire judiciaire et de l’administrateur s’il en a été désigné avec, dans ce cas, l’indication des pouvoirs qui lui sont conférés. Elle comporte l’avis aux créanciers d’avoir à déclarer leurs créances entre les mains du mandataire judiciaire et le délai imparti pour cette déclaration. Elle indique enfin les références électroniques du portail prévu par les articles L. 814-2 et L. 814-13.
        • Le même avis est publié dans un journal d’annonces légales du lieu où le débiteur a son siège ou son adresse professionnelle et, le cas échéant, ses établissements secondaires.
        • Le greffier procède d’office à ces publicités dans les quinze jours de la date du jugement.
    • En cas d’appel interjeté par le ministère public
      • Les formalités de publicité ne sont effectuées par le greffier du tribunal qu’au vu de l’arrêt de la cour d’appel qui lui est transmis par le greffier de cette cour dans les huit jours de son prononcé.
  • Effets du jugement
    • Le jugement d’extension ne rétroagit pas à la date du jugement d’ouverture de la première procédure.
    • Cela signifie qu’il ne produira ses effets, tant à l’égard de la personne à qui la procédure est étendue, qu’à l’égard des tiers qu’au jour où il est notifié (dans le premier cas) ou publié (dans le second cas).
    • Il en résulte deux conséquences qu’il convient de souligner
      • D’une part, la qualification des créances détenues par les créanciers sera appréciée au regard, non pas de la date du jugement d’ouverture, mais de la date de la décision d’extension de la procédure.
      • D’autre part, le point de départ du délai de déclaration est la date du jugement d’extension, de sorte qu’un créancier forclos dans le cadre de la première procédure, bénéficiera d’une seconde chance pour valablement déclarer sa créance.
  • Voies de recours
    • Appel / Cassation
      • Le nouvel article L. 661-1-I, 3° du Code de commerce dispose que sont susceptibles d’appel ou de pourvoi en cassation les décisions statuant sur l’extension d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou sur la réunion de patrimoines de la part du débiteur soumis à la procédure, du débiteur visé par l’extension, du mandataire judiciaire ou du liquidateur, de l’administrateur et du ministère public
      • L’appel doit être exercé dans un délai de 10 jours
    • Tierce opposition
      • La tierce opposition elle peut être formée dans un délai de 10 jours à compter de la publication du jugement d’extension au BODACC ( com. 16 mai 2006).

C) Les conséquences de l’extension de la procédure de sauvegarde

Plusieurs conséquences sont attachées à l’extension d’une procédure collective :

  • Unicité de la procédure
    • L’extension d’une procédure collective à toutes les personnes concernées par la confusion de patrimoines ou la fictivité d’une personne morale a notamment pour conséquence d’assujettir ces dernières à une procédure unique.
    • Il en résulte une extension de la date de cessation des paiements fixée initialement et de la loi applicable
  • Identité du traitement
    • Le traitement appliqué aux personnes à qui la procédure collective est étendue doit être identique à celui réservé au débiteur
    • Autrement dit, dans l’hypothèse où une procédure de liquidation judiciaire est ouverte à l’encontre du débiteur initial, la même procédure doit être appliquée à toutes les personnes concernées par l’extension de procédure sans distinction, quand bien même leur situation financière ne justifierait pas qu’elles fassent l’objet d’une liquidation.
    • Bien que contestée par certains auteurs, cette règle a été affirmée à plusieurs reprises par la Cour de cassation.
    • Dans un arrêt du 23 juin 1998, la chambre criminelle a notamment censuré une Cour d’appel qui avait admis l’application d’un traitement différencié entre débiteurs dans le cadre d’une extension de procédure alors que « divers faits établissant l’existence d’une confusion des patrimoines et que, compte tenu des liens juridiques des trois entités entre elles et de l’étroite imbrication des patrimoines en présence, il y avait lieu de joindre les procédures de redressement judiciaire ouvertes contre elles» ( crim. 23 juin 1998).
  • Réunion des patrimoines
    • L’une des principales conséquences de la procédure d’extension est que les patrimoines qui ont été artificiellement dissociés par les personnes auxquelles cette procédure s’applique sont réunis en une seule de masse active et passive.
    • La reconstitution d’un patrimoine commun permettra ainsi d’apurer le passif commun avec les éléments d’actifs qui ont été réunis sans qu’il soit besoin de tenir compte de leur affectation originelle entre les personnes visées par l’extension de procédure.
    • Il s’ensuit, pour ces dernières, qu’elles deviennent débitrices du passif commun, peu importe qu’elles en soient ou non à l’origine.
    • Autrement dit, toutes les personnes concernées par la procédure sont tenues solidairement à l’obligation à la dette.
    • Elles conservent, néanmoins, leur autonomie propre en ce sens que lorsque des sociétés sont visées, elles conservent leur personnalité morale.
    • Dans un arrêt du 17 juillet 2001, au visa de l’article L. 624-3 du Code de commerce en a notamment tiré la conséquence que « les dettes de la personne morale que ce texte permet, aux conditions qu’il prévoit, de mettre à la charge des dirigeants, ne peuvent comprendre celles d’autres personnes morales auxquelles la procédure collective a été étendue sur le fondement d’une confusion de patrimoines mais dont ceux-ci n’ont pas été les dirigeants» ( com. 17 juill. 2001).

Cass. com. 17 juill. 2001
Sur le moyen unique :

Vu l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 624-3 du Code de commerce ;

Attendu que les dettes de la personne morale que ce texte permet, aux conditions qu'il prévoit, de mettre à la charge des dirigeants, ne peuvent comprendre celles d'autres personnes morales auxquelles la procédure collective a été étendue sur le fondement d'une confusion de patrimoines mais dont ceux-ci n'ont pas été les dirigeants ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que plusieurs associations, dont Flash, Conventillo Z..., Jules A... et Mercure, ont été mises en redressement, le 1er octobre 1991, puis liquidation judiciaires ;

que le tribunal a constaté la confusion des patrimoines de l'ensemble de ces associations et a reporté leur date de cessation des paiements au 1er avril 1990 ; que le liquidateur a assigné, notamment, M. Chatelain, président des associations Flash et Conventillo Z..., et Mme Llop, présidente des associations Jules A... et Mercure en paiement de l'insuffisance d'actif "de la liquidation judiciaire des associations" ;

Attendu que pour condamner M. Chatelain et Mme Llop à supporter l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire des associations Flash, Conventillo Z..., Jules A..., Mercure, Z... 94 et Interface communication, à concurrence d'1 000 000 francs, l'arrêt retient qu'en raison de la confusion des patrimoines ordonnée par le tribunal, les fautes de gestion commises par les dirigeants ont contribué à la création de l'insuffisance d'actif de l'ensemble des associations, tout en relevant que M. Chatelain et Mme Llop n'exerçaient, chacun, des fonctions de dirigeants, qu'au sein de deux des associations ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 septembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

  • Sort des créances
    • Déclaration de créances
      • Conséquence directe de la réunion des patrimoines en une seule masse, la déclaration de créance effectuée par un créancier auprès du mandataire vaut à l’encontre de toutes les personnes visées par l’extension de procédure (V. en ce sens com. 1er oct. 1997).
      • Dans un arrêt du 19 février 2002, la Cour de cassation est venue néanmoins nuancer cette règle en exigeant que la déclaration de créance ait été accomplie postérieurement à l’extension de la procédure ( com. 19 févr. 2002).
    • Confusion
      • Dans l’hypothèse où les personnes visées par l’extension de la procédure seraient titulaires l’une contre l’autre de créances, la réunion des patrimoines en une seule masse aurait pour conséquence de réaliser une confusion.
      • Le mécanisme de confusion est défini à l’article 1300 du Code civil qui prévoit que « lorsque les qualités de créancier et de débiteur se réunissent dans la même personne, il se fait une confusion de droit qui éteint les deux créances.»
      • La confusion opère de la sorte extinction des créances réciproques.
    • Compensation
      • Lorsqu’un créancier du débiteur est lui-même débiteur de la personne à qui la procédure collective est étendue, la réunion des patrimoines a pour conséquence de créer les conditions de réalisation de la compensation légale.
      • Le nouvel article 1289 du Code civil prévoit en ce sens que « lorsque deux personnes se trouvent débitrices l’une envers l’autre, il s’opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes»
      • L’article 1291 pose comme condition que les deux dettes aient « pour objet une somme d’argent, ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce et qui sont également liquides et exigibles.»
      • Si tel est le cas, « la compensation s’opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l’insu des débiteurs ; les deux dettes s’éteignent réciproquement, à l’instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu’à concurrence de leurs quotités respectives» ( 1290 C. civ.).
  • Sort des garanties
    • Les sûretés réelles
      • Les créanciers sont titulaires d’une sûreté spéciale
        • l’extension de la procédure ne modifie en aucune manière l’étendue de leur gage qui conserve son assiette initiale : le bien sur lequel porte la sûreté spéciale (V. en ce sens com., 16 déc. 1964)
      • Les créanciers sont titulaires d’une sûreté générale
        • Dans cette hypothèse, le gage des créanciers est étendu aux biens des personnes visées par l’extension de procédure (V. en ce sens com., 2 mars 1999)
    • Les sûretés personnelles
      • L’extension d’une procédure collective ne saurait en aucun cas aggraver la situation de la caution en augmentant la portée de son engagement.
      • Dans un arrêt du 25 novembre 1997, la Cour de cassation a considéré en ce sens que dans la mesure où « le cautionnement doit être exprès», dès lors qu’il porte sur une dette déterminée, il ne saurait être étendu à d’autres dettes, notamment celles contractées par les personnes visées par l’extension de la procédure ( com., 25 nov. 1997).

[1] P.-M. LE CORRE, « La réforme du droit des entreprises en difficulté », Dalloz 2009, sp. N°211.3

[1] P. Didier, Droit commercial, éd. Economica, 2004, t.1, p. 67.

L’extension de la procédure de sauvegarde: confusion de patrimoines ou fictivité de la personne morale

Lorsqu’une procédure de sauvegarde est ouverte elle n’a, en principe, pour seul sujet que le débiteur qui justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter.

Et pour cause, la finalité d’une telle procédure est d’assurer « la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. »

Attraire dans le champ d’une telle procédure à une personne morale ou physique tierce qui se porte bien serait, par conséquent, un non-sens, quand bien même cette personne se trouverait dans une position de dépendance économique par rapport au débiteur.

Fort de ce postulat, doit-on tirer la conséquence que dès lors qu’une entreprise est in bonis, cette situation constitue un obstacle à l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ?

Très tôt la jurisprudence a rejeté cette thèse.

Dès le XIXe siècle elle a considéré qu’une entreprise qui ne rencontrait aucune difficulté pouvait parfaitement faire l’objet d’une procédure collective, soit parce qu’elle n’était autre qu’une personne morale fictive derrière laquelle se réfugiait le débiteur aux fins d’organiser son insolvabilité, soit parce qu’existait entre elle et ce dernier une confusion des patrimoines.

Pour ce faire, la jurisprudence a forgé la règle de l’extension de procédure.

Cette règle consiste à étendre une procédure collective préalablement ouverte à l’encontre d’un débiteur à une ou plusieurs autres personnes qui ne remplissent pas nécessairement les conditions d’éligibilité.

La juridiction saisie mène à bien la procédure ainsi ouverte à l’encontre des personnes morales ou physiques visées comme s’il n’y avait qu’un seul débiteur. Les éléments d’actif et de passif font alors l’objet d’une appréhension globale.

Schéma 1.JPG

Lors de l’adoption de la loi du 26 juillet 2005, le législateur est venu consacrer cette construction jurisprudentielle en ajoutant un alinéa 2 à l’article L. 621-2 du Code de commerce aux termes duquel « à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale. »

Lorsque l’une des causes d’extension de la procédure de sauvegarde énoncée par ce texte est caractérisée (A), il s’ensuit la mise en œuvre d’une procédure commune aux personnes visées (B), laquelle emporte des conséquences singulières (C)

I) Les causes d’extension de la procédure de sauvegarde

Il ressort de l’article L. 621-2, al. 2 du Code de commerce que la procédure de sauvegarde est susceptible de faire l’objet d’une extension dans deux cas :

  • La confusion de patrimoines
  • La fictivité de la personne morale

A) La confusion de patrimoines

En substance, la confusion des patrimoines consiste pour des personnes morales ou physiques qui, en apparence, arborent des patrimoines distincts, se comportent comme s’il n’existait qu’un seul patrimoine.

La notion de confusion des patrimoines n’est toutefois définie par aucun texte. Aussi, c’est à la jurisprudence qu’est revenue la tâche d’en délimiter les contours.

Il ressort des décisions rendues en la matière que la confusion de patrimoines est établie par la caractérisation de deux critères alternatifs que sont :

  • L’existence d’une imbrication inextricable des patrimoines
  • L’existence de relations financières anormales
  1. L’existence d’une imbrication inextricable des patrimoines

Ce critère correspond à l’hypothèse où les patrimoines sont tellement enchevêtrés l’un dans l’autre qu’il est impossible de les dissocier.

L’analyse de la jurisprudence révèle que cette situation se rencontre dans deux cas distincts :

==> Existence d’une confusion des comptes

Il ressort d’un arrêt rendu en date du 24 octobre 1995, que l’imbrication des patrimoines peut se déduire de l’existence d’une confusion des comptes entre ceux tenus par le débiteur et la personne morale ou physique avec laquelle il est en relation d’affaires (Cass. com. 24 oct. 1995).

  • Faits
    • Accord de commercialisation conclu entre la société Forest I et la société Leading
    • Par cet accord, la société Forest I qui avait acquis 50% du capital de la société Leading, a pris en location gérance le fonds de cette dernière société
    • Il en est résulté la mise en commun de moyens de gestion financière, industrielle et comptable
    • Survenance d’un désaccord entre les deux sociétés
      • Demande de rétrocession des actions acquises par la société Forest I
      • Demande de résiliation du contrat de gérance
    • Dans ce contexte, ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société Leading
    • Cette procédure est étendue à la société Forest I
  • Demande
    • La société Forest I conteste cette extension de la procédure collective
  • Procédure
    • Par un arrêt du 8 décembre 1992, la Cour d’appel de Bourges confirme l’extension de la procédure de redressement judiciaire à la société Forest I
    • La Cour d’appel estime que, en raison du désordre généralisé des comptes et de l’état d’imbrication ce ces derniers, la confusion des patrimoines des 2 sociétés est caractérisée.
    • Dès lors, l’existence de cette caractérisation de patrimoines justifie l’extension de la procédure de redressement à la société Forest I
  • Moyens
    • L’auteur du pourvoi soutient que la seule imbrication d’intérêts entre deux sociétés ne suffit pas à caractériser la confusion de patrimoines.
  • Solution
    • Par un arrêt du 24 octobre 1995, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société Forest I
    • La Cour de cassation juge, en l’espèce qu’il résulte du désordre généralisé des comptes et de l’état d’imbrication inextricable entre les deux sociétés une confusion de leurs patrimoines respectifs, de sorte que l’extension par la CA de la procédure de redressement à la société Forest I est justifiée.
    • Manifestement, la chambre commerciale exerce ici un contrôle strict sur la motivation des juges du fond
    • L’étroitesse de ce contrôle vise à éviter que les Tribunaux n’admettent trop facilement l’extension d’une procédure collective.
    • Cette situation doit demeurer une exceptionnelle :
      • D’une part, en raison du bouleversement qu’elle provoque sur les droits des créanciers
      • D’autre part, parce qu’un tel montage n’est pas automatiquement illicite si les deux sociétés
        • agissent ouvertement,
        • sont gérées de façon autonome
        • leurs relations sont juridiquement causées par la conclusion de contrats en bonne et due forme
      • Lorsque les juges du fond entendent retenir la confusion des patrimoines, il leur faudra, en conséquence, motiver substantiellement leur décision.
      • Dans l’arrêt en l’espèce, la Cour de cassation a manifestement été contrainte de piocher dans la motivation des juges de première instance pour sauver la décision des juges d’appel.
      • Autre enseignement important de cette décision, la chambre commerciale relève que «  l’exécution partielle des divers contrats conclus entre les deux sociétés a créé un désordre généralisé des comptes et un état d’imbrication inextricable entre elles»
      • On peut en déduire que pour être établie, l’imbrication des patrimoines doit se traduire par une impossibilité de distinguer les passifs nés de l’un des débiteurs ou du chef de l’autre.
      • La reconstitution des patrimoines respectifs doit, autrement dit, être impossible, ce qui suppose une confusion des comptes, d’où l’importance de cet élément.

La confusion des comptes n’est pas le seul indice auquel s’attachent les juges pour retenir l’imbrication des patrimoines.

Cass. com. 24 oct. 1995
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Leading reproche à l'arrêt confirmatif attaqué (Bourges, 8 décembre 1992) de lui avoir étendu le redressement judiciaire de la société Forest I aux motifs, selon le pourvoi, que le jugement d'extension ne se trouvait pas entaché de nullité et de vice de forme, alors, d'une part, que la société Leading avait soutenu dans ses conclusions qu'en vertu de l'article 6 de la loi du 25 janvier 1985, le tribunal ne pouvait statuer sur l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à son encontre qu'après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil les représentants du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel ;

que cette formalité substantielle n'ayant pas été remplie, la procédure d'extension devait être annulée et le jugement infirmé et que la cour d'appel aurait dû répondre au moyen ainsi soulevé ;

et alors, d'autre part, que la société Leading avait soutenu dans ses conclusions qu'elle n'avait pas pu présenter sa défense devant les premiers juges et qu'il en était résulté une violation du contradictoire et des droits de la défense devant entraîner l'annulation du jugement dont appel et que la cour d'appel était tenue de se prononcer sur le moyen ainsi soulevé ;

Mais attendu, d'une part, que le débiteur n'a pas qualité pour invoquer le défaut de convocation des représentants du comité d'entreprise ou des délégués du personnel préalablement à la décision du tribunal sur l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;

Attendu, d'autre part que l'appel de la société Leading tendant à l'annulation du jugement, la cour d'appel se trouvait saisie de l'entier litige et devait, en vertu de l'article 562, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, statuer sur le fond, même si elle déclarait le jugement nul ;

que, dès lors, le moyen est irrecevable, faute d'intérêt ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Leading reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, que le redressement judiciaire d'une personne morale ne peut être étendu à une autre qu'en cas de confusion de leurs patrimoines ou de fictivité de l'une d'elles ;

que ne répond à aucune de ces hypothèses une imbrication d'intérêts suite à l'exécution de contrats les ayant liées entre elles et la nécessité d'une expertise amiable destinée à apurer les comptes entre les parties ; que la cour d'appel n'ayant relevé aucun élément de fait établissant une quelconque confusion de patrimoines entre deux sociétés indépendantes ou leur fictivité ou celle de leurs activités communes, elle n'a pu étendre de la société Forest I à la société Leading le redressement judiciaire de la première qu'en violation des articles 1842, alinéa 1er, du Code civil, et 7, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'après avoir constaté, tant par motifs propres qu'adoptés, qu'en application d'un accord de commercialisation, la société Forest I, qui avait acquis une participation de 50 % dans le capital de la société Leading, a pris en location-gérance le fonds de commerce de cette société, mettant en commun avec elle certains moyens de gestion financière, industrielle et comptable et qu'à la suite d'un désaccord entre les parties et de la désignation judiciaire d'un adminis- trateur provisoire de la société Leading, il a été décidé de procéder à la rétrocession des actions de la société Leading détenues par la société Forest I et à la résiliation du contrat de location-gérance mais que faute de paiement du prix des actions de la société Leading, ces accords n'ont pas été appliqués, l'arrêt relève que l'exécution partielle des divers contrats conclus entre les deux sociétés a créé un désordre généralisé des comptes et un état d'imbrication inextricable entre elles ; que par ces constatations et appréciations retenant la confusion de patrimoines des deux sociétés, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi

==> Existence d’une identité d’entreprise, d’activité et de patrimoine

L’imbrication des patrimoines ne se caractérise pas seulement par la confusion des comptes, elle peut également avoir pour origine l’existence d’une identité d’entreprise, d’activité et de patrimoine.

Cette situation a été mise en exergue par un arrêt du 2 juillet 2013 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com. 2 juill. 2013).

  • Faits
    • Une épouse qui exerçait à titre personnel une activité dans le secteur du bâtiment fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire
    • Il s’ensuivra une extension de la procédure de liquidation au conjoint de cette dernière ainsi qu’à l’EURL dont il était l’associé unique et gérant
  • Demande
    • L’époux conteste l’extension à son endroit ainsi qu’à son EURL de la procédure de liquidation dont faisait l’objet sa conjointe
  • Procédure
    • Par un arrêt du 10 novembre 2011, la Cour d’appel de Nîme déboute l’époux de sa demande
    • Les juges du fond relèvent, entre autres, pour retenir la confusion des patrimoines plusieurs éléments
      • Participation active du mari dans l’activité de son épouse
      • Réciproquement, immixtion de l’épouse dans l’activité de l’Eurl
      • L’organisation du travail entre les deux époux s’apparentait à une identité d’entreprise, d’activité et de patrimoine
  • Solution
    • La cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’époux gérant de l’EURL
    • Ainsi, confirme-t-elle la solution dégagée par la Cour d’appel aux termes de laquelle l’extension de procédure collective fondée sur une confusion de patrimoines peut intervenir entre personnes physiques.
    • Autre apport de cet arrêt, la Cour de cassation considère que la confusion de patrimoines peut résulter, outre d’une confusion des comptes, de l’existence « d’une véritable identité d’entreprise, d’activité et de patrimoine».
    • C’est là le second indice qui conduira les juges à retenir la confusion de patrimoines, étant précisé que la Cour de cassation exige une motivation substantielle de la décision.
    • Les juges du fond devront donc établir factuellement l’existence de cette identité d’entreprise comme s’est employée à la vérifier la Cour de cassation dans l’arrêt en l’espèce.

Cass. com. 2 juill. 2013
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 10 novembre 2011), que Mme X..., qui exerçait, à titre personnel, une activité dans le secteur du bâtiment sous l'enseigne RS Construction, a été mise en liquidation judiciaire le 19 décembre 2007 ; que le liquidateur a assigné en extension de la liquidation judiciaire sur le fondement de l'article L. 621-2 du code de commerce le conjoint de Mme X... et l'Eurl Construction et rénovation du sud (l'Eurl), immatriculée le 21 novembre 2007 par M. X... qui en était l'unique associé et le gérant ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé à son encontre et à l'encontre de l'Eurl l'extension de la procédure de liquidation judiciaire alors, selon le moyen :

1°/ que la procédure de liquidation judiciaire d'une personne ne peut être étendue à une autre qu'en cas de fictivité de la personnalité morale ou de confusion de leur patrimoine ; qu'en affirmant que l'organisation du travail de l'entreprise « s'est en permanence poursuivie, au point qu'il s'agit plus d'une imbrication ou même d'une confusion, mais d'une véritable et exacte et totale identité d'entreprise, d'activité et de patrimoine, avec les mêmes personnes », c'est-à-dire en écartant expressément la confusion des patrimoines sans retenir de fictivité de la personnalité morale, tout en étendant la liquidation judiciaire à M. X... et à l'Eurl, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses constatations, en violation de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

2°/ qu'en étendant la procédure collective à M. X... et à l'Eurl sans rechercher s'il y avait eu confusion entre leur patrimoine et celui de Mme X... ou si la personnalité morale était fictive, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

3°/ que pour étendre la procédure de liquidation judiciaire d'une personne à une autre personne sur le fondement de la confusion des patrimoines, des relations financières anormales ou une confusion des comptes doivent être caractérisées entre les deux personnes ; qu'à défaut de caractériser une telle situation entre Mme et M. X..., la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

4°/ que dans ses conclusions d'appel M. X... indiquait qu'« en l'absence de toutes autres ressources du couple, M. X... décidait de constituer une Eurl, immatriculée le 21 novembre 2007, il reprenait les engagements qu'il avait signés pour le compte de sa société en formation (11 juillet 2007) notamment auprès de Mme Y..., maître d'ouvrage » ; qu'en affirmant « qu'il reconnaît ainsi que bien avant de créer sa propre société et même la procédure collective de son époux (novembre 2007), il a mis en oeuvre en sous main, dans son intérêt et celui de son épouse, une structure pour continuer la même activité avec un même client », voyant ainsi dans la constitution de l'Eurl un comportement frauduleux, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. X..., en violation de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, la participation active de M. X... dans l'exploitation de l'activité de son épouse et l'immixtion de celle-ci dans l'activité de l'Eurl, l'arrêt retient que l'Eurl, immatriculée dans le même temps où Mme X... déclarait sa cessation des paiements et portant une raison sociale proche de l'enseigne de Mme X..., a poursuivi les activités et les chantiers en cours et réglé les factures de cette dernière ; qu'il retient encore, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que l'organisation du travail entre les deux conjoints s'est en permanence poursuivie au point de créer une véritable et totale identité d'entreprise, d'activité et de patrimoine et que la création de l'Eurl ne constituait qu'un leurre ; que, par ces constatations et appréciations, caractérisant, d'un côté, l'existence de relations financières anormales justifiant l'extension de la liquidation judiciaire de Mme X... à son conjoint et, de l'autre, la fictivité de l'Eurl justifiant l'extension de la même procédure à la société, la cour d'appel a, hors toute dénaturation, légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui manque en fait dans sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

2. L’existence de relations financières anormales

Lorsque les personnes qui font l’objet de la procédure d’extension sont des personnes morales, la confusion des patrimoines se déduira de l’existence de relations financières anormales.

La jurisprudence a sensiblement évolué sur la définition de ce critère.

==> Premier temps : exigence de flux financiers anormaux

Dans un arrêt rendu le 11 mai 1993, la jurisprudence avait défini la confusion de patrimoines par un critère déterminant : l’existence de flux financiers anormaux tels qu’il n’est plus possible de distinguer les actifs et les passifs des deux sociétés.

Elle avait estimé en ce sens dans cette décision « qu’ayant relevé que la présence de dirigeants ou d’associés communs, l’identité d’objets sociaux, la centralisation de la gestion en un même lieu, l’existence de relations commerciales constantes et la communauté de clientèle ne suffisaient pas à démontrer la confusion des patrimoines des sociétés Agratex, Soproco et Sofradimex, dès lors qu’elles conservaient une activité indépendante, un actif et un passif propre et qu’aucun flux financier anormal n’existait entre elles, la cour d’appel, qui a effectué les recherches visées aux deux premières branches du moyen et n’avait pas à effectuer celle, inopérante, visée à la troisième branche, a légalement justifié sa décision »

La Cour de cassation s’appuiera sur cette notion pour caractériser la confusion des patrimoines dans de nombreux autres arrêts.

Dans un arrêt du 10 juillet 2012, elle estime, par exemple, que « ces flux financiers anormaux suffisaient à caractériser l’imbrication inextricable des patrimoines » (Cass. com. 10 juill. 2012).

==> Second temps : exigence de relations financières anormales

Dans un arrêt du 7 janvier 2003, la Cour de cassation se réfère non plus à la notion de « flux financiers anormaux », mais de « relations financières anormales » pour retenir la confusion des patrimoines (Cass. com. 7 janv. 2003).

  • Faits
    • Une SCI loue à une autre société, la société LMT, des locaux en contrepartie du paiement de loyers dont le prix dépassait celui du marché
    • La société preneuse réalisera, par suite, lors de son occupation des locaux des travaux d’embellissement, dont la propriété est revenue à la SCI.
    • C’est alors qu’à partir de 1995, il apparaît que la société locataire ne règle plus aucun loyer à la SCI
      • À la suite de quoi la SCI ne diligentera aucune mesure d’exécution
      • Alors que cela la mettait dans une situation rendant impossible le remboursement de ses emprunts
    • Peu de temps après, la société LMT est placée en redressement judiciaire.
    • Cette procédure collective est étendue à la SCI
  • Demande
    • La SCI conteste l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à son endroit
  • Procédure
    • Par un arrêt confirmatif du 6 janvier 2000, la Cour d’appel de Rouen déboute la SCI de sa demande
    • Les juges du fonds relèvent :
      • Le caractère excessif des loyers perçus par la SCI
      • Le bénéfice de travaux d’embellissement réalisés par la société preneuse
      • L’absence de mesure d’exécution diligentée contre la société preneuse en réaction aux impayés de loyers alors que la SCI se trouvait dans l’impossibilité de rembourser ses emprunts
    • Les juges du fond déduisent de ces relations financières anormales une confusion de patrimoine entre la SCI et la société LMT qui justifie l’extension de la procédure de redressement judiciaire.
  • Solution
    • Par un arrêt du 7 janvier 2003, la chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la SCI
    • La chambre commerciale considère que, eu égard les rapports entretenus entre la SCI et la société LMT, il existait entre ces deux sociétés « des relations financières anormales constitutives de la confusion des patrimoines»
    • De toute évidence, pour retenir la confusion des patrimoines, la Cour de cassation ne fait ici nullement référence à une quelconque imbrication inextricable des patrimoines, confusion des comptes ou bien encore identité d’entreprise.
    • La cour de cassation s’appuie ici sur un autre critère : l’existence de relations financières anormales.
    • Qu’est-ce que l’anormalité ?
    • Il résulte de cet arrêt que l’anormalité se déduit d’abord de l’absence de toute contrepartie.
    • L’existence ou non de cette contrepartie s’apprécie au regard de l’ensemble des relations nouées entre les deux personnes, et non pas au regard d’une opération envisagée isolément, sous peine d’interdire toute concertation entre des sociétés membres d’un même groupe.
    • L’absence de contrepartie était manifeste dans l’arrêt en l’espèce !
  • Portée
    • On assiste, dans l’arrêt en l’espèce, à un ajustement jurisprudentiel.
    • La confusion des patrimoines est fondée, non plus sur l’existence de « flux financiers anormaux» qui résultaient le plus souvent de versements de fonds sans contrepartie, mais sur l’existence de « relations financières anormales ».
    • Ce dernier critère s’avère mieux adapté, car il recouvre les flux financiers anormaux et permet de viser les hypothèses dans lesquelles l’anormalité tient justement à l’absence de mouvement de comptes entre les deux sociétés.
    • Qui plus est, ce nouveau critère est plus favorable aux créanciers, car, étant définie plus largement, la confusion des patrimoines est un peu plus facilement admise.
    • Ce changement de terminologie a été confirmé par la jurisprudence postérieure.
    • Dans un arrêt Métaleurop du 19 avril 2005, la Cour de cassation a par exemple affirmé que « dans un groupe de sociétés, les conventions de gestion de trésorerie et de change, les échanges de personnel et les avances de fonds par la société-mère, qu’elle a constatés, révélaient des relations financières anormales constitutives d’une confusion du patrimoine de la société-mère avec celui de sa filiale » ( com. 19 avr. 2005).
    • Dans un autre arrêt du 13 septembre 2011, la chambre commerciale a adopté une solution qui s’inscrit dans le droit fil de ce mouvement.
    • Elle valide la décision d’une Cour d’appel en relevant que « l’arrêt retient que, dépassant la seule obligation, qui lui était imposée par le bail, d’effectuer les grosses réparations au sens de l’article 606 du code civil, la société System’D a supporté, en plus du loyer, la charge d’importants travaux d’aménagement, intérieur et extérieur, de l’immeuble loué pour un coût équivalent à six années de loyers, qu’elle a dû partiellement financer par le recours à l’emprunt, tandis que la SCI, au terme du bail, devenait, sans aucune indemnité, propriétaire de tous les aménagements ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations caractérisant des relations financières anormales entre les deux sociétés, peu important l’absence de mouvements de fonds entre elles relatifs aux travaux d’aménagement, la cour d’appel a légalement justifié sa décision»
    • Une fois de plus, le contrôle minutieux par la Cour de cassation de la motivation des juges du fond témoigne de son niveau d’exigence quant à la caractérisation de la confusion des patrimoines fondée sur l’existence de relations financières anormales.
    • Plus récemment, dans un arrêt du 16 juin 2015, la Cour de cassation a considéré que « pour caractériser des relations financières anormales constitutives d’une confusion de patrimoines, les juges du fond n’ont pas à rechercher si celles-ci ont augmenté, au préjudice de ses créanciers, le passif du débiteur soumis à la procédure collective dont l’extension est demandée» ( com. 16 juin 2015).

Cass. com. 7 janv. 2003
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 16 novembre 2010), que, le 3 mars 1999, M. X... et Mme Y... ont constitué une société civile immobilière BLM (la société BLM) qui a donné à bail, le 24 mars 1999, un immeuble à l'entreprise individuelle de Mme Y... ; que, le 1er juillet 2008, Mme Y... a été mise en liquidation judiciaire, M. Z... étant désigné liquidateur ; que, le 30 juin 2009, le tribunal a prononcé l'extension de la liquidation judiciaire de Mme Y... à la société BLM et à M. X... ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé l'extension à son encontre de la liquidation judiciaire de Mme Y..., alors, selon le moyen, que des flux financiers anormaux ne sont susceptibles de caractériser une confusion de patrimoines que s'ils procèdent d'une volonté systématique et qu'ils se sont déroulés sur une période étendue ; que la cour d'appel qui, pour retenir une confusion de patrimoines, s'est bornée à relever l'existence de flux anormaux entre l'entreprise La Flèche deux roues et M. X..., sans constater que ces prétendus flux procédaient d'une volonté systématique et s'étaient déroulés pendant une période étendue, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 621-2 et L. 631-2 du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'il résulte de l'examen des pièces versées aux débats que M. X..., qui s'était en réalité conduit comme le gérant de fait de l'entreprise liquidée depuis sa création, avait, s'immisçant sans titre dans la comptabilité de Mme Y..., établi pour le compte de celle-ci des chèques sans procuration sur le compte de l'entreprise et des factures, ainsi qu'à titre personnel passé des commandes pour des pièces détachées et diverses fournitures pour un véhicule automobile sans rapport démontré avec l'exercice de ce commerce ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a constaté que ces flux financiers anormaux suffisaient à caractériser l'imbrication inextricable des patrimoines personnels de M. X... et Mme Y..., a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

B) La fictivité de la personne morale

Conformément à l’article L. 621-2 du Code de commerce, l’extension de la procédure de sauvegarde peut également résulter de la fictivité de la personne morale.

Toute la question est alors de savoir ce que l’on doit entendre par fictivité. Qu’est-ce qu’une personne morale fictive ?

  • Notion de fictivité
    • Une société est fictive lorsque les associés n’ont nullement l’intention de s’associer, ni même de collaborer
    • Ils poursuivent une fin étrangère à la constitution d’une société
  • Caractères de la fictivité
    • Les juges déduiront la fictivité de la société en constatant le défaut d’un ou plusieurs éléments constitutifs de la société
      • Défaut d’affectio societatis
      • Absence d’apport
      • Absence de pluralité d’associé

Dans un arrêt Franck du 19 février 2002, soit avant l’intervention du législateur en 2005, la Cour de cassation avait déjà estimé (Cass. com. 19 févr. 2002) que la fictivité d’une société soumise à une procédure collective devait être sanctionnée par l’extension de ladite procédure au véritable maître de l’affaire.

Cass. com. 19 févr. 2002
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z..., Mme Y... et M. Y... ont constitué, le 14 décembre 1988, la société Garaude production investissements (société GPI) qui est devenue actionnaire de la société Z... ; que la société GPI a été mise en redressement judiciaire le 4 novembre 1994, converti en liquidation judiciaire le 10 mars 1995, M. X... étant désigné en qualité de liquidateur ; que le liquidateur a demandé au tribunal de constater la fictivité de la société GPI et d'étendre notamment à M. Y... la procédure collective ouverte à l'égard de cette société ;

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Vu l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-5 du Code de commerce ;

Attendu que, pour étendre à M. Y... la liquidation judiciaire de la société GPI, l'arrêt retient que la société GPI et la société Z... avaient les mêmes associés, que l'emprunt contracté par la société GPI auprès de la société Sicofrance avait pour seul but de procurer à la société Z..., qui lui avait donné mandat de le souscrire, les liquidités dont celle-ci avait besoin, que la société GPI, sans autre activité pendant quatre ans que d'avoir contracté un emprunt destiné à la société Z..., n'avait réalisé aucune des opérations industrielles et commerciales comprises dans son objet social ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si M. Y..., associé, était le maître de l'affaire sous couvert de la personne morale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE,

EN RÉSUMÉ :

Schéma 2.JPG

II) La procédure d’extension de la procédure de sauvegarde

A) Les personnes ayant qualité à agir

Aux termes de l’article L. 621-2, al. 2 du Code de commerce, « à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale. »

La liste des personnes ayant qualité à agir en extension de la procédure de sauvegarde est donc limitative.

Elle comprend:

  • L’administrateur
  • Le mandataire judiciaire
  • Le débiteur
  • Le ministère public

Les créanciers ne peuvent, de la sorte, agir que par l’entremise du mandataire.

Ils n’ont pas qualité pour formuler une demande d’extension de la procédure.

Cette règle, consacrée par le législateur en 2008, avait été posée par la Cour de cassation dans un arrêt du 16 mars 1999.

La chambre commerciale rejette le pourvoi formé par un créancier qui sollicitait individuellement, l’extension d’une procédure collective.

Elle considère dans cette décision « qu’après avoir relevé que la société Botta et fils ne possédait pas la qualité de créancière de la société Pitance nécessaire pour l’assigner directement en redressement judiciaire, l’arrêt retient exactement qu’à le supposer établi, le préjudice de la société Botta et fils serait commun à l’ensemble des créanciers de la société Botta Savoie et que l’action exercée au nom et dans l’intérêt de l’ensemble des créanciers n’est pas ouverte aux créanciers individuels» ( com. 16 mars 1999).

Cette solution a été réitérée sans ambiguïté notamment dans un arrêt remarqué du 15 mai 2001.

Elle avait estimé dans cette décision que « l’action tendant à l’extension de la procédure collective d’une personne à une autre sur le fondement de la confusion des patrimoines ou de la fictivité d’une personne morale n’est pas ouverte aux créanciers» ( com. 15 mai 2001).

B) Forme de la demande

  • Lorsque le Tribunal est saisi par l’administrateur, le mandataire judiciaire ou le débiteur
    • Conformément à l’article R. 621-8-1 du Code de commerce la demande d’extension de la procédure est formée par voie d’assignation
  • Lorsque le Tribunal est saisi par le ministère public
    • Conformément à l’article R. 631-4 du Code de commerce la demande d’extension de la procédure est formée par voie de requête

C) Notification du jugement d’extension

Aux termes de l’article R. 621-8-1 du Code de commerce le jugement d’extension est signifié au débiteur soumis à la procédure et au débiteur visé par l’extension, à la diligence du greffier, dans les huit jours de son prononcé.

Il est communiqué, dans le même délai :

  • Aux mandataires de justice désignés ;
  • Au procureur de la République ;
  • Au directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques du département dans lequel le débiteur a son siège et à celui du département où se trouve le principal établissement.

D) Publicité du jugement d’extension

  • En l’absence d’appel interjeté par le ministère public
    • En application de la combinaison des articles R. 621-8-1 et 621-8 du Code de commerce, le jugement qui prononce l’extension ou ordonne la réunion fait l’objet des publicités suivantes:
      • Le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde est mentionné avec l’indication des pouvoirs conférés à l’administrateur, lorsqu’il en a été désigné, au registre du commerce et des sociétés s’il s’agit d’un commerçant ou d’une personne morale immatriculée à ce registre.
      • À la demande du greffier du tribunal qui a ouvert la procédure, les mêmes mentions sont portées sur le répertoire des métiers ou sur le répertoire des entreprises dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, s’il s’agit d’une entreprise artisanale.
      • S’il s’agit d’une personne non immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou aux répertoires mentionnés au deuxième alinéa, les mentions sont portées sur un registre ouvert à cet effet au greffe du tribunal de grande instance. Dans ce cas, le greffier indique, selon le cas, le siège ou l’adresse du débiteur, les noms, prénoms et adresse du représentant légal de la personne morale débitrice ou du débiteur personne physique.
      • Si une déclaration d’affectation a été faite conformément à l’article L. 526-7, mention du jugement d’ouverture est également portée, à la demande du greffier du tribunal qui l’a prononcé, conformément aux 1°, 3° et 4° de cet article, soit sur le registre spécial mentionné à l’article R. 526-15 ou celui mentionné à l’article R. 134-6 du présent code, soit sur le registre prévu par l’article L. 311-2 du code rural et de la pêche maritime.
      • Un avis du jugement est adressé pour insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. Cette insertion contient l’indication du nom du débiteur ou, lorsque la procédure est ouverte à raison de l’activité d’un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, la dénomination prévue par le dernier alinéa de l’article L. 526-6, selon le cas de son siège ou de son adresse professionnelle, de son numéro unique d’identification ainsi que, s’il y a lieu, du nom de la ville du greffe ou de la chambre de métiers et de l’artisanat de région où il est immatriculé ou, si un patrimoine a été affecté à l’activité en difficulté et selon le cas, de la ville où le greffe tient le registre prévu par l’article L. 526-7 ou, celle où est située la chambre d’agriculture mentionnée par ce texte, de l’activité exercée, de la date du jugement qui a ouvert la procédure et, le cas échéant, de celle de la cessation des paiements fixée par le tribunal si elle est différente. Elle précise également le nom et l’adresse du mandataire judiciaire et de l’administrateur s’il en a été désigné avec, dans ce cas, l’indication des pouvoirs qui lui sont conférés. Elle comporte l’avis aux créanciers d’avoir à déclarer leurs créances entre les mains du mandataire judiciaire et le délai imparti pour cette déclaration. Elle indique enfin les références électroniques du portail prévu par les articles L. 814-2 et L. 814-13.
      • Le même avis est publié dans un journal d’annonces légales du lieu où le débiteur a son siège ou son adresse professionnelle et, le cas échéant, ses établissements secondaires.
      • Le greffier procède d’office à ces publicités dans les quinze jours de la date du jugement.
  • En cas d’appel interjeté par le ministère public
    • Les formalités de publicité ne sont effectuées par le greffier du tribunal qu’au vu de l’arrêt de la cour d’appel qui lui est transmis par le greffier de cette cour dans les huit jours de son prononcé.

E) Effets du jugement

Le jugement d’extension ne rétroagit pas à la date du jugement d’ouverture de la première procédure.

Cela signifie qu’il ne produira ses effets, tant à l’égard de la personne à qui la procédure est étendue, qu’à l’égard des tiers qu’au jour où il est notifié (dans le premier cas) ou publié (dans le second cas).

Il en résulte deux conséquences qu’il convient de souligner

  • D’une part, la qualification des créances détenues par les créanciers sera appréciée au regard, non pas de la date du jugement d’ouverture, mais de la date de la décision d’extension de la procédure.
  • D’autre part, le point de départ du délai de déclaration est la date du jugement d’extension, de sorte qu’un créancier forclos dans le cadre de la première procédure, bénéficiera d’une seconde chance pour valablement déclarer sa créance.

F) Voies de recours

  • Appel / Cassation
    • Le nouvel article L. 661-1-I, 3° du Code de commerce dispose que sont susceptibles d’appel ou de pourvoi en cassation les décisions statuant sur l’extension d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou sur la réunion de patrimoines de la part du débiteur soumis à la procédure, du débiteur visé par l’extension, du mandataire judiciaire ou du liquidateur, de l’administrateur et du ministère public
    • L’appel doit être exercé dans un délai de 10 jours
  • Tierce opposition
    • La tierce opposition elle peut être formée dans un délai de 10 jours à compter de la publication du jugement d’extension au BODACC ( com. 16 mai 2006).

III) Les conséquences de l’extension de la procédure de sauvegarde

Plusieurs conséquences sont attachées à l’extension d’une procédure collective :

  • Unicité de la procédure
    • L’extension d’une procédure collective à toutes les personnes concernées par la confusion de patrimoines ou la fictivité d’une personne morale a notamment pour conséquence d’assujettir ces dernières à une procédure unique.
    • Il en résulte une extension de la date de cessation des paiements fixée initialement et de la loi applicable
  • Identité du traitement
    • Le traitement appliqué aux personnes à qui la procédure collective est étendue doit être identique à celui réservé au débiteur
    • Autrement dit, dans l’hypothèse où une procédure de liquidation judiciaire est ouverte à l’encontre du débiteur initial, la même procédure doit être appliquée à toutes les personnes concernées par l’extension de procédure sans distinction, quand bien même leur situation financière ne justifierait pas qu’elles fassent l’objet d’une liquidation.
    • Bien que contestée par certains auteurs, cette règle a été affirmée à plusieurs reprises par la Cour de cassation.
    • Dans un arrêt du 23 juin 1998, la chambre criminelle a notamment censuré une Cour d’appel qui avait admis l’application d’un traitement différencié entre débiteurs dans le cadre d’une extension de procédure alors que « divers faits établissant l’existence d’une confusion des patrimoines et que, compte tenu des liens juridiques des trois entités entre elles et de l’étroite imbrication des patrimoines en présence, il y avait lieu de joindre les procédures de redressement judiciaire ouvertes contre elles» ( crim. 23 juin 1998).
  • Réunion des patrimoines
    • L’une des principales conséquences de la procédure d’extension est que les patrimoines qui ont été artificiellement dissociés par les personnes auxquelles cette procédure s’applique sont réunis en une seule de masse active et passive.
    • La reconstitution d’un patrimoine commun permettra ainsi d’apurer le passif commun avec les éléments d’actifs qui ont été réunis sans qu’il soit besoin de tenir compte de leur affectation originelle entre les personnes visées par l’extension de procédure.
    • Il s’ensuit, pour ces dernières, qu’elles deviennent débitrices du passif commun, peu importe qu’elles en soient ou non à l’origine.
    • Autrement dit, toutes les personnes concernées par la procédure sont tenues solidairement à l’obligation à la dette.
    • Elles conservent, néanmoins, leur autonomie propre en ce sens que lorsque des sociétés sont visées, elles conservent leur personnalité morale.
    • Dans un arrêt du 17 juillet 2001, au visa de l’article L. 624-3 du Code de commerce en a notamment tiré la conséquence que « les dettes de la personne morale que ce texte permet, aux conditions qu’il prévoit, de mettre à la charge des dirigeants, ne peuvent comprendre celles d’autres personnes morales auxquelles la procédure collective a été étendue sur le fondement d’une confusion de patrimoines mais dont ceux-ci n’ont pas été les dirigeants» ( com. 17 juill. 2001).

Cass. com. 17 juill. 2001
Sur le moyen unique :

Vu l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 624-3 du Code de commerce ;

Attendu que les dettes de la personne morale que ce texte permet, aux conditions qu'il prévoit, de mettre à la charge des dirigeants, ne peuvent comprendre celles d'autres personnes morales auxquelles la procédure collective a été étendue sur le fondement d'une confusion de patrimoines mais dont ceux-ci n'ont pas été les dirigeants ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que plusieurs associations, dont Flash, Conventillo Z..., Jules A... et Mercure, ont été mises en redressement, le 1er octobre 1991, puis liquidation judiciaires ;

que le tribunal a constaté la confusion des patrimoines de l'ensemble de ces associations et a reporté leur date de cessation des paiements au 1er avril 1990 ; que le liquidateur a assigné, notamment, M. Chatelain, président des associations Flash et Conventillo Z..., et Mme Llop, présidente des associations Jules A... et Mercure en paiement de l'insuffisance d'actif "de la liquidation judiciaire des associations" ;

Attendu que pour condamner M. Chatelain et Mme Llop à supporter l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire des associations Flash, Conventillo Z..., Jules A..., Mercure, Z... 94 et Interface communication, à concurrence d'1 000 000 francs, l'arrêt retient qu'en raison de la confusion des patrimoines ordonnée par le tribunal, les fautes de gestion commises par les dirigeants ont contribué à la création de l'insuffisance d'actif de l'ensemble des associations, tout en relevant que M. Chatelain et Mme Llop n'exerçaient, chacun, des fonctions de dirigeants, qu'au sein de deux des associations ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 septembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

  • Sort des créances
    • Déclaration de créances
      • Conséquence directe de la réunion des patrimoines en une seule masse, la déclaration de créance effectuée par un créancier auprès du mandataire vaut à l’encontre de toutes les personnes visées par l’extension de procédure (V. en ce sens com. 1er oct. 1997).
      • Dans un arrêt du 19 février 2002, la Cour de cassation est venue néanmoins nuancer cette règle en exigeant que la déclaration de créance ait été accomplie postérieurement à l’extension de la procédure ( com. 19 févr. 2002).
    • Confusion
      • Dans l’hypothèse où les personnes visées par l’extension de la procédure seraient titulaires l’une contre l’autre de créances, la réunion des patrimoines en une seule masse aurait pour conséquence de réaliser une confusion.
      • Le mécanisme de confusion est défini à l’article 1300 du Code civil qui prévoit que « lorsque les qualités de créancier et de débiteur se réunissent dans la même personne, il se fait une confusion de droit qui éteint les deux créances.»
      • La confusion opère de la sorte extinction des créances réciproques.
    • Compensation
      • Lorsqu’un créancier du débiteur est lui-même débiteur de la personne à qui la procédure collective est étendue, la réunion des patrimoines a pour conséquence de créer les conditions de réalisation de la compensation légale.
      • Le nouvel article 1289 du Code civil prévoit en ce sens que « lorsque deux personnes se trouvent débitrices l’une envers l’autre, il s’opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes»
      • L’article 1291 pose comme condition que les deux dettes aient « pour objet une somme d’argent, ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce et qui sont également liquides et exigibles.»
      • Si tel est le cas, « la compensation s’opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l’insu des débiteurs ; les deux dettes s’éteignent réciproquement, à l’instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu’à concurrence de leurs quotités respectives» ( 1290 C. civ.).
  • Sort des garanties
    • Les sûretés réelles
      • Les créanciers sont titulaires d’une sûreté spéciale
        • l’extension de la procédure ne modifie en aucune manière l’étendue de leur gage qui conserve son assiette initiale : le bien sur lequel porte la sûreté spéciale (V. en ce sens com., 16 déc. 1964)
      • Les créanciers sont titulaires d’une sûreté générale
        • Dans cette hypothèse, le gage des créanciers est étendu aux biens des personnes visées par l’extension de procédure (V. en ce sens com., 2 mars 1999)
    • Les sûretés personnelles
      • L’extension d’une procédure collective ne saurait en aucun cas aggraver la situation de la caution en augmentant la portée de son engagement.
      • Dans un arrêt du 25 novembre 1997, la Cour de cassation a considéré en ce sens que dans la mesure où « le cautionnement doit être exprès», dès lors qu’il porte sur une dette déterminée, il ne saurait être étendu à d’autres dettes, notamment celles contractées par les personnes visées par l’extension de la procédure ( com., 25 nov. 1997).

La cessation des paiements: notion, régime

La cessation des paiements est une notion centrale du droit des entreprises en difficulté : de la caractérisation de ses éléments constitutifs dépend l’ouverture ou non d’une procédure collective.

Sous l’empire de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, la cessation des paiements était le seul critère permettant l’ouverture d’une procédure judiciaire, à l’exception des cas exceptionnels d’« ouverture-sanction » de la procédure.

Désormais, depuis l’instauration de la procédure de sauvegarde par la loi du 25 juillet 2005, le déclenchement d’une procédure collective n’est plus lié à l’existence avérée d’une cessation des paiements, tandis que les procédures amiables de résorption des difficultés des entreprises peuvent intervenir après la cessation des paiements du débiteur.

Immédiatement une nouvelle d’ordre notionnel se pose : qu’est-ce que la cessation des paiements ?

Pour être complet, il conviendra, après avoir cerné la notion, d’envisager son régime juridique.

I) La notion de cessation des paiements

Étrangement, tandis que le siège du droit commun des procédures collectives est situé dans la partie du Code de commerce dédiée à la procédure de sauvegarde, la définition de la cessation des paiements est traitée, quant à elle, dans la partie consacrée à la procédure de redressement judiciaire.

À bien y réfléchir, cette localisation de la notion de cessation des paiements dans le Titre III du Livre VI n’est, en soi, pas illogique.

Le législateur a souhaité envisager cette notion, non pas dans sa fonction négative (condition d’exclusion de la procédure de sauvegarde), mais dans sa fonction positive (condition d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire).

Ces remarques liminaires effectuées, que doit-on entendre par la notion de cessation des paiements ?

Classiquement, les auteurs envisagent cette notion en adoptant une double approche, la première positive, la seconde négative.

Nous ne dérogerons pas à la règle.

A) L’approche positive de la cessation des paiements

Initialement, la cessation des paiements n’était définie par aucun texte. Aussi, la définition de cette notion était, jusqu’assez tardivement, pour le moins rudimentaire.

Dans un premier temps, la jurisprudence estimait que la cessation des paiements était caractérisée dès lors que le débiteur n’était pas en mesure de régler une dette à l’échéance.

Puis, les Tribunaux ont sensiblement modifié leur appréciation de la cessation des paiements en considérant qu’elle était établie dès lors que la situation du débiteur était gravement compromise et non pas seulement momentanément obérée.

Enfin, dans un arrêt de principe rendu par la Chambre commerciale en date du 14 février 1978, la Cour de cassation a considéré que l’état de cessation des paiements est caractérisé lorsque le débiteur n’est pas « mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible » (Cass. com. 14 févr. 1978).

Cass. com. 14 févr. 1978
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : vu l'article premier de la loi du 13 juillet 1967 ;
Attendu que, pour débouter l’URSSAF des landes de sa demande de mise en liquidation des biens de Barada, la cour d'appel a retenu par motifs propres et par motifs adoptes des premiers juges, que, le défaut de paiement d'une seule dette ne suffisant pas à constituer l'état de cessation des paiements, la situation de Barada, qui justifiait avoir versé des acomptes importants et dont la dette envers l’URSSAF ne se montait plus qu'à 39.639 francs 45 centimes, n'était pas désespère et sans issue, de sorte que la cessation de ses paiements n'était pas établie ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si Barada était en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel n'a pas donné de base légale a sa décision ;

PAR CES MOTIFS : CASSE et ANNULE l'arrêt rendu entre les parties le 9 juin 1976 par la cour d'appel de Pau.

Par cet arrêt, la Cour de cassation posait les premiers jalons de la définition de la cessation des paiements.

Et pour cause, le législateur la reprendra lors de l’adoption de la loi du 25 janvier 1985.

Cette définition a, par la suite, été reprise par la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises

L’article L. 631-1 du Code de commerce dispose en ce sens que « il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements »

L’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté a précisé cette définition en ajoutant au texte que « le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements. »

Que retenir de cette définition de la cessation des paiements, dont l’ébauche a d’abord été faite par la jurisprudence, puis qui a été précisée après avoir été consacrée par le législateur ?

Il ressort de l’article L. 620-1 du Code de commerce que trois éléments constitutifs caractérisent la notion de cessation des paiements :

  • Un passif exigible
  • Un actif disponible
  • Une impossibilité de faire face au passif exigible avec l’actif disponible
  1. Le passif exigible

Que doit-on comprendre par passif exigible ? Toute la difficulté de cerner le sens à donner à cette formule réside dans le terme exigible.

À la vérité, cet adjectif recèle un sens manifeste et un sens moins évident qui prête à discussion.

Aussi convient-il d’envisager les deux sens.

a) Le sens manifeste de la notion de passif exigible

Deux enseignements peuvent immédiatement être tirés de l’adjectif exigible :

  • D’une part, le passif qui doit être pris en compte pour apprécier la cessation des paiements n’est pas celui qui rassemble la totalité des dettes du débiteur.
    • Seules les dettes exigibles peuvent être intégrées dans le calcul du ratio passif/actif
    • Les dettes non encore arrivées à terme ou conditionnelles doivent être exclues du calcul.
  • D’autre part, par passif exigible il faut entre celui qui commande un paiement immédiat de la part du débiteur, soit le passif échu.
    • Le passif échu est celui qui est dû sans terme, ni condition
    • Le créancier est fondé à en revendiquer le paiement immédiat

b) Le sens discuté de la notion de passif exigible

En pratique, l’état de cessation des paiements se révélera lorsque le débiteur ne sera pas en mesure de procéder au règlement d’une dette échue.

Encore faut-il toutefois que le créancier constate le défaut de paiement du débiteur.

À la vérité, tant que le débiteur n’est pas actionné en paiement, l’état de cessation des paiements relève du domaine de l’abstrait en ce sens qu’il ne produit aucun véritable effet.

Cette situation, qui dans le monde des affaires se rencontre fréquemment, conduit alors à se demander si l’exigibilité à laquelle fait référence l’article L. 620-1 du Code de commerce doit se comprendre

  • au sens strict, c’est-à-dire au sens de passif échu ?

OU

  • au sens large, c’est-à-dire au sens de passif exigé par le créancier ?

Selon que l’on retient l’une ou l’autre conception, la situation est, de toute évidence, plus ou moins favorable au débiteur.

  • Si l’on retient une conception stricte, la seule existence d’un passif échu suffit à caractériser le premier élément constitutif de la cessation des paiements
  • Si, au contraire, l’on retient une conception souple, tant que le créancier n’a pas actionné le débiteur en paiement, celui-ci ne peut pas être considéré comme se trouvant en cessation des paiements, nonobstant l’existence d’un passif échu.

Quel raisonnement tenir pour justifier l’une ou l’autre approche de la notion d’exigibilité ?

La question a fait l’objet d’un important débat doctrinal nourri par un contentieux fourni.

Surtout, il ressort de la jurisprudence que la position de la Cour de cassation sur cette question a considérablement évolué jusqu’à finalement être consacrée en 2008 par le législateur.

==> Première étape : adoption d’une conception souple de la notion de passif exigible

Tout d’abord, dans un certain nombre d’arrêts, la Cour de cassation a pu estimer que l’absence de réclamation du paiement d’une dette par le créancier auprès du débiteur pouvait s’analyser comme l’octroi tacite d’un délai de paiement (V. en ce sens com. 22 févr. 1994)

Ensuite, dans un arrêt du 12 novembre 1997, la chambre commerciale a condamné une Cour d’appel pour n’avoir pas tiré les conséquences de la non-réclamation par le Trésor d’une dette fiscale au débiteur ( com. 12 nov. 1997)

Pour la Cour de cassation le défaut de paiement de cette dette n’était, en effet, pas suffisant pour établir le défaut de paiement du passif exigible, contrairement à ce qui avait été jugé par les juges du fond.

Avec cet arrêt, la chambre commerciale introduit l’idée que, au fond, seules les dettes exigées par le créancier doivent être prises en compte dans la détermination du passif exigible.

Cette position – libérale – de la Cour de cassation a été confirmée, un an plus tard, dans un arrêt controversé rendu le 28 avril 1998 ( com 28 avr. 1998).

  • Faits
    • Deux associés souhaitent dissoudre leur société
    • La gérante de la société désignée par le liquidateur amiable pour l’occasion informe le bailleur des locaux dans lesquels est établie la société de son intention de résilier le bail
    • Le bailleur oppose le non-achèvement de la période triennale en cours, de sorte que la résiliation ne peut intervenir immédiatement
    • Plus aucun loyer n’est alors payé par la société après sa dénonciation du bail
    • Le bailleur assigne la société en paiement des loyers arriérés
    • Le bailleur l’assigne ensuite en redressement judiciaire
    • La société est alors placée en liquidation judiciaire par jugement du 10 juin 1992
  • Demande
    • Le liquidateur demande à ce que la date de cessation des paiements soit reportée au jour du premier impayé de loyer de la société
  • Procédure
    • Par un arrêt du 7 septembre 1995, la Cour d’appel de Caen déboute le liquidateur de sa demande
    • Les juge du fond estiment la date de cessation des paiements ne peut pas être reportée antérieurement au moment où la dette est exigée par le créancier.
    • Or en l’espèce, la dette a été exigée après qu’elle soit échue
  • Moyens des parties
    • Le liquidateur soutient que la date qui doit être retenue pour déterminer la cessation des paiements, c’est le moment où la dette devient exigible et non le moment où la dette est exigée.
  • Solution
    • Par un arrêt du 28 avril 1998, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le liquidateur.
    • Au soutien de sa décision elle affirme que « le passif à prendre en considération pour caractériser l’état de cessation des paiements est le passif exigible et exigé, dès lors que le créancier est libre de faire crédit au débiteur »
    • Ainsi, pour la Cour de cassation, dès lors que la dette n’est pas réclamée par le créancier au débiteur, quand bien même elle serait exigible, elle ne permet pas de faire constater l’état de cessation des paiements.
  • Analyse
    • Pour mémoire, l’article L. 631-1 du Code de commerce prévoit que la cessation des paiements c’est la situation d’une entreprise qui se trouve dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.
    • Il ressort de cette disposition qu’est seul évoqué le terme « exigible »
    • Le terme « exigé » ne figure nullement dans le texte.
    • La première conséquence – immédiate – que l’on peut tirer de cette décision, c’est que la Cour de cassation ajoute une condition à la loi.
    • Pourquoi, cet ajout ?
    • Sans aucun doute pour retarder la cessation des paiements.
    • Car pour la Cour de cassation, à tout le moins c’est ce qui ressort de sa décision, dès lors que la dette n’est pas exigée par le créancier, sa situation n’est pas suffisamment grave pour justifier la constatation des paiements, dont il résultera l’ouverture d’une procédure collective.
    • Cette solution repose sur l’idée qui consiste à dire que, au fond, la période qui s’écoule entre le moment où la dette est exigible et le moment où la dette est exigée peut s’analyser comme un délai de paiement consenti au débiteur.
    • Il en résulte que ce délai de paiement est à mettre au crédit de l’actif disponible.
    • On peut alors en déduire qu’une dette échue n’a pas à être prise en compte dans la détermination du passif dès lors que le créancier consent à son débiteur des facilités de paiement ou des reports d’échéance.
    • C’est la théorie de « la réserve de crédit »
    • L’exigibilité de la dette ne suffit donc pas ; il faut encore que le paiement ait été demandé puisque, sauf cas exceptionnels, une mise en demeure est nécessaire pour constater la défaillance du débiteur.
    • Sans compter que, tant que le paiement de la dette n’est pas réclamé au débiteur, il bénéficie d’une « réserve de crédit ».
    • C’est en ce sens que la Cour de cassation a préféré parler de passif exigé plutôt que de passif simplement exigible.
    • Le passif à prendre en considération est donc le passif qui n’a pas été payé alors qu’on avait demandé au débiteur qu’il le soit.
  • Critiques
    • La position adoptée par la Cour de cassation fait certes profiter le débiteur de l’inertie de son créancier
    • Elle conduit cependant à retarder sensiblement le déclenchement et donc corrélativement l’efficacité de la procédure.
    • Si l’insuffisance de l’actif disponible est parfois difficile à caractériser notamment lorsque le débiteur continue à faire face à ses échéances en utilisant des moyens ruineux ou frauduleux, il en allait différemment en l’espèce puisque l’entreprise n’a pas pu établir qu’elle disposait d’une quelconque trésorerie.
    • La cessation des paiements semblait donc d’autant plus acquise que l’entreprise était en fait dans une situation irrémédiablement compromise qui n’est certes pas nécessaire à la qualification mais qui témoigne néanmoins du caractère inéluctable de la procédure.
    • La position adoptée par la Cour de cassation est donc dangereuse.
    • Pourquoi vouloir retarder à tout prix la cessation des paiements alors qu’elle est inévitable ?
    • Cela n’a pas grand sens
    • Cette jurisprudence a-t-elle survécu à l’adoption de la loi du 26 juillet 2005 ?

Cass. com 28 avr. 1998

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 7 septembre 1995), que les associés de la société à responsabilité limitée Normandie express cuisines (société Normandie) ayant décidé sa dissolution anticipée, Mme Y..., gérante, a été désignée en qualité de liquidateur amiable;

Que celle-ci a informé la société civile immobilière REG (le bailleur), propriétaire des locaux loués à la société Normandie, de son intention de résilier le bail ;

Que, par lettre du 8 novembre 1990, le bailleur lui a répondu que la résiliation ne pouvait intervenir qu'au terme de la période triennale en cours, soit le 25 juin 1993, et que "sans que cela constitue de notre part une renonciation à nos droits", il mettait "les locaux en relocation pour le 1er janvier 1991";

Qu'aucun loyer n'ayant été réglé après cette date, le bailleur, par acte du 19 mars 1991, a assigné la société Normandie en paiement de l'arriéré;

Qu'après condamnation de la société au paiement d'une certaine somme à ce titre, le bailleur l'a assignée en redressement judiciaire;

Que le Tribunal a ouvert la procédure simplifiée de redressement judiciaire de la société Normandie, par jugement du 10 juin 1992, puis l'a mise en liquidation judiciaire;

que M. X..., désigné en qualité de représentant des créanciers puis de liquidateur de la procédure collective, a demandé que la date de cessation des paiements soit reportée au 1er janvier 1991 et que Mme Y... soit condamnée, sur le fondement de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, à supporter les dettes sociales, lui reprochant d'avoir, en omettant de déclarer la cessation des paiements de la société Normandie, contribué à l'insuffisance d'actif ;

[…]

Et sur le second moyen :

Attendu que le liquidateur de la procédure collective reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement des dettes sociales alors, selon le pourvoi, qu'en vertu des articles 37, 38 et 141 de la loi du 25 janvier 1985, dans leur rédaction applicable en la cause, le bailleur ne peut prétendre au paiement des loyers échus postérieurement à la renonciation de la personne qualifiée pour y procéder à poursuivre le bail, et acquiert du fait de cette renonciation le droit de faire prononcer en justice la résiliation du contrat;

qu'en retenant, pour décider que la tardiveté de la déclaration de cessation des paiements de la société Normandie n'avait pas contribué à l'insuffisance d'actif, que la bailleresse aurait pu produire sa créance de loyers à échoir jusqu'à l'expiration de la période triennale en cours même si le contrat avait été résilié dès la cessation des paiements, la cour d'appel a donc violé les textes ci-dessus mentionnés ;

Mais attendu que le moyen se borne à prétendre que la déclaration de la cessation des paiements de la société Normandie faite dans le délai légal par Mme Y... aurait, par suite de la possibilité de renoncer à la poursuite du contrat de bail en cours qu'offrait l'ouverture de la procédure collective, évité l'accumulation d'une dette de loyer postérieurement à cette renonciation;

que, dès lors que les dettes nées après le jugement d'ouverture et, par conséquent, celles postérieures à la renonciation, n'entrent pas dans le passif pris en compte pour la détermination de l'insuffisance d'actif pouvant être mise à la charge des dirigeants, ce moyen est inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

==> Deuxième étape : adoption d’une conception stricte de la notion de passif exigible

Dans un arrêt du 27 février 2007, la Cour de cassation a durci sa position quant à l’approche de la notion de passif exigible ( com. 27 févr. 2007)

  • Faits
    • Une société est placée en liquidation judiciaire
    • Suite à une réformation du jugement, c’est finalement une procédure de redressement judiciaire qui est ouverte
  • Demande
    • La date de cessation des paiements arrêtée par le Tribunal est contestée par la société et le mandataire ad hoc
  • Procédure
    • Par un arrêt du 13 septembre 2005, la Cour d’appel de Paris ne fait pas droit à la demande des appelants quant à une modification de la date de cessation des paiements
    • Les juges du fond ont estimé en l’espèce que l’actif disponible de la société n’était pas suffisant pour couvrir le passif exigible
  • Moyens
    • Premier reproche
      • L’auteur du pourvoi reproche à la Cour d’appel de n’avoir pas tenu compte, dans le calcul de l’actif de la société, de deux immeubles, qui faisaient certes l’objet d’un droit de préemption par la Mairie, ce qui donnerait lieu à une indemnisation au prix du marché.
      • Il aurait donc fallu tenir compte de la valeur de ces immeubles dans le calcul de l’actif disponible
    • Second reproche
      • L’auteur du pourvoi reproche aux juges du fond d’avoir reporté la date de cessation des paiements, alors que le passif de la société était certes exigible, mais non encore exigé par le créancier
      • L’auteur du pourvoi s’appuie ici sur la solution dégagée dans l’arrêt du 28 février 1998
  • Solution
    • Par un arrêt du 27 février 2007, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société et son mandataire ad hoc
    • La Cour de cassation estime en l’espèce que « la société, qui n’avait pas allégué devant la cour d’appel qu’elle bénéficiait d’un moratoire de la part de ses créanciers, ne faisait valoir aucune contestation relative au montant ou aux caractéristiques de son passif de sorte que la cour d’appel, qui n’avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision»»
    • Cela signifie, autrement dit, que le crédit dont est susceptible de jouir le débiteur ne saurait se déduire de l’attitude passive du créancier
    • Pour la Cour de cassation, la décision du créancier de faire crédit au débiteur doit être univoque et prouvée
    • Si l’on compare cette décision avec l’arrêt rendu en 1998, il apparaît que la Cour de cassation opère ici un véritable revirement de jurisprudence.
    • Elle considère que le critère légal du « passif exigible » ne doit pas être combiné avec le critère prétorien du « passif exigé »
    • La Cour de cassation nous indique par là même que le crédit dont peut se prévaloir le débiteur pour être pris en compte dans l’actif disponible, et non dans le passif exigible, doit procéder d’une démarche volontaire et surtout expresse du créancier.
    • Le crédit consenti au débiteur ne doit pas se déduire de l’inaction du créancier, sauf à encourir une requalification en dette exigible.
  • Portée
    • L’abandon du critère du « passif exigé » ne fait aucun doute à la lecture d’un arrêt rendu le même jour par la Chambre commerciale.
    • Dans cette décision la Cour de cassation décide que « lorsque le débiteur n’allègue pas devant la cour d’appel qu’il bénéficie d’un moratoire de la part de ses créanciers et ne fait valoir aucune contestation relative au montant ou aux caractéristiques de son passif, la cour d’appel peut décider que le passif est exigible, même s’il n’est pas exigé» ( com., 27 févr. 2007).
    • Plus récemment, la chambre commerciale est venue préciser que les sommes correspondant à « un moratoire obtenu pour les dettes sociales» devaient être soustraites du passif exigible ( com., 18 mars 2008).

Cass. com. 27 févr. 2007
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 13 septembre 2005), que la société Avenir Ivry (la société) a été mise en liquidation judiciaire par le tribunal qui s'était saisi d'office ; que la cour d'appel a réformé le jugement et a ouvert une procédure de redressement judiciaire ;

Attendu que la société et son mandataire ad hoc font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué et d'avoir fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 13 septembre 2005, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en s'abstenant de rechercher, cependant qu'elle y était invitée, si la commune d'Ivry, après avoir exercé son droit de préemption sur les deux immeubles de la société, n'avait pas émis, le 15 février 2005, l'offre de les acquérir au prix correspondant à la valeur retenue par le juge de l'expropriation, en sorte que ces immeubles eussent constitué un actif disponible pour être immédiatement cessibles au bénéficiaire du droit préférentiel de les acheter, par la seule acceptation de son offre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-1 du code de commerce ;

2°/ qu'en retenant l'état de cessation des paiements de la société après avoir relevé que ses dettes étaient exigibles, sinon exigées, et quand le liquidateur à liquidation judiciaire, qui s'en rapportait à justice sur les mérites de l'appel contre la décision du premier juge ayant statué sur sa saisine d'office, soulignait qu' aucune poursuite n'est en cours concernant le passif déclaré lequel, dans ces conditions, n'est pas à ce jour exigé, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-1 du code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt a exactement retenu que l'actif de la société, constitué de deux immeubles non encore vendus, n'était pas disponible ;

Attendu, d'autre part, que la société, qui n'avait pas allégué devant la cour d'appel qu'elle bénéficiait d'un moratoire de la part de ses créanciers, ne faisait valoir aucune contestation relative au montant ou aux caractéristiques de son passif, de sorte que la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

==> Troisième étape : Consécration légale de la conception stricte de la notion de passif exigible

La solution retenue par la Cour de cassation dans ses deux arrêts du 27 février 2007 a été reprise le législateur à l’occasion de l’adoption de l’ordonnance du 18 décembre 2008.

Ce texte est venu compléter l’article L. 631-1 du Code de commerce en y apportant la précision que « le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements.»

Il ressort de cette disposition que c’est donc au débiteur qu’il appartiendra de prouver l’existence d’un délai de paiement.

Cette exigence ne déroge toutefois en rien à la règle aux termes de laquelle, il revient au créancier, en toute hypothèse, d’établir au soutien de son assignation en redressement ou en liquidation judiciaire l’état de cessation des paiements du débiteur.

c) L’exigence d’un passif exigible reposant sur une créance certaine et liquide

Bien  que l’article L. 631-1 du Code de commerce ne semble conditionner la cessation des paiements qu’à l’établissement d’un passif exigible, celui-ci n’en doit pas moins reposer sur une créance certaine et liquide.

Autrement dit, le Tribunal ne devra pas s’arrêter à la seule constatation du défaut de paiement du débiteur ; il devra également vérifier que les créances dont se prévaut le créancier sont certaines et liquides.

Pour constituer un élément de la cessation des paiements, la dette impayée ne doit pas être litigieuse c’est-à-dire qu’elle ne doit être contestée :

  • ni dans son existence
  • ni dans son montant
  • ni même dans son mode de paiement

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 novembre 2008 est une illustration de cette exigence (Cass. 1ère civ. 25 nov. 2008).

  • Faits
    • Une SCI est condamnée en référé à payer deux provisions à une société avec laquelle elle était en litige.
    • Les sommes allouées par le Tribunal à la société qui est sortie gagnante du procès ne sont pas réglées
  • Demande
    • Assignation en redressement judiciaire
  • Procédure
    • Par un arrêt du 25 octobre 2007, la Cour d’appel de Versailles fait droit à la demande du créancier : ouverture d’une procédure de redressement judiciaire
    • Les juges du fonds estiment que la créance litigieuse était exigible dans la mesure où une ordonnance de référé est assortie, de plein droit, de l’exécution provisoire.
    • Dès lors, compte tenu de l’état de l’actif disponible de la société débitrice, la cessation des paiements ne pouvait être que constatée
  • Solution
    • Par un arrêt du 25 novembre 2008, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel.
    • Elle considère que « le sort définitif de la créance était subordonné à une instance pendante devant les juges du fond, de sorte que cette créance, litigieuse et donc dépourvue de caractère certain, ne pouvait être incluse dans le passif exigible retenu »
    • Pour la première civile, la créance litigieuse ne pouvait donc pas être qualifiée en l’espèce de créance exigible, dans la mesure où son sort définitif n’était pas encore scellé.
    • Tant que les juges du fond n’ont pas statué, la créance demeure incertaine, d’où l’impossibilité de l’intégrer dans le calcul du passif exigible.

Cass. 1ère civ. 25 nov. 2008
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 631-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la SCI Alliance (la SCI) a été condamnée par deux ordonnances de référé à payer diverses sommes à titre de provision à la société Gilles matériaux (société Matériaux) ; que la SCI, qui n'a pas réglé lesdites sommes, a saisi les juges du fond ; que dans le même temps, la société Matériaux a fait assigner la SCI aux fins de faire constater son état de cessation des paiements et voir, en conséquence, prononcer l'ouverture d'un redressement judiciaire à son encontre ;

Attendu que pour ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SCI, l'arrêt retient que la créance de la société Matériaux est exigible en vertu des ordonnances de référé et que le fait qu'une instance au fond soit en cours n'en suspend pas l'exécution provisoire ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le sort définitif de la créance était subordonné à une instance pendante devant les juges du fond, de sorte que cette créance, litigieuse et donc dépourvue de caractère certain, ne pouvait être incluse dans le passif exigible retenu, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté l'exception de sursis à statuer, l'arrêt rendu le 25 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

2. L’actif disponible

Pour être en cessation des paiements, le débiteur doit se trouver dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

Quel sens donner à la formule « actif disponible » ?

Il s’agit de l’actif immédiatement réalisable, soit celui qui le débiteur est en mesure de rassembler afin de satisfaire à la demande de règlement du créancier.

a) Problématique

La difficulté soulevée par la notion d’actif disponible réside dans la question de savoir ce que l’on doit entendre par « disponible ».

Plus précisément, à partir de quand peut-on considérer que l’actif du débiteur est disponible ?

Est-ce seulement l’actif mobilisable immédiatement ? À très court terme ? À court terme ? À moyen terme ?

Où placer le curseur ?

Si le débiteur possède des biens immobiliers, doivent-il être pris en compte dans le calcul de l’actif disponible où doit-on estimer que l’existence d’un délai entre la demande du créancier et la vente des biens ne permet pas de les intégrer dans l’actif disponible ?

b) La jurisprudence

Il ressort de la jurisprudence que la notion d’actif disponible est entendue très étroitement par la Cour de cassation.

Bien que cette dernière n’ait pas donné de définition précise de la notion, ces différentes décisions permettent de cerner son niveau d’exigence à l’endroit des juges du fond.

==> Les éléments exclus de l’actif disponible

  • Les biens immobiliers
    • Dans un arrêt du 27 février 2007, la Cour de cassation a estimé que « l’actif de la société, constitué de deux immeubles non encore vendus, n’était pas disponible» ( com. 27 févr. 2007)
    • En l’espèce, le débiteur était pourtant sur le point de recevoir paiement du prix de vente dans le cadre d’une opération d’expropriation.
    • Cet argument n’a toutefois pas convaincu la chambre commerciale qui a confirmé l’état de cessation des paiements constaté par la Cour d’appel.
  • Le fonds de commerce
    • Dans un arrêt du 26 janvier 2015, la Cour de cassation s’est prononcée en faveur de l’exclusion du fonds de commerce de l’actif disponible du débiteur.
      • Faits
        • Une société est placée en redressement judiciaire après constat de l’état de cessation des paiements
      • Demande
        • Le liquidateur assigne le dirigeant de la société débitrice en paiement des dettes sociales pour n’avoir pas déclaré l’état de cessation des paiements dans les délais
      • Procédure
        • Par un arrêt du 26 janvier 2015, la Cour d’appel de Pau déboute le liquidateur de sa demande
        • Les juges du fond estiment que l’état de cessation des paiements est intervenu à une date postérieure de celle évoquée par le liquidateur
        • Pour eux, devait être pris en compte pour apprécier l’état de cessation des paiements, la valeur du fonds de commerce mis en vente de la société débitrice
      • Solution
        • Par un arrêt du 15 février 2011, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel
        • La Cour de cassation estime, indépendamment de la question du passif exigible, que le fonds de commerce, bien que mis en vente, ne constitue pas un élément de l’actif disponible.
        • La chambre commerciale adopte ici une vision très restrictive de l’actif disponible.
        • Il ne peut s’agir que de l’actif réalisable et mobilisable immédiatement.
        • Or ce n’est pas le cas d’un fonds de commerce mis en vente.
      • Analyse
        • Que retenir de cette décision ?
        • L’actif disponible ne comprend pas les biens réalisables à court terme, ce qui est le cas des immobilisations.
        • Elles doivent donc être systématiquement exclues de l’assiette de l’actif disponible.
  • Une créance à recouvrer
    • La Cour de cassation considère régulièrement qu’une créance à recouvrer ne peut pas être intégrée dans le calcul de l’actif disponible
    • Dans un arrêt du 7 février 2012 elle a estimé en ce sens que « si le montant d’une créance à recouvrer peut, dans certaines circonstances exceptionnelles, être ajouté à l’actif disponible, il résulte des conclusions de Mme Y… que, non seulement, celle-ci n’indiquait pas dans quel délai elle escomptait percevoir le montant de la créance qu’elle invoquait sur le Trésor, mais que celle-ci était égale au montant total des sommes déclarées par le comptable public en 2007 diminué du montant global des décharges d’impositions qu’elle avait obtenues, à la fois par décision d’une juridiction administrative du 1er juin 2010 et par décision de l’administration du 3 août 2006, antérieure aux déclarations des créances fiscales, lesquelles n’ont, dès lors, porté que sur les sommes estimées encore dues, de sorte qu’il n’existait, au vu des conclusions, de certitude ni sur l’existence d’un solde en faveur de Mme Y…, ni sur la possibilité de son encaissement dans des conditions éventuellement compatibles avec la notion d’actif disponible ; que la cour d’appel n’était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes »
    • Autrement dit, pour la chambre commerciale parce que le recouvrement de créance est une opération qui comporte, en soi, une part d’aléa, la créance à recouvrer ne peut être incluse dans le calcul de l’actif disponible, sauf cas exceptionnel.
  • La garantie à première demande
    • Dans un arrêt du 26 juin 1990, la Cour de cassation a estimé qu’une garantie à première demande ne pouvait pas être intégrée dans le calcul de l’actif disponible ( com. 26 juin 1990)
    • Qu’est-ce qu’une garantie à première demande ?
    • Il s’agit d’un acte par lequel un garant (le plus souvent une banque ou une compagnie d’assurances) s’engage à payer dès la 1ère demande et dans un délai de 15 jours, à la demande du bénéficiaire (le pouvoir adjudicateur), une somme d’argent déterminée sans pouvoir soulever d’exception, d’objection ou de contestation tenant à l’exécution de l’obligation garantie selon le contrat de base.
      • Faits
        • En l’espèce, un tiers (le district de Lacq) garantissait une dette du débiteur (la Secadil) à l’égard de l’un de ses créanciers (la Sofrea) en vertu d’une garantie à première demande.
        • Le garant avait également accepté que les sommes qu’il pourrait verser à la suite de l’appel de garantie ne seraient pas immédiatement exigibles dans ses rapports avec la Secadil (le débiteur).
      • Demande
        • La Sofrea (le créancier) assigne son débiteur en redressement judiciaire
      • Procédure
        • La cour d’appel de Pau prononce un sursis à statuer, retenant que la garantie donnée par le district avait pour effet d’apurer le passif de la Secadil vis-à-vis des tiers, sans y substituer une créance exigible
        • Pour les juges du fond le créancier, en l’état, n’apportait pas la preuve de la cessation des paiements de la débitrice, cette preuve ne pouvant être établie que si le jeu des « cautions » ne permettait pas le règlement du prêt.
      • Solution
        • L’arrêt de la Cour de cassation est cassé pour violation de l’article 3 de la loi du 25 janvier 1985, définissant la cessation des paiements.
        • Au soutien de sa décision, elle considère que « après avoir relevé que la SECADIL était dans l’impossibilité de faire face à ses engagements tant envers la SOFREA qu’envers les autres organismes prêteurs, ” le terme d’état de cessation des paiements pouvant donc s’appliquer à elle “, et alors que ni l’existence de la garantie à première demande consentie par le district, ni l’accord de celui-ci pour différer l’exigibilité à son égard de la dette de la SECADIL résultant d’une éventuelle mise en oeuvre de la garantie ne pouvaient influer sur l’appréciation de l’état de cessation des paiements de la société au moment où elle statuait sur la demande, la cour d’appel a violé les textes susvisés»
        • Autrement dit, pour la chambre commerciale ce qui doit être pris en compte pour apprécier l’état de cessation des paiements, c’est uniquement la situation du débiteur au jour où le tribunal statue, sans tenir compte du crédit dont il peut disposer auprès de tiers (banquiers, cautions…).
        • Il s’agissait pourtant d’une garantie à première demande, soit réalisable sous 15 jours.
        • Selon la Cour de cassation ce délai fait obstacle à l’intégration de la garantie à première demande dans l’assiette de l’actif disponible.

Cass. com. 26 juin 1990
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble l'article 380-1 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, créancière de la Société d'exploitation du circuit automobile du district de Lacq (la SECADIL) en vertu d'un prêt de somme d'argent consenti à cette dernière avec la garantie à première demande du district de Lacq (le district) qui avait, par ailleurs, accepté que les sommes versées par lui à ce titre ne deviennent pas immédiatement exigibles dans ses rapports avec la débitrice, la Société de financement régional Elf-Aquitaine (la SOFREA), après commandement fait à l'emprunteuse pour avoir paiement des échéances non réglées, l'a assignée en redressement judiciaire ;

Attendu que, pour surseoir à statuer sur cette demande, l'arrêt retient que la garantie donnée par le district avait pour effet d'apurer le passif de la SECADIL vis-à-vis des tiers, sans y substituer une créance exigible, de sorte que la SOFREA, en l'état, n'apportait pas la preuve de la cessation des paiements de la débitrice, cette preuve ne pouvant être établie que si le jeu des " cautions " ne permettait pas le règlement du prêt ;

Attendu qu'en se prononçant ainsi, après avoir relevé que la SECADIL était dans l'impossibilité de faire face à ses engagements tant envers la SOFREA qu'envers les autres organismes prêteurs, " le terme d'état de cessation des paiements pouvant donc s'appliquer à elle ", et alors que ni l'existence de la garantie à première demande consentie par le district, ni l'accord de celui-ci pour différer l'exigibilité à son égard de la dette de la SECADIL résultant d'une éventuelle mise en oeuvre de la garantie ne pouvaient influer sur l'appréciation de l'état de cessation des paiements de la société au moment où elle statuait sur la demande, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a ordonné le sursis à statuer sur la demande de mise en redressement judiciaire de la SECADIL, l'arrêt rendu le 18 octobre 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse

==> Les éléments inclus dans l’actif disponible

  • Les liquidités
    • Les liquidités correspondent à la trésorerie dont dispose le débiteur sur ses comptes bancaires.
    • De par leur nature, ces fonds sont disponibles à vue.
    • Il en va de même des effets de commerce dont il est susceptible d’être porteur, tels qu’une lettre de change ou un billet à ordre.
    • L’origine des liquidités est indifférente pour la Cour de cassation.
    • Il importe peu, en conséquence, que pour échapper à la cessation des paiements, le débiteur effectue un apport en compte courant (V. en ce sens com. 24 mars 2004).
    • Cette démarche ne doit toutefois pas avoir pour finalité de maintenir artificiellement en vie « une société qui était manifestement en état de cessation de paiements avec ses seuls actifs».
  • Les réserves de crédit
    • Aux termes de l’article L. 631-1 du Code de commerce, « le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements»
    • Pour mémoire, cette précision a été ajoutée par l’ordonnance du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté
    • Alors que sous l’empire du droit antérieur la jurisprudence a pu être fluctuante sur cette question, l’intervention du législateur a permis de clarifier les choses.
    • Les réserves de crédits consenties au débiteur par les créanciers, doivent être incluses dans le calcul de l’actif disponible.

==> Conclusion

Il ressort de la jurisprudence que la notion d’actif disponible doit être entendue très étroitement.

Il ne peut s’agir que des éléments immédiatement réalisables.

Un parlementaire avait suggéré de n’y intégrer que les éléments d’actifs réalisables à un mois (Amendement Lauriol : JOAN CR, 16 oct. 1984, p. 4690).

Cette proposition n’a pas été retenue, le gouvernement de l’époque ne souhaitant pas enfermer la notion de cessation des paiements dans des délais, ce qui présenterait l’inconvénient de considérablement réduire la marge d’appréciation laissée au juge.

Or en matière de traitement des entreprises en difficulté, c’est le principe du cas par cas qui préside à la décision des tribunaux.

Aussi, l’actif disponible correspond-il à celui qui peut être mobilisé à très court terme, ce qui exclut tous les biens dont la réalisation suppose l’accomplissement de formalités.

La conséquence en est que ne peut être comprise dans l’actif disponible la valeur du patrimoine immobilier du débiteur qui, bien que supérieure au passif exigible, n’est pas réalisable immédiatement.

3. L’impossibilité de faire face au passif exigible avec l’actif disponible

Pour être en cessation des paiements, il ne suffit pas que le débiteur présente un lourd passif exigible, encore faut-il que celui-ci ne puisse pas être couvert par l’actif disponible.

Aussi, cela signifie-t-il que le simple défaut de paiement du débiteur ne saurait fonder l’ouverture d’une procédure collective.

Dès lors que le débiteur a la capacité de faire face, il est à l’abri, à la condition toutefois que l’actif dont il fait état ne soit pas artificiel ni ne soit obtenu par des moyens frauduleux, telle l’émission de traites de complaisance.

Concrètement, c’est seulement lorsque le débiteur ne sera plus en mesure de se faire consentir des crédits par ses créanciers ou par un organisme prêteur que la cessation des paiements sera caractérisée.

L’ouverture d’une procédure collective apparaît alors inévitable.

B) L’approche négative de la cessation des paiements

La cessation des paiements se distingue de plusieurs situations et notions qu’il convient d’envisager afin de mieux la cerner.

==> Cessation des paiements et insolvabilité

  • La cessation des paiements c’est la situation du débiteur qui s trouve dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible
  • L’insolvabilité c’est la situation du débiteur qui se trouve dans l’impossibilité de faire face à la totalité des dettes qui pèsent sur sa tête avec l’ensemble de son actif.

Autrement dit, tandis que pour établir la cessation des paiements on se limite à comparer le passif exigible à l’actif disponible, l’insolvabilité résulte d’un déséquilibre entre l’ensemble du passif contracté par le débiteur et la totalité de l’actif porté à son crédit.

Si, la plupart du temps, les entreprises qui font l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire sont insolvables, cette situation ne saurait se confondre avec l’état de cessation des paiements.

Deux raisons peuvent être avancées au soutien de ce constat :

  • La solvabilité ne fait pas obstacle à la cessation des paiements
    • Un débiteur peut parfaitement être solvable, soit être en possession d’un actif dont la valeur est supérieure à son passif.
    • Pour autant, il peut ne pas être en mesure de faire face à son passif disponible, l’actif qu’il possède n’étant pas disponible, car non réalisable immédiatement.
    • Telle est l’issue à laquelle est susceptible de conduire la solution adoptée par la Cour de cassation dans l’arrêt du 27 février 2007.
    • Pour mémoire, elle avait estimé dans cette décision que « l’actif de la société, constitué de deux immeubles non encore vendus, n’était pas disponible» ( com. 27 févr. 2007)
  • L’insolvabilité ne correspond pas nécessairement à la cessation des paiements
    • Le passif d’une entreprise pris dans sa totalité peut être nettement supérieur à son actif disponible, sans pour autant que cette dernière soit en cessation des paiements
    • Seul le passif exigible de l’entreprise ne peut, en effet, être pris en compte, soit les dettes échues.
      • Exemple
        • Une société en formation emprunte la somme d’un million d’euros pour acquérir un immeuble tandis que son actif disponible n’est que de 100.000 euros
        • Si l’on compare le passif et l’actif de cette entreprise, il ne fait aucun doute qu’il en résulte un déséquilibre négatif
        • Toutefois, pour déterminer si elle est en cessation de paiements il convient d’intégrer au calcul, non pas le montant total de la somme empruntée, mais le montant des échéances mensuelles dues.
        • Si lesdites échéances sont de 10.000 euros par mois, l’entreprise peut sans aucune difficulté y faire face avec son actif disponible.

==> Cessation des paiements et situation irrémédiablement compromise

La situation irrémédiablement compromise est la situation dans laquelle se trouve un débiteur qui emprunte de manière irréversible le chemin de la liquidation judiciaire.

Autrement dit, lorsque le débiteur est dans cette situation il n’y a plus aucun espoir qu’il surmonte les difficultés rencontrées.

Les dettes accumulées sont telles, que l’élaboration d’un plan de redressement est inutile. Aussi, le Président du Tribunal n’aura d’autre choix que de prononcer la liquidation judiciaire de l’entreprise.

Si la situation irrémédiablement compromise ne constitue pas l’événement déclencheur d’une procédure collective, lorsqu’elle est établie elle ouvre le droit du banquier de résilier unilatéralement, sans préavis, sa relation avec le débiteur, sans risque pour lui de voir sa responsabilité engagée pour rupture abusive.

L’article L. 313-12, al. 2e du Code monétaire et financier prévoit en ce sens que « l’établissement de crédit ou la société de financement n’est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l’ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise. »

==> Cessation des paiements et défaut de paiement

Le défaut de paiement du débiteur ne saurait, en aucun, cas constituer une cause d’ouverture d’une procédure collective, sauf à ce que cette défaillance soit la manifestation de l’état de cessation des paiements.

Cette règle a notamment trouvé application dans un arrêt de la chambre commerciale du 27 avril 1993.

  • Faits
    • Redressement judiciaire d’une personne physique
    • Ce redressement fait suite à l’assignation du débiteur par un organisme en raison d’un impayé de cotisations sociales
  • Demande
    • Assignation en redressement judiciaire
  • Procédure
    • Par un arrêt du 2 avril 1991, la Cour d’appel de Montpellier fait droit à la demande du créancier, elle confirme l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.
    • Les juges du fonds estiment que les impayés du débiteur font présumer la cessation des paiements
    • Aussi, reviendrait-il au débiteur de démontrer que sa défaillance est le fruit d’un refus de paiement et non d’une impossibilité de faire face à sa dette.
  • Solution
    • Par un arrêt du 27 avril 1993, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel
    • Au soutien de sa décision, la chambre commerciale considère que « la cessation des paiements est distincte du refus de paiement et doit être prouvée par celui qui demande l’ouverture du redressement judiciaire»
    • Deux enseignements peuvent être retirés de la solution dégagée par la Cour de cassation
      • D’une part, la cessation des paiements ne s’apparente pas à un refus de paiement
        • La seule comparaison du passif exigible à l’actif disponible permet d’établir la cessation des paiements
      • D’autre part, en aucun cas il appartient au débiteur de prouver qu’il n’est pas en cessation des paiements
        • La Cour d’appel a renversé la charge de la preuve

Cass. com. 27 avr. 1993
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Vu l'article 1315 du Code civil, ensemble l'article 3, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que la cessation des paiements est distincte du refus de paiement et doit être prouvée par celui qui demande l'ouverture du redressement judiciaire ;

Attendu que pour confirmer la mise en redressement judiciaire de M. X... sur assignation de l'Union des travailleurs indépendants mutualistes de l'Hérault (l'UTIMH), à laquelle il est redevable d'un arriéré de cotisations, l'arrêt attaqué retient que son passif fait présumer l'état de cessation de ses paiements, et qu'il lui appartient, en conséquence, de rapporter la preuve que sa défaillance est justifiée par un refus de paiement résultant d'une prise de position de caractère syndical et qu'il est en mesure de régler ses dettes, ce qu'il ne fait pas ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que M. X... se trouve dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 avril 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.

II) Le régime de la cessation des paiements

A) La preuve de la cessation des paiements

==> Charge de la preuve

  • Principe
    • La preuve de la cessation des paiements pèse sur celui qui s’en prévaut.
    • Pour vérifier la réalité de la cessation des paiements le Tribunal saisi désignera le plus souvent un expert.
  • Limite
    • Lorsqu’une demande de conversion d’une procédure de redressement judiciaire et liquidation judiciaire est formulée, la Cour de cassation admet que l’état de cessation des paiements puisse ne pas être prouvé.
    • La chambre commerciale a estimé en ce sens après avoir relevé que « la conversion du redressement en liquidation judiciaire devait être examinée au regard des dispositions de l’article L. 631-15, II, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008, applicable en la cause ; que la cessation des paiements étant déjà constatée lors de l’ouverture du redressement judiciaire, le renvoi opéré par ce texte à l’article L. 640-1 du même code ne peut viser que la condition relative à l’impossibilité manifeste du redressement ; que dès lors, la cour d’appel n’avait pas à se prononcer sur la cessation des paiements» ( com. 23 avr. 2013).

==> Moyens de preuve

La preuve de la cessation des paiements se fait par tout moyen.

La plupart du temps c’est la méthode du faisceau d’indices qui sera appliquée par les tribunaux

Ce qui importe c’est que la preuve rapportée soit précise.

Les juridictions ne sauraient se contenter de motifs généraux pour retenir l’état de cessation des paiements (V. en ce sens com. 13 juin 2006).

B) La date de la cessation des paiements

==> Rôle de la date de cessation des paiements

La détermination de la date de la cessation des paiements comporte trois enjeux:

  • Lorsqu’il constate l’état de cessation des paiements, le débiteur dispose d’un délai de 45 jours pour déclarer sa situation au Tribunal compétent
  • La date de cessation des paiements fixe le point de départ de la période suspecte, soit de la période au cours de laquelle certains actes conclus avec des tiers sont susceptibles d’être annulés.
  • Certaines sanctions prévues contre les dirigeants visent des faits intervenus postérieurement à la cessation des paiements, tels que la banqueroute.

==> Fixation initiale de la date de cessation des paiements

Aux termes de l’article L. 631-8 du Code de commerce le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur.

À défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d’ouverture de la procédure.

Ainsi, le Tribunal tentera de déterminer le plus précisément possible le moment à partir duquel le débiteur n’était plus en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

Si l’identification de ce moment est impossible, c’est la date du jugement d’ouverture qui fera office de date de la cessation des paiements.

En toute hypothèse, la cessation des paiements doit être appréciée au jour où la juridiction statue (V. en ce sens com. 14 nov. 2000).

Il en va de même lorsque le débiteur a interjeté appel ( com. 7 nov. 1989).

==> Report de la date de cessation des paiements

  • Principe
    • En cours de procédure, le Tribunal peut être conduit à modifier la date de cessation des paiements
    • L’article L. 631-8, al. 2e dispose en ce sens que « elle peut être reportée une ou plusieurs fois»
  • Conditions
    • Les personnes ayant qualité à agir
      • La demande de report de la date de cessation des paiements ne peut être formulée que par les personnes limitativement énumérées par l’article L. 631-8, al. 3e du Code de commerce
        • l’administrateur
        • le mandataire judiciaire
        • le ministère public
      • Ainsi, le débiteur n’a pas qualité à agir en report de la date de cessation des paiements.
      • Il en va de même pour les créanciers qui souhaiteraient agir à titre individuel
    • Le délai de demande du report
      • L’article L. 631-8 du Code de commerce prévoit que la demande de modification de date doit être présentée au tribunal dans le délai d’un an à compter du jugement d’ouverture de la procédure.
      • Une fois ce délai écoulé, l’action en report est forclose de sorte que la date de cessation des paiements est définitivement figée.
  • Limites
    • La possibilité pour le Tribunal saisi de reporter la date de cessation des paiements est enfermée dans trois limites
      • Première limite : date butoir
        • Si la date de cessation des paiements peut être reportée plusieurs fois, elle ne peut pas être antérieure à plus de 18 mois à la date du jugement d’ouverture de la procédure
        • La date butoir des 18 mois peut être écartée dans certains cas prévus par la jurisprudence
          • Caractérisation du délit de banqueroute ( crim. 12 janv. 1981).
          • Action en comblement de l’insuffisance d’actif ( com. 30 nov. 1993).
      • Deuxième limite : homologation de l’accord amiable
        • Lorsqu’une procédure de conciliation a été ouverte et que l’accord conclu entre le débiteur et les créanciers a été homologué, la date de cessation des paiements ne peut pas être antérieure à la date de la décision d’homologation.
      • Troisième limite : personne morale en formation
        • La date de cessation des paiements ne peut fort logiquement jamais être reportée antérieurement à la date de naissance de la personne morale, quand bien même la date butoir des 18 mois n’est pas atteinte ( com. 1er févr. 2000).

==> L’unité de la cessation des paiements

  • Droit antérieur
    • Sous l’empire du droit antérieur, il a été admis par la chambre criminelle dans un arrêt du 18 novembre 1991 que, « pour déclarer constitué le délit de banqueroute, le juge répressif a le pouvoir de retenir, en tenant compte des éléments soumis à son appréciation, une date de cessation des paiements autre que celle déjà fixée par la juridiction consulaire» ( crim. 18 nov. 1991)
    • Deux dates de cessation des paiements pouvaient de la sorte être fixées
      • L’une pour déterminer le point de départ de la période suspecte
      • L’autre pour déterminer si une infraction pénale a été commise par le dirigeant
    • Cette position de la chambre criminelle a été confirmée par la suite (V. notamment en ce sens crim. 21 juin 1993)
    • De son côté, la chambre commerciale avait également admis que la date de cessation des paiements pouvait être fixée différemment d’une juridiction consulaire à une autre ( com. 20 juin 1993)
    • Il en va ainsi lorsque, par exemple, après avoir prononcé l’ouverture d’une procédure collective, le juge consulaire
      • Soit prononce la faillite personnelle du dirigeant
      • Soit le condamne en comblement du passif
      • Soit le condamne en redressement judiciaire
    • Cette autonomie des juridictions consulaires se justifie par la possibilité qui leur a été reconnue de s’affranchir de la date butoir des 18 mois quant à la fixation de la date de cessation des paiements
  • Droit positif
    • Par un arrêt du 4 novembre 2014, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en posant comme principe que « l’omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, susceptible de constituer une faute de gestion, s’apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture ou dans un jugement de report» ( com. 4 nov. 2014).
    • Ainsi, la Cour de cassation consacre-t-elle le principe général d’unité de la notion de cessation des paiements
    • Le mouvement avait déjà été enclenché par le décret n° 2005-1677 du 28 décembre 2005 pris en application de la loi du 26 juillet 2005.
    • Ce texte prévoyait, en effet, que « pour l’application de l’article R. 653-8, la date retenue pour la cessation des paiements ne peut être différente de celle retenue en application de l’article L. 631-8».
    • La Cour de cassation en avait tiré la conséquence dans un arrêt du 5 octobre 2010 « qu’il résulte des dispositions des articles L. 653-8, alinéa 3, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, et R. 653-1, alinéa 2, du code de commerce que, pour sanctionner par l’interdiction de gérer le dirigeant de la société débitrice qui n’a pas déclaré la cessation des paiements de celle-ci dans le délai légal, la date de la cessation des paiements à retenir ne peut être différente de celle fixée par le jugement d’ouverture de la procédure collective ou un jugement de report ; que, dès lors, ce dirigeant a un intérêt personnel à contester la décision de report de la date de cessation des paiements ; que son pourvoi formé à titre personnel est, en conséquence, recevable» ( com. 5 octobre 2010).
    • Le champ d’application de cette solution était cependant circonscrit au domaine de la sanction relative à l’interdiction de gérer.
    • Dans l’arrêt du 4 novembre 2014, la Cour de cassation étend cette solution à toutes les actions dont l’exercice est subordonné à l’établissement de la cessation des paiements (action en comblement de l’insuffisance d’actif, poursuite du délit de banqueroute etc.).
    • Reste désormais une question en suspens : la chambre criminelle se ralliera-t-elle à la position de la chambre commerciale ?

Cass. com. 4 nov. 2014
Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’après la mise en redressement puis liquidation judiciaires de la société Arizona (la société) les 4 février et 9 avril 2008, M. Y..., agissant en qualité de liquidateur, a assigné le gérant de cette société, M. X... (le dirigeant), en responsabilité pour insuffisance d’actif et en prononcé d’une mesure d’interdiction de gérer ;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l’article L. 651 2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu que l’omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, susceptible de constituer une faute de gestion, s’apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture ou dans un jugement de report ;

Attendu que pour condamner le dirigeant à contribuer à l’insuffisance d’actif de la société, l’arrêt retient que cette dernière était en cessation des paiements depuis au moins le 5 juillet 2007 et qu’en s’abstenant d’en faire la déclaration dans le délai de quarante cinq jours, le dirigeant a commis une faute de gestion ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans préciser si la date du 5 juillet 2007 était celle fixée par le jugement d’ouverture ou un jugement de report, la cour d’appel, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article L. 653 8, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008, et l’article R. 653 1, alinéa 2, du même code ;

Attendu que pour condamner le dirigeant à une mesure d’interdiction de gérer, l’arrêt retient l’omission de déclarer, dans le délai légal, la cessation des paiements, dont il fixe la date au 5 juillet 2007 ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans préciser si la date du 5 juillet 2007 était celle fixée par le jugement d’ouverture ou un jugement de report, la cour d’appel, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 janvier 2013, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée