La procédure de sauvegarde: genèse, finalité et positionnement dans le droit des entreprises en difficulté

Lorsqu’une entreprise rencontre des difficultés, il est un risque que ses dirigeants ne réagissent pas à temps pour les traiter, soit parce qu’ils ne prennent pas conscience de la situation, soit parce qu’ils ne souhaitent pas effrayer les créanciers ou s’exposer à la menace de poursuites.

En tout état de cause, si le dirigeant ne réagit pas rapidement, son incurie est susceptible de compromettre la continuité de l’exploitation.

Aussi, afin que le chef d’entreprise ne se retrouve pas dans cette situation, le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour instaurer des procédures dont la vocation commune est l’appréhension des difficultés rencontrées par l’entreprise.

Tantôt cette appréhension des difficultés de l’entreprise sera préventive, tantôt elle sera curative.

==> Prévention des entreprises en difficulté / Traitement des entreprises en difficulté

Deux sortes de procédures doivent être distinguées :

  • Les procédures de prévention des entreprises en difficulté
    • Il s’agit ici d’intervenir, en amont, soit avant que l’entreprise ne soit en cessation des paiements.
    • Les deux principales procédures de prévention des entreprises en difficulté sont :
      • le mandat ad hoc
      • la conciliation
    • Elles présentent l’avantage pour le débiteur
      • d’une part, d’être confidentielles, l’objectif étant de ne pas effrayer les créanciers, ce qui produirait l’effet inverse de celui recherché
      • d’autre part, de revêtir une dimension contractuelle, en ce sens qu’elles ont pour finalité de conduire à la conclusion d’un accord amiable
  • Les procédures de traitement des entreprises en difficulté
    • Il s’agit ici d’intervenir à un stade où si, la cessation des paiements n’est pas encore constatée, elle est imminente si l’on ne réagit pas
    • Les procédures de traitement des entreprises en difficulté sont au nombre de trois :
      • La procédure de sauvegarde
      • La procédure de redressement judiciaire
      • La procédure de liquidation judiciaire
    • Contrairement aux procédures de préventions des entreprises en difficultés, les procédures de traitement des entreprises en difficulté empruntent, non pas la voie amiable, mais la voie judiciaire
    • Il en résulte inévitablement un nombre bien plus important de contraintes pour le dirigeant, susceptible d’être dépossédés de son pouvoir de gestion de son entreprise à la faveur d’un administrateur.

==> Genèse de la procédure de sauvegarde

Antérieurement à la grande réforme du droit des entreprises en difficulté engagée par la loi du 26 juillet 2005, on ne dénombrait que deux procédures de traitement des entreprises en difficultés :

  • La procédure de redressement judiciaire
  • La procédure de liquidation judiciaire

Si ces deux procédures réformées par la loi du 25 janvier 1985 poursuivaient déjà comme objectif le sauvetage des entreprises et des emplois, le législateur a cherché, en 2005, à compléter les dispositifs de traitement des entreprises en difficulté afin de permettre aux différents acteurs en présence d’agir encore plus tôt lorsqu’une entreprise est en mauvaise posture économique, sans pour autant que les droits des créanciers soient totalement lésés.

Sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985, il peut être observé que l’ouverture d’une procédure collective était soumise à la survenance d’une cessation des paiements du débiteur.

La cessation des paiements était le seul et unique critère permettant l’ouverture d’une procédure judiciaire, à l’exception des cas exceptionnels d’« ouverture-sanction » de la procédure.

L’application de ce critère avait pour inconvénient majeur de manquer cruellement de souplesse :

  • Tant que la cessation des paiements du débiteur n’était pas constatée, il ne pouvait faire l’objet que d’une procédure de traitement amiable, alors même que les difficultés rencontrées par l’entreprise auraient pu justifier l’ouverture d’une procédure collective.
  • En revanche après la constatation de la cessation des paiements, il ne pouvait plus que faire l’objet d’une procédure judiciaire, alors que la voie amiable aurait parfaitement pu être envisagée, aux fins de résorber les difficultés traversées par l’entreprise.

En 2005, le législateur est venu mettre un terme à cette situation pour le moins absurde, en permettant l’ouverture d’une procédure collective sans qu’il soit besoin d’établir la cessation des paiements.

Pour ce faire la loi du 26 juillet 2005 a institué la procédure de sauvegarde applicable à tout débiteur « qui justifie de difficultés susceptibles de le conduire à la cessation des paiements »

Il s’agit, autrement dit, d’une procédure judiciaire qui s’ouvre avant même que le débiteur ne soit en cessation des paiements.

Cette innovation majeure tendait à répondre à la critique récurrente adressée au droit antérieur, selon laquelle la prise en charge judiciaire des difficultés des entreprises intervient, dans la majeure partie des cas, trop tardivement, à un moment où la situation du débiteur est tellement obérée que l’issue de la procédure ne peut être que la liquidation.

Aussi, la nouvelle procédure de sauvegarde, s’inspirant de dispositifs existant dans d’autres traditions juridiques – notamment le chapitre 11 du titre 11 du code fédéral américain, relatif à la faillite – a été pensée pour assurer une réorganisation de l’entreprise en lui permettant de faire face aux difficultés qu’elle traverse.

==> Finalité de la procédure de sauvegarde

Aux termes de l’article L. 620-1 du Code de commerce, la procédure de sauvegarde « est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. »

Ainsi poursuit-elle un triple objectif :

  • La poursuite de l’activité économique
  • Le maintien de l’emploi
  • L’apurement du passif

Ces trois objectifs poursuivis par la procédure de sauvegarde ont, indéniablement, guidé la main du législateur quant au façonnement du régime judiciaire de cette procédure.

Il en va de même des décisions adoptées par la Cour de cassation qui, pour la plupart, doivent être interprétées à l’aune de la finalité de la procédure de sauvegarde.

Pour bien comprendre où la procédure de sauvegarde se situe par rapport aux autres procédures de traitement des entreprises en difficulté, comparons-la avec les objectifs poursuivis par ces dernières.

  • La procédure de conciliation: conclusion entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, d’un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise ( L. 611-7 C. com).
  • La procédure de sauvegarde: faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif ( L. 620-1 C. com)
  • La procédure de sauvegarde accélérée: restructuration de l’endettement des grandes entreprises remplissant des conditions de seuil
  • La procédure de redressement judiciaire:
    • Permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif ( L. 631-1 C. com.)
    • Élaboration d’un plan de redressement à l’issue d’une période d’observation ( L. 631-1 C. com.)
  • La procédure de liquidation judiciaire :
    • Soit, mettre fin à l’activité de l’entreprise ou réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens ( L. 640-1 C. com.)
    • Soit la cession de l’entreprise ayant pour but d’assurer le maintien d’activités susceptibles d’exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d’apurer le passif ( L. 642-1 C. com.)

==> Parachèvement de la réforme

Instaurée par la loi du 26 juillet 2005, la procédure de sauvegarde a fait l’objet de plusieurs réformes successives en 2008, 2010 et 2014.

  • Première réforme : ordonnance n° 2008-1345du 18 décembre 2008
    • Après trois années d’application, il est apparu nécessaire de renforcer l’efficacité des dispositifs qu’elle propose et de tirer les conséquences des difficultés rencontrées par les praticiens.
    • À cette fin, l’objectif principal poursuivi par l’ordonnance du 18 décembre 2008 était triple :
      • Assouplissement des conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde
        • L’ordonnance adoptée en 2008, dispense le débiteur de démontrer que les difficultés rencontrées par l’entreprise sont de nature à le conduire à la cessation des paiements
        • Il est ressort de la pratique que cette preuve est trop souvent ardue à rapporter
        • Sa complexité s’accroît, qui plus est, à mesure de la précocité de sa demande d’ouverture.
      • Extension des pouvoirs du dirigeant de l’entreprise en difficulté
        • L’ordonnance étend le rôle et les prérogatives du dirigeant au moment de l’ouverture et pendant la procédure de sauvegarde.
        • Ainsi, a été introduite la possibilité pour le débiteur qui demande l’ouverture d’une sauvegarde de proposer au tribunal la désignation de l’administrateur judiciaire de son choix ( L. 621-4 C. com.).
        • Il lui est également désormais permis de procéder lui-même à l’inventaire de son patrimoine dans le délai fixé par le tribunal, sous réserve que celui-ci soit certifié par un commissaire aux comptes ou attesté par un expert-comptable ( L. 621-4 et L. 622-6-1 C. com).
      • Amélioration des conditions de réorganisation de l’entreprise
        • L’ordonnance entend faciliter la poursuite de l’activité au cours de la période d’observation et la préparation du plan de sauvegarde, notamment en aménageant les effets de certaines sûretés.
        • Elle améliore par ailleurs les règles de fonctionnement des comités de créanciers et des assemblées d’obligataires, afin de prendre en considération les enseignements de la pratique et l’apparition de nouveaux acteurs du financement des entreprises.
        • Enfin, elle s’attache à favoriser une réorganisation pérenne après l’arrêté du plan de sauvegarde.
  • Deuxième réforme : loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière
    • Elle est venue instituer une nouvelle procédure de sauvegarde des entreprises, intitulée « procédure de sauvegarde financière accélérée ».
    • Réservée au cercle des « créanciers financiers » des entreprises, c’est-à-dire aux établissements de crédit, la sauvegarde financière accélérée permet de dépasser l’opposition des créanciers minoritaires lorsque moins d’un tiers d’entre eux ont fait échouer la conciliation préalable.
    • Cette innovation juridique s’inscrit dans le droit de fil de la loi de 2005 sur la sauvegarde des entreprises.
    • La sauvegarde est dite « accélérée », car le délai est fixé à un mois à compter du jugement d’ouverture et n’est prorogeable qu’une fois.
    • Le régime de la déclaration de créance est précisé.
    • La majorité des deux tiers s’apprécie conformément à la procédure de sauvegarde de droit commun, c’est-à-dire en fonction du montant des créances.
  • Troisième réforme : ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives
    • L’institution d’une procédure de sauvegarde accélérée
      • Cette ordonnance a instauré une procédure de sauvegarde accélérée dont les principes sont inspirés de la procédure de sauvegarde financière accélérée prévue par la loi du 22 octobre 2010.
      • Bien qu’il s’agisse d’une procédure collective puisque les effets de l’ouverture de cette procédure concernent des catégories homogènes de créanciers auxquels est imposée une discipline collective et dont les intérêts sont représentés par un mandataire judiciaire, la sauvegarde accélérée ne peut être ouverte que si le débiteur a préalablement obtenu l’ouverture d’une procédure de conciliation, en cours à la date de la saisine du tribunal.
    • Précision du régime juridique de la procédure de sauvegarde classique
      • Première précision
        • L’ordonnance du 12 mars 2014 a supprimé l’obligation pour l’administrateur de payer sans délai le cocontractant dont le contrat est poursuivi pendant la période d’observation
          • Le texte fait néanmoins peser sur l’administrateur l’obligation de vérifier qu’en imposant la continuation du contrat il ne risque pas de créer un préjudice prévisible à l’intéressé.
          • La règle du paiement comptant demeure applicable à la procédure de redressement judiciaire et à la liquidation judiciaire, en application de l’article L. 641-11-1 du Code de commerce.
      • Deuxième précision
        • à défaut de plan adopté par les comités de créanciers et lorsque la clôture de la procédure conduirait à bref délai à la cessation des paiements, l’ordonnance autorise le Tribunal à convertir la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire à la demande non seulement du débiteur, mais également des mandataires de justice ou du ministère public, ce qui élargit les passerelles entre les procédures.
      • Troisième précision
        • alors que le débiteur n’intervenait que pour le choix de l’administrateur judiciaire, le texte prévoit qu’il peut formuler des observations lorsqu’est envisagée la désignation de plusieurs mandataires judiciaires ou plusieurs administrateurs judiciaires, ainsi que lorsque le ministère public propose la désignation d’un ou plusieurs mandataires de justice.

==> La procédure de sauvegarde ou la procédure de droit commun

Il ressort de l’articulation des dispositions du Code de commerce consacrées au traitement des entreprises en difficulté que la procédure de sauvegarde est érigée en procédure de droit commun.

Elle constitue, autrement dit, la procédure dont les règles s’appliquent aux autres procédures collectives soit aux procédures de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire.

Il en résulte que les Titres III et IV du Livre VI du Code de commerce ne comportent que des dispositions particulières.

Il conviendra, en conséquence, pour le praticien de se reporter au Titre II du Livre VI afin d’accéder aux dispositions générales qui régissent les procédures de traitement des entreprises en difficulté, ce qui n’est pas sans susciter l’étonnement dans la mesure où la procédure de sauvegarde est celle à laquelle il est le moins recouru dans la pratique.

La déchéance du terme

La déchéance du terme est une sanction qui consiste à priver le débiteur du bénéfice du terme, soit de la suspension de l’exigibilité de l’obligation.

Il s’ensuit que l’obligation devient immédiatement exigible, ce qui offre la possibilité, pour le créancier, d’engager des poursuites.

La déchéance du terme peut être légale ou conventionnelle.

I) La déchéance du terme conventionnelle

Dans cette hypothèse, la déchéance du terme ne soulève aucune difficulté particulière.

L’obligation devient immédiatement exigible dès lors que la cause de déchéance du terme prévue par les parties se réalise.

Lorsque la déchéance du terme est conventionnelle, elle devra expressément être prévue par les parties.

II) La déchéance du terme légale

A) Les causes de déchéance du terme

Lorsque la déchéance du terme est d’origine légale, elle est susceptible d’intervenir dans plusieurs cas, étant précisé que le législateur a récemment abandonné l’une des causes de déchéance antérieurement retenue.

==> Les causes maintenues de déchéance du terme

  • La diminution des sûretés
    • L’article 1305-4 du Code civil dispose que « le débiteur ne peut réclamer le bénéfice du terme s’il ne fournit pas les sûretés promises au créancier ou s’il diminue celles qui garantissent l’obligation. »
    • Deux causes de déchéance du terme sont envisagées par cette disposition
      • L’absence de fourniture des sûretés promises au créancier
      • La diminution des sûretés promises au créancier
    • Pour que l’une de ces deux causes de déchéance soit caractérisée, cela suppose la réunion de trois conditions cumulatives
      • La constitution d’une sûreté
        • Le texte exige qu’une sûreté ait été constituée au profit du créancier
        • Aucune distinction n’est faite entre les sûretés personnelles et les sûretés réelles, de sorte que les deux peuvent être envisagées.
      • La constitution d’une sûreté spéciale
        • Il ressort de l’article 1305-4 que la sûreté doit avoir été promise au créancier
        • Par promise, il faut entendre que la sûreté a une origine contractuelle
        • On peut en déduire que la déchéance du terme ne saurait être fondée sur le droit de gage général
        • Une sûreté spéciale doit avoir contractuellement été constituée à la faveur du créancier.
      • L’absence de constitution de la sûreté ou sa diminution
        • Peu importe que le débiteur n’ait pas constitué la sûreté promise ou l’ait seulement diminuée, dans les deux cas, cette conduite constitue une cause de déchéance du terme
        • Le législateur ne distingue pas non plus selon que la source de la diminution de la sûreté est légale ou conventionnelle
      • Un fait imputable au débiteur
        • Pour que l’absence de fourniture de la sûreté promise ou la diminution de la sûreté constituent des causes de nullité, encore faut-il que ces situations puissent être imputées au débiteur
        • La question qui immédiatement se pose est alors de savoir si le fait du débiteur doit être fautif ou non pour entraîner la déchéance du terme
        • Dans le droit antérieur les tribunaux exigeaient une faute.
        • L’article 1305-4 est quant à lui silencieux sur ce point ce que l’on peut regretter.
  • La défaillance de l’emprunteur
    • L’article 312-39 du Code de la consommation prévoit que « en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. »
    • Ainsi, le non-paiement de l’échéance d’un prêt constitue une cause légale de déchéance du terme.
    • La Cour de cassation est toutefois venue préciser dans un arrêt du 15 juin 2015 que « si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle»
    • Autrement dit, pour se prévaloir de la déchéance du terme, le prêteur était tenu d’adresser à l’emprunteur une mise en demeure de régulariser l’échéance impayée.
    • Aussi, c’est seulement si l’emprunteur ne défère pas à cette mise en demeure que la déchéance du terme est acquise.
    • Elle devra être notifiée au débiteur par l’envoi d’un nouveau courrier.

Cass. 1ère civ. 3 juin 2015
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 1134, 1147 et 1184 du code civil ;

Attendu que, si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Laser Cofinoga a consenti, le 23 juillet 2009, à M. X..., un prêt personnel remboursable par mensualités ; que celui-ci ayant cessé ses paiements à partir du mois de juin 2010, la société s'est prévalue de la déchéance du terme par lettre recommandée avec avis de réception du 16 janvier 2011, puis l'a assigné en remboursement ;

Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt énonce qu'il ne résulte pas des stipulations contractuelles que le prêteur soit tenu de mettre en demeure l'emprunteur préalablement au constat de la déchéance du terme ;

Qu'en statuant ainsi, en l'absence de stipulation expresse dispensant le créancier de mise en demeure, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

  • La liquidation judiciaire
    • En cas de liquidation judiciaire, l’article L. 643-1 du Code de commerce prévoit que « le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues. »
    • Ainsi, pour faciliter l’opération de liquidation d’une entreprise, ce texte prévoit qu’elle constitue une cause de déchéance du terme

==> Les causes abandonnées de déchéance du terme

  • Les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire
    • Antérieurement à la réforme des procédures collectives, le jugement d’ouverture avait notamment pour effet de rendre exigible les dettes non échues
    • Désormais, l’article L. 622-29 du Code de commerce prévoit que « le jugement d’ouverture ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé. Toute clause contraire est réputée non écrite. »
    • L’instauration de cette règle se justifie par le triple objectif poursuivi par les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire :
      • la sauvegarde de l’entreprise
      • le maintien de l’activité et de l’emploi
      • l’apurement du passif
  • La faillite
    • Avant l’adoption de la loi du 25 janvier 1985, l’ancien article 1188 du Code civil visait comme cause de déchéance du terme la faillite du débiteur.
    • Cette disposition prévoyait que « le débiteur ne peut plus réclamer le bénéfice du terme lorsqu’il a fait faillite […].»
    • Ainsi, en 1985 le législateur a-t-il abandonné cette cause de déchéance du terme.

B) Les effets de la déchéance du terme

La déchéance du terme produit deux effets principaux :

  • Premier effet
    • L’obligation à terme devient exigible, de sorte que le créancier peut réclamer au débiteur son exécution immédiate
      • En matière de contrat de prêt le capital emprunté restant dû ainsi que les intérêts et pénalités devront donc intégralement être acquittés par le débiteur
      • Pour l’y contraindre, le créancier pourra engager à son encontre des poursuites judiciaires
  • Second effet
    • La déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires, et à ses cautions ( 1305-5 C. civ.)
      • Cela signifie que la déchéance du terme produit un effet personnel
      • Le créancier devra, en conséquence, attendre la survenance de l’échéance pour actionner les coobligés en paiement
      • Cette règle se justifie par la nature de la déchéance du terme qui n’est autre qu’une sanction
      • Dans la mesure où elle vise à sanctionner le débiteur fautif, elle ne saurait toucher des personnes qui n’ont commis aucune faute.
      • La loi de ratification a précisé le second effet de la déchéance du terme en modifiant l’article 1305-5 du code civil relatif à l’inopposabilité de la déchéance du terme aux coobligés. pour ajouter que cette disposition est également applicable aux cautions.
      • En effet, la déchéance ayant par nature un caractère de sanction personnelle, elle ne doit pas produire d’effet sur les coobligés du débiteur déchu, sauf texte spécial dérogeant à cette règle.
      • La jurisprudence sur ce point est constante, qu’il s’agisse d’une caution, même solidaire, ou de codébiteurs solidaires.
      • Il ressort de la lecture du rapport au Président de la République que le texte entendait viser tant les codébiteurs que les cautions.
      • Or, stricto sensu, le terme « coobligés » fait référence aux codébiteurs seulement.
      • C’est la raison pour laquelle, l’article 1305-5 a été complété pour viser expressément les cautions du débiteur déchu.

Les effets de la procédure de conciliation: délais de paiement, remises de dette, irresponsabilité des créanciers, privilège de conciliation

Pour parvenir à la conclusion d’un accord qui devrait être bénéfique pour toutes les parties à la procédure, le conciliateur dispose de plusieurs leviers qu’il pourra actionner.

==> Premier levier : l’obtention de délais de paiement

  • Le contenu du droit du débiteur
    • Au cours de la procédure, le débiteur mis en demeure ou poursuivi par un créancier peut demander au juge qui a ouvert celle-ci de faire application de l’article 1343-5 du code civil
      • Pour mémoire, cette disposition prévoit
        • D’une part, que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
        • D’autre part, que par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
      • Le juge peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
      • En outre, la décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
      • Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
      • Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment.
    • Le juge statue après avoir recueilli les observations du conciliateur.
    • Il peut subordonner la durée des mesures ainsi prises à la conclusion de l’accord prévu au présent article.
      • Dans ce cas, le créancier intéressé est informé de la décision.
    • En cas d’impossibilité de parvenir à un accord, le conciliateur présente sans délai un rapport au président du tribunal.
      • Celui-ci met fin à sa mission et à la procédure de conciliation.
      • Sa décision est notifiée au débiteur et communiquée au ministère public.
  • L’exercice du droit du débiteur
    • L’article R. 611-35 du Code de commerce prévoit que l’obtention d’un délai de grâce par le débiteur suppose le respect d’une certaine procédure
      • La saisine du Président du Tribunal
        • le débiteur assigne le créancier poursuivant ou l’ayant mis en demeure devant le président du tribunal qui a ouvert la procédure de conciliation.
        • Celui-ci statue sur les délais en la forme des référés après avoir recueilli les observations du conciliateur ou, le cas échéant, du mandataire à l’exécution de l’accord.
        • La demande est, le cas échéant, portée à la connaissance de la juridiction saisie de la poursuite, qui sursoit à statuer jusqu’à la décision se prononçant sur les délais.
        • La décision rendue par le président du tribunal est communiquée à cette juridiction par le greffier.
        • Elle est notifiée par le greffier au débiteur et au créancier et communiquée au conciliateur si celui-ci est encore en fonction ou, le cas échéant, au mandataire à l’exécution de l’accord.
      • La notification de la décision au créancier
        • Le créancier mentionné au cinquième alinéa de l’article L. 611-7 est informé par le greffier, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, de la conclusion de l’accord dès sa constatation ou son homologation ainsi que de toute décision mettant fin à la procédure de conciliation.
        • La décision prononçant la résolution de l’accord est portée à la connaissance du créancier selon les mêmes modalités.

==> Deuxième levier : l’obtention de remises de dettes des créanciers publics

L’article L. 611-7 du Code de commerce prévoit que les administrations financières, les organismes de sécurité sociale, les institutions gérant le régime d’assurance chômage et les institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale peuvent consentir des remises de dettes.

Ces remises de dettes sont encadrées par plusieurs règles édictées aux articles L. 626-6 du Code de commerce

Il ressort de ces articles que deux sortes de remises de dettes doivent être distinguées : les remises de dettes consenties par les administrations financières et celles consenties par les autres administrations publiques.

  • Les remises de dettes consenties par les administrations autres que financières
    • Les conditions d’octroi de la remise de dette
      • L’article L. 626-6 du code de commerce prévoit que les remises de dettes consenties par une administration autre que financière doivent être effectuées dans des conditions similaires à celles que lui octroierait, dans des conditions normales de marché, un opérateur économique privé placé dans la même situation.
    • Les dettes visées
      • L’article D. 626-10 précise que les dettes susceptibles d’être remises correspondent :
        • Aux pénalités, intérêts de retard, intérêts moratoires, amendes fiscales ou douanières, majorations, frais de poursuite, quel que soit l’impôt ou le produit divers du budget de l’Etat auquel ces pénalités ou frais s’appliquent
        • Aux majorations de retard, frais de poursuite, pénalités et amendes attachés aux cotisations et contributions sociales recouvrées par les organismes de sécurité sociale et par les institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale et par les institutions régies par le livre VII du code rural et de la pêche maritime
        • Aux majorations de retard, frais de poursuite et pénalités attachés aux contributions et cotisations recouvrées par Pôle emploi pour le compte de l’organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage
        • Aux cotisations et contributions sociales patronales d’origine légale ou conventionnelle qu’un employeur est tenu de verser au titre de l’emploi de personnel salarié
        • Aux droits au principal afférents aux seuls impôts directs perçus au profit de l’Etat et des collectivités territoriales
        • Aux créances de l’Etat étrangères à l’impôt et au domaine, aux redevances domaniales, aux redevances pour services rendus et aux autres produits divers du budget de l’Etat.
      • Les remises de dettes sont consenties par priorité sur les frais de poursuite, les majorations et amendes, puis sur les intérêts de retard et les intérêts moratoires, et enfin sur les droits et les sommes dus au principal. Les dettes dues au principal ne peuvent pas faire l’objet d’une remise totale
    • L’exigibilité de la dette
      • Conformément à l’article D. 626-11 du Code de commerce peuvent être remises les dettes exigibles à la date de réception de la demande de remise, valant saisine de la commission mentionnée à l’article D. 626-14, et dues aux administrations, organismes et institutions mentionnés à l’article D. 626-9.
    • La forme de la demande de remise de dette
      • L’article D. 626-12 du Code de commerce prévoit que, en cas d’ouverture d’une procédure de conciliation, le débiteur ou le conciliateur saisit, y compris par voie dématérialisée, la commission mentionnée à l’article D. 626-14 de la demande de remise de dettes.
      • Cette saisine a lieu, sous peine de forclusion, dans un délai de deux mois à compter de la date d’ouverture de la procédure
      • Cette demande est accompagnée
        • De l’état actif et passif des sûretés ainsi que de celui des engagements hors bilan
        • Des comptes annuels et des tableaux de financement des trois derniers exercices, si ces documents ont été établis, ainsi que de la situation de l’actif réalisable et disponible et du passif exigible
        • Du montant des dettes privées. Les dettes privées correspondent à l’ensemble des concours consentis par les créanciers autres que ceux mentionnés à l’article D. 626-9
      • Elle peut être utilement complétée par tous documents, notamment
        • Un plan de trésorerie prévisionnel
        • Un état prévisionnel des commandes
        • Le montant des remises sollicitées ou obtenues auprès des créanciers privés.
    • La recevabilité de la demande
      • L’article D. 626-15 du Code de commerce dispose que les remises de dettes ont pour objet de faciliter la restructuration financière de l’entreprise en difficulté, la poursuite de son activité économique et le maintien de l’emploi.
      • Plusieurs conditions doivent donc être remplies pour que la demande de remise de dette soit recevable :
        • La remise de dettes n’est pas justifiée dès lors que l’entreprise n’est plus viable.
        • Elle ne doit pas représenter un avantage économique injustifié pour l’entreprise bénéficiaire.
        • Les efforts des créanciers publics sont coordonnés avec ceux des autres créanciers en vue de faciliter le redressement durable de l’entreprise et permettre le recouvrement de recettes publiques futures.
        • La recevabilité de la demande de remise est subordonnée à la constatation que le débiteur, ou, s’il est une personne morale, ses organes ou ses représentants, n’a pas fait l’objet depuis au moins dix ans d’une condamnation définitive pour l’une des infractions sanctionnées par les articles L. 8224-1, L. 8224-2, L. 8224-3 et L. 8224-5 du code du travail
    • L’examen de la demande
      • Il est effectué en tenant compte de plusieurs critères :
        • Les efforts consentis par les créanciers autres que ceux mentionnés à l’article D. 626-9
        • Les efforts financiers consentis par les actionnaires et les dirigeants
        • La situation financière du débiteur et des perspectives de son rétablissement pérenne
        • Le comportement habituel du débiteur vis-à-vis des créanciers mentionnés à l’article D. 626-9
        • Les éventuels autres efforts consentis par ces créanciers portant sur les cessions de rang de privilège ou d’hypothèque ou l’abandon de ces sûretés ou les délais de paiement déjà accordés.
  • Les remises de dettes consenties par les administrations financières
    • Deux sortes d’impôt susceptibles de faire l’objet d’une remise de dette doivent être distinguées :
      • S’agissant des impôts directs, les administrations financières peuvent remettre l’ensemble des sommes perçus au profit de l’Etat et des collectivités territoriales ainsi que des produits divers du budget de l’Etat dus par le débiteur.
      • S’agissant des impôts indirects perçus au profit de l’Etat et des collectivités territoriales, seuls les intérêts de retard, majorations, pénalités ou amendes peuvent faire l’objet d’une remise.

==> Troisième levier : la limitation de la responsabilité des créanciers

  • Avant 2005 : le principe de responsabilité des créanciers pour soutien abusif
    • Antérieurement à 2005, lorsqu’un créancier accordait des facilités de paiement au débiteur, alors même qu’il le savait en difficulté, il était susceptible d’être poursuivi pour soutien abusif sur le fondement de la responsabilité pour faute.
    • La jurisprudence estimait qu’un tel concours était susceptible de créer chez le débiteur l’apparence d’une solvabilité, ce qui dès lors pouvait avoir pour conséquence d’occasionner aux autres créanciers un préjudice qui aurait pu être évité s’ils ne s’étaient pas mépris sur la situation financière réelle de l’entreprise.
    • La menace de cette sanction n’était, manifestement, pas de nature à inciter les créanciers à conclure un accord amiable avec le débiteur, le risque qu’une action en responsabilité civile soit engagée à leur endroit étant pour le moins dissuasif.
  • La loi du 26 juillet 2005 : l’instauration d’un principe d’irresponsabilité
    • En raison de cette menace qui pesait sur les créanciers, le législateur est intervenu en 2005.
    • Plus précisément, lors de l’adoption de la loi du 26 juillet 2005, il a inséré un article L. 650-1 dans le Code de commerce qui prévoyait que « les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci. »
    • Cette limitation de la responsabilité des créanciers accordant leur concours financier au débiteur a été analysée par certains comme constituant une entorse au principe de responsabilité pour faute. Or il s’agit là d’un principe constitutionnel.
    • La saisine du Conseil constitutionnel qui a dès lors été saisi ( const. n° 2005-522, 22 juill. 2005).
    • Le requérant soutenait que l’article L. 650-1 du Code de commerce « annihile quasiment toute faculté d’engager la responsabilité délictuelle des créanciers pour octroi ou maintien abusif de crédit» de telle sorte « qu’elle méconnaîtrait tant le principe de responsabilité que le droit au recours ».
    • Dans une décision du 22 juillet 2005, les juges de la rue de Montpensier répondent à cette critique en avançant que « si la faculté d’agir en responsabilité met en oeuvre l’exigence constitutionnelle posée par les dispositions de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 aux termes desquelles : La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, cette exigence ne fait pas obstacle à ce que, en certaines matières, pour un motif d’intérêt général, le législateur aménage les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée»
    • Le Conseil constitutionnel relève, en l’espèce, que :
      • D’une part, « le législateur a expressément prévu que la responsabilité de tout créancier qui consent des concours à une entreprise en difficulté resterait engagée en cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de prise de garanties disproportionnées » de sorte que « contrairement à ce qui est soutenu, il n’a pas supprimé cette responsabilité»
      • D’autre part, « en énonçant les cas dans lesquels la responsabilité des créanciers serait engagée du fait des concours consentis, le législateur a cherché à clarifier le cadre juridique de la mise en jeu de cette responsabilité». Or « cette clarification est de nature à lever un obstacle à l’octroi des apports financiers nécessaires à la pérennité des entreprises en difficulté ; qu’elle satisfait ainsi à un objectif d’intérêt général suffisant »
    • Le Conseil constitutionnel déduit de ces deux constatations que la limitation de la responsabilité aux créanciers qui prêtent leur concours financier à un débiteur qui fait l’objet d’une procédure de conciliation ne « portent pas atteinte au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction ; que doit être dès lors écarté le grief tiré de la violation de l’article 16 de la Déclaration de 1789»
    • L’article L. 650-1 du Code de commerce est donc bien conforme à la constitution.
  • L’ordonnance du 18 décembre 2008 : le cantonnement du principe d’irresponsabilité
    • Lors de l’adoption de l’ordonnance du 18 décembre 2008, le législateur a restreint le champ d’application du principe d’irresponsabilité des créanciers accordant leur concours financier au débiteur.
    • L’article L. 650-1 du Code de commerce dispose désormais que « lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci »
    • La limitation de responsabilité prévue par cette disposition ne peut ainsi bénéficier qu’aux seuls créanciers qui ont prêté leur concours financier à un débiteur qui fait l’objet :
      • Soit d’une procédure de sauvegarde
      • Soit d’une procédure de redressement judiciaire
      • Soit d’une procédure de liquidation judiciaire
    • Est-ce à dire que les créanciers qui ont accordé leur concours financier au débiteur dans le cadre d’une procédure de conciliation ne pourront pas se prévaloir du principe d’irresponsabilité posé à l’article L. 650-1 du Code de commerce ?
    • Deux situations doivent être distinguées :
      • La procédure de conciliation débouche sur l’ouverture d’une procédure collective
        • Dans cette hypothèse, les créanciers qui ont apporté leur concours financier au débiteur pourront se prévaloir du principe d’irresponsabilité posé à l’article L. 650-1 du Code de commerce
      • La procédure de conciliation ne débouche pas sur l’ouverture d’une procédure collective
        • Dans cette hypothèse, les créanciers qui ont apporté leur concours financier au débiteur s’exposent à des poursuites pour soutien abusif
        • Ils ne pourront pas se prévaloir d’une limitation de leur responsabilité au titre de l’article L. 650-1 du Code de commerce.
  • Les exceptions au principe d’irresponsabilité
    • L’article L. 650-1 du Code de commerce prévoit trois exceptions au principe d’irresponsabilité dont jouissent les créanciers qui ont accordé leur concours financier au débiteur
      • La fraude
      • L’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur
      • La disproportion des garanties prises en contrepartie des concours consenties
    • Si la lettre de l’article L. 650-1 du Code de commerce laisse à penser qu’il s’agit là de trois exceptions autonomes, lesquelles peuvent alternativement fonder la condamnation d’un créancier pour soutien abusif, la jurisprudence s’est livrée à une interprétation quelque peu différente de ce texte.
    • Dans un arrêt du 27 mars 2012, la Cour de cassation a, en effet, estimé que pour engager la responsabilité du débiteur il convient de satisfaire à deux conditions cumulatives ( com., 27 mars 2012).
      • Première condition
        • Il convient d’établir l’existence d’un soutien abusif du créancier, soit d’une faute au sens de l’article 1240 du Code civil
        • Il peut être observé que cette condition n’est pourtant pas prévue par l’article L. 650-1 du Code de commerce.
      • Seconde condition
        • Il convient de rapporter la preuve, en plus de l’existence d’une faute :
          • Soit d’une fraude
          • Soit d’une immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur
          • soit d’une disproportion des garanties prises en contrepartie des concours consenties
        • Il s’agit là d’élément dont l’établissement est alternatif et non cumulatif.
        • Ce qui importe c’est que l’un d’eux soit établi en complément de la caractérisation d’une faute.

Schéma 6

  • La Cour de cassation a confirmé sa position dans deux arrêts rendus en 2014.
  • Dans ces décisions elle a notamment estimé que dès lors qu’il n’est pas établi que le créancier poursuivi pour soutien abusif avait commis une faute, il était inutile de rechercher s’il s’était immiscé dans la gestion du débiteur ( com., 11 févr. 2014) ou si les garanties consenties étaient disproportionnées (Cass. com., 28 janv. 2014)

Schéma 7

Schéma 8

==>  L’octroi d’un privilège en cas d’ouverture subséquente d’une procédure collective

  • Le fondement du privilège de conciliation
    • Pour convaincre les créanciers de conclure l’accord, le conciliateur peut brandir la perspective de l’obtention d’un privilège dans l’hypothèse où le débiteur ferait l’objet, subséquemment, d’une procédure collective.
    • Il s’agit du privilège « d’argent frais» ou de « new money »
    • L’article L. 611-11 du Code de commerce prévoit en ce sens que « en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, les personnes qui avaient consenti, dans le cadre d’une procédure de conciliation ayant donné lieu à l’accord homologué mentionné au II de l’article L. 611-8, un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité, sont payées, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres créances, selon le rang prévu au II de l’article L. 622-17 et au II de l’article L. 641-13. Les personnes qui fournissent, dans le même cadre, un nouveau bien ou service en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité bénéficient du même privilège pour le prix de ce bien ou de ce service. »
    • L’octroi de ce privilège aux créanciers qui ont participé à la procédure de conciliation en cas d’ouverture d’une procédure collective a été critiqué par certains qui y ont vu une rupture d’égalité entre les créanciers antérieurs.
    • Dans sa décision du 22 juillet 2005, le Conseil constitutionnel a toutefois estimé que « le législateur a institué le privilège contesté afin d’inciter les créanciers d’une entreprise en difficulté, quel que soit leur statut, à lui apporter les concours nécessaires à la pérennité de son activité ; qu’au regard de cet objectif, ceux qui prennent le risque de consentir de nouveaux concours, sous forme d’apports en trésorerie ou de fourniture de biens ou services, se trouvent dans une situation différente de celle des créanciers qui se bornent à accorder une remise de dettes antérieurement constituées ; qu’ainsi, le législateur n’a pas méconnu le principe d’égal» ( const., n° 2005-522, 22 juill. 2005)
  • Les conditions d’octroi du privilège de conciliation
    • Pour bénéficier du privilège prévu à l’article L. 611-11 du Code de commerce, plusieurs conditions doivent être remplies :
      • Première condition : l’exigence d’homologation
        • Le privilège de conciliation ne peut être consenti au créancier qu’à la condition que l’accord fasse l’objet d’une homologation par le Président du Tribunal compétent
        • En cas d’accord seulement constaté, le créancier ne bénéficiera d’aucun privilège quand bien même il a fait apport d’argent frais.
      • Deuxième condition : l’exigence d’un nouvel apport de trésorerie, d’un nouveau bien ou service
        • Seuls les créanciers qui effectuent un apport d’argent frais ou fournissent un nouveau bien ou service peuvent se prévaloir du privilège de conciliation
        • Ce nouvel apport peut intervenir à n’importe quel moment de la procédure
        • Avant l’ordonnance du 12 mars 2014, le nouvel apport devait nécessairement être effectué au moment de la conclusion de l’accord amiable.
        • Cette condition a été supprimée, de sorte que le privilège de conciliation pourra bénéficier aux créanciers qui ont effectué des apports avant la conclusion de l’accord.
      • Troisième condition : un investissement aux fins de poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité
        • L’article L. 611-11 du Code de commerce prévoit que le nouvel apport doit être effectué en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité
        • Tous les concours financiers ne justifieront donc pas l’octroi du privilège de conciliation.
      • Quatrième condition : l’exclusion des apports consentis par les actionnaires et associés du débiteur dans le cadre d’une augmentation de capital.
        • Lorsqu’ainsi, un associé ou un actionnaire effectue un nouvel apport dans le cadre d’une augmentation de capital, il ne peut se prévaloir du privilège de conciliation.
        • Il est, cependant, susceptible d’en bénéficier, s’il effectue un apport en compte-courant d’associé.
  • La situation du créancier bénéficiaire du privilège de conciliation
    • L’article L. 611-11 du Code de commerce prévoit que le bénéficiaire d’un privilège de conciliation est payé, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres créances, selon le rang prévu au II de l’article L. 622-17 et au II de l’article L. 641-13.
    • Il en résulte qu’il sera payé :
      • Après
        • Les créances de salaire
        • Les créances de frais de justice nées postérieurement au jugement d’ouverture
      • Avant
        • Les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture
        • Les créances nées au cours de la période d’observation

==> La neutralisation des clauses dissuasives d’ouverture d’une procédure de conciliation

Deux mécanismes ont été instaurés par le législateur afin de protéger le débiteur contre les stipulations contractuelles qui aggraveraient la situation du débiteur en cas d’ouverture d’une procédure de conciliation.

  • Premier mécanisme
    • L’article L. 611-16, al. 1er prévoit que, est réputée non écrite toute clause qui modifie les conditions de poursuite d’un contrat en cours en diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur du seul fait de la désignation d’un mandataire ad hoc
  • Second mécanisme
    • L’article L. 611-16, al. 2 prévoit que, est réputée non écrite toute clause mettant à la charge du débiteur, du seul fait de la désignation d’un mandataire ad hoc les honoraires du conseil auquel le créancier a fait appel dans le cadre de ces procédures pour la quote-part excédant la proportion fixée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice.

Formation, effets, sanction de l’accord amiable dans la procédure de conciliation

La principale mission du conciliateur est énoncée à l’article L. 611-7 du Code de commerce qui, pour rappel, prévoit qu’il « a pour mission de favoriser la conclusion entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, d’un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise. »

L’objectif poursuivi par le conciliateur durant toute la procédure sera donc de négocier avec les créanciers du débiteur des délais de paiement, voire des remises de dette.

L’issue de la procédure de conciliation c’est donc l’accord amiable qui, s’il est respecté par les parties, devrait permettre au débiteur de surmonter les difficultés rencontrées par son entreprise.

I) La conclusion de l’accord amiable

Pour parvenir à la conclusion d’un accord qui devrait être bénéfique pour toutes les parties à la procédure, le conciliateur dispose de plusieurs leviers qu’il pourra actionner.

==> Premier levier : l’obtention de délais de paiement

  • Le contenu du droit du débiteur
    • Au cours de la procédure, le débiteur mis en demeure ou poursuivi par un créancier peut demander au juge qui a ouvert celle-ci de faire application de l’article 1343-5 du code civil
      • Pour mémoire, cette disposition prévoit
        • D’une part, que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
        • D’autre part, que par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
      • Le juge peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
      • En outre, la décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
      • Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
      • Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment.
    • Le juge statue après avoir recueilli les observations du conciliateur.
    • Il peut subordonner la durée des mesures ainsi prises à la conclusion de l’accord prévu au présent article.
      • Dans ce cas, le créancier intéressé est informé de la décision.
    • En cas d’impossibilité de parvenir à un accord, le conciliateur présente sans délai un rapport au président du tribunal.
      • Celui-ci met fin à sa mission et à la procédure de conciliation.
      • Sa décision est notifiée au débiteur et communiquée au ministère public.
  • L’exercice du droit du débiteur
    • L’article R. 611-35 du Code de commerce prévoit que l’obtention d’un délai de grâce par le débiteur suppose le respect d’une certaine procédure
      • La saisine du Président du Tribunal
        • le débiteur assigne le créancier poursuivant ou l’ayant mis en demeure devant le président du tribunal qui a ouvert la procédure de conciliation.
        • Celui-ci statue sur les délais en la forme des référés après avoir recueilli les observations du conciliateur ou, le cas échéant, du mandataire à l’exécution de l’accord.
        • La demande est, le cas échéant, portée à la connaissance de la juridiction saisie de la poursuite, qui sursoit à statuer jusqu’à la décision se prononçant sur les délais.
        • La décision rendue par le président du tribunal est communiquée à cette juridiction par le greffier.
        • Elle est notifiée par le greffier au débiteur et au créancier et communiquée au conciliateur si celui-ci est encore en fonction ou, le cas échéant, au mandataire à l’exécution de l’accord.
      • La notification de la décision au créancier
        • Le créancier mentionné au cinquième alinéa de l’article L. 611-7 est informé par le greffier, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, de la conclusion de l’accord dès sa constatation ou son homologation ainsi que de toute décision mettant fin à la procédure de conciliation.
        • La décision prononçant la résolution de l’accord est portée à la connaissance du créancier selon les mêmes modalités.

==> Deuxième levier : l’obtention de remises de dettes des créanciers publics

L’article L. 611-7 du Code de commerce prévoit que les administrations financières, les organismes de sécurité sociale, les institutions gérant le régime d’assurance chômage et les institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale peuvent consentir des remises de dettes.

Ces remises de dettes sont encadrées par plusieurs règles édictées aux articles L. 626-6 du Code de commerce

Il ressort de ces articles que deux sortes de remises de dettes doivent être distinguées : les remises de dettes consenties par les administrations financières et celles consenties par les autres administrations publiques.

  • Les remises de dettes consenties par les administrations autres que financières
    • Les conditions d’octroi de la remise de dette
      • L’article L. 626-6 du code de commerce prévoit que les remises de dettes consenties par une administration autre que financière doivent être effectuées dans des conditions similaires à celles que lui octroierait, dans des conditions normales de marché, un opérateur économique privé placé dans la même situation.
    • Les dettes visées
      • L’article D. 626-10 précise que les dettes susceptibles d’être remises correspondent :
        • Aux pénalités, intérêts de retard, intérêts moratoires, amendes fiscales ou douanières, majorations, frais de poursuite, quel que soit l’impôt ou le produit divers du budget de l’Etat auquel ces pénalités ou frais s’appliquent
        • Aux majorations de retard, frais de poursuite, pénalités et amendes attachés aux cotisations et contributions sociales recouvrées par les organismes de sécurité sociale et par les institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale et par les institutions régies par le livre VII du code rural et de la pêche maritime
        • Aux majorations de retard, frais de poursuite et pénalités attachés aux contributions et cotisations recouvrées par Pôle emploi pour le compte de l’organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage
        • Aux cotisations et contributions sociales patronales d’origine légale ou conventionnelle qu’un employeur est tenu de verser au titre de l’emploi de personnel salarié
        • Aux droits au principal afférents aux seuls impôts directs perçus au profit de l’Etat et des collectivités territoriales
        • Aux créances de l’Etat étrangères à l’impôt et au domaine, aux redevances domaniales, aux redevances pour services rendus et aux autres produits divers du budget de l’Etat.
      • Les remises de dettes sont consenties par priorité sur les frais de poursuite, les majorations et amendes, puis sur les intérêts de retard et les intérêts moratoires, et enfin sur les droits et les sommes dus au principal. Les dettes dues au principal ne peuvent pas faire l’objet d’une remise totale
    • L’exigibilité de la dette
      • Conformément à l’article D. 626-11 du Code de commerce peuvent être remises les dettes exigibles à la date de réception de la demande de remise, valant saisine de la commission mentionnée à l’article D. 626-14, et dues aux administrations, organismes et institutions mentionnés à l’article D. 626-9.
    • La forme de la demande de remise de dette
      • L’article D. 626-12 du Code de commerce prévoit que, en cas d’ouverture d’une procédure de conciliation, le débiteur ou le conciliateur saisit, y compris par voie dématérialisée, la commission mentionnée à l’article D. 626-14 de la demande de remise de dettes.
      • Cette saisine a lieu, sous peine de forclusion, dans un délai de deux mois à compter de la date d’ouverture de la procédure
      • Cette demande est accompagnée
        • De l’état actif et passif des sûretés ainsi que de celui des engagements hors bilan
        • Des comptes annuels et des tableaux de financement des trois derniers exercices, si ces documents ont été établis, ainsi que de la situation de l’actif réalisable et disponible et du passif exigible
        • Du montant des dettes privées. Les dettes privées correspondent à l’ensemble des concours consentis par les créanciers autres que ceux mentionnés à l’article D. 626-9
      • Elle peut être utilement complétée par tous documents, notamment
        • Un plan de trésorerie prévisionnel
        • Un état prévisionnel des commandes
        • Le montant des remises sollicitées ou obtenues auprès des créanciers privés.
    • La recevabilité de la demande
      • L’article D. 626-15 du Code de commerce dispose que les remises de dettes ont pour objet de faciliter la restructuration financière de l’entreprise en difficulté, la poursuite de son activité économique et le maintien de l’emploi.
      • Plusieurs conditions doivent donc être remplies pour que la demande de remise de dette soit recevable :
        • La remise de dettes n’est pas justifiée dès lors que l’entreprise n’est plus viable.
        • Elle ne doit pas représenter un avantage économique injustifié pour l’entreprise bénéficiaire.
        • Les efforts des créanciers publics sont coordonnés avec ceux des autres créanciers en vue de faciliter le redressement durable de l’entreprise et permettre le recouvrement de recettes publiques futures.
        • La recevabilité de la demande de remise est subordonnée à la constatation que le débiteur, ou, s’il est une personne morale, ses organes ou ses représentants, n’a pas fait l’objet depuis au moins dix ans d’une condamnation définitive pour l’une des infractions sanctionnées par les articles L. 8224-1, L. 8224-2, L. 8224-3 et L. 8224-5 du code du travail
    • L’examen de la demande
      • Il est effectué en tenant compte de plusieurs critères :
        • Les efforts consentis par les créanciers autres que ceux mentionnés à l’article D. 626-9
        • Les efforts financiers consentis par les actionnaires et les dirigeants
        • La situation financière du débiteur et des perspectives de son rétablissement pérenne
        • Le comportement habituel du débiteur vis-à-vis des créanciers mentionnés à l’article D. 626-9
        • Les éventuels autres efforts consentis par ces créanciers portant sur les cessions de rang de privilège ou d’hypothèque ou l’abandon de ces sûretés ou les délais de paiement déjà accordés.
  • Les remises de dettes consenties par les administrations financières
    • Deux sortes d’impôt susceptibles de faire l’objet d’une remise de dette doivent être distinguées :
      • S’agissant des impôts directs, les administrations financières peuvent remettre l’ensemble des sommes perçus au profit de l’Etat et des collectivités territoriales ainsi que des produits divers du budget de l’Etat dus par le débiteur.
      • S’agissant des impôts indirects perçus au profit de l’Etat et des collectivités territoriales, seuls les intérêts de retard, majorations, pénalités ou amendes peuvent faire l’objet d’une remise.

==> Troisième levier : la limitation de la responsabilité des créanciers

  • Avant 2005 : le principe de responsabilité des créanciers pour soutien abusif
    • Antérieurement à 2005, lorsqu’un créancier accordait des facilités de paiement au débiteur, alors même qu’il le savait en difficulté, il était susceptible d’être poursuivi pour soutien abusif sur le fondement de la responsabilité pour faute.
    • La jurisprudence estimait qu’un tel concours était susceptible de créer chez le débiteur l’apparence d’une solvabilité, ce qui dès lors pouvait avoir pour conséquence d’occasionner aux autres créanciers un préjudice qui aurait pu être évité s’ils ne s’étaient pas mépris sur la situation financière réelle de l’entreprise.
    • La menace de cette sanction n’était, manifestement, pas de nature à inciter les créanciers à conclure un accord amiable avec le débiteur, le risque qu’une action en responsabilité civile soit engagée à leur endroit étant pour le moins dissuasif.
  • La loi du 26 juillet 2005 : l’instauration d’un principe d’irresponsabilité
    • En raison de cette menace qui pesait sur les créanciers, le législateur est intervenu en 2005.
    • Plus précisément, lors de l’adoption de la loi du 26 juillet 2005, il a inséré un article L. 650-1 dans le Code de commerce qui prévoyait que « les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci. »
    • Cette limitation de la responsabilité des créanciers accordant leur concours financier au débiteur a été analysée par certains comme constituant une entorse au principe de responsabilité pour faute. Or il s’agit là d’un principe constitutionnel.
    • La saisine du Conseil constitutionnel qui a dès lors été saisi ( const. n° 2005-522, 22 juill. 2005).
    • Le requérant soutenait que l’article L. 650-1 du Code de commerce « annihile quasiment toute faculté d’engager la responsabilité délictuelle des créanciers pour octroi ou maintien abusif de crédit» de telle sorte « qu’elle méconnaîtrait tant le principe de responsabilité que le droit au recours ».
    • Dans une décision du 22 juillet 2005, les juges de la rue de Montpensier répondent à cette critique en avançant que « si la faculté d’agir en responsabilité met en oeuvre l’exigence constitutionnelle posée par les dispositions de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 aux termes desquelles : La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, cette exigence ne fait pas obstacle à ce que, en certaines matières, pour un motif d’intérêt général, le législateur aménage les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée»
    • Le Conseil constitutionnel relève, en l’espèce, que :
      • D’une part, « le législateur a expressément prévu que la responsabilité de tout créancier qui consent des concours à une entreprise en difficulté resterait engagée en cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de prise de garanties disproportionnées » de sorte que « contrairement à ce qui est soutenu, il n’a pas supprimé cette responsabilité»
      • D’autre part, « en énonçant les cas dans lesquels la responsabilité des créanciers serait engagée du fait des concours consentis, le législateur a cherché à clarifier le cadre juridique de la mise en jeu de cette responsabilité». Or « cette clarification est de nature à lever un obstacle à l’octroi des apports financiers nécessaires à la pérennité des entreprises en difficulté ; qu’elle satisfait ainsi à un objectif d’intérêt général suffisant »
    • Le Conseil constitutionnel déduit de ces deux constatations que la limitation de la responsabilité aux créanciers qui prêtent leur concours financier à un débiteur qui fait l’objet d’une procédure de conciliation ne « portent pas atteinte au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction ; que doit être dès lors écarté le grief tiré de la violation de l’article 16 de la Déclaration de 1789»
    • L’article L. 650-1 du Code de commerce est donc bien conforme à la constitution.
  • L’ordonnance du 18 décembre 2008 : le cantonnement du principe d’irresponsabilité
    • Lors de l’adoption de l’ordonnance du 18 décembre 2008, le législateur a restreint le champ d’application du principe d’irresponsabilité des créanciers accordant leur concours financier au débiteur.
    • L’article L. 650-1 du Code de commerce dispose désormais que « lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci »
    • La limitation de responsabilité prévue par cette disposition ne peut ainsi bénéficier qu’aux seuls créanciers qui ont prêté leur concours financier à un débiteur qui fait l’objet :
      • Soit d’une procédure de sauvegarde
      • Soit d’une procédure de redressement judiciaire
      • Soit d’une procédure de liquidation judiciaire
    • Est-ce à dire que les créanciers qui ont accordé leur concours financier au débiteur dans le cadre d’une procédure de conciliation ne pourront pas se prévaloir du principe d’irresponsabilité posé à l’article L. 650-1 du Code de commerce ?
    • Deux situations doivent être distinguées :
      • La procédure de conciliation débouche sur l’ouverture d’une procédure collective
        • Dans cette hypothèse, les créanciers qui ont apporté leur concours financier au débiteur pourront se prévaloir du principe d’irresponsabilité posé à l’article L. 650-1 du Code de commerce
      • La procédure de conciliation ne débouche pas sur l’ouverture d’une procédure collective
        • Dans cette hypothèse, les créanciers qui ont apporté leur concours financier au débiteur s’exposent à des poursuites pour soutien abusif
        • Ils ne pourront pas se prévaloir d’une limitation de leur responsabilité au titre de l’article L. 650-1 du Code de commerce.
  • Les exceptions au principe d’irresponsabilité
    • L’article L. 650-1 du Code de commerce prévoit trois exceptions au principe d’irresponsabilité dont jouissent les créanciers qui ont accordé leur concours financier au débiteur
      • La fraude
      • L’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur
      • La disproportion des garanties prises en contrepartie des concours consenties
    • Si la lettre de l’article L. 650-1 du Code de commerce laisse à penser qu’il s’agit là de trois exceptions autonomes, lesquelles peuvent alternativement fonder la condamnation d’un créancier pour soutien abusif, la jurisprudence s’est livrée à une interprétation quelque peu différente de ce texte.
    • Dans un arrêt du 27 mars 2012, la Cour de cassation a, en effet, estimé que pour engager la responsabilité du débiteur il convient de satisfaire à deux conditions cumulatives ( com., 27 mars 2012).
      • Première condition
        • Il convient d’établir l’existence d’un soutien abusif du créancier, soit d’une faute au sens de l’article 1240 du Code civil
        • Il peut être observé que cette condition n’est pourtant pas prévue par l’article L. 650-1 du Code de commerce.
      • Seconde condition
        • Il convient de rapporter la preuve, en plus de l’existence d’une faute :
          • Soit d’une fraude
          • Soit d’une immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur
          • soit d’une disproportion des garanties prises en contrepartie des concours consenties
        • Il s’agit là d’élément dont l’établissement est alternatif et non cumulatif.
        • Ce qui importe c’est que l’un d’eux soit établi en complément de la caractérisation d’une faute.

Schéma 6.JPG

  • La Cour de cassation a confirmé sa position dans deux arrêts rendus en 2014.
  • Dans ces décisions elle a notamment estimé que dès lors qu’il n’est pas établi que le créancier poursuivi pour soutien abusif avait commis une faute, il était inutile de rechercher s’il s’était immiscé dans la gestion du débiteur ( com., 11 févr. 2014) ou si les garanties consenties étaient disproportionnées (Cass. com., 28 janv. 2014)

Schéma 7.JPG

Schéma 8.JPG

==> L’octroi d’un privilège en cas d’ouverture subséquente d’une procédure collective

  • Le fondement du privilège de conciliation
    • Pour convaincre les créanciers de conclure l’accord, le conciliateur peut brandir la perspective de l’obtention d’un privilège dans l’hypothèse où le débiteur ferait l’objet, subséquemment, d’une procédure collective.
    • Il s’agit du privilège « d’argent frais» ou de « new money »
    • L’article L. 611-11 du Code de commerce prévoit en ce sens que « en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, les personnes qui avaient consenti, dans le cadre d’une procédure de conciliation ayant donné lieu à l’accord homologué mentionné au II de l’article L. 611-8, un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité, sont payées, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres créances, selon le rang prévu au II de l’article L. 622-17 et au II de l’article L. 641-13. Les personnes qui fournissent, dans le même cadre, un nouveau bien ou service en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité bénéficient du même privilège pour le prix de ce bien ou de ce service. »
    • L’octroi de ce privilège aux créanciers qui ont participé à la procédure de conciliation en cas d’ouverture d’une procédure collective a été critiqué par certains qui y ont vu une rupture d’égalité entre les créanciers antérieurs.
    • Dans sa décision du 22 juillet 2005, le Conseil constitutionnel a toutefois estimé que « le législateur a institué le privilège contesté afin d’inciter les créanciers d’une entreprise en difficulté, quel que soit leur statut, à lui apporter les concours nécessaires à la pérennité de son activité ; qu’au regard de cet objectif, ceux qui prennent le risque de consentir de nouveaux concours, sous forme d’apports en trésorerie ou de fourniture de biens ou services, se trouvent dans une situation différente de celle des créanciers qui se bornent à accorder une remise de dettes antérieurement constituées ; qu’ainsi, le législateur n’a pas méconnu le principe d’égal» ( const., n° 2005-522, 22 juill. 2005)
  • Les conditions d’octroi du privilège de conciliation
    • Pour bénéficier du privilège prévu à l’article L. 611-11 du Code de commerce, plusieurs conditions doivent être remplies :
      • Première condition : l’exigence d’homologation
        • Le privilège de conciliation ne peut être consenti au créancier qu’à la condition que l’accord fasse l’objet d’une homologation par le Président du Tribunal compétent
        • En cas d’accord seulement constaté, le créancier ne bénéficiera d’aucun privilège quand bien même il a fait apport d’argent frais.
      • Deuxième condition : l’exigence d’un nouvel apport de trésorerie, d’un nouveau bien ou service
        • Seuls les créanciers qui effectuent un apport d’argent frais ou fournissent un nouveau bien ou service peuvent se prévaloir du privilège de conciliation
        • Ce nouvel apport peut intervenir à n’importe quel moment de la procédure
        • Avant l’ordonnance du 12 mars 2014, le nouvel apport devait nécessairement être effectué au moment de la conclusion de l’accord amiable.
        • Cette condition a été supprimée, de sorte que le privilège de conciliation pourra bénéficier aux créanciers qui ont effectué des apports avant la conclusion de l’accord.
      • Troisième condition : un investissement aux fins de poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité
        • L’article L. 611-11 du Code de commerce prévoit que le nouvel apport doit être effectué en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité
        • Tous les concours financiers ne justifieront donc pas l’octroi du privilège de conciliation.
      • Quatrième condition : l’exclusion des apports consentis par les actionnaires et associés du débiteur dans le cadre d’une augmentation de capital.
        • Lorsqu’ainsi, un associé ou un actionnaire effectue un nouvel apport dans le cadre d’une augmentation de capital, il ne peut se prévaloir du privilège de conciliation.
        • Il est, cependant, susceptible d’en bénéficier, s’il effectue un apport en compte-courant d’associé.
  • La situation du créancier bénéficiaire du privilège de conciliation
    • L’article L. 611-11 du Code de commerce prévoit que le bénéficiaire d’un privilège de conciliation est payé, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres créances, selon le rang prévu au II de l’article L. 622-17 et au II de l’article L. 641-13.
    • Il en résulte qu’il sera payé :
      • Après
        • Les créances de salaire
        • Les créances de frais de justice nées postérieurement au jugement d’ouverture
      • Avant
        • Les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture
        • Les créances nées au cours de la période d’observation

==> La neutralisation des clauses dissuasives d’ouverture d’une procédure de conciliation

Deux mécanismes ont été instaurés par le législateur afin de protéger le débiteur contre les stipulations contractuelles qui aggraveraient la situation du débiteur en cas d’ouverture d’une procédure de conciliation.

  • Premier mécanisme
    • L’article L. 611-16, al. 1er prévoit que, est réputée non écrite toute clause qui modifie les conditions de poursuite d’un contrat en cours en diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur du seul fait de la désignation d’un mandataire ad hoc
  • Second mécanisme
    • L’article L. 611-16, al. 2 prévoit que, est réputée non écrite toute clause mettant à la charge du débiteur, du seul fait de la désignation d’un mandataire ad hoc les honoraires du conseil auquel le créancier a fait appel dans le cadre de ces procédures pour la quote-part excédant la proportion fixée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice.

II) Les effets de l’accord amiable

Lorsque le débiteur et ses créanciers parviennent à un accord, celui-ci produit un certain nombre d’effets.

Tandis que certains de ces effets seront communs à tous les accords de conciliation (2), d’autres dépendront du type de formalisation de l’accord, celui-ci pouvant faire l’objet, soit d’une simple constatation par le Président de la juridiction saisie, soit d’une véritable homologation judiciaire (1).

A) Les effets communs à tous les accords de conciliation

Si le conciliateur parvient à mener à bien sa mission cela devrait se traduire par la formalisation d’un accord de conciliation.

La conclusion de cet accord produira des effets :

  • D’une part, sur la situation du débiteur
  • D’autre part, sur la situation des créanciers
  • Enfin, sur la situation des garants
  1. La situation du débiteur
  • Les obligations du débiteur
    • En ce que l’accord de conciliation s’apparente à un contrat, il sera pourvu de la force obligatoire propre à n’importe quelle obligation contractuelle.
    • Il en résulte que le débiteur sera tenu de satisfaire les engagements qu’il a souscrits lors de la conclusion de l’accord.
    • Il devra, notamment, respecter les échéanciers qui ont été négociés par le conciliateur et procéder à la restructuration économique et sociale à laquelle il s’est engagé.
  • Les pouvoirs du débiteur
    • Sur l’entreprise
      • Ni l’ouverture d’une procédure de conciliation, ni la conclusion d’un accord n’a pour effet de dessaisir le débiteur du pouvoir de direction de son entreprise.
      • Nonobstant la désignation d’une conciliation, le débiteur demeure investi de ses pouvoirs d’administration et de disposition de sorte qu’il est libre d’accomplir tous les actes qu’il juge nécessaire pour l’exploitation de son entreprise.
    • Sur la procédure
      • Preuve que la procédure de conciliation ne saurait être imposée au débiteur, conformément à l’article R. 611-37 du Code de commerce, lorsqu’il en fait la demande « le président du tribunal met fin sans délai à la procédure de conciliation.»

2. La situation des créanciers

La conclusion de l’accord de conciliation produit trois effets sur la situation des créanciers partie à l’accord :

  • La suspension des poursuites
    • Principe
      • Introduit par l’ordonnance du 18 décembre 2014, l’article L. 611-10-1 du Code de commerce prévoit que « pendant la durée de son exécution, l’accord constaté ou homologué interrompt ou interdit toute action en justice et arrête ou interdit toute poursuite individuelle tant sur les meubles que les immeubles du débiteur dans le but d’obtenir le paiement des créances qui en font l’objet».
      • Ainsi les créanciers qui ont consenti des délais de paiement ou des remises de dette au débiteur sont privés de la possibilité d’engager des poursuites contre lui une fois l’accord de conciliation conclu.
    • Créances visées
      • Il ressort de l’article L. 611-10-1 du Code de commerce que la suspension des poursuites ne concerne que les créances pour lesquelles le créancier a formellement consenti une remise ou un délai de paiement.
      • Pour les créances non prévues à l’accord, le créancier demeure libre de poursuivre le débiteur
  • L’interruption des délais
    • En contrepartie de la suspension des poursuites, l’article L. 611-10-1 du Code de commerce prévoit que l’accord de conciliation « interrompt, pour la même durée, les délais impartis aux créanciers parties à l’accord à peine de déchéance ou de résolution des droits afférents aux créances mentionnées par l’accord. »
    • En cas de résolution de l’accord de conciliation, les créanciers conservent ainsi le droit de poursuivre le débiteur.
    • Le délai de prescription reprendra son cours au jour où l’accord a été conclu.
  • L’interdiction de l’anatocisme
    • Dernier effet de la conclusion de l’accord de conciliation sur la situation des créanciers : l’article L. 611-10-1 du Code de commerce prévoit que nonobstant les dispositions de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus de ces créances ne peuvent produire des intérêts.
    • Autrement dit, cela signifie que les intérêts échus des créances objet de l’accord ne peuvent être intégrés dans le capital aux fins de produire eux-mêmes des intérêts.
    • L’anatocisme est donc interdit
    • Le législateur a souhaité, par cette règle, ne pas aggraver la situation du débiteur.

3. La situation des garants

La question qui se pose ici est de savoir si le délai de paiement ou la remise de dette consentie au débiteur dans le cadre d’un accord de conciliation peut bénéficier aux garants ?

a) Le droit commun

En droit commun, deux situations doivent être distinguées :

  • Le délai de paiement est octroyé au débiteur par un juge
    • Dans cette hypothèse, dans la mesure où il s’agit d’une décision judiciaire, elle produit un effet individuel
    • Le délai de paiement ne bénéficie, en conséquence, qu’au seul débiteur
    • Aussi appartiendra-t-il aux garants de saisir eux-mêmes le juge, sur le fondement de l’article 1345-5 du Code civil, afin de bénéficier à leur tour d’un délai de grâce.
  • Un délai de paiement ou une remise de dette a été consenti conventionnellement au débiteur par le créancier
    • Dans cette hypothèse, nonobstant l’effet relatif des conventions, l’article 1350-2 du Code civil prévoit que « la remise de dette accordée au débiteur principal libère les cautions, même solidaires. »
    • Lorsque, de la sorte, un délai de paiement ou une remise de dette est consenti directement par le créancier au débiteur elle bénéficie immédiatement aux garants
    • Cette règle n’est autre que la manifestation du principe selon lequel l’accessoire suit le principal.
    • Le créancier s’oblige, dès lors, si l’éventualité se présentait, à poursuivre les garants dans les mêmes termes que le débiteur.

b) La procédure de conciliation

Deux périodes doivent être distinguées :

==> Avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 18 décembre 2008

La lecture de l’ancien article L. 611-10, al. 3 du Code de commerce invitait à distinguer selon que l’on était en présence d’un accord seulement constaté ou selon que l’on était en présence d’un accord homologué :

  • S’agissant d’un accord homologué
    • L’article L. 611-10, al. 3 du Code de commerce prévoyait que « les coobligés et les personnes ayant consenti un cautionnement ou une garantie autonome peuvent se prévaloir des dispositions de l’accord homologué. »
    • Ainsi, les garants étaient-ils fondés à se prévaloir des délais de paiement et remises de dettes consentis au débiteur principal par les créanciers parties à l’accord.
  • S’agissant d’un accord constaté
    • L’article L. 611-10 al. 3 était silencieux sur cette question.
    • Devait-on en déduire que, dans cette hypothèse, les garants ne pouvaient pas bénéficier des délais de paiements et remises de dettes consenties au débiteur ?
    • La question a été posée à la Cour de cassation qui y a répondu dans un arrêt remarqué du 5 mai 2004 ( com. 5 mai 2004).
    • Dans cette décision, la chambre commerciale a estimé que, quand bien même l’accord était seulement constaté « la cour d’appel a fait ressortir à bon droit que les remises ou délais accordés par un créancier dans le cadre d’un règlement amiable bénéficiaient à la caution »

Cass. com. 5 mai 2004
Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 9 mars 2001), qu'au mois de juin 1989, le Groupement des industries du transport et du tourisme (GITT) a lancé une émission d'obligations, divisée en deux emprunts, dont l'un à taux variable de 3 000 000 francs, était, en particulier, destiné au financement de la Banque d'entreprises financières et industrielles (BEFI) et garanti par celle-ci à hauteur de 60/300èmes ;

que cet emprunt était divisé en trois tranches A, B, C, venant à échéance respectivement les 17 juillet 1998, 17 juillet 1999 et 17 juillet 2000 ; que la sicav Rochefort court terme (devenue Chateaudun court terme) a acquis la totalité des obligations des tranches A et B, qu'elle a cédées à la Caisse centrale de réassurance (CCR) ; qu'à la suite du remboursement par la BEFI de sa quote-part, le GITT a utilisé les fonds pour assurer les besoins de trésorerie de la société Crédit touristique et des transports (C2T) ; que les obligataires des tranches concernées ont lors de l'assemblée générale du 27 juin 1995 refusé de ratifier les opérations de substitution de C2T à la BEFI dans l'engagement de garantie de l'emprunt ; que la CCR et la sicav Chateaudun ont, le 16 octobre 1997, assigné la BEFI aux fins de la voir déclarer garante, dans la limite de sa quote-part de 20 %, solidairement avec le GITT, du service en intérêts, principal et accessoires des tranches A et B de l'emprunt concerné ;

qu'entre-temps est intervenu entre le GITT d'une part, et la CCR et la sicav Chateaudun, d'autre part, un accord, homologué le 12 décembre 1997, par le tribunal dans le cadre d'une procédure de réglement amiable régie par les articles L. 611-1 et suivants du Code de commerce ; que la BEFI a contesté sa garantie et sollicité la communication de l'accord ; que le tribunal a rejeté l'incident et dit que la BEFI était garante solidairement avec le GITT, à concurrence de sa quote-part, du service des tranches A et B de l'emprunt ; qu'en cause d'appel, la BEFI a réitéré son incident de communication de l'accord et a appelé en garantie le GITT ;

[…]

Et sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses trois branches :

Attendu que la CCR fait grief à l'arrêt d'avoir dit irrecevable et mal fondée son action tendant à l'exécution ou, à défaut, à la reconnaissance de la garantie du remboursement d'une quote-part de l'emprunt obligataire par la BEFI, caution solidaire, alors, selon le moyen ;

1 / que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office la fin de non recevoir tirée du prétendu défaut d'intérêt de la société CCR à poursuivre la société BEFI, sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que la caution solidaire ne peut se prévaloir, pour se soustraire à son engagement, des remises et délais de paiement consentis par le créancier au débiteur principal dans le cadre de la procédure de réglement amiable instituée par la loi du 1er mars 1984 ;

qu'en déclarant l'action de la société CCR irrecevable, faute pour cette dernière de justifier de l'exigibilité de la dette du débiteur principal, quant elle avait pourtant constaté qu'à son échéance, l'emprunt n'avait été que partiellement remboursé, d'où il résultait, en vertu des stipulations contractuelles liant les parties, que la garantie de la société BEFI était due, nonobstant d'éventuels délais de paiement ou remises accordés au débiteur principal dans le cadre d'un accord de réglement amiable, susceptibles d'être opposés par la caution au créancier, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 2036 du Code civil, ensemble les articles L. 611-4 du Code de commerce et 31 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que la demande subsidiaire de la société CCR avait pour objet de faire juger que le remboursement anticipé, par la société BEFI, de sa quote-part de l'emprunt, n'avait pas eu pour conséquence de faire disparaître l'obligation de garantie ; que le créancier avait intérêt à ce que ce point, sur lequel les parties s'opposaient, soit tranché, ne serait-ce qu'à titre préventif, avant que la dette principale ne soit devenue exigible ;

qu'en déduisant dès lors l'irrecevabilité de la demande de ce que l'exigibilité de la dette principale n'était pas démontrée, la cour d'appel a violé l'article 31 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt, qui a examiné au fond la prétention, avant de la dire irrecevable, relève que "la CCR était parfaitement libre, dans le cadre du réglement amiable, de souscrire ou non à l'accord emportant restructuration de la dette, en accordant des remises ou des délais au débiteur" ; qu'il retient que la CCR ne peut, sans déséquilibrer gravement l'économie des relations contractuelles et sans s'affranchir de son obligation de se comporter en partenaire loyal, exiger de sa co-contractante, garante, qu'elle a exclu de l'élaboration du plan, l'exécution de sa propre obligation ; qu'en l'état de ses énonciations, la cour d'appel a fait ressortir à bon droit que les remises ou délais accordés par un créancier dans le cadre d'un règlement amiable bénéficiaient à la caution ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident

  • Faits
    • Une société, le GITT (groupement des industries du transport et du tourisme), a émis des obligations dont le remboursement était garanti par un établissement financier, la BEFI (Banque d’entreprises financières et industrielles).
      • Pour rappel, un emprunt obligataire est un instrument financier émis par une personne morale (Etat, collectivité publique, entreprise publique ou privée) qui reçoit en prêt une certaine somme d’argent de la part des souscripteurs des titres.
        • Une société A émet des obligations.
        • En contrepartie de la souscription à ces obligations les souscripteurs vont prêter de l’argent à la société émettrice à un certain taux défini lors de l’émission des obligations
        • La société qui a émis les obligations devra, par suite, rembourser les obligations à une certaine échéance !
        • C’est à ce stade de l’opération qu’intervient la caution : dans l’hypothèse où la société émettrice n’est pas en mesure de rembourser le prêt consenti par les souscripteurs d’obligations à l’échéance prévue, la caution est appelée en garantie
        • C’est ce qu’a fait la BEFI en l’espèce
      • À la suite de difficultés financières, la société le (GITT) a conclu un accord avec ses créanciers obligataires dans le cadre de la procédure de règlement amiable instituée par la loi du 1er mars 1984.
      • La société a obtenu la restructuration de sa dette, et notamment l’octroi de remises et de délais de paiement.
      • Parmi les créanciers parties à cet accord figurait la CCR (Caisse centrale de réassurance) qui, après avoir ainsi accordé des délais et des remises au débiteur principal, avait ensuite fait jouer, à l’échéance initialement prévue, la garantie de la BEFI et ce, pour la totalité de la créance initiale.
      • C’est alors que la BEFI refuse de garantir la dette de la société émettrice d’obligations (le GITT).
  • Demande
    • La CCR, créancier obligataire, appelle la BEFI en garantie de la créance qu’elle détient à l’encontre du GITT.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 9 mars 2001, la Cour d’appel de Paris rejette la demande du créancier obligataire (la société CCR).
    • Les juges du fond relèvent que le créancier obligataire était libre d’accorder au débiteur principal des délais et remises de paiement, ce qu’il a fait
    • Il serait par conséquent déloyal de ne pas faire bénéficier de ces délais de paiement à la caution, alors que le créancier obligataire l’a exclu du plan.
  • Moyens des parties
    • La caution ne peut pas se prévaloir des délais et remises de paiement consentis au débiteur principal dans le cadre du règlement amiable, dans la mesure où elle n’en était pas partie.
    • La créance invoquée par le créancier obligataire était par conséquent parfaitement exigible à l’égard de la caution.
  • Problème de droit
    • Les remises ou délais accordés par un créancier dans le cadre d’un règlement amiable peuvent-ils ou non bénéficier à la caution ?
  • Solution
    • Par un arrêt du 5 mai 2004, la chambre commerciale rejette le pourvoi formé par le créancier obligataire.
    • La Cour de cassation estime dans cette décision que « les remises ou délais accordés par un créancier dans le cadre d’un règlement amiable bénéficient à la caution».
    • Ainsi contredit-elle frontalement l’auteur du pourvoi principal qui soutenait dans la 2e branche du moyen que « la caution solidaire ne peut se prévaloir, pour se soustraire à son engagement, des remises et des délais de paiement consentis par le créancier au débiteur principal dans le cadre de la procédure de règlement amiable instituée par la loi du 1er mars 1984».
    • La Cour de cassation reprend ici à son compte le raisonnement de la Cour d’appel.
    • En effet, elle relève, à son tour, que :
      • Le créancier obligataire était parfaitement libre d’accorder des remises et délais de paiement au débiteur principal
      • Dans la mesure où elle a accepté de conclure un accord avec ce dernier, il serait déloyal que le créancier obligataire réclame le paiement de créancier à la caution, ce d’autant plus qu’elle l’a exclu de la procédure de règlement amiable
      • C’est la raison pour laquelle, selon la Cour de cassation, les remises et délais de paiement doivent bénéficier à la caution !!!
  • Analyse
    • Si l’on se reporte à l’ancien article 1287 du Code civil, il n’y, a priori, rien de surprenant dans cette décision.
    • Pour mémoire, cette disposition prévoyait que « la remise ou décharge conventionnelle accordée au débiteur principal libère les cautions ».
    • Ainsi, dans l’hypothèse où le créancier obligataire consent une remise de dette au débiteur principal, elle devrait, en toute logique, bénéficier à la caution.
    • Cette solution n’est, cependant, pas si évidente qu’il y paraît ; d’où la locution « à bon droit» auquel a recours la Cour de cassation qui, par cette formule, nous signale que la décision des juges du fond était pour le moins audacieuse.
    • Dans l’arrêt en l’espèce, nous sommes en présence d’un accord seulement constaté.
    • Or dans cette hypothèse l’ancien article L. 611-10, al. 3e ne réglait pas le sort des cautions du débiteur principal.
    • Qui plus est, en droit commun, lorsqu’un délai de paiement est octroyé par un juge, il s’agit là d’une décision qui ne bénéficie qu’au seul débiteur en raison de l’effet strictement individuel des décisions de justice
    • La question que l’on était dès lors légitimement en droit de se poser était de savoir quel régime juridique appliquer au délai de paiement consenti au débiteur dans le cadre d’un accord amiable constaté ?
    • De deux choses l’une :
      • Soit l’on considère que l’accord constaté revêt une dimension judiciaire, dans la mesure où son efficacité est subordonnée à l’intervention d’un juge, auquel cas les délais de paiement consentis au débiteur ne sauraient bénéficier à la caution
      • Soit l’on considère que la nature contractuelle de l’accord constaté prime sur sa dimension judiciaire, auquel cas rien ne fait obstacle à ce que les garants puissent bénéficier des délais de paiements consentis au débiteur principal, conformément à l’article 1350-2 du Code civil.
    • La Cour de cassation a manifestement opté par la seconde solution en estimant que les délais de paiement et remises de dettes consentis au débiteur dans le cadre d’un accord constaté bénéficiait à la
    • Cette solution est radicalement opposée à celle qu’elle avait adoptée dans un arrêt du 13 novembre 1996 où elle avait estimé que « malgré leur caractère volontaire, les mesures consenties par les créanciers dans le plan conventionnel de règlement, prévu par l’article L. 331-6 ancien du Code de la consommation, ne constituent pas, eu égard à la finalité d’un tel plan, une remise de dette au sens de l’article 1287 du Code civil» ( 1ère civ. 13 nov. 1996).
    • Pour justifier sa décision, la Cour de cassation fonde son raisonnement en l’espèce sur le comportement du créancier.
    • Dans la mesure où celui-ci consent des remises ou délais de paiement au débiteur dans le cadre de la procédure de règlement amiable, il serait déloyal qu’il réclame à a caution le paiement de sa créance
    • Ainsi, la chambre commerciale de la Cour de cassation considère-t-elle implicitement qu’un créancier ne peut, après avoir participé à un règlement amiable, effectuer ensuite un acte – en l’espèce l’action en paiement dirigée contre la caution – dont la conséquence sera nécessairement, par le recours qu’il générera ultérieurement, une remise en cause de l’efficacité dudit règlement.
    • La Cour de cassation fait primer ici l’objectif législatif d’efficacité des procédures de traitement des difficultés du débiteur principal sur le principe d’indifférence à l’égard de la caution de l’ouverture d’une telle procédure.

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==> Après l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 18 décembre 2008

À l’occasion de l’adoption de l’ordonnance du 18 décembre 2008, le législateur a introduit un article L. 611-10-2  dans le Code de commerce qui prévoit que « les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des mesures accordées au débiteur en application du cinquième alinéa de l’article L. 611-7 ainsi que des dispositions de l’accord constaté ou homologué. »

Il ressort de cette disposition que deux modifications ont été apportées par le législateur au régime juridique des garants du débiteur principal.

  • Première modification
    • L’article L. 611-10-2 uniformise la situation des garants et coobligés qu’il s’agisse d’un accord seulement constaté ou homologué.
    • Désormais, il n’y a plus lieu de distinguer.
    • Dans les deux cas, ils bénéficient des délais de paiements et remises de dette consentis par les créanciers dans le cadre de l’accord de conciliation
  • Seconde modification
    • Antérieurement à la réforme de 2008, seules les cautions, les coobligés où les titulaires d’une garantie autonome pouvaient se prévaloir du délai de paiement ou de la remise de dette consenti au débiteur.
    • Désormais, l’article L. 611-10-2 vise toutes sortes de garanties, telles que la fiducie par exemple ou la technique de la délégation imparfaite.

B) Les effets propres à la formalisation de l’accord

  1. L’accord constaté par le Président du Tribunal
  • La force exécutoire de l’accord constaté
    • Aux termes de l’article L. 611-8 du Code de commerce « le président du tribunal, sur la requête conjointe des parties, constate leur accord et donne à celui-ci force exécutoire.»
    • L’article R. 611-39 précise que « en application du I de l’article L. 611-8, l’accord des parties est constaté par une ordonnance du président du tribunal qui y fait apposer la formule exécutoire par le greffier. »
    • Aussi, cela signifie-t-il que, en cas d’inexécution de l’accord le créancier sera d’ores et déjà muni d’un titre exécutoire, ce qui lui permettra d’engager une procédure de recouvrement judiciaire de sa créance.
  • L’absence de cessation des paiements
    • La constatation de l’accord par le juge est conditionnée par la déclaration certifiée du débiteur qu’il n’était pas en cessation des paiements au moment de la conclusion de l’accord de conciliation, à tout le moins qu’il ne s’y trouve plus.
  • Publication et voies de recours
    • En raison de son caractère confidentiel, l’accord constaté ne fait l’objet d’aucune mesure de publicité.
    • L’article R. 611-39 du Code de commerce prévoit en ce sens que des copies de l’accord ne peuvent être délivrées qu’aux parties et aux personnes qui peuvent se prévaloir des dispositions de l’accord.
      • C’est là le principal avantage que procure ce type de formalisation de l’accord
    • Par ailleurs, il n’est susceptible d’aucune voie de recours.

2. L’accord homologué par le Président du Tribunal

==> Conditions de l’homologation

L’article L. 611-8 du Code de commerce subordonne l’homologation de l’accord de conciliation à la réunion de trois conditions cumulatives :

  • Le débiteur ne doit pas être en cessation des paiements ou l’accord conclu y met fin
    • Ainsi, si l’absence de cessation des paiements n’est pas une condition d’ouverture de la procédure de conciliation, elle le devient lorsque l’on envisage une homologation de l’accord.
  • Les termes de l’accord doivent être de nature à assurer la pérennité de l’activité de l’entreprise
    • Cette condition révèle l’intention du législateur de ne permettre aux seuls accords sérieux d’être homologués
  • L’accord ne doit pas porter atteinte aux intérêts des créanciers non signataires
    • Cette condition tient au principe d’égalité des créanciers, en ce sens que l’accord de conciliation ne doit pas être un prétexte pour avantager certains créanciers au détriment de d’autres de façon disproportionnée.

==> Procédure d’homologation

  • Information des représentants du personnel
    • Aux termes de l’article L. 611-8-1 du Code de commerce le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel sont informés par le débiteur du contenu de l’accord lorsque celui-ci demande l’homologation.
  • Audition des personnes intéressées à l’accord
    • L’article L. 611-9 du Code de commerce prévoit que le tribunal statue sur l’homologation après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil
      • Le débiteur
      • Les créanciers parties à l’accord
      • Les représentants du comité d’entreprise
        • À défaut, des délégués du personnel, le conciliateur et le ministère public.
      • L’ordre professionnel ou l’autorité compétente dont relève, le cas échéant, le débiteur qui exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, est entendu ou appelé dans les mêmes conditions.
      • Le tribunal peut entendre toute autre personne dont l’audition lui paraît utile.
  • Notification de l’accord
    • Le jugement statuant sur l’homologation de l’accord est notifié par le greffier au débiteur et aux créanciers signataires de l’accord.
    • Il est communiqué au conciliateur et au ministère public.
    • Lorsque le débiteur est soumis au contrôle légal de ses comptes, l’accord homologué est transmis à son commissaire aux comptes.
  • Publicité du jugement d’homologation
    • Contrairement à l’accord de conciliation seulement constaté par le Président du Tribunal compétent, l’accord homologué fait l’objet d’une mesure de publicité, ce qui n’est pas sans constituer une formalité dissuasive pour le débiteur qui souhaiterait que la procédure demeure discrète.
    • Toutefois, seul le jugement d’homologation est public, l’accord de conciliation en lui-même restant couvert par le sceau du secret.
    • L’article L. 611-10 du Code de commerce prévoit en ce sens le jugement d’homologation est déposé au greffe où tout intéressé peut en prendre connaissance et fait l’objet d’une mesure de publicité.
    • Plus précisément, conformément à l’article R. 611-43 du Code de commerce Un avis du jugement d’homologation est adressé pour insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.
    • Cette insertion contient l’indication
      • du nom du débiteur
      • de son siège
      • lorsqu’il est une personne physique, de l’adresse de son entreprise ou de son activité.
      • Il est également mentionné son numéro unique d’identification
      • le cas échéant, le nom de la ville où se trouve le greffe ou la chambre de métiers et de l’artisanat de région où il est immatriculé.
      • Lorsque l’activité en difficulté est celle à laquelle un entrepreneur individuel à responsabilité limitée a affecté un patrimoine, l’insertion précise le registre où a été déposée la déclaration d’affectation.
    • Le même avis est publié dans un journal d’annonces légales du lieu où le débiteur a son siège ou, lorsqu’il est une personne physique, l’adresse de son entreprise ou de son activité.
    • Il mentionne que le jugement est déposé au greffe où tout intéressé peut en prendre connaissance.
    • Ces publicités sont faites d’office par le greffier dans les huit jours de la date du jugement.
    • Il peut être observé que le jugement rejetant la demande d’homologation ne fait pas l’objet d’une publication.
  • Voies de recours
    • Le jugement d’homologation est susceptible d’appel de la part du ministère public et, en cas de contestation relative au privilège mentionné à l’article L. 611-11, de la part des parties à l’accord.
    • Il peut également être frappé de tierce opposition.
    • Quant au jugement rejetant l’homologation, il est également susceptible d’appel.

==> Effets de l’homologation

Lorsqu’il est homologué par le Président du Tribunal compétent l’accord de conciliation produit plusieurs effets :

  • La levée pour le débiteur de l’interdiction d’émettre des chèques
    • Aux termes de l’article L. 611-10-2 du Code de commerce l’accord homologué entraîne la levée de plein droit de toute interdiction d’émettre des chèques conformément à l’article L. 131-73 du code monétaire et financier, mise en œuvre à l’occasion du rejet d’un chèque émis avant l’ouverture de la procédure de conciliation.
    • Lorsque le débiteur est un entrepreneur individuel à responsabilité limitée, cette interdiction est levée sur les comptes afférents au patrimoine visé par la procédure.
    • L’article R. 611-45 précise que le débiteur justifie de la levée de l’interdiction d’émettre des chèques auprès de l’établissement de crédit qui est à l’origine de cette mesure par la remise d’une copie du jugement homologuant l’accord, à laquelle il joint un relevé des incidents de paiement.
    • L’établissement de crédit qui est à l’origine de l’interdiction informe la Banque de France de la levée de cette interdiction aux fins de régularisation.
  • L’octroi d’un privilège de conciliation pour le créancier
    • Le fondement du privilège de conciliation
      • Pour convaincre les créanciers de conclure l’accord de conciliation, le conciliateur peut brandir la perspective de l’obtention d’un privilège dans l’hypothèse où le débiteur ferait l’objet, subséquemment, d’une procédure collective.
      • Il s’agit du privilège « d’argent frais» ou de « new money »
      • L’article L. 611-11 du Code de commerce prévoit en ce sens que « en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, les personnes qui avaient consenti, dans le cadre d’une procédure de conciliation ayant donné lieu à l’accord homologué mentionné au II de l’article L. 611-8, un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité, sont payées, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres créances, selon le rang prévu au II de l’article L. 622-17 et au II de l’article L. 641-13. Les personnes qui fournissent, dans le même cadre, un nouveau bien ou service en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité bénéficient du même privilège pour le prix de ce bien ou de ce service. »
      • L’octroi de ce privilège aux créanciers qui ont participé à la procédure de conciliation en cas d’ouverture d’une procédure collective a été critiqué par certains qui y ont vu une rupture d’égalité entre les créanciers antérieurs.
      • Dans sa décision du 22 juillet 2005, le Conseil constitutionnel a toutefois estimé que « le législateur a institué le privilège contesté afin d’inciter les créanciers d’une entreprise en difficulté, quel que soit leur statut, à lui apporter les concours nécessaires à la pérennité de son activité ; qu’au regard de cet objectif, ceux qui prennent le risque de consentir de nouveaux concours, sous forme d’apports en trésorerie ou de fourniture de biens ou services, se trouvent dans une situation différente de celle des créanciers qui se bornent à accorder une remise de dettes antérieurement constituées ; qu’ainsi, le législateur n’a pas méconnu le principe d’égal» ( const., n° 2005-522, 22 juill. 2005)
  • Les conditions d’octroi du privilège de conciliation
    • Pour bénéficier du privilège prévu à l’article L. 611-11 du Code de commerce, plusieurs conditions doivent être remplies :
      • Première condition : l’exigence d’homologation
        • Le privilège de conciliation ne peut être consenti au créancier qu’à la condition que l’accord fasse l’objet d’une homologation par le Président du Tribunal compétent
        • En cas d’accord seulement constaté, le créancier ne bénéficiera d’aucun privilège quand bien même il a fait apport d’argent frais.
      • Deuxième condition : l’exigence d’un nouvel apport de trésorerie, d’un nouveau bien ou service
        • Seuls les créanciers qui effectuent un apport d’argent frais ou fournisse un nouveau bien ou service peuvent se prévaloir du privilège de conciliation
        • Ce nouvel apport peut intervenir à n’importe quel moment de la procédure
        • Avant l’ordonnance du 12 mars 2014, le nouvel apport devait nécessairement être effectué au moment de la conclusion de l’accord amiable.
        • Cette condition a été supprimée, de sorte que le privilège de conciliation pourra bénéficier aux créanciers qui ont effectué des apports avant la conclusion de l’accord.
      • Troisième condition : un investissement aux fins de poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité
        • L’article L. 611-11 du Code de commerce prévoit que le nouvel apport doit être effectué en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité
        • Tous les concours financiers ne justifieront donc pas l’octroi du privilège de conciliation.
      • Quatrième condition : l’exclusion des apports consentis par les actionnaires et associés du débiteur dans le cadre d’une augmentation de capital.
        • Lorsqu’ainsi, un associé ou un actionnaire effectue un nouvel apport dans le cadre d’une augmentation de capital, il ne peut se prévaloir du privilège de conciliation.
        • Il est, cependant, susceptible d’en bénéficier, s’il effectue un apport en compte-courant d’associé.
  • La situation du créancier bénéficiaire du privilège de conciliation
    • L’article L. 611-11 du Code de commerce prévoit que le bénéficiaire d’un privilège de conciliation est payé, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres créances, selon le rang prévu au II de l’article L. 622-17 et au II de l’article L. 641-13.
    • Il en résulte qu’il sera payé :
      • Après
        • Les créances de salaire
        • Les créances de frais de justice nées postérieurement au jugement d’ouverture
      • Avant
        • Les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture
        • Les créances nées au cours de la période d’observation
  • La neutralisation de la possibilité de reporter la date de cessation des paiements
    • Aux termes de l’article L. 631-8, al. 2 et L. 641-1-IV du Code de commerce sauf cas de fraude, la date de cessation des paiements ne peut être reportée à une date antérieure à la décision définitive ayant homologué un accord amiable en application du II de l’article L. 611-8.
    • Cette neutralisation de la possibilité de reporter la date de cessation des paiements est source de sécurité pour les créanciers qui, s’ils participent à l’accord de conciliation, ne s’exposeront pas à ce que les actes qu’ils auront accomplis à la faveur du débiteur tombent sous le coup des nullités de la période suspecte.

III) La fin de l’accord amiable

Quatre causes distinctes sont susceptibles de mettre fin à l’accord de conciliation.

  • La demande du débiteur
    • Aux termes de l’article R. 611-37 du Code de commerce lorsque le débiteur en fait la demande, le président du tribunal met fin sans délai à la procédure de conciliation.
    • Il s’agit là d’un droit discrétionnaire qui a pour seule limite la cessation des paiements qui, si elle était constatée, obligerait le débiteur à la déclarer dans un délai de 45 jours, ce qui, par voie de conséquence, l’exposerait à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire
  • La demande du conciliateur
    • L’article R. 611-36 du Code de commerce prévoit que le conciliateur peut demander au président du tribunal de mettre fin à sa mission lorsqu’il estime indispensables les propositions faites par lui au débiteur en application du premier alinéa de l’article L. 611-7 et que celui-ci les a rejetées.
    • Toutefois, dès lors que l’accord a été conclu, il doit être exécuté à l’instar de n’importe quelle obligation contractuelle.
  • L’ouverture d’une procédure collective
    • Aux termes de l’article L. 611-12 du Code de commerce, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire met fin de plein droit à l’accord constaté ou homologué en application de l’article L. 611-8.
    • Ainsi, en cas d’ouverture d’une procédure collective, l’accord constaté ou homologué devient caduc
    • En ce cas d’ailleurs, les créanciers recouvrent l’intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues, sans préjudice des dispositions prévues à l’article L. 611-11.
  • L’inexécution de l’accord
    • L’article L. 611-10-3 prévoit que, en cas d’inexécution de l’accord, celui-ci fait l’objet d’une résolution.
      • Compétence
        • Lorsque l’accord est seulement constaté, c’est le Président du Tribunal saisi qui est compétent ( L. 611-10-3, al. 1er)
        • Lorsque l’accord a été homologué, cela relève de la compétence du Tribunal qui statue en formation collégiale ( L. 611-10-3, al. 2e)
      • Saisine de la juridiction compétente
        • L’article 611-10-3 du Code de commerce prévoit que la résolution peut être demandée par l’une des parties à l’accord constaté
        • Cela signifie que, tant les créanciers, que le débiteur ont qualité pour demander la résolution de l’accord.
        • Cette qualité à agir n’est manifestement pas reconnue au ministère public, ni au juge qui ne saurait se saisir d’office.
      • Exercice de la demande de résolution
        • Aux termes de l’article R. 611-46 du Code de commerce, la demande de résolution de l’accord constaté ou homologué présentée en application de l’article L. 611-10-3 est formée par assignation.
        • Toutes les parties à l’accord ainsi que les créanciers auxquels des délais de paiement ont été imposés en application du cinquième alinéa de l’article L. 611-7 ou du dernier alinéa de l’article L. 611-10-1 doivent être mis en cause par le demandeur, le cas échéant sur injonction du tribunal.
      • Publicité et notification du jugement
        • Le jugement rendu est communiqué au ministère public et notifié par le greffier aux créanciers mentionnés à l’alinéa précédent.
        • La décision prononçant la résolution de l’accord homologué fait l’objet des publicités prévues à l’article R. 611-43.
          • Pour mémoire, cette disposition prévoit que, un avis du jugement d’homologation est adressé pour insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.
          • Cette insertion contient l’indication
            • du nom du débiteur
            • de son siège
            • lorsqu’il est une personne physique, de l’adresse de son entreprise ou de son activité.
            • Il est également mentionné son numéro unique d’identification
            • le cas échéant, le nom de la ville où se trouve le greffe ou la chambre de métiers et de l’artisanat de région où il est immatriculé.
            • Lorsque l’activité en difficulté est celle à laquelle un entrepreneur individuel à responsabilité limitée a affecté un patrimoine, l’insertion précise le registre où a été déposée la déclaration d’affectation.
          • Le même avis est publié dans un journal d’annonces légales du lieu où le débiteur a son siège ou, lorsqu’il est une personne physique, l’adresse de son entreprise ou de son activité.
          • Il mentionne que le jugement est déposé au greffe où tout intéressé peut en prendre connaissance.
          • Ces publicités sont faites d’office par le greffier dans les huit jours de la date du jugement.
      • Effets de la résolution
        • Il se déduit de la lettre de l’article 611-10-3 du Code de commerce que, une fois résolu, l’accord est anéanti rétroactivement.
        • Aussi, cela devrait conduire à une remise en l’état antérieur, soit à anéantir les remises de dettes où les sûretés qui auraient été constituées par les créanciers
        • L’article 611-10-3 précise d’ailleurs, le président du tribunal ou le tribunal qui décide la résolution de l’accord peut aussi prononcer la déchéance de tout délai de paiement
        • Quid du sort du privilège de conciliation ?
        • Si, la jurisprudence n’a encore apporté aucune réponse à cette question, la doctrine est plutôt favorable à son maintien.

Tierce opposition et report de la date de cessation des paiements (Cass. com. 14 juin 2017)

Par un arrêt du 14 juin 2017, la Cour de cassation a estimé que la tierce opposition, qu’elle soit formée à titre incident, à l’encontre d’un jugement prononçant le report de la cessation des paiements était soumise au délai de 10 jours prévu à l’article R. 661-2 du Code de commerce, par dérogation au droit commun.

  • Faits
    • Par jugement du 25 juillet 2008, une procédure de sauvegarde a été ouverte à l’égard d’une société dont les difficultés se sont par la suite aggravées.
    • Cette procédure a été convertie en redressement judiciaire le 28 novembre 2008, à la suite de quoi, par jugement du 15 mai 2009, publié au BODACC le 17 juin suivant, la date de la cessation des paiements a, finalement, été reportée au 1er juin 2007
    • Après le prononcé de la liquidation judiciaire, le 24 juillet 2009, le liquidateur a assigné un créancier en annulation d’un prêt qu’il avait consenti à la société débitrice le 22 juin 2007
    • Par jugement du 20 septembre 2012, il est fait droit à sa demande : le prêt est annulé
  • Demande
    • La société prêteuse forme alors tierce opposition incidente au jugement de report, afin d’échapper à la nullité qui prenait assise sur la conclusion du contrat de prêt au cours de la période suspecte.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 22 juin 2015, la Cour d’appel de Riom a déclaré la tierce opposition formée par le créancier irrecevable
    • Les juges du fond estiment que l’action de ce dernier n’avait pas été exercée dans le délai imparti, soit, conformément à l’article R. 661-2 du Code de commerce dans un délai de 10 jours à compter du prononcé de la décision.
  • Moyen
    • Au soutien de son pourvoi, le créancier considère qu’il était parfaitement recevable à agir, nonobstant l’expiration du délai de 10 jours.
    • Selon lui, lorsque la tierce opposition est formée de manière incidente, son action est perpétuelle
    • L’article 586 du Code de procédure civile dispose en ce sens que si la tierce opposition « est ouverte à titre principal pendant trente ans à compter du jugement à moins que la loi n’en dispose autrement» (alinéa 1er), elle « peut être formée sans limitation de temps contre un jugement produit au cours d’une autre instance par celui auquel on l’oppose. » (alinéa 2e)
  • Solution
    • Par un arrêt du 14 juin 2017, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le créancier
    • Bien que l’argument avancé par ce dernier fût pour le moins convaincant, la chambre commerciale estime que « la cour d’appel a exactement retenu que l’article R. 661-2 du code de commerce, qui fixe les conditions d’exercice de la tierce opposition contre les décisions rendues en matière de redressement ou de liquidation judiciaires, est exclusif des règles de droit commun, que la tierce opposition soit principale ou incidente».
    • Autrement dit, pour la Cour de cassation l’article R. 661-2 du Code de commerce dérogerait à l’application de l’article 586 du Code civil qui, d’ailleurs, précise s’agissant de la tierce opposition formée à titre principal que le délai de 30 ans s’applique « à moins que la loi n’en dispose autrement.»
    • Le caractère « supplétif » de l’alinéa 1er de l’article 586 du Code civil est ainsi étendu à la tierce opposition incidente.
    • Autre apport de l’arrêt qui mérite d’être relevé, la Cour de cassation affirme que « un créancier, informé par la publication au BODACC d’un jugement de report de la date de cessation des paiements, qui est susceptible d’avoir une incidence sur ses droits en application des dispositions des articles L. 632-1 et L. 632-2 du code de commerce, a, dès cette date, un intérêt à former tierce opposition à cette décision»
    • L’auteur du pourvoi soutenait quant à lui que « est recevable la tierce opposition incidente formée par un créancier à l’encontre d’un jugement reportant la date de cessation des paiements rendu en fraude de ses droits à l’occasion de l’action en nullité facultative (art. L. 632-2 c. com.) d’un acte passé au cours de la période suspecte introduite après l’expiration du délai de dix jours de l’article R. 661-2 du code de commerce pour agir en tierce opposition, période au cours de laquelle le créancier était dépourvu d’intérêt à agir ».
    • Ainsi, pour la chambre commerciale, contrairement à l’argument avancé par le créancier, celui-ci avait intérêt à agir dès la date de publication du jugement prononçant le report de la cessation des paiements.

Cass. com. 14 juin 2017

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Riom, 22 juillet 2015), que le tribunal de commerce a ouvert une procédure de sauvegarde à l’égard de la société 2G moto passion (la société débitrice) le 25 juillet 2008 et a converti la procédure en redressement judiciaire le 28 novembre 2008 ; que, par un jugement du 15 mai 2009, publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) le 17 juin suivant, il a reporté la date de la cessation des paiements au 1er juin 2007 ; qu’après le prononcé de la liquidation judiciaire, le 24 juillet 2009, le liquidateur a assigné la société AZ en annulation d’un prêt qu’elle avait consenti à la société débitrice le 22 juin 2007 ; qu’ayant fait appel du jugement du 20 septembre 2012 qui avait annulé le prêt, la société AZ a formé tierce opposition incidente au jugement de report ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société AZ fait grief à l’arrêt de déclarer sa tierce opposition irrecevable alors, selon le moyen :
1°/ toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; d’où il suit qu’est recevable la tierce opposition incidente formée par un créancier à l’encontre d’un jugement reportant la date de cessation des paiements rendu en fraude de ses droits à l’occasion de l’action en nullité facultative (art. L. 632-2 c. com.) d’un acte passé au cours de la période suspecte introduite après l’expiration du délai de dix jours de l’article R. 661-2 du code de commerce pour agir en tierce opposition, période au cours de laquelle le créancier était dépourvu d’intérêt à agir ; qu’ainsi, en déclarant irrecevable pour tardiveté la tierce opposition incidente formée par la société AZ, fondée sur la fraude, contre le jugement du 15 mai 2009, publié au BODACC le 17 juin 2009, ayant reporté la date de cessation des paiements de la société 2G moto passion au 1er juin 2007 quand l’action en nullité du prêt en date du 22 juin 2007 fondée sur l’article L. 632-2 du code de commerce avait été introduite par M. Pétavy en qualité de liquidateur judiciaire de la société 2G moto passion, par acte du 19 mars 2010, et que l’intérêt à agir en tierce opposition ne naissait qu’à cette date, la cour d’appel a privé la société AZ de son droit d’accès au juge et violé l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble les articles 31, 583 et 586, alinéa 2, du code de procédure civile ;
2°/ que la tierce opposition incidente exercée après l’expiration du délai pour former tierce opposition principale est perpétuelle ; d’où il suit qu’en enfermant la tierce opposition incidente formée par la société AZ au délai de dix jours de l’article R. 661-2 du code de commerce, quand elle n’était soumise à aucun délai, la cour d’appel a violé ledit texte par fausse application et 586, alinéa 2, du code civil par refus d’application ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d’appel a exactement retenu que l’article R. 661-2 du code de commerce, qui fixe les conditions d’exercice de la tierce opposition contre les décisions rendues en matière de redressement ou de liquidation judiciaires, est exclusif des règles de droit commun, que la tierce opposition soit principale ou incidente ;
Et attendu, en second lieu, qu’un créancier, informé par la publication au BODACC d’un jugement de report de la date de cessation des paiements, qui est susceptible d’avoir une incidence sur ses droits en application des dispositions des articles L. 632-1 et L. 632-2 du code de commerce, a, dès cette date, un intérêt à former tierce opposition à cette décision ; que le grief de la première branche, qui postule le contraire, manque en droit ;
D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Le mandataire ad hoc et la prévention des entreprises en difficulté

==> Ratio legis

Lorsqu’une entreprise rencontre des difficultés, il est un risque que ses dirigeants ne réagissent pas à temps pour les traiter, soit parce qu’ils ne prennent pas conscience de la situation, soit parce qu’ils ne souhaitent pas effrayer les créanciers ou s’exposer à la menace de poursuites.

En tout état de cause, si le dirigeant ne réagit pas rapidement, son incurie est susceptible de compromettre la continuité de l’exploitation.

Aussi, afin que le chef d’entreprise ne se retrouve pas dans cette situation, le législateur est intervenu plusieurs reprises pour instaurer des mécanismes de prévention des entreprises en difficulté.

Parmi ces mécanismes, la loi n° 94-475 du 10 juin 1994 a consacré une pratique que les Tribunaux de commerce avaient adoptée : la désignation d’un mandataire ad hoc afin d’assister les dirigeants d’une entreprise qui rencontre des difficultés qui ne sont pas suffisamment graves pour justifier l’ouverture d’une procédure collective, mais qui, si elles ne sont pas traitées à temps, sont susceptibles de conduire à la cessation des paiements.

La loi du n°2005-845 du 26 juillet 2005 a, par la suite, déconnecté cette procédure des règles relatives au règlement amiable pour l’ériger au rang de procédure automne.

Elle est désormais régie par l’article L. 611-3 du Code de commerce qui prévoit que « le président du tribunal peut, à la demande d’un débiteur, désigner un mandataire ad hoc dont il détermine la mission. »

La procédure du mandat ad hoc présente trois intérêts majeurs :

  • Elle est confidentielle
  • Le chef d’entreprise conserve la direction de sa structure
  • Elle permet d’envisager la conclusion d’un protocole d’accord entre le débiteur et ses créanciers

I) Les conditions d’ouverture de la procédure

A) Les conditions de fond

  1. Les conditions tenant à la personne du débiteur

Bien que l’article L. 611-3 du Code de commerce ne définisse pas son champ d’application, cette disposition prévoit néanmoins à son alinéa 2 que « le tribunal compétent est le tribunal de commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale et le tribunal de grande instance dans les autres cas. ».

Aussi, peut-on en déduire que la procédure du mandat ad hoc peut être sollicitée :

  • D’abord, par les débiteurs qui relèvent de la compétence du Tribunal de commerce, soit par ceux qui exercent une activité commerciale ou artisanale
  • Ensuite, par les débiteurs qui relèvent de la compétence du Tribunal de grande instance soit par :
    • Les personnes physiques qui exercent une activité professionnelle indépendante
    • Les personnes qui exercent une activité libérale ou agricole

2. Les conditions tenant à la situation du débiteur

L’article L. 611-3 du Code de commerce est silencieux sur la situation dont le débiteur doit justifier pour solliciter l’instauration d’un mandat ad hoc.

Cette situation peut toutefois se déduire si l’on adopte une approche globale des différentes procédures dont est susceptible de faire l’objet une entreprise qui rencontre des difficultés.

Il ressort, en effet, de la combinaison des articles L. 611-4 et L. 611-20, L. 631-1 du Code de commerce que la procédure applicable au débiteur varie selon la gravité de la situation dans laquelle il se trouve.

  • La procédure de conciliation est applicable au débiteur qui « éprouve une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours» ( L. 611-4 C. com)
  • La procédure de sauvegarde est applicable au débiteur qui « sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter» ( 611-20 C. com.)
  • La procédure de redressement judiciaire est applicable au débiteur qui « dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements» ( L. 631-1 C. com)
  • La procédure de liquidation judiciaire est applicable à « tout débiteur en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible» ( L. 640-1 C. com.)

De toute évidence, la procédure du mandat ad hoc a vocation à s’appliquer au débiteur qui se trouve dans la situation moins grave que celles justifiant l’ouverture d’une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou encore de liquidation judiciaire.

Il en résulte que pour solliciter la désignation d’un mandataire ad hoc le débiteur doit :

  • d’une part, ne pas être en cessation des paiements, fusse depuis moins de quarante-cinq jours
  • d’autre part, ne pas rencontrer de difficultés qu’il ne serait pas en mesure de surmonter

Est-ce à dire que le débiteur qui ne rencontre aucune difficulté peut solliciter la mise en place d’un mandat hoc ?

Cette procédure a été insérée dans le Livre 6 du code de commerce consacré aux entreprises en difficultés.

Par conséquent, pour solliciter la désignation d’un mandataire ad hoc, il appartient au débiteur de justifier une situation de nature à menacer la pérennité de son activité.

L’entreprise doit, en somme, rencontrer des difficultés qui, sans être insurmontables, sont susceptibles de le devenir si elles ne sont pas traitées.

Aussi, le dirigeant a-t-il besoin, pour y parvenir, d’être épaulé par une personne compétente qui l’assistera, notamment, dans la négociation avec ses créanciers.

B) Les conditions de forme

1. Une demande émanant du débiteur

La procédure du mandat ad hoc a cette particularité, avec la procédure de conciliation, qu’elle ne peut être sollicitée que par le débiteur.

Il s’agit donc d’une procédure volontariste qui ne peut être déclenchée, ni par les créanciers, ni par le ministère public. Qui plus est, le Président du tribunal de commerce ne peut pas se saisir d’office.

2. La forme de la demande

Aux termes de l’article R. 611-18 du Code de commerce la demande de désignation d’un mandataire ad hoc, doit satisfaire à certaines formes :

  • Elle doit être présentée par écrit
  • Elle est adressée ou remise au Président du Tribunal compétent
    • Si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale, il s’agira du Tribunal de commerce
    • Si le débiteur exerce une activité professionnelle indépendante, libérale ou agricole, il s’agira du Tribunal de grande instance
  • La demande est déposée au greffe
  • Elle doit exposer les raisons qui la motivent la désignation d’un mandataire ad hoc

II) Le déroulement de la procédure

A) La désignation du mandataire ad hoc

La désignation du mandataire ad hoc s’opère en deux étapes :

==> Première étape : la convocation du débiteur

L’article R. 611-19 du Code de commerce prévoit que dès réception de la demande, le président du tribunal fait convoquer, par le greffier, le représentant légal de la personne morale ou le débiteur personne physique pour recueillir ses observations.

==> Deuxième étape : La décision de nomination du mandataire ad hoc

  • Le pouvoir de désignation du Président du tribunal de commerce
    • Si le Président du Tribunal de commerce juge que la demande formulée par le débiteur est justifiée, il rend une ordonnance par laquelle il désigne un mandataire ad hoc.
    • Il peut être observé que l’article L. 611-3, al. 1er du Code de commerce offre la possibilité au débiteur de proposer le nom d’un mandataire ad hoc.
    • L’article R. 611-20 du Code de commerce précise les modalités de cette désignation :
      • La décision statuant sur la désignation du mandataire ad hoc est notifiée au demandeur.
      • En cas de refus de désignation, celui-ci peut interjeter appel.
        • L’appel est formé, instruit et jugé conformément aux dispositions de l’article R. 611-26.
      • La décision nommant le mandataire ad hoc est notifiée à ce dernier par le greffier.
        • La lettre de notification reproduit les dispositions de l’article L. 611-13.
      • Le mandataire ad hoc fait connaître sans délai au président du tribunal son acceptation ou son refus.
        • En cas d’acceptation, il lui adresse l’attestation sur l’honneur prévue à l’article L. 611-13.
        • Dès réception de cette attestation, le greffier communique par lettre recommandée avec demande d’avis de réception la décision de désignation du mandataire ad hoc au commissaire aux comptes du débiteur s’il en a été désigné.
  • Les limites au pouvoir de désignation du Président du tribunal de commerce ( L. 611-13 C. com)
    • Le pouvoir de désignation du Président du tribunal de commerce est enfermé dans deux limites :
    • Première limite
      • Les missions de mandataire ad hoc ne peuvent être exercées par une personne ayant, au cours des vingt-quatre mois précédents, perçu, à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, une rémunération ou un paiement
        • de la part du débiteur intéressé,
        • de tout créancier du débiteur ou d’une personne qui en détient le contrôle ou est contrôlée par lui au sens de l’article L. 233-16, sauf s’il s’agit:
          • d’une rémunération perçue au titre d’un mandat ad hoc
          • d’un mandat de justice confié dans le cadre d’une procédure de règlement amiable
          • d’une procédure de conciliation à l’égard du même débiteur ou du même créancier ou de la rémunération perçue au titre d’un mandat de justice, autre que celui de commissaire à l’exécution du plan, confié dans le cadre d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.
        • L’existence d’une rémunération ou d’un paiement perçus de la part d’un débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée est appréciée en considération de tous les patrimoines dont ce dernier est titulaire.
        • La personne ainsi désignée doit attester sur l’honneur, lors de l’acceptation de son mandat, qu’elle se conforme à ces interdictions.
    • Seconde limite
      • Les missions de mandataire ad hoc ou de conciliateur ne peuvent être confiées à un juge consulaire en fonction ou ayant quitté ses fonctions depuis moins de cinq ans.

B) L’absence de publicité de la décision de désignation d’un mandataire ad hoc

  • Principe
    • La décision de désignation d’un mandataire ad hoc ne fait l’objet d’aucune publicité
    • L’article L. 611-3 du Code de commerce précise que « le débiteur n’est pas tenu d’informer le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel de la désignation d’un mandataire ad hoc. »
  • Exception
    • La décision de désignation d’un mandataire ad hoc n’est communiquée qu’à une seule personne : le commissaire au compte lorsqu’il a été désigné

C) La confidentialité de la désignation du mandataire ad hoc

L’article L. 611-15 du Code de commerce dispose que « toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité. »

Ainsi, la procédure de mandat ad hoc est couverte par le sceau de la confidentialité.

Il en résulte que l’ordonnance de désignation du mandataire ne fait l’objet d’aucune mesure de publicité. L’objectif poursuivi par le législateur est d’éviter que les partenaires du débiteur ne prennent peur et que leur réaction n’aggrave la situation.

Aussi, il appartiendra au mandataire de rester discret sur sa mission.

III) L’exécution du mandat ad hoc

A) La mission du mandataire ad hoc

==> Le contenu de la mission

Aux termes de l’article L. 611-3, al. 1er du Code de commerce, il appartient au Président du tribunal de commerce de déterminer la mission du mandataire ad hoc.

La principale mission du mandataire ad hoc est d’assister le débiteur, notamment quant à la négociation avec ses créanciers de délais de paiement ou de remises de dettes.

La mission du mandataire est donc d’établir un véritable plan qui vise à apurer le passif du débiteur, ce qui généralement se fera en trois étapes :

  • Première étape : l’observation de l’entreprise
    • Le mandataire va analyser et évaluer avec précision la situation du débiteur.
    • Il va donc devoir identifier les créanciers de l’entreprise et réaliser différents audits
  • Deuxième étape : la négociation avec les créanciers
    • Dans un deuxième temps, le mandataire va engager les négociations avec les créanciers de l’entreprise.
    • Il va leur proposer un échéancier de règlement, solliciter des remises de dettes, voire solliciter un concours financier
  • Troisième étape : la conclusion d’un protocole d’accord
    • À l’issue des négociations, un protocole d’accord sera conclu avec partenaires sociaux qui auront accepté de consentir un délai de paiement ou une remise de dette au débiteur
    • Ce protocole d’accord aura force exécutoire, conformément à l’article 1103 du Code civil.
    • Pour les créanciers récalcitrants, le mandataire ad hoc pourra toujours leur opposer la possibilité pour le débiteur de solliciter en référé des délais de grâce auprès du Président du tribunal de commerce.
    • Pour rappel, l’article 1343-5 du Code civil prévoit que « le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. »
    • Malgré cette mise en garde, le créancier sera toujours libre de ne pas conclure de protocole d’accord.
    • Dans un arrêt du 22 septembre 2015, la Cour de cassation a affirmé que « un créancier appelé à négocier dans le cadre d’une procédure de mandat ad hoc n’est pas tenu d’accepter les propositions du mandataire ad hoc» ( com. 22 sept. 2015).

Schéma 1.JPG

==> La durée de la mission

  • Fixation de la durée
    • Conformément à l’article L. 611-3 du Code de commerce, c’est le Président du tribunal de commerce qui fixe la durée de la mission du mandataire ad hoc.
  • Cessation de la mission
    • La mission confiée au mandataire ad hoc prend fin dans quatre hypothèses :
      • La durée de la mission fixée par le Président du tribunal de commerce a expiré
      • L’exécution de la mission confiée au mandataire est achevée
      • Le débiteur peut, de sa propre initiative, demander au Président du tribunal de commerce de mettre un terme à la mission du mandataire ( R. 611-21 C. com.)
      • Le mandataire peut encore faire connaître sans délai au président du tribunal tout élément qui pourrait justifier qu’il soit mis fin à sa mission ( R. 611-21-1 C. com.)

B) La rémunération du mandataire ad hoc

Aux termes de l’article L. 611-14 du Code de commerce « après avoir recueilli l’accord du débiteur et, en cas de recours à la conciliation et au mandat à l’exécution de l’accord, l’avis du ministère public dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, le président du tribunal fixe, au moment de leur désignation, les conditions de la rémunération du mandataire ad hoc, du conciliateur, du mandataire à l’exécution de l’accord et, le cas échéant, de l’expert, en fonction des diligences qu’implique l’accomplissement de leur mission. »

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette disposition :

  • L’exigence d’accord du débiteur
    • L’article L. 611-14 du Code de commerce subordonne la fixation de la rémunération du mandataire à l’accord du débiteur
    • L’article R. 611-48 du Code de commerce précise que
      • D’une part, l’accord du débiteur sur les conditions de rémunération du mandataire ad hoc est consigné par écrit préalablement à leur désignation.
      • D’autre part, que cet accord est annexé à l’ordonnance de désignation.
  • La détermination de la rémunération du mandataire
    • Les critères de la rémunération
      • L’article L. 611-14 du Code de commerce prévoit que la rémunération du mandataire est déterminée en considération des diligences qu’implique l’accomplissement de sa mission.
      • L’article R. 611-47 précise que les conditions de rémunération du mandataire ad hoc, comprennent :
        • Les critères sur la base desquels elle sera arrêtée
        • Son montant maximal
        • Le cas échéant, le montant ou les modalités de versement des provisions.
    • Les critères non admis de la rémunération
      • La rémunération du mandataire ne peut jamais :
        • D’une part, être liée au montant des abandons de créances obtenus
        • D’autre part, faire l’objet d’un forfait pour ouverture du dossier.
    • La proposition de rémunération
      • Les propositions faites par le mandataire ad hoc ou le conciliateur au débiteur sur les conditions de sa rémunération sont jointes à la demande mentionnée à l’article R. 611-18 ou à la requête mentionnée à l’article R. 611-22.
      • Les propositions faites par le conciliateur sont transmises sans délai par le greffier au ministère public.
  • La décision arrêtant la rémunération du mandataire
    • L’article L. 611-14 du Code de commerce prévoit que la rémunération est arrêtée par ordonnance du président du tribunal qui est communiquée au ministère public.
    • L’article R. 611-50 du Code de commerce précise que le greffier notifie l’ordonnance arrêtant la rémunération au mandataire ad hoc ainsi qu’au débiteur.
  • Les recours contre la décision arrêtant la rémunération du mandataire
    • Aux termes de l’article R. 611-50 du Code de commerce la décision arrêtant la rémunération du mandataire peut être frappée d’un recours par :
      • Le débiteur
      • Le mandataire ad hoc
    • Dans tous les cas, le recours est porté devant le premier président de la cour d’appel.
    • Le recours est formé, instruit et jugé dans les délais et conditions prévus par les articles 714 à 718 du code de procédure civile.
  • La réévaluation de la rémunération
    • L’article R. 611-49 du Code de commerce prévoit que si le mandataire ad hoc estime au cours de sa mission que le montant maximal de la rémunération fixé par l’ordonnance qui l’a désigné est insuffisant, il en informe le président du tribunal.
    • Le président du tribunal peut alors fixer les nouvelles conditions de la rémunération en accord avec le débiteur
    • L’accord est consigné par écrit.
    • À défaut d’accord, il est mis fin à sa mission.

B) La protection du débiteur

Deux mécanismes ont été instaurés par le législateur afin de protéger le débiteur contre les stipulations contractuelles qui aggraveraient la situation du débiteur en cas de désignation d’un mandataire ad hoc.

  • Premier mécanisme
    • L’article L. 611-16, al. 1er prévoit que, est réputée non écrite toute clause qui modifie les conditions de poursuite d’un contrat en cours en diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur du seul fait de la désignation d’un mandataire ad hoc
  • Second mécanisme
    • L’article L. 611-16, al. 2 prévoit que, est réputée non écrite toute clause mettant à la charge du débiteur, du seul fait de la désignation d’un mandataire ad hoc les honoraires du conseil auquel le créancier a fait appel dans le cadre de ces procédures pour la quote-part excédant la proportion fixée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice.

La procédure d’alerte et la prévention des entreprises en difficulté

==>Ratio legis

Lorsqu’une entreprise rencontre des difficultés, il est un risque que ses dirigeants ne réagissent pas à temps pour les traiter, soit parce qu’ils ne prennent pas conscience de la situation, soit parce qu’ils ne souhaitent pas effrayer les créanciers ou s’exposer à la menace de poursuites.

En tout état de cause, si le dirigeant ne réagit pas rapidement, son incurie est susceptible de compromettre la continuité de l’exploitation.

Aussi, afin que le chef d’entreprise ne se retrouve pas dans cette situation, le législateur est intervenu plusieurs reprises pour instaurer des mécanismes de prévention des entreprises en difficulté.

Parmi ces mécanismes, loi n° 84-148 du 1 mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises a institué une procédure d’alerte qui a pour objet d’attirer l’attention des dirigeants sur les difficultés objectivement décelables que rencontre l’entreprise.

L’idée qui sous-tend cette procédure est d’engager une discussion avec le chef d’entreprise afin qu’il réagisse vite et prenne les mesures qui s’imposent.

La procédure d’alerte peut avoir deux origines : elle peut être interne ou externe à l’entreprise

I) Les alertes internes à l’entreprise

En interne, elle procédure d’alerte peut être déclenchée par plusieurs opérateurs :

  • Les associés
  • Le commissaire aux comptes
  • Le comité d’entreprise

A) Le déclenchement de la procédure d’alerte par les associés

==>Les titulaires du droit d’alerte

Le droit d’alerte ne peut pas être exercé par les associés de toutes les sociétés. Il est réservé :

  • aux associés des SARL (art. L. 223-36 C. com)
  • aux associés des SA ( L. 225-232 C. com)
  • aux associés des SCA ( L. 226-1 C. com combiné à l’art. L. 225-232 C. com)
  • aux associés des SAS ( L. 227-1 C. com combiné à l’art. L. 225-232 C. com)

==>Le critère de déclenchement de la procédure d’alerte

Aux termes des articles L. 223-36 et L. 225-232 du Code de commerce, la procédure d’alerte ne peut être déclenchée par les associés qu’en vue de porter à la connaissance du dirigeant (gérant ou con président du Conseil d’administration) des faits « de nature à compromettre la continuité de l’exploitation ».

Bien que les associés ne soient pas tenus à la confidentialité qui échoit notamment au commissaire aux comptes, ils n’auront pas d’intérêt à ébruiter les difficultés de l’entreprise, ne serait-ce que pour pas créer un sentiment de peur chez les partenaires sociaux.

==>Le déroulement de la procédure

  • S’agissant de la SARL, l’article 223-36 du Code de commerce prévoit que « tout associé non gérant peut, deux fois par exercice, poser par écrit des questions au gérant sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation. La réponse du gérant est communiquée au commissaire aux comptes.»
  • S’agissant de la SA l’article 225-232 du Code de commerce, applicable également aux SCA et SAS prévoit que « un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social ou une association répondant aux conditions fixées à l’article L. 225-120 peuvent, deux fois par exercice, poser par écrit des questions au président du conseil d’administration ou au directoire sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation. La réponse est communiquée au commissaire aux comptes»

Ainsi lorsqu’elle est déclenchée par l’associé d’une société, la procédure d’alerte se déroule en trois temps :

  • Premier temps : une question
    • Dans les SA, SCA et SAS, la question peut être posée
      • Soit par un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5% du capital social
      • Soit par une association d’actionnaires justifiant d’une inscription nominative depuis au moins deux ans et détenant ensemble au moins 5 % des droits de vote.
    • La question ne peut être posée que deux fois par exercice au dirigeant
    • Elle doit être posée par écrit
    • Elle doit porter sur un « fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation».
  • Second temps : une réponse
    • Le dirigeant sollicité dans le cadre du déclenchement de la procédure d’alerte par un ou plusieurs associés a l’obligation de formuler une réponse
    • Les articles R. 223-29 et 225-164 du Code de commerce disposent que le gérant ou le président du conseil d’administration doivent répondre :
      • par écrit
      • dans le délai d’un mois à compter de la réception de la question
  • Troisième temps : l’information du commissaire aux comptes
    • Les articles L. 223-36 et 225-232 du Code de commerce prévoient que le dirigeant doit communiquer au commissaire aux comptes copie :
      • de la question qui lui a été posée
      • de la réponse apportée à la question
    • Les articles R. 223-29 et 225-164 prévoit que cette communication doit s’opérer dans un délai de deux mois

B) Le déclenchement de la procédure d’alerte par le commissaire aux comptes

Pour que la procédure d’alerte puisse être déclenchée par un commissaire aux comptes, encore faut-il qu’il y en ait un qui soit désigné dans l’entreprise concernée.

Or la loi ne rend pas obligatoire la désignation d’un commissaire aux comptes dans toutes les entreprises.

Dès lors il convient de déterminer quelles sont les entreprises au sein desquelles la procédure d’alerte est susceptible d’être déclenchée par un commissaire aux comptes, après quoi nous envisagerons, le critère de déclenchement de la procédure, puis son déroulement.

  1. Les entreprises visées

Les entreprises au sein desquelles la procédure d’alerte est susceptible d’être déclenchée par un commissaire aux comptes sont les suivantes :

  • Les sociétés commerciales
    • Parmi les sociétés commerciales, il faut distinguer :
      • Les sociétés commerciales dont la désignation d’un commissaire au compte est obligatoire quelle que soit la taille de l’entreprise
        • Les sociétés anonymes ( L. 234-1 C. com)
        • Les sociétés en commandite par actions ( L. 226-1, al. 2 C. com)
        • Les sociétés par actions simplifiées ( L. 227-1, al. 3 C. com)
      • Les sociétés commerciales dont la désignation d’un commissaire aux comptes est subordonnée à l’atteinte d’une certaine taille
        • Cette taille est atteinte lorsque, à la clôture de l’exercice social, deux des trois seuils suivants sont dépassés:
          • 1 550 000 euros pour le total du bilan,
          • 3 100 000 euros pour le montant hors taxes du chiffre d’affaires
          • 50 pour le nombre moyen de salariés
        • Cette condition de seuil a été posée pour les trois formes de sociétés commerciales suivantes :
          • La société en nom collectif ( L. 221-9 C. com.)
          • La société en commandite simple ( L. 222-2 C. com.)
          • La société à responsabilité limitée ( L. 223-35 C. com.)
  • Les groupements d’intérêts économiques
    • Aux termes de l’article L. 251-12, al. 3 du Code de commerce, dans un groupement d’intérêts économiques le contrôle des comptes doit être exercé par un ou plusieurs commissaires aux comptes lorsque celui-ci comporte cent salariés ou plus à la clôture d’un exercice.
  • Les personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique
    • L’article L. 612-1 du Code de commerce prévoit que :
      • D’une part, « les personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique dont le nombre de salariés, le montant hors taxes du chiffre d’affaires ou les ressources et le total du bilan dépassent, pour deux de ces critères, des seuils fixés par décret en Conseil d’Etat, doivent établir chaque année un bilan, un compte de résultat et une annexe.»
      • D’autre part, « ces personnes morales sont tenues de nommer au moins un commissaire aux comptes et un suppléant. »
    • Il ressort de cette disposition que pour que la désignation d’un commissaire au compte soit obligatoire, plusieurs conditions doivent être réunies :
      • L’existence d’une personne morale
        • Cela suppose donc que le groupement soit « pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites, dignes par suite d’être juridiquement reconnus et protégés» ( soc. 17 avr. 1991).
        • Il pourra s’agir :
          • de sociétés civiles
          • d’associations
      • L’exerce une activité économique
        • Ne sont donc pas concernés
          • Les syndicats
          • Les comités d’entreprise
          • Les partis politiques
      • L’atteinte d’une certaine taille
        • Comme pour les sociétés commerciales, cette taille est atteinte lorsque, à la clôture de l’exercice social, deux des trois seuils suivants sont dépassés:
          • 1 550 000 euros pour le total du bilan,
          • 3 100 000 euros pour le montant hors taxes du chiffre d’affaires
          • 50 pour le nombre moyen de salariés
  • Les entreprises publiques
    • L’article 30 de la loi n° 84-148 du 1 mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises dispose que « les établissements publics de l’Etat non soumis aux règles de la comptabilité publique sont tenus de désigner au moins un commissaire aux comptes et un suppléant. Toutefois, cette obligation ne s’impose pas lorsque le nombre de salariés, le montant hors taxes du chiffre d’affaires ou des ressources ainsi que le total du bilan ne dépassent pas, pour deux de ces critères, des seuils fixés par décret en Conseil d’Etat. »

2. Le critère de déclenchement de l’alerte

Aux termes des articles L. 234-1 et L. 612-3 du Code de commerce « Lorsque le commissaire aux comptes d’une personne morale relève, à l’occasion de l’exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation de cette personne morale, il en informe les dirigeants de la personne morale ».

Ainsi, le critère de déclenchement de la procédure d’alerte par un commissaire aux comptes c’est la détection de « faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation » de la personne morale.

Que doit-on entendre par cette formule ? Le législateur n’esquisse aucune définition de la notion.

Tout au plus, l’article L. 123-20 du Code de commerce dispose que :

« Les comptes annuels doivent respecter le principe de prudence. Pour leur établissement, le commerçant, personne physique ou morale, est présumé poursuivre ses activités.

 Même en cas d’absence ou d’insuffisance du bénéfice, il doit être procédé aux amortissements, dépréciations et provisions nécessaires.

 Il doit être tenu compte des passifs qui ont pris naissance au cours de l’exercice ou d’un exercice antérieur, même s’ils sont connus entre la date de la clôture de l’exercice et celle de l’établissement des comptes. »

Pour détecter des faits qui seraient de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, le commissaire aux comptes va donc, en grande partie, s’appuyer sur les éléments comptables dont il dispose.

L’article L. 123-14 du Code de commerce prévoit en ce sens que « les comptes annuels doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise. ».

Aussi, le commissaire aux comptes, va-t-il devoir s’assurer qu’aucun élément ne vient menacer l’équilibre financier de l’entreprise.

Dans le cas contraire, cela pourrait conduire, si le déséquilibre financier est conséquent, à la cession des paiements.

Il peut être observé que le commissaire aux comptes peut ne pas se limiter à un examen des documents purement comptables.

Le législateur a employé une formule relativement vague en visant les « faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation », afin de permettre au commissaire aux comptes de prendre en compte des éléments d’ordre économiques, tels que la rupture de relations commerciales avec un client important pour l’entreprise, une hausse significative du coût de production en raison de la hausse de matières premières.

À la vérité, l’analyse faite par le commissaire aux comptes doit être globale, soit à la fois synthétique et analytique.

3. Le déroulement de la procédure

==> La procédure d’alerte dans les SA, SCA et SAS

Lorsque la procédure d’alerte est déclenchée par le commissaire aux comptes dans une SA, SCA ou SAS, elle comporte quatre étapes qu’il convient de parfaitement distinguer.

  • Première étape : l’interpellation et la réponse des dirigeants
    • L’interpellation des dirigeants
      • Aux termes de l’article L. 234-1 du Code de commerce, lorsque le commissaire aux comptes d’une société anonyme relève, à l’occasion de l’exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, il en informe le président du conseil d’administration ou du directoire
      • L’article R. 234-1 du Code de commerce précise que cette interpellation doit être effectuée
        • Par écrit
        • Sans délai
        • Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception
      • Il peut être observé que cette interpellation est confidentielle. Le commissaire ne peut s’en ouvrir qu’aux seuls dirigeants de la personne morale.
      • À défaut, le commissaire aux comptes engage sa responsabilité.
      • L’article L. 225-241 du Code de commerce dispose que « les commissaires aux comptes sont responsables, tant à l’égard de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences par eux commises dans l’exercice de leurs fonctions.»
    • La réponse des dirigeants
      • L’article R. 234-1 du Code de commerce prévoit que « le président du conseil d’administration ou le directoire répond par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans les quinze jours qui suivent la réception de l’information»
      • Si le dirigeant ne défère pas à cette interpellation, il engage sa responsabilité
      • L’article L. 820-4, 2° du Code de commerce prévoit en ce sens que « est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 75 000 euros le fait, pour les dirigeants d’une personne morale ou toute personne ou entité au service d’une personne ou entité ayant un commissaire aux comptes, de mettre obstacle aux vérifications ou contrôles des commissaires aux comptes ou des experts nommés en exécution des articles L. 223-37 et L. 225-231, ou de leur refuser la communication sur place de toutes les pièces utiles à l’exercice de leur mission et, notamment, de tous contrats, livres, documents comptables et registres de procès-verbaux.»
      • Pour ce qui est de la responsabilité civile, il conviendra de se tourner vers le droit commun de la responsabilité, soit vers l’article 1240 du Code civil.
  • Deuxième étape : la saisine du Conseil d’administration ou de surveillance
    • L’invitation du président du Conseil d’administration ou du directoire à faire délibérer le conseil d’administration ou de surveillance
      • L’article L. 234-1, al. 2 du Code de commerce prévoit que « à défaut de réponse sous quinze jours ou si celle-ci ne permet pas d’être assuré de la continuité de l’exploitation, le commissaire aux comptes invite, par un écrit dont copie est transmise au président du tribunal de commerce, le président du conseil d’administration ou le directoire à faire délibérer le conseil d’administration ou le conseil de surveillance sur les faits relevés. »
      • Conformément à l’article R. 234-2 du code de commerce, cette invitation faite par le commissaire est formulée :
        • Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception
        • Dans les huit jours qui suivent la réponse du président du conseil d’administration ou du directoire, ou la constatation de l’absence de réponse dans les délais prévus au deuxième alinéa de l’article R. 234-1.
        • Une copie de cette invitation est adressée sans délai par le commissaire aux comptes au président du tribunal par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • La convocation du conseil d’administration ou de surveillance
      • À réception de cette invitation du commissaire aux comptes, le président du conseil d’administration ou le directoire doit convoquer le conseil d’administration ou le conseil de surveillance, en vue de le faire délibérer sur les faits relevés :
        • Dans les huit jours qui suivent la réception de la lettre du commissaire aux comptes
        • Le commissaire aux comptes est convoqué à cette séance dans les mêmes conditions.
    • La délibération du conseil d’administration ou de surveillance
      • La délibération doit intervenir dans les quinze jours qui suivent la réception de cette lettre.
    • La communication du procès-verbal de délibération au Président du tribunal de commerce et au comité d’entreprise
      • Un extrait du procès-verbal des délibérations du conseil d’administration ou du conseil de surveillance est adressé au Président du tribunal, au commissaire aux comptes, au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, dans les huit jours qui suivent la réunion du conseil.
      • Manifestement, à l’issue de cette seconde phase, la procédure d’alerte n’est plus confidentielle dans la mesure où tous les organes sociaux sont informés des difficultés rencontrées par la société.
  • Troisième étape : la saisine de l’assemblée d’actionnaires
    • L’invitation par le commissaire aux comptes à convocation d’une assemblée d’actionnaire
      • L’article L. 234-1, al. 3 prévoit que « lorsque le conseil d’administration ou le conseil de surveillance n’a pas été réuni pour délibérer sur les faits relevés ou lorsque le commissaire aux comptes n’a pas été convoqué à cette séance ou si le commissaire aux comptes constate qu’en dépit des décisions prises la continuité de l’exploitation demeure compromise, une assemblée générale est convoquée »
      • Ainsi, à défaut de réponse par le président du conseil d’administration ou du directoire ou lorsque la continuité de l’exploitation demeure compromise en dépit des décisions arrêtées, le commissaire aux comptes les invite à faire délibérer une assemblée générale sur les faits relevés.
      • Cette invitation est faite :
        • par lettre recommandée avec demande d’avis de réception
        • dans le délai de quinze jours à compter de la réception de la délibération du conseil ou de l’expiration du délai imparti pour celle-ci.
        • Elle est accompagnée du rapport spécial du commissaire aux comptes, qui est communiqué au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, par le président du conseil d’administration ou du directoire, dans les huit jours qui suivent sa réception.
    • La convocation de l’assemblée générale par le conseil d’administration ou le directoire
      • Le conseil d’administration ou le directoire procède à la convocation de l’assemblée générale dans les huit jours suivant l’invitation faite par le commissaire aux comptes, dans les conditions prévues par les articles R. 225-62 et suivants.
      • L’assemblée générale doit, en tout état de cause, être réunie au plus tard dans le mois suivant la date de notification faite par le commissaire aux comptes.
    • La convocation de l’assemblée générale par le commissaire aux comptes
      • En cas de carence du conseil d’administration ou du directoire, le commissaire aux comptes convoque l’assemblée générale :
        • dans un délai de huit jours à compter de l’expiration du délai imparti au conseil d’administration ou au directoire et en fixe l’ordre du jour.
        • Il peut, en cas de nécessité, choisir un lieu de réunion autre que celui éventuellement prévu par les statuts, mais situé dans le même département.
        • Dans tous les cas, les frais entraînés par la réunion de l’assemblée sont à la charge de la société.
    • La délibération de l’assemblée d’actionnaires
      • Le commissaire aux comptes établit un rapport spécial qui est présenté à cette assemblée.
      • Ce rapport est communiqué au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel.
  • Quatrième étape : l’information du Président du Tribunal de commerce
    • L’article L. 234-1, al. 4 du Code de commerce prévoit que « si, à l’issue de la réunion de l’assemblée générale, le commissaire aux comptes constate que les décisions prises ne permettent pas d’assurer la continuité de l’exploitation, il informe de ses démarches le président du tribunal de commerce et lui en communique les résultats. »
    • Conformément à L’article R. 234-4 du Code de commerce précise que lorsque le commissaire aux comptes informe de ses démarches le président du tribunal :
      • Cette information est faite sans délai par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
      • Elle comporte la copie de tous les documents utiles à l’information du président du tribunal ainsi que l’exposé des raisons qui l’ont conduit à constater l’insuffisance des décisions prises.
    • Au regard des documents que lui aura fournis le commissaire aux comptes, le président du Tribunal de commerce pourra entreprendre deux mesures :
      • Convoquer les dirigeants de l’entreprise afin qu’ils s’expliquent sur la situation financière et économique de la société
      • Informer le ministère public, s’il constate la cessation des paiements, dans la mesure où il lui est interdit de se saisir d’office.
  • Réactivation de la procédure d’alerte
    • L’article L. 234-1 du Code de commerce prévoit que dans un délai de six mois à compter du déclenchement de la procédure d’alerte, le commissaire aux comptes peut en reprendre le cours au point où il avait estimé pouvoir y mettre un terme lorsque, en dépit des éléments ayant motivé son appréciation, la continuité de l’exploitation demeure compromise et que l’urgence commande l’adoption de mesures immédiates.
    • Ainsi, en cas de réapparition des difficultés qui avaient attiré l’attention du commissaire aux comptes, celui-ci peut reprendre la procédure d’alerte là où il l’avait abandonnée.

==> La procédure d’alerte dans les SNC, SCS et SARL

Dans les SNC, SCS et SARL, lorsque la procédure d’alerte est déclenchée par le commissaire aux comptes, elle comporte trois étapes, lesquelles sont assorties de la possibilité d’une reprise de la procédure par le commissaire aux comptes là où elle a été abandonnée.

  • Première étape : l’interpellation et réponse du dirigeant
    • L’interpellation du dirigeant
      • Aux termes de l’article L. 234-2 du Code de commerce, dans les autres sociétés que les sociétés anonymes, le commissaire aux comptes demande au dirigeant des explications sur les faits qu’il juge de nature à compromettre la continuité de l’exploitation
      • L’article R. 234-5, al. 1er du Code de commerce précise que :
        • La demande d’explications doit porter sur tout fait que le commissaire aux comptes relève lors de l’examen des documents qui lui sont communiqués ou sur tout fait dont il a connaissance à l’occasion de l’exercice de sa mission.
        • Cette demande est adressée
          • Par écrit
          • Sans délai
          • Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • La réponse du dirigeant
      • L’article R. 234-5, al. 2e prévoit que le dirigeant doit répondre à l’interpellation du commissaire aux comptes
        • Par écrit
        • Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception
        • Dans les quinze jours qui suivent la réception de la demande d’explication
        • Il doit adresser une copie de la demande et de sa réponse, dans les mêmes formes et les mêmes délais, au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel et au conseil de surveillance, s’il en existe.
      • Dans sa réponse, le dirigeant doit donner une analyse de la situation et précise, le cas échéant, les mesures envisagées.
    • Avertissement du Président du Tribunal de commerce
      • D’une part, dès réception de la réponse ou à défaut de réponse sous quinze jours, le commissaire aux comptes en informe le président du tribunal de commerce.
      • D’autre part, Il peut demander à être entendu par le président du tribunal
  • Deuxième étape : invitation du dirigeant à convoquer l’assemblée générale
    • L’invitation du dirigeant à convoquer l’assemblée générale
      • À défaut de réponse du dirigeant ou s’il constate qu’en dépit des décisions prises la continuité de l’exploitation demeure compromise, deux démarches doivent être effectuées par le commissaire aux comptes :
        • Rédiger un rapport spécial
        • Inviter le dirigeant à faire délibérer sur les faits relevés une assemblée générale
      • L’article R. 234-6 du Code de commerce précise que l’invitation à faire délibérer l’assemblée sur les faits relevés prévue au deuxième alinéa de l’article L. 234-2
        • Doit être adressée par le commissaire aux comptes au dirigeant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception
        • Dans les quinze jours qui suivent la réception de la réponse du dirigeant ou la date d’expiration du délai imparti pour celle-ci.
        • La demande doit être accompagnée du rapport spécial du commissaire aux comptes.
        • Une copie de cette invitation est adressée sans délai au président du tribunal, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • L’information du comité des entreprises
      • Dans les huit jours de leur réception, le dirigeant communique l’invitation et le rapport du commissaire aux comptes au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel et procède à la convocation de l’assemblée générale.
    • La convocation de l’assemblée générale par le dirigeant
      • L’assemblée générale doit, en tout état de cause, être réunie au plus tard dans le mois suivant la date de l’invitation faite par le commissaire aux comptes.
    • La convocation de l’assemblée générale par le commissaire aux comptes
      • En cas de carence du dirigeant, le commissaire aux comptes convoque l’assemblée générale dans un délai de huit jours à compter de l’expiration du délai imparti au dirigeant.
      • Il fixe l’ordre du jour de l’assemblée et peut, en cas de nécessité, choisir un lieu de réunion autre que celui éventuellement prévu par les statuts, mais situé dans le même département.
      • Dans tous les cas, les frais entraînés par la réunion de l’assemblée sont à la charge de la société.
  • Troisième étape : L’information du Président du Tribunal de commerce
    • Si, à l’issue de la réunion de l’assemblée générale, le commissaire aux comptes constate que les décisions prises ne permettent pas d’assurer la continuité de l’exploitation, il informe de ses démarches le président du tribunal de commerce et lui en communique les résultats.
    • Aux termes de l’article R. 234-7 du Code de commerce, cette information doit être faite sans délai par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • Elle comporte la copie de tous les documents utiles à l’information du président du tribunal ainsi que l’exposé des raisons qui l’ont conduit à constater l’insuffisance des décisions prises.
  • Réactivation de la procédure d’alerte
    • L’article L. 234-2, al. 4 du Code de commerce prévoit que dans un délai de six mois à compter du déclenchement de la procédure d’alerte, le commissaire aux comptes peut en reprendre le cours au point où il avait estimé pouvoir y mettre un terme lorsque, en dépit des éléments ayant motivé son appréciation, la continuité de l’exploitation demeure compromise et que l’urgence commande l’adoption de mesures immédiates.
    • Ainsi, en cas de réapparition des difficultés qui avaient attiré l’attention du commissaire aux comptes, celui-ci peut reprendre la procédure d’alerte là où il l’avait abandonnée.

==> La procédure d’alerte dans les GIE

Dans les groupements d’intérêts économiques, lorsque la procédure d’alerte est déclenchée par le commissaire aux comptes, elle comporte trois étapes :

  • Première étape : l’interpellation et la réponse des administrateurs
    • L’interpellation des administrateurs
      • L’article L. 251-15 du Code de commerce prévoit que lorsque le commissaire aux comptes relève, à l’occasion de l’exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation du groupement, il en informe les administrateurs
      • L’article R. 251-3 du Code de commerce précise que l’information prévue à l’article L. 251-15 que le commissaire aux comptes adresse aux administrateurs porte sur tout fait qu’il relève lors de l’examen des documents qui lui sont communiqués ou sur tout fait dont il a connaissance à l’occasion de l’exercice de sa mission.
    • La réponse des administrateurs
      • Les administrateurs du GIE sont tenus de répondre au commissaire aux comptes. Il s’agit d’une obligation
      • Les administrateurs répondent
        • Par écrit
        • Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception
        • Dans les quinze jours qui suivent la réception de l’information mentionnée ci-dessus
        • Adressent copie de la demande et de sa réponse, dans les mêmes formes et les mêmes délais, au comité d’entreprise.
        • Dans leur réponse, ils donnent une analyse de la situation et précisent, le cas échéant, les mesures envisagées.
    • Avertissement du Président du Tribunal de commerce
      • Le commissaire aux comptes informe immédiatement le président du tribunal compétent de l’existence de cette procédure par lettre remise en mains propres contre récépissé au président ou à son délégataire, ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
  • Deuxième étape : invitation des administrateurs à convoquer l’assemblée générale
    • En cas d’inobservation de ces dispositions, ou s’il constate qu’en dépit des décisions prises la continuité de l’exploitation demeure compromise, le commissaire aux comptes établit un rapport spécial et invite par écrit les administrateurs à faire délibérer la prochaine assemblée générale sur les faits relevés.
    • La demande du commissaire aux comptes de communication du rapport qu’il a rédigé conformément au deuxième alinéa de l’article L. 251-15 est formulée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans les quinze jours qui suivent la réception de la réponse des administrateurs.
    • La demande du commissaire aux comptes et son rapport sont communiqués par les administrateurs au comité d’entreprise dans les quinze jours qui suivent la réception de cette demande.
  • Troisième étape : l’information du Président du tribunal de commerce
    • Si, à l’issue de la réunion de l’assemblée générale, le commissaire aux comptes constate que les décisions prises ne permettent pas d’assurer la continuité de l’exploitation, il informe de ses démarches le président du tribunal et lui en communique les résultats.
    • Lorsque le commissaire aux comptes informe de ses démarches le président du tribunal compétent, cette information est faite immédiatement par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • Cette information comporte la copie de tous les documents utiles à l’information du président du tribunal ainsi que l’exposé des raisons qui l’ont conduit à constater l’insuffisance des décisions prises.

==> La procédure d’alerte dans les personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique

  • Première étape : l’interpellation et la réponse des dirigeants
    • L’interpellation des dirigeants
      • Aux termes de l’article L. 612-3 du Code de commerce, lorsque le commissaire aux comptes d’une personne morale visée aux articles L. 612-1 et L. 612-4 relève, à l’occasion de l’exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation de cette personne morale, il en informe les dirigeants de la personne morale.
        • Si organe collégial chargé de l’administration distinct de l’organe chargé de la direction
          • Conformément à l’article R. 234-1 du Code de commerce, l’information des dirigeants porte sur tout fait que le commissaire aux comptes relève lors de l’examen des documents qui lui sont communiqués ou sur tout fait dont il a connaissance à l’occasion de l’exercice de sa mission.
          • Cette information est faite sans délai, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
        • Si organe collégial chargé de l’administration non distinct de l’organe chargé de la direction
          • Conformément à l’article R. 234-5 du Code de commerce la demande d’explications porte sur tout fait que le commissaire aux comptes relève lors de l’examen des documents qui lui sont communiqués ou sur tout fait dont il a connaissance à l’occasion de l’exercice de sa mission.
          • Cette demande est adressée sans délai par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • La réponse des dirigeants
      • Si organe collégial chargé de l’administration distinct de l’organe chargé de la direction
        • Le président du conseil d’administration ou le directoire répond par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans les quinze jours qui suivent la réception de l’information
      • Si organe collégial chargé de l’administration non distinct de l’organe chargé de la direction
        • Le dirigeant répond par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans les quinze jours qui suivent la réception de la demande d’explication et adresse copie de la demande et de sa réponse, dans les mêmes formes et les mêmes délais, au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel et au conseil de surveillance, s’il en existe.
        • Dans sa réponse, il donne une analyse de la situation et précise, le cas échéant, les mesures envisagées.
        • Le commissaire aux comptes informe sans délai le président du tribunal de l’existence de cette procédure par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
  • Deuxième étape : invitation du dirigeant à convoquer l’assemblée
    • À défaut de réponse dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, ou si celle-ci ne permet pas d’être assuré de la continuité de l’exploitation, le commissaire aux comptes invite, par un écrit dont la copie est transmise au président du tribunal de grande instance, les dirigeants à faire délibérer l’organe collégial de la personne morale sur les faits relevés.
      • Si organe collégial chargé de l’administration distinct de l’organe chargé de la direction
        • L’invitation du commissaire aux comptes à faire délibérer le conseil d’administration ou le conseil de surveillance prévue au deuxième alinéa de l’article L. 234-1 est formulée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans les huit jours qui suivent la réponse du président du conseil d’administration ou du directoire, ou la constatation de l’absence de réponse dans les délais prévus au deuxième alinéa de l’article R. 234-1.
        • Une copie de cette invitation est adressée sans délai par le commissaire aux comptes au président du tribunal par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
        • Le président du conseil d’administration ou le directoire convoque, dans les huit jours qui suivent la réception de la lettre du commissaire aux comptes, le conseil d’administration ou le conseil de surveillance, en vue de le faire délibérer sur les faits relevés.
        • Le commissaire aux comptes est convoqué à cette séance dans les mêmes conditions.
        • La délibération intervient dans les quinze jours qui suivent la réception de cette lettre.
        • Un extrait du procès-verbal des délibérations du conseil d’administration ou du conseil de surveillance est adressé au président du tribunal, au commissaire aux comptes, au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, dans les huit jours qui suivent la réunion du conseil.
      • Si organe collégial chargé de l’administration non distinct de l’organe chargé de la direction
        • Par hypothèse, cette étape n’a pas lieu d’être lorsque l’organe collégial chargé de l’administration se confond avec l’organe chargé de la direction.
  • Troisième étape : la convocation de l’assemblée générale
    • Lorsque l’organe collégial de la personne morale n’a pas été réuni pour délibérer sur les faits relevés ou lorsque le commissaire aux comptes n’a pas été convoqué à cette séance ou si le commissaire aux comptes constate qu’en dépit des décisions prises la continuité de l’exploitation demeure compromise, une assemblée générale est convoquée
      • Si organe collégial chargé de l’administration distinct de l’organe chargé de la direction
        • A défaut de réponse par le président du conseil d’administration ou du directoire ou lorsque la continuité de l’exploitation demeure compromise en dépit des décisions arrêtées, le commissaire aux comptes les invite à faire délibérer une assemblée générale sur les faits relevés.
        • Cette invitation est faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans le délai de quinze jours à compter de la réception de la délibération du conseil ou de l’expiration du délai imparti pour celle-ci.
        • Elle est accompagnée du rapport spécial du commissaire aux comptes, qui est communiqué au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, par le président du conseil d’administration ou du directoire, dans les huit jours qui suivent sa réception.
        • Le conseil d’administration ou le directoire procède à la convocation de l’assemblée générale dans les huit jours suivant l’invitation faite par le commissaire aux comptes, dans les conditions prévues par les articles R. 225-62 et suivants.
        • L’assemblée générale doit, en tout état de cause, être réunie au plus tard dans le mois suivant la date de notification faite par le commissaire aux comptes.
        • En cas de carence du conseil d’administration ou du directoire, le commissaire aux comptes convoque l’assemblée générale dans un délai de huit jours à compter de l’expiration du délai imparti au conseil d’administration ou au directoire et en fixe l’ordre du jour.
        • Il peut, en cas de nécessité, choisir un lieu de réunion autre que celui éventuellement prévu par les statuts, mais situé dans le même département.
        • Dans tous les cas, les frais entraînés par la réunion de l’assemblée sont à la charge de la société.
      • Si organe collégial chargé de l’administration non distinct de l’organe chargé de la direction
        • L’invitation à faire délibérer l’assemblée sur les faits relevés prévue au deuxième alinéa de l’article L. 234-2 est adressée par le commissaire aux comptes au dirigeant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, dans les quinze jours qui suivent la réception de la réponse du dirigeant ou la date d’expiration du délai imparti pour celle-ci.
        • Elle est accompagnée du rapport spécial du commissaire aux comptes.
        • Une copie de cette invitation est adressée sans délai au président du tribunal, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
        • Dans les huit jours de leur réception, le dirigeant communique l’invitation et le rapport du commissaire aux comptes au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel et procède à la convocation de l’assemblée générale.
        • Celle-ci doit, en tout état de cause, être réunie au plus tard dans le mois suivant la date de l’invitation faite par le commissaire aux comptes.
        • En cas de carence du dirigeant, le commissaire aux comptes convoque l’assemblée générale dans un délai de huit jours à compter de l’expiration du délai imparti au dirigeant.
        • Il fixe l’ordre du jour de l’assemblée et peut, en cas de nécessité, choisir un lieu de réunion autre que celui éventuellement prévu par les statuts, mais situé dans le même département.
        • Dans tous les cas, les frais entraînés par la réunion de l’assemblée sont à la charge de la société.
  • Quatrième étape : l’information du Président du Tribunal de commerce
    • Si, à l’issue de la réunion de l’assemblée générale, le commissaire aux comptes constate que les décisions prises ne permettent pas d’assurer la continuité de l’exploitation, il informe de ses démarches le président du tribunal et lui en communique les résultats.
    • Lorsque, le commissaire aux comptes informe de ses démarches le président du tribunal, cette information est faite sans délai par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • Elle comporte la copie de tous les documents utiles à l’information du président du tribunal ainsi que l’exposé des raisons qui l’ont conduit à constater l’insuffisance des décisions prises.
  • Réactivation de la procédure d’alerte
    • L’article L. 234-2, al. 4 du Code de commerce prévoit que dans un délai de six mois à compter du déclenchement de la procédure d’alerte, le commissaire aux comptes peut en reprendre le cours au point où il avait estimé pouvoir y mettre un terme lorsque, en dépit des éléments ayant motivé son appréciation, la continuité de l’exploitation demeure compromise et que l’urgence commande l’adoption de mesures immédiates.
    • Ainsi, en cas de réapparition des difficultés qui avaient attiré l’attention du commissaire aux comptes, celui-ci peut reprendre la procédure d’alerte là où il l’avait abandonnée.

C) Le déclenchement de la procédure d’alerte par le comité d’entreprise

==> Titulaires du droit de déclencher l’alerte

  • Principe : le comité d’entreprise
    • Aux termes de l’article L. 432-5 du Code du travail « lorsque le comité d’entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, il peut demander à l’employeur de lui fournir des explications. »
    • Par hypothèse, seul le comité d’entreprise est titulaire du droit de déclencher l’alerte, ce qui dès lors ne concerne pas toutes les entreprises.
    • En effet, la création d’un comité d’entreprise n’est obligatoire que pour les entreprises qui emploient plus de cinquante salariés.
  • Exception : les délégués du personnel
    • L’article L. 2313-14, al. 1er du Code du travail prévoit que « en l’absence de comité d’entreprise, par suite d’une carence constatée aux élections ou lorsque le comité d’entreprise a été supprimé, les délégués du personnel peuvent, pour l’exercice du droit d’alerte économique prévu à l’article L. 2323-50, demander des explications dans les mêmes conditions que le comité d’entreprise. »
    • Ainsi, les délégués du personnel sont titulaires du droit de déclencher la procédure d’alerte, à la condition qu’aucun comité d’entreprise n’ait été créé, alors que le seuil des cinquante salariés a été atteint.
  • Exclusion : les comités d’établissement
    • Dans un arrêt du 6 avril 2005, la Cour de cassation a estimé que « si les comités d’établissements ont les mêmes attributions que le comité d’entreprise, l’exercice du droit d’alerte étant subordonné à l’existence de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, les comités d’établissements ne sont pas investis de cette prérogative » ( soc. 6 avr. 2005)
    • Ainsi, les comités d’établissement ne sont pas titulaires du droit de déclencher la procédure d’alerte.

Schéma 1.JPG

==> Critère du déclenchement de la procédure d’alerte

L’article L. 432-5 du Code du travail prévoit que « lorsque le comité d’entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, il peut demander à l’employeur de lui fournir des explications. »

Le critère de déclenchement de la procédure d’alerte par le comité d’entreprise n’est pas de nature comptable comme cela était le cas pour les commissaires aux comptes. La formule employée est plus large.

Par ailleurs, le texte ne fait pas référence à la rupture de la continuité de l’exploitation. On peut en déduire que le comité d’entreprise pourra déclencher l’alerte, alors même que la pérennité de l’entreprise n’est pas menacée. Il est seulement nécessaire que la situation soit « préoccupante ».

Que doit-on entendre par « préoccupante » ?

Est préoccupant ce qui génère une inquiétude. Or pour générer une inquiétude il est nécessaire que la situation soit suffisamment grave. Si les faits dénoncés par le comité d’entreprise ne sont pas suffisamment sérieux, ils ne sauraient justifier le déclenchement de la procédure d’alerte.

Aussi, le comité d’entreprise s’exposerait-il dans cette situation à se voir opposer une fin de non-recevoir par la direction.

  1. Déroulement de la procédure d’alerte

==> Confidentialité des informations échangées

À titre de remarque liminaire, il peut être observé que, aux termes de l’article L. 432-5, V du Code du travail, « les informations concernant l’entreprise communiquées en application du présent article ont par nature un caractère confidentiel. Toute personne qui y a accès en application de ce même article est tenue à leur égard à une obligation de discrétion. »

Ainsi, le dialogue qui a vocation à s’instaurer entre le comité d’entreprise et la direction dans le cadre de la procédure d’alerte est couvert par le sceau du secret.

Dans l’hypothèse, où le comité d’entreprise violerait cette obligation, il engagerait sa responsabilité.

2. Les étapes de la procédure

Les différentes phases de la procédure d’alerte, lorsqu’elle est déclenchée par le comité d’entreprise, sont prévues à l’article L. 432-5 du Code du travail.

  • Première étape : interpellation de l’employeur

    • Lorsque le comité d’entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, il peut demander à l’employeur de lui fournir des explications.
    • Cette demande est inscrite de droit à l’ordre du jour de la prochaine séance du comité d’entreprise.
  • Deuxième étape : l’établissement d’un rapport
    • L’exigence d’établissement d’un rapport
      • Si le comité d’entreprise n’a pu obtenir de réponse suffisante de l’employeur ou si celle-ci confirme le caractère préoccupant de la situation, il établit un rapport.
      • Dans les entreprises employant au moins mille salariés, ce rapport est établi par la commission économique prévue par l’article L. 2325-23.
    • La rédaction du rapport
      • Pour l’élaboration du rapport, le comité d’entreprise ou la commission économique peut se faire assister, une fois par exercice, de l’expert-comptable prévu au premier alinéa de l’article L. 434-6, convoquer le commissaire aux comptes et s’adjoindre avec voix consultative deux salariés de l’entreprise choisis pour leur compétence et en dehors du comité d’entreprise.
      • Les salariés disposent de cinq heures chacun pour assister le comité d’entreprise ou la commission économique en vue de l’établissement du rapport.
      • Ce temps leur est payé comme temps de travail.
    • La conclusion du rapport
      • Le rapport du comité d’entreprise ou de la commission économique conclut en émettant un avis sur l’opportunité de saisir de ses conclusions l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance dans les sociétés ou personnes morales qui en sont dotées ou d’en informer les associés dans les autres formes de sociétés ou les membres dans les groupements d’intérêt économique.
    • La diffusion du rapport
      • Le rapport est transmis à l’employeur et au commissaire aux comptes.
  • Troisième étape : la saisine ou l’information des organes sociaux
    • Il convient ici de distinguer selon que l’entreprise est pourvue ou non d’un conseil d’administration ou de surveillance
      • L’entreprise est pourvue d’un conseil d’administration ou de surveillance
        • Dans cette hypothèse, le comité d’entreprise peut saisir l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance
        • Si le comité opte pour cette solution, la question doit être inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance du conseil d’administration ou du conseil de surveillance à condition que celui-ci ait pu être saisi au moins quinze jours à l’avance.
        • L’article R. 432-17 du Code du travail précise que, lorsque le comité d’entreprise a saisi l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance en application de l’article L. 432-5, cet organe en délibère dans le mois de la saisine
        • Lorsque le conseil d’administration ou de surveillance délibère, il doit apporter une réponse motivée au conseil d’administration
        • L’extrait du procès-verbal des délibérations de l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance où figure la réponse motivée à la demande d’explication faite en application de l’article L. 432-5 est adressé au comité d’entreprise dans le mois qui suit la réunion de cet organe.
      • L’entreprise n’est pas pourvue d’un conseil d’administration ou de surveillance
        • L’article L. 432-5, IV du Code du travail prévoit que dans les autres formes de sociétés ou dans les groupements d’intérêt économique, lorsque le comité d’entreprise a décidé d’informer les associés ou les membres de la situation de l’entreprise, le gérant ou les administrateurs sont tenus de communiquer à ceux-ci le rapport de la commission économique ou du comité d’entreprise.
        • L’article R. 2323-19 du Code du travail précise que dans les sociétés autres que celles qui ont un conseil d’administration ou de surveillance ou dans les groupements d’intérêt économique, les administrateurs communiquent aux associés et aux membres du groupement le rapport de la commission économique ou du comité d’entreprise dans les huit jours de la délibération du comité d’entreprise demandant cette communication.

II) Les alertes externes à l’entreprise

A) Le déclenchement de la procédure d’alerte par les groupements de prévention agréés

Afin d’accroître les chances de prévention des entreprises en difficulté, la loi du 1er mars 1984 a ouvert la possibilité à des groupements agréés de déclencher la procédure d’alerte.

Pour ce faire, cela suppose que l’entreprise ait, au préalable, adhéré au groupement lequel joue en quelque sorte le rôle d’une sentinelle.

Il peut être observé que, conformément à l’article D. 611-2 du Code de commerce, les groupements de prévention agréés sont constitués sous toute forme juridique qui leur confère une personnalité morale de droit privé.

==> Conditions d’agrément

  • Sur la demande d’agrément (art. D. 611-3 et D. 611-4 C. com.)
    • Les demandes d’agrément sont déposées auprès du préfet de la région dans laquelle le groupement a son siège ; il en accuse réception après s’être assuré que le dossier est complet.
    • Les demandes indiquent :
      • L’objet du groupement qui correspond à la mission définie à l’article L. 611-1
      • Le ressort dans lequel il assure son activité, qui ne dépasse pas le cadre de la région dans laquelle il a son siège
      • Les personnes morales appelées à adhérer au groupement
      • Les moyens dont dispose le groupement, et les personnes intervenant en son nom avec l’indication de leurs qualifications professionnelles
      • Les méthodes d’analyse des informations comptables et financières ainsi que leur fréquence.
    • Toute demande d’agrément est accompagnée des documents suivants :
      • Un exemplaire des statuts et, le cas échéant, du règlement intérieur du groupement
      • La justification de l’exécution des formalités prévues par la législation en vigueur pour la création et la régularité du fonctionnement du groupement selon la forme juridique choisie
      • La liste des personnes qui dirigent, gèrent ou administrent le groupement avec, pour chacune d’elles, l’indication de leurs nom, prénoms, date et lieu de naissance, nationalité, domicile, profession et nature de l’activité exercée dans le groupement
      • Pour chacun des dirigeants, gérants, administrateurs, une attestation selon laquelle il n’a fait l’objet d’aucune incapacité d’exercer le commerce ou une profession, d’aucune interdiction de diriger, gérer, administrer, contrôler une personne morale ou une entreprise individuelle ou artisanale
      • Une copie certifiée conforme du contrat d’assurance mentionné à l’article D. 611-5
      • L’engagement prévu à l’article D. 611-5.
  • Sur les obligations qui échoient au groupement agréé (art. D. 611-5 C. com.)
    • Les groupements s’engagent
      • À ne faire aucune publicité, sauf dans les journaux et bulletins professionnels
      • A faire figurer sur leur correspondance et sur tous les documents établis par leurs soins leur qualité de groupements de prévention agréés et les références de la décision d’agrément
      • À informer le préfet des modifications apportées à leur statut et des changements intervenus en ce qui concerne les personnes qui dirigent, gèrent ou administrent les groupements dans le délai d’un mois à compter de la réalisation de ces modifications et changements
      • À exiger de toute personne collaborant à leurs travaux le respect du secret professionnel
      • À souscrire un contrat auprès d’une société d’assurances ou d’un assureur agréé les garantissant contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle qu’ils peuvent encourir en raison des négligences et fautes commises dans l’exercice de leurs activités
      • Au cas où l’agrément leur serait retiré, à en informer leurs adhérents dès réception de la notification de la décision de retrait.
  • Sur la délivrance de l’agrément (art. D. 611-6 C. com.)
    • Le préfet de région dispose d’un délai de trois mois pour accorder ou refuser son agrément.
    • Le point de départ de ce délai est fixé au jour de la délivrance de l’accusé de réception précisant le caractère complet du dossier de demande déposé par le groupement.
    • Si le préfet de région n’a pas notifié sa réponse dans le délai qui lui est imparti, le groupement est réputé agréé.
    • Le retrait de l’agrément, prononcé par le préfet de région, est notifié par lettre au groupement et à toutes les administrations.
    • L’agrément est accordé pour une durée maximale de trois ans renouvelable par arrêté du préfet de la région où est situé le siège du groupement.
    • La décision tient compte notamment
      • De la conformité des objectifs du groupement à ceux définis par l’article L. 611-1
      • De l’adéquation des moyens mis en oeuvre aux objectifs poursuivis
      • Des engagements souscrits en application de l’article D. 611-5, de leur respect en cas de demande de renouvellement
      • Des garanties de bonne moralité offertes par les dirigeants, gérants, administrateurs et toutes personnes intervenant au nom du groupement et de leur expérience dans l’analyse des informations comptables et financières ainsi que dans la gestion des entreprises.
    • L’agrément peut être retiré, selon une procédure identique à celle de son octroi dès lors que les conditions fixées à l’article D. 611-5 ne sont plus respectées.

==> L’adhésion au groupement agréé

L’article L. 611-1, al. 1er du Code de commerce prévoit que toute personne immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ainsi que tout entrepreneur individuel à responsabilité limitée et toute personne morale de droit privé peut adhérer à un groupement de prévention agréé par arrêté du représentant de l’Etat dans la région

==> Mission

Aux termes de l’article L. 611-1, al. 2 du Code de commerce, le groupement agréé a pour mission de fournir à ses adhérents, de façon confidentielle, une analyse des informations économiques, comptables et financières que ceux-ci s’engagent à lui transmettre régulièrement.

==> Les outils de détection des difficultés du groupement

Les articles L. 611-1 et D. 611-9 du Code de commerce prévoit que :

  • D’abord, à la diligence du représentant de l’Etat, les administrations compétentes prêtent leur concours aux groupements de prévention agréés. Les services de la Banque de France peuvent également, suivant des modalités prévues par convention, être appelés à formuler des avis sur la situation financière des entreprises adhérentes. Les groupements de prévention agréés peuvent aussi bénéficier d’aides des collectivités territoriales.
  • Ensuite, les renseignements nominatifs éventuellement délivrés conservent leur caractère confidentiel.
  • Enfin, l’inobservation de cette règle entraîne de plein droit le retrait de l’agrément dans les formes prévues pour son octroi.

==> Les critères de déclenchement de la procédure d’alerte

L’article L. 611-1, al. 3e dispose que « lorsque le groupement relève des indices de difficultés, il en informe le chef d’entreprise et peut lui proposer l’intervention d’un expert. »

Ainsi le signe de déclenchement de l’alerte consiste en la détection d’« indices de difficultés ».

Que doit-on entendre par cette formule ? Le législateur ne le dit pas. Aussi, s’agit-il d’un critère pour le moins large, qui laisse à penser que le groupement pourra se fonder sur n’importe quel élément susceptible de justifier une réaction de l’entreprise sous surveillance.

Le risque est alors que le groupement, pour s’exonérer de sa responsabilité, déclenche l’alerte de manière impromptue.

Aussi, appartiendra-t-il au chef d’entreprise d’en apprécier la pertinence.

==> Déroulement de la procédure

La procédure d’alerte lorsqu’elle est déclenchée par un groupement agréé ne comporte qu’une seule phase : l’information du chef d’entreprise, conformément à l’article L. 611-1 du Code de commerce.

Tout au plus, le dernier alinéa de cette disposition précise que les groupements de prévention agréés sont habilités à conclure, notamment avec les établissements de crédit, les sociétés de financement et les entreprises d’assurance, des conventions au profit de leurs adhérents.

Là s’arrête leur pouvoir d’intervention, lequel demeure, manifestement, pour le moins limité.

B) Le déclenchement de la procédure d’alerte par le Président du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance

Aux termes des articles L. 611-2, I et L. 611-2-1, al. 1er du Code de commerce, lorsqu’il résulte de tout acte, document ou procédure qu’une entreprise connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, ses dirigeants peuvent être convoqués, soir par le président du tribunal de commerce, soit par le Président du tribunal de grande instance pour que soient envisagées les mesures propres à redresser la situation.

==> Les entreprises visées par la procédure

Deux catégories d’entreprises sont susceptibles de faire l’objet d’une convocation par le Président du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance :

  • Première catégorie (art. L. 611-2 C. com.)
    • Entreprises visées
      • les groupements d’intérêt économique
      • les entreprises individuelles, commerciales ou artisanales
    • Compétence: le Président du tribunal de commerce
  • Seconde catégorie (art. L. 611-2-1 C. com.)
    • Entreprises visées
      • Les personnes morales de droit privé ou les personnes physiques exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante
      • Les professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé
    • Exception
      • L’article 611-2-1 du Code de commerce pose une exception pour les auxiliaires de justice.
      • Il prévoit en ce sens que lorsque la personne physique ou morale concernée exerce la profession d’avocat, d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire ou d’officier public ou ministériel, le président du tribunal de grande instance ne procède qu’à l’information de l’ordre professionnel ou de l’autorité compétente dont elle relève, sur les difficultés portées à sa connaissance relativement à la situation économique, sociale, financière et patrimoniale du professionnel.
    • Compétence: le Président du tribunal de grande instance

==> Le critère de déclenchement de la procédure

L’article L. 611-2 du Code de commerce subordonne le déclenchement de la procédure d’alerte par le Président du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance à l’existence de « difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation ».

La formule est similaire à celle qui figure dans les textes qui régissent la procédure d’alerte lorsqu’elle est déclenchée par le commissaire aux comptes.

Aussi, cette formule doit-elle être comprise à la lumière, notamment, de l’article L. 123-20 du Code de commerce qui, pour rappel, dispose que « les comptes annuels doivent respecter le principe de prudence. Pour leur établissement, le commerçant, personne physique ou morale, est présumé poursuivre ses activités. »

Conformément à l’article L. 232-21 du Code de commerce, il échoit précisément à la plupart des entreprises une obligation de dépôt des comptes au greffe du Tribunal de commerce.

Cette disposition prévoit en ce sens que « les sociétés en nom collectif dont tous les associés indéfiniment responsables sont des sociétés à responsabilité limitée ou des sociétés par actions sont tenues de déposer au greffe du tribunal, pour être annexés au registre du commerce et des sociétés, dans le mois suivant l’approbation des comptes annuels par l’assemblée ordinaire des associés ou dans les deux mois suivant cette approbation lorsque ce dépôt est effectué par voie électronique ».

Ainsi, le Président du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance s’appuiera principalement sur les documents comptables fournis par l’entreprise pour déterminer si elle connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de son exploitation, mais pas que.

La formule utilisée par l’article L. 611-2 du Code de commerce permet, en effet, au Président du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance de ne pas s’arrêter à une vision purement comptable de la situation.

Pour déterminer s’il y a lieu de déclencher l’alerte, il lui sera loisible de prendre en compte d’autres signaux, tels que les assignations en paiement dont fait régulièrement l’objet l’entreprise visée ou encore la multiplication des sûretés constituées par ses créanciers.

Lorsque, encore, dans le cas où, du fait de pertes constatées dans les documents comptables, les capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la moitié du capital social, la décision de l’assemblée générale, dont la réunion est obligatoire en pareille hypothèse, est déposée au greffe du tribunal de commerce du lieu du siège social et inscrite au registre du commerce et des sociétés (V. en ce sens art. L. 225-248 et R. 225-166 du Code de commerce)

Il est de la sorte, de nombreux signaux susceptibles d’être envoyés au président du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance qui pourront, en conséquence, déterminer s’il y a lieu de déclencher la procédure d’alerte.

==> Le déroulement de la procédure

  • La convocation des dirigeants de l’entreprise
    • Lorsqu’il résulte de tout acte, document ou procédure qu’une entreprise connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, ses dirigeants peuvent être convoqués par le président du tribunal de commerce pour que soient envisagées les mesures propres à redresser la situation.
    • L’article R. 611-10 du Code de commerce précise que cette convocation doit respecter certaines formes :
      • Elle doit être adressée au chef d’entreprise par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et par lettre simple, reproduisant les termes du I de l’article L. 611-2 et, le cas échéant, ceux de l’article L. 611-2-1, ainsi que des articles R. 611-11 et R. 611-12. Le cas échéant, la lettre précise la dénomination de l’activité professionnelle exercée par l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
      • La convocation doit être envoyée un mois au moins à l’avance.
      • Il est joint une note par laquelle le président du tribunal expose les faits qui ont motivé son initiative.
  • L’entretien avec le chef d’entreprise
    • Le chef d’entreprise se rend à l’entretien
      • La convocation du chef d’entreprise a pour objet d’engagement d’un dialogue
      • Aussi, à l’occasion d’un entretien, le Président de tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance va interroger le chef d’entreprise sur les éléments qui ont attiré son attention, l’idée étant de l’alerter sur la situation.
      • L’article R. 611-11 du Code de commerce précise que :
        • D’une part, l’entretien se tient hors la présence du greffier
        • D’autre part, il donne lieu à l’établissement par le président du tribunal d’un procès-verbal qui ne mentionne que la date et le lieu de l’entretien ainsi que l’identité des personnes présentes.
        • Enfin, ce procès-verbal est signé par ces dernières et le président du tribunal.
    • Le chef d’entreprise ne se rend pas à l’entretien
      • Si la personne convoquée ne se rend pas à la convocation, un procès-verbal de carence est dressé le jour même par le greffier aux fins d’application des dispositions du second alinéa du I de l’article L. 611-2.
      • À ce procès-verbal est joint l’avis de réception de la convocation.
      • Une copie de ce procès-verbal est notifiée sans délai par le greffier à la personne convoquée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception reproduisant les termes du second alinéa du I de l’article L. 611-2.

==> Les pouvoirs de la juridiction saisie

L’article L. 611-2 du Code de commerce confère trois sortes de prérogative au Président du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance

  • Pouvoir de convocation du chef d’entreprise
    • Principe
      • Le pouvoir de convocation du chef d’entreprise est subordonné au respect de deux conditions cumulatives
        • L’entreprise visée doit ne pas avoir un objet purement civil
        • L’entreprise visée doit connaître des difficultés de nature à compromettre la continuité de son exploitation
    • Exception
      • L’article L. 611-2, II, du Code de commerce prévoit que, par exception, lorsque les dirigeants d’une société commerciale ne procèdent pas au dépôt des comptes annuels dans les délais prévus par les textes applicables, le président du tribunal peut, le cas échéant sur demande du président d’un des observatoires mentionnés à l’article L. 910-1 A, leur adresser une injonction de le faire à bref délai sous astreinte.
      • Ainsi, pour les auxiliaires de justice, le Président du tribunal de grande instance ne dispose que d’un pouvoir d’information.
      • L’article R. 611-10-1 du Code de commerce précise que le président du tribunal informe l’ordre ou l’autorité compétente dont relève l’intéressé par une note exposant les difficultés de nature à compromettre la continuité de l’activité du professionnel qui ont été portées à sa connaissance.
      • Cette note est transmise par le greffier au représentant légal de l’un ou l’autre de ces organismes par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
      • Le représentant de l’ordre ou de l’autorité compétente est invité à faire connaître au président du tribunal, dans la même forme, les suites données à cette information dans le délai d’un mois.
  • Pouvoir de renseignement
    • À l’issue de l’entretien ou si le dirigeant n’a pas déféré à sa convocation, conformément à l’article L. 611-2, al. 2 du Code de commerce le Président du tribunal peut, nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, obtenir communication, par les commissaires aux comptes, les membres et représentants du personnel, les administrations publiques, les organismes de sécurité et de prévoyance sociales ainsi que les services chargés de la centralisation des risques bancaires et des incidents de paiement, des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière du débiteur.
    • L’article R. 611-12 du Code de commerce précise que :
      • La demande de renseignements prévue au deuxième alinéa de l’article L. 611-2 est adressée dans le délai d’un mois à compter de la date de l’entretien ou du procès-verbal de carence.
      • Cette demande doit être accompagnée de la copie du procès-verbal d’entretien ou de carence établi en application de l’article R. 611-11.
    • Si la demande a été présentée dans les formes et délai prescrits, les personnes et organismes interrogés communiquent les renseignements réclamés dans le délai d’un mois.
    • Dans le cas contraire, ils ne sont pas tenus d’y répondre.
  • Pouvoir d’injonction
    • Aux termes de l’article L. 611-2, II, lorsque les dirigeants d’une société commerciale ne procèdent pas au dépôt des comptes annuels dans les délais prévus par les textes applicables, le président du tribunal peut leur adresser une injonction de le faire à bref délai sous astreinte.
      • Contenu de l’ordonnance d’injonction
        • L’article R. 611-13 du Code de commerce prévoit que le président du tribunal rend une ordonnance faisant injonction au représentant légal de la personne morale de déposer les comptes annuels ou à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée de déposer les documents mentionnés au premier alinéa de l’article L. 526-14
        • Cette ordonnance fixe le taux de l’astreinte et mentionne, en outre, les lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera examinée.
        • Le chef d’entreprise dispose d’un délai d’un mois pour s’exécuter à compter de la notification ou de la signification de l’ordonnance, sous peine d’astreinte.
        • L’ordonnance n’est pas susceptible de recours
      • Notification de l’ordonnance d’injonction
        • Aux termes de l’article R. 611-14 du Code de commerce, le greffier notifie l’ordonnance au représentant légal de la personne morale.
        • La lettre de notification reproduit les dispositions du second alinéa du II de l’article L. 611-2 ainsi que l’article R. 611-15 et le premier alinéa de l’article R. 611-16.
          • Si la lettre est retournée avec une mention précisant qu’elle n’a pas été réclamée par son destinataire
            • Le greffier fait signifier l’ordonnance.
            • La signification reproduit les dispositions mentionnées à l’alinéa premier.
          • Si la lettre est retournée avec une mention précisant que le destinataire ne se trouve plus à l’adresse indiquée
            • Dans cette hypothèse, l’affaire est retirée du rôle par le président du tribunal qui en informe le ministère public.
            • Le greffier porte la mention de la cessation d’activité sur le registre du commerce et des sociétés.
          • L’ordonnance portant injonction de faire est conservée à titre de minute au greffe.
      • Exécution de l’ordonnance d’injonction
        • L’ordonnance a été exécutée dans les délais impartis
          • L’affaire est retirée du rôle par le président du tribunal.
        • L’ordonnance n’a pas été exécutée dans les délais impartis
          • Le greffier constate le non-dépôt des comptes par procès-verbal.
      • Inexécution de l’ordonnance d’injonction
        • En cas d’inexécution de l’injonction de faire qu’il a délivrée, le président du tribunal statue sur la liquidation de l’astreinte.
        • Il statue en dernier ressort lorsque le montant de l’astreinte n’excède pas le taux de compétence en dernier ressort du tribunal de commerce.
        • Le montant de la condamnation prononcée est versé au Trésor public et recouvré comme en matière de créances étrangères à l’impôt.
        • La décision est communiquée au Trésor public et signifiée à la diligence du greffier au représentant légal de la personne morale ou à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée. L’appel est formé, instruit et jugé selon les règles applicables à la procédure sans représentation obligatoire.

De la distinction entre l’obligation à la dette et la contribution aux pertes

Bien que subtile en apparence, la distinction entre l’obligation à la dette et la contribution aux pertes constitue la principale ligne de démarcation entre les les sociétés à risque illimité (SNC, Société civile) et les sociétés à risque limité (SARL, SA, SAS).

Tandis que dans les premières, les associés sont tenus à l’obligation à la dette, sans possibilités pour eux de s’y soustraire ? à tout le moins à l’égard des tiers ? dans les secondes cette obligation n’échoit pas aux associés. Ces derniers sont seulement tenus de contribuer aux pertes.

Ainsi, pour résumer :

  • Dans les sociétés à risque illimité les associés sont tenus à l’obligation à la dette
  • Dans les sociétés à risque limité, les associés ne sont pas tenus à l’obligation à la dette
  • Dans les deux formes de sociétés, les associés sont tenus de contribuer aux pertes

Afin de mieux cerner cette distinction entre l’obligation à la dette et la contribution aux pertes, envisageons chacune de ces obligations prises séparément.

I) L’obligation à la dette

A) Contenu du principe

L’obligation à la dette détermine l’étendue du droit de poursuite des créanciers sociaux, au cours de la vie sociale, quant aux créances qu’ils détiennent à l’encontre de la société.

L’obligation à la dette sociale fait donc naître une créance au profit des tiers contre la société.

Les règles relatives à l’obligation à la dette régissent les rapports entre les créanciers de la société et les associés.

La mise en œuvre du droit de poursuite des créanciers est néanmoins conditionnée par le respect du principe de subsidiarité.

Autrement dit, les créanciers sociaux doivent, d’abord, solliciter le paiement de leur créance auprès de la société, après quoi seulement, en cas d’échec de leurs poursuites, ils sont fondés à diligenter une action en recouvrement contre les associés.

Oblig dette

Ainsi, l’obligation aux dettes sociales ne joue que dans les sociétés à responsabilité illimitée.

Et pour cause, dans les sociétés à risque limité, la société forme un écran parfaitement étanche entre les associés et les créanciers sociaux.

Tel n’est pas le cas pour les sociétés à risque illimité dans lesquelles les associés sont tenus à l’obligation à la dette.

Une distinction doit néanmoins être opérée entre les sociétés civiles et les sociétés commerciales :

  • Dans les sociétés civiles, conformément à l’article 1856 du Code civil, l’obligation à la dette est indéfinie. Il en résulte que les créanciers sociaux doivent diviser leurs poursuites en autant d’actions qu’il y a d’associés.
    • Cela signifie qu’ils sont tenus de réclamer à chaque associé le paiement de sa part dans la dette sociale à proportion de son apport; étant précisé que la contribution de chaque associé peut aller au-delà de son apport initial.
  • Dans les sociétés commerciales, l’obligation à la dette est indéfinie et solidaire (art. L. 221-1 pour les SNC).
    • En d’autres termes, un créancier peut poursuivre un associé en paiement de la dette sociale pour le tout, à charge pour lui d’exercer un recours subrogatoire contre la société ? qui la plupart du temps sera vain ? ou de se retourner contre ses co-associés.
    • Comme dans les sociétés civiles, l’obligation à la dette à laquelle sont tenus les associés est susceptible d’excéder le montant de leur apport initial.

B) Champ d’application

Deux questions se posent :

  • Quels sont les créanciers poursuivants ?
  • Quels sont les associés poursuivis ?

1) Les créanciers poursuivants

Tous les créanciers sociaux sont-ils susceptibles d’exercer des poursuites à l’encontre des associés de la société au titre de l’obligation à la dette ?

La question s’est notamment posée de savoir si l’associé qui a consenti une avance en compte courant à la société était fondé à agir en paiement contre ses co-associés sur le fondement de l’obligation à la dette.

À cette question, la chambre commerciale de la Cour de cassation a répondu par la négative dans un arrêt du 3 mai 2012 (Cass. Com. 3 mai 2012, n° 11-14.844, D. 2012. 1264, obs. A. Lienhard ; RTD com. 2012. 575, obs. M.-H. Monsèrié-BonDocument InterRevues ; Dr. sociétés juill. 2012, n° 119 ; JCP E 2012. 1437, note A. Couret et B. Dondero.)

Le doute était pourtant permis, dans la mesure où l’associé, apporteur en compte courant, est considéré, d’ordinaire, comme un créancier de la société (Cass. req., 21 juill. 1879; Cass. com., 18 nov. 1986, n° 84-13.750).

Partant, si l’associé qui consent des avances en compte courant à la société s’apparente à un créancier de la société, on pouvait légitimement s’attendre à ce qu’il soit fondé à agir, au même titre que les autres créanciers sociaux, contre ses co-associés sur le fondement de l’obligation à la dette.

Tel n’est pas ce qui a été décidé par la Cour de cassation.

Sur quel fondement juridique la Cour de cassation s’appuie-t-elle pour retenir cette solution ?

Manifestement, le Code civil ne semble opérer aucune distinction entre les créanciers sociaux :

  • L’article 1858 prévoit que :
    • « Les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale»
    • Ce texte vise « les créanciers » sans autre précision
  • Quant à l’article 1857, il fait référence, non pas « aux créanciers» de la société, mais aux tiers :
    • « À l’égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l’exigibilité ou au jour de la cessation des paiements.»

À la vérité, ce n’est donc qu’en combinant les 1857 et 1858 du Code civil qu’il semble falloir interpréter la position de la Cour de cassation.

Pour la Cour de cassation

  • Les tiers visés à l’article 1857 peuvent tous être qualifié de créancier
  • Les créanciers de l’article 1858 ne seraient pas tous des tiers

La Cour pose ainsi, par une interprétation combinée des textes en présence, une double condition quant à la mise en œuvre de l’obligation aux dettes sociales des associés.

Pour être fondé à agir contre les associés d’une société sur le fondement de l’obligation à la dette il faut :

  • Être créancier de la société
  • Être tiers de la société

Il en résulte que, l’associé, qui cumule sur une seule tête cette qualité avec celle de prêteur, l’empêche de recevoir la qualification de tiers au sens de l’article 1857 du Code civil.

Aussi, cette qualité d’associé est-elle de nature à faire obstacle à l’exercice d’un recours contre ses coassociés au titre de l’obligation aux dettes.

2) Les associés poursuivis

En principe, l’obligation à la dette est attachée de plein droit à la qualité d’associé.

Ainsi, lorsque les formalités de publicité auront régulièrement été effectuées, un associé ne sera jamais tenu à l’obligation à la dette pour le passif social contracté postérieurement à son retrait de la société, sauf à ce qu’il ait consenti, dans le contrat de cession, une clause de garantie de passif au cessionnaire.

S’agissant, en revanche, des dettes contractées avant le retrait d’un associé, il faut distinguer selon qu’il s’agit d’un associé en nom collectif ou de l’associé d’une société civile

En matière de société en nom collectif, l’associé qui se retire est tenu du passif contracté antérieurement à son départ.

Quant au nouvel associé, l’obligation à la dette à laquelle il est tenu s’étend à toutes les dettes contractées par la société, qu’elles soient nées antérieurement ou postérieurement à son arrivée.

En matière de société civile, l’article 1857 du Code civil prévoit que :

« À l’égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l’exigibilité ou au jour de la cessation des paiements. »

Dans l’hypothèse où l’arrivée d’un associé dans une société civile interviendrait entre la date de cession des paiements et la date d’exigibilité, la Cour de cassation prend en compte la date d’exigibilité de la dette (Cass. com., 13 avr. 2010, n° 07-17.912: JurisData n° 2010-003929 ; Dr. sociétés 2010, comm. 136, note H. Hovasse)

C) Nature de l’obligation à la dette

 La question de la nature de l’obligation à la dette revient à s’interroger sur la qualité des associés dans les sociétés à risque illimité.

Doivent-ils être considérés comme des garants ? Comme des coobligés ? Ou plus simplement comme des débiteurs subsidiaires ?

1) L’associé d’une société à risque illimité peut-il être qualifié de garant ?

Dans un arrêt du 17 janvier 2006, la Cour de cassation rejette la qualification de garant pour l’associé d’une SNC (Cass. 1re civ., 17 janv. 2006, n° 02-16595 : Bull. civ. 2006, I, n° 15, p. 15 ; D. 2007, p. 273, obs. J.-C. Hallouin et E. Lamazerolles ; Dr. soc. 2006, comm. 37, obs. F.-X. Lucas ; RLDC 2006/25, n° 1029, 1re esp., obs. G. Marraud des Grottes ; Banque et Droit mars-avr. 2006, p. 63, 1re esp., obs. F. Jacob ; JCP G 2006, I, 131, n° 2, obs. Ph. Simler).

Dans l’arrêt en l’espèce, l’enjeu portait sur la question de savoir si l’associé d’une SNC pouvait opposer aux créanciers sociaux l’application de l’article 1415 du Code civil.

Pour mémoire, cette disposition relève du régime juridique applicable aux époux mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts :

Elle prévoit que :

« Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n’aient été contractés avec le consentement exprès de l’autre conjoint qui, dans ce cas, n’engage pas ses biens propres. »

L’article 1415 du Code civil pose ainsi une exception au principe.

L’article 1413 du code civil dispose en effet que :

« Le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu’il n’y ait eu fraude de l’époux débiteur et mauvaise foi du créancier, sauf la récompense due à la communauté s’il y a lieu. »

Dans l’arrêt du 17 janvier 2006, il ressort des faits que les biens que le créancier social envisageait de saisir étaient des biens communs.

Si, dès lors, on considérait, comme le soutenait le pourvoi, que l’obligation à la dette à laquelle est tenu l’époux en sa qualité d’associé d’une société à risque illimité s’apparentait à la souscription d’une garantie, alors l’application de l’article 1415 du Code civil devait conduire à exclure les biens, objet de la saisie, du gage des créanciers sociaux.

Pour la Cour de cassation, l’article 1415 du Code civil n’était pas applicable en l’espèce, dans la mesure où l’associé de la SNC ne pouvait pas se prévaloir de la qualité de garant.

Un auteur justifie cette solution en arguant que « s’il est vrai que le contrat de société à risque illimité a en commun avec le cautionnement de donner, éventuellement, naissance à une obligation de payer la dette d’autrui, en revanche, il s’en distingue fondamentalement par son effet spéculatif résultant d’une recherche directe, par la mise en commun de biens ou d’industrie, d’un bénéfice ou d’une économie qui profitera à la communauté et qui justifie que cette dernière en supporte les risques » (F. Bicheron, « L’obligation aux dettes sociales de l’associé d’une société à risque illimité et l’article 1415 du code civil », D., 2006, 2660).

Aussi, cette différence fondamentale qui existe entre le contrat de société et le contrat de cautionnement expliquerait-elle pourquoi dans le premier la communauté doive répondre des dettes nées de ce contrat et que, pour le second, elle échappe au droit de gage général du créancier bénéficiaire de la garantie.

2) L’associé d’une société à risque illimité peut-il être qualifié de coobligé ?

 À cette question, la Cour de cassation répond, là encore, par la négative dans un arrêt du 20 mars 2012 (Cass. com., 20 mars 2012, n° 10-27.340 : JurisData n° 2012-005051 ; Dr. sociétés 2012, comm. 102, note M. Roussille ; Bull. civ. 2012, IV, n° 61 ; D. 2012, p. 874, obs. Lienhard ; Rev. sociétés 2012, p. 577, note Dexant-de Bailliencourt ; Bull. Joly 2012, p. 388, note J.-F. Barbièri).

Il était question dans cet arrêt de savoir si le créancier muni d’un titre exécutoire contre une société à risque illimité était fondé à agir, en cas d’échec de son action, contre les associés au titre de l’obligation à la dette.

La chambre commerciale condamne le raisonnement tenu par les juges du fond qui avait jugé recevable les poursuites diligentées par le créancier social contre les associés sur le fondement du titre exécutoire qu’il détenait contre la société.

Pour la Cour de cassation la solution retenue par les juges du fond revenait à inverser la charge de la preuve.

Pour rappel, l’article 1315 al. 1 du Code civil prévoit que c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver.

Autrement dit, il appartenait au prétendu créancier de la société d’établir l’existence de la dette sociale.

Or, faute de preuve de celle-ci, les associés en nom collectif ne sauraient être tenus en vertu de l’article L. 221-1 du code de commerce.

Pour la Cour de cassation la preuve du caractère social de la créance invoquée ne saurait résulter « du seul titre exécutoire obtenu contre la société », du moment que ce dernier ne vise que la personne morale, non ses associés.

Ainsi, pour la Cour de cassation, dès lors que le titre exécutoire n’est émis que contre la société, il ne vaut pas contre les associés.

Cela s’explique par le fait que les associés ne sont pas les coobligés de la société.

Le principe de subsidiarité qui s’impose aux créanciers sociaux fait obstacle à cette qualification.

Il découle, en effet, de ce principe que les associés et la société ne sont pas tenus à la dette sociale sur le même plan.

S’ils étaient coobligés, alors le titre exécutoire détenu par un créancier social lui permettrait d’agir indistinctement contre la société et les associés.

Tel n’est pas le cas nous dit la Cour de cassation. Pour que le titre exécutoire puisse fonder une exécution forcée contre les associés, cela suppose pour le créancier de prouver le caractère sociale de la créance qu’il invoque.

Or en l’espèce, la Cour d’appel a déduit le caractère social de la créance du seul titre exécutoire.

D’où l’affirmation de la Cour de cassation selon laquelle les juges du fond ont inversé la charge de la preuve.

Au total, il apparaît que l’associé d’une société à risque illimité, n’est ni garant de la société, ni coobligé, il est ce que l’on appelle un débiteur subsidiaire.

3) L’associé d’une société à risque illimité s’apparente à un débiteur subsidiaire

Pour poursuivre les associés d’une société à risque illimité au titre de leur obligation à la dette, les créanciers sociaux doivent respecter le principe de subsidiarité.

Ainsi, l’article L. 221-1 al. 2 du Code de commerce prévoit que :

« les créanciers de la société ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé, qu’après avoir vainement mis en demeure la société par acte extrajudiciaire. »

Pour les sociétés civiles, le principe est énoncé à l’article 1858 du Code civil qui dispose que :

« les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale ».

Le respect du principe de subsidiarité subordonne ainsi les poursuites diligentées contre les associés d’une société à risque illimité à l’engagement, au préalable de poursuites contre la société

Ce n’est pas parce qu’un exercice social fait apparaître des pertes que l’obligation à la dette à laquelle sont tenus les associés doive immédiatement être mise en œuvre.

L’admission de pareille solution reviendrait à augmenter les engagements des associés sans leur consentement. Or cela est prohibé à l’article 18.36 al. 2 du Code civil.

En réalité, l’obligation au passif social ne deviendra effective que lorsque la société ne pourra plus, par ses propres ressources, faire face à ses créanciers, soit, pratiquement, au moment de la liquidation.

S’agissant des modalités de mise en œuvre du principe de subsidiarité une distinction doit être opérée entre les sociétés en nom collectif et les sociétés civiles

Dans les sociétés en nom collectif les créanciers sociaux ne peuvent poursuivre les associés qu’après avoir mis en demeure la société elle-même de payer.

Cette mise en demeure doit s’effectuer par acte extrajudiciaire.

Un peu d’histoire :

Historiquement, toutes les mises en demeure devraient être effectuées par acte extrajudiciaire, quelle que soit la matière concernée

En cela, l’article L. 221-1 du Code de commerce ne constituait à l’époque qu’une répétition du droit commun.

Puis, adoption de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution qui a assoupli le formalisme de la mise en demeure

On a décidé que, dorénavant, une mise en demeure pourrait être faite par une sommation de payer ou par tout autre acte équivalent, telle une « lettre missive »

On retrouve cette solution à l’article 1139 du Code civil :

« Le débiteur est constitué en demeure, soit par une sommation ou par autre acte équivalent, telle une lettre missive lorsqu’il ressort de ses termes une interpellation suffisante soit par l’effet de la convention, lorsqu’elle porte que, sans qu’il soit besoin d’acte et par la seule échéance du terme, le débiteur sera en demeure. »

Il s’agit ainsi du droit commun de la mise en demeure dans la mesure où il figure dans le Code civil et que c’est l’un des rares articles de la loi de 1991 à avoir été codifié.

Quid du sort de l’article L. 221-1 du Code de commerce qui exigeait une mise en demeure par acte extrajudiciaire ?

Il n’a pas été modifié et continue d’exiger un acte extrajudiciaire de sorte qu’il constitue une exception au droit commun.

Qu’est-ce, concrètement, qu’un acte extrajudiciaire ?

Dans le sens commun c’est un acte accompli en dehors d’une procédure ou d’une instance judiciaire. Toutefois, ce n’est pas sens juridique

Dans le sens juridique, c’est un acte accompli par un huissier assermenté. L’acte extrajudiciaire est signifié par exploit d’huissier. C’est-à-dire par remise en personne au débiteur par l’huissier à son domicile ou dans son étude

Pourquoi exiger un acte extrajudiciaire ?

Difficile à justifier.

On peut se demander si cela ne serait pas une compensation accordée aux huissiers en contrepartie de la réforme entreprise par la loi de 1991 qui a porté un coup à leur monopole en réduisant significativement le domaine des actes extrajudiciaire !

Dans les sociétés civiles la situation est plus délicate pour les créanciers sociaux

L’article 1858 prévoit que « les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale »

Ainsi, deux conditions doivent être remplies pour que les associés puissent être mis en cause

  • Le créancier doit avoir d’abord poursuivi la société
    • il faut entendre par là que le créancier, s’il n’a pu obtenir satisfaction par les moyens classiques de la mise en demeure, qui constituent un avertissement, doit avoir tenté une action judiciaire contre la société.
    • Cette démarche aura permis à celle-ci, le cas échéant, de contester le montant de la dette et son caractère social
    • Cela signifie également que l’inefficacité des poursuites contre la société doit, à peine d’irrecevabilité de l’action en paiement, être constatée préalablement à l’engagement des poursuites contre les associés
  • Le résultat de ces poursuites doit avoir été vain
    • Cela signifie qu’il faut que le caractère infructueux des diligences du créancier résulte “non de leur inefficacité ou de leur inutilité intrinsèque, mais de l’insuffisance, révélée par elles, du patrimoine social
    • Ainsi il ne suffit pas que les mesures d’exécutions soient infructueuses, il est nécessaire qu’elles révèlent l’insuffisance de l’actif social pour désintéresser le créancier poursuivant (V. en ce sens Civ. 3ème, 23 avr. 1992, JurisData n° 1992-001195 ; Rev. sociétés 1992, p. 763, note B. Saintourens ; RTD com. 1993, p. 332, obs. E. Alfandari et M. Jeantin ; Dr. sociétés 1992, n° 175, note Th. Bonneau.)

II) La contribution aux pertes

L’obligation de contribution aux pertes qui échoit à chaque associé est posée à l’article 1832 du Code civil qui prévoit que « la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter ».

Le respect de cette exigence est une condition de validité de la société.

L’obligation de contribution aux pertes, pèse sur tous les associés quelle que soit la forme de la société.

À quel moment les associés sont-ils tenus de contribuer aux pertes de la société ?

Contrairement à l’obligation à la dette dont la mise en œuvre s’effectue au cours de la vie sociale, la contribution aux pertes n’apparaît, sauf stipulation contraire, qu’au moment de la liquidation de la société.

En effet, pendant l’exercice social, les associés ne sont jamais tenus de contribuer aux pertes de la société.

Ces pertes sont compensées par les revenus de la société.

Ce n’est que lorsque l’actif disponible de la société ne sera plus en mesure de couvrir son actif disponible (cession des paiements) que l’obligation de contribution aux pertes sera mise en œuvre.

Tant que la société n’est pas en liquidation, seule la société est tenue de supporter la charge de ces pertes.

Quelle est l’étendue de l’obligation de contribution aux pertes ?

  • Dans les sociétés à risque limité l’obligation de contribution aux pertes ne peut excéder le montant des apports
  • Dans les sociétés à risque illimité l’obligation de contribution aux pertes ne connaît aucune limite. La responsabilité des associés peut-être recherchée au-delà de ses apports

En toute hypothèse, chaque associé est tenu de contribuer aux pertes proportionnellement à la part du capital qu’il détient dans la société.

Toutefois, conformément à l’article 1844-1 du Code civil, une répartition inégalitaire est permise, à condition qu’elle ne présente pas de caractère léonin.

Pour mémoire, sont prohibées les clauses :

  • soit qui excluraient totalement du profit ou des pertes un associé
  • soit qui mettraient à la charge de l’un d’eux la totalité des pertes

Il résulte du principe posé à l’article 1832 du Code civil qu’un associé qui aurait payé plus que sa part, dispose d’un recours contre ses coassociés.

C’est la raison pour laquelle on enseigne traditionnellement que la contribution aux pertes intéresse les rapports entre associés.

Bien que cette affirmation ne souffre d’aucune contestation possible, elle est néanmoins incomplète.

Un arrêt rendu en date du 20 septembre 2011 par la chambre commerciale est, en effet, venu rappeler que la question de la contribution aux pertes intéressait également les rapports entre la société et les associés (Cass. com., 20 sept. 2011, n° 10-24.888 : JurisData n° 2011-019356 ; JCP E 2011, 1804, note. R. Mortier ; Dr. sociétés 2011, comm. 12, obs. H. Hovasse ; Bull. Joly Sociétés 2011, p. 902, obs. F.-X. Lucas ; D. 2011, p. 2970, obs. A. Lienhard ; LEDEN 2011-9 p. 5, obs. N. Borga).

La Cour de cassation reconnaît, dans cette décision, compétence au liquidateur d’une société pour exiger des associés leur contribution personnelle au comblement du passif social.

De prime abord, on pourrait être tenté d’approuver le raisonnement de la Cour d’appel qui avait estimé que « ‘article 1832 du Code civil ne vise que la contribution aux pertes, laquelle joue exclusivement dans les rapports internes à la société et est étrangère à l’obligation de payer les dettes et ne peut servir de fondement à l’action en recouvrement du passif social par le liquidateur judiciaire à l’encontre des associés ».

Toutefois, comme le relève très justement la Cour de cassation, afin de fixer la part de chaque associé dans la contribution aux pertes, cela suppose pour le liquidateur de prendre en compte « outre du montant de leurs apports, celui du passif social et du produit de la réalisation des actifs ».

Certes, en agissant contre les associés en comblement du passif social, l’action diligentée par le liquidateur sur le fondement de la contribution aux pertes se chevauche avec les poursuites exercées au titre de l’obligation à la dette.

Toutefois, le liquidateur agit en qualité, non pas de représentant des créanciers, mais d’organe de la société en liquidation.

Lorsque le passif social est supérieur à l’actif de la société, cette dernière est titulaire d’une créance qu’elle détient à l’encontre de chaque associé.

Aussi, la mise en œuvre de l’obligation de contribution aux pertes suppose que le liquidateur ait compétence pour agir contre les associés en comblement du passif social

Dans cette configuration-là, la contribution aux pertes ne concerne donc pas seulement les rapports entre associés, elle intéresse également les rapports entre les associés et la société.

Obliga dette 2