Le droit de gage général: régime

Lorsqu’un créancier n’est muni d’aucune sûreté, sa situation est pour le moins précaire puisqu’il appartient à la catégorie des créanciers chirographaires.

Par chirographaire, il faut entendre la créance qui est constatée dans un acte « écrit de la main » (du grec chiro, la main et de graphein, l’écrit).

La spécificité des créanciers chirographaires est que leur capacité à recouvrer leur créance en cas de défaillance de leur débiteur repose sur l’exercice du seul droit de gage général conféré à tout créancier par l’article 2284 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « quiconque s’est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir. »

L’article 2285 poursuit en précisant que « les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers ; et le prix s’en distribue entre eux par contribution, à moins qu’il n’y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence. »

Il ressort, en substance, de ces deux dispositions que toute personne qui s’est rendue débiteur d’une obligation répond de ses dettes sur l’ensemble de son patrimoine présent et futur, ce patrimoine constituant le gage commun des créanciers.

Si la référence au gage est maladroite, sinon erronée, dans la mesure où la garantie conférée aux créanciers au titre des articles 2284 et 2285 ne s’analyse nullement en une sûreté réelle, elle exprime néanmoins l’idée que tout créancier dispose d’un moyen de contrainte efficace aux fins d’assurer l’exécution de son obligation.

Plus qu’une prérogative reconnue au titulaire d’une créance de faire sanctionner la défaillance de son débiteur, le droit de gage général n’est autre, selon certains auteurs, que « l’expression du caractère civilement obligatoire de l’obligation ; il est la manifestation la plus élémentaire du pouvoir juridique de contrainte reconnu de façon égalitaire à tout créancier sur le patrimoine du débiteur »[8].

Bien qu’envisagé dans le Livre IV du Code civil consacré aux sûretés, le droit de gage général se situe au confluent des droits personnels dont il garantit l’exercice et des droits réels, car octroyant une parcelle d’abusus au créancier sur les biens de son débiteur, en ce qu’il peut les faire vendre pour en obtenir le prix.

À l’analyse, le droit de gage général ne constitue, ni une obligation, ni une sûreté. Il présente une nature hybride. Sa spécificité tient à la combinaison de plusieurs éléments qui tiennent à son assiette, à sa mise en œuvre et à ses titulaires.

==> L’assiette du droit de gage général

  • Les biens compris dans l’assiette du droit de gage général
    • Le droit de gage général a pour assiette l’ensemble des biens présents et futurs du débiteur.
    • L’article 2284 du Code civil, n’opérant aucune distinction, tous les biens appartenant au débiteur sont compris dans le gage des créanciers.
    • Il est indifférent qu’il s’agisse de biens mobiliers ou immobiliers.
    • Plus encore, sont visés, tant les biens présents, que les biens futurs.
    • Par bien futurs, il faut entendre ceux qui n’ont pas encore intégré le patrimoine du débiteur au jour de la naissance de l’obligation.
    • Aussi, peu importe que le débiteur ne possède rien au moment où la créance naît : tous les biens dont il sera devenu propriétaire au jour où des poursuites sont engagées contre lui pourront être saisis.
    • À l’inverse, les biens sortis du patrimoine du débiteur au jour de la créance ne relèvent pas de l’assiette du droit de gage générale des créanciers.
  • Une universalité de droit comme assiette du droit de gage général
    • Les prérogatives conférées au créancier au titre du droit de gage général n’ont pas seulement pour objet des biens, elles portent sur une universalité de droit.
    • Il en résulte que le créancier est autorisé à exercer ses poursuites sur n’importe quel bien figurant dans le patrimoine de son débiteur.
    • La raison en est que, dans une universalité de droit, l’actif répond du passif et plus précisément l’ensemble des dettes sont exécutoires sur l’ensemble des biens.
    • Aussi, le créancier qui exerce son droit de gage général n’a nullement l’obligation de concentrer ses poursuites sur un ou plusieurs biens.
    • Il est libre de choisir le bien qu’il entend saisir aux fins d’être réglé de sa créance, sous réserve que ce bien ne soit pas grevé d’une sûreté constituée par un tiers.

==> L’exercice du droit de gage général

Le droit de gage général ne confère, en aucune manière, un droit direct sur les biens du débiteur, raison pour laquelle la doctrine majoritaire lui refuse la qualification de droit réel.

Sa spécificité réside, entre autres, dans son exercice qui est subordonné à l’engagement de poursuites judiciaires et plus précisément à la réalisation de saisies.

Aussi, est-ce le droit de l’exécution qui gouverne la mise en œuvre du droit de gage général.

À cet égard l’article L. 111-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution. »

Il ressort de cette disposition que pour exercer son droit de gage général, le créancier doit être muni d’un titre exécutoire.

Par titre exécutoire, il faut entendre, au sens de l’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution :

  • Les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire ;
  • Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarées exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l’Union européenne applicables ;
  • Les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;
  • Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;
  • Les accords par lesquels les époux consentent mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresignée par avocats, déposés au rang des minutes d’un notaire selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil ;
  • Le titre délivré par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque ou en cas d’accord entre le créancier et le débiteur dans les conditions prévues à l’article L. 125-1 ;
  • Les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement.

Lorsque le créancier est muni d’un titre exécutoire, il pourra exercer son droit de gage général sur n’importe quel bien figurant dans le patrimoine de son débiteur.

Cette liberté de choix, reconnu par l’article 2284 du Code civil, est rappelée notamment :

  • D’une part, par l’article L. 111-7 du CPCE qui prévoit que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance, sous réserve que l’exécution de ces mesures n’excède pas ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation.
  • D’autre part, par l’article L. 112-1, al. 1er qui prévoit que « les saisies peuvent porter sur tous les biens appartenant au débiteur alors même qu’ils seraient détenus par des tiers.»

La liberté dont jouit le créancier à diligenter des mesures d’exécution en opportunité, dans le cadre de l’exercice de son droit de gage général, n’est pas sans limite.

Cette prérogative ne confère, en effet, aucun droit de suite au créancier, de sorte qu’il ne pourra pas exercer de poursuites sur les biens sortis du patrimoine de son débiteur avant la date de naissance de sa créance.

En revanche, le créancier pourra saisir n’importe quel bien figurant dans le patrimoine du débiteur, dans la mesure où, comme indiqué précédemment, le droit de gage général a pour assiette une universalité de droit.

Aussi, tous les biens dont est propriétaire le débiteur répondent corrélativement de toutes ses dettes. Inversement, chacune de ses dettes vient grever chacun de ses biens

==> Les titulaires du droit de gage général

L’article 2285 du Code civil prévoit que « les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers »

Il ressort de cette disposition que :

  • D’une part, toutes les personnes justifiant de la qualité de créancier sont investies du droit de gage général
  • D’autre part, tous les créanciers d’un même débiteur sont placés sur un pied d’égalité

Ainsi, tous les créanciers d’un même débiteur se voient conférer des prérogatives identiques, quelle que soit la date de naissance de leur créance.

Il y a donc une égalité parfaite entre créanciers chirographaires qui est instituée par le droit de gage général.

Seules circonstances susceptibles de rompre cette égalité qui préside aux rapports entre créanciers : les « causes légitimes de préférence ».

Les causes de préférence visées par l’article 2285 du Code civil ne sont autres que les sûretés réelles qui pourraient avoir été constituées par certains créanciers.

Le créancier muni d’une telle sûreté sera, en effet, titulaire d’un droit de préférence sur le bien grevé et primera, à ce titre, les autres créanciers quant aux éventuelles poursuites susceptibles d’être exercées sur ce bien.

En cas de concours de créanciers chirographaires, le principe d’égalité les contraindra à faire montre de diligence et de célérité quant à l’exercice de leurs poursuites.

En dehors d’une procédure collective, c’est la règle du premier saisissant qui s’appliquera, de sorte qu’il est un risque pour le créancier le moins réactif que le patrimoine de son débiteur ne soit vidé de son actif avant qu’il n’agisse.

Lorsque plusieurs créanciers ont vocation à se répartir le prix de vente d’un bien, comme précisé par l’article 2285 du Code civil, c’est une répartition au marc l’euro qui s’opère, chaque créancier percevant une fraction du prix au prorata de sa créance.

Quant à l’hypothèse où le débiteur fait l’objet d’une procédure collective, il appartiendra à tous les créanciers de déclarer leur créance auprès du mandataire judiciaire ou, le cas échéant, du liquidateur, faute de quoi ils ne pourront pas prendre part à la distribution de l’actif dans le cadre de la procédure.

[1] G. Cornu, Vocabulaire juridique, éd. Puf, coll. « Quadrige », 2016, v° Sûreté

[2] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°2, p.2.

[3] Ph. Simlet et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°2, p. 5

[4] J.-D. Pellier, « Réforme des sûretés : saison 2 », Dalloz Actualité, 17 sept. 2021.

[5] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°3, p. 6

[6] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°5, p.4.

[7] J.-B. Seube, Droit des sûretés, éd. Dalloz, coll. « Cours Dalloz », 2020, n°3, p.2.

[8] J. Mestre, E. Putman et M. Billiau, Droit civil – Droit commun des sûretés réelles, éd. LGDJ, 1996, n°115, p. 104.

[9] G. Cornu, Droit civil – Les biens, éd. Domat, 2007, §5, p. 11.

[10] P.-Y Ardoy, Fiches de droit des sûretés, éd. Ellipses, 2018, p. 14

[11] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[12] D. Legais, Droit des sûretés et garanties du crédit, éd. LGDJ, 2021, n°60, p. 64.

[13] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[14] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°550, p.369.

[15] Ibid, n°551, p. 370.

[16] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, coll. « précis », n°707, p. 6002.

[17] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°6, p. 10

Les sûretés: fonctions

Classiquement, on reconnaît aux sûretés deux fonctions :

  • Favoriser l’octroi du crédit
  • Conférer une position privilégiée au créancier

§1 : Favoriser l’octroi du crédit

L’une des principales fonctions des sûretés, sinon la plus importante, tant à l’échelle individuelle, que collective, est de favoriser l’octroi du crédit.

Le crédit, mot dérivé du latin credere signifiant croire, avoir confiance, constitue l’un des principaux fondements de notre économie.

Or selon la formule désormais consacrée : « pas de crédit sans sûretés ». Ainsi que le soulignent les auteurs les sûretés sont les « auxiliaires du crédit »[5], elles entretiennent avec lui un quasi lien de filiation[6].

La raison en est que l’octroi d’un crédit par un établissement bancaire ou financier sera, le plus souvent, subordonné à la constitution d’une sûreté.

Il est une nécessité pour un prêteur de se prémunir contre le risque d’insolvabilité de l’emprunteur. Pour ce faire, son premier réflexe sera de recourir aux sûretés, lesquelles sont, pour lui, consubstantielles au crédit.

Ainsi lorsqu’un dirigeant sollicitera une ligne de prêt pour le compte de son entreprise, le banquier exigera presque systématiquement de lui qu’il garantisse l’opération en se portant caution à titre personnel.

De la même façon, le financement d’un bien immobilier s’accompagnera, la plupart du temps, de la constitution d’une hypothèque sur ce bien ou, le cas échéant, sur le bien d’un tiers.

À cet égard, le développement du crédit à compter du milieu du XXe siècle n’est pas étranger à la multiplication des sûretés. D’aucuns y voient d’ailleurs un lien de cause à effet.

Comme souligné par un auteur, certains créanciers recèleront des « trésors d’imagination pour disposer de la sûreté la plus efficace »[7].

Pour présenter un intérêt, la sûreté doit garantir le paiement de la dette, soit assurer au créancier d’être payé en cas de défaillance de son débiteur.

Pratiquement, cela suppose, indépendamment du respect de ses conditions de constitution, que la sûreté confère à son titulaire une position privilégiée par rapport aux autres créanciers, lesquels chercheront, à leur tour, et par tous moyens, à s’extraire de la précarité dans laquelle se trouvent les créanciers chirographaires nativement.

C’est là la seconde fonction que l’on assigne traditionnellement aux sûretés.

§2 : Conférer une position privilégiée au créancier

Lorsqu’un créancier n’est muni d’aucune sûreté, sa situation est pour le moins précaire puisqu’il appartient à la catégorie des créanciers chirographaires.

Par chirographaire, il faut entendre la créance qui est constatée dans un acte « écrit de la main » (du grec chiro, la main et de graphein, l’écrit).

La spécificité des créanciers chirographaires est que leur capacité à recouvrer leur créance en cas de défaillance de leur débiteur repose sur l’exercice du seul droit de gage général conféré à tout créancier par l’article 2284 du Code civil.

Si, en soi, cette situation n’est pas totalement inintéressante, dans la mesure où elle autorise le titulaire de ce droit à poursuivre l’exécution forcée sur le patrimoine du débiteur, elle présente néanmoins de nombreuses faiblesses qui constituent autant de raisons d’être des sûretés.

I) Le contenu de la protection du créancier chirographaire

La protection du créancier chirographaire contre la défaillance de son débiteur est assurée :

  • D’une part, part le droit de gage général dont il est investi
  • D’autre part, par certains mécanismes du droit des obligations

A) Le droit de gage général

L’article 2284 du Code civil prévoit que « quiconque s’est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir. »

L’article 2285 poursuit en précisant que « les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers ; et le prix s’en distribue entre eux par contribution, à moins qu’il n’y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence. »

Il ressort, en substance, de ces deux dispositions que toute personne qui s’est rendue débiteur d’une obligation répond de ses dettes sur l’ensemble de son patrimoine présent et futur, ce patrimoine constituant le gage commun des créanciers.

Si la référence au gage est maladroite, sinon erronée, dans la mesure où la garantie conférée aux créanciers au titre des articles 2284 et 2285 ne s’analyse nullement en une sûreté réelle, elle exprime néanmoins l’idée que tout créancier dispose d’un moyen de contrainte efficace aux fins d’assurer l’exécution de son obligation.

Plus qu’une prérogative reconnue au titulaire d’une créance de faire sanctionner la défaillance de son débiteur, le droit de gage général n’est autre, selon certains auteurs, que « l’expression du caractère civilement obligatoire de l’obligation ; il est la manifestation la plus élémentaire du pouvoir juridique de contrainte reconnu de façon égalitaire à tout créancier sur le patrimoine du débiteur »[8].

Bien qu’envisagé dans le Livre IV du Code civil consacré aux sûretés, le droit de gage général se situe au confluent des droits personnels dont il garantit l’exercice et des droits réels, car octroyant une parcelle d’abusus au créancier sur les biens de son débiteur, en ce qu’il peut les faire vendre pour en obtenir le prix.

À l’analyse, le droit de gage général ne constitue, ni une obligation, ni une sûreté. Il présente une nature hybride. Sa spécificité tient à la combinaison de plusieurs éléments qui tiennent à son assiette, à sa mise en œuvre et à ses titulaires.

==> L’assiette du droit de gage général

  • Les biens compris dans l’assiette du droit de gage général
    • Le droit de gage général a pour assiette l’ensemble des biens présents et futurs du débiteur.
    • L’article 2284 du Code civil, n’opérant aucune distinction, tous les biens appartenant au débiteur sont compris dans le gage des créanciers.
    • Il est indifférent qu’il s’agisse de biens mobiliers ou immobiliers.
    • Plus encore, sont visés, tant les biens présents, que les biens futurs.
    • Par bien futurs, il faut entendre ceux qui n’ont pas encore intégré le patrimoine du débiteur au jour de la naissance de l’obligation.
    • Aussi, peu importe que le débiteur ne possède rien au moment où la créance naît : tous les biens dont il sera devenu propriétaire au jour où des poursuites sont engagées contre lui pourront être saisis.
    • À l’inverse, les biens sortis du patrimoine du débiteur au jour de la créance ne relèvent pas de l’assiette du droit de gage générale des créanciers.
  • Une universalité de droit comme assiette du droit de gage général
    • Les prérogatives conférées au créancier au titre du droit de gage général n’ont pas seulement pour objet des biens, elles portent sur une universalité de droit.
    • Il en résulte que le créancier est autorisé à exercer ses poursuites sur n’importe quel bien figurant dans le patrimoine de son débiteur.
    • La raison en est que, dans une universalité de droit, l’actif répond du passif et plus précisément l’ensemble des dettes sont exécutoires sur l’ensemble des biens.
    • Aussi, le créancier qui exerce son droit de gage général n’a nullement l’obligation de concentrer ses poursuites sur un ou plusieurs biens.
    • Il est libre de choisir le bien qu’il entend saisir aux fins d’être réglé de sa créance, sous réserve que ce bien ne soit pas grevé d’une sûreté constituée par un tiers.

==> L’exercice du droit de gage général

Le droit de gage général ne confère, en aucune manière, un droit direct sur les biens du débiteur, raison pour laquelle la doctrine majoritaire lui refuse la qualification de droit réel.

Sa spécificité réside, entre autres, dans son exercice qui est subordonné à l’engagement de poursuites judiciaires et plus précisément à la réalisation de saisies.

Aussi, est-ce le droit de l’exécution qui gouverne la mise en œuvre du droit de gage général.

À cet égard l’article L. 111-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution. »

Il ressort de cette disposition que pour exercer son droit de gage général, le créancier doit être muni d’un titre exécutoire.

Par titre exécutoire, il faut entendre, au sens de l’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution :

  • Les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire ;
  • Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarées exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l’Union européenne applicables ;
  • Les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;
  • Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;
  • Les accords par lesquels les époux consentent mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresignée par avocats, déposés au rang des minutes d’un notaire selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil ;
  • Le titre délivré par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque ou en cas d’accord entre le créancier et le débiteur dans les conditions prévues à l’article L. 125-1 ;
  • Les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement.

Lorsque le créancier est muni d’un titre exécutoire, il pourra exercer son droit de gage général sur n’importe quel bien figurant dans le patrimoine de son débiteur.

Cette liberté de choix, reconnu par l’article 2284 du Code civil, est rappelée notamment :

  • D’une part, par l’article L. 111-7 du CPCE qui prévoit que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance, sous réserve que l’exécution de ces mesures n’excède pas ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation.
  • D’autre part, par l’article L. 112-1, al. 1er qui prévoit que « les saisies peuvent porter sur tous les biens appartenant au débiteur alors même qu’ils seraient détenus par des tiers.»

La liberté dont jouit le créancier à diligenter des mesures d’exécution en opportunité, dans le cadre de l’exercice de son droit de gage général, n’est pas sans limite.

Cette prérogative ne confère, en effet, aucun droit de suite au créancier, de sorte qu’il ne pourra pas exercer de poursuites sur les biens sortis du patrimoine de son débiteur avant la date de naissance de sa créance.

En revanche, le créancier pourra saisir n’importe quel bien figurant dans le patrimoine du débiteur, dans la mesure où, comme indiqué précédemment, le droit de gage général a pour assiette une universalité de droit.

Aussi, tous les biens dont est propriétaire le débiteur répondent corrélativement de toutes ses dettes. Inversement, chacune de ses dettes vient grever chacun de ses biens

==> Les titulaires du droit de gage général

L’article 2285 du Code civil prévoit que « les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers »

Il ressort de cette disposition que :

  • D’une part, toutes les personnes justifiant de la qualité de créancier sont investies du droit de gage général
  • D’autre part, tous les créanciers d’un même débiteur sont placés sur un pied d’égalité

Ainsi, tous les créanciers d’un même débiteur se voient conférer des prérogatives identiques, quelle que soit la date de naissance de leur créance.

Il y a donc une égalité parfaite entre créanciers chirographaires qui est instituée par le droit de gage général.

Seules circonstances susceptibles de rompre cette égalité qui préside aux rapports entre créanciers : les « causes légitimes de préférence ».

Les causes de préférence visées par l’article 2285 du Code civil ne sont autres que les sûretés réelles qui pourraient avoir été constituées par certains créanciers.

Le créancier muni d’une telle sûreté sera, en effet, titulaire d’un droit de préférence sur le bien grevé et primera, à ce titre, les autres créanciers quant aux éventuelles poursuites susceptibles d’être exercées sur ce bien.

En cas de concours de créanciers chirographaires, le principe d’égalité les contraindra à faire montre de diligence et de célérité quant à l’exercice de leurs poursuites.

En dehors d’une procédure collective, c’est la règle du premier saisissant qui s’appliquera, de sorte qu’il est un risque pour le créancier le moins réactif que le patrimoine de son débiteur ne soit vidé de son actif avant qu’il n’agisse.

Lorsque plusieurs créanciers ont vocation à se répartir le prix de vente d’un bien, comme précisé par l’article 2285 du Code civil, c’est une répartition au marc l’euro qui s’opère, chaque créancier percevant une fraction du prix au prorata de sa créance.

Quant à l’hypothèse où le débiteur fait l’objet d’une procédure collective, il appartiendra à tous les créanciers de déclarer leur créance auprès du mandataire judiciaire ou, le cas échéant, du liquidateur, faute de quoi ils ne pourront pas prendre part à la distribution de l’actif dans le cadre de la procédure.

B) Les mécanismes protecteurs du droit des obligations

Afin de recouvrer sa créance et appréhender les biens du débiteur, le droit de gage général n’est pas le seul levier susceptible d’être actionné par les créanciers chirographaires.

Ils peuvent également compter sur un certain nombre de dispositifs qui relèvent du droit des obligations.

On évoquera les principaux, tels que l’action oblique, l’action paulienne, l’action directe ou encore l’action en déclaration de simulation.

  • S’agissant de l’action oblique
    • Cette action est envisagée à l’article 1341-1 du Code civil qui prévoit que « le créancier peut aussi agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits, à charge d’établir, s’il s’agit d’un acte à titre onéreux, que le tiers cocontractant avait connaissance de la fraude.»
    • L’action oblique (dite encore indirecte ou subrogatoire) permet, en somme, au créancier, sous certaines conditions, d’exercer un droit ou une action que le débiteur néglige d’exercer.
    • Le bénéfice de l’action ne profite cependant pas directement au créancier agissant mais intègre le patrimoine du débiteur, sur lequel il viendra en concours avec les autres créanciers du débiteur.
    • Pour que l’action oblique puisse être exercée, il faut notamment que le débiteur soit titulaire de droits et actions à l’égard d’un tiers et doit négliger de s’en prévaloir.
    • Il faut, en outre, que la carence du débiteur soit de nature à compromettre les droits du créancier.
  • S’agissant de l’action paulienne
    • Cette action est envisagée à l’article 1341-2 du Code civil qui prévoit que « le créancier peut aussi agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits, à charge d’établir, s’il s’agit d’un acte à titre onéreux, que le tiers cocontractant avait connaissance de la fraude.»
    • L’action paulienne vise à faire annuler les conséquences dommageables d’un acte d’appauvrissement.
    • Plus précisément, elle a pour effet de rendre un acte frauduleux accompli par le débiteur inopposable au créancier agissant, lorsque cet acte porte atteinte à ses droits.
    • L’engagement d’une action paulienne suppose que l’acte attaqué ait rendu le débiteur insolvable ou ait aggravé son insolvabilité.
    • Cette situation a généralement pour origine un acte d’appauvrissement, faisant sortir une valeur du patrimoine de l’intéressé.
    • Tel est le cas des actes à titre gratuit comme une donation faite par le débiteur ou d’actes à titre onéreux comme, par exemple, une vente d’immeubles réalisée à un prix fictif au profit du gendre du débiteur ou d’une cession de créance.
    • Pour que l’action paulienne puisse être exercée, il faudra encore établir, s’agissant d’un acte à titre onéreux, que le tiers cocontractant avait connaissance de la fraude.
  • S’agissant de l’action directe
    • Cette action est envisagée à l’article 1341-3 du Code civil qui prévoit que « dans les cas déterminés par la loi, le créancier peut agir directement en paiement de sa créance contre un débiteur de son débiteur.»
    • Il s’agit donc de toutes les actions, spécifiquement visées par la loi, qui donc autorisent un créancier à agir en paiement directement contre le débiteur de son débiteur, ce par dérogation au principe de l’effet relatif des conventions.
    • Le domaine de la règle énoncée par l’article 1341-3 est circonscrit aux seules actions directes en paiement.
    • Sont exclues de son champ d’application les actions directes en responsabilité ou en garantie, de sorte que les solutions jurisprudentielles actuelles, notamment sur les chaînes translatives de propriété, ne sont pas concernées par ce dispositif
  • S’agissant de l’action en déclaration de simulation
    • Cette action est envisagée à l’article 1201 du Code civil qui prévoit que « lorsque les parties ont conclu un contrat apparent qui dissimule un contrat occulte, ce dernier, appelé aussi contre-lettre, produit effet entre les parties. Il n’est pas opposable aux tiers, qui peuvent néanmoins s’en prévaloir.»
    • L’action en déclaration de simulation a pour objet de démontrer qu’un acte a créé une fausse apparence.
    • Elle permet de rétablir la véritable qualification de l’acte. Cette action en justice ouverte aux tiers peut être engagée par toute personne qui se verrait opposer l’acte simulé, aux fins d’obtenir qu’il ne soit tenu compte que de l’acte effectif pour ce qui concerne ses intérêts.
    • En pratique, le demandeur à l’action entend obtenir que soit prononcée en sa faveur la réintégration dans le patrimoine d’un débiteur du bien apparemment soustrait de son gage.
    • L’action en déclaration de simulation se distingue ainsi de l’action paulienne, qui permet au créancier de faire déclarer inopposable à son égard un acte d’appauvrissement du débiteur sans remettre en cause le droit de propriété du tiers.

II) La fragilité de la protection du créancier chirographaire

Si le droit de gage général confère un pouvoir de contrainte au créancier, en ce qu’il peut exercer des poursuites directement sur les biens de son débiteur, cette prorogative présentent de nombreux inconvénients.

En pratique, faute d’être muni de sûretés, des nombreuses menaces pèseront sur le recouvrement de la créance du créancier.

La précarité de sa situation tient essentiellement à :

  • D’une part, l’absence de droit de préférence
  • D’autre part, l’absence de droit de suite

A) L’absence de droit de préférence

Les créanciers chirographaires ne sont titulaires d’aucun droit de préférence. Et pour cause, par hypothèse, ils ne sont munis d’aucune sûreté réelle. Or le droit de préférence est strictement attaché à la titularité d’un droit réel.

Ce droit consiste, en effet, en l’avantage procuré à un créancier d’être payé prioritairement sur un ou plusieurs biens du débiteur, voire d’un tiers, lesquels biens sont, en tout état de cause, affectés au paiement de la dette.

Concrètement, cela signifie que, en cas d’exercice du droit de préférence, le créancier pourra obtenir un paiement prioritaire sur le prix de vente du bien sur lequel les poursuites sont exercées.

Quant aux créanciers chirographaires, ils ne pourront participer à la répartition du produit de la vente qu’une fois que les créanciers titulaires d’un droit de préférence auront été désintéressés.

Il est indifférent que leur créance soit née antérieurement à celle garantie par un droit de préférence : elle ne pourra être réglée qu’en dernier, étant précisé que, entre créancier chirographaire, la répartition du prix de vente, à tout le moins du reliquat, s’opère au marc-l’euro, conformément à l’article 2285 du Code civil, c’est-à-dire proportionnellement au montant de leurs créances respectives.

B) L’absence de droit de suite

Les créanciers chirographaires ne sont titulaires d’aucun droit de suite. À l’instar du droit de préférence, le droit de suite est nécessairement attaché à un droit réel.

Plus précisément, il s’agit d’un droit permettant au créancier d’exercer ses poursuites sur le bien grevé en quelques mains qu’il se trouve.

Dans l’hypothèse où ce bien aurait été cédé par le débiteur à un tiers, le créancier pourra, malgré tout, le faire saisir et se faire attribuer le produit de la vente en règlement de sa créance.

Parce que les créanciers chirographaires ne jouissent d’aucun droit de suite, leur gage est à périmètre variable, en ce sens qu’« il épouse les fluctuations du patrimoine »[9].

Autrement dit, l’assiette du gage du créancier sera déterminée au jour de l’exigibilité de la dette. Il comprendra donc les seuls biens présents dans le patrimoine du débiteur au jour où il cherchera effectivement à obtenir le paiement de sa créance.

Aussi, entre le moment où la dette a été contractée et le jour où elle devient exigible, le patrimoine du débiteur est susceptible d’avoir considérablement diminué.

C’est à ce risque que les créanciers qui ne bénéficient d’aucun droit de suite sont confrontés, ce qui rend leur situation pour le moins précaire. Le succès de leurs poursuites dépend de la surface patrimoniale de leur débiteur au jour où elles sont exercées.

Au surplus, en l’absence de droit de suite, les créanciers chirographaires s’exposent à ce que le débiteur recourt à certains dispositifs juridiques leur permettant de réduire l’assiette du droit de gage général.

Au nombre de ces dispositifs, on compte notamment la création d’un patrimoine d’affectation et l’insaisissabilité de certains biens dont est propriétaire l’entrepreneur individuel.

  • S’agissant du dispositif de création d’un patrimoine d’affectation
    • L’article L. 526-6 du Code de commerce dispose que « pour l’exercice de son activité en tant qu’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, l’entrepreneur individuel affecte à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d’une personne morale, dans les conditions prévues à l’article L. 526-7.»
    • Ce texte autorise ainsi l’entrepreneur individuel, qui adopte le statut d’EIRL, à affecter un patrimoine à l’exercice de son activité professionnelle de façon à protéger son patrimoine personnel et familial, sans créer de personne morale distincte de sa personne.
    • La création d’un patrimoine d’affectation déroge manifestement aux règles posées aux articles 2284 et 2285 du Code civil, en établissant que les créances personnelles de l’entrepreneur ne sont gagées que sur le patrimoine non affecté, et les créances professionnelles sur le patrimoine affecté.
    • L’admission de la constitution d’un patrimoine d’affectation opère une rupture profonde avec le dogme de l’unicité du patrimoine organisé jusqu’alors par le droit civil français.
  • S’agissant du dispositif d’insaisissabilité de certains biens dont est propriétaire l’entrepreneur individuel
    • Autre entorse faite par le législateur au principe d’unicité du patrimoine : l’adoption de textes qui visent à rendre insaisissable de la résidence principale et plus généralement les biens immobiliers détenus par l’entrepreneur individuel.
    • Les biens couverts par cette insaisissabilité sont, en effet, exclus du gage général des créanciers, ce qui revient à créer une masse de biens protégée au sein même du patrimoine de l’entrepreneur individuel.
    • Cette protection patrimoniale dont jouit ce dernier a été organisée par une succession de lois qui, au fil des réformes, ont non seulement assoupli les conditions de l’insaisissabilité de la résidence principale, mais encore ont étendu son assiette aux autres biens immobiliers non affectés à l’activité professionnelle.
    • Aujourd’hui, depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques l’insaisissable la résidence principale de l’entrepreneur individuel produit ses effets de plein droit.
    • Ainsi, cette dernière loi a-t-elle renforcé la protection de ce dernier qui n’est plus obligé d’accomplir une déclaration pour bénéficier du dispositif d’insaisissabilité.
    • Reste que cette insaisissabilité, de droit, ne vaut que pour la résidence principale.
    • S’agissant, en effet, des autres biens immobiliers détenus par l’entrepreneur et non affectés à son activité professionnelle, leur insaisissabilité est subordonnée à l’accomplissement de formalités.
    • L’article L. 526-1, al. 2e du Code de commerce prévoit en ce sens que « une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, qu’elle n’a pas affecté à son usage professionnel.»
    • Si les biens immobiliers, autres que la résidence principale, peuvent bénéficier du dispositif de l’insaisissabilité, c’est donc à la double condition que l’entrepreneur individuel accomplisse, outre les formalités d’immatriculation le cas échéant requises, qu’il accomplisse une déclaration d’insaisissabilité et qu’il procède aux formalités de publication.

Au regard de ce qui précède et compte tenu de la fragilité de la protection dont bénéficie le créancier chirographaire, les sûretés jouent un rôle important, sinon essentiel.

Elles offrent au créancier la possibilité :

  • D’une part, de se prémunir du risque d’insolvabilité de son débiteur, soit en obtenant d’un tiers qu’il se substitue à lui en cas de défaillance (sûreté personnelle), soit obtenant de son débiteur qu’il affecte un ou plusieurs biens en garantie du paiement de la dette (sûreté réelle).
  • D’autre part, de bénéficier d’une position préférentielle par rapport aux autres créanciers avec lesquels il ne sera pas en concours, conformément à l’article 2285 du Code civil qui assortit le principe d’égalité d’une exception lorsqu’il existe une « cause légitime de préférence».

[1] G. Cornu, Vocabulaire juridique, éd. Puf, coll. « Quadrige », 2016, v° Sûreté

[2] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°2, p.2.

[3] Ph. Simlet et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°2, p. 5

[4] J.-D. Pellier, « Réforme des sûretés : saison 2 », Dalloz Actualité, 17 sept. 2021.

[5] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°3, p. 6

[6] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°5, p.4.

[7] J.-B. Seube, Droit des sûretés, éd. Dalloz, coll. « Cours Dalloz », 2020, n°3, p.2.

[8] J. Mestre, E. Putman et M. Billiau, Droit civil – Droit commun des sûretés réelles, éd. LGDJ, 1996, n°115, p. 104.

[9] G. Cornu, Droit civil – Les biens, éd. Domat, 2007, §5, p. 11.

[10] P.-Y Ardoy, Fiches de droit des sûretés, éd. Ellipses, 2018, p. 14

[11] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[12] D. Legais, Droit des sûretés et garanties du crédit, éd. LGDJ, 2021, n°60, p. 64.

[13] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[14] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°550, p.369.

[15] Ibid, n°551, p. 370.

[16] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, coll. « précis », n°707, p. 6002.

[17] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°6, p. 10

Qu’est-ce qu’une sûreté? Notion

Le terme sûreté provient du nom latin securus (se pour sine : sans et cura : souci) qui signifie littéralement exempt de tout danger, en sécurité, où l’on n’a rien à craindre.

Dans son sens courant, la sûreté est l’état, le caractère ou la qualité de ce qui est sûr, de ce qui est à l’abri de tout danger, de ce qui ne court aucun risque. C’est l’état de quelqu’un qui n’a rien à craindre pour sa personne ni pour ses biens.

En droit civil, la sûreté est classiquement définie comme suit : « pour un créancier, garantie fournie par une personne (sûreté conventionnelle), ou établie par la loi (sûreté légale) ou plus rarement résultant d’un jugement (hypothèque judiciaire), pour l’exécution d’une obligation ; disposition destinée à garantir le paiement d’une dette à l’échéance, malgré l’insolvabilité du débiteur »[1].

Reste que comme souligné par Dominique Legeais, « le concept de sûreté est d’origine récente », à telle enseigne qu’il n’est défini par aucun texte.

La raison en est que, pendant longtemps, le domaine des sûretés était circonscrit aux seules sûretés réelles et notamment à l’hypothèque et aux privilèges.

Quant au cautionnement, il relevait du droit des obligations, à tout le moins les auteurs l’abordait dans le cadre de l’étude de cette branche primaire du droit civil.

Le cautionnement était regardé moins comme une sûreté personnelle, que comme un contrat spécial et plus encore un « petit contrat », confinant, à certains égards, au service entre amis.

Lors de l’adoption du Code civil, le droit des sûretés brillait ainsi par son absence d’unité : tandis que les sûretés réelles étaient rattachées au droit des biens, les sûretés personnelles étaient rattachées au droit des obligations.

Il en résultait l’impossibilité de dégager une théorie générale, à commencer par une définition unique des sûretés.

Les auteurs se sont heurté, en particulier, à la difficulté de réconcilier les droits réels avec les droits personnels, les premiers n’étant pas réductibles aux seconds.

Une partie de la doctrine contemporaine en a tiré la conséquence que la notion de sûreté était introuvable.

D’aucuns avancent en ce sens que « la sûreté n’est pas une notion, ce n’est qu’une étiquette qui s’accommode du disparate. L’emploi fréquent du pluriel est significatif de l’impossibilité de réunir dans un concept unique, parce qu’elles reposent sur des techniques très éloignées, les sûretés personnelles et les sûretés réelles »[2].

Pour d’autres, la définition juridique du terme sûreté ne serait finalement pas très éloignée de son sens courant, bien que plus étroit. Le terme désignerait « la garantie conférée au créancier contre le risque d’insolvabilité de son débiteur »[3].

À l’examen, bien que mobilisant des mécanismes juridiques extrêmement variés, les sûretés partagent un point commun : conférer au créancier une situation privilégiée.

Les sûretés se caractérisent, en effet, par l’avantage qu’elles procurent à leur titulaire qui jouit d’une position privilégiée par rapport aux créanciers chirographaires.

La situation de ces derniers est pour le moins précaire puisque, par hypothèse, ils ne sont munis d’aucune sûreté.

Il en résulte que, pour recouvrer leur créance, en cas de défaut de paiement de leur débiteur, ils ne sont investis que du droit de poursuivre l’exécution forcée sur l’ensemble de son patrimoine.

L’article 2284 du Code civil dispose en ce sens que « quiconque s’est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ».

Fondées sur cette position privilégiée octroyée aux créanciers qui en sont munis, les sûretés s’opposent donc frontalement au droit de gage général. C’est d’ailleurs là leur raison d’être, sinon ce qui les définit.

Ainsi, les sûretés se laissent moins définir par les techniques juridiques qu’elles recouvrent, que par leurs fonctions.

Pour cette raison, l’avant-projet de réforme du droit des sûretés, porté par l’association Henri Capitant, proposait d’introduire dans le Code civil une approche fonctionnelle de la notion de sûreté.

La sûreté y était définie comme garantissant « l’exécution d’une ou plusieurs obligations, présentes ou futures » (art. 2286 C. civ.).

Cette proposition de définition unique des sûretés n’a finalement pas été retenue par l’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme des sûretés.

Il s’agit là incontestablement d’une occasion manquée, comme le soulignent plusieurs auteurs qui regrettent que le législateur ne se soit pas « attaqué au vaste chantier que représente la théorie générale des sûretés »[4].

[1] G. Cornu, Vocabulaire juridique, éd. Puf, coll. « Quadrige », 2016, v° Sûreté

[2] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°2, p.2.

[3] Ph. Simlet et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°2, p. 5

[4] J.-D. Pellier, « Réforme des sûretés : saison 2 », Dalloz Actualité, 17 sept. 2021.

[5] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°3, p. 6

[6] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°5, p.4.

[7] J.-B. Seube, Droit des sûretés, éd. Dalloz, coll. « Cours Dalloz », 2020, n°3, p.2.

[8] J. Mestre, E. Putman et M. Billiau, Droit civil – Droit commun des sûretés réelles, éd. LGDJ, 1996, n°115, p. 104.

[9] G. Cornu, Droit civil – Les biens, éd. Domat, 2007, §5, p. 11.

[10] P.-Y Ardoy, Fiches de droit des sûretés, éd. Ellipses, 2018, p. 14

[11] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[12] D. Legais, Droit des sûretés et garanties du crédit, éd. LGDJ, 2021, n°60, p. 64.

[13] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[14] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°550, p.369.

[15] Ibid, n°551, p. 370.

[16] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, coll. « précis », n°707, p. 6002.

[17] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°6, p. 10

La classification des obligations

Les obligations peuvent faire l’objet de trois classifications différentes :

  • La classification des obligations d’après leur source
  • La classification des obligations d’après leur nature
  • La classification des obligations d’après leur objet

Ayant déjà fait état des différentes sources obligations, nous ne nous focaliserons que sur leur nature et leur objet

I) La classification des obligations d’après leur nature

La classification des obligations d’après leur nature renvoie à la distinction entre l’obligation civile et l’obligation naturelle

A) Exposé de la distinction entre obligation civile et obligation naturelle

  • L’obligation civile
    • L’obligation civile est celle qui, en cas d’inexécution de la part du débiteur, est susceptible de faire l’objet d’une exécution forcée
    • L’obligation civile est donc contraignante : son titulaire peut solliciter en justice, s’il prouve le bien-fondé de son droit, le concours de la force publique aux fins d’exécution de l’obligation dont il est créancier
  • L’obligation naturelle
    • L’obligation naturelle, à la différence de l’obligation civile, n’est pas susceptible de faire l’objet d’une exécution forcée.
    • Elle ne peut faire l’objet que d’une exécution volontaire
    • L’obligation naturelle n’est donc pas contraignante : son exécution repose sur la seule volonté du débiteur.
    • Ainsi, le créancier d’une obligation naturelle n’est-il pas fondé à introduire une action en justice pour en réclamer l’exécution

B) Fondement textuel de l’obligation naturelle

L’obligation naturelle est évoquée à l’ancien 1235, al. 2 du Code civil (nouvellement art. 1302 C. civ).

Cet article prévoit en ce sens que « tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition. La répétition n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées. »

C) Domaine d’application de l’obligation naturelle

L’obligation naturelle se rencontre dans deux hypothèses :

  • En présence d’une obligation civile imparfaite
    • L’obligation civile imparfaite est celle qui
      • Soit est nulle en raison de la défaillance d’une condition de validité de l’acte juridique dont elle émane
      • Soit est éteinte en raison de l’acquisition de prescription extinctive de la dette
    • Dans les deux cas, le débiteur est libéré de son obligation sans avoir eu besoin d’exécuter la prestation initialement promise
    • Le débiteur peut néanmoins se sentir tenu, moralement, de satisfaire son engagement pris envers le créancier : l’obligation civile qui « a dégénéré » se transforme alors en obligation naturelle
  • En présence d’un devoir moral
    • Il est des situations où l’engagement d’une personne envers une autre sera dicté par sa seule conscience, sans que la loi ou qu’un acte juridique ne l’y oblige
    • Le respect de principes moraux peut ainsi conduire
      • un mari à apporter une aide financière à son ex-épouse
      • une sœur à loger gratuitement son frère sans abri
      • un concubin à porter assistance à sa concubine
      • l’auteur d’un dommage qui ne remplit pas les conditions de la responsabilité civile à indemniser malgré tout la victime.
    • Dans toutes ces hypothèses, celui qui s’engage s’exécute en considération d’un devoir purement moral, de sorte que se crée une obligation naturelle

D) Transformation de l’obligation naturelle en obligation civile

La qualification d’obligation naturelle pour une obligation civile imparfaite ou un devoir moral, ne revêt pas un intérêt seulement théorique. Cela présente un intérêt très pratique.

La raison en est que l’obligation naturelle est susceptible de transformer en obligation civile

Il en résulte qu’elle pourra emprunter à l’obligation civile certains traits, voire donner lieu à l’exécution forcée

La transformation de l’obligation naturelle en obligation civile se produira dans deux cas distincts :

  • Le débiteur a exécuté l’obligation naturelle
  • Le débiteur s’est engagé à exécuter l’obligation naturelle

?Le débiteur a exécuté l’obligation naturelle

C’est l’hypothèse – la seule – visée à l’article 1302 C. civ (ancien art. 1235, al.2)

Pour mémoire cette disposition prévoit que « la répétition n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées. »

Lorsque le débiteur a effectué un paiement à la faveur du créancier d’une obligation naturelle, la répétition de la somme versée est ainsi impossible.

?Le débiteur s’est engagé à exécuter l’obligation naturelle

Lorsque le débiteur d’une obligation naturelle promet d’assurer son exécution, cette obligation se transforme alors aussitôt en obligation civile.

La Cour de cassation justifie cette transformation en se fondant sur l’existence d’un engagement unilatérale de volonté.

Ainsi a-t-elle jugé dans un arrêt du 10 octobre 1995 que « la transformation improprement qualifiée novation d’une obligation naturelle en obligation civile, laquelle repose sur un engagement unilatéral d’exécuter l’obligation naturelle, n’exige pas qu’une obligation civile ait elle-même préexisté à celle-ci » (Cass. 1re civ. 10 oct. 1995, n°93-20.300).

Cela suppose, en conséquence, pour le créancier de rapporter la preuve de l’engagement volontaire du débiteur d’exécuter l’obligation naturelle qui lui échoit

E) Consécration légale de l’obligation naturelle

L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, consacre, sans la nommer, l’obligation naturelle à l’article 1100 du Code civil.

Cette disposition, prise en son alinéa 2, prévoit que les obligations « peuvent naître de l’exécution volontaire ou de la promesse d’exécution d’un devoir de conscience envers autrui ».

II) Le classement des obligations d’après leur objet

Deux grandes distinctions peuvent être effectuées si l’on cherche à opérer une classification des obligations d’après leur objet :

  • Les obligations de donner, de faire et de ne pas faire
  • Les obligations de moyens et les obligations de résultat

A) Les obligations de donner, de faire et de ne pas faire

?Exposé de la distinction

  • L’obligation de donner
    • L’obligation de donner consiste pour le débiteur à transférer au créancier un droit réel dont il est titulaire
      • Exemple : dans un contrat de vente, le vendeur a l’obligation de transférer la propriété de la chose vendue
  • L’obligation de faire
    • L’obligation de faire consiste pour le débiteur à fournir une prestation, un service autre que le transfert d’un droit réel
      • Exemple : le menuisier s’engage, dans le cadre du contrat conclu avec son client, à fabriquer un meuble
  • L’obligation de ne pas faire
    • L’obligation de ne pas faire consiste pour le débiteur en une abstention. Il s’engage à s’abstenir d’une action.
      • Exemple : le débiteur d’une clause de non-concurrence souscrite à la faveur de son employeur ou du cessionnaire de son fonds de commerce, s’engage à ne pas exercer l’activité visée par ladite clause dans un temps et sur espace géographique déterminé

?Intérêt – révolu – de la distinction

Le principal intérêt de la distinction entre les obligations de donner, de faire et de ne pas faire résidait dans les modalités de l’exécution forcée de ces types d’obligations.

  • L’ancien article 1142 C. civ. prévoyait en effet que :
    • « Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur. »
  • L’ancien article 1143 C. civ. prévoyait quant à lui que :
    • « Néanmoins, le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l’engagement soit détruit ; et il peut se faire autoriser à le détruire aux dépens du débiteur, sans préjudice des dommages et intérêts s’il y a lieu. »
  • L’ancien article 1145 C. civ disposait enfin que :
    • « Si l’obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages et intérêts par le seul fait de la contravention. »

Il ressortait de ces dispositions que les modalités de l’exécution forcée étaient différentes, selon que l’on était en présence d’une obligation de donner, de faire ou de ne pas faire :

  • S’agissant de l’obligation de donner, son exécution forcée se traduisait par une exécution forcée en nature
  • S’agissant de l’obligation de faire, son exécution forcée se traduisait par l’octroi de dommages et intérêt
  • S’agissant de l’obligation de ne pas faire, son exécution forcée se traduisait :
    • Soit par la destruction de ce qui ne devait pas être fait (art. 1143 C. civ)
    • Soit par l’octroi de dommages et intérêts (art. 1145 C. civ)

?Abandon de la distinction

L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, a abandonné la distinction entre les obligations de donner, de faire et de ne pas faire, à tout le moins elle n’y fait plus référence.

Ainsi érige-t-elle désormais en principe, l’exécution forcée en nature, alors que, avant la réforme, cette modalité d’exécution n’était qu’une exception.

Le nouvel article 1221 C. civ prévoit en ce sens que « le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier. »

L’exécution forcée en nature s’impose ainsi pour toutes les obligations, y compris en matière de promesse de vente ou de pacte de préférence.

Ce n’est que par exception, si l’exécution en nature n’est pas possible, que l’octroi de dommage et intérêt pourra être envisagé par le juge.

Qui plus est, le nouvel article 1222 du Code civil offre la possibilité au juge de permettre au créancier de faire exécuter la prestation due par un tiers ou de détruire ce qui a été fait :

  • « Après mise en demeure, le créancier peut aussi, dans un délai et à un coût raisonnables, faire exécuter lui-même l’obligation ou, sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci. Il peut demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin.
  • « Il peut aussi demander en justice que le débiteur avance les sommes nécessaires à cette exécution ou à cette destruction. »

B) Les obligations de moyens et les obligations de résultat

?Exposé de la distinction

Demogue soutenait ainsi que la conciliation entre les anciens articles 1137 et 1147 du Code civil tenait à la distinction entre les obligations de résultat et les obligations de moyens :

  • L’obligation est de résultat lorsque le débiteur est contraint d’atteindre un résultat déterminé
    • Exemple : Dans le cadre d’un contrat de vente, pèse sur le vendeur une obligation de résultat : celle livrer la chose promise. L’obligation est également de résultat pour l’acheteur qui s’engage à payer le prix convenu.
    • Il suffira donc au créancier de démontrer que le résultat n’a pas été atteint pour établir un manquement contractuel, source de responsabilité pour le débiteur
  • L’obligation est de moyens lorsque le débiteur s’engage à mobiliser toutes les ressources dont il dispose pour accomplir la prestation promise, sans garantie du résultat
    • Exemple : le médecin a l’obligation de soigner son patient, mais n’a nullement l’obligation de le guérir.
    • Dans cette configuration, le débiteur ne promet pas un résultat : il s’engage seulement à mettre en œuvre tous les moyens que mettrait en œuvre un bon père de famille pour atteindre le résultat

La distinction entre l’obligation de moyens et l’obligation de résultat rappelle immédiatement la contradiction entre les anciens articles 1137 et 1147 du Code civil.

  • En matière d’obligation de moyens
    • Pour que la responsabilité du débiteur puisse être recherchée, il doit être établi que celui-ci a commis une faute, soit que, en raison de sa négligence ou de son imprudence, il n’a pas mis en œuvre tous les moyens dont il disposait pour atteindre le résultat promis.
    • Cette règle n’est autre que celle posée à l’ancien article 1137 du Code civil.
  • En matière d’obligation de résultat
    • Il est indifférent que le débiteur ait commis une faute, sa responsabilité pouvant être recherchée du seul fait de l’inexécution du contrat.
    • On retrouve ici la règle édictée à l’ancien article 1147 du Code civil.

La question qui alors se pose est de savoir comment déterminer si une obligation est de moyens ou de résultat.

?Critères de la distinction

En l’absence d’indications textuelles, il convient de se reporter à la jurisprudence qui se détermine au moyen d’un faisceau d’indices.

Plusieurs critères – non cumulatifs – sont, en effet, retenus par le juge pour déterminer si l’on est en présence d’une obligation de résultat ou de moyens :

  • La volonté des parties
    • La distinction entre obligation de résultat et de moyens repose sur l’intensité de l’engagement pris par le débiteur envers le créancier.
    • La qualification de l’obligation doit donc être appréhendée à la lumière des clauses du contrat et, le cas échéant, des prescriptions de la loi.
    • En cas de silence de contrat, le juge peut se reporter à la loi qui, parfois, détermine si l’obligation est de moyens ou de résultat.
    • En matière de mandat, par exemple, l’article 1991 du Code civil dispose que « le mandataire est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution ».
    • C’est donc une obligation de résultat qui pèse sur le mandataire.
  • Le contrôle de l’exécution
    • L’obligation est de résultat lorsque le débiteur a la pleine maîtrise de l’exécution de la prestation due.
    • Inversement, l’obligation est plutôt de moyens, lorsqu’il existe un aléa quant à l’obtention du résultat promis
    • En pratique, les obligations qui impliquent une action matérielle sur une chose sont plutôt qualifiées de résultat.
    • À l’inverse, le médecin, n’est pas tenu à une obligation de guérir (qui serait une obligation de résultat) mais de soigner (obligation de moyens).
    • La raison en est que le médecin n’a pas l’entière maîtrise de la prestation éminemment complexe qu’il fournit.
  • Rôle actif/passif du créancier
    • L’obligation est de moyens lorsque le créancier joue un rôle actif dans l’exécution de l’obligation qui échoit au débiteur
    • En revanche, l’obligation est plutôt de résultat, si le créancier n’intervient pas

?Mise en œuvre de la distinction

Le recours à la technique du faisceau d’indices a conduit la jurisprudence à ventiler les principales obligations selon qu’elles sont de moyens ou de résultat.

L’examen de la jurisprudence révèle néanmoins que cette dichotomie entre les obligations de moyens et les obligations de résultat n’est pas toujours aussi marquée.

Il est, en effet, certaines obligations qui peuvent être à cheval sur les deux catégories, la jurisprudence admettant, parfois, que le débiteur d’une obligation de résultat puisse s’exonérer de sa responsabilité s’il prouve qu’il n’a commis aucune faute.

Pour ces obligations on parle d’obligations de résultat atténué ou d’obligation de moyens renforcée : c’est selon. Trois variétés d’obligations doivent donc, en réalité, être distinguées.

  • Les obligations de résultat
    • Au nombre des obligations de résultat on compte notamment :
      • L’obligation de payer un prix, laquelle se retrouve dans la plupart des contrats (vente, louage d’ouvrage, bail etc.)
      • L’obligation de délivrer la chose en matière de contrat de vente
      • L’obligation de fabriquer la chose convenue dans le contrat de louage d’ouvrage
      • L’obligation de restituer la chose en matière de contrat de dépôt, de gage ou encore de prêt
      • L’obligation de mettre à disposition la chose et d’en assurer la jouissance paisible en matière de contrat de bail
      • L’obligation d’acheminer des marchandises ou des personnes en matière de contrat de transport
      • L’obligation de sécurité lorsqu’elle est attachée au contrat de transport de personnes (V. en ce sens Cass. ch. mixte, 28 nov. 2008, n° 06-12.307).
  • Les obligations de résultat atténuées ou de moyens renforcées
    • Parfois la jurisprudence admet donc que le débiteur d’une obligation de résultat puisse s’exonérer de sa responsabilité.
    • Pour ce faire, il devra renverser la présomption de responsabilité en démontrant qu’il a exécuté son obligation sans commettre de faute.
    • Tel est le cas pour :
      • L’obligation de conservation de la chose en matière de contrat de dépôt
      • L’obligation qui pèse sur le preneur en matière de louage d’immeuble qui, en application de l’article 1732 du Code civil, « répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute ».
      • L’obligation de réparation qui échoit au garagiste et plus généralement à tout professionnel qui fournit une prestation de réparation de biens (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 2 févr. 1994, n°91-18764).
      • L’obligation qui échoit sur le transporteur, en matière de transport maritime, qui « est responsable de la mort ou des blessures des voyageurs causées par naufrage, abordage, échouement, explosion, incendie ou tout sinistre majeur, sauf preuve, à sa charge, que l’accident n’est imputable ni à sa faute ni à celle de ses préposés » (art. L. 5421-4 du code des transports)
      • L’obligation de conseil que la jurisprudence appréhende parfois en matière de contrats informatiques comme une obligation de moyen renforcée.
  • Les obligations de moyens
    • À l’analyse les obligations de moyens sont surtout présentes, soit dans les contrats qui portent sur la fourniture de prestations intellectuelles, soit lorsque le résultat convenu entre les parties est soumis à un certain aléa
    • Aussi, au nombre des obligations de moyens figurent :
      • L’obligation qui pèse sur le médecin de soigner son patient, qui donc n’a nullement l’obligation de guérir (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 4 janv. 2005, n°03-13.579).
        • Par exception, l’obligation qui échoit au médecin est de résultat lorsqu’il vend à son patient du matériel médical qui est légitimement en droit d’attendre que ce matériel fonctionne (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 23 nov. 2004, n°03-12.146).
        • Il en va de même s’agissant de l’obligation d’information qui pèse sur le médecin, la preuve de l’exécution de cette obligation étant à sa charge et pouvant se faire par tous moyens.
      • L’obligation qui pèse sur la partie qui fournit une prestation intellectuelle, tel que l’expert, l’avocat (réserve faite de la rédaction des actes), l’enseignant,
      • L’obligation qui pèse sur le mandataire qui, en application de l’article 1992 du Code civil « répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion. »
      • L’obligation de surveillance qui pèse sur les structures qui accueillent des enfants ou des majeurs protégés (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 11 mars 1997, n°95-12.891).

?Sort de la distinction après la réforme du droit des obligations

La lecture de l’ordonnance du 10 février 2016 révèle que la distinction entre les obligations de moyens et les obligations de résultat n’a pas été reprise par le législateur, à tout le moins formellement.

Est-ce à dire que cette distinction a été abandonnée, de sorte qu’il n’a désormais plus lieu d’envisager la responsabilité du débiteur selon que le manquement contractuel porte sur une obligation de résultat ou de moyens ?

Pour la doctrine rien n’est joué. Il n’est, en effet, pas à exclure que la Cour de cassation maintienne la distinction en s’appuyant sur les nouveaux articles 1231-1 et 1197 du Code civil, lesquels reprennent respectivement les anciens articles 1147 et 1137.

Pour s’en convaincre il suffit de les comparer :

  • S’agissant des articles 1231-1 et 1147
    • L’ancien article 1147 prévoyait que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
    • Le nouvel article 1231-1 prévoit que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.»
  • S’agissant des articles 1197 et 1137
    • L’ancien article 1137 prévoyait que « l’obligation de veiller à la conservation de la chose, soit que la convention n’ait pour objet que l’utilité de l’une des parties, soit qu’elle ait pour objet leur utilité commune, soumet celui qui en est chargé à y apporter tous les soins raisonnables ».
    • Le nouvel article 1197 prévoit que « l’obligation de délivrer la chose emporte obligation de la conserver jusqu’à la délivrance, en y apportant tous les soins d’une personne raisonnable. »

Une analyse rapide de ces dispositions révèle que, au fond, la contradiction qui existait entre les anciens articles 1137 et 1147 a survécu à la réforme du droit des obligations opérée par l’ordonnance du 10 février 2016 et la loi de ratification du 21 avril 2018, de sorte qu’il y a tout lieu de penser que la Cour de cassation ne manquera pas de se saisir de ce constat pour confirmer la jurisprudence antérieure.

 

  1. François Terré, Philippe Simler, Yves Lequette, Droit civil : les obligations, Dalloz, 2009, coll. « Précis », n°54, p. 64 ?

La clôture: l’obligation de se clore

==> Généralités

L’article 647 du code civil dispose que « tout propriétaire peut clore son héritage, sauf l’exception portée en l’article 682. »

Est ainsi exprimée la prérogative qui échoit au propriétaire de dresser des barrières physiques sur son fonds afin d’empêcher que l’on y pénètre sans y avoir été invité.

À cet égard, le droit de se clore prévu par l’article 647 du Code civil n’est pas seulement un moyen de protéger le propriétaire contre les incursions des tiers mais est aussi le signe que la vue de son bien est une utilité qui lui appartient.

La clôture est en quelque sorte la marque de la souveraineté exercée par le propriétaire sur son bien, marque à laquelle étaient très attachés les révolutionnaires.

Sous l’ancien régime, en effet, il était défendu de disposer des obstacles sur ses terres en raison du droit dont étaient titulaires les seigneurs de pénétrer dans les domaines aux fins d’y chasser le gibier.

La nuit du 4 août 1789 emporta avec elle ce privilège de chasse. Il s’ensuivit l’adoption de la loi des 28 septembre et 6 octobre 1791 qui rompit avec l’ancien droit féodal et consacra le droit fondamental pour chaque propriétaire d’élever une clôture

Le texte prévoyait en ce sens que « le droit de clore et de déclore ses héritages résulte essentiellement de celui de propriété, et ne peut être contesté à aucun propriétaire. »

La question s’est posée en doctrine de la nature de ce droit qui est envisagée dans le chapitre consacré aux servitudes qui dérivent de la situation des lieux.

À l’examen, le droit de se clore relève moins de la catégorie des servitudes que des attributs du droit de propriété.

Pour constituer une servitude il faut qu’existe un rapport entre un fonds servant et un fonds dominant. Or par hypothèse, ce rapport est inexistant en matière de clôture l’exercice du droit de se clore n’ayant pas pour effet d’asservir le fonds voisin.

Il s’agit là d’une prérogative qui peut être exercée discrétionnairement et qui, au vrai, peut être rattachée à l’article 544 du Code civil.

À cet égard, dans un arrêt du 3 février 1913, la Cour de cassation a affirmé que « le droit de clore ou de déclore les héritages résulte essentiellement de celui de la propriété » (Cass. 3e civ., 3 févr. 1913)

De surcroît, comme le droit de propriété, le droit de se clore ne se prescrit pas par le non-usage, ce qui est le cas des servitudes (art. 706 C. civ.)

En tout état de cause, l’élévation d’une clôture n’est, en principe, jamais contrainte. Et pour cause, elle est envisagée par le Code civil comme en droit.

Assez paradoxalement néanmoins il est des circonstances où la clôture est constitutive d’une obligation, le voisinage pouvant contraindre un propriétaire à clore sa propriété.

I) Principe

Si tout propriétaire d’un fonds est titulaire du droit de se clore il est dès cas où cet acte lui est imposé par la loi.

L’article 663 du Code civil dispose en ce sens que « chacun peut contraindre son voisin, dans les villes et faubourgs, à contribuer aux constructions et réparations de la clôture faisant séparation de leurs maisons, cours et jardins assis ès dites villes et faubourgs »

Il ressort de cette disposition que le propriétaire d’un fonds situé dans un espace urbain peut contraindre son voisin à participer à la construction et à l’entretien d’une clôture afin d’empêcher toute communication entre les deux propriétés.

Cette clôture forcée est présentée par une partie de la doctrine comme répondant à un objectif de salubrité publique, en ce sens qu’il s’agirait d’empêcher la constitution de terrains vagues et de lutter contre l’insécurité.

D’autres auteurs arguent, au contraire, que dans la mesure où la règle ainsi édictée n’est pas d’ordre public elle viserait seulement à assurer la tranquillité et la vie privée des habitants des villes.

Reste que pour qu’un propriétaire soit contraint d’élever une clôture sur son fonds encore faut-il que son voisin se prévale du bénéfice de l’article 663. Or la mise en œuvre de cette disposition est subordonnée à la réunion de plusieurs conditions.

II) Conditions

  • Des fonds situés en milieu urbains
    • Le propriétaire d’un fonds ne peut contraindre son voisin à participer à l’élévation d’une clôture qu’à la condition que les fonds soient situés en milieu urbain, l’article 663 visant « les villes et les faubourgs».
    • Il en résulte que cette obligation n’est pas applicable en zone rurale.
    • En l’absence de définition des notions de villes et faubourgs, c’est au juge qu’il appartient d’apprécier la configuration de la zone dans laquelle sont situés les fonds concernés.
  • Des fonds affectés à l’usage d’habitation
    • Seuls les fonds affectés à l’usage d’habitation relèvent du domaine d’application de l’article 663 du Code civil ( req. 28 févr. 1905).
  • Des fonds contigus
    • La jurisprudence exige que les fonds soient contigus, faute de quoi l’article 663 est inapplicable ( req. 1er juill. 1857).
    • Lorsque, dès lors, les deux fonds sont séparés par un espace qui ne leur appartient pas, aucune clôture ne pourra être imposée par un propriétaire à l’autre.
  • L’absence de mur existant
    • Il s’infère de l’article 663 qu’un propriétaire ne peut contraindre son voisin à ériger une clôture qu’à la condition qu’aucun mur ne sépare déjà les deux fonds.
    • L’objectif recherché par le texte est de forcer l’édification d’une clôture et non l’acquisition de la mitoyenneté d’un mur (V. en ce sens Req. 25 juill. 1928).

III) Effets

==> Le partage des frais de construction

L’exercice de la faculté prévue à l’article 663 du Code civil a pour effet de contraindre le propriétaire du fonds voisin à « contribuer aux constructions et réparations de la clôture faisant séparation de leurs maisons, cours et jardins ».

Il s’infère de la règle ainsi posée que les frais de construction doivent être partagés à parts égales entre les propriétaires des deux fonds, étant précisé que le montant des frais s’évalue au jour de la construction.

La clôture alors édifiée sera mitoyenne de sorte que les propriétaires seront copropriétaires de l’ouvrage.

==> Les caractéristiques de la clôture

S’agissant des caractéristiques de la clôture, elles sont envisagées par l’article 663 qui prévoit que « la hauteur de la clôture sera fixée suivant les règlements particuliers ou les usages constants et reconnus et, à défaut d’usages et de règlements, tout mur de séparation entre voisins, qui sera construit ou rétabli à l’avenir, doit avoir au moins trente-deux décimètres de hauteur, compris le chaperon, dans les villes de cinquante mille âmes et au-dessus, et vingt-six décimètres dans les autres. »

Il ressort du texte que la clôture doit présenter certaines caractéristiques, faute de quoi l’un des propriétaires pourra contraindre l’autre à se conformer aux exigences requises.

  • Un mur
    • La première exigence tient à la nature de la clôture qui doit consister en un mur, de sorte qu’une simple haie, un grillage ou encore une palissade sont insuffisants
  • Dimensions
    • Le mur doit être édifié dans le respect de plusieurs dimensions fixées par l’article 663.
    • Tout d’abord, il doit être édifié sur la ligne séparative et s’étendre sur toute la longueur de cette ligne.
    • Ensuite, le mur doit atteindre une hauteur minimum de 3.20 m pour les villes de 50.000 habitants et plus et 2.60 m dans les autres villes, saufs règlements et usages contraires.
    • Les dimensions du mur s’imposent aux propriétaires qu’autant qu’ils n’ont pas trouvé d’accord.
    • Il leur est parfaitement loisible de s’entendre sur la nature de la clôture, en privilégiant par exemple l’installation d’un grillage à un mur ainsi que sur ces dimensions, pourvu que l’ouvrage respecte les règles d’urbanisme.

La clôture: le droit de se clore

==> Généralités

L’article 647 du code civil dispose que « tout propriétaire peut clore son héritage, sauf l’exception portée en l’article 682. »

Est ainsi exprimée la prérogative qui échoit au propriétaire de dresser des barrières physiques sur son fonds afin d’empêcher que l’on y pénètre sans y avoir été invité.

À cet égard, le droit de se clore prévu par l’article 647 du Code civil n’est pas seulement un moyen de protéger le propriétaire contre les incursions des tiers mais est aussi le signe que la vue de son bien est une utilité qui lui appartient.

La clôture est en quelque sorte la marque de la souveraineté exercée par le propriétaire sur son bien, marque à laquelle étaient très attachés les révolutionnaires.

Sous l’ancien régime, en effet, il était défendu de disposer des obstacles sur ses terres en raison du droit dont étaient titulaires les seigneurs de pénétrer dans les domaines aux fins d’y chasser le gibier.

La nuit du 4 août 1789 emporta avec elle ce privilège de chasse. Il s’ensuivit l’adoption de la loi des 28 septembre et 6 octobre 1791 qui rompit avec l’ancien droit féodal et consacra le droit fondamental pour chaque propriétaire d’élever une clôture

Le texte prévoyait en ce sens que « le droit de clore et de déclore ses héritages résulte essentiellement de celui de propriété, et ne peut être contesté à aucun propriétaire. »

La question s’est posée en doctrine de la nature de ce droit qui est envisagée dans le chapitre consacré aux servitudes qui dérivent de la situation des lieux.

À l’examen, le droit de se clore relève moins de la catégorie des servitudes que des attributs du droit de propriété.

Pour constituer une servitude il faut qu’existe un rapport entre un fonds servant et un fonds dominant. Or par hypothèse, ce rapport est inexistant en matière de clôture l’exercice du droit de se clore n’ayant pas pour effet d’asservir le fonds voisin.

Il s’agit là d’une prérogative qui peut être exercée discrétionnairement et qui, au vrai, peut être rattachée à l’article 544 du Code civil.

À cet égard, dans un arrêt du 3 février 1913, la Cour de cassation a affirmé que « le droit de clore ou de déclore les héritages résulte essentiellement de celui de la propriété » (Cass. 3e civ., 3 févr. 1913)

De surcroît, comme le droit de propriété, le droit de se clore ne se prescrit pas par le non-usage, ce qui est le cas des servitudes (art. 706 C. civ.)

A) Le contenu du droit de se clore

  1. Notion de clôture

L’article R. 651-1 du Code rural et de la pêche maritime prévoir que, est réputé clos « tout terrain entouré, soit par une haie vive, soit par un mur, une palissade, un treillage, une haie sèche d’une hauteur d’un mètre au moins, soit par un fossé d’un mètre vingt à l’ouverture et de cinquante centimètres de profondeur, soit par des traverses en bois ou des fils métalliques distants entre eux de trente-trois centimètres au plus s’élevant à un mètre de hauteur, soit par toute autre clôture continue et équivalente faisant obstacle à l’introduction des animaux »

Une clôture consiste ainsi en tout ce qui vise à empêcher la pénétration d’un tiers ou d’animaux dans une propriété.

La circulaire n°78-112 du 21 août 1978 assimile à une clôture les « murs, portes de clôture, clôtures à claire-voie, clôtures en treillis, clôtures de pieux, clôtures métalliques, palissades, grilles, herses, barbelés, lices, échaliers »

Ces listes établies par les textes ne sont pas exhaustives, le juge disposant d’un pouvoir d’appréciation en la matière.

En tout état de cause, la clôture élevée par le propriétaire sur son fonds peut être naturelle (une haie) ou artificielle (un mur), pourvu qu’elle obstrue le passage et qu’elle soit continue et constante (art. L. 424-3 C. env.)

A l’analyse, il ressort de la jurisprudence que constitue une clôture tout ouvrage dont la finalité consiste à fermer l’accès à tout ou partie d’une propriété.

Dans un arrêt du 21 juillet 2009, le Conseil d’État a précisé que, un tel ouvrage n’a pas à être implanté en limite de propriété pour constituer une clôture.

2. Condition d’installation de la clôture

a) Les conditions tenant à la position la clôture

==> Principe : installation en limite de fonds

Par principe, une clôture peut être installée en limite de fonds. Si elle est mitoyenne, ou si le voisin y consent, elle pourra être élevée sur la ligne séparative.

À défaut d’accord, la clôture devra être en positionnée en retrait, faute de quoi elle empiéterait sur le fonds voisin ce qui autoriserait son propriétaire à solliciter son déplacement, voire sa démolition (Cass. 3e civ., 20 mars 2002, n°00-16.015).

Celui qui installe une clôture sur son fond doit ainsi être extrêmement vigilant quant à son emplacement.

À cet égard, il ne devra pas seulement veiller à ce que l’ouvrage qu’il élève n’empiète pas sur le fonds voisin, il devra encore s’assurer, si la clôture consiste en des plantations, que la distance avec la ligne séparative est respectée.

==> Exception : observation d’une distance avec la ligne séparative

Lorsque la clôture consiste en des plantations, soit en une haie ou des arbustes, elle ne pourra pas être positionnée en limite de fonds.

La règle est énoncée à l’article 671 du Code civil qui prévoit que « il n’est permis d’avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu’à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d’un demi-mètre pour les autres plantations. »

Le principe qui s’infère de cette disposition est que pour éviter que les plantations nuisent au fonds voisin par leurs branches et leurs racines, l’article 671 interdit en principe à un propriétaire « d’avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes » jusqu’à l’extrême limite de son terrain.

Ainsi que l’observe un auteur toutes les plantations sont en réalité visées par cette interdiction[1]. Au vrai, la seule question qui se pose est de savoir quelle est la distance minimale qui doit être observée entre les plantations et la ligne séparative du fonds.

Afin de déterminer la distance requise, l’article 671 du Code civil renvoie, d’abord aux règlements et usage, puis subsidiairement prescrit une distance par défaut.

  • La distance prévue par les règlements et les usages
    • Pour savoir jusqu’à quelle distance un propriétaire peut avoir des plantations, il est nécessaire de se référer en premier lieu aux règlements particuliers et aux usages constants et reconnus.
      • S’agissant des règlements particuliers
        • Ils sont constitués par les arrêtés, les documents d’urbanisme ou les servitudes d’utilité publique susceptibles de prescrire des distances ou des hauteurs particulières de plantations.
      • S’agissant des usages
        • Ils peuvent quant à eux être relevés par les chambres d’agriculture[2], mais ils peuvent également être directement reconnus par les juges du fond.
        • Ainsi, l’usage parisien autorise à planter jusqu’à l’extrême limite de son fonds, compte tenu de l’exiguïté des parcelles (V. en ce sens 3e civ., 14 février 1984, n°82-16092).
        • Il en va de même pour le pays de Caux ou à Marseille.
        • Dans certains cas, comme à Poitiers, les usages prescrivent des distances supérieures à celles prévues par le code civil.
  • La distance prévue par le code civil
    • Ce n’est qu’à défaut de règlement et d’usage que s’appliquent les distances prévues par le code civil, qui ont donc un caractère subsidiaire.
    • Dans cette hypothèse, l’article 671 pose un principe qu’il assortit d’une limite à l’alinéa 2.
      • Principe
        • La distance à observer dépend de la hauteur de la plantation, étant précisé que le calcul de cette hauteur ne tient pas compte de l’inclinaison du fonds, mais seulement de la taille intrinsèque de la plantation, de la base à son sommet (V. en ce sens 3e civ., 4 nov. 1998, n°96-19708).
        • Ainsi, la distance d’espacement est donc de :
          • Deux mètres de la ligne séparative pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres
          • Un demi-mètre de la ligne séparative pour les autres plantations.
        • Seule importe donc la hauteur de la plantation, étant précisé que ne doit pas être prise en compte la croissance naturelle des arbres, ni la date habituelle de leur taille ( 3e civ. 19 mai 2004, n°03-10077).
        • En outre, dans un arrêt du 1er avril 2009, la Cour de cassation a précisé que « la distance existant entre les arbres et la ligne séparative des héritages doit être déterminée depuis cette ligne jusqu’à l’axe médian des troncs des arbres» ( 3e civ. 1er avr. 2009, n°08-11876).
      • Exception
        • L’article 671 prévoit une exception à la règle prescrivant une distance à observer entre les plantations et la limite du fonds.
        • En effet, l’alinéa 2 de ce texte dispose que lorsqu’existe un mur séparatif des plantations peuvent être faites « en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l’on soit tenu d’observer aucune distance, mais [elles] ne pourront dépasser la crête du mur».
        • Si le mur n’est pas mitoyen, seul son propriétaire peut procéder à de telles plantations en espaliers.

b) Les conditions tenant à l’aspect de la clôture

Outre les règles d’emplacement de la clôture, doivent également être observées des règles qui tiennent à son aspect.

En principe, le choix de la clôture est libre, mais il est souvent soumis à certaines contraintes fixées par les règles d’urbanisme et plus précisément par les plans locaux d’urbanisme ou par les plans d’occupation des sols.

Ces règles propres à chaque agglomération et commune, peuvent ainsi imposer aux propriétaires des hauteurs ou des distances avec la ligne séparative à respecter ou des matériaux spécifiques à utiliser.

Par exemple, la nature et l’apparence des clôtures sont souvent réglementées par les dispositions du règlement du plan local d’urbanisme (PLU), qui va indiquer en général la hauteur maximale admise ainsi que l’apparence (enduit, etc) ou encore la forme que peuvent prendre les clôtures, en général :

  • Un mur plein
  • Un mur bahut d’une certaine hauteur obligatoirement surmonté d’un dispositif à claire-voie ou d’un grillage
  • Un simple grillage sans mur bahut.

Le code de l’urbanisme n’opère pas de distinction selon les types de clôture. Il peut s’agir de clôtures électriques, de grillages ou de tout autre procédé ayant pour fonction de fermer l’accès à un terrain ou d’introduire un obstacle à la circulation.

Dès lors que l’ouvrage a pour finalité de fermer l’accès à un terrain, quel que soit son emplacement sur la parcelle concernée et quelle que soit sa nature, il peut être assimilé à une clôture et, en conséquence, être soumis aux règles du PLU relatives à l’aspect et la forme des clôtures.

À défaut de réglementation spécifique, la hauteur d’un mur ne doit pas être supérieure à 3,20 m pour les villes de 50 000 habitants et plus, et à 2,60 m dans les autres cas, étant précisé que la clôture se mesure à partir du terrain le plus bas.

La clôture réalisée en méconnaissance des règles du PLU peut donner lieu à des sanctions pénales et une procédure devant le tribunal correctionnel.

L’aspect de la clôture peut également être stipulé par le cahier des charges d’une copropriété lorsque le fonds relève d’un lotissement, auquel cas les propriétaires seront tenus de s’y soumettre.

c) Les conditions tenant à la déclaration préalable

L’édification d’une clôture n’est, en principe, pas subordonnée à l’accomplissement d’une déclaration préalable.

Lorsque, toutefois, le fonds se situe dans une zone particulière une telle déclaration peut être exigée.

L’article R. 421-12 du Code de l’urbanisme prévoit en ce sens que doit être précédée d’une déclaration préalable l’édification d’une clôture située :

  • Dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable classé en application de l’article L. 631-1 du code du patrimoine ou dans les abords des monuments historiques définis à l’article L. 621-30 du code du patrimoine ;
  • Dans un site inscrit ou dans un site classé ou en instance de classement en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de l’environnement ;
  • Dans un secteur délimité par le plan local d’urbanisme en application de l’article L. 151-19 ou de l’article L. 151-23 ;
  • Dans une commune ou partie de commune où le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme a décidé de soumettre les clôtures à déclaration.

Ainsi, l’édification de clôtures peut être soumise à déclaration préalable, dès lors que le projet est situé dans un secteur sauvegardé, dans le champ de visibilité d’un monument historique, dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, dans un site inscrit ou un site classé, dans un secteur délimité de plan local d’urbanisme (PLU) ou par délibération du conseil municipal ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en PLU sur tout ou partie de la commune.

La jurisprudence a précisé que seule l’édification d’une clôture est soumise à la déclaration préalable et non sa rénovation ou sa modification (V. en ce sens Cass. crim., 26 févr. 1985).

La déclaration préalable doit satisfaire aux exigences de formes prescrites aux articles R. 431-35 à R. 431-37 du Code de l’urbanisme et notamment comporter

  • L’identité du ou des déclarants ;
  • La localisation et la superficie du ou des terrains ;
  • La nature des travaux ou du changement de destination ;
  • S’il y a lieu, la surface de plancher et la destination des constructions projetées ;
  • Les éléments, fixés par arrêtés, nécessaires au calcul des impositions.

La déclaration préalable doit, ensuite être adressée par pli recommandé avec demande d’avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés (art. R. 423-1 C. urb.).

La déclaration et le dossier qui l’accompagnent sont établis en deux exemplaires pour les déclarations préalables (art. R. 423-2 C. urb.).

Dans les quinze jours qui suivent le dépôt de la déclaration et pendant la durée d’instruction de celle-ci, le maire procède à l’affichage en mairie d’un avis de dépôt de demande de permis ou de déclaration préalable précisant les caractéristiques essentielles du projet, dans des conditions prévues par arrêté du ministre chargé de l’urbanisme (art. R. 423-6 C. urb.).

Le délai d’instruction de droit commun est un mois pour les déclarations préalables, étant précisé que ce délai court à compter de la réception en mairie d’un dossier complet.

À défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction déterminé le silence gardé par l’autorité compétente vaut décision de non-opposition à la déclaration préalable (art. R. 424-1 C. urb.).

B) Les limites du droit de se clore

Le droit de se clore rencontre trois sortes de limites :

  • Celles qui tiennent au droit de vaine pâture
  • Celles qui tiennent au respect des servitudes
  • Celles qui tiennent à l’abus de droit

==> Les limites tenant au droit de vaine pâture

On entend par vaine pâture le droit qu’ont les habitants d’une commune de mener paître leurs bestiaux sur les terres incultes de leur territoire, ainsi que sur les autres fonds non clos, dépouillés de leurs récoltes après les premières et secondes herbes.

Lorsque ce droit existe entre les habitants d’une même commune, on lui donne le nom de vaine pâture et il prend celui de parcours lorsqu’il s’exerce de commune en commune.

Ainsi, le droit de parcours n’est qu’un droit de vaine pâture exercée sur une plus grande échelle.

Les droits de vaine pâture et de parcours ont toujours été regardés comme des actes de simple tolérance. Sous l’ancien régime ils sont devenus constitutifs d’une servitude, à telle enseigne qu’il était défendu aux propriétaires de clore leur héritage.

Cette interdiction a été levée par les révolutionnaires qui, dans le même temps, ont conservé le droit de vaine pâture dans le Code rural adopté en 1791.

La loi du 9 juillet 1889 a maintenu ce droit dans deux cas :

  • Premier cas: l’article L. 651-1 du Code rural et de la pêche maritime prévoit que « le droit de vaine pâture appartenant à la généralité des habitants et s’appliquant en même temps à la généralité d’une commune ou d’une section de commune, en vertu d’une ancienne loi ou coutume, d’un usage immémorial ou d’un titre, n’est reconnu que s’il a fait l’objet avant le 9 juillet 1890 d’une demande de maintien non rejetée par le conseil départemental ou par un décret en Conseil d’État. »
  • Second cas: l’article L. 651-10 du Code rural et de la pêche maritime prévoit que « la vaine pâture fondée sur un titre, et établie sur un héritage déterminé, soit au profit d’un ou plusieurs particuliers, soit au profit de la généralité des habitants d’une commune, est maintenue et continue à s’exercer conformément aux droits acquis. Mais le propriétaire de l’héritage grevé peut toujours s’affranchir soit moyennant une indemnité fixée à dire d’experts, soit par voie de cantonnement »

Quant à l’exercice du droit de vaine pâture il est très strictement encadré. Ainsi, dans aucun cas et dans aucun temps, la vaine pâture ne peut s’exercer sur les prairies artificielles.

Par ailleurs, elle ne peut avoir lieu sur aucune terre ensemencée ou couverte d’une production quelconque faisant l’objet d’une récolte, tant que la récolte n’est pas enlevée.

En outre les conseils municipaux peuvent réglementer le droit de vaine pâture, notamment pour en suspendre l’exercice en cas d’épizootie, le dégel ou de pluies torrentielles, pour cantonner les troupeaux de différents propriétaires ou les animaux d’espèces différentes, pour interdire la présence d’animaux dangereux ou malades dans les troupeaux.

Surtout, l’article L. 651-4 prévoit que « le droit de vaine pâture ne fait jamais obstacle à la faculté que conserve tout propriétaire soit d’user d’un nouveau mode d’assolement ou de culture, soit de se clore. Tout terrain clos est affranchi de la vaine pâture. »

Cette disposition ne fait que reprendre la règle énoncée à l’article 648 du Code civil qui autorise expressément les propriétaires, par principe, à faire obstacle au droit de vaine pâture en élevant des clôtures sur leurs fonds.

Le texte prévoit en ce sens que « le propriétaire qui veut se clore perd son droit au parcours et vaine pâture en proportion du terrain qu’il y soustrait. »

L’idée qui préside à cette règle est que celui qui retire sa mise de la société ne prenne plus de part dans la mise des autres.

Pour exemple, lorsqu’un propriétaire a clos un quart de son héritage, il ne peut plus faire paître que les trois quarts des bestiaux pour lesquels il avait droit antérieurement.

Lorsque toutefois, le droit de vaine pâture est fondé sur un titre, il ne peut plus être exercé puisque s’apparentant alors à une servitude (V. en ce sens Cass. req. 28 juill. 1875).

==> Les limites tenant au respect des servitudes

L’exercice du droit de se clore ne peut jamais porter atteinte aux servitudes susceptibles de grever le fonds.

Ainsi, l’installation d’une clôture ne doit jamais entraver l’exercice notamment :

  • D’une servitude de passage
  • D’une servitude d’écoulement des eaux

Ainsi que l’ont relevé des auteurs, « d’une manière plus générale le droit de se clore est limité par l’obligation de ne pas mettre obstacle à l’exercice d’une servitude quelconque dont le fonds serait grevé au profit d’un autre fonds »[3].

Dans un arrêt du 28 juin 1853 la Cour de cassation a précisé qu’il appartient au juge « tout en respectant autant que possible le droit de clôture du fonds servant, de veiller à ce qu’aux termes de l’article 701, il ne soit rien fait qui tende à diminuer ou à rendre plus incommode, au préjudice du fonds dominant, l’usage de la servitude » (Cass. civ., 28 juin 1853).

Dans un arrêt du 21 novembre 1969 la troisième chambre civile a encore affirmé que si le propriétaire d’un fonds grevé d’une servitude de passage conserve le droit d’y faire tous travaux qu’il juge convenables et de se clore, il ne doit cependant rien entreprendre qui puisse diminuer l’usage de la servitude ou le rendre moins commode, l’appréciation des circonstances modificatives de cet usage rentrant dans les pouvoirs souverains des juges du fond.

Au cas particulier, elle relève que les propriétaires du fonds grevé avaient réduit la largeur du passage, qui n’était plus que de 3,38 m, alors qu’il devait être de 4 mètres et en déduit que le trouble ainsi apporte à l’exercice du passage ne pouvait être utilement contesté puisque ledit passage était le seul accès permettant au propriétaire du fonds dominant d’exploiter sa ferme (Cass. 3e civ. 21 nov. 1969).

==> Les limites tenant à l’abus de droit

Le droit de se clore doit, pour pouvoir être librement exercé, ne pas dégénérer en abus de droit, soit être exercé dans l’intention de nuire au propriétaire du fonds voisin.

Deux critères sont traditionnellement exigés pour caractériser l’abus de droit de propriété : l’inutilité de l’action du propriétaire et son intention de nuire.

  • S’agissant de l’inutilité de l’action du propriétaire
    • Il s’agit ici d’établir que l’action du propriétaire ne lui procure aucune utilité personnelle
    • Dans l’arrêt Clément Bayard, la Cour de cassation avait jugé en ce sens que le dispositif ne présentait aucune utilité pour le terrain.
    • Elle avait en outre relevé que ce dispositif avait été érigé « sans d’ailleurs, à la hauteur à laquelle il avait été élevé, constituer au sens de l’article 647 du code civil, la clôture que le propriétaire est autorisé à construire pour la protection de ses intérêts légitimes»
    • Au sujet du critère de l’inutilité, dans un arrêt du 20 janvier 1964, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que « l’exercice du droit de propriété qui a pour limite la satisfaction d’un intérêt sérieux et légitime, ne saurait autoriser l’accomplissement d’actes malveillants, ne se justifiant par aucune utilité appréciable et portant préjudice à autrui» ( 2e civ., 20 janv. 1964).
  • S’agissant de l’intention de nuire du propriétaire
    • L’intention de nuire qui est un critère psychologique, est l’élément central de la notion d’abus de droit
    • En effet, c’est l’intention de celui qui exerce son droit de propriété qui permet de caractériser l’abus de droit.
    • Dès lors, la recherche du juge consistera en une analyse des mobiles du propriétaire.
    • À l’évidence, l’exercice est difficile, l’esprit se laissant, par hypothèse, difficilement sondé.
    • Comment, dans ces conditions, démontrer l’intention de nuire, étant précisé que la charge de la preuve pèse sur le demandeur, soit sur la victime de l’abus ?
    • Compte tenu de la difficulté qu’il y a à rapporter la preuve de l’intention de nuire, la jurisprudence admet qu’elle puisse se déduire de constatations matérielles, en particulier l’inutilité de l’action du propriétaire et le préjudice causé.
    • Si le propriétaire n’avait aucun intérêt légitime à exercer son droit de propriété comme il l’a fait, on peut conjecturer que son comportement procède d’une intention de nuire à autrui, à plus forte raison s’il en résulte en préjudice.

S’agissant du droit de se clore, la Cour de cassation a, dans un arrêt du 30 octobre 1972, admis qu’il puisse dégénérer en abus de droit.

  • Faits
    • Un propriétaire édifie un mur face à la maison de ses voisins et installe plusieurs rangées de fils de fer barbelés dans le grillage séparant son jardin du chemin qui le borde
    • Les propriétaires du fonds voisin sollicitent la démolition du mur arguant qu’il avait été édifié dans l’unique but de priver leur habitation de vue et de lumière et d’en gêner l’accès.
    • De son côté, le propriétaire du mur soutient que l’édification de ce mur aurait été prescrite par l’autorité sanitaire, après l’enquête provoquée par les plaintes de ses voisins du fait des odeurs provenant de l’élevage de bestiaux.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 29 mars 1971, la Cour d’appel d’Orléans ordonne la démolition du mur litigieux et le retrait des rangées de fils barbelés.
    • Les juges du fond relèvent :
      • D’une part, que les conditions imposées par l’administration au défendeur pour la poursuite de son exploitation d’élevage ne comprenaient pas l’édification du mur litigieux
      • D’autre part, que c’est à la suite de la plainte portée par les voisins auprès de l’autorité administrative que le défendeur a fait élever en face de la maison de ceux-ci, sans le prolonger au-delà, le mur litigieux, qui a été ultérieurement surmonté d’un grillage supportant des plantes grimpantes, manifestant de la sorte son intention évidente de priver leur habitation de vue et de lumière et d’en gêner l’accès, et a fait placer dans le grillage, qui était suffisant pour servir de clôture a son jardin, des rangées de fils de fer barbelés, créant ainsi un danger certain pour les usagers du chemin et notamment pour les enfants
    • La Cour d’appel en conclut que les actes du propriétaire du mur litigieux ne se justifiaient par aucune utilité appréciable en vue de satisfaire un intérêt sérieux et ont été inspirés par une intention malveillante, qui apparaît encore dans la pose, contre le mur litigieux et face à l’entrée de la maison des demandeurs à l’action, d’une pancarte portant l’inscription, « mur du repentir et de la honte, pour ceux qui en ont obligé la construction, que les morveux se mouchent»
  • Décision
    • Par un arrêt du 30 octobre 1972 la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le propriétaire du mur litigieux.
    • Elle considère que la pose du mur avait bien dégénéré en abus de droit eu égard les circonstances de son édification et les motivations de son auteur.

Il ressort de cet arrêt que, lorsque l’intention de nuire est établie, il peut être fait échec à l’exercice du droit de se clore.

Lorsque, en revanche, il apparaît que la clôture ne présente pas un aspect inesthétique caractérisé et que son aspect est conforme à une autorisation municipale octroyée au propriétaire du fond, il a été jugé que l’action en trouble de voisinage ne peut pas prospérer (Cass. 3e civ. 18 janv. 2011, n°09-17459).

La clôture : régime juridique

==> Généralités

L’article 647 du code civil dispose que « tout propriétaire peut clore son héritage, sauf l’exception portée en l’article 682. »

Est ainsi exprimée la prérogative qui échoit au propriétaire de dresser des barrières physiques sur son fonds afin d’empêcher que l’on y pénètre sans y avoir été invité.

À cet égard, le droit de se clore prévu par l’article 647 du Code civil n’est pas seulement un moyen de protéger le propriétaire contre les incursions des tiers mais est aussi le signe que la vue de son bien est une utilité qui lui appartient.

La clôture est en quelque sorte la marque de la souveraineté exercée par le propriétaire sur son bien, marque à laquelle étaient très attachés les révolutionnaires.

Sous l’ancien régime, en effet, il était défendu de disposer des obstacles sur ses terres en raison du droit dont étaient titulaires les seigneurs de pénétrer dans les domaines aux fins d’y chasser le gibier.

La nuit du 4 août 1789 emporta avec elle ce privilège de chasse. Il s’ensuivit l’adoption de la loi des 28 septembre et 6 octobre 1791 qui rompit avec l’ancien droit féodal et consacra le droit fondamental pour chaque propriétaire d’élever une clôture

Le texte prévoyait en ce sens que « le droit de clore et de déclore ses héritages résulte essentiellement de celui de propriété, et ne peut être contesté à aucun propriétaire. »

La question s’est posée en doctrine de la nature de ce droit qui est envisagée dans le chapitre consacré aux servitudes qui dérivent de la situation des lieux.

À l’examen, le droit de se clore relève moins de la catégorie des servitudes que des attributs du droit de propriété.

Pour constituer une servitude il faut qu’existe un rapport entre un fonds servant et un fonds dominant. Or par hypothèse, ce rapport est inexistant en matière de clôture l’exercice du droit de se clore n’ayant pas pour effet d’asservir le fonds voisin.

Il s’agit là d’une prérogative qui peut être exercée discrétionnairement et qui, au vrai, peut être rattachée à l’article 544 du Code civil.

À cet égard, dans un arrêt du 3 février 1913, la Cour de cassation a affirmé que « le droit de clore ou de déclore les héritages résulte essentiellement de celui de la propriété » (Cass. 3e civ., 3 févr. 1913)

De surcroît, comme le droit de propriété, le droit de se clore ne se prescrit pas par le non-usage, ce qui est le cas des servitudes (art. 706 C. civ.)

==> Clôture et bornage

Bien que les deux opérations soient proches et entretiennent des liens étroits, le bornage et la clôture se distinguent fondamentalement.

Tandis que le bornage vise à déterminer la ligne divisoire, séparative entre deux fonds contigus, la clôture est ce qui sert à enclore un espace et à empêcher la communication avec les héritages voisins.

En toute logique, l’opération de bornage précède toujours la clôture, celle-ci prenant assiste sur la ligne séparative des fonds contigus.

Surtout les deux opérations se distinguent en ce que le bornage est toujours réalisé contradictoirement, alors que la clôture d’un fonds peut s’opérer unilatéralement.

En effet, régulièrement la jurisprudence rappelle que le bornage doit nécessairement être réalisé au contradictoire des propriétaires de tous les fonds concernés par l’opération.

Tel n’est pas le cas de la clôture qui peut être posée sur l’initiative d’un seul propriétaire, charge à lui de s’assurer de ne pas empiéter sur le fonds voisin. Le code civil envisage d’ailleurs la clôture comme une action unilatérale en prévoyant à l’article 647 que « tout propriétaire peut clore son héritage ».

À l’inverse, le bornage ne peut jamais se déduire de l’existence d’une clôture dont l’installation ne résulterait pas d’un commun accord entre les propriétaires.

Il en résulte que la présence, d’un mur, d’une haie ou de toute autre forme de clôture est sans incidence sur le droit du propriétaire du fonds voisin à exiger la réalisation ultérieure d’une opération de bornage (V. en ce sens Cass. civ. 4 mars 1879)

Aussi, pour que le bornage produise ses pleins effets, plusieurs conditions doivent être réunies, après quoi seulement l’opération qui consiste à borner peut être mise en œuvre.

==> Statut

Selon son emplacement, la clôture peut être affectée à un usage exclusivement privatif ou être affectée à l’usage des deux propriétaires des fonds contigus.

Dans le premier cas, elle sera à la charge du seul propriétaire du fonds sur lequel elle est implantée, dans le second cas, elle sera mitoyenne de sorte que l’obligation d’entretien pèse sur les deux propriétaires.

En tout état de cause, l’élévation d’une clôture n’est, en principe, jamais contrainte. Et pour cause, elle est envisagée par le Code civil comme un droit.

Assez paradoxalement néanmoins il est des circonstances où la clôture est constitutive d’une obligation, le voisinage pouvant contraindre un propriétaire à clore sa propriété.

I) Le droit de se clore

A) Le contenu du droit de se clore

  1. Notion de clôture

L’article R. 651-1 du Code rural et de la pêche maritime prévoir que, est réputé clos « tout terrain entouré, soit par une haie vive, soit par un mur, une palissade, un treillage, une haie sèche d’une hauteur d’un mètre au moins, soit par un fossé d’un mètre vingt à l’ouverture et de cinquante centimètres de profondeur, soit par des traverses en bois ou des fils métalliques distants entre eux de trente-trois centimètres au plus s’élevant à un mètre de hauteur, soit par toute autre clôture continue et équivalente faisant obstacle à l’introduction des animaux »

Une clôture consiste ainsi en tout ce qui vise à empêcher la pénétration d’un tiers ou d’animaux dans une propriété.

La circulaire n°78-112 du 21 août 1978 assimile à une clôture les « murs, portes de clôture, clôtures à claire-voie, clôtures en treillis, clôtures de pieux, clôtures métalliques, palissades, grilles, herses, barbelés, lices, échaliers »

Ces listes établies par les textes ne sont pas exhaustives, le juge disposant d’un pouvoir d’appréciation en la matière.

En tout état de cause, la clôture élevée par le propriétaire sur son fonds peut être naturelle (une haie) ou artificielle (un mur), pourvu qu’elle obstrue le passage et qu’elle soit continue et constante (art. L. 424-3 C. env.)

A l’analyse, il ressort de la jurisprudence que constitue une clôture tout ouvrage dont la finalité consiste à fermer l’accès à tout ou partie d’une propriété.

Dans un arrêt du 21 juillet 2009, le Conseil d’État a précisé que, un tel ouvrage n’a pas à être implanté en limite de propriété pour constituer une clôture.

2. Condition d’installation de la clôture

a) Les conditions tenant à la position la clôture

==> Principe : installation en limite de fonds

Par principe, une clôture peut être installée en limite de fonds. Si elle est mitoyenne, ou si le voisin y consent, elle pourra être élevée sur la ligne séparative.

À défaut d’accord, la clôture devra être en positionnée en retrait, faute de quoi elle empiéterait sur le fonds voisin ce qui autoriserait son propriétaire à solliciter son déplacement, voire sa démolition (Cass. 3e civ., 20 mars 2002, n°00-16.015).

Celui qui installe une clôture sur son fond doit ainsi être extrêmement vigilant quant à son emplacement.

À cet égard, il ne devra pas seulement veiller à ce que l’ouvrage qu’il élève n’empiète pas sur le fonds voisin, il devra encore s’assurer, si la clôture consiste en des plantations, que la distance avec la ligne séparative est respectée.

==> Exception : observation d’une distance avec la ligne séparative

Lorsque la clôture consiste en des plantations, soit en une haie ou des arbustes, elle ne pourra pas être positionnée en limite de fonds.

La règle est énoncée à l’article 671 du Code civil qui prévoit que « il n’est permis d’avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu’à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d’un demi-mètre pour les autres plantations. »

Le principe qui s’infère de cette disposition est que pour éviter que les plantations nuisent au fonds voisin par leurs branches et leurs racines, l’article 671 interdit en principe à un propriétaire « d’avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes » jusqu’à l’extrême limite de son terrain.

Ainsi que l’observe un auteur toutes les plantations sont en réalité visées par cette interdiction[1]. Au vrai, la seule question qui se pose est de savoir quelle est la distance minimale qui doit être observée entre les plantations et la ligne séparative du fonds.

Afin de déterminer la distance requise, l’article 671 du Code civil renvoie, d’abord aux règlements et usage, puis subsidiairement prescrit une distance par défaut.

  • La distance prévue par les règlements et les usages
    • Pour savoir jusqu’à quelle distance un propriétaire peut avoir des plantations, il est nécessaire de se référer en premier lieu aux règlements particuliers et aux usages constants et reconnus.
      • S’agissant des règlements particuliers
        • Ils sont constitués par les arrêtés, les documents d’urbanisme ou les servitudes d’utilité publique susceptibles de prescrire des distances ou des hauteurs particulières de plantations.
      • S’agissant des usages
        • Ils peuvent quant à eux être relevés par les chambres d’agriculture[2], mais ils peuvent également être directement reconnus par les juges du fond.
        • Ainsi, l’usage parisien autorise à planter jusqu’à l’extrême limite de son fonds, compte tenu de l’exiguïté des parcelles (V. en ce sens 3e civ., 14 février 1984, n°82-16092).
        • Il en va de même pour le pays de Caux ou à Marseille.
        • Dans certains cas, comme à Poitiers, les usages prescrivent des distances supérieures à celles prévues par le code civil.
  • La distance prévue par le code civil
    • Ce n’est qu’à défaut de règlement et d’usage que s’appliquent les distances prévues par le code civil, qui ont donc un caractère subsidiaire.
    • Dans cette hypothèse, l’article 671 pose un principe qu’il assortit d’une limite à l’alinéa 2.
      • Principe
        • La distance à observer dépend de la hauteur de la plantation, étant précisé que le calcul de cette hauteur ne tient pas compte de l’inclinaison du fonds, mais seulement de la taille intrinsèque de la plantation, de la base à son sommet (V. en ce sens 3e civ., 4 nov. 1998, n°96-19708).
        • Ainsi, la distance d’espacement est donc de :
          • Deux mètres de la ligne séparative pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres
          • Un demi-mètre de la ligne séparative pour les autres plantations.
        • Seule importe donc la hauteur de la plantation, étant précisé que ne doit pas être prise en compte la croissance naturelle des arbres, ni la date habituelle de leur taille ( 3e civ. 19 mai 2004, n°03-10077).
        • En outre, dans un arrêt du 1er avril 2009, la Cour de cassation a précisé que « la distance existant entre les arbres et la ligne séparative des héritages doit être déterminée depuis cette ligne jusqu’à l’axe médian des troncs des arbres» ( 3e civ. 1er avr. 2009, n°08-11876).
      • Exception
        • L’article 671 prévoit une exception à la règle prescrivant une distance à observer entre les plantations et la limite du fonds.
        • En effet, l’alinéa 2 de ce texte dispose que lorsqu’existe un mur séparatif des plantations peuvent être faites « en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l’on soit tenu d’observer aucune distance, mais [elles] ne pourront dépasser la crête du mur».
        • Si le mur n’est pas mitoyen, seul son propriétaire peut procéder à de telles plantations en espaliers.

b) Les conditions tenant à l’aspect de la clôture

Outre les règles d’emplacement de la clôture, doivent également être observées des règles qui tiennent à son aspect.

En principe, le choix de la clôture est libre, mais il est souvent soumis à certaines contraintes fixées par les règles d’urbanisme et plus précisément par les plans locaux d’urbanisme ou par les plans d’occupation des sols.

Ces règles propres à chaque agglomération et commune, peuvent ainsi imposer aux propriétaires des hauteurs ou des distances avec la ligne séparative à respecter ou des matériaux spécifiques à utiliser.

Par exemple, la nature et l’apparence des clôtures sont souvent réglementées par les dispositions du règlement du plan local d’urbanisme (PLU), qui va indiquer en général la hauteur maximale admise ainsi que l’apparence (enduit, etc) ou encore la forme que peuvent prendre les clôtures, en général :

  • Un mur plein
  • Un mur bahut d’une certaine hauteur obligatoirement surmonté d’un dispositif à claire-voie ou d’un grillage
  • Un simple grillage sans mur bahut.

Le code de l’urbanisme n’opère pas de distinction selon les types de clôture. Il peut s’agir de clôtures électriques, de grillages ou de tout autre procédé ayant pour fonction de fermer l’accès à un terrain ou d’introduire un obstacle à la circulation.

Dès lors que l’ouvrage a pour finalité de fermer l’accès à un terrain, quel que soit son emplacement sur la parcelle concernée et quelle que soit sa nature, il peut être assimilé à une clôture et, en conséquence, être soumis aux règles du PLU relatives à l’aspect et la forme des clôtures.

À défaut de réglementation spécifique, la hauteur d’un mur ne doit pas être supérieure à 3,20 m pour les villes de 50 000 habitants et plus, et à 2,60 m dans les autres cas, étant précisé que la clôture se mesure à partir du terrain le plus bas.

La clôture réalisée en méconnaissance des règles du PLU peut donner lieu à des sanctions pénales et une procédure devant le tribunal correctionnel.

L’aspect de la clôture peut également être stipulé par le cahier des charges d’une copropriété lorsque le fonds relève d’un lotissement, auquel cas les propriétaires seront tenus de s’y soumettre.

c) Les conditions tenant à la déclaration préalable

L’édification d’une clôture n’est, en principe, pas subordonnée à l’accomplissement d’une déclaration préalable.

Lorsque, toutefois, le fonds se situe dans une zone particulière une telle déclaration peut être exigée.

L’article R. 421-12 du Code de l’urbanisme prévoit en ce sens que doit être précédée d’une déclaration préalable l’édification d’une clôture située :

  • Dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable classé en application de l’article L. 631-1 du code du patrimoine ou dans les abords des monuments historiques définis à l’article L. 621-30 du code du patrimoine ;
  • Dans un site inscrit ou dans un site classé ou en instance de classement en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de l’environnement ;
  • Dans un secteur délimité par le plan local d’urbanisme en application de l’article L. 151-19 ou de l’article L. 151-23 ;
  • Dans une commune ou partie de commune où le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme a décidé de soumettre les clôtures à déclaration.

Ainsi, l’édification de clôtures peut être soumise à déclaration préalable, dès lors que le projet est situé dans un secteur sauvegardé, dans le champ de visibilité d’un monument historique, dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, dans un site inscrit ou un site classé, dans un secteur délimité de plan local d’urbanisme (PLU) ou par délibération du conseil municipal ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en PLU sur tout ou partie de la commune.

La jurisprudence a précisé que seule l’édification d’une clôture est soumise à la déclaration préalable et non sa rénovation ou sa modification (V. en ce sens Cass. crim., 26 févr. 1985).

La déclaration préalable doit satisfaire aux exigences de formes prescrites aux articles R. 431-35 à R. 431-37 du Code de l’urbanisme et notamment comporter

  • L’identité du ou des déclarants ;
  • La localisation et la superficie du ou des terrains ;
  • La nature des travaux ou du changement de destination ;
  • S’il y a lieu, la surface de plancher et la destination des constructions projetées ;
  • Les éléments, fixés par arrêtés, nécessaires au calcul des impositions.

La déclaration préalable doit, ensuite être adressée par pli recommandé avec demande d’avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés (art. R. 423-1 C. urb.).

La déclaration et le dossier qui l’accompagnent sont établis en deux exemplaires pour les déclarations préalables (art. R. 423-2 C. urb.).

Dans les quinze jours qui suivent le dépôt de la déclaration et pendant la durée d’instruction de celle-ci, le maire procède à l’affichage en mairie d’un avis de dépôt de demande de permis ou de déclaration préalable précisant les caractéristiques essentielles du projet, dans des conditions prévues par arrêté du ministre chargé de l’urbanisme (art. R. 423-6 C. urb.).

Le délai d’instruction de droit commun est un mois pour les déclarations préalables, étant précisé que ce délai court à compter de la réception en mairie d’un dossier complet.

À défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction déterminé le silence gardé par l’autorité compétente vaut décision de non-opposition à la déclaration préalable (art. R. 424-1 C. urb.).

B) Les limites du droit de se clore

Le droit de se clore rencontre trois sortes de limites :

  • Celles qui tiennent au droit de vaine pâture
  • Celles qui tiennent au respect des servitudes
  • Celles qui tiennent à l’abus de droit

==> Les limites tenant au droit de vaine pâture

On entend par vaine pâture le droit qu’ont les habitants d’une commune de mener paître leurs bestiaux sur les terres incultes de leur territoire, ainsi que sur les autres fonds non clos, dépouillés de leurs récoltes après les premières et secondes herbes.

Lorsque ce droit existe entre les habitants d’une même commune, on lui donne le nom de vaine pâture et il prend celui de parcours lorsqu’il s’exerce de commune en commune.

Ainsi, le droit de parcours n’est qu’un droit de vaine pâture exercée sur une plus grande échelle.

Les droits de vaine pâture et de parcours ont toujours été regardés comme des actes de simple tolérance. Sous l’ancien régime ils sont devenus constitutifs d’une servitude, à telle enseigne qu’il était défendu aux propriétaires de clore leur héritage.

Cette interdiction a été levée par les révolutionnaires qui, dans le même temps, ont conservé le droit de vaine pâture dans le Code rural adopté en 1791.

La loi du 9 juillet 1889 a maintenu ce droit dans deux cas :

  • Premier cas: l’article L. 651-1 du Code rural et de la pêche maritime prévoit que « le droit de vaine pâture appartenant à la généralité des habitants et s’appliquant en même temps à la généralité d’une commune ou d’une section de commune, en vertu d’une ancienne loi ou coutume, d’un usage immémorial ou d’un titre, n’est reconnu que s’il a fait l’objet avant le 9 juillet 1890 d’une demande de maintien non rejetée par le conseil départemental ou par un décret en Conseil d’État. »
  • Second cas: l’article L. 651-10 du Code rural et de la pêche maritime prévoit que « la vaine pâture fondée sur un titre, et établie sur un héritage déterminé, soit au profit d’un ou plusieurs particuliers, soit au profit de la généralité des habitants d’une commune, est maintenue et continue à s’exercer conformément aux droits acquis. Mais le propriétaire de l’héritage grevé peut toujours s’affranchir soit moyennant une indemnité fixée à dire d’experts, soit par voie de cantonnement »

Quant à l’exercice du droit de vaine pâture il est très strictement encadré. Ainsi, dans aucun cas et dans aucun temps, la vaine pâture ne peut s’exercer sur les prairies artificielles.

Par ailleurs, elle ne peut avoir lieu sur aucune terre ensemencée ou couverte d’une production quelconque faisant l’objet d’une récolte, tant que la récolte n’est pas enlevée.

En outre les conseils municipaux peuvent réglementer le droit de vaine pâture, notamment pour en suspendre l’exercice en cas d’épizootie, le dégel ou de pluies torrentielles, pour cantonner les troupeaux de différents propriétaires ou les animaux d’espèces différentes, pour interdire la présence d’animaux dangereux ou malades dans les troupeaux.

Surtout, l’article L. 651-4 prévoit que « le droit de vaine pâture ne fait jamais obstacle à la faculté que conserve tout propriétaire soit d’user d’un nouveau mode d’assolement ou de culture, soit de se clore. Tout terrain clos est affranchi de la vaine pâture. »

Cette disposition ne fait que reprendre la règle énoncée à l’article 648 du Code civil qui autorise expressément les propriétaires, par principe, à faire obstacle au droit de vaine pâture en élevant des clôtures sur leurs fonds.

Le texte prévoit en ce sens que « le propriétaire qui veut se clore perd son droit au parcours et vaine pâture en proportion du terrain qu’il y soustrait. »

L’idée qui préside à cette règle est que celui qui retire sa mise de la société ne prenne plus de part dans la mise des autres.

Pour exemple, lorsqu’un propriétaire a clos un quart de son héritage, il ne peut plus faire paître que les trois quarts des bestiaux pour lesquels il avait droit antérieurement.

Lorsque toutefois, le droit de vaine pâture est fondé sur un titre, il ne peut plus être exercé puisque s’apparentant alors à une servitude (V. en ce sens Cass. req. 28 juill. 1875).

==> Les limites tenant au respect des servitudes

L’exercice du droit de se clore ne peut jamais porter atteinte aux servitudes susceptibles de grever le fonds.

Ainsi, l’installation d’une clôture ne doit jamais entraver l’exercice notamment :

  • D’une servitude de passage
  • D’une servitude d’écoulement des eaux

Ainsi que l’ont relevé des auteurs, « d’une manière plus générale le droit de se clore est limité par l’obligation de ne pas mettre obstacle à l’exercice d’une servitude quelconque dont le fonds serait grevé au profit d’un autre fonds »[3].

Dans un arrêt du 28 juin 1853 la Cour de cassation a précisé qu’il appartient au juge « tout en respectant autant que possible le droit de clôture du fonds servant, de veiller à ce qu’aux termes de l’article 701, il ne soit rien fait qui tende à diminuer ou à rendre plus incommode, au préjudice du fonds dominant, l’usage de la servitude » (Cass. civ., 28 juin 1853).

Dans un arrêt du 21 novembre 1969 la troisième chambre civile a encore affirmé que si le propriétaire d’un fonds grevé d’une servitude de passage conserve le droit d’y faire tous travaux qu’il juge convenables et de se clore, il ne doit cependant rien entreprendre qui puisse diminuer l’usage de la servitude ou le rendre moins commode, l’appréciation des circonstances modificatives de cet usage rentrant dans les pouvoirs souverains des juges du fond.

Au cas particulier, elle relève que les propriétaires du fonds grevé avaient réduit la largeur du passage, qui n’était plus que de 3,38 m, alors qu’il devait être de 4 mètres et en déduit que le trouble ainsi apporte à l’exercice du passage ne pouvait être utilement contesté puisque ledit passage était le seul accès permettant au propriétaire du fonds dominant d’exploiter sa ferme (Cass. 3e civ. 21 nov. 1969).

==> Les limites tenant à l’abus de droit

Le droit de se clore doit, pour pouvoir être librement exercé, ne pas dégénérer en abus de droit, soit être exercé dans l’intention de nuire au propriétaire du fonds voisin.

Deux critères sont traditionnellement exigés pour caractériser l’abus de droit de propriété : l’inutilité de l’action du propriétaire et son intention de nuire.

  • S’agissant de l’inutilité de l’action du propriétaire
    • Il s’agit ici d’établir que l’action du propriétaire ne lui procure aucune utilité personnelle
    • Dans l’arrêt Clément Bayard, la Cour de cassation avait jugé en ce sens que le dispositif ne présentait aucune utilité pour le terrain.
    • Elle avait en outre relevé que ce dispositif avait été érigé « sans d’ailleurs, à la hauteur à laquelle il avait été élevé, constituer au sens de l’article 647 du code civil, la clôture que le propriétaire est autorisé à construire pour la protection de ses intérêts légitimes»
    • Au sujet du critère de l’inutilité, dans un arrêt du 20 janvier 1964, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que « l’exercice du droit de propriété qui a pour limite la satisfaction d’un intérêt sérieux et légitime, ne saurait autoriser l’accomplissement d’actes malveillants, ne se justifiant par aucune utilité appréciable et portant préjudice à autrui» ( 2e civ., 20 janv. 1964).
  • S’agissant de l’intention de nuire du propriétaire
    • L’intention de nuire qui est un critère psychologique, est l’élément central de la notion d’abus de droit
    • En effet, c’est l’intention de celui qui exerce son droit de propriété qui permet de caractériser l’abus de droit.
    • Dès lors, la recherche du juge consistera en une analyse des mobiles du propriétaire.
    • À l’évidence, l’exercice est difficile, l’esprit se laissant, par hypothèse, difficilement sondé.
    • Comment, dans ces conditions, démontrer l’intention de nuire, étant précisé que la charge de la preuve pèse sur le demandeur, soit sur la victime de l’abus ?
    • Compte tenu de la difficulté qu’il y a à rapporter la preuve de l’intention de nuire, la jurisprudence admet qu’elle puisse se déduire de constatations matérielles, en particulier l’inutilité de l’action du propriétaire et le préjudice causé.
    • Si le propriétaire n’avait aucun intérêt légitime à exercer son droit de propriété comme il l’a fait, on peut conjecturer que son comportement procède d’une intention de nuire à autrui, à plus forte raison s’il en résulte en préjudice.

S’agissant du droit de se clore, la Cour de cassation a, dans un arrêt du 30 octobre 1972, admis qu’il puisse dégénérer en abus de droit.

  • Faits
    • Un propriétaire édifie un mur face à la maison de ses voisins et installe plusieurs rangées de fils de fer barbelés dans le grillage séparant son jardin du chemin qui le borde
    • Les propriétaires du fonds voisin sollicitent la démolition du mur arguant qu’il avait été édifié dans l’unique but de priver leur habitation de vue et de lumière et d’en gêner l’accès.
    • De son côté, le propriétaire du mur soutient que l’édification de ce mur aurait été prescrite par l’autorité sanitaire, après l’enquête provoquée par les plaintes de ses voisins du fait des odeurs provenant de l’élevage de bestiaux.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 29 mars 1971, la Cour d’appel d’Orléans ordonne la démolition du mur litigieux et le retrait des rangées de fils barbelés.
    • Les juges du fond relèvent :
      • D’une part, que les conditions imposées par l’administration au défendeur pour la poursuite de son exploitation d’élevage ne comprenaient pas l’édification du mur litigieux
      • D’autre part, que c’est à la suite de la plainte portée par les voisins auprès de l’autorité administrative que le défendeur a fait élever en face de la maison de ceux-ci, sans le prolonger au-delà, le mur litigieux, qui a été ultérieurement surmonté d’un grillage supportant des plantes grimpantes, manifestant de la sorte son intention évidente de priver leur habitation de vue et de lumière et d’en gêner l’accès, et a fait placer dans le grillage, qui était suffisant pour servir de clôture a son jardin, des rangées de fils de fer barbelés, créant ainsi un danger certain pour les usagers du chemin et notamment pour les enfants
    • La Cour d’appel en conclut que les actes du propriétaire du mur litigieux ne se justifiaient par aucune utilité appréciable en vue de satisfaire un intérêt sérieux et ont été inspirés par une intention malveillante, qui apparaît encore dans la pose, contre le mur litigieux et face à l’entrée de la maison des demandeurs à l’action, d’une pancarte portant l’inscription, « mur du repentir et de la honte, pour ceux qui en ont obligé la construction, que les morveux se mouchent»
  • Décision
    • Par un arrêt du 30 octobre 1972 la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le propriétaire du mur litigieux.
    • Elle considère que la pose du mur avait bien dégénéré en abus de droit eu égard les circonstances de son édification et les motivations de son auteur.

Il ressort de cet arrêt que, lorsque l’intention de nuire est établie, il peut être fait échec à l’exercice du droit de se clore.

Lorsque, en revanche, il apparaît que la clôture ne présente pas un aspect inesthétique caractérisé et que son aspect est conforme à une autorisation municipale octroyée au propriétaire du fond, il a été jugé que l’action en trouble de voisinage ne peut pas prospérer (Cass. 3e civ. 18 janv. 2011, n°09-17459).

II) L’obligation de se clore

A) Principe

Si tout propriétaire d’un fonds est titulaire du droit de se clore il est dès cas où cet acte lui est imposé par la loi.

L’article 663 du Code civil dispose en ce sens que « chacun peut contraindre son voisin, dans les villes et faubourgs, à contribuer aux constructions et réparations de la clôture faisant séparation de leurs maisons, cours et jardins assis ès dites villes et faubourgs »

Il ressort de cette disposition que le propriétaire d’un fonds situé dans un espace urbain peut contraindre son voisin à participer à la construction et à l’entretien d’une clôture afin d’empêcher toute communication entre les deux propriétés.

Cette clôture forcée est présentée par une partie de la doctrine comme répondant à un objectif de salubrité publique, en ce sens qu’il s’agirait d’empêcher la constitution de terrains vagues et de lutter contre l’insécurité.

D’autres auteurs arguent, au contraire, que dans la mesure où la règle ainsi édictée n’est pas d’ordre public elle viserait seulement à assurer la tranquillité et la vie privée des habitants des villes.

Reste que pour qu’un propriétaire soit contraint d’élever une clôture sur son fonds encore faut-il que son voisin se prévale du bénéfice de l’article 663. Or la mise en œuvre de cette disposition est subordonnée à la réunion de plusieurs conditions.

B) Conditions

  • Des fonds situés en milieu urbains
    • Le propriétaire d’un fonds ne peut contraindre son voisin à participer à l’élévation d’une clôture qu’à la condition que les fonds soient situés en milieu urbain, l’article 663 visant « les villes et les faubourgs».
    • Il en résulte que cette obligation n’est pas applicable en zone rurale.
    • En l’absence de définition des notions de villes et faubourgs, c’est au juge qu’il appartient d’apprécier la configuration de la zone dans laquelle sont situés les fonds concernés.
  • Des fonds affectés à l’usage d’habitation
    • Seuls les fonds affectés à l’usage d’habitation relèvent du domaine d’application de l’article 663 du Code civil ( req. 28 févr. 1905).
  • Des fonds contigus
    • La jurisprudence exige que les fonds soient contigus, faute de quoi l’article 663 est inapplicable ( req. 1er juill. 1857).
    • Lorsque, dès lors, les deux fonds sont séparés par un espace qui ne leur appartient pas, aucune clôture ne pourra être imposée par un propriétaire à l’autre.
  • L’absence de mur existant
    • Il s’infère de l’article 663 qu’un propriétaire ne peut contraindre son voisin à ériger une clôture qu’à la condition qu’aucun mur ne sépare déjà les deux fonds.
    • L’objectif recherché par le texte est de forcer l’édification d’une clôture et non l’acquisition de la mitoyenneté d’un mur (V. en ce sens Req. 25 juill. 1928).

C) Effets

==> Le partage des frais de construction

L’exercice de la faculté prévue à l’article 663 du Code civil a pour effet de contraindre le propriétaire du fonds voisin à « contribuer aux constructions et réparations de la clôture faisant séparation de leurs maisons, cours et jardins ».

Il s’infère de la règle ainsi posée que les frais de construction doivent être partagés à parts égales entre les propriétaires des deux fonds, étant précisé que le montant des frais s’évalue au jour de la construction.

La clôture alors édifiée sera mitoyenne de sorte que les propriétaires seront copropriétaires de l’ouvrage.

==> Les caractéristiques de la clôture

S’agissant des caractéristiques de la clôture, elles sont envisagées par l’article 663 qui prévoit que « la hauteur de la clôture sera fixée suivant les règlements particuliers ou les usages constants et reconnus et, à défaut d’usages et de règlements, tout mur de séparation entre voisins, qui sera construit ou rétabli à l’avenir, doit avoir au moins trente-deux décimètres de hauteur, compris le chaperon, dans les villes de cinquante mille âmes et au-dessus, et vingt-six décimètres dans les autres. »

Il ressort du texte que la clôture doit présenter certaines caractéristiques, faute de quoi l’un des propriétaires pourra contraindre l’autre à se conformer aux exigences requises.

  • Un mur
    • La première exigence tient à la nature de la clôture qui doit consister en un mur, de sorte qu’une simple haie, un grillage ou encore une palissade sont insuffisants
  • Dimensions
    • Le mur doit être édifié dans le respect de plusieurs dimensions fixées par l’article 663.
    • Tout d’abord, il doit être édifié sur la ligne séparative et s’étendre sur toute la longueur de cette ligne.
    • Ensuite, le mur doit atteindre une hauteur minimum de 3.20 m pour les villes de 50.000 habitants et plus et 2.60 m dans les autres villes, saufs règlements et usages contraires.
    • Les dimensions du mur s’imposent aux propriétaires qu’autant qu’ils n’ont pas trouvé d’accord.
    • Il leur est parfaitement loisible de s’entendre sur la nature de la clôture, en privilégiant par exemple l’installation d’un grillage à un mur ainsi que sur ces dimensions, pourvu que l’ouvrage respecte les règles d’urbanisme.

[1] E. Gavin-Millan Oosterlynck, « Servitudes légales, Distances à observer pour les plantations », J.-Cl. Civil Code, art. 671 à 673, 2010, n° 3.

[2] V. en ce sens l’article L. 511-3 du code rural et de la pêche maritime

[3] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les biens, éd. Dalloz, 2004, n°286, p. 235.

Bornage : l’implantation des bornes

==> Opération d’implantation des bornes

L’opération de bornage consiste toujours en l’accomplissement de deux étapes :

  • La détermination de la ligne divisoire
  • L’implantation de bornes

Cette seconde étape vise à matérialiser la délimitation des propriétés bornées qu’il y ait ou non arpentage.

Ainsi que l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 19 janvier 2011, la régularité de l’opération de bornage est subordonnée à l’implantation de borne (Cass. 3e civ. 19 janv. 2011, n°09-71.207)

À défaut, le bornage ne produira pas ses effets et pourra être remis en cause par le propriétaire d’un des fonds concernés.

Pour la troisième chambre civile « une demande en bornage judiciaire n’est irrecevable que si la limite divisoire fixée entre les fonds a été matérialisée par des bornes ».

S’agissant de l’implantation proprement dite de bornes, il n’est pas nécessaire de procéder, au préalable, à un arpentage, soit à réaliser une mesure de la contenance du fonds.

Cette implantation peut être réalisée sur la base d’éléments résultant d’un rapport d’expertise produit, par exemple, dans le cadre de l’instance (Cass. 3e civ. 5 oct. 1994, n°92-10.827).

Quant à la matérialité des bornes, elles peuvent être naturelles (cours d’eau, fossé, rocher, arbres etc.) ou artificielles (piquets, marques gravées sur un rocher, termes etc.)

Les bornes sont positionnées à chaque extrémité de la ligne séparative et peuvent être intercalées à intervalle régulier. Ces bornes intermédiaires sont dites courantes car elles suivent la ligne divisoire.

==> Frais de bornage

L’article 646 du Code civil dispose que « le bornage se fait à frais communs. » Cette règle a vocation à s’appliquer, tant en matière de bornage amiable, qu’en matière de bornage judiciaire.

Les frais de bornage comportent les frais de tracé de la ligne divisoire et les frais de mesurage et d’arpentage.

Lorsque le bornage est amiable, la question des frais sera réglée dans le procès-verbal de bornage. Rien n’interdit donc les parties de prévoir une répartition des frais proportionnels à la contenance de leurs fonds respectifs.

Faute de précision dans l’acte, c’est la règle du partage des frais qu’il y aura lieu d’appliquer (Cass. 3e civ., 16 juin 1976, n° 75-11167)

Lorsque le bornage est judiciaire, il convient de distinguer les frais de bornage des frais d’instance. Seuls les premiers ont vocation à être partagés, les seconds étant susceptibles d’être mis par le juge à la charge de la partie succombante.

Dans un arrêt du 16 juin 1976, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « si, aux termes de l’article 646 du Code civil, le bornage se fait à frais communs lorsque les parties sont d’accord, il en est autrement en cas de contestation de l’une d’elles ; cette dernière, si elle échoue dans ses réclamations, doit supporter tout ou partie des dépens occasionnés par le débat ainsi provoqué » (Cass. 3e civ., 16 juin 1976, n° 75-11167).

Bornage : la détermination de la ligne séparative

L’opération de bornage peut être conduite amiablement par les propriétaires des fonds concernés ou donner lieu à une action judiciaire en cas de mésentente.

  1. Le bornage conventionnel

Lorsque l’opération de bornage procède d’un accord entre propriétaires, elle se traduit par l’établissement d’un procès-verbal de bornage qui est dressé par un géomètre-expert et qui aura pour effet de fixer définitivement la ligne divisoire qui sépare les deux fonds contigus.

a) L’établissement du procès-verbal de bornage

Plusieurs conditions doivent être réunies pour établir le procès-verbal de bornage :

==> L’intervention d’un géomètre-expert

  • Le monopole du géomètre-expert
    • La loi n° 46-942 du 7 mai 1946 confère un monopole aux géomètres-experts qui sont seuls habilités à procéder aux opérations de bornage
    • L’article 1 de cette loi prévoit en ce sens que le géomètre-expert est un technicien exerçant une profession libérale qui, en son propre nom et sous sa responsabilité personnelle « réalise les études et les travaux topographiques qui fixent les limites des biens fonciers et, à ce titre, lève et dresse, à toutes échelles et sous quelque forme que ce soit, les plans et documents topographiques concernant la définition des droits attachés à la propriété foncière, tels que les plans de division, de partage, de vente et d’échange des biens fonciers, les plans de bornage ou de délimitation de la propriété foncière»
    • L’article 2 précise que seuls les géomètres-experts inscrits à l’ordre sont compétents pour réaliser les opérations de bornage amiable.
    • La Cour de cassation a confirmé ce point dans un arrêt du 21 juin 2006 ( civ. 3e 21 juin 2006, n°04-20.660).
    • Dans cette affaire, il s’agissait de savoir si un géomètre-expert pouvait sous-traiter la mesure de la superficie d’un appartement constituant un lot de copropriété à un géomètre topographe, non inscrit à l’ordre des géomètres-experts.
    • La troisième chambre civile rappelle tout d’abord, que « le géomètre expert ne peut prendre ni donner en sous-traitance la réalisation des études et des travaux topographiques qui fixent les limites des biens fonciers, et pour lesquels, à ce titre, il lève et dresse, à toutes échelles et sous quelque forme que ce soit, les plans et documents topographiques concernant la définition des droits attachés à la propriété foncière, tels que les plans de division, de partage, de vente et d’échange des biens fonciers, les plans de bornage ou de délimitation de la propriété foncière».
    • Elle affirme en ensuite que le mesurage de la superficie intérieure privative des appartements selon la loi “Carrez” pouvait parfaitement être sous-traité à un géomètre topographe dans la mesure où « la compétence exclusive des géomètres experts est limitée aux actes participant directement à la détermination des limites de propriété et que le mesurage de la superficie de la partie privative d’un lot ou d’une fraction de lot copropriété mentionné à l’article 46 de la loi du 10 juillet 1965 est une prestation topographique sans incidence foncière, n’ayant pas pour objet la délimitation des propriétés».
  • La mission du géomètre-expert
    • La mission du géomètre-expert en matière de bornage qui consiste à accomplir trois sortes d’opérations :
      • Opérations d’instruction
        • Définir la mission
        • Vérifier le statut des propriétés concernées pour mettre en œuvre la procédure correspondante
        • Vérifier la recevabilité de l’action en bornage et la capacité du demandeur à engager l’action
        • Enregistrer le dossier dans le portail Géofoncier dès confirmation de la commande
        • Consulter le portail Géofoncier (édition du rapport de consultation)
        • Effectuer une recherche auprès des confrères
        • Identifier les parties
        • Rechercher les documents nécessaires (archives, titres, documents cadastraux, usages locaux…)
        • Recueillir et hiérarchiser les documents, déterminer les éléments de base : constatation de droits antérieurs, recherche des éléments de preuve ou de présomption (nature des lieux, marques de possession, usages locaux…)
        • Convoquer par écrit le demandeur et les voisins
      • Opérations techniques
        • Procéder à la recherche, à la reconnaissance et au contrôle des bornes ou repères existants
        • Effectuer un relevé préalable si nécessaire
        • Implanter et proposer une définition des limites
        • Recueillir l’accord des parties
        • Matérialiser les limites par des bornes ou repères en présence des parties
        • Effectuer le repérage de contrôle et le géoréférencement
        • Établir le plan régulier
      • Opérations de conservation
        • Rédiger le procès-verbal de bornage comprenant les trois parties indissociables (partie normalisée : désignations des parties, des parcelles, des titres, objet de l’opération ; partie non normalisée : expertise, définition des limites, partie graphique – plan de bornage)
        • Recueillir la signature des parties sur le procès-verbal de bornage
        • Rédiger le cas échéant le (ou les) procès-verbal de carence si tout ou partie du bornage n’a pas abouti
        • Adresser une copie conforme à toutes les parties signataires
        • Déposer le procès-verbal aux fins de publicité foncière à l’enregistrement et au cadastre (facultatif)
        • Enregistrer le procès-verbal incluant le plan de bornage dans le portail Géofoncier
        • Enregistrer le fichier du RFU dans le portail Géofoncier
  • La responsabilité du géomètre-expert
    • Le géomètre expert engage sa responsabilité dans le cadre de l’exercice de sa mission.
    • Il est néanmoins tenu qu’à une obligation de moyen, ce qui implique que c’est aux propriétaires des fonds à borner qu’il revient de rapporter la preuve d’une faute ( 3e civ., 5 oct. 1994, n°91-21.527).
    • Surtout, le géomètre doit mettre en œuvre tous les moyens dont il dispose pour, d’une part, retrouver d’éventuelles archives de bornage et procéder au piquetage du terrain ce qui consiste à réaliser une opération d’arpentage, soit à situer concrètement les bâtiments, canalisations ou encore portails prévus dans le projet de construction.
    • Le piquetage général correspond aux relevés effectués en surface, tandis que le piquetage spécial se réfère aux mesures des objets enterrés comme les canalisations par exemple.

==> L’observation du principe du contradictoire

L’opération de bornage amiable ne peut procéder que d’une démarche contradictoire. C’est au géomètre-expert qu’il appartient de veiller au principe du contradictoire.

Le respect de ce principe implique que tous les propriétaires concernés signent le procès-verbal de bornage.

Cette signature interviendra dans le cadre d’une réunion à laquelle seront convoquées les parties par le géomètre-expert, réunion qui se tiendra généralement sur les lieux où se sont déroulées les opérations de bornage.

Cette réunion n’est pas obligatoirement effectuée en présence simultanément de toutes les parties, il est possible d’organiser plusieurs rendez-vous en fonction des disponibilités des propriétaires sans remettre en cause le principe du contradictoire.

Cela permet d’expliquer et de clarifier l’objet et les effets du bornage à des parties parfois méfiantes, de se montrer plus à l’écoute de leurs interrogations et ainsi recueillir plus sereinement leur accord et signature.

Surtout, le procès-verbal devra précise que les parties ont été régulièrement convoquées et mentionner les éventuelles observations qui ont pu être formulées par les parties, étant précisé que sans l’accord de tous les propriétaires aucun bornage amiable ne peut être établi.

==> Le procès-verbal de bornage

  • La forme du procès-verbal de bornage
    • La loi n’assujettit le procès-verbal de bornage à aucune forme particulière
    • S’il est le plus souvent établi en autant d’exemplaires qu’il est de parties concernées par l’opération de bornage, il ne s’agit nullement d’une obligation
    • Ainsi, l’article 1375 qui pose l’exigence du double original en matière d’acte sous seing privé est inapplicable au procès-verbal de bornage ( 3e civ., 18 mars 1974, n° 73-10208).
    • La seule exigence est que le procès-verbal soit dressé par un géomètre-expert, ce dans le respect du principe du contradictoire.
  • Le contenu du procès-verbal de bornage
    • Selon les directives du Conseil supérieur de l’Ordre des géomètres-experts du 5 mars 2002 valant règles de l’art en matière de bornage, le procès-verbal de bornage doit comprendre trois parties indissociables que sont
      • La partie normalisée: désignations des parties, des parcelles, des titres, objet de l’opération
      • La partie non normalisée: expertise, définition des limites
      • La partie graphique: plan de bornage
  • La signature du procès-verbal de bornage
    • Le géomètre-expert doit impérativement recueillir la signature des parties sur le procès-verbal de bornage, étant précisé qu’il ne doit être assorti d’aucune contestation, ni réserve.
    • Dans le cas contraire, le procès-verbal ne pourra pas produire ses effets, soit valoir titre définitif établissant les limites du fonds.
    • Dans cette hypothèse, le géomètre-expert devra rédiger un procès-verbal de carence.
  • Le procès-verbal de carence
    • Le procès-verbal de carence ne doit concerner que les limites qui n’ont pu faire l’objet d’un accord des parties.
    • Il conviendra de dresser un procès-verbal par constat de carence, ce qui impliquera de
      • Noter l’identité du requérant, l’identité de l’expert, l’identité des personnes présentes, la désignation des limites objet du bornage, les documents analysés, les éléments de preuve ou de présomption considérés
      • Préciser que les parties ont été régulièrement convoquées
      • Noter clairement le motif pour lequel le bornage de la limite considérée n’a pu être mené à bon terme
      • Noter les observations éventuelles des parties concernées
      • Préciser, sur le procès-verbal, que la limite dont il s’agit et figurée au plan annexé n’a aucune valeur juridique tant que les propriétaires riverains concernés n’ont pas notifié leur accord, ou tant (éventuellement) qu’une décision judiciaire n’a pas entériné la proposition de l’expert,
  • Publicité du procès-verbal de bornage
    • En application de l’article 37 du décret n°55-22 du 4 janvier 1955, la publication du procès-verbal de bornage au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles est facultative.
    • La raison en est que cet acte ne produit aucun effet translatif de propriété, de sorte qu’il n’emporte aucune mutation ou constitution de droits réels immobiliers.
    • Rien n’empêche toutefois les parties de déposer le procès-verbal aux fins de publicité foncière à l’enregistrement et au cadastre
    • Par ailleurs, pour être visible sur le site public du portail Géofoncier, il est nécessaire d’enregistrer le procès-verbal incluant le plan de bornage et le fichier décrivant le référentiel foncier unifié (RFU)

b) Les effets du procès-verbal de bornage

Le procès-verbal de bornage a ainsi pour effet de fixer définitivement la ligne divisoire qui sépare les fonds.

Dans un arrêt du 3 octobre 1972 la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « le procès-verbal de bornage dressé par un géomètre et signé par toutes les parties, vaudra titre définitif tant pour les contenances des parcelles, que pour les limites qu’il leur assigne » (Cass. 3e civ. 3 oct. 1972, n°71-11705).

Elle a encore jugé que le procès-verbal de bornage constitue « un titre définitif de l’étendue des immeubles respectifs qui s’imposait au juge et n’autorisait plus le recours à un bornage par voie de justice » (Cass. 3e civ., 26 nov. 1997, n° 95-17.644).

Il en résulte que, une fois établi et signé par les parties, il ne peut plus être contesté et s’impose au juge dont les pouvoirs se limitent à vérifier la régularité des opérations de bornage (Cass. 3e, 17 janv. 2012, n°10-28.046).

Aussi, le procès-verbal de bornage ne saurait, en aucune manière, constituer un acte translatif de propriété ainsi que le rappelle régulièrement la jurisprudence (V. en ce sens Cass. 3e civ., 27 avr. 2011, n°10-16.420).

Dès lors, la signature du procès-verbal de bornage par une partie ne fait pas obstacle à ce qu’elle exerce ultérieurement une action en revendication, considérant que l’assiette de son droit de propriété s’étendait au-delà des bornes qui avaient été mises en place (Cass.3e civ. 8 déc. 2004, n°03-17241)

À cet égard, dans un arrêt du 23 mai 2013, la Cour de cassation a précisé que « l’accord des parties sur la délimitation des fonds n’implique pas, à lui seul, leur accord sur la propriété des parcelles litigieuses » (Cass. 3e civ. 23 mai 2013, n°12-13898).

Il ressort de cette décision que l’acceptation par un propriétaire de l’implantation des bornes et marques sur son fonds, ne signifie pas nécessairement qu’il a accepté la rectification des limites cadastrales et reconnu les limites ainsi déterminées.

Cass. 3e civ. 23 mai 2013
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 15 novembre 2011), que M. et Mme X..., propriétaires d'un ensemble immobilier sur lequel est exploitée une centrale hydraulique, ont assigné M. et Mme Y... , propriétaires de parcelles contiguës, puis la société Countryside, venant aux droits de ces derniers, ainsi que la société SMBTPS et son assureur, la SMABTP, qui avait réalisé des travaux sur la berge du canal de fuite ayant entraîné son affaissement, en revendication de la propriété de cette berge et paiement du coût des travaux de reprise ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 544, ensemble l'article 646 du code civil ;

Attendu que pour débouter M. et Mme X...de leur revendication, l'arrêt retient qu'un procès-verbal de bornage amiable, signé le 23 août 1996 par les propriétaires précédents, a fixé la limite séparative à la berge du canal côté Y..., qu'aux termes de cet acte, les parties « reconnaissent l'exactitude de cette limite et s'engagent à s'en tenir dans l'avenir à cette délimitation, quelles que puissent être les données des cadastres anciens ou nouveaux, ou de tout autre document qui pourrait être retrouvé » et que les parties ont ainsi tranché une question de propriété en fixant définitivement les limites et donc la contenance des propriétés et en excluant toute remise en cause de cette délimitation par une revendication fondée sur des actes antérieurs ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'accord des parties sur la délimitation des fonds n'implique pas, à lui seul, leur accord sur la propriété des parcelles litigieuses, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

2. Le bornage judiciaire

a) Nature

L’action en bornage est une action réelle immobilière en ce qu’elle ne peut avoir pour objet qu’un bien immobilier, et plus précisément un fonds de terre.

Plus précisément c’est action vise à fixer les limites de la propriété, quels que soient les faits de possession, ce qui la distingue, d’une part, des anciennes actions possessoires et, d’autre part, de l’action en revendication.

==> Sur la distinction entre l’action en bornage et l’ancienne action possessoire

Sous l’empire du droit antérieur, la protection de la possession était assurée par les actions possessoires dont était titulaire, en application de l’ancien article 2279 du Code civil, celui qui possédait utilement et le détendeur précaire de la chose.

Cette disposition prévoyait en ce sens que « les actions possessoires sont ouvertes dans les conditions prévues par le code de procédure civile à ceux qui possèdent ou détiennent paisiblement. »

Au nombre des actions possessoires figuraient :

  • La complainte
  • La dénonciation de nouvel œuvre
  • L’action en réintégration

Tout d’abord, il peut être observé que la protection possessoire ne concernait que les immeubles, ce qui n’était pas sans restreindre son champ d’application.

Par ailleurs, les actions possessoires soulevaient des difficultés, notamment quant à leur distinction avec les actions pétitoires, soit les actions qui visent à établir, non pas la possession ou la détention d’un bien, mais le fond du droit de propriété.

En effet, il était toujours difficile d’exiger du juge qu’il ignore le fond du droit lorsqu’il est saisi au possessoire.

S’agissant de l’action en bornage, la jurisprudence a toujours affirmé avec constance qu’elle ne s’apparentait pas à une action possessoire, dans la mesure où elle visait, non pas à assurer la protection de la possession d’un fonds, mais à en fixer les limites.

Aussi, était-elle régulièrement qualifiée d’action pétitoire par la Cour de cassation (Cass. 2e civ., 5 nov. 1965, n° 62-11.805), raison pour laquelle cette action était imprescriptible.

Désormais, la distinction entre les actions en bornage et les actions possessoires n’a plus lieu d’être ces dernières ayant été abolies par la loi n°2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures qui a abrogé l’ancien article 2279 du Code civil.

==> Sur la distinction entre l’action en bornage et l’action en revendication

Parce que l’action en bornage se limite à la fixation des limites de la propriété, elle se distingue fondamentalement de l’action en revendication, qui porte sur la détermination de l’assiette du droit de propriété en lui-même.

Il en résulte que le juge du bornage ne peut connaître des contestations s’élevant entre les parties sur la propriété des parcelles dont la délimitation est demandée.

Ce principe a été rappelé par un arrêt du 16 janvier 2002 qui a approuvé une cour d’appel qui, ayant relevé qu’il existait une incertitude sur la qualité de propriétaire de la parcelle contiguë des deux personnes assignées en bornage, en avait déduit qu’il n’appartenait pas au tribunal d’instance, saisi d’une action en bornage, de trancher une question qui touche au fond du droit. (Cass. 3e civ., 16 janv. 2002, n° 00-12163)

La distinction entre l’action en bornage et l’action en revendication n’est pas dénuée d’enjeu, dans la mesure où les deux actions sont assujetties à des régimes juridiques différents.

Les différences entre les deux actions tiennent essentiellement à deux choses :

  • La preuve
    • Tandis que dans l’action en bornage, il appartient à chaque partie de rapporter la preuve de leur droit, dans l’action en revendication la charge de la preuve pèse sur le seul demandeur.
    • Par ailleurs, dans le cadre de l’action en bornage, les parties ne sont pas tenues de rapporter la preuve de leur droit de propriété sur le fonds alors que pour l’action en revendication il appartient au demandeur d’établir l’existence de son droit
  • La compétence
    • Sous l’empire du droit antérieur à la réforme de la procédure civile introduite par le décret du 11 décembre 2019, c’est le seul Tribunal d’instance qui connaissait des actions en bornage, tandis que le Tribunal de compétence avait une compétence exclusive pour les actions en revendication.
    • Désormais, les deux juridictions ont fusionné pour donner naissance au Tribunal judiciaire qui connaît donc des deux actions.
    • Est-ce à dire qu’il n’y a plus lieu de distinguer les deux actions s’agissant de la procédure applicable ?
    • À l’analyse, une différence procédurale subsiste entre l’action en bornage et l’action en revendication
      • S’agissant de l’action en bornage
        • Tout d’abord, l’action en bornage relève de la compétence de la chambre de proximité rattachée au Tribunal judiciaire
        • Ensuite, cette action relève de la compétence spéciale du Tribunal judiciaire, ce qui implique que le juge statuera toujours en premier ressort quel que soit le montant de la demande ( R. 211-3-4 COJ).
        • Enfin, en matière de bornage la représentation par avocat est toujours facultative ( 761, 2°)
      • S’agissant de l’action en revendication
        • Tout d’abord, l’action en revendication relève toujours de la formation ordinaire du Tribunal de judiciaire et non de la chambre de proximité
        • Ensuite, cette action relève de la compétence exclusive du Tribunal judiciaire, de sorte qu’il statuera en premier ressort pour les demandes dont le montant est supérieur à 5.000 euros et en dernier ressort pour les demandes inférieures à ce montant ( R. 211-3-26 COJ).
        • Enfin, en matière de revendication, la représentation par avocat est toujours obligatoire quel que soit le montant de la demande ( 761, 3° CPC).

Au total, il apparaît que l’action en bornage se distingue en de nombreux points de l’action en revendication, à commencer par son objet qui se limite à fixer les limites de la propriété.

b) Compétence

==> Sur la compétence matérielle

Sous l’empire du droit antérieur, l’action en bornage relevait de la compétence exclusive du Tribunal d’instance.

Désormais, cette action relève de la compétence du Tribunal judiciaire. Plus précisément, c’est la chambre de proximité qui lui est rattachée qui a vocation à connaître des affaires relatives au bornage (art. L. 212-8 COJ).

Pour mémoire, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a opéré une réorganisation des juridictions relevant de l’ordre judiciaire, laquelle s’est notamment traduite par la fusion des Tribunaux de grande instance et des Tribunaux d’instance.

De cette fusion est né le Tribunal judiciaire, dont la création répond à la nécessité de simplifier l’organisation de la première instance pour le justiciable qui ne connaîtra désormais plus qu’une seule juridiction, avec une seule procédure de saisine.

La disparition des tribunaux d’instance, comme juridictions autonomes, ne s’est toutefois pas accompagnée d’une suppression des sites qui ne se situaient pas dans la même ville que le Tribunal de grande instance. Le maillage des lieux de justice est conservé.

En effet, les tribunaux d’instance deviennent des chambres détachées du Tribunal judiciaire, l’objectif recherché par le législateur étant d’assurer une justice de proximité pour les contentieux du quotidien.

À l’examen, la compétence matérielle des chambres de proximité a été fixée, en application de l’article L. 212-8 du Code de l’organisation judiciaire, par le décret n° 2019-914 du 30 août 2019 selon les tableaux IV-II et IV-III qui figurent en annexe du Code :

  • Tableau IV-II : Compétences communes à toutes les chambres de proximité
  • Tableau IV-III : Compétences spécifiques à certaines chambres de proximité

L’action en bornage est visée par le premier tableau, raison pour laquelle elle relève de la compétence des chambres de proximité.

==> Sur la compétence territoriale

L’article 44 du Code de procédure civile dispose que « en matière réelle immobilière, la juridiction du lieu où est situé l’immeuble est seule compétente. »

L’action en bornage étant une action immobilière cette disposition s’applique. À cet égard, l’article R. 211-15 du COJ précise que, spécifiquement pour l’action en bornage, « la demande est portée devant le tribunal dans le ressort duquel sont situés les biens. »

c) Procédure

La procédure applicable en matière de bornage est régie aux articles 817 et suivants du Code de procédure civile, soit la procédure orale.

Il en résulte que la représentation n’est pas obligatoire. Les parties peuvent se défendre elles-mêmes ou se faire représenter par l’une des personnes visées à l’article 762 du CPC.

Surtout, dans le cadre de la procédure orale devant le Tribunal judiciaire, le demandeur dispose d’une option procédurale :

  • Soit il choisit de provoquer une tentative préalable de conciliation
  • Soit il choisit d’assigner aux fins de jugement

À cet égard, il pourra être sollicité auprès du juge la désignation d’un expert aux fins de l’éclairer sur l’emplacement de la ligne divisoire.

Les parties sont également en droit de produire un rapport d’expertise établi en dehors du cadre judiciaire, dès lors qu’il est valablement communiqué à la partie adverse au cours de l’instance (Cass. 3e civ. 14 sept. 2006, n°05-14333).

Enfin, l’action en bornage est, conformément à l’article 646 du Code civil, imprescriptible

d) La preuve

==> Charge de la preuve

À la différence de l’action en revendication qui exige que la preuve soit rapportée par le demandeur, dans le cadre de l’action en bornage il appartient à chaque partie de rapporter la preuve de son droit.

==> Mode de preuve

En matière de bornage la preuve est libre, de sorte que les parties peuvent établir l’emplacement de la ligne divisoire par tout moyen.

Dans un ancien arrêt du 12 juin 1865, la Cour de cassation avait affirmé que la tâche qui échoit au juge est « de rechercher la limite devenue incertaine de deux propriétés à borner en interrogeant les titres des parties, en les interprétant pour en faire ou pour en refuser l’application aux lieux litigieux ; il doit également tenir compte de la possession actuelle et des traces des anciennes délimitations, consulter les papiers terriers, les livres d’arpentement, le cadastre et tous les documents anciens et nouveaux qui peuvent l’éclairer sur la décision qu’il est appelé à prendre » (Cass. civ., 12 juin 1865).

Afin d’emporter la conviction du juge quant à l’emplacement de la ligne divisoire, les parties pourront rapporter la preuve de leur droit en produisant les éléments suivants :

  • Un titre
    • L’un des éléments susceptibles d’être le plus probant c’est le titre de propriété, car très souvent il renseigne sur la contenance du fonds et sa configuration
    • Parfois même est annexé au titre de propriété un plan du terrain ce qui facilite la recherche d’emplacement de la ligne divisoire.
    • L’examen du titre est toutefois soumis à l’appréciation souveraine du juge, y compris lorsque le titre produit est commun aux parties.
    • Dans un arrêt du 3 janvier 1963 la Cour de cassation a affirmé en ce sens que le juge du bornage apprécie souverainement la valeur probante des titres et autres éléments de décision soumis à son examen. Il lui est loisible d’écarter un titre commun aux parties, s’il ne l’estime pas déterminant, et de retenir des actes émanant des auteurs de l’une d’elles ( 3e civ. 3 janv. 1963).
    • Il a, en outre, été admis que le juge pouvait écarter un titre à la faveur d’un rapport d’expertise contradictoire ( 3e civ. 26 févr. 1970)
  • Le cadastre
    • Afin de démontrer l’emplacement de la ligne divisoire les parties sont autorisés à produire les documents cadastraux, bien que ceux-ci ne soient qu’un instrument fiscal ( 3e civ., 13 sept. 2011, n° 10-21883)
    • Aussi, ces documents ne peuvent constituer que de simples présomptions qui peuvent être combattues par des éléments plus probants (V. en ce sens 3e civ. 7 nov. 1972).
  • La possession
    • Afin de déterminer l’emplacement de la ligne séparative, il est également admis que les parties rapportent la preuve de la possession des lieux.
    • Cette preuve sera rapportée par le recueil de dépositions de témoins qui, là encore, seront appréciées souverainement par le juge
  • Configuration des lieux
    • Des présomptions peuvent être tirées de la configuration des lieux, notamment lorsqu’est établie la présence de murets, de fossés, de chemins, de pierres, d’arbres etc..
    • Tous les éléments naturels qui jalonnent les fonds sont autant d’éléments permettant de déterminer l’emplacement de la ligne divisoire.

Au bilan, le juge dispose d’une grande liberté quant à l’appréciation des éléments de preuve produits par les parties.

Dans un arrêt du 28 novembre 1972, la Cour de cassation a résumé la teneur de ce pouvoir d’appréciation considérable reconnu au juge en validant la décision rendue par une Cour d’appel qui ne s’était appuyé, pour rendre sa décision, que sur un seul des éléments versés au débat.

Au soutien de sa décision elle a affirmé que « « en constatant que ni les titres des parties, ni les attestations produites, ni les indices invoques en faveur d’une trace abc n’étaient, pris en eux-mêmes, aucunement significatifs, les juges du second degré ont apprécié souverainement la portée des éléments de preuve qui leur étaient soumis ainsi que la valeur probante des faits allègués comme présomptions » (Cass. 3e civ. 28 nov. 1972, n°71-12044).

Le plus souvent néanmoins le juge fondera sa décision sur une expertise établie par un expert et plus précisément par un géomètre qui aura été désigné à la demande des parties et qui aura procédé à la détermination de la ligne séparative de manière indépendance et en observant le principe du contradictoire.

Le bornage : vue générale

==> Notion

Dans son acception courante le bornage se définit comme l’action de planter des bornes pour délimiter des propriétés foncières.

Sous le prisme de droit, c’est, selon le projet de réforme du droit des biens proposé par l’Association Henri Capitant, l’opération « qui a pour effet de reconnaître et fixer, de façon contradictoire et définitive, les limites séparatives des propriétés privées appartenant ou destinées à appartenir à des propriétaires différents ».

La jurisprudence s’est également livrée à l’exercice de définition en jugeant que le bornage « a pour objet de fixer définitivement les limites séparatives de deux propriétés contigües et d’assurer, par la plantation de pierres bornes, le maintien des limites ainsi déterminées » (Cass. 3e civ., 11 déc. 1901).

En somme l’opération de bornage consister à déterminer les limites d’un fonds au moyen de bornes qui permettront de matérialiser ces limites.

Son objet est donc de délimiter, diviser et plus précisément de tracer une frontière entre deux propriétés. L’histoire nous a montré qu’il s’agissait là d’une entreprise pour le moins périlleuse, car susceptible de rapidement dégénérer en conflit.

Assez curieusement pourtant, le Code civil est relativement silencieux sur le bornage. Il n’y consacre qu’un seul article, l’article 646, qui prévoit que « tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Le bornage se fait à frais communs. »

À cet égard, cette disposition n’envisage le bornage que sous l’aspect contentieux, alors même qu’il peut être réalisé par voie conventionnelle, ce qui sera le plus souvent le cas.

Le besoin de procéder au bornage d’un fonds peut résulter de plusieurs situations différentes :

  • Détermination de la ligne divisoire, qui soit a toujours été incertaine, soit l’est devenue sous l’effet du temps, en raison de l’absence ou de la disparition des bornes
  • Dénonciation d’un empiétement par le propriétaire du fonds voisin
  • Division d’un fonds en plusieurs parcelles dans la perspective de leur transmission à titre gratuit ou à titre onéreux

==> Bornage et clôture

Bien que les deux opérations soient proches et entretiennent des liens étroits, le bornage et la clôture se distinguent fondamentalement.

Tandis que le bornage vise à déterminer la ligne divisoire, séparative entre deux fonds contigus, la clôture est ce qui sert à enclore un espace et à empêcher la communication avec les héritages voisins.

En toute logique, l’opération de bornage précède toujours la clôture, celle-ci prenant assiste sur la ligne séparative des fonds contigus.

Surtout les deux opérations se distinguent en ce que le bornage est toujours réalisé contradictoirement, alors que la clôture d’un fonds peut s’opérer unilatéralement.

En effet, régulièrement la jurisprudence rappelle que le bornage doit nécessairement être réalisé au contradictoire des propriétaires de tous les fonds concernés par l’opération.

Tel n’est pas le cas de la clôture qui peut être posée sur l’initiative d’un seul propriétaire, charge à lui de s’assurer de ne pas empiéter sur le fonds voisin. Le code civil envisage d’ailleurs la clôture comme une action unilatérale en prévoyant à l’article 647 que « tout propriétaire peut clore son héritage ».

À l’inverse, le bornage ne peut jamais se déduire de l’existence d’une clôture dont la mise ne résulterait pas d’un commun accord entre les propriétaires.

Il en résulte que la présence, d’un mur, d’une haie ou de toute autre forme de clôture est sans incidence sur le droit du propriétaire du fonds voisin à exiger la réalisation ultérieure d’une opération de bornage (V. en ce sens Cass. civ. 4 mars 1879)

Aussi, pour que le bornage produise ses pleins effets, plusieurs conditions doivent être réunies, après quoi seulement l’opération qui consiste à borner peut être mise en œuvre.

==> Nature

La nature du bornage a fait l’objet de controverses :

  • D’un côté, le Code civil présente le bornage, comme constituant une charge de la propriété, en ce sens que, non seulement il est envisagé comme une servitude, mais encore il peut être imposé au fonds voisin.
  • D’un autre côté, le bornage peut être regardé comme un acte de pure tolérance, puisque pouvant être réalisé par le propriétaire d’un fonds, lequel n’a pas à justifier de motifs particuliers (V. en ce sens 3e civ., 2 juill. 2013, n°12-21101)

À l’examen, l’opération de bornage revêt une nature mixte. Il s’agit d’une servitude, car elle peut donner lieu à une action judiciaire qui vise à contraindre le propriétaire du fonds voisin à borner sa propriété avec un partage des frais.

Mais il s’agit également d’un acte de pure faculté puisque relève des attributs du droit de propriété, ce qui confère au propriétaire le droit de se borner discrétionnairement, sous réserve que l’exercice de cette prérogative ne dégénère pas en abus de droit.

Ainsi le bornage consiste tout à la fois en un droit, mais peut également se transformer en obligation lorsque le propriétaire du fonds voisin en fait la demande.

Sous certains aspects, le droit au bornage se rapproche du droit de propriété dans la mesure où il est imprescriptible. Il ne s’en éloigne néanmoins, en ce qu’il vise, non pas à exercer un pouvoir sur une chose, mais à déterminer l’assiette de droits réels.

==> Caractères

  • Droit facultatif
    • Principe
      • Le bornage d’un fonds ne constitue nullement une obligation pour le propriétaire, à tout le moins dès lors que le voisin n’en fait pas la demande.
      • Classiquement, ce droit est analysé comme en un attribut du droit de propriété, en ce sens qu’il n’est pas besoin pour son titulaire de justifier d’un motif particulier pour l’exercer.
      • Tout au plus, il a été admis que le droit au bornage peut dégénérer en abus, notamment lorsqu’il vise à nuire au propriétaire du fonds voisin.
    • Exceptions
      • Parfois, le bornage peut être obligatoire :
        • L’article 663 du Code civil prévoit que « chacun peut contraindre son voisin, dans les villes et faubourgs, à contribuer aux constructions et réparations de la clôture faisant séparation de leurs maisons, cours et jardins assis ès dites villes et faubourgs : la hauteur de la clôture sera fixée suivant les règlements particuliers ou les usages constants et reconnus et, à défaut d’usages et de règlements, tout mur de séparation entre voisins, qui sera construit ou rétabli à l’avenir, doit avoir au moins trente-deux décimètres de hauteur, compris le chaperon, dans les villes de cinquante mille âmes et au-dessus, et vingt-six décimètres dans les autres.»
        • En matière de délivrance d’un fonds qui relève d’un lotissement, l’article L. 115-4 du Code de l’urbanisme prévoit que « toute promesse unilatérale de vente ou d’achat, tout contrat réalisant ou constatant la vente d’un terrain indiquant l’intention de l’acquéreur de construire un immeuble à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel sur ce terrain mentionne si le descriptif de ce terrain résulte d’un bornage. Lorsque le terrain est un lot de lotissement, est issu d’une division effectuée à l’intérieur d’une zone d’aménagement concerté par la personne publique ou privée chargée de l’aménagement ou est issu d’un remembrement réalisé par une association foncière urbaine, la mention du descriptif du terrain résultant du bornage est inscrite dans la promesse ou le contrat. »
  • Imprescriptible
    • Parce que le droit au bornage est un attribut du droit de propriété, il est imprescriptible.
    • Il en résulte qu’il ne se perd pas par le non-usage et que l’action en bornage peut toujours être exercée.
  • Action réelle immobilière
    • L’action en bornage présente un caractère réel, en ce qu’elle vise à fixer les limites de la propriété.
    • Il en résulte qu’elle s’analyse en un acte de disposition dont l’accomplissement requiert le consentement de tous les indivisaires en cas d’indivision.
    • Elle ne se confond pas, en revanche, avec l’action en revendication dans la mesure où elle n’a pas vocation à trancher une question d’attribution de la propriété.