Les variétés de crédit

Aux termes de l’article L. 313-1 du premier de ces codes, l’opération de crédit est définie comme « tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne ou prend, dans l’intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu’un aval, un cautionnement, ou une garantie ». Il ressort de cette définition que trois éléments caractérisent la notion de crédit :

  • La mise à disposition de fonds
  • La restitution à l’expiration d’un certain délai
  • La rémunération du prêteur

Tandis que les deux derniers de ces éléments conservent les mêmes caractères dans toutes les variétés de crédit, tel n’est pas cas du premier qui emprunte une forme différente d’une opération à l’autre.

La mise à disposition des fonds est, en effet, susceptible d’intervenir selon trois modalités : elle peut être immédiate, future ou éventuelle.

Aussi, les modalités de la mise à disposition de fonds déterminent-elles la nature de l’opération servant de support au crédit.

I) La mise à disposition immédiate de fonds

Lorsque les fonds sont mis à disposition de l’emprunteur immédiatement, le crédit peut consister en trois opérations différentes :

A) Le prêt

==> Notion

Le contrat de prêt d’argent est défini à l’article 1892 du Code civil qui prévoit que « le prêt de consommation est un contrat par lequel l’une des parties livre à l’autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l’usage, à la charge par cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité. »

L’article 1893 précise que « par l’effet de ce prêt, l’emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée ; et c’est pour lui qu’elle périt, de quelque manière que cette perte arrive. »

Ainsi, le contrat de prêt opère-t-il un transfert de propriété des fonds mis à disposition de l’emprunteur, à charge pour lui de les restituer à l’expiration d’un certain délai.

==> Réalisation de la mise à disposition

Pour être regardée comme immédiate, la mise à disposition des fonds doit intervenir concomitamment à la conclusion du contrat.

Le prêt étant, par nature, un contrat réel, cette mise à disposition est une condition de validité de l’acte.

Aussi, tant que les fonds n’ont pas été crédités sur le compte de l’emprunteur, le contrat est réputé n’avoir pas été formé.

Toutefois, depuis un arrêt du 28 mars 2002, la Cour de cassation considère que lorsque le prêteur est un professionnel, le prêt est valablement formé dès l’échange des consentements (Cass. 1ère civ. 28 mars 2002)

==> Variétés

  • Selon les modalités de remboursement
    • Le prêt amortissable
      • Le prêt est amortissable lorsque l’emprunteur rembourse à chaque échéance, en plus des intérêts, une quote-part du capital prêté.
      • Il en résulte que le montant des intérêts diminue à proportion du capital restant dû.
    • Le prêt in fine
      • À la différence du prêt amortissable, les échéances remboursées par l’emprunteur ne comprennent que les intérêts, le capital prêté n’étant remboursé qu’à la fin du crédit.
      • Les intérêts seront toujours calculés sur la base de l’intégralité du capital, ce qui rend le prêt in fine plus couteux que le prêt amortissable.
  • Selon l’objet du prêt
    • Le crédit à la consommation (art. L. 312-1 à L. 312-94 C. conso)
      • Pour que le prêt soit qualifié de crédit à la consommation, plusieurs conditions doivent être réunies
        • Le prêteur doit être une personne qui consent ou s’engage à consentir un crédit dans le cadre de l’exercice de ses activités commerciales ou professionnelles
        • L’emprunteur doit être une personne physique qui est en relation avec un prêteur, ou un intermédiaire de crédit, dans le cadre d’une opération de crédit réalisée ou envisagée dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle
        • Le montant des fonds mis à disposition est
          • égal ou supérieur à 200 euros
          • inférieur ou égal à 75 000 euros.
    • Le crédit immobilier (art. L. 313-1 à L. 313-64 C. conso)
      • Un crédit est dit immobilier lorsque les fonds mis à disposition de l’emprunteur doivent être affectés au financement d’une opération déterminée
      • L’article L. 313-1 du Code de la consommation prévoit en ce sens que le crédit immobilier ne peut concourir qu’à la réalisation des opérations suivantes :
        • Pour les immeubles à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation
          • Leur acquisition en propriété ou la souscription ou l’achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en propriété, y compris lorsque ces opérations visent également à permettre la réalisation de travaux de réparation, d’amélioration ou d’entretien de l’immeuble ainsi acquis ;
          • Leur acquisition en jouissance ou la souscription ou l’achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en jouissance, y compris lorsque ces opérations visent également à permettre la réalisation de travaux de réparation, d’amélioration ou d’entretien de l’immeuble ainsi acquis
          • Les dépenses relatives à leur construction
        • Pour l’achat de terrains destinés à la construction des immeubles à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation
          • Lorsqu’il est garanti par une hypothèque, par une autre sûreté comparable sur les biens immobiliers à usage d’habitation, ou par un droit lié à un bien immobilier à usage d’habitation, le financement des dépenses relatives à leur réparation, leur amélioration ou leur entretien
          • Lorsqu’il est souscrit par une personne morale de droit privé le financement qui n’est pas destiné à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d’immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance.
    • Le crédit affecté (art. L. 312-44 à L. 312-56 C. conso)
      • Le crédit affecté est le prêt servant exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou la prestation de services particuliers
      • Ces deux contrats constituent une opération commerciale unique, de sorte que l’anéantissement de l’une, entraîne l’anéantissement de l’autre.
      • Le crédit affecté est réputé exister dans trois cas :
        • Lorsque le vendeur ou le prestataire de services finance lui-même le crédit ou
        • Lorsque le prêteur, en cas de financement par un tiers, recourt aux services du vendeur ou du prestataire pour la conclusion ou la préparation du contrat de crédit
        • Lorsque le contrat de crédit mentionne spécifiquement les biens ou les services concernés

B) Le crédit-bail

==> Notion

Le crédit-bail, qualifié aussi de leasing, est une technique de financement qui consiste pour une entreprise à demander à un établissement de crédit ou à une société de financement d’acquérir un bien auprès d’un tiers, le crédit-bailleur, en vue de lui louer pendant une certaine période au terme de laquelle le crédit-preneur disposera d’une option d’achat.

L’opération de crédit-bail mobile ainsi la conclusion de deux contrats distincts :

  • Un contrat de vente conclu entre le crédit-bailleur et le tiers-vendeur portant sur le bien loué au crédit-preneur.
  • Un contrat de crédit-bail conclu entre le prêteur et l’emprunteur qui combine une location assortie d’une promesse unilatérale de vente.

L’opération de crédit-bail se distingue de la location financière qui ne confère aucune option d’achat au preneur à l’expiration du contrat.

==> Réalisation de la mise à disposition

Bien que le crédit-bail ne consiste nullement en une remise de fonds, il n’en est pas moins directement assimilé par le Code monétaire et financier à une opération de crédit.

L’idée est que si, in fine, le crédit-preneur lève l’option, les loyers versés au crédit-bailleur s’assimilent à des échéances de remboursement d’un prêt, à tout le moins ils en empruntent les caractéristiques.

Qui plus est, la conclusion d’un crédit-bail confère immédiatement au crédit-preneur la jouissance du bien loué. D’où son appartenance à la même catégorie que le prêt qui suppose une remise immédiate des fonds.

==> Variétés

Le Code monétaire et financier envisage quatre variétés de crédit-bail :

  • Le crédit-bail mobilier corporel
    • Sont visées : les opérations de location de biens d’équipement ou de matériel d’outillage achetés en vue de cette location par des entreprises qui en demeurent propriétaires, lorsque ces opérations, quelle que soit leur qualification, donnent au locataire la possibilité d’acquérir tout ou partie des biens loués, moyennant un prix convenu tenant compte, au moins pour partie, des versements effectués à titre de loyers
  • Le crédit-bail incorporel
    • Sont visées : les opérations de location de fonds de commerce, d’établissement artisanal ou de l’un de leurs éléments incorporels, assorties d’une promesse unilatérale de vente moyennant un prix convenu tenant compte, au moins pour partie, des versements effectués à titre de loyers, à l’exclusion de toute opération de location à l’ancien propriétaire du fonds de commerce ou de l’établissement artisanal.
  • Le crédit-bail immobilier
    • Sont visées : les opérations par lesquelles une entreprise donne en location des biens immobiliers à usage professionnel, achetés par elle ou construits pour son compte, lorsque ces opérations, quelle que soit leur qualification, permettent aux locataires de devenir propriétaires de tout ou partie des biens loués, au plus tard à l’expiration du bail, soit par cession en exécution d’une promesse unilatérale de vente, soit par acquisition directe ou indirecte des droits de propriété du terrain sur lequel ont été édifiés le ou les immeubles loués, soit par transfert de plein droit de la propriété des constructions édifiées sur le terrain appartenant audit locataire.
  • Le crédit-bail de parts sociales
    • Sont visées les opérations de location de parts sociales ou d’actions prévues aux articles L. 239-1 à L. 239-5 du code de commerce, assorties d’une promesse unilatérale de vente moyennant un prix convenu tenant compte, au moins pour partie, des versements effectués à titre de loyers.

C) La mobilisation de créances

L’octroi de crédits ne consiste pas seulement pour un établissement bancaire à consentir des prêts à ses clients, cette activité peut également se réaliser au moyen de la technique de la mobilisation de créances.

La mobilisation de créances consiste pour un client à transférer à sa banque les créances qu’il détient à l’encontre de ses partenaires commerciaux en contrepartie d’un crédit d’un montant équivalent.

Aussi, le remboursement du crédit sera effectué, non pas directement par le client, mais par son débiteur.

Classiquement, on recense trois opérations qui servent de support à la mobilisation de créances : l’escompte, la cession Dailly, l’affacturage

  1. L’escompte

==> Notion

À la fin du XVIIe siècle, le banquier anglais William Paterson invente l’escompte.

Il s’agit d’une opération de crédit qui consiste à avancer à un commerçant le montant de la créance qu’il détient à l’encontre de l’un de ses clients.

Pour ce faire, le commerçant tire une lettre de change sur son débiteur, qu’il remet ensuite à son banquier ? pour escompte ? lequel lui paie, en contrepartie, le montant de la lettre de change, déduction faite des intérêts et autres frais bancaires.

La lettre de change remplit alors la fonction d’instrument de crédit.

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==> Transfert de la créance

L’article L. 511-7, alinéa 3 du Code de commerce dispose que :

« La propriété de la provision est transmise de droit aux porteurs successifs de la lettre de change. »

Cela signifie que la remise de la lettre de change au porteur opère un transfert immédiat de la provision, accessoires compris.

Toutefois, tant que le tireur n’a pas fourni provision au tiré ou que celui-ci n’a pas accepté la traite, le porteur est titulaire d’un droit de créance éventuelle.

La Cour de cassation estime en ce sens que « la provision s’analyse dans la créance éventuelle du tireur contre le tiré, susceptible d’exister à l’échéance de la lettre de change, et, qu’avant cette échéance, le tiré non accepteur peut valablement payer le tireur tant que le porteur n’a pas consolidé son droit sur ladite créance en lui adressant une défense de s’acquitter entre les mains du tireur » (Com. 29 janv. 1974, Bull. civ. IV, no 37).

Ainsi, pour Cour de cassation, tant que l’échéance de la lettre de change n’est pas survenue, le paiement du tiré entre les mains du tireur est libératoire.

Réciproquement, on peut en déduire que, jusqu’à l’échéance, le tireur peut librement disposer de la provision – pourtant transmise au porteur – celui-ci ne détenant contre le tiré qu’un droit de créance éventuelle.

Bien que conforme à la lettre de l’article L. 511-7, alinéa 3 du Code de commerce, cette jurisprudence n’en est pas moins source de nombreuses difficultés.

En effet, dans la mesure où le droit de créance dont est titulaire le porteur n’a pas définitivement intégré son patrimoine, d’autres créanciers sont susceptibles d’entrer en concours quant à la titularité de la créance que détient le tireur contre le tiré.

Le droit du porteur sur la provision devient irrévocable dans plusieurs circonstances :

  • La survenance de l’échéance portée sur la lettre de change : elle a pour effet de rendre le droit du porteur définitif et irrévocable (V. en ce sens com., 4 juin 1991 : Bull. civ. 1991, IV, n° 208)
    • Il en résulte trois conséquences :
      • Le porteur est fondé présenter au paiement la lettre de change au tiré. S’il refuse, le bénéficiaire de la traite pourra exercer un recours extra-cambiaire contre le tiré sur le fondement de la provision
      • Le paiement du tiré entre les mains de toute autre personne que le porteur n’est pas libératoire (Cass. com., 3 mai 1976 : Bull. civ. 1976, IV, n° 143 ; JCP G 1977, II, 18767, note G.-L. Pierre-François ; RTD civ. 1977, 125, n° 1, obs. M. Cabrillac et J.-L. Rives-Lange ; D. 1976, inf. rap. p. 229).
      • Inversement, le tireur ne peut plus librement disposer de la provision. Il ne détient plus aucun droit sur elle.
  • L’acceptation : par l’acceptation le tiré de la lettre de change a s’engage cambiairement.
    • Plusieurs effets :
      • Le tiré se reconnaît débiteur du tireur, de sorte que la créance de provision est irrévocablement affectée au paiement de l’effet.
      • Le tiré devient le débiteur principal de la traite. Il ne disposera, en conséquence, de recours contre personne dans l’hypothèse où le tireur ne lui aurait pas fourni provision
      • La provision sort définitivement du patrimoine du tireur. Elle devient indisponible. Elle ne pourra donc pas faire l’objet d’une revendication émanant d’un créancier concurrent du tireur ou du tiré.
      • Le paiement du tiré effectué entre les mains du tireur n’est pas libératoire.
  • La défense de payer: le porteur peut interdire au tiré de régler la traite entre les mains d’une autre personne que lui, et notamment entre les mains du tireur (V. en ce sens com., 19 nov. 1973 : Bull. civ. 1973, IV, n° 332)
    • Cette défense de payer peut être adressée au tiré par le biais d’une simple missive.

2. La cession Dailly

==> Notion

De par la sécurité juridique qu’ils procurent à leurs utilisateurs, les effets de commerce constituent, indéniablement, un formidable moyen pour une entreprise de se procurer des financements à court terme.

Est-ce à dire qu’ils sont les seuls instruments qui remplissent cette fonction ? Certainement pas.

Les entreprises peuvent, en effet, recourir à d’autres techniques juridiques pour obtenir du crédit, notamment auprès d’un banquier escompteur.

Au fond, qu’est-ce qu’un effet de commerce sinon un titre dont la transmission opère, par l’effet de l’endossement, un transfert de créance ?

Or le transfert de créance est une opération pour le moins ordinaire dont la réalisation est susceptible d’être assurée par d’autres techniques, au premier rang desquelles on trouve la cession de créance.

Cette technique juridique présente, néanmoins, pour une entreprise deux inconvénients majeurs :

  • Le formalisme de la cession de créance est lourd : pour être opposable aux tiers la cession doit être au choix :
    • Soit signifiée au débiteur par exploit d’huissier
    • Soit acceptée par acte authentique par le débiteur cédé, étant précisé que le consentement de celui-ci n’est pas une condition de validité de la cession de créance
      • En acceptant la cession, le débiteur admet seulement en avoir pris connaissance et renonce à se prévaloir à l’encontre du cessionnaire de l’exception de compensation qu’il aurait pu opposer au cédant
  • On ne peut céder qu’une seule créance à la fois, de sorte que les formalités prescrites à l’article 1690 du Code civil doivent être accomplies autant de fois qu’il y a de créances à céder.

Prenant conscience du besoin impérieux pour une entreprise de se procurer des financements à court terme afin de ne jamais manquer de trésorerie et d’être en mesure de surmonter les difficultés liées au recouvrement de ses créances, c’est dans ce contexte que le législateur a, par la loi du 2 janvier 1981, instauré une forme simplifiée de cession de créances : la cession par bordereau Dailly, dite, plus simplement, « cession Dailly ».

L’objectif des pouvoirs publics était clair : faciliter la mobilisation des créances détenues par les entreprises sur leurs clients, tout en assurant au cessionnaire une sécurité comparable à celle de l’escompte.

Si le mécanisme retenu par la loi Dailly ressemble, pour l’essentiel, au droit commun de la cession de créance, il s’en affranchit néanmoins pour ce qui est des formalités d’opposabilité.

Ainsi, cette loi offre-t-elle la possibilité aux entreprises de céder, en une seule fois, une multitude de créances détenues sur plusieurs débiteurs par la simple remise d’un bordereau à un établissement de crédit cessionnaire.

L’article L. 313-23 du Code monétaire et financier dispose en ce sens que :

« Tout crédit qu’un établissement de crédit consent à une personne morale de droit privé ou de droit public, ou à une personne physique dans l’exercice par celle-ci de son activité professionnelle, peut donner lieu au profit de cet établissement, par la seule remise d’un  bordereau , à la cession ou au nantissement par le bénéficiaire du crédit, de toute créance que celui-ci peut détenir sur un tiers, personne morale de droit public ou de droit privé ou personne physique dans l’exercice par celle-ci de son activité professionnelle ».

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==> Transfert de la créance

S’agissant des effets de la cession Dailly entre les parties, trois points doivent retenir l’attention :

  • La transmission de la créance
    • Aux termes de l’article L. 313-24 du Code monétaire et financier, la cession Dailly opère transfert de la créance que détient le cédant contre le débiteur cédé au profit du cessionnaire
    • La cession Dailly opère également transfert des sûretés garantissant la créance cédée et de toutes les garanties et autre accessoires qui y sont attachés (article L. 313-27, al. 3 CMF)
      • Il s’agit tant des sûretés personnelles, que des sûretés réelles
      • La clause de réserve de propriété subit le même sort que les sûretés attachées à la créance cédée (Com. 15 mars 1988)
  • La date d’effet de la cession
    • Le transfert de la créance s’opère à la date portée sur bordereau
    • Il en résulte qu’à partir de cette date, le cédant ne peut plus « modifier l’étendue des droits attachés aux créances représentées par [le] bordereau » (article L. 313-27, al. 2 CMF).
    • Autrement dit, le cédant n’est plus fondé à consentir des délais de paiement au débiteur cédé ou une remise de dette.
    • N’étant plus titulaire de la créance cédée, il ne peut plus l’altérer, sauf à obtenir l’accord exprès du cessionnaire.
  • La garantie due par le cédant au cessionnaire
    • À la différence de la cession de créance de droit comment où le cédant ne garantit que l’EXISTENCE de la créance cédée, en matière de cession Dailly, le cédant garantit le PAIEMENT des créances cédées (article L. 313-24, al. 2 CMF).
    • Autrement dit, le cédant est garant de la solvabilité du débiteur cédée
      • Cela signifie que, en cas de non-paiement, le cessionnaire Dailly dispose d’une action en garantie contre le cédant.
      • Ainsi, dans le cadre d’une cession Dailly le cédant est tenu à la même garantie que celle qui pèse sur le signataire d’un effet de commerce.
    • Par ailleurs, le cessionnaire bénéficie du jeu de la solidarité, de sorte que le cédant ne saurait se prévaloir du bénéfice de discussion ou de division.

2. L’affacturage

==> Notion

L’affacturage consiste en l’opération par laquelle un créancier, l’adhérent, transfert à un établissement de crédit, le factor qualifié également d’affactureur, des créances commerciales par le jeu d’une subrogation personnelle moyennant le paiement d’une commission.

Ainsi, l’affactureur s’engage-t-il à régler, par anticipation, tout ou partie des créances qui lui sont transférées par l’adhérent ce qui permet à ce dernier d’être réglé immédiatement des créances à court terme qu’il détient contre ses propres clients.

L’une des principales caractéristiques de l’affacturage réside dans l’engagement pris par le factor de garantir à la faveur de l’adhérent le paiement des créances qui lui sont transférées.

Autrement dit, le factor s’engage à supporter le risque d’impayé en lieu et place de l’adhérent.

L’affacturage se distingue, dès lors, de l’escompte, du contrat de mandat ou encore de l’assurance-crédit.

==> Transfert de la créance

L’opération d’affacturage repose sur le mécanisme de la subrogation personnelle.

Classiquement, la subrogation personnelle se définit comme la « substitution d’une personne à une autre dans un rapport de droit en vue de permettre à la première d’exercer tout ou partie des droits qui appartiennent à la seconde » (G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 2005).

Ainsi, la subrogation a-t-elle pour effet de transférer la créance dont était titulaire le subrogeant au subrogé.

L’opération d’affacturage se déroule de la manière suivante :

L’affactureur (créancier subrogé) paie l’adhérent (créancier subrogeant) qui, en contrepartie, lui transmet la titularité de la créance qu’il détient contre son client (débiteur subrogataire).

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II) La mise à disposition future de fonds

A) L’ouverture de crédit

==> Notion

L’ouverture de crédit consiste en une promesse de crédit, soit en l’engagement du banquier de mettre les fonds à disposition de son client s’il en fait la demande.

Dans un arrêt du 21 janvier 2004, la Cour de cassation a considéré que « l’ouverture de crédit, qui constitue une promesse de prêt, donne naissance à un prêt, à concurrence des fonds utilisés par le client » (Cass. com. 21 janv. 2004).

Ainsi, le bénéficiaire de l’ouverture de crédit dispose-t-il d’une option qu’il est susceptible de lever dans la limite du plafond prévu dans la convention bancaire.

Réciproquement, le banquier s’est engagé à mettre à la disposition de son client les fonds dès qu’il en formulera la demande.

Toutefois, tant que l’option n’est pas levée, les fonds demeurent la propriété de la banque, de sorte qu’ils ne sauraient faire l’objet d’une saisie.

==> Variétés

L’ouverture de crédit peut consister en plusieurs opérations distinctes :

  • L’autorisation de découvert en compte courant
  • Le crédit d’escompte
  • Le crédit renouvelable

B) L’épargne-logement

Il s’agit d’un crédit consenti aux personnes physiques qui ont fait des dépôts à un compte d’épargne-logement et qui affectent cette épargne au financement de logements destinés à l’habitation principale.

Plus précisément, les prêts d’épargne-logement sont accordés pour le financement des dépenses de construction, d’acquisition, d’extension ou de certaines dépenses de réparation et d’amélioration.

Les bénéficiaires d’un prêt d’épargne-logement reçoivent de l’État, lors de la réalisation du prêt, une prime d’épargne-logement dont le montant est fixé compte-tenu de leur effort d’épargne.

C) Le crédit différé

Régi par la loi du 24 mars 1952, le crédit est dit différé lorsqu’il est consenti par un établissement de crédit ou une société de financement qui subordonne la remise des fonds prêtés à un ou plusieurs versements préalables sous quelque sous quelque forme que ce soit de la part des intéressés et en imposant à ceux-ci un délai d’attente.

Deux contrats servent de support à l’opération de crédit différé :

  • Une promesse de crédit
  • Un contrat de prêt

Le contrat de prêt ne sera conclu, qu’à la condition que des versements préalables aient été effectués par l’emprunteur.

III) La mise à disposition éventuelle de fonds

La mise à disposition éventuelle de fonds correspond à l’hypothèse où le banquier s’engage à avancer les fonds au débiteur en cas d’impossibilité pour le client de régler une dette exigible.

Cette mise à disposition n’est donc, ni immédiate, ni future. Elle est subordonnée à la réalisation d’un événement incertain : la défaillance du débiteur.

Le crédit réside ainsi dans la garantie qui est consentie au client.

Si, le plus souvent, elle prendra la forme d’un cautionnement, elle peut également consister en un aval ou une garantie à première demande.

L’opposabilité du secret bancaire au juge (Cass. com. 29 nov. 2017)

Par un arrêt du 29 novembre 2017, la Cour de cassation a considéré qu’une banque ne pouvait pas opposer au juge commercial le secret bancaire afin de se soustraire à l’injonction formulée par une ordonnance sur requête prise sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile.

==> Faits

Une société (SICL) régie par le droit des Îles Caïmans, a ouvert un compte dans les livres de la banque BSI Ifabanque, devenue la société IFA

La société SICL a, le 22 mai 2009, effectué un virement bancaire de la somme de 50 000 000 de dollars américains (USD) à partir d’un compte dont elle était titulaire dans une banque à Zurich, vers un autre de ses comptes, ouvert dans les livres de la société BSI Ifabanque, puis, le même jour, a viré cette somme de ce compte sur celui dont une société Delmon Dana était titulaire dans la même banque

Par une décision du 18 septembre 2009, la juridiction compétente des Îles Caïmans a prononcé la liquidation judiciaire de la société SICL et nommé trois liquidateurs qui, agissant ès qualités, ont présenté le 26 juin 2013 au président du tribunal de commerce de Paris une requête sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile pour que soit désigné un huissier de justice chargé de rechercher des documents permettant d’établir :

  • d’une part, la preuve que le virement fait au profit de la société Delmon Dana avait été réalisée en violation des obligations de la société BSI Ifabanque
  • d’autre part, que cet établissement bancaire, en connaissance de cause, avait facilité la réalisation d’une opération visant à détourner les avoirs de la société SICL, à un moment où sa situation financière était précaire

Le Tribunal de commerce de Paris a accédé à la demande des requérants en rendant un ordonnance le 27 juin 2017 qui prévoyait :

  • En premier lieu, la désignation d’un huissier de justice aux fins de rechercher et se faire remettre un certain nombre de documents et correspondances, y compris électroniques, relatifs aux relations entre les sociétés IFA et SICL, aux virements de 50 000 000 USD apparaissant sur le relevé du mois de mai 2009 du compte bancaire de la société SICL et aux opérations réalisées durant le mois de mai 2009 sur les comptes, autorisant l’huissier de justice à procéder à une copie complète, en deux exemplaires, des fichiers, des disques durs et autres supports de données qui lui paraîtraient en rapport avec la mission confiée, dont une copie placée sous séquestre devait servir de référentiel et ne pas être transmise à la partie requérante et l’autre permettre à l’huissier de justice de procéder, de manière différée, avec l’aide du technicien choisi par lui, à l’ensemble des recherches et analyses visées ci-avant
  • En second lieu, que faute pour les requérants d’assigner en référé les parties visées par les mesures dans un délai de trente jours après l’exécution de celles-ci, le mandataire de justice remettrait les pièces et documents recueillis à la partie dont il les aurait obtenues.

==> Demande

Après que l’huissier de justice a accompli sa mission en juillet 2013, la société SICL a, le 1er août 2013, assigné sa banque par-devant le juge des référés pour qu’il soit ordonné à l’huissier de justice de lui remettre l’intégralité des documents recueillis au cours de l’exécution de la mesure ordonnée et placés sous séquestre

Reconventionnellement, la banque a demandé la rétractation de l’ordonnance du 27 juin 2013

Par ordonnance du 30 janvier 2014, le juge des référés a :

  • D’abord, rejeté la demande de la banque tendant à la rétractation de l’ordonnance du 27 juin 2013,
  • Ensuite, ordonné la destruction des deux disques durs, de deux DVD et d’un fichier recueillis par l’huissier de justice
  • Enfin, dit qu’un certain nombre de documents papier seraient conservés sous séquestre entre ses mains, jusqu’à ce qu’il en soit décidé autrement par décision de justice, ordonnant à l’huissier de justice de remettre à la société SICL les autres documents papier copiés

La banque a interjeté appel de cette décision

==> Procédure

Par un arrêt du 9 juin 2016, la Cour d’appel de paris a débouté la banque de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 27 juin 201.

Les juges du fond estiment d’abord que les articles L. 622-6, alinéa 3, et L. 641-4, alinéa 4, du code de commerce permettent au liquidateur d’une société en liquidation judiciaire d’obtenir, nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, communication, notamment par les établissements de crédit, des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation patrimoniale du débiteur

Ils relèvent ensuite que la mission des liquidateurs de la société SICL était la même que celle dont ils auraient été investis s’ils avaient été désignés par une juridiction française

En outre, ils avancent que, en vertu de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la société SICL, représentée par ses liquidateurs, avait le droit de se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter effectivement sa cause, y compris ses preuves, devant le juge du fond éventuellement saisi d’une action en responsabilité civile contre la banque, preuves que la société SICL ne pouvait se procurer par d’autres moyens

Le juge des requêtes était, en conséquence, fondé à ordonner les mesures permettant de connaître les conditions du virement litigieux et ses véritables bénéficiaires.

==> Solution

Par un arrêt du 29 novembre 2017, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la banque.

Elle affirme, au soutien de sa décision, que « le secret bancaire institué par l’article L. 511-33 du code monétaire et financier ne constitue pas un empêchement légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile lorsque la demande de communication de documents est dirigée contre l’établissement de crédit non en sa qualité de tiers confident mais en celle de partie au procès intenté contre lui en vue de rechercher son éventuelle responsabilité dans la réalisation de l’opération contestée ».

Elle en déduit que le droit d’information des liquidateurs de la société SICL pouvait s’étendre à des éléments confidentiels dont la banque avait pu avoir connaissance à l’occasion de ses fonctions relatives à la société Delmon Dana ou à tout autre tiers ayant été mêlé au transfert de la somme de 50 000 000 USD puisque ces informations avaient pour objet de vérifier les conditions et la régularité de cette opération bancaire.

Ainsi, pour la chambre commerciale, un établissement bancaire ne peut pas opposer le secret bancaire lorsque sa levée est sollicitée dans le cadre d’une action en justice dirigée contre lui.

==> Analyse

La solution adoptée par la Cour de cassation, en l’espèce, s’inscrit dans le droit fil de la jurisprudence antérieure.

Pour mémoire, si conformément à l’article L. 511-33 du Code monétaire et financière les informations détenues par un établissement bancaire sur ses clients dans le cadre de l’exercice de son activité sont couvertes par le secret professionnel, il ne s’agit là en aucun cas d’un principe absolu.

Non seulement cette disposition prévoit un certain nombre de dérogations au secret bancaire, mais encore il faut compter sur d’autres exceptions énoncées en dehors du Code monétaire et financier.

La question s’est ainsi posée pour l’article 10, alinéa 1er du Code civil qui prévoit que « chacun est tenu d’apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité », sauf à justifier, précise l’alinéa 2, d’un « motif légitime ».

L’article 11, alinéa 2 du Code de procédure civile précise que « si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l’autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d’astreinte. Il peut, à la requête de l’une des parties, demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s’il n’existe pas d’empêchement légitime. »

Aussi, la question qui se posait en l’espèce était de savoir si une demande fondée sur l’article 145 (mesure d’instruction in futurum) du Code de procédure civile constituait un motif légitime justifiant la levée du secret bancaire.

Deux situations doivent être distinguées :

  • L’établissement bancaire à qui il est demandé de produire des pièces couvertes par le secret bancaire est un tiers à l’instance
    • Dans cette hypothèse, la jurisprudence considère de façon constante que le secret bancaire est opposable au juge civil ou commercial.
    • Le secret bancaire est ainsi considéré comme constituant un motif légitime justifiant une neutralisation de l’application de l’article 10 du Code civil et de l’article 11 du Code de procédure civile.
    • La Cour de cassation a statué en ce sens notamment dans un arrêt du 13 juin 1995 ( com., 13 juin 1995).
  • L’établissement bancaire à qui il est demandé de produire des pièces couvertes par le secret bancaire est partie à l’instance
    • Dans cette hypothèse, la Cour de cassation a également considéré que le secret bancaire constituait un motif légitime susceptible d’être opposé au juge civil et commercial, quand bien même la banque était partie à l’instance.
    • Dans un arrêt du 25 février 2003, la chambre commerciale a jugé en ce sens, au visa des articles L. 511 du Code monétaire et financier et 10 du Code civil, que « le pouvoir du juge civil d’ordonner à une partie ou à un tiers de produire tout document qu’il estime utile à la manifestation de la vérité, est limité par l’existence d’un motif légitime tenant notamment au secret professionnel»
    • Ainsi, dans cette décision, la Cour de cassation estime-t-elle que l’établissement bancaire pouvait se prévaloir du secret bancaire pour ne pas déférer à la demande de production de pièces fût-ce-t-elle formulée par un juge.

Au regard de la jurisprudence antérieure, la Cour de cassation semble retenir, en l’espèce, la solution inverse de celle qui avait été adoptée en 2003.

Est-ce à dire que la chambre commerciale opère un revirement de jurisprudence ? Une lecture attentive des décisions antérieures permet d’en douter.

En effet, lorsque la banque est partie à l’instance, il convient de distinguer selon que l’information couverte par le secret professionnel concerne un tiers ou selon qu’elle est nécessaire, soit à la résolution du litige, soit à sa propre défense :

  • L’information couverte par le secret bancaire concerne un tiers
    • Dans cette hypothèse, il n’est pas douteux que le secret bancaire demeure opposable au juge civil ou commercial, quand bien même la banque est partie à l’instance.
    • La Cour de cassation a notamment statué en ce sens dans un arrêt du 25 janvier 2005 ( com., 25 janv. 2005).
  • L’information couverte par le secret bancaire est nécessaire à la résolution du litige ou à la défense de la banque
    • Dans cette hypothèse, la Cour de cassation a toujours considéré que le secret bancaire ne constituait pas un motif légitime susceptible de faire échec à une injonction du juge.
    • Cette solution a été retenue notamment dans un arrêt du 19 juin 1990 ( com. 19 juin 1990).
    • Plus récemment, elle a estimé que « dès lors qu’il appartient au banquier d’établir l’existence et le montant de la créance dont il réclame le paiement à la caution ou à ses ayants droit, ceux-ci sont en droit d’obtenir la communication par lui des documents concernant le débiteur principal nécessaires à l’administration d’une telle preuve, sans que puisse leur être opposé le secret bancaire» ( com. 16 déc. 2008).

La solution adoptée, en l’espèce, par la chambre commerciale s’inscrit indéniablement dans le second cas de figure.

Les pièces sollicitées auprès de la banque étaient, en effet, nécessaires à la résolution du litige, d’où l’impossibilité pour cette dernière de se prévaloir du secret bancaire.

En conclusion, la présente décision ne constitue nullement un revirement de jurisprudence, mais seulement une confirmation des solutions antérieures.

Cass. com. 29 nov. 2017
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 9 juin 2016), que la Société Saad Investments Company Limited (la société SICL), régie par le droit des Îles Caïmans, a ouvert un compte dans les livres de la société BSI Ifabanque, devenue la société IFA ; que la société SICL a, le 22 mai 2009, effectué un virement bancaire de la somme de 50 000 000 de dollars américains (USD) à partir d’un compte dont elle était titulaire dans une banque à Zurich, vers un autre de ses comptes, ouvert dans les livres de la société BSI Ifabanque, puis, le même jour, a viré cette somme de ce compte sur celui dont une société Delmon Dana était titulaire dans la même banque ; que la juridiction compétente des Îles Caïmans a, le 18 septembre 2009, prononcé la liquidation judiciaire de la société SICL et nommé trois liquidateurs qui, agissant ès qualités, ont présenté le 26 juin 2013 au président du tribunal de commerce de Paris une requête sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile pour que soit désigné un huissier de justice chargé de rechercher des documents permettant d’établir la preuve que le virement fait au profit de la société Delmon Dana avait été réalisé en violation des obligations de la société BSI Ifabanque et que celle-ci, en connaissance de cause, avait facilité la réalisation d’une opération visant à détourner les avoirs de la société SICL, à un moment où sa situation financière était précaire ; qu’une ordonnance du 27 juin 2013 a désigné un huissier de justice, avec pour mission, notamment, de rechercher et se faire remettre un certain nombre de documents et correspondances, y compris électroniques, relatifs aux relations entre les sociétés IFA et SICL, aux virements de 50 000 000 USD apparaissant sur le relevé du mois de mai 2009 du compte bancaire de la société SICL et aux opérations réalisées durant le mois de mai 2009 sur les comptes, autorisant l’huissier de justice à procéder à une copie complète, en deux exemplaires, des fichiers, des disques durs et autres supports de données qui lui paraîtraient en rapport avec la mission confiée, dont une copie placée sous séquestre devait servir de référentiel et ne pas être transmise à la partie requérante et l’autre permettre à l’huissier de justice de procéder, de manière différée, avec l’aide du technicien choisi par lui, à l’ensemble des recherches et analyses visées ci-avant ; que l’ordonnance précisait, en outre, que faute pour les requérants d’assigner en référé les parties visées par les mesures dans un délai de trente jours après l’exécution de celles-ci, le mandataire de justice remettrait les pièces et documents recueillis à la partie dont il les aurait obtenues ; que l’huissier de justice ayant accompli sa mission en juillet 2013, la société SICL a, le 1er août 2013, assigné la société IFA devant le juge des référés pour qu’il soit ordonné à l’huissier de justice de lui remettre l’intégralité des documents recueillis au cours de l’exécution de la mesure ordonnée et placés sous séquestre ; que, reconventionnellement, la société IFA a demandé la rétractation de l’ordonnance du 27 juin 2013 ; que, par ordonnance du 30 janvier 2014, le juge des référés a, notamment, rejeté la demande de la société IFA tendant à la rétractation de l’ordonnance du 27 juin 2013, en a modifié certains termes, a ordonné la destruction des deux disques durs, de deux DVD et d’un fichier recueillis par l’huissier de justice et dit qu’un certain nombre de documents papier seraient conservés sous séquestre entre ses mains, jusqu’à ce qu’il en soit décidé autrement par décision de justice, ordonnant à l’huissier de justice de remettre à la société SICL les autres documents papier copiés ; que la société IFA a formé appel de cette décision ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société IFA fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à voir prononcer la rétractation de l’ordonnance sur requête du 27 juin 2013, d’ordonner à la SCP Chevrier de Zitter et Asperti de remettre à la société SICL, représentée par ses liquidateurs, et à la société IFA un exemplaire du DVD-R dénommé « SAAD-20130711 » incluant le répertoire Export, le sous-répertoire 1 et le fichier « Filelist » de type “Excel”, et contenant 224 éléments, ainsi que la copie des 84 documents papiers, y compris ceux numérotés n° 3, 4, 5, 18, 20, 21, 38, 39, 40, 45, 46, 55, 59, 60, 79, 80, 81 et 82 alors, selon le moyen :

1°/ que le secret professionnel institué par l’article L. 511-33 du code monétaire et financier constitue un empêchement légitime opposable au juge civil ; que l’article L. 622-6, alinéa 3, du code de commerce, applicable en cas de liquidation judiciaire par renvoi de l’article L. 641-4, alinéa 4, du même code, ne permet au liquidateur judiciaire d’une entreprise que d’obtenir les éléments permettant de connaître la situation patrimoniale du débiteur ; qu’en l’espèce, la société IFA faisait valoir que les mesures autorisées par l’ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 27 juin 2013 contrevenaient au secret bancaire dans la mesure où elles permettaient à un huissier d’avoir accès à des documents, sur divers supports, contenant des éléments couverts par le secret professionnel, dans le but de connaître les conditions dans lesquelles avait été exécuté le transfert d’une somme de 50 millions de dollars, créditée le 22 mai 2009 sur le compte de la société SICL dans les livres de la société IFA, et virée le même jour sur un compte appartenant à une société Delmon Dana ; que, pour débouter la société IFA de sa demande de rétractation de cette ordonnance, la cour d’appel a considéré qu’en vertu des articles L. 622-6, alinéa 3 et L. 641-4, alinéa 4, du code de commerce, qui permettent au liquidateur d’une société en liquidation judiciaire d’obtenir, nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, communication par les établissements de crédit des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation patrimoniale du débiteur, les liquidateurs de la société SICL étaient fondés à obtenir communication d’éléments confidentiels dont la société IFA avait pu avoir connaissance à l’occasion de ses fonctions, relatifs à la société Delmon Dana ou à tout autre tiers ayant été mêlé au transfert de la somme de 50 000 000 USD, puisque ces informations avaient pour objet de vérifier les conditions et la régularité de cette opération bancaire ; qu’en statuant de la sorte, quand les articles L. 622-6, alinéa 3 et L. 641-4, alinéa 4, du code de commerce n’autorisent le liquidateur judiciaire d’une entreprise qu’à obtenir communication des éléments intéressant la situation patrimoniale du débiteur, non celle d’autres éléments couverts par le secret professionnel du banquier, la cour d’appel a violé ces dispositions, ensemble l’article L. 511-33 du code monétaire et financier et l’article 145 du code de procédure civile ;

2°/ que la procédure collective d’une entreprise de droit étranger est régie par le droit de l’Etat dont dépend cette société ; qu’en jugeant, pour dire que les articles L. 622-6, alinéa 3, et L. 641-4, alinéa 4, du code de commerce pouvaient être invoqués par la société de droit des îles Caïmans SICL, que les liquidateurs de cette société avaient une mission identique à celle accordée par le code de commerce français au liquidateur judiciaire, pour en déduire que les règles françaises dérogeant au secret bancaire étaient applicables, comme étant celles de l’Etat dans lequel est établie la banque à laquelle les informations couvertes par le secret sont demandées, la cour d’appel a violé les articles L. 622-6, alinéa 3, et L. 641-4, alinéa 4, du code de commerce, ensemble l’article 3 du code civil ;

3°/ que le secret professionnel institué par l’article L. 511-33 du code monétaire et financier constitue un empêchement légitime opposable au juge civil ; qu’il ne prive pas le titulaire d’un compte bancaire de la possibilité d’établir la preuve d’un fait intéressant le fonctionnement de son compte, mais fait obstacle à la divulgation de tous autres éléments couverts par le secret bancaire ; que pour valider les mesures autorisées par l’ordonnance du 27 juin 2013, la cour d’appel a retenu qu’en vertu de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la société SICL avait le droit de se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter effectivement sa cause, y compris ses preuves, devant le juge du fond éventuellement saisi d’une action en responsabilité civile à l’encontre de la société IFA, et qu’elle ne disposait d’aucun autre moyen de se procurer les preuves de l’éventuelle exécution fautive du transfert de la somme de 50 millions de dollars au profit de la société Delmon Dana ; qu’en statuant de la sorte, quand le secret professionnel auquel était tenue la société IFA faisait obstacle à ce que des pièces couvertes par celui-ci soient divulguées à des tiers, la société SICL, en qualité de client de la banque, pouvant obtenir communication des informations intéressant le fonctionnement de son compte, la cour d’appel a violé l’article L. 511-33 du code monétaire et financier, ensemble l’article 145 du code de procédure civile ;

4°/ que le secret professionnel institué par l’article L. 511-33 du code monétaire et financier constitue un empêchement légitime opposable au juge civil ; qu’en jugeant, par motifs propres et éventuellement adoptés du premier juge, qu’en tout état de cause, le juge des référés ayant rendu l’ordonnance du 27 juin 2013 avait pris soin de prescrire des mesures permettant d’assurer le respect du secret professionnel auquel était astreinte la société IFA, puisqu’il avait prévu, dans un premier temps, la mise sous séquestre des pièces réunies par la SCP Chevrier de Zitter et Asperti et, dans un second temps, une procédure de référé pour qu’il soit statué sur la communication de ces pièces aux parties, la cour d’appel a violé l’article L. 511-33 du code monétaire et financier, ensemble l’article 145 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le secret bancaire institué par l’article L. 511-33 du code monétaire et financier ne constitue pas un empêchement légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile lorsque la demande de communication de documents est dirigée contre l’établissement de crédit non en sa qualité de tiers confident mais en celle de partie au procès intenté contre lui en vue de rechercher son éventuelle responsabilité dans la réalisation de l’opération contestée ; qu’après avoir énoncé que les articles L. 622-6, alinéa 3, et L. 641-4, alinéa 4, du code de commerce permettent au liquidateur d’une société en liquidation judiciaire d’obtenir, nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, communication, notamment par les établissements de crédit, des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation patrimoniale du débiteur, c’est par une interprétation souveraine du droit des Îles Caïmans, non arguée de dénaturation, que l’arrêt retient que, si la procédure de liquidation de la société SICL était régie par la loi de cet Etat, les liquidateurs de cette société avaient une mission identique à celle accordée par le code de commerce français au liquidateur judiciaire et que, dès lors, les règles françaises dérogeant au secret bancaire étaient applicables, comme étant celles de l’Etat dans lequel est établie la banque à laquelle les informations couvertes par le secret étaient demandées ; que l’arrêt retient ensuite qu’en vertu de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la société SICL, représentée par ses liquidateurs, avait le droit de se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter effectivement sa cause, y compris ses preuves, devant le juge du fond éventuellement saisi d’une action en responsabilité civile contre la société IFA, preuves que la société SICL ne pouvait se procurer par d’autres moyens ; que de ces énonciations et appréciations, et abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la quatrième branche, la cour d’appel a exactement déduit que le droit d’information des liquidateurs de la société SICL s’étendait à des éléments confidentiels dont la société IFA avait pu avoir connaissance à l’occasion de ses fonctions, relatifs à la société Delmon Dana ou à tout autre tiers ayant été mêlé au transfert de la somme de 50 000 000 USD puisque ces informations avaient pour objet de vérifier les conditions et la régularité de cette opération bancaire et que le juge des requêtes était, en conséquence, fondé à ordonner les mesures permettant de connaître les conditions du virement litigieux et ses véritables bénéficiaires ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société IFA fait grief à l’arrêt d’infirmer l’ordonnance rendue le 30 janvier 2014 par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, sauf en ce qu’elle avait ordonné la destruction des deux disques durs placés sous séquestre entre les mains de la SCP Chevrier de Zitter et Asperti, tout en ordonnant la restitution à la société des deux disques durs placés sous séquestre entre les mains de la SCP Chevrier de Zitter et Asperti alors, selon le moyen :

1°/ que la contradiction entre les motifs et le dispositif d’une décision de justice équivaut à une absence de motifs ; qu’en l’espèce, aux termes des motifs de l’arrêt attaqué la cour d’appel a estimé que « le premier juge a[vait] excédé ses pouvoirs en ordonnant la destruction des deux disques durs appréhendés par l’huissier de justice au cours de sa mission, puisqu’aucune des parties n’avait demandé une telle mesure, la société IFA ayant sollicité la restitution de ces supports informatiques et les liquidateurs de la société SICL en ayant réclamé la communication » ; qu’elle en a déduit que « ce seul motif suffit à justifier l’infirmation de cette disposition de la décision du juge des référés. Toutefois, rien ne s’oppose à ce que les deux disques durs soient restitués à la société IFA » ; que dans le dispositif de sa décision, la cour d’appel a toutefois « infirm[é], dans la limite de l’appel auquel M. X... et M. Y... ne sont pas parties, l’ordonnance rendue le 30 janvier 2014 par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, sauf en ce qu’elle : (…) ordonne la destruction des deux disques durs » ; qu’en l’état de cette contradiction entre ses motifs et son dispositif, l’arrêt attaqué a été rendu en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu’est privée de tout fondement la décision de justice affectée d’une contradiction entre deux chefs de son dispositif ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a « infirm[é], dans la limite de l’appel auquel M. X... et M. Y... ne sont pas parties, l’ordonnance rendue le 30 janvier 2014 par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, sauf en ce qu’elle : (…) ordonne la destruction des deux disques durs » ; qu’en statuant de la sorte, tout en ordonnant « la restitution à la société IFA des deux disques durs placés sous séquestre entre les mains de la SCP Chevrier de Zitter et Asperti », la cour d’appel s’est contredite, violant ainsi l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d’une part, que c’est à la suite d’une simple erreur matérielle, que la Cour de cassation est en mesure de rectifier au vu des autres énonciations de l’arrêt, que cette décision, dans son dispositif, a infirmé, dans la limite de l’appel auquel MM. X... et Y... n’étaient pas parties, l’ordonnance rendue le 30 janvier 2014 par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, sauf en ce qu’elle (…) ordonne la destruction des deux disques durs, cependant que, dans les motifs de sa décision, la cour d’appel a retenu que le premier juge avait excédé ses pouvoirs en ordonnant la destruction des deux disques durs appréhendés par l’huissier de justice au cours de sa mission, puisqu’aucune des parties n’avait demandé une telle mesure, la société IFA ayant sollicité la restitution de ces supports informatiques et les liquidateurs de la société SICL en ayant réclamé la communication ; que ce seul motif suffisait à justifier l’infirmation de cette disposition de la décision du juge des référés et que rien ne s’opposait à ce que les deux disques durs soient restitués à la société IFA, puisqu’ils ne contenaient pas d’informations correspondant à la mission de l’huissier de justice ;

Et attendu, d’autre part, que la rectification de cette erreur matérielle a pour conséquence de supprimer la contradiction interne au dispositif de l’arrêt et de rendre le grief de la seconde branche sans portée ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Réparant l’erreur matérielle affectant l’arrêt attaqué, dit que, dans le dispositif de celui-ci, au lieu de « infirme, dans la limite de l’appel auquel M. X... et M. Y... ne sont pas parties, l’ordonnance rendue le 30 janvier 2014 par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, sauf en ce qu’elle déboute la société IFA de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 27 juin 2013, ordonne la destruction des deux disques durs », il faut lire « infirme, dans la limite de l’appel auquel M. X... et M. Y... ne sont pas parties, l’ordonnance rendue le 30 janvier 2014 par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, sauf en ce qu’elle déboute la société IFA de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 27 juin 2013 » ;

Cass. com. 25 févr. 2003
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) ayant, dans l'ignorance du décès de Fetta X... survenu le 6 mars 1993, continué à virer jusqu'en décembre 1993 les arrérages de sa retraite sur le compte dont elle titulaire à la BNP-PARIBAS (la banque), a demandé à cette dernière de lui communiquer les coordonnées de la personne ayant procuration sur le compte, aux fins de restitution de l'indu ; que la banque lui ayant opposé le secret professionnel, la CNAV a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale qui a fait droit à ses prétentions ; que la cour d'appel, après avoir annulé le jugement, a ordonné la communication sollicitée ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le moyen, que la cour d'appel a constaté que les mesures sollicitées par la CNAV l'étaient en vue de diligenter postérieurement une procédure en répétition de l'indu ; que de telles mesures relèvent du seul pouvoir du juge des référés ; qu'en s'abstenant de tirer les conséquences de son analyse concernant l'étendue de ses propres prérogatives, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir au mépris de l'article 79, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte de l'arrêt et des conclusions de la BNP-PARIBAS que celle-ci avait demandé à la cour d'appel de faire application des dispositions de l'article 79 du nouveau Code de procédure civile et d'infirmer le jugement déféré, d'où il suit que le moyen qui repose sur une prétention contraire à celle exprimée dans les écritures d'appel et critique une disposition de l'arrêt qui a fait droit à la demande, est irrecevable ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 57 de la loi du 24 janvier 1984, devenu l'article L. 511 du Code monétaire et financier, et l'article 10 du Code civil ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que le pouvoir du juge civil d'ordonner à une partie ou à un tiers de produire tout document qu'il estime utile à la manifestation de la vérité, est limité par l'existence d'un motif légitime tenant notamment au secret professionnel ;

Attendu que, pour faire droit à la demande de la CNAV, la cour d'appel retient que le secret professionnel institué par l'article 57 de la loi du 24 janvier 1984 ne constitue pas un empêchement légitime opposable à cet organisme dès lors que les seuls renseignements sollicités étaient relatifs à l'identité de la ou des personnes qui, après le décès de la titulaire du compte, l'avaient fait fonctionner ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la production ordonnée se heurtait aux règles légales sur le secret bancaire auquel est tenu un établissement de crédit, qui ne cesse pas avec la disparition de la personne qui en bénéficie et s'étend aux personnes qui ont eu le pouvoir de faire fonctionner le compte, et qui constitue un empêchement légitime opposable au juge civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, les faits tels qu'ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, permettant à la Cour de Cassation de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que l'arrêt a fait droit à la demande de communication de renseignements de la CNAV, l'arrêt rendu le 11 septembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE la demande de la Caisse nationale d'assurance vieillesse ;

Condamne la Caisse nationale d'assurance vieillesse aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la BNP-PARIBAS et de la Caisse nationale d'assurance vieillesse ;

Dit que les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. Métivet , conseiller le plus ancien qui en a délibéré, en remplacement du président en son audience publique du vingt-cinq février deux mille trois.

TEXTES

Code monétaire et financier

Article 511-33

I – Tout membre d’un conseil d’administration et, selon le cas, d’un conseil de surveillance et toute personne qui à un titre quelconque participe à la direction ou à la gestion d’un établissement de crédit, d’une société de financement ou d’un organisme mentionné aux 5 et 8 de l’article L. 511-6 ou qui est employée par l’un de ceux-ci est tenu au secret professionnel.

Outre les cas où la loi le prévoit, le secret professionnel ne peut être opposé ni à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ni à la Banque de France ni à l’Institut d’émission des départements d’outre-mer, ni à l’Institut d’émission d’outre-mer, ni à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre d’une procédure pénale, ni aux commissions d’enquête créées en application de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

Les établissements de crédit et les sociétés de financement peuvent par ailleurs communiquer des informations couvertes par le secret professionnel, d’une part, aux agences de notation pour les besoins de la notation des produits financiers et, d’autre part, aux personnes avec lesquelles ils négocient, concluent ou exécutent les opérations ci-après énoncées, dès lors que ces informations sont nécessaires à celles-ci :

1° Opérations de crédit effectuées, directement ou indirectement, par un ou plusieurs établissements de crédit ou sociétés de financement ;

2° Opérations sur instruments financiers, de garanties ou d’assurance destinées à la couverture d’un risque de crédit ;

3° Prises de participation ou de contrôle dans un établissement de crédit, une entreprise d’investissement ou une société de financement ;

4° Cessions d’actifs ou de fonds de commerce ;

5° Cessions ou transferts de créances ou de contrats ;

6° Contrats de prestations de services conclus avec un tiers en vue de lui confier des fonctions opérationnelles importantes ;

7° Lors de l’étude ou l’élaboration de tout type de contrats ou d’opérations, dès lors que ces entités appartiennent au même groupe que l’auteur de la communication.

Lors d’opérations sur contrats financiers, les établissements de crédit et les sociétés de financement peuvent également communiquer des informations couvertes par le secret professionnel, lorsqu’une législation ou une réglementation d’un Etat qui n’est pas membre de l’Union européenne prévoit la déclaration de ces informations à un référentiel central. Lorsque ces informations constituent des données à caractère personnel soumises à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, leur transmission doit s’effectuer dans les conditions prévues par la même loi.

Outre les cas exposés ci-dessus, les établissements de crédit et les sociétés de financement peuvent communiquer des informations couvertes par le secret professionnel au cas par cas et uniquement lorsque les personnes concernées leur ont expressément permis de le faire.

Les personnes recevant des informations couvertes par le secret professionnel, qui leur ont été fournies pour les besoins d’une des opérations ci-dessus énoncées, doivent les conserver confidentielles, que l’opération susvisée aboutisse ou non. Toutefois, dans l’hypothèse où l’opération susvisée aboutit, ces personnes peuvent à leur tour communiquer les informations couvertes par le secret professionnel dans les mêmes conditions que celles visées au présent article aux personnes avec lesquelles elles négocient, concluent ou exécutent les opérations énoncées ci-dessus.

II – Le personnel des établissements de crédit, des sociétés de financement, des compagnies financières holding, des compagnies financières holding mixtes et des entreprises mères de société de financement soumis au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ainsi que le personnel des prestataires externes de ces personnes, peuvent signaler à l’Autorité les manquements et infractions potentiels ou avérés au règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, aux dispositions du présent titre et du titre III du présent livre ou d’un règlement pris pour leur application ou de toute autre disposition législative ou réglementaire dont la méconnaissance entraîne celle des dispositions précitées. Les signalements sont faits sous forme écrite et accompagnés de tout élément de nature à établir la réalité des faits signalés.

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution recueille les signalements dans des conditions qui garantissent la protection des personnes signalant les manquements, notamment en ce qui concerne leur identité, et la protection des données à caractère personnel relatives aux personnes concernées par les signalements.

Le devoir de mise en garde du banquier à l’égard de la caution non avertie (Cass. com. 15 nov. 2017)

Dans un arrêt du 15 novembre 2017, la Cour de cassation a apporté des précisions sur le devoir de mise en garde du banquier à l’égard de la caution non avertie.

==> Faits

Par acte du 15 décembre 2010 un établissement bancaire consent à une société un prêt en vue de financer le prix d’acquisition d’un fonds de commerce d’un montant de 60 000 euros

Le prêt est garanti par un nantissement et, dans une certaine limite, par le cautionnement solidaire la gérante de la société

Consécutivement à un défaut de paiement de l’emprunteur, la caution est actionnée en paiement par la banque

==> Demande

Après avoir été assignée en paiement, la caution engage reconventionnellement la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde

==> Procédure

Par un arrêt du 14 décembre 2015, la Cour d’appel de PAU condamne la banque au paiement de la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde.

Les juges du fond estiment, en effet, que dans la mesure où la caution était en l’espèce non-avertie, il appartenait à la banque de mettre en garde la caution sur les chances – nulles – de succès de l’opération projetée et sur les capacités pour la société d’injecter des capitaux dans l’affaire.

==> Solution

Par un arrêt du 15 novembre 2017, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’établissement bancaire.

Elle justifie sa décision en affirmant que « la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou il existe un risque de l’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.

La chambre commerciale relève que, en l’espèce :

  • d’une part, la gérante de la société n’était pas une caution avertie
  • d’autre part, l’opération était vouée à l’échec dès son lancement

Elle en conclut que la banque était tenue à l’égard de la caution d’un devoir de mise en garde lors de la souscription de son engagement.

La haute juridiction précise qu’il importait peu que cet engagement fût adapté à ses propres capacités financières.

==> Analyse

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de l’arrêt rendu en l’espèce par la Cour de cassation :

  • Premier enseignement
    • La chambre commerciale confirme l’existence d’un devoir de mise en garde mis à la charge du banquier.
    • Elle confirme ainsi une nouvelle fois la position qu’elle avait adoptée par deux arrêts rendus le 29 juin 2007 en chambre mixte ( ch. Mixte, 29 juin 2007).
      • Dans la première espèce
        • L’emprunteur était un agriculteur qui avait souscrit une quinzaine de prêts.
        • Des échéances étant demeurées impayées, la banque avait assigné en paiement l’emprunteur et sa mère, au titre de caution, lesquels s’étaient prévalus d’un manquement de l’établissement de crédit à son obligation de conseil et d’information.
        • Les juges du fond avaient rejeté les demandes de l’emprunteur et de sa caution, aux motifs que la banque n’avait pas d’obligation de conseil à l’égard de l’emprunteur professionnel ou de sa caution et n’avait pas à s’immiscer dans les affaires de son client ou à procéder à des investigations sur sa solvabilité.
      • Dans la seconde espèce
        • Une institutrice avait été assignée en paiement des échéances impayées d’un prêt qu’elle avait souscrit avec son époux pour l’ouverture du restaurant de ce dernier.
        • Elle se prévalait, en défense, d’un manquement de la banque à son obligation d’information des risques qu’elle avait encourus alors qu’elle n’avait jamais eu d’activité artisanale et commerciale et qu’elle ne pouvait être considérée comme un emprunteur averti.
        • La cour d’appel avait rejeté cette demande et avait jugé que, compte tenu de l’expérience professionnelle de l’époux, les coemprunteurs étaient en mesure d’appréhender les risques de l’opération et que la banque n’avait aucune obligation de conseil ou d’information envers eux.
      • Après avoir affirmé dans ces deux espèces que pesait sur le banquier une obligation de mise en garde à la faveur de l’emprunteur, elle précise que ce devoir son débiteur à vérifier la capacité financière de l’emprunteur et l’alerter, le cas échéant, lorsqu’il existe un risque de non-remboursement.
      • Il peut être observé que l’emprunteur n’est pas le seul créancier de l’obligation de mise en garde.
      • Le banquier est également tenu à la même obligation envers la caution.
      • Lors de la conclusion d’un cautionnement il devra ainsi l’alerter au regard de ses capacités financières et du risque d’endettement né de l’octroi du prêt
      • L’obligation de mise en garde
  • Deuxième enseignement
    • Il ressort de l’arrêt en l’espèce que le banquier n’est tenu à l’obligation de mise en garde qu’à la condition que la caution avec laquelle il a contracté soit « non avertie».
    • Cette condition avait déjà été posée dans les arrêts du 29 juin 2007
    • Il en résulte que, pour déterminer, si le devoir de mise en garde pèse sur un établissement bancaire, les juges du fond devront se livrer à un exercice de qualification.
    • Autrement dit, ils devront se prononcer sur la qualification d’averti ou non de la caution ou de l’emprunteur.
    • Dans un arrêt du 3 février 2009, la Cour de cassation a ainsi cassé la décision d’une Cour d’appel qui n’avait pas procédé à cette recherche ( com., 3 févr. 2009).
    • La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par caution avertie.
    • Il s’agit, a priori, de la personne qui ne dispose pas des compétences pour évaluer les risques liés à l’acte de cautionnement au regard de sa capacité financière.
    • S’il ne fait aucun doute que la personne qui n’exerce aucune activité dans le domaine des affaires peut être qualifiée de caution non avertie, quid du dirigeant d’entreprise qui s’est porté caution en garantie d’une dette de la société dont il est associé ?
    • L’arrêt rendu en l’espèce répond à cette interrogation
  • Troisième enseignement
    • Tout porte à croire que le dirigeant qui s’est porté caution pour l’entreprise dont il assure la gestion endosse la qualité de caution avertie, dans la mesure où pour exercer cette fonction cela suppose de disposer d’un certain nombre de compétences et d’avoir des connaissances en matière comptable et financière.
    • Tel n’a cependant pas été l’analyse de la Cour de cassation ; à tout le moins elle a refusé de faire peser sur le dirigeant d’entreprise une présomption de caution avertie.
    • Dans un arrêt du 22 mars 20016, elle a affirmé en ce sens que l’on ne saurait « déduire de sa seule qualité de dirigeant et associé de la société débitrice principale» que celui-ci endosse la qualité de caution avertie ( com. 22 mars 2016).
    • L’arrêt rendu en l’espèce par la chambre commerciale réaffirme cette position en admettant que la gérante de la société puisse ne pas être qualifiée de caution avertie.
  • Quatrième enseignement
    • La Cour de cassation ajoute que la mise en œuvre du devoir de mise en garde n’est pas subordonnée à l’existence d’une inadéquation entre les capacités financières de la caution et son engagement
    • Elle rejette ainsi l’argument soulevé dans la première branche du moyen aux termes duquel « s’il n’existe pas de disproportion manifeste entre les capacités financières de la caution et un risque d’endettement né de l’octroi du crédit, le banquier est dispensé de son devoir de mise en garde».

Cass. Com. 15 nov. 2017
Donne acte à la société Banque populaire Occitane du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société Lalloz et M. Y..., en sa qualité de liquidateur de cette société ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Pau, 14 décembre 2015), qu’en vue de financer le prix d’acquisition d’un fonds de commerce d’un montant de 60 000 euros, la société Banque populaire Occitane (la banque) a, par un acte du 15 décembre 2010, consenti à la société Lalloz, dont la gérante était Mme Z..., un prêt du même montant, garanti par un nantissement et, dans une certaine limite, par le cautionnement solidaire de Mme Z... ; qu’assignée en paiement, celle-ci a recherché la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde ; Attendu que la banque fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à Mme Z... la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde alors, selon le moyen :

1°/ qu’il résulte de l’article 1147 du code civil que s’il n’existe pas de disproportion manifeste entre les capacités financières de la caution et un risque d’endettement né de l’octroi du crédit, le banquier est dispensé de son devoir de mise en garde ; qu’au cas présent, la cour d’appel qui constate que l’engagement de caution de Mme Z... n’était pas manifestement disproportionné et donc que le prêt cautionné était adapté aux capacités financières de Mme Z..., ne pouvait décider que la banque avait manqué à son obligation de mise en garde ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article susvisé ;

2°/ qu’il résulte de l’article 1147 du code civil que le devoir de mise en garde mis à la charge du banquier dispensateur du crédit oblige ce dernier avant d’apporter son concours à vérifier si les capacités financières de la caution sont adaptées au crédit envisagé et à l’alerter sur les risques encourus par un endettement excessif ; qu’ainsi, la cour d’appel ne pouvait justifier un manquement de la banque à un devoir de mise en garde envers la caution au motif erroné que cette dernière se serait abstenue d’opérer des vérifications élémentaires sur les chances de succès de l’opération projetée et sur les capacités pour la société d’injecter des capitaux dans l’affaire, sans violer l’article susvisé;

Mais attendu que la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou il existe un risque de l’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur ; qu’après avoir constaté que Mme Z... n’était pas une caution avertie et retenu que l’opération était vouée à l’échec dès son lancement, la cour d’appel en a, à bon droit, déduit que la banque était tenue à l’égard de Mme Z... à un devoir de mise en garde lors de la souscription de son engagement, peu important que celui-ci fût adapté à ses propres capacités financières ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa troisième branche, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

La procédure de sauvegarde: genèse, finalité et positionnement dans le droit des entreprises en difficulté

Lorsqu’une entreprise rencontre des difficultés, il est un risque que ses dirigeants ne réagissent pas à temps pour les traiter, soit parce qu’ils ne prennent pas conscience de la situation, soit parce qu’ils ne souhaitent pas effrayer les créanciers ou s’exposer à la menace de poursuites.

En tout état de cause, si le dirigeant ne réagit pas rapidement, son incurie est susceptible de compromettre la continuité de l’exploitation.

Aussi, afin que le chef d’entreprise ne se retrouve pas dans cette situation, le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour instaurer des procédures dont la vocation commune est l’appréhension des difficultés rencontrées par l’entreprise.

Tantôt cette appréhension des difficultés de l’entreprise sera préventive, tantôt elle sera curative.

==> Prévention des entreprises en difficulté / Traitement des entreprises en difficulté

Deux sortes de procédures doivent être distinguées :

  • Les procédures de prévention des entreprises en difficulté
    • Il s’agit ici d’intervenir, en amont, soit avant que l’entreprise ne soit en cessation des paiements.
    • Les deux principales procédures de prévention des entreprises en difficulté sont :
      • le mandat ad hoc
      • la conciliation
    • Elles présentent l’avantage pour le débiteur
      • d’une part, d’être confidentielles, l’objectif étant de ne pas effrayer les créanciers, ce qui produirait l’effet inverse de celui recherché
      • d’autre part, de revêtir une dimension contractuelle, en ce sens qu’elles ont pour finalité de conduire à la conclusion d’un accord amiable
  • Les procédures de traitement des entreprises en difficulté
    • Il s’agit ici d’intervenir à un stade où si, la cessation des paiements n’est pas encore constatée, elle est imminente si l’on ne réagit pas
    • Les procédures de traitement des entreprises en difficulté sont au nombre de trois :
      • La procédure de sauvegarde
      • La procédure de redressement judiciaire
      • La procédure de liquidation judiciaire
    • Contrairement aux procédures de préventions des entreprises en difficultés, les procédures de traitement des entreprises en difficulté empruntent, non pas la voie amiable, mais la voie judiciaire
    • Il en résulte inévitablement un nombre bien plus important de contraintes pour le dirigeant, susceptible d’être dépossédés de son pouvoir de gestion de son entreprise à la faveur d’un administrateur.

==> Genèse de la procédure de sauvegarde

Antérieurement à la grande réforme du droit des entreprises en difficulté engagée par la loi du 26 juillet 2005, on ne dénombrait que deux procédures de traitement des entreprises en difficultés :

  • La procédure de redressement judiciaire
  • La procédure de liquidation judiciaire

Si ces deux procédures réformées par la loi du 25 janvier 1985 poursuivaient déjà comme objectif le sauvetage des entreprises et des emplois, le législateur a cherché, en 2005, à compléter les dispositifs de traitement des entreprises en difficulté afin de permettre aux différents acteurs en présence d’agir encore plus tôt lorsqu’une entreprise est en mauvaise posture économique, sans pour autant que les droits des créanciers soient totalement lésés.

Sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985, il peut être observé que l’ouverture d’une procédure collective était soumise à la survenance d’une cessation des paiements du débiteur.

La cessation des paiements était le seul et unique critère permettant l’ouverture d’une procédure judiciaire, à l’exception des cas exceptionnels d’« ouverture-sanction » de la procédure.

L’application de ce critère avait pour inconvénient majeur de manquer cruellement de souplesse :

  • Tant que la cessation des paiements du débiteur n’était pas constatée, il ne pouvait faire l’objet que d’une procédure de traitement amiable, alors même que les difficultés rencontrées par l’entreprise auraient pu justifier l’ouverture d’une procédure collective.
  • En revanche après la constatation de la cessation des paiements, il ne pouvait plus que faire l’objet d’une procédure judiciaire, alors que la voie amiable aurait parfaitement pu être envisagée, aux fins de résorber les difficultés traversées par l’entreprise.

En 2005, le législateur est venu mettre un terme à cette situation pour le moins absurde, en permettant l’ouverture d’une procédure collective sans qu’il soit besoin d’établir la cessation des paiements.

Pour ce faire la loi du 26 juillet 2005 a institué la procédure de sauvegarde applicable à tout débiteur « qui justifie de difficultés susceptibles de le conduire à la cessation des paiements »

Il s’agit, autrement dit, d’une procédure judiciaire qui s’ouvre avant même que le débiteur ne soit en cessation des paiements.

Cette innovation majeure tendait à répondre à la critique récurrente adressée au droit antérieur, selon laquelle la prise en charge judiciaire des difficultés des entreprises intervient, dans la majeure partie des cas, trop tardivement, à un moment où la situation du débiteur est tellement obérée que l’issue de la procédure ne peut être que la liquidation.

Aussi, la nouvelle procédure de sauvegarde, s’inspirant de dispositifs existant dans d’autres traditions juridiques – notamment le chapitre 11 du titre 11 du code fédéral américain, relatif à la faillite – a été pensée pour assurer une réorganisation de l’entreprise en lui permettant de faire face aux difficultés qu’elle traverse.

==> Finalité de la procédure de sauvegarde

Aux termes de l’article L. 620-1 du Code de commerce, la procédure de sauvegarde « est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. »

Ainsi poursuit-elle un triple objectif :

  • La poursuite de l’activité économique
  • Le maintien de l’emploi
  • L’apurement du passif

Ces trois objectifs poursuivis par la procédure de sauvegarde ont, indéniablement, guidé la main du législateur quant au façonnement du régime judiciaire de cette procédure.

Il en va de même des décisions adoptées par la Cour de cassation qui, pour la plupart, doivent être interprétées à l’aune de la finalité de la procédure de sauvegarde.

Pour bien comprendre où la procédure de sauvegarde se situe par rapport aux autres procédures de traitement des entreprises en difficulté, comparons-la avec les objectifs poursuivis par ces dernières.

  • La procédure de conciliation: conclusion entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, d’un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise ( L. 611-7 C. com).
  • La procédure de sauvegarde: faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif ( L. 620-1 C. com)
  • La procédure de sauvegarde accélérée: restructuration de l’endettement des grandes entreprises remplissant des conditions de seuil
  • La procédure de redressement judiciaire:
    • Permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif ( L. 631-1 C. com.)
    • Élaboration d’un plan de redressement à l’issue d’une période d’observation ( L. 631-1 C. com.)
  • La procédure de liquidation judiciaire :
    • Soit, mettre fin à l’activité de l’entreprise ou réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens ( L. 640-1 C. com.)
    • Soit la cession de l’entreprise ayant pour but d’assurer le maintien d’activités susceptibles d’exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d’apurer le passif ( L. 642-1 C. com.)

==> Parachèvement de la réforme

Instaurée par la loi du 26 juillet 2005, la procédure de sauvegarde a fait l’objet de plusieurs réformes successives en 2008, 2010 et 2014.

  • Première réforme : ordonnance n° 2008-1345du 18 décembre 2008
    • Après trois années d’application, il est apparu nécessaire de renforcer l’efficacité des dispositifs qu’elle propose et de tirer les conséquences des difficultés rencontrées par les praticiens.
    • À cette fin, l’objectif principal poursuivi par l’ordonnance du 18 décembre 2008 était triple :
      • Assouplissement des conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde
        • L’ordonnance adoptée en 2008, dispense le débiteur de démontrer que les difficultés rencontrées par l’entreprise sont de nature à le conduire à la cessation des paiements
        • Il est ressort de la pratique que cette preuve est trop souvent ardue à rapporter
        • Sa complexité s’accroît, qui plus est, à mesure de la précocité de sa demande d’ouverture.
      • Extension des pouvoirs du dirigeant de l’entreprise en difficulté
        • L’ordonnance étend le rôle et les prérogatives du dirigeant au moment de l’ouverture et pendant la procédure de sauvegarde.
        • Ainsi, a été introduite la possibilité pour le débiteur qui demande l’ouverture d’une sauvegarde de proposer au tribunal la désignation de l’administrateur judiciaire de son choix ( L. 621-4 C. com.).
        • Il lui est également désormais permis de procéder lui-même à l’inventaire de son patrimoine dans le délai fixé par le tribunal, sous réserve que celui-ci soit certifié par un commissaire aux comptes ou attesté par un expert-comptable ( L. 621-4 et L. 622-6-1 C. com).
      • Amélioration des conditions de réorganisation de l’entreprise
        • L’ordonnance entend faciliter la poursuite de l’activité au cours de la période d’observation et la préparation du plan de sauvegarde, notamment en aménageant les effets de certaines sûretés.
        • Elle améliore par ailleurs les règles de fonctionnement des comités de créanciers et des assemblées d’obligataires, afin de prendre en considération les enseignements de la pratique et l’apparition de nouveaux acteurs du financement des entreprises.
        • Enfin, elle s’attache à favoriser une réorganisation pérenne après l’arrêté du plan de sauvegarde.
  • Deuxième réforme : loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière
    • Elle est venue instituer une nouvelle procédure de sauvegarde des entreprises, intitulée « procédure de sauvegarde financière accélérée ».
    • Réservée au cercle des « créanciers financiers » des entreprises, c’est-à-dire aux établissements de crédit, la sauvegarde financière accélérée permet de dépasser l’opposition des créanciers minoritaires lorsque moins d’un tiers d’entre eux ont fait échouer la conciliation préalable.
    • Cette innovation juridique s’inscrit dans le droit de fil de la loi de 2005 sur la sauvegarde des entreprises.
    • La sauvegarde est dite « accélérée », car le délai est fixé à un mois à compter du jugement d’ouverture et n’est prorogeable qu’une fois.
    • Le régime de la déclaration de créance est précisé.
    • La majorité des deux tiers s’apprécie conformément à la procédure de sauvegarde de droit commun, c’est-à-dire en fonction du montant des créances.
  • Troisième réforme : ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives
    • L’institution d’une procédure de sauvegarde accélérée
      • Cette ordonnance a instauré une procédure de sauvegarde accélérée dont les principes sont inspirés de la procédure de sauvegarde financière accélérée prévue par la loi du 22 octobre 2010.
      • Bien qu’il s’agisse d’une procédure collective puisque les effets de l’ouverture de cette procédure concernent des catégories homogènes de créanciers auxquels est imposée une discipline collective et dont les intérêts sont représentés par un mandataire judiciaire, la sauvegarde accélérée ne peut être ouverte que si le débiteur a préalablement obtenu l’ouverture d’une procédure de conciliation, en cours à la date de la saisine du tribunal.
    • Précision du régime juridique de la procédure de sauvegarde classique
      • Première précision
        • L’ordonnance du 12 mars 2014 a supprimé l’obligation pour l’administrateur de payer sans délai le cocontractant dont le contrat est poursuivi pendant la période d’observation
          • Le texte fait néanmoins peser sur l’administrateur l’obligation de vérifier qu’en imposant la continuation du contrat il ne risque pas de créer un préjudice prévisible à l’intéressé.
          • La règle du paiement comptant demeure applicable à la procédure de redressement judiciaire et à la liquidation judiciaire, en application de l’article L. 641-11-1 du Code de commerce.
      • Deuxième précision
        • à défaut de plan adopté par les comités de créanciers et lorsque la clôture de la procédure conduirait à bref délai à la cessation des paiements, l’ordonnance autorise le Tribunal à convertir la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire à la demande non seulement du débiteur, mais également des mandataires de justice ou du ministère public, ce qui élargit les passerelles entre les procédures.
      • Troisième précision
        • alors que le débiteur n’intervenait que pour le choix de l’administrateur judiciaire, le texte prévoit qu’il peut formuler des observations lorsqu’est envisagée la désignation de plusieurs mandataires judiciaires ou plusieurs administrateurs judiciaires, ainsi que lorsque le ministère public propose la désignation d’un ou plusieurs mandataires de justice.

==> La procédure de sauvegarde ou la procédure de droit commun

Il ressort de l’articulation des dispositions du Code de commerce consacrées au traitement des entreprises en difficulté que la procédure de sauvegarde est érigée en procédure de droit commun.

Elle constitue, autrement dit, la procédure dont les règles s’appliquent aux autres procédures collectives soit aux procédures de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire.

Il en résulte que les Titres III et IV du Livre VI du Code de commerce ne comportent que des dispositions particulières.

Il conviendra, en conséquence, pour le praticien de se reporter au Titre II du Livre VI afin d’accéder aux dispositions générales qui régissent les procédures de traitement des entreprises en difficulté, ce qui n’est pas sans susciter l’étonnement dans la mesure où la procédure de sauvegarde est celle à laquelle il est le moins recouru dans la pratique.

Le droit à l’ouverture d’un compte bancaire (droit au compte)

I) Liberté contractuelle et droit au compte

La liberté contractuelle autorise, en principe, le banquier à contracter avec qui il souhaite. Cette liberté qui lui est reconnue se justifie d’autant plus que la relation bancaire est empreinte d’un fort intuitu personae. Aussi, cela explique-t-il pourquoi un établissement bancaire peut décider discrétionnairement de consentir ou de refuser des crédits à ses clients.

Est-ce à dire que ce pouvoir dont jouit le banquier de choisir son contractant est un droit absolu ? La question s’est notamment posée s’agissant du droit de refuser à un client l’ouverture d’un compte. Deux arguments ont été avancés pour dénier cette faculté aux établissements bancaires.

  • Premier argument, il a été soutenu que, compte tenu du caractère indispensable pour les agents de l’ouverture d’un compte bancaire, la fourniture de ce service s’apparenterait à une mission de service public.
    • Aussi, appartiendrait-il aux banques d’assurer cette mission.
    • Cette obligation pesant sur elles, constituerait, au fond, l’une des contreparties au monopole qui leur est consenti.
  • Second argument d’aucuns ont été tentés d’avancer que le refus opposé par le banquier à un client en réponse à une demande d’ouverture de compte bancaire tomberait sous le coup de l’article L. 121-11 du Code de la consommation qui « interdit le fait de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime»
    • Il s’agirait donc là d’une pratique commerciale prohibée
    • Bien que séduisant, cet argument ne saurait toutefois prospérer.
    • Il ressort de l’article L. 511-4 du Code monétaire et financier que les dispositions relatives aux pratiques individuelles restrictives de concurrence ne sont pas applicables aux opérations de banque.

Manifestement, l’examen de ces arguments révèle qu’aucun d’eux n’est véritablement opérant. Aussi, cela a-t-il conduit le législateur à intervenir pour consacrer un droit au compte bancaire.

II) La reconnaissance d’un droit au compte

Cette consécration s’est faite dans le cadre de l’adoption de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit.

Le droit au compte est désormais codifié à l’article L. 312-1 du Code monétaire et financier.

Cette disposition prévoit en substance que « toute personne physique ou morale domiciliée en France dépourvue d’un compte de dépôt a droit à l’ouverture d’un tel compte dans l’établissement de crédit de son choix. »

L’exercice de ce droit est toutefois subordonné à la réunion de plusieurs conditions.

III) Les conditions d’exercice du droit au compte

==> Une personne physique ou morale

  • Les personnes éligibles au droit au compte
    • Tant les personnes physiques que les personnes morales sont éligibles au droit au compte bancaire.
      • S’agissant des personnes morales, pour exercer leur droit au compte, elles doivent nécessairement être domiciliées en France
      • S’agissant des personnes physiques, il peut s’agir
        • d’une personne domiciliée en France
        • d’une personne résidant légalement sur le territoire d’un autre État membre de l’Union européenne n’agissant pas pour des besoins professionnels
        • d’une personne de nationalité française résidant hors de France.
  • Les personnes exclues du droit au compte
    • Les personnes morales non domiciliées en France
    • Les personnes physiques résidant sur le territoire d’un autre État membre de l’Union européenne agissant pour des besoins professionnels
    • Les personnes physiques de nationalité étrangère qui ne résident pas sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne

==> L’absence de titularité d’un autre compte

Pour exercer son droit au compte, encore faut-il que le demandeur ne soit pas titulaire d’un autre compte

C’est la raison pour laquelle il devra, lorsqu’il formulera sa demande, remettre à l’établissement bancaire choisi une attestation sur l’honneur de non-détention d’un autre compte de dépôt.

IV) La décision de la banque

Deux options s’offrent à la banque lorsqu’un client formule une demande d’ouverture de compte : soit elle accède à sa demande, soit elle la refuse.

==> L’acceptation de la banque

Lorsque la banque accède à la demande du client, l’article L. 312-1-II, al. 3 du Code monétaire et financier prévoit que :

  • D’une part, s’il est en situation de fragilité financière – notamment eu égard le montant de ses ressources – il doit se voir proposer une offre spécifique qui comprend :
    • des moyens de paiement, dont au moins deux chèques de banque par mois
    • des services appropriés à leur situation et de nature à limiter les frais supportés en cas d’incident.
  • D’autre part, l’établissement procède à l’ouverture du compte de dépôt demandée par le client au plus tard dans les six jours ouvrés à compter de la réception de l’ensemble des pièces qui lui sont nécessaires à cet effet.

==> Le refus de la banque

L’établissement peut rejeter la demande d’ouverture de compte au motif que le demandeur peut bénéficier d’un compte de dépôt selon la procédure du droit au compte

En cas de refus, plusieurs obligations pèsent sur l’établissement bancaire :

  • Obligation, lorsque l’établissement bancaire oppose un refus à une demande écrite d’ouverture de compte de dépôt de fournir gratuitement une copie de la décision de refus au demandeur sur support papier et sur un autre support durable lorsque celui-ci en fait la demande expresse (art. R. 312-3 CMF).
  • Obligation de fournir au demandeur gratuitement, sur support papier, et sur un autre support durable lorsque celui-ci en fait la demande expresse, les motifs du refus d’ouverture d’un compte bancaire en mentionnant, le cas échéant, la procédure de droit au compte (art. L. 312-1, II CMF)
  • Obligation de fourniture au demandeur systématiquement, gratuitement et sans délai, sur support papier, et sur un autre support durable lorsque celui-ci en fait la demande expresse, une attestation de refus d’ouverture de compte (art. L. 312-1, III CMF)
  • Obligation d’information de l’intéressé qu’il peut demander à la Banque de France de lui désigner un établissement de crédit pour lui ouvrir un compte (art. L. 312-1, III CMF)
  • Obligation de proposer, s’il s’agit d’une personne physique, d’agir en son nom et pour son compte en transmettant la demande de désignation d’un établissement de crédit à la Banque de France ainsi que les informations requises pour l’ouverture du compte (art. L. 312-1, III CMF).

MODÈLE DE LETTRE DE REFUS D'OUVERTURE DE COMPTE
Au recto
Madame, Monsieur,
Vous avez souhaité ouvrir un compte de dépôt dans notre établissement.
Cependant, nous sommes au regret de vous informer que nous ne donnons pas une réponse favorable à votre demande.
Nous vous informons, toutefois, que dans le cas où vous ne disposeriez d'aucun compte de dépôt, il vous est possible, conformément à la législation sur le droit au compte, de prendre contact avec la Banque de France la plus proche de votre domicile, à l'adresse suivante :
Nous vous informons également que nous pouvons effectuer cette démarche, en votre nom et pour votre compte, auprès de la Banque de France si vous êtes une personne physique et si vous le souhaitez, après fourniture d'une pièce d'identité comprenant une photographie et d'un justificatif de domicile.
La Banque de France vous désignera d'office un établissement, qui gérera votre compte.
Dans ce cas, vous bénéficierez automatiquement de la part de l'établissement ainsi désigné d'un ensemble de services bancaires gratuits dont vous trouverez ci-joint la liste.
Nous vous prions de croire, Madame, Monsieur, à l'assurance de nos sentiments distingués.
Banque X
Au verso
Procédure à suivre pour l'exercice du droit au compte :
Le code monétaire et financier (art.L. 312-1) prévoit que tout particulier ou toute entreprise, domicilié en France, dépourvu d'un compte de dépôt, a droit à l'ouverture d'un tel compte dans une banque.
Si vous n'avez pas de compte de dépôt et que vous n'avez pas réussi à en obtenir un, l'établissement qui a refusé de vous en ouvrir un vous remettra gratuitement cette lettre de refus.
Muni de ce document, ainsi que d'une déclaration sur l'honneur indiquant que vous n'avez pas d'autre compte de dépôt, d'une pièce d'identité comportant une photographie et d'un justificatif de domicile, vous pouvez vous rendre au guichet de la Banque de France le plus proche de votre domicile qui désignera d'office un établissement où un compte de dépôt vous sera ouvert selon la procédure du droit au compte.
Si vous êtes une personne physique, vous pouvez également demander à l'établissement qui a refusé de vous ouvrir un compte d'effectuer en votre nom et pour votre compte cette démarche auprès de la Banque de France. Si vous le souhaitez, il pourra vous informer de cette décision.
Vous bénéficierez alors des services bancaires gratuits suivants, liés à l'exercice du droit au compte (art.D. 312-5 et D. 312-6 du code monétaire et financier) :
? l'ouverture, la tenue et la fermeture du compte ;
? un changement d'adresse par an ;
? des relevés d'identité bancaire, en cas de besoin ;
? la domiciliation de virements bancaires ;
? l'envoi mensuel d'un relevé des opérations effectuées sur le compte ;
? la réalisation des opérations de caisse ;
? l'encaissement de chèques et de virements bancaires ;
? les dépôts et les retraits d'espèces au guichet de l'organisme qui tient le compte ;
? les paiements par prélèvement, titre interbancaire de paiement ou virement bancaire ;
? des moyens de consultation à distance du solde du compte ;
? une carte de paiement dont chaque utilisation est autorisée par l'établissement de crédit qui l'a émise ;
? deux chèques de banque par mois ou moyens de paiement équivalent offrant les mêmes services.
Vous devez être prévenu, ainsi que la Banque de France, par une lettre motivée, de toute décision de fermeture de ce compte prise à l'initiative de l'établissement désigné par la Banque de France. Un délai de quarante-cinq jours doit vous être accordé avant la fermeture effective de votre compte de dépôt.

V) La saisine de la banque de France

La saisine de la banque de France peut être effectuée par 3 catégories de personnes :

  • La personne dont la demande d’ouverture d’un compte de dépôt a été refusée
  • L’établissement bancaire qui a refusé l’ouverture d’un compte de dépôt dans ses livres
    • Dans cette hypothèse, la banque agir au nom et pour le compte du demandeur en transmettant la demande de désignation d’un établissement de crédit à la Banque de France ainsi que les informations requises pour l’ouverture du compte
  • Le département, la caisse d’allocations familiales, le centre communal ou intercommunal d’action sociale dont cette personne dépend, une association ou encore une fondation à but non lucratif dont l’objet est d’accompagner les personnes en difficulté ou de défendre les intérêts des familles ou une association de consommateurs agréée
    • Là aussi, ces organismes transmettront au nom et pour le compte du demandeur la demande de désignation et les pièces requises à la Banque de France

VI) La désignation par la banque de France d’un établissement bancaire

  • Principe de désignation
    • Conformément à l’article L. 312-1 du Code monétaire et financier, en cas de refus de la part de l’établissement choisi d’ouvrir un compte de dépôt à une personne éligible à la procédure de droit au compte, elle peut saisir la banque de France, afin qu’elle lui désigne un établissement de crédit en considération de plusieurs critères.
  • Critères de désignations
    • La désignation d’un établissement bancaire par la banque de France doit être effectuée en fonction de deux critères
      • D’une part, l’établissement désigné doit se situer à proximité du domicile du demandeur ou d’un autre lieu de son choix
      • D’autre part, la banque de France doit prendre en compte les parts de marché de chaque établissement susceptibles d’être désignés.
  • Condition de la désignation
    • Pour se voir désigner un établissement bancaire, le demandeur doit se munir de plusieurs documents justificatifs dont l’absence de production constitue une fin de non-recevoir :
      • L’attestation de refus d’ouverture de compte par le premier établissement sollicité
      • Une déclaration sur l’honneur de non-détention d’un autre compte de dépôt
      • Une pièce d’identité comportant une photographie
      • Un justificatif de domicile.
    • Il peut être noté que l’établissement désigné par la Banque de France procédera à l’examen systématique des justificatifs requis par la réglementation et pourra, le cas échéant, demander au client de lui fournir des documents complémentaires en application des obligations lui incombant en termes de connaissance du client, en particulier en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux.
  • Moment de la désignation
    • Quel que soit le canal utilisé, la Banque de France désigne l’établissement de crédit dans un délai d’un jour ouvré à réception du dossier complet.
  • Modalités de la désignation
    • La Banque de France informe dans ce délai l’agence désignée (par télécopie ou courriel avec confirmation courrier) et, le cas échéant, l’agence qui a lancé la procédure (utilisation du même support que l’envoi d’origine, télécopie ou courriel).
    • Ainsi
      • le demandeur recevra un courrier de la Banque de France l’informant notamment du nom et de l’adresse de l’établissement désigné pour ouvrir le compte
      • le demandeur aura également la possibilité d’obtenir cette information directement auprès de l’agence qui a lancé la procédure, s’il a autorisé cette communication sur le formulaire de demande de droit au compte.

VII) Les obligations de l’établissement bancaire désigné

Elles sont au nombre de trois :

  • En premier lieu, l’établissement désigné par la banque de France a l’obligation d’offrir gratuitement au demandeur du droit au compte des services bancaires de base.
    • Il est indifférent que le bénéficiaire soit inscrit :
      • Ou sur le fichier des interdits bancaires (FCC)
      • Ou sur le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP)
  • En deuxième lieu, l’article L. 312-1 du Code monétaire et financier précise que l’ouverture d’un compte de dépôt doit être effectuée dans les trois jours ouvrés à compter de la réception de l’ensemble des pièces qui lui sont nécessaires à cet effet.
  • En troisième lieu, lors de l’ouverture du compte par l’établissement désigné par la Banque de France, le titulaire doit signer une convention de compte avec cet établissement.

VIII) Le contenu des services bancaires de base

Aux termes de l’article D. 312-5 du Code monétaire et financier, les services bancaires de base comprennent :

  • L’ouverture, la tenue et la clôture du compte ;
  • Un changement d’adresse par an ;
  • La délivrance à la demande de relevés d’identité bancaire ;
  • La domiciliation de virements bancaires ;
  • L’envoi mensuel d’un relevé des opérations effectuées sur le compte ;
  • L’encaissement de chèques et de virements bancaires ;
  • Les paiements par prélèvements SEPA, titre interbancaire de paiement SEPA ou par virement bancaire SEPA, ce dernier pouvant être réalisé aux guichets ou à distance;
  • Des moyens de consultation à distance du solde du compte ;
  • Les dépôts et les retraits d’espèces au guichet ou aux distributeurs automatiques de l’organisme teneur de compte ;
  • Une carte de paiement permettant notamment le paiement d’opérations sur internet et le retrait d’espèces dans l’Union européenne.
  • la réalisation des opérations de caisse ;
  • deux chèques de banque par mois ou moyens de paiement équivalents offrant les mêmes services.

IX) La résiliation de la convention de compte

  • Principe
    • L’établissement de crédit ne peut résilier unilatéralement la convention de compte de dépôt assorti des services bancaires de base, ouvert en application du droit au compte
    • Admettre le contraire reviendrait à vider de sa substance le principe même du droit au compte
    • Toutefois, ce principe n’est pas sans limites
  • Exceptions
    • Les cas de résiliation unilatérale
      • L’établissement de crédit peut résilier la convention de compte d’un bénéficiaire du droit au compte si l’une au moins des conditions suivantes est remplie :
        • Le client a délibérément utilisé son compte de dépôt pour des opérations que l’organisme a des raisons de soupçonner comme poursuivant des fins illégales ;
        • Le client a fourni des informations inexactes ;
        • Le client ne répond plus aux conditions de domicile ou de résidence définies au I ;
        • Le client a ultérieurement ouvert un deuxième compte de dépôt en France qui lui permet d’utiliser les services bancaires de base ;
        • Le client a fait preuve d’incivilités répétées envers le personnel de l’établissement de crédit ;
        • L’établissement est dans l’une des situations prévues à l’article L. 561-8.
    • Les modalités de la résiliation unilatérale
      • L’exigence d’une double notification
        • Notification au client
          • Toute décision de résiliation à l’initiative de l’établissement de crédit fait l’objet d’une notification écrite motivée et adressée gratuitement au client.
          • L’établissement informe le client, au moment de la notification, de l’existence d’un service de relations avec la clientèle et de la médiation pour traiter les litiges éventuels liés à la résiliation de la convention de compte de dépôt.
        • Notification à la banque de France
          • La décision de résiliation à l’initiative de l’établissement est adressée, pour information, à la Banque de France.
      • Les cas de dispense de motivation
        • La décision de résiliation ne fait pas l’objet d’une motivation lorsque la notification est de nature à contrevenir aux objectifs de sécurité nationale ou de maintien de l’ordre public.
      • Le respect d’un délai de préavis
        • Un délai minimum de deux mois de préavis est octroyé au titulaire du compte, sauf dans les cas mentionnés au 1° et au 2°.