La preuve par témoins: régime

?Vue générale

La preuve par témoins ou preuve testimoniale, est un mode de preuve des plus anciens puisqu’il remonte à l’Antiquité. Il y est notamment fait mention dans la loi des XII des tables qui punissait les faux témoins. On a par ailleurs retrouvé la trace de nombreuses lois romaines qui encadraient strictement la capacité des personnes à témoigner.

La preuve testimoniale était également connue du système juridique médiéval qui avait accordé une place importante aux témoignages.

Jusqu’au XVIe siècle, les juges étaient particulièrement portés à privilégier ce mode de preuve, compte tenu de ce que l’écrit était encore peu répandu dans les relations d’affaires.

Surtout, la preuve par témoins s’avérait particulièrement fiable, les plaideurs craignant de recevoir un châtiment divin en cas de parjure.

Cette place conférée à la preuve testimoniale dans le système probatoire était exprimée par l’adage « témoins passent lettres », ce qui signifiait que ce mode de preuve prévalait sur l’écrit.

Le recours au témoignage connu toutefois un net recul dans la pratique judiciaire consécutivement à l’adoption de l’ordonnance de Moulins en février 1566.

Pour mémoire, cette ordonnance prescrivait en son article 54 l’obligation d’établir un écrit pour toutes les opérations dont le montant excédait 150 livres. Elle interdisait, par ailleurs, de prouver par témoins contre le contenu d’un contrat[1].

Ainsi, dorénavant, la preuve littérale primait sur la preuve testimoniale qui était reléguée au rang de preuve subsidiaire.

Cette primauté de l’écrit sur le témoignage sera reprise 250 ans plus tard par les rédacteurs du Code civil.

Ces derniers ont appréhendé ce mode de preuve avec une certaine méfiance, considérant que sa fiabilité était, par nature, limitée.

Deux raisons principales expliquent cette méfiance du législateur à l’endroit de la preuve testimoniale :

  • En premier lieu, il est un risque que les témoins fournissent de fausses déclarations, nonobstant la peine encourue en cas de parjure
  • En second lieu, il peut arriver que les témoins se méprennent, en toute bonne foi, sur la réalité des faits sur lesquels ils sont appelés à témoigner

De façon générale, la qualité du témoignage dépend pour une large part de l’aptitude du témoin à se remémorer ce qu’il lui a été donné d’observer, mais également de sa capacité à rapporter fidèlement les faits qu’il a été en mesure de constater personnellement.

Surtout, comme souligné par des auteurs « le défaut majeur de la preuve testimoniale tient à sa nature même. Elle présente, en effet, un caractère nécessairement subjectif. Les qualités personnelles du témoin influent sur sa perception des événements »[2].

Bien que la preuve testimoniale n’occupe plus de place prépondérante dans le système probatoire français, elle n’en reste pas moins un mode de preuve fréquemment utilisée devant les juridictions, notamment lorsqu’il s’agit de rapporter la preuve d’un fait juridique.

Comme souligné par François Terré « dans toutes les matières où la preuve est libre, et même, sous certaines conditions dans le système de la preuve légale, le témoignage garde une place importante ; il reste le mode de preuve le plus courant lorsqu’une preuve littérale n’a pas pu être préconstituée »[3].

?Notion

Classiquement, le témoignage est défini par la doctrine comme la déclaration faite par « une personne qui s’est trouvée présente, soit par hasard, soit à la requête des parties, à l’accomplissement de l’acte ou du fait contesté, et qui peut, par suite, en certifier au juge l’existence, la manière, ou les résultats »[4].

La définition retenue par le Code civil est, quant à elle, plus lapidaire. Le témoignage y est décrit à l’article 1381 comme un ensemble de « déclarations faites par un tiers dans les conditions du code de procédure civile », soit celles énoncées à aux articles 199 et suivants de ce code.

À cet égard, si l’on se reporte à l’article 199, il y est précisé que pour endosser la qualification de témoignage, la déclaration reçue par le juge doit être de nature à l’éclairer sur les faits litigieux dont le témoin doit avoir eu personnellement connaissance.

Il ressort de cette précision que pour être admise au rang de témoignage, la déclaration faite par un tiers doit nécessairement relater un fait qu’il a été personnellement en mesure de constater.

C’est là manifestement ce qui distingue la preuve testimoniale de la preuve par témoignage indirect, d’une part, et de la preuve par commune renommée, d’autre part.

  • La preuve par témoignage indirect
    • Le témoignage est qualifié d’indirect lorsqu’un tiers relate un récit qui a été exposé en sa présence par une personne identifiée.
    • Bien que l’on puisse être hésitant quant à la recevabilité d’un tel témoignage, le témoignage indirect est admis de longue date par la jurisprudence.
    • Dans un arrêt du 8 mars 1972, la Cour de cassation a jugé, par exemple, « qu’il n’y a pas lieu d’écarter le témoignage de personnes, pour la seule raison que celles-ci n’ont connu qu’indirectement les faits qu’elles relatent, que la loi s’en remet à la prudence des juges de ce qui est de nature à former leur conviction » (Cass. 2e civ. 8 mars 1972, n°71-10.308).
    • La recevabilité du témoignage indirect se justifie par le fait que le déclarant, s’il n’a pas été témoin oculaire des faits relatés, n’en rapporte pas moins un récit qu’il a personnellement entendu, récit provenant d’une personne dont on connaît l’identité.
    • Aussi, à l’instar du témoignage direct, c’est au juge qu’il reviendra, en toute hypothèse, d’apprécier la crédibilité du témoignage indirect, notamment au regard des circonstances de la cause (Cass. 1ère civ. 18 oct. 1977, n°75-14.417).
  • La preuve par commune renommée
    • Lorsque le tiers se limite, dans ses déclarations, à rapporter des ouï-dire, des commérages, bavardages et autres rumeurs publiques, on dit qu’il rapporte la preuve par commune renommée.
    • Cette preuve se distingue du témoignage indirect en ce que la source des faits rapportés est inconnue.
    • Autrement dit, l’auteur qui aurait été témoin des événements décrits n’est pas identifié.
    • Il en résulte que le récit produit aux débats n’est pas vérifiable ; sa fiabilité est donc par hypothèse douteuse.
    • Pour cette raison, la preuve par commune renommée n’est pas admise par la jurisprudence (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 23 févr. 1972, n°70-12.395).

?Règles applicables

Sous l’empire du droit antérieur, la preuve par témoins était régie par des dispositions relevant d’une section consacrée à la preuve testimoniale.

Dans cette même section on trouvait toutefois des règles intéressant également la preuve littérale, ce qui n’a pas manqué de susciter des critiques.

Lors de l’adoption de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant notamment réforme du droit de la preuve, le législateur en a profité pour rectifier cette maladresse en transférant une partie des dispositions relatives à la preuve testimoniale dans une section dédiée à l’admissibilité des modes de preuves.

Aussi, il ne subsiste désormais plus qu’une seule disposition relative à la preuve testimoniale dans le chapitre consacré aux différents modes de preuve : l’article 1381 du Code civil.

Le législateur a ainsi fait le choix de déconnecter les règles gouvernant l’admissibilité de la preuve par témoins de celles régissant les conditions et la force probante de ce mode de preuve.

I) Les conditions de la preuve par témoins

Les conditions de la preuve testimoniale tiennent :

  • D’une part, à la personne du témoin
  • D’autre part, à la forme du témoignage

A) Les conditions relatives à la personne du témoin

Compte tenu de l’incidence qu’un témoignage est susceptible d’avoir sur l’issue du litige, le législateur a institué un certain nombre de règles qui visent à garantir la fiabilité du témoignage, mais également à favoriser la manifestation de la vérité.

Ces règles s’articulent autour de trois axes :

  • La qualité du témoin
  • La capacité du témoin
  • Le rôle du témoin

1. La qualité du témoin

Pour être admis à témoigner, le témoin doit endosser la qualité de tiers au procès.

Cette exigence est énoncée par l’article 1381 du Code civil qui présente le témoignage comme « des déclarations faites par un tiers ».

L’article 199 du Code de procédure civile évoque dans le même sens le pouvoir du juge à « recevoir des tiers les déclarations de nature à l’éclairer sur les faits litigieux […] » lorsque la preuve testimoniale est admise.

Il en résulte que les parties à l’instance ne sont pas admises à témoigner ; à tout le moins leurs déclarations ne s’analysent pas en des témoignages.

Pratiquement, cela signifie que lorsqu’une partie formule une déclaration elle n’est pas tenue de déposer sous serment.

Aussi, en cas de fausse déclaration d’un plaideur, il ne s’expose pas aux sanctions encourues en cas de parjure.

2. La capacité du témoin

L’article 205, al. 1er du Code de procédure civile prévoit que « chacun peut être entendu comme témoin, à l’exception des personnes qui sont frappées d’une incapacité de témoigner en justice. »

Il ressort de cette disposition que si, par principe, quiconque peut être admis à témoigner en justice, une personne peut toutefois être privée de cette faculté en cas d’incapacité.

a. La liberté de témoigner

Conformément à l’article 205, al. 1er du Code civil, toute personne est, en principe, admise à fournir un témoignage, pourvu qu’elle soit tiers à l’instance et qu’elle ait eu personnellement connaissance des faits relatés.

Il en résulte que l’on ne saurait interdire à un témoin de s’exprimer au motif qu’il ne disposerait pas des compétences requises dans le domaine concerné par le litige ou qu’il entretiendrait des liens personnels ou professionnels avec l’une des parties à l’instance.

À cet égard, dans un arrêt du 29 octobre 2013, la Cour de cassation a consacré, au visa des articles 6 et 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, « la liberté fondamentale de témoigner, garantie d’une bonne justice ».

Elle en déduit que « le licenciement prononcé en raison du contenu d’une attestation délivrée par un salarié au bénéfice d’un autre est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur » (Cass. soc. 29 oct. 2013, n°12-22.447).

En tout état de cause, c’est au juge qu’il reviendra d’apprécier, selon son intime conviction, le crédit qu’il y a lieu donner au témoignage qu’il reçoit.

b. L’incapacité de témoigner

S’il est admis que chacun peut être entendu comme témoin, c’est à la condition, précise l’article 205, al. 1er du Code de procédure civile, de ne pas être frappé d’une incapacité de témoigner en justice.

La règle n’est toutefois pas absolue ; elle souffre d’un tempérament.

i. Principe

Le témoignage d’une personne frappée d’une incapacité de témoigner n’est, en principe, pas recevable.

Cela signifie que le juge ne doit pas en tenir compte dans sa prise de décision ; il doit purement et simplement écarter les déclarations qu’il reçoit.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir quelles sont les personnes frappées d’une incapacité de témoigner.

À l’analyse, l’incapacité de témoigner peut avoir trois sources :

  • Une condamnation pénale
  • L’existence d’un lien de parenté entre le témoin et l’une des parties au procès
  • La minorité du témoin.

?Les incapacités résultant d’une condamnation pénale

Il est des cas où une personne poursuivie pour un crime ou un délit pourra se voir infliger une interdiction de témoigner pendant une période donnée.

L’article 131-10 du Code pénale prévoit en ce sens que « lorsque la loi le prévoit, un crime ou un délit peut être sanctionné d’une ou de plusieurs peines complémentaires qui, frappant les personnes physiques, emportent interdiction, déchéance, incapacité ou retrait d’un droit […] ».

L’article 131-26 du même Code précise que l’interdiction des droits civiques, civils et de famille peut porter sur « le droit d’exercer une fonction juridictionnelle ou d’être expert devant une juridiction, de représenter ou d’assister une partie devant la justice ».

En application du second alinéa de cette disposition l’interdiction frappant le droit de témoigner en juge « ne peut excéder une durée de dix ans en cas de condamnation pour crime et une durée de cinq ans en cas de condamnation pour délit ».

?Les incapacités résultant de l’existence d’un lien de parenté

Le législateur a institué en 1804 une incapacité de témoigner qui frappe les descendants d’époux qui s’opposent dans le cadre d’une procédure de divorce.

L’article 259 du Code civil prévoit en ce sens que si « les faits invoqués en tant que causes de divorce ou comme défenses à une demande peuvent être établis par tout mode de preuve, y compris l’aveu. Toutefois, les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux. »

La règle ainsi énoncée est reprise dans les mêmes termes par le Code de procédure civile en son article 205, lequel prévoit que « les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux à l’appui d’une demande en divorce ou en séparation de corps ».

Ainsi, dans le cadre d’une procédure de divorce est-il fait interdiction aux enfants des époux d’apporter leur témoignage.

Cette interdiction se justifie par la nécessité de les tenir éloigner autant que faire se peut du conflit qui oppose leurs parents, à tout le moins d’éviter qu’ils se retrouvent dans une position qui les contraindrait à prendre partie pour l’un ou pour l’autre.

La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que l’incapacité de témoigner énoncée à l’article 259 du Code civil et à l’article 205 du Code de procédure civile frappe, tant les enfants communs des époux (Cass. 2e civ. 20 mars 1972, n°71-10.107), que ceux qui seraient issus d’un premier lit (Cass. civ. 2e, 5 févr. 1986, n°84-14.467).

Cette incapacité à, par ailleurs, été étendue bien au-delà du cercle des enfants des époux puisqu’elle s’applique également aux conjoints de ces derniers (Cass. 2e civ. 18 nov. 1987, n°86-16.286), à leurs ex-conjoints (Cass. 1ère civ. 14 févr. 2006, n°05-14.686) ou encore à leurs concubins (Cass. 2e civ. 10 mai 2001, n°99-13.833).

Dans un arrêt du 12 juin 2014, la Cour de cassation a toutefois refusé de faire application de l’incapacité de témoigner qui frappe les enfants aux ascendants des époux.

Elle a affirmé en ce sens que « la prohibition de l’audition des descendants d’un époux sur les griefs invoqués à l’appui d’une demande en divorce ne peut être étendue aux ascendants de cet époux » (Cass. 1ère civ. 12 juin 2014, n°13-13.961).

Par ailleurs, régulièrement la Cour de cassation précise « que cette prohibition formelle inspirée par un souci de décence et de protection des intérêts moraux de la famille, doit s’entendre en ce sens qu’aucune déclaration de descendant obtenue sous quelque forme que ce soit ne peut être produite au cours d’une procédure de [divorce] » (Cass. 2e civ. 29 janv. 1969 ; Cass. 2e civ. 23 mars 1977, n°76-11.975).

Dans un arrêt du 1er février 2012 la Deuxième chambre civile est allée encore plus loin en jugeant que l’incapacité de témoigner, instituée à l’article 259 du Code civil et à l’article 205 du Code de procédure civile, « s’applique aux déclarations recueillies en dehors de l’instance en divorce », en conséquence de quoi « les déclarations des enfants recueillies lors de l’enquête de police ne peuvent être prises en considération » (Cass. 1ère civ. 1er févr. 2012, n°10-27.460).

?Les incapacités résultant de la minorité du témoin

Bien que le mineur soit frappé d’une incapacité d’exercice générale, cela ne signifie pas pour autant qu’il soit privé de la faculté d’accomplir un certain nombre d’actes juridiques.

L’article 388-1, al. 1er du Code civil prévoit notamment que « dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. »

Il ressort de cette disposition qu’un mineur peut donc parfaitement être entendu comme témoin dans le cadre d’une instance, à la double condition toutefois que :

  • D’une part, il soit doué de discernement
  • D’autre part, la procédure où il est appelé à témoigner le concerne

Lorsque ces deux conditions cumulatives sont remplies, le mineur pourra apporter son témoignage dans les conditions énoncées aux alinéas 2, 3 et 4 de l’article 388-1 du Code civil.

Aussi, tout d’abord, l’audition du mineur est de droit lorsqu’il en fait la demande, ce qui signifie que le juge ne peut pas refuser de recueillir son témoignage (art. 388-1, al. 2e C. civ.).

Ensuite, dans l’hypothèse où le mineur refuserait d’être entendu, le texte précise que le juge apprécie le bien-fondé de ce refus.

Le mineur peut alors être entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n’apparaît pas conforme à l’intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d’une autre personne.

En tout état de cause, lorsque le mineur est entendu, son audition ne lui confère pas la qualité de partie à la procédure.

Enfin, l’alinéa 4 de l’article 388-1 du Code civil commande au juge de s’assurer que le mineur a bien « été informé de son droit à être entendu et à être assisté par un avocat ».

Dans la mesure où il est admis qu’un mineur puisse être entendu comme témoin dans le cadre d’une procédure qui le concerne, la question s’est posée de savoir si son témoignage était également recevable dans le cadre d’une procédure qui lui est étrangère.

À cette question, la Cour de cassation a répondu par la négative dans un arrêt du 1er octobre 2009.

Aux termes de cette décision elle a jugé que « le mineur, qui ne peut être entendu en qualité de témoin, ne peut attester » (Cass. 2e civ. 1er oct. 2009, n°08-13.167).

Dans le cadre d’une procédure qui ne concerne pas le mineur, il est donc indifférent que celui-ci soit doué de discernement : il est frappé d’une incapacité qui lui interdit de témoigner, quand bien même seraient mises en œuvre les conditions énoncées à l’article 388-1 du Code civil.

ii. Tempérament

L’article 205, al. 2e du Code civil prévoit que « les personnes qui ne peuvent témoigner peuvent cependant être entendues dans les mêmes conditions, mais sans prestation de serment. »

Cette disposition vient ainsi tempérer l’interdiction instituée à l’alinéa 1er du texte. L’incapacité de témoigner dont est susceptible d’être frappée une personne ne l’interdit pas d’être entendu par un juge, elle lui interdit seulement de déposer sous serment.

Ce tempérament ne s’applique toutefois pas aux enfants des époux qui s’opposent dans le cadre d’une procédure de divorce.

L’article 205, al. 2e dispose en effet que « les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux à l’appui d’une demande en divorce ou en séparation de corps. »

Ainsi, est-il fait interdiction aux enfants d’être entendus dans le cadre de l’instance en divorce de leurs parents, peu importe qu’ils soient.

3. Le rôle du témoin

a. Principe : l’obligation de témoigner

L’article 206 du Code de procédure civile prévoit que « est tenu de déposer quiconque en est légalement requis ».

Cette disposition fait ainsi peser sur les justiciables une obligation de témoigner dès lors que leur témoignage est requis par la justice.

Elle n’est autre qu’une déclinaison particulière du principe général énoncé à l’article 10 du Code civil selon lequel « chacun est tenu d’apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité. »

En cas de refus de témoigner, l’article 207 du Code de procédure civile précise que « les témoins défaillants peuvent être cités à leurs frais si leur audition est jugée nécessaire. »

Par ailleurs, la violation de l’obligation de témoigner est sanctionnée par une amende civile.

L’article 207 dispose, en effet, que « les témoins défaillants et ceux qui, sans motif légitime, refusent de déposer ou de prêter serment peuvent être condamnés à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros. »

Celui qui toutefois justifie n’avoir pas pu se présenter au jour fixé pourra être déchargé de l’amende et des frais de citation (art. 207 CPC in fine).

b. Exceptions : les dispenses de témoigner

En application de l’article 206 du Code de procédure civil il est deux cas où celui dont le témoignage est légalement requis peut se soustraire à son obligation de déposer :

  • S’il justifie d’un motif légitime
  • S’il justifie d’un lien de parenté avec l’une des parties ou son conjoint

?La dispense résultant de l’existence d’un motif légitime

L’article 206 du Code de procédure civile prévoit que « peuvent être dispensées de déposer les personnes qui justifient d’un motif légitime ».

La question qui immédiatement se pose est de savoir ce que recouvre la notion de « motif légitime ».

Autrement dit, quel est le motif susceptible de justifier qu’un témoin dont l’audition est légalement requise puisse être dispensé de témoigner ?

Le texte ne le dit pas. C’est donc vers la jurisprudence qu’il convient de se tourner.

L’examen des décisions rendues révèle qu’il est deux sortes de motifs qui sont reconnus par les juridictions comme légitimes au sens de l’article 206 du Code de procédure civile :

  • Les motifs tenant au respect du secret professionnel
    • Il est de nombreuses décisions qui ont reconnu que le respect du secret professionnel pouvait constituer un motif légitime autorisant une personne à refuser de témoigner.
    • La violation du secret professionnel expose, en effet, le débiteur de cette obligation à des sanctions pénales.
    • C’est la raison pour laquelle lorsque le témoignage de la personne dont le témoignage est requis la conduirait à violer le secret professionnel auquel elle est tenue, il est admis qu’elle puisse être dispensée de déposer.
    • Deux conditions cumulatives doivent toutefois être remplies pour que cette dispense puisse être sollicitée :
      • Première condition
        • La personne qui se prévaut du secret professionnel doit avoir été destinataire de l’information dont la révélation est sollicitée dans le cadre de son activité professionnelle.
        • Si dès lors cette information a été recueillie dans un cadre privé, le professionnel ne saurait se prévaloir du secret professionnel pour refuser de témoigner (V. en ce sens Cass. 2e civ. 6 déc. 1978, n°77-12.573).
      • Seconde condition
        • L’information que le professionnel refuse de révéler doit être couverte par le secret professionnel, ce qui implique qu’elle doit présenter un caractère confidentiel et ne pas être publique.
        • Il pourra s’agir, par exemple, du contenu des lettres échangées entre avocats dans le cadre d’une affaire intéressant leurs clients respectifs (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 13 déc. 2012, n°11-12.158).
  • Les motifs tenant au respect du droit à la vie privée
    • Les juridictions admettent régulièrement que le respect au droit à la vie privée est susceptible de constituer un motif légitime de se refuser à témoigner.
    • Pour mémoire, ce droit est protégé par l’article 9 du Code civil qui prévoit que « chacun a droit au respect de sa vie privée ».
    • Est-ce à dire que chaque fois qu’un témoignage est susceptible de porter atteinte au droit à la vie privée, cela justifie que la personne qui se prévaut de ce droit soit dispensée de témoigner ?
    • À l’analyse, cela n’a rien de systématique ; les juges doivent concilier le droit à la vie privée avec le droit à la preuve.
    • Aussi, pour déterminer si le respect au droit à la vie privée constitue un motif légitime au sens de l’article 206 du Code de procédure civile, les juges recherchent si le témoignage sollicité est ou non de nature à porter atteinte de façon disproportionnée à ce droit (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 31 oct. 2012, n° 11-17.476 ; (Cass. 2e civ., 3 juin 2004, n° 02-19.886).
    • Si tel est le cas, alors une dispense sera accordée à la personne dont le témoignage est requis. Dans le cas contraire, elle pourrait être contrainte de déposer.

?La dispense résultant de l’existence d’un lien de parenté

L’article 206 du Code de procédure civile prévoit que peuvent refuser de déposer « les parents ou alliés en ligne directe de l’une des parties ou son conjoint, même divorcé. »

Ainsi, l’existence d’un lien de parenté avec l’une des parties au procès ou son conjoint peut constituer un motif légitime susceptible d’être invoquée par une personne refusant de témoigner.

En pratique toutefois, il peut être observé que cette dispense ne sera que très rarement sollicitée.

Aussi, est-il admis que les témoignages des proches soient produits aux débats, quand bien même ils sont, par nature, orientés, exception faite, comme vu précédemment, des déclarations des descendants portant sur les causes du divorce (art. 205 CPC).

En tout état de cause, le juge disposera toujours de la faculté d’écarter les témoignages apportés par les proches s’il estime qu’ils sont trop empreints de partialité.

B) Les conditions relatives à la forme du témoignage

En application de l’article 199 du Code de procédure civile, les déclarations formulées par les témoins « sont faites par attestations ou recueillies par voie d’enquête selon qu’elles sont écrites ou orales. »

Il ressort de cette disposition que les témoignages peuvent être recueillis selon deux modalités différentes :

  • Soit au moyen d’une attestation
  • Soit par voie d’enquête

1. Le recueil du témoignage au moyen d’une attestation

Un témoignage peut donc être recueilli au moyen d’une attestation. L’attestation se définit comme la déclaration d’un tiers formalisée par écrit.

Ce mode de formalisation du témoignage n’est admis que depuis l’adoption du nouveau Code de procédure civile, soit depuis 1975.

Sous l’empire du droit antérieur, aucune obligation n’était faite au juge de tenir compte des attestations produites. Puis la Cour de cassation est intervenue afin de contraindre les juridictions à apprécier leur force probante (V. en ce sens Cass. 1er juin 1954).

C’est désormais le Code de procédure civile qui confère aux attestations écrites la même valeur probatoire que les témoignages recueillis par une déposition orale. Leur production est régie aux articles 200 à 203 de ce Code.

a. Production de l’attestation

L’article 200 du Code de procédure civile prévoit qu’une attestation peut être produite :

  • Soit à l’initiative des parties
  • Soit à la demande du juge

Dans les deux cas, le texte dispose que le juge doit faire observer le principe du contradictoire en communiquant aux parties les attestations qui lui sont directement adressées.

À cet égard, dans un arrêt du 30 avril 2003, la Cour de cassation a jugé qu’il appartenait au juge de veiller, conformément au principe du contradictoire, à ce que les attestations produites aient été « régulièrement versées aux débats et soumises à la discussion contradictoire des parties » (Cass. 2e civ., 30 avr. 2003, n°01-03.497)

b. Établissement de l’attestation

L’article 201 prévoit que pour être valables, les attestations doivent nécessairement avoir été établies « par des personnes qui remplissent les conditions requises pour être entendues comme témoins ».

Ainsi, une attestation ne saurait être valablement reçu si elle a été établie :

  • Soit par une partie au procès
  • Soit par une personne frappée d’une incapacité de témoigner

c. Forme de l’attestation

?L’exigence de formalisation d’un écrit

L’article 202, al. 3e du Code de procédure civile prévoit que l’attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur.

Ce dernier doit, par ailleurs lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.

Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition :

  • Premier enseignement
    • L’attestation doit nécessairement prendre la forme d’un écrit, faute de quoi elle s’analyse en un témoignage oral, lequel ne peut être recueilli que dans les conditions de l’enquête.
  • Second enseignement
    • Pour déposer, le témoin a l’obligation de fournir non seulement son identité, mais également tout document officiel de nature à justifier son identité et comportant sa signature (V. en ce sens Cass. soc. 8 oct. 1987)
    • On peut en déduire que le témoignage au moyen d’une attestation ne saurait être anonyme.
    • La Cour Européenne des Droits de l’Homme a toutefois jugé à plusieurs reprises que la production d’un témoignage anonyme n’était pas nécessairement incompatible avec l’article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme.
    • Elle a notamment affirmé dans un arrêt du 26 mars 1996 que l’anonymat d’une déclaration pouvait être justifié pour des considérations qui tiennent à la protection du témoin et plus généralement à la protection de ses intérêts (CEDH 26 mars 1996, Doorson c/ Pays Bas, n° 20524/92, pt 76).
    • Pour qu’un témoignage anonyme soit recevable, plusieurs conditions doivent néanmoins être remplies :
      • D’une part, des mesures devront être prises afin de compenser l’anonymat. Il s’agira notamment de faire observer le principe du contradictoire et de traiter avec une extrême prudence les déclarations obtenues sous couvert d’anonymat
      • D’autre part, le témoignage anonyme devra être corroboré par d’autres éléments de preuve, le juge ne pouvant fonder sa décision uniquement sur ce témoignage.
    • La position adoptée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme n’est pas sans avoir inspiré la Cour de cassation qui a également admis, dans plusieurs arrêts, la recevabilité de témoignages anonymes.
    • Dans un arrêt du 4 juillet 2018, la Chambre sociale a notamment jugé que si des dépositions pouvaient être recueillies sous couvert d’anonymat, il n’en reste pas moins que « le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes » (Cass. soc. 4 juill. 2018, n°17-18.241).

?L’absence de prestation de serment

L’attestation présente par ailleurs la particularité de ne pas exiger de son auteur qu’il prête serment.

Il en résulte que, en cas de fausse attestation, les sanctions encourues sont moindres.

L’auteur d’une fausse attestation ne pourra pas, en effet, être poursuivi pour l’infraction de témoignage, comme précisé plus après.

d. Contenu de l’attestation

En application de l’article 202 du Code de procédure civile, une attestation doit comporter plusieurs éléments :

  • Premier élément
    • L’attestation doit relater « la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu’il a personnellement constatés. »
    • La formulation du texte suggère selon la doctrine qu’une attestation ne saurait formaliser un témoignage indirect, alors même que ce type de témoignage est admis lorsqu’il est recueilli par voie d’enquête.
  • Deuxième élément
    • L’attestation doit mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que, s’il y a lieu, son lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d’intérêts avec elles.
  • Troisième élément
    • L’attestation doit indiquer qu’elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu’une fausse attestation de sa part l’expose à des sanctions pénales.

e. Force probante de l’attestation

Il est désormais admis que les témoignages fournis au moyen d’attestation ont la même force probante que les témoignages fournis par voie d’enquête.

Dans les deux cas, c’est au juge qu’il revient d’apprécier, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir souverain, la force probante qu’il y a lieu de conférer aux témoignages produits.

À cet égard, si le juge n’était pas convaincu par un témoignage formalisé par écrit ou s’il souhaite en vérifier la crédibilité, l’article 203 du Code de procédure civil prévoit qu’il « peut toujours procéder par voie d’enquête à l’audition de l’auteur d’une attestation. »

f. Sanctions

  • Le non-respect du formalisme
    • Bien que le témoignage recueilli au moyen d’une attestation obéisse à un formalisme strict, le non-respect de ce formalisme n’est pas nécessairement sanctionné par la nullité du témoignage, à tout le moins il n’y a là rien d’automatique.
    • Le Rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 souligne en ce sens qu’on ne saurait déduire du formalisme institué par le Code de procédure civile « que seraient dénués de toute force probante les témoignages recueillis dans des conditions ne respectant pas les prescriptions du code de procédure civile ».
    • Aussi, les témoignages recueillis irrégulièrement conservent une force probante dit le Rapport, mais nécessairement moindre.
    • À l’analyse, cette solution n’est pas nouvelle ; elle avait déjà été adoptée par la jurisprudence rendue sous l’empire du droit antérieur.
    • Dans un arrêt du 23 février 1999, la Cour de cassation avait par exemple jugé que « les formalités de l’article 202 du nouveau Code de procédure civile relatives à la production en justice d’attestations dans le cadre d’un procès civil ne sont pas prescrites à peine de nullité » (Cass. com. 23 févr. 1999, n°97-30.213).
    • Aussi, est-ce au juge qu’il revient d’apprécier souverainement s’il y a lieu de tenir compte d’une attestation.
    • Dans un arrêt du 3 octobre 2001, la Chambre sociale a ainsi jugé que « lorsqu’une attestation n’est pas établie conformément à l’article 202 du nouveau Code de procédure civile, il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement si une telle attestation présente ou non des garanties suffisantes pour emporter leur conviction » (Cass. soc. 3 oct. 2001, n°99-43.472).
    • Dans l’hypothèse toutefois où le juge déciderait d’écarter l’attestation produite en raison de son irrégularité, il lui est fait obligation de préciser en quoi l’irrégularité constatée constitue « l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public faisant grief à la partie qui l’invoque » (Cass. 2e civ. 30 nov. 1988, n°87-997).
  • La fausse attestation
    • Comme vu précisément, le témoignage recueilli au moyen d’une attestation ne requiert pas que son auteur prête serment.
    • Il en résulte que, en cas de fausse déclaration, celui-ci ne saurait être poursuivi pour l’infraction de faux témoignage réprimée à l’article 434-13 du Code pénal.
    • Pour mémoire, cette disposition prévoit que « le témoignage mensonger fait sous serment devant toute juridiction ou devant un officier de police judiciaire agissant en exécution d’une commission rogatoire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. »
    • Est-ce à dire que celui qui formule par écrit des déclarations mensongères n’encourt aucune sanction pénale ? Il n’en est rien.
    • L’article 441-7 du Code pénal prévoit que, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait :
      • Soit d’établir une attestation ou un certificat faisant état de faits matériellement inexacts;
      • Soit de falsifier une attestation ou un certificat originairement sincère
      • Soit de faire usage d’une attestation ou d’un certificat inexact ou falsifié.
    • Le texte précise que les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise soit en vue de porter préjudice au Trésor public ou au patrimoine d’autrui, soit en vue d’obtenir un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement.

2. Le recueil du témoignage par voie d’enquête

La procédure d’enquête est la seconde voie procédurale susceptible d’être mise en œuvre aux fins de recueillir les témoignages.

S’analysant en une mesure d’instruction, l’enquête consiste en une audition par le juge du témoin. Il en résulte qu’elle est régie :

  • D’une part, par les règles de droit commun applicables à toutes les mesures d’instruction (art. 143 à 284-1 CPC)
  • D’autre part, par les règles propres aux témoignages (art. 204 à 231 CPC)

S’agissant de ces dernières, elles prévoient qu’il y a lieu de distinguer deux sortes d’enquêtes :

  • L’enquête ordinaire
  • L’enquête sur-le-champ

a. L’enquête ordinaire

i. L’ouverture de l’enquête

?L’initiative de l’ouverture de l’enquête

À l’instar de n’importe quelle mesure d’instruction, l’enquête peut être :

    • Soit sollicitée par les parties
      • Pour qu’il soit accédé à une demande d’audition de témoins, il devra être démontré par le demandeur que le témoignage sollicité permettra d’éclairer le juge sur les faits dont dépend la solution du litige (art. 143 CPC).
    • Soit ordonnée par le juge
      • Le juge peut toujours ordonner d’office une enquête aux fins d’audition de témoins, peu importe qu’il statue au fond ou en référé.
      • Pour actionner cette voie procédurale, il doit néanmoins ne pas disposer d’éléments suffisant pour statuer (art. 144 CPC)
      • À cet égard, le texte précité précise qu’une mesure d’instruction peut toujours être prise « en tout état de cause », ce qui signifie que le juge peut ordonner une enquête pendant toute la phase de mise en état, soit tant que les débats n’ont pas été clôturés par une ordonnance de clôture.

En pratique, il peut être observé que ce sont les parties qui, le plus souvent, seront à l’initiative de l’ouverture de l’enquête.

?La demande de contre-enquête

  • Principe
    • L’article 204 du Code de procédure civile prévoit que « lorsque l’enquête est ordonnée, la preuve contraire peut être rapportée par témoins sans nouvelle décision. »
    • Il ressort de cette disposition que, en cas d’ouverture d’une enquête aux fins d’audition de témoins à la demande d’une partie, la partie adverse peut solliciter l’adoption de la même mesure sans qu’il soit besoin qu’une décision soit prise par le juge.
    • En d’autres termes, le défendeur pourra demander l’audition de témoins sans avoir à obtenir un accord de la juridiction ; .la demande de contre-enquête est de droit.
  • Tempérament
    • Par exception, le défendeur devra formuler une demande d’ouverture d’enquête auprès du juge dans l’hypothèse où il solliciterait l’établissement de faits différents de ceux articulés par l’autre partie.
    • Parce que cette demande porte sur des faits non visés dans l’enquête initiale, elle requiert l’adoption d’une nouvelle décision.
    • Pareille mesure d’instruction ne doit pas être confondue avec la contre-enquête : elle porte le nom d’enquête respective.
    • À cet égard, pour qu’il soit fait droit à une demande d’enquête respective, la partie adverse devra alléger des faits suffisamment précis, faute de quoi le juge sera fondé à la débouter de sa demande (Cass. 2e civ. 18 juin 1975, n°74-11.316).

?La détermination des faits à prouver

Selon que l’enquête est ouverte à l’initiative des parties ou à l’initiative du juge, l’exigence tenant aux faits à prouver diffère :

  • L’enquête est ouverte à l’initiative d’une partie
    • Dans cette hypothèse, l’article 222, al. 1er du Code de procédure civile prévoit que « la partie qui demande une enquête doit préciser les faits dont elle entend rapporter la preuve. »
    • Il appartient donc au demandeur d’exposer dans sa demande d’ouverture d’enquête les faits sur lesquels portera le témoignage sollicité.
    • Cette exigence poursuit deux objectifs :
      • Premier objectif
        • Elle permet au juge d’apprécier la nécessité de la déposition et plus précisément de déterminer si elle est susceptible d’avoir une incidence sur la solution du litige.
        • Dans un arrêt du 27 avril 1977, la Deuxième chambre civile a jugé en ce sens que l’exposé des faits sur lesquels le témoignage sollicité a vocation à porter doit permettre au juge, dans l’exercice de son pouvoir souverain, d’une part, d’apprécier la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui sont soumis et, d’autre part, l’admissibilité des faits articulés à l’appui de la demande d’enquête (Cass. 2e civ. 27 avr. 1977, n°76-12.720).
      • Second objectif
        • L’exigence d’exposé des faits dans la demande d’enquête doit permettre à la partie adverse de préparer au mieux sa défense et de mobiliser le cas échéant toutes les ressources utiles aux fins d’apporter la contradiction au demandeur.
        • Dans un arrêt du 30 janvier 1974, la Cour de cassation a, par exemple, approuvé une Cour d’appel qui avait rejeté une demande d’enquête au motif que les faits énoncés étaient vagues et imprécis, de sorte que l’enquête sollicitée placerait le défendeur « dans l’impossibilité de préparer utilement sa défense » (Cass. 2e civ. 30 janv. 1974, n°73-10.462).
  • L’enquête est ouverte à l’initiative du juge
    • Dans cette hypothèse, l’article 222, al. 2e du Code de procédure civile prévoit qu’« il appartient au juge qui ordonne l’enquête de déterminer les faits pertinents à prouver. »
    • Cette disposition introduit manifestement une véritable dérogation au monopole des parties quant à l’allégation des faits.
    • Elle autorise, en effet, le juge à étendre son pouvoir d’instruction au-delà du périmètre des faits allégués par les parties.
    • Les faits visés par le juge doivent néanmoins être « pertinents » dit le texte ce qui signifie que le juge ne saurait solliciter une audition de témoins sur des faits dont ne dépendrait pas la solution du litige.
    • Aussi, le juge ne peut-il contraindre une personne à témoigner que si la déposition attendue est de nature à l’éclairer sur les faits litigieux.

En tout état de cause, dans la mesure où l’opportunité de diligenter une enquête relève du pouvoir souverain d’appréciation du juge, la décision finale d’ordonner une enquête lui revient.

Dans ces conditions, rien ne l’oblige à faire droit à une demande d’ouverture d’enquête émanant des parties.

?La désignation des témoins

Deux situations doivent être distinguées s’agissant de la désignation des témoins

  • L’enquête est ouverte à l’initiative des parties
    • L’article 223 du Code de procédure civile prévoit que « il incombe à la partie qui demande une enquête d’indiquer les nom, prénoms et demeure des personnes dont elle sollicite l’audition. »
    • Le texte poursuit en précisant que la même charge incombe aux adversaires qui demandent l’audition de témoins sur les faits dont la partie prétend rapporter la preuve
    • Dans l’hypothèse où les parties seraient dans l’impossibilité d’indiquer d’emblée les personnes à entendre, conformément à l’article 224 du Code de procédure civile, le juge peut, malgré tout, les autoriser :
      • soit à se présenter sans autres formalités à l’enquête avec les témoins qu’elles désirent faire entendre
      • soit à faire connaître au greffe de la juridiction, dans le délai qu’il fixe, les nom, prénoms et demeure des personnes dont elles sollicitent l’audition.
    • Si le juge opte pour la seconde option, la partie qui aura été autorisée à adresser au greffe les noms et coordonnées des témoins qu’elle entend faire déposer devra s’exécuter dans un certain délai sous peine de forclusion, c’est-à-dire d’irrecevabilité de sa demande.
    • Néanmoins, elle pourra toujours introduire auprès du juge une requête en relevé de forclusion qui donnera lui à une décision autorisant ou refusant la poursuite de la procédure d’enquête.
  • L’enquête est ouverte à l’initiative du juge
    • Dans cette hypothèse, l’article 223 du Code de procédure civile prévoit que « la décision qui prescrit l’enquête énonce les nom, prénoms et demeure des personnes à entendre. »
    • L’article 224 précise que lorsque l’enquête est ordonnée d’office, le juge, s’il ne peut indiquer dans sa décision le nom des témoins à entendre, enjoint aux parties de procéder comme il est dit à l’alinéa précédent.
    • Il dispose donc de la faculté de leur intimer :
      • soit de se présenter sans autres formalités à l’enquête avec les témoins qu’elles désirent faire entendre
      • soit de faire connaître au greffe de la juridiction, dans le délai qu’il fixe, les nom, prénoms et demeure des personnes dont elles sollicitent l’audition.
    • À l’analyse, il existe une troisième voie susceptible d’être empruntée par le juge ; il peut, en effet, choisir d’exercer le pouvoir qui lui est conféré par l’article 218 du Code de procédure civile.
    • Cette disposition prévoit que « le juge qui procède à l’enquête peut, d’office ou à la demande des parties, convoquer ou entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile à la manifestation de la vérité. »

?La fixation des modalités de l’enquête

  • Désignation du juge en charge de l’enquête
    • L’article 225 du Code de procédure civile prévoit que « la décision qui ordonne l’enquête précise si elle aura lieu devant la formation de jugement, devant un membre de cette formation ou, en cas de nécessité, devant tout autre juge de la juridiction. »
    • Il ressort de cette décision que le juge qui est saisi de la demande d’ouverture d’enquête peut :
      • Soit y procéder lui-même
      • Soit désigner un autre juge pour assurer cette tâche
    • En tout état de cause, seul un juge peut être commis à la conduite de l’enquête ; il ne peut s’agir d’aucune autre personne, peu importe sa qualification ou sa profession.
    • Ne saurait donc être désigné pour entendre les témoins un huissier, un notaire ou encore un expert.
    • Par ailleurs, mention doit être faite dans la décision ordonnant l’enquête de la désignation du juge chargé d’y procéder.
    • Le juge désigné exercera alors la fonction de juge-commissaire ou de juge-enquêteur.
  • Lieu, date et heure de l’enquête
    • Il ressort de la combinaison des articles 226 et 227 que le calendrier de l’enquête est susceptible de différer selon que le juge désigné pour y procéder appartient ou non à la formation de jugement qui l’a ordonnée ou siège dans une autre juridiction.
    • Trois situations doivent être distinguées :
      • L’enquête est conduite par le jugé qui l’a ordonnée ou devant l’un des membres de la formation de jugement
        • Dans cette hypothèse, la décision ordonnant l’enquête doit mentionner les jours, heure et lieu où il y sera procédé (art. 226 CPC).
      • L’enquête est conduite par un juge qui n’appartient pas à la formation de jugement qui l’a ordonnée
        • Dans cette hypothèse, la décision qui ordonne l’enquête peut se borner à indiquer le délai dans lequel il devra y être procédé (art. 227, al. 1er CPC).
      • L’enquête est conduite par un juge qui ne siège pas dans la juridiction d’où émane la décision qui l’a ordonnée
        • Dans cette hypothèse, la décision qui ordonne l’enquête doit préciser le délai dans lequel il devra être procédé à l’enquête (art. 227, al. 2e CPC).
        • Ce délai peut être prorogé par le président de la juridiction commise qui en informe le juge ayant ordonné l’enquête.
    • En tout état de cause, le juge commis pour conduire l’enquête doit fixer les jour, heure et lieu où il y sera procédé (art. 227, al. 3e CPC).
    • L’article 217 du Code de procédure civile précise que « si un témoin justifie qu’il est dans l’impossibilité de se déplacer au jour indiqué, le juge peut lui accorder un délai ou se transporter pour recevoir sa déposition. »

?Convocation des témoins

En application de l’article 228 du Code de procédure civile, « les témoins sont convoqués par le greffier de la juridiction huit jours au moins avant la date de l’enquête. »

Les convocations qui leur sont adressés doivent comporter deux séries de mentions :

  • Première série de mentions
    • La convocation doit mentionner les nom et prénoms des parties
  • Seconde série de mentions
    • La convocation doit reproduire les dispositions des deux premiers alinéas de l’article 207 du Code de procédure aux termes desquelles :
      • Les témoins défaillants peuvent être cités à leurs frais si leur audition est jugée nécessaire.
      • Les témoins défaillants et ceux qui, sans motif légitime, refusent de déposer ou de prêter serment peuvent être condamnés à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros.
    • Ces deux mentions visent à rappeler aux témoins qu’ils ont l’obligation de prêter serment.
    • L’article 211 du Code de procédure civile prévoit en ce sens que les personnes qui sont entendues en qualité de témoins prêtent serment de dire la vérité.
    • A cet égard il appartient au juge de rappeler aux témoins qu’ils encourent des peines d’amende et d’emprisonnement en cas de faux témoignage.
    • S’agissant des personnes qui seraient entendues sans prestation de serment, elles sont informées de leur obligation de dire la vérité.

Les personnes qui seraient entendues sans prestation de serment, en raison de l’incapacité de témoigner dont elles seraient frappées, sont informées de leur obligation de dire la vérité.

S’agissant des parties, l’article 230 du Code de procédure civile prévoit qu’elles sont « avisées de la date de l’enquête verbalement ou par lettre simple. »

Cette information faite aux parties se justifie car, en application du principe du contradictoire, elles doivent pouvoir assister aux auditions.

ii. Le déroulement de l’enquête

?Auditions

  • Ordre des auditions
    • Le juge entend les témoins en leur déposition séparément et dans l’ordre qu’il détermine (art. 208, al. 1er CPC).
  • Personnes présentes aux auditions
    • L’article 208 du Code de procédure civile prévoit que les témoins sont entendus en présence des parties ou celles-ci appelées.
    • Ainsi, les parties sont-elles autorisées à assister aux auditions.
    • La raison en est, l’observation du principe du contradictoire.
    • L’alinéa 2 du texte précise toutefois que, par exception, « le juge peut, si les circonstances l’exigent, inviter une partie à se retirer sous réserve du droit pour celle-ci d’avoir immédiatement connaissance des déclarations des témoins entendus hors sa présence. »
    • Si donc une partie n’est pas autorisée par le juge à assister à une audition, elle a néanmoins le droit d’obtenir la communication des déclarations formulées en dehors de sa présence, là encore par souci du respect du principe du contradictoire.
    • À la liste des personnes autorisées à assister aux auditions des témoins, il y a lieu d’ajouter également :
      • Les défendeurs de toutes les parties (art. 209 CPC)
      • Le ministère public (art. 163 CPC)
      • Les techniciens (art. 215 CPC)
  • Déroulement de l’audition
    • L’audition des témoins se déroule en plusieurs phases :
      • Identité
        • En application de l’article 210 du Code de procédure civile les témoins doivent déclarer :
          • leurs nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession
          • s’il y a lieu, leur lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d’intérêts avec elles
        • Dans un arrêt du 16 mars 2010, la Cour de cassation a jugé que le mensonge d’un témoin sur l’un de ces éléments pouvait s’analyser en une escroquerie au jugement (Cass. crim. 16 mars 2010, n°09-86.403).
      • Prestation de serment
        • L’article 211 du Code de procédure civile poursuit en précisant que les personnes qui sont entendues en qualité de témoins ont l’obligation de prêter serment de dire la vérité.
        • À cet égard, le juge leur rappelle qu’elles encourent des peines d’amende et d’emprisonnement en cas de faux témoignage.
        • Pour rappel, en application de l’article 207 du Code de procédure civile, les témoins qui, sans motif légitime, refusent de déposer ou de prêter serment peuvent être condamnés à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros.
        • Quant aux personnes qui sont entendues sans prestation de serment, soit celles frappées d’une incapacité de témoigner, elles sont informées de leur obligation de dire la vérité.
      • Dépositions
        • Il s’infère de l’article 212 du Code de procédure civile que les dépositions des témoins doivent être orales et spontanées puisque, dit le texte, ils « ne peuvent lire aucun projet ».
        • L’article 214 précise, par ailleurs, que les parties ne doivent ni interrompre ni interpeller ni chercher à influencer les témoins qui déposent, ni s’adresser directement à eux, à peine d’exclusion.
        • Tout au plus, elles peuvent soumettre au juge des questions qu’il lui appartiendra de poser, s’il l’estime nécessaire, au témoin (art. 214, al. 2e CPC)
        • S’agissant précisément du juge, il peut entendre ou interroger les témoins sur tous les faits dont la preuve est admise par la loi, alors même que ces faits ne seraient pas indiqués dans la décision prescrivant l’enquête (art. 213 CPC).
        • À cet égard, à moins qu’il ne leur ait été permis ou enjoint de se retirer après avoir déposé, les témoins restent à la disposition du juge jusqu’à la clôture de l’enquête ou des débats.
        • Par ailleurs, ils peuvent, jusqu’à ce moment, apporter des additions ou des changements à leur déposition (art. 216 CPC).
        • Enfin, le juge peut, s’il le souhaite, entendre à nouveau les témoins, les confronter entre eux ou avec les parties ; le cas échéant, il procède à l’audition en présence d’un technicien (art. 215 CPC).

?Procès-verbal d’enquête

  • Établissement d’un procès-verbal
    • Principe
      • L’article 219 du Code de procédure civile prévoit que les dépositions doivent être consignées dans un procès-verbal.
    • Exception
      • Si les dépositions des témoins sont recueillies au cours des débats et non à l’occasion d’une audition dédiée, l’établissement d’un procès-verbal n’est pas nécessaire dit le second alinéa de l’article 219.
      • Il sera seulement fait mention dans le jugement du nom des personnes entendues et du résultat de leurs dépositions lorsque l’affaire doit être immédiatement jugée en dernier ressort.
      • S’agissant de l’exigence d’immédiateté de prononcé de la décision énoncée par l’article 219, la Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 22 février 1991 que cette exigence n’imposait pas que la décision soit rendue, après débats, à la même audience (Cass. ch. Mixte, 22 févr. 1991, n°86-41.309).
  • Contenu du procès-verbal
    • L’article 220 du Code de procédure civile prévoit que le procès-verbal doit faire mention :
      • de la présence ou de l’absence des parties
      • des nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession des personnes entendues
      • s’il y a lieu, du serment par elles prêté et de leurs déclarations relatives à leur lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d’intérêts avec elles
    • Le juge peut consigner dans ce procès-verbal ses constatations relatives au comportement du témoin lors de son audition.
    • Les observations des parties sont consignées dans le procès-verbal, ou lui sont annexées lorsqu’elles sont écrites.
    • Les documents versés à l’enquête sont également annexés.
  • Signature du procès-verbal
    • Chaque personne entendue doit signer le procès-verbal de sa déposition, après lecture, ou le certifier conforme à ses déclarations, auquel cas mention en est faite au procès-verbal.
    • Le cas échéant, il est mentionné au procès-verbal si un témoin a refusé de le signer ou de le certifier conforme.
    • Enfin, le procès-verbal est daté et signé par le juge et, s’il y a lieu, par le greffier.

b. L’enquête sur-le-champ

Parce que l’enquête ordinaire suppose, pour être menée à bien, la mise en œuvre d’un formalisme rigoureux, ce qui dès lors est de nature à considérablement rallonger la durée de l’instruction de l’affaire, le législateur a institué, en 1973, l’enquête dite « sur-le-champ ».

Cette voie procédurale offre au juge une alternative à l’enquête ordinaire lui permettant de procéder de façon accélérée à l’audition de témoins.

Ainsi, l’article 231 du Code de procédure civile prévoit que « le juge peut, à l’audience ou en son cabinet, ainsi qu’en tout lieu à l’occasion de l’exécution d’une mesure d’instruction, entendre sur-le-champ les personnes dont l’audition lui paraît utile à la manifestation de la vérité. »

L’enquête sur-le-champ présente ainsi la particularité de pouvoir être mise en œuvre sans qu’il soit nécessaire d’observer les formalités préalables propres à l’enquête ordinaire, telles que la détermination du mode et du calendrier de l’enquête ou encore l’observation d’un délai de 8 jours avant l’audition des témoins.

Elle demeure en revanche soumise aux dispositions générales énoncées aux articles 201 à 221 du Code de procédure civile, lesquelles sont applicables à toutes les formes d’enquête.

Les personnes susceptibles d’assister à l’enquête sur-le-champ sont ainsi les mêmes que celles pouvant être présentes à l’enquête ordinaire (art. 208 et 209 CPC).

Il en va de même pour le déroulement de l’audition des témoins qui doit également donner lieu à l’établissement d’un procès-verbal.

Surtout, le juge devra s’assurer que le principe du contradictoire est respecté, ce qui implique que les parties puissent discuter les dépositions des témoins entendus.

II) La force probante de la preuve par témoins

Parce que la preuve testimoniale relève de la catégorie des modes de preuve imparfaits, sa force probante est laissée à l’appréciation souveraine du juge.

Un auteur souligne ainsi que « avec la preuve témoins, on sort de la catégorie des preuves légales en ce sens que la loi ne détermine pas la valeur que le juge doit accorder au témoignage : la preuve par témoins est une preuve morale dont la force probante est abandonnée à l’intime conviction du Tribunal […] »[5].

Cela signifie donc que le juge n’est pas contraint de tenir pour vrais les faits relatés dans les dépositions des témoins. Il lui appartient seulement, en toute conscience, d’apprécier la valeur et la portée des témoignages qui lui sont soumis sur les circonstances de la cause.

Cette liberté d’appréciation des témoignages conférée au juge est régulièrement rappelée par la Cour de cassation (V. par exemple Cass. 2e civ. 18 févr. 1970, n°69-10.560 ; Cass. 2e civ. 3 mars 2011, n°10-30.175).

À cet égard, en raison de l’abolition de l’ancienne règle « testis unis, testis nullus », il est désormais permis au juge de fonder sa décision sur un témoignage unique.

Dans la pratique, il apparaît que les juridictions sont plutôt réticentes à reconnaître aux témoignages une grande force probante en raison de leur caractère éminemment subjectif.

Il est toujours très compliqué d’apprécier la crédibilité des déclarations formulées par un témoin qui, en raison des liens qu’il est susceptible d’entretenir avec une partie, peut être partial.

C’est d’ailleurs l’une des raisons premières qui conduisent les juges à écarter un témoignage des débats (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 21 oct. 1975, n°74-12.739).

En tout état de cause, comme précisé par la Cour de cassation dans un ancien arrêt rendu le 31 mai 1965, les juges du fond ne sont nullement tenus de préciser les raisons pour lesquelles ils décident de retenir ou de ne pas retenir un témoignage (Cass. 2e civ. 31 mai 1965, n°63-12.954).

  1. Art. 54 de l’ordonnance de Moulins adoptée en février 1566 : « pour obvier à la multiplication de faicts que l’on a veu cy-deuant estre mis en avant en jugement, subjects à preuve de tesmoings, et reproche d’iceux dont adviennent plusieurs inconveniens et involutions de procez : avons ordonné et ordonnons que d’oresnavant de toute choses excédant la somme ou valeur de cent livres pour une fois payer, seront passez contracts pardevant notaires et tesmoings par lesquels contracts seulement sera faicte et receue toute preuve esdictes matieres sans recevoir aucune preuve par tesmoings outre le contenu au contract ne sur ce qui seroit allégué avoir esté dit ou convenu avant iceluy lors et depuis. En quoy n’entendons exclurre les preuves des conventions particulieres et autres qui seraient faictes par les parties soubs leurs seings, seaux et escriptures privées. » ?
  2. J. Ghestin et G. Goubeaux, Droit civil – Introduction générale, éd. LGDJ, 1990, n°645, p. 620. ?
  3. F. Terré, Droit civil – Introduction générale au droit, éd. Dalloz, éd. 2000, n°580, p. 584. ?
  4. Planiol, Traité élémentaire de droit civil, Paris, 1900, t. 2, n°22, p. 7. ?
  5. H. Roland et L. Boyer, Introduction au droit, éd. Litec, 2002, n°1777, p. 611. ?

Modes de preuve: les actes récognitifs

Contrairement à ce que suggère l’article 1364 du Code civil, l’acte sous seing privé et l’acte authentique ne sont pas les seuls écrits à pouvoir être invoqués comme moyen de preuve.

Il est d’autres formes d’écrits qui peuvent être produits par les plaideurs au soutien de leurs allégations. Tel est notamment le cas des actes récognitifs.

I) Notion

Bien que le Code civil consacre une sous-section entière aux actes récognitifs, il ne dit pas ce qu’ils sont. Aussi, est-ce à la doctrine qu’est revenue la tâche de les définir.

Selon un auteur, l’acte récognitif est un « acte écrit, appelé aussi titre nouvel, par lequel une personne reconnaît l’existence de droits déjà constatés par un titre antérieur, nommé acte primordial »[1].

Cet acte se situe, en quelque sorte, à mi-chemin entre l’original et la copie :

  • D’un côté, il se rapproche de l’original dans la mesure où il doit être signé par toutes les parties intéressées à l’acte
  • D’un autre côté, il se rapproche de la copie dans la mesure où il se borne à reproduire la substance de l’acte antérieur

Compte tenu de cette situation, d’aucuns se sont demandé si l’acte récognitif ne pouvait pas être assimilé à un aveu dans la mesure où son auteur reconnaît l’existence d’un droit. Cette thèse ne saurait toutefois être retenue.

Pour mémoire, l’article 1383 du Code civil définit l’aveu comme « la déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques ».

Il ressort de cette définition que l’aveu consiste en la reconnaissance d’un fait. Or l’acte récognitif a pour objet la reconnaissance d’un droit.

À la vérité, l’acte récognitif s’analyse plutôt en une variété d’acte déclaratif dans la mesure où :

  • Positivement, il vise fondamentalement à révéler l’existence d’un droit
  • Négativement, il ne crée ni ne transfère aucun droit

II) Fonctions

Il est admis classiquement que l’acte récognitif est susceptible de remplir notamment deux fonctions :

  • Première fonction
    • L’acte récognitif peut être établi en vue d’interrompre une prescription lorsque celle-ci a commencé à courir.
    • Il peut produire son effet sur la prescription extinctive affectant une créance (art. 2240 C. civ.), sur la prescription acquisitive par possession (art. 690 C. civ.) ou encore sur la prescription extinctive de servitude par non-usage (art. 706 C. civ.)
  • Seconde fonction
    • L’établissement d’un acte récognitif peut avoir pour but de se ménager la preuve de ses droits en prévision de la disparition ou de la perte du titre original

III) Conditions de validité

Deux conditions cumulatives doivent être remplies pour qu’un acte puisse être qualifié de récognitif :

?Première condition

Bien que l’acte récognitif se borne à reprendre la teneur de l’acte primordial, il s’analyse en un acte juridique nouveau.

Il en résulte qu’il doit répondre aux mêmes exigences que celles applicables à tous les actes juridiques.

Pour être valable, il doit dès lors notamment être signé (art. 1367, al. 1er C. civ.).

?Seconde condition

Pour être valable, l’acte récognitif ne doit apporter aucune modification à la situation juridique constatée dans le titre original.

Cette exigence est exprimée par l’adage « recognitio nihil dat nov », ce qui signifie littéralement que l’acte récognitif ne donne rien de nouveau.

La conséquence en est, prévient le second alinéa de l’article 1380 du Code civil, que ce que l’acte récognitif « contient de plus ou de différent par rapport au titre original n’a pas d’effet ».

Si donc des différences existent entre le titre original et l’acte récognitif, c’est le premier qui prime sur le second.

Les auteurs justifient cette règle par la volonté du législateur d’« éviter que l’on tire argument de différences de rédaction entre le titre primordial et le titre nouveau pour conclure à l’existence d’une novation que les parties n’ont pas réellement voulue »[2].

Aussi, la seule solution pour prévenir cette situation était de priver de valeur toute mention susceptible d’exprimer une modification de la situation juridique constatée dans le titre original.

À cet égard, il s’agit là d’un rappel de la règle énoncée par l’article 1330 du Code civil qui dispose que « la novation ne se présume pas ; la volonté de l’opérer doit résulter clairement de l’acte. »

IV) Force probante

?Principe

L’article 1380 du Code civil prévoit que « l’acte récognitif ne dispense pas de la présentation du titre original »

Il ressort de cette disposition que la force probante susceptible d’être reconnue à un acte récognitif est subordonnée à la production de l’original.

Aussi, l’acte récognitif est-il dépourvu de toute autonomie probatoire. Il ne tire sa force probante que du seul titre original.

C’est là une différence majeure avec les copies fidèles dont la valeur probatoire est intrinsèque, en ce sens que cette valeur ne dépend pas de la production de l’original.

Cette différence se justifie par l’absence de reproduction littérale des termes de l’original dans l’acte récognitif. Celui-ci se limite à reconnaître l’existence de l’acte primordial, voire ses principaux termes.

En cas d’impossibilité pour la partie qui se prévaut d’un titre récognitif de produire le titre original, l’acte récognitif ne pourra constituer tout au plus qu’un commencement de preuve par écrit. Il devra dès lors pour déployer sa force probante être complété par un élément de preuve extrinsèque.

?Exceptions

Le principe énoncé à l’article 1380 du Code civil est assorti de deux exceptions :

  • Première exception : la reproduction de la teneur du titre original
    • L’article 1380, al. 1er in fine du Code civil prévoit que le plaideur qui se prévaut d’un acte récognitif peut être dispensé de présenter le titre original si la teneur de celui-ci est spécialement relatée dans l’acte produit.
    • Pour que l’exception puisse jouer, il conviendra que le contenu de l’acte antérieur soit relaté avec suffisamment de précision, sans pour autant, selon les auteurs, qu’il s’agisse d’une reproduction littérale.
    • L’exigence devrait être satisfaite dès lors que les principaux termes du titre original sont repris dans l’acte récognitif.
    • En tout état de cause, le respect de cette exigence relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.
  • Seconde exception : la présentation d’un acte récognitif aux fins d’établir l’existence de servitudes discontinues ou non apparentes
    • L’article 695 du Code civil prévoit que « le titre constitutif de la servitude, à l’égard de celles qui ne peuvent s’acquérir par la prescription, ne peut être remplacé que par un titre récognitif de la servitude, et émané du propriétaire du fonds asservi. »
    • Il ressort de cette disposition que, faute pour une partie, d’être en mesure de produire le titre constitutif afin d’établir l’existence d’une servitude, il peut y parvenir en produisant un titre récognitif et, ce, sans être contraint de présenter le titre original comme exigé par l’article 1380 du Code civil.
    • Cette dérogation ne s’applique toutefois qu’aux seules servitudes qui ne peuvent pas s’acquérir par prescription, soit les servitudes discontinues et les servitudes non apparentes.
    • Dans un arrêt du 28 mars 2019, la Cour de cassation a précisé « qu’un acte qui ne se réfère à aucun acte antérieur constitutif de servitude ne constitue pas un titre récognitif ni un commencement de preuve par écrit d’un tel titre » (Cass. 3e civ., 28 mars 2019, n°18-11.357).
    • Autrement dit, l’acte récognitif ne pourra pallier l’absence de titre constitutif de la servitude qu’à la condition qu’il fasse expressément référence à ce titre.
    • C’est là un revirement de jurisprudence qui a été opéré par la Cour de cassation qui, sous l’empire du droit antérieur, admettait de façon pour la moins contestable qu’un acte qui ne relatait pas nécessairement la teneur du titre constitutif de la servitude – qui dès lors s’analysait en un simple aveu – puisse valoir acte récognitif.
    • Dans un arrêt du 5 mars 1971, la Troisième chambre civile avait par exemple jugé en ce sens que dans la mesure où « aucune disposition de la loi ne subordonne la preuve d’une servitude de passage à la production d’un acte écrit », cette preuve peut seulement résulter « de la reconnaissance de celui qui doit le passage » (Cass. civ. 3e, 5 mars 1971, n°69-12.503).
    • L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 28 mars 2019 marque l’abandon de cette position.
    • Aussi, est-il désormais exigé que l’acte ne se limite plus à reconnaître le droit de servitude ; il doit également relater la teneur du titre constitutif (V. en plus récemment Cass. 3e civ. 21 janv. 2021, n°19-16.993).
  1. G. Cornu, Vocabulaire juridique, éd. Puf, 2004, V. acte récognitif ?
  2. G. Lardeux, « Preuve : modes de preuve », Dalloz, rép. n°255. ?

Modes de preuve : les mentions libératoires

Contrairement à ce que suggère l’article 1364 du Code civil, l’acte sous seing privé et l’acte authentique ne sont pas les seuls écrits à pouvoir être invoqués comme moyen de preuve.

Il est d’autres formes d’écrits qui peuvent être produits par les plaideurs au soutien de leurs allégations.

Faute de répondre aux exigences de la preuve littérale, ces écrits ne sont toutefois pas admis pour faire la preuve des actes juridiques dont le montant est supérieur à 1.500 euros, sauf à être complétés par des éléments de preuve extrinsèques (art. 1361 C. civ.).

Lorsqu’ils sont admis, notamment pour faire la preuve d’un fait juridique, leur force probante est, en tout état de cause, laissée à l’appréciation du juge auquel il appartient de se fier à son intime conviction.

Au nombre des écrits reçus comme preuve imparfaite, on compte traditionnellement :

  • Les registres et documents professionnels
  • Les registres et papiers domestiques
  • Les mentions libératoires

Nous nous focaliserons ici sur les mentions libératoires.

La preuve du paiement présente un enjeu majeur, dans la mesure où, en cas de litige, elle détermine le sort de l’obligation dont le débiteur se prétend être déchargée.

En principe, conformément à l’article 1353, al. 2e du Code civil, la charge de la preuve pèse sur le débiteur de l’obligation.

Il est toutefois des textes qui instituent, en certaines circonstances, des présomptions de paiement, ce qui a pour conséquence de renverser la charge de la preuve qui dès lors pèse, non plus sur le débiteur, mais sur le créancier.

Tel est notamment le cas en présence d’une mention apposée sur un titre constatant la créance.

L’article 1378-2 du Code civil prévoit que :

  • D’une part, « la mention d’un paiement ou d’une autre cause de libération portée par le créancier sur un titre original qui est toujours resté en sa possession vaut présomption simple de libération du débiteur. »
  • D’autre part, « il en est de même de la mention portée sur le double d’un titre ou d’une quittance, pourvu que ce double soit entre les mains du débiteur. »

Il ressort de cette disposition que dans l’hypothèse où une mention établissant la libération du débiteur figure, tantôt sur le titre constatant la créance détenue en original par le créancier, tantôt sur le double de ce titre détenu par le débiteur, la charge de la preuve du paiement est inversée.

La mention apposée sur le titre fait, en effet, présumer le paiement de sorte que c’est au créancier qu’il revient d’établir qu’il n’a pas été payé.

 

Modes de preuve : les registres et papiers domestiques

Contrairement à ce que suggère l’article 1364 du Code civil, l’acte sous seing privé et l’acte authentique ne sont pas les seuls écrits à pouvoir être invoqués comme moyen de preuve.

Il est d’autres formes d’écrits qui peuvent être produits par les plaideurs au soutien de leurs allégations.

Faute de répondre aux exigences de la preuve littérale, ces écrits ne sont toutefois pas admis pour faire la preuve des actes juridiques dont le montant est supérieur à 1.500 euros, sauf à être complétés par des éléments de preuve extrinsèques (art. 1361 C. civ.).

Lorsqu’ils sont admis, notamment pour faire la preuve d’un fait juridique, leur force probante est, en tout état de cause, laissée à l’appréciation du juge auquel il appartient de se fier à son intime conviction.

Au nombre des écrits reçus comme preuve imparfaite, on compte traditionnellement :

  • Les registres et documents professionnels
  • Les registres et papiers domestiques
  • Les mentions libératoires

Nous nous focaliserons ici sur les registres et papiers domestiques.

Contrairement aux professionnels que plusieurs dispositions du Code de commerce contraignent à tenir un certain nombre de documents et registres de nature comptable, les particuliers ne sont pas assujettis à une telle obligation.

La conséquence en est l’absence de force probante, de principe, des registres et documents qu’ils sont susceptibles de tenir au nombre desquels figurent notamment les notes, journaux, agendas, fichiers informatiques et plus généralement toutes sortes d’écritures faisant état d’opérations juridiques, comptables ou d’événements.

Est-ce à dire que ces documents ne peuvent pas être produits en justice ? Le législateur n’a pas souhaité poser d’interdiction absolue en la matière.

Il a néanmoins cantonné la valeur probatoire reconnue aux registres et papiers dits domestiques, laquelle est régie à l’article 1378-1 du Code civil.

Cette disposition distingue selon que les registres et papiers domestiques sont produits par ou contre leur auteur.

Une troisième hypothèse se dégage de la jurisprudence : le cas où les documents domestiques sont produits dans le cadre d’une succession.

I) Les registres et papiers domestiques produits par leur auteur

?Principe

L’article 1378-1 du Code civil prévoit que « les registres et papiers domestiques ne font pas preuve au profit de celui qui les a écrits. »

Il ressort de cette disposition que les documents tenus par un particulier sont dépourvus de force probante lorsqu’ils sont produits en justice au soutien de ses propres allégations.

Il s’agit là d’une déclinaison du principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même (art. 1363 C. civ.)

?Tempéraments

L’interdiction pour un particulier de verser aux débats les documents domestiques qu’il a lui-même établis ne devrait pas jouer dans les domaines où la preuve est libre.

Par ailleurs, pour la preuve des actes juridiques, conformément à la jurisprudence antérieure, ils devraient valoir malgré toute comme simples indices soumis à l’appréciation des juges du fond.

Ils devraient, autrement dit, pouvoir être invoqués pour compléter un commencement de preuve par écrit.

?Exceptions

Par exception, certaines dispositions du Code civil admettent que l’auteur de registres et papiers domestiques puisse les produire en justice au soutien de ses propres allégations.

L’article 46 du Code civil prévoit, par exemple, que pour les actes d’état civil « lorsqu’il n’aura pas existé de registres, ou qu’ils seront perdus, la preuve en sera reçue tant par titres que par témoins ; et, dans ces cas, les mariages, naissances et décès pourront être prouvés tant par les registres et papiers émanés des pères et mères décédés, que par témoins. »

L’article 1402 du Code civil dispose encore, s’agissant de la preuve devant être rapportée par un époux souhaitant conserver la propriété en propre de la propriété d’un bien que « à défaut d’inventaire ou autre preuve préconstituée, le juge pourra prendre en considération tous écrits, notamment titres de famille, registres et papiers domestiques, ainsi que documents de banque et factures. »

Il est ainsi un certain nombre de dispositions qui reconnaissent aux registres et papiers domestiques une valeur probatoire lorsqu’ils sont produits par leur auteur.

II) Les registres et papiers domestiques produits contre leur auteur

L’article 1378-1 du Code civil prévoit que les registres et papiers domestiques ne peuvent faire preuve contre leur auteur que dans deux situations très spécifiques :

  • Première situation
    • Le texte dit « dans tous les cas où ils énoncent formellement un paiement reçu »
    • Il s’agit autrement dit de l’hypothèse où le document domestique produit contre son auteur mentionne expressément que celui-ci a reçu paiement en sa qualité de créancier.
  • Seconde situation
    • L’article 1378-1 vise l’hypothèse où le document contient la mention expresse que l’écrit a été fait pour suppléer le défaut du titre en faveur de qui ils énoncent une obligation

Dans ces deux situations, les documents domestiques versés aux débats ont la même valeur probatoire qu’un écrit au sens de l’article 1359 du Code civil. Néanmoins, ils ne font foi que jusqu’à preuve du contraire.

En dehors des deux situations visées par l’article 1378-1 du Code civil, conformément à l’article 1362 du Code civil, les registres et papiers domestiques peuvent constituer un commencement de preuve par écrit à la condition :

  • D’une part, qu’ils émanent de celui à qui ils sont opposés
  • D’autre part, qu’ils rendent vraisemblable ce qui est allégué

III) Les registres et papiers domestiques produits postérieurement au décès de leur auteur

La question s’est posée de savoir si l’on devait reconnaître une valeur probatoire aux registres et papiers domestiques établis par une personne décédée.

Cette situation se rencontrera notamment dans le cadre de la liquidation de la succession de cette dernière.

Dans un arrêt du 28 février 2006 la Cour de cassation a jugé que « c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’interprétation que la cour d’appel a estimé qu’il ressortait des écrits et papiers domestiques rédigés et tenus par Madeleine de X… Z… que son fils, Charles Hugues, était débiteur envers sa succession des sommes qu’elle lui avait prêtées en plusieurs versements » (Cass. 1ère civ. 28 févr. 2006, n°03-15.306).

L’enseignement qu’il y a lieu de retenir de cette décision, c’est que les documents domestiques établis par une personne décédée ne peuvent valoir tout au plus que comme de simples indices soumis à l’appréciation souveraine des juges du fond.

Modes de preuve : les registres et documents professionnels

Contrairement à ce que suggère l’article 1364 du Code civil, l’acte sous seing privé et l’acte authentique ne sont pas les seuls écrits à pouvoir être invoqués comme moyen de preuve.

Il est d’autres formes d’écrits qui peuvent être produits par les plaideurs au soutien de leurs allégations.

Faute de répondre aux exigences de la preuve littérale, ces écrits ne sont toutefois pas admis pour faire la preuve des actes juridiques dont le montant est supérieur à 1.500 euros, sauf à être complétés par des éléments de preuve extrinsèques (art. 1361 C. civ.).

Lorsqu’ils sont admis, notamment pour faire la preuve d’un fait juridique, leur force probante est, en tout état de cause, laissée à l’appréciation du juge auquel il appartient de se fier à son intime conviction.

Au nombre des écrits reçus comme preuve imparfaite, on compte traditionnellement :

  • Les registres et documents professionnels
  • Les registres et papiers domestiques
  • Les mentions libératoires

Nous nous focaliserons ici sur les registres et documents professionnels. 

I) L’obligation de tenue de registres et documents professionnels

En application de l’article L. 123-12 du Code de commerce et des articles R. 123-172 et suivants du même Code, pèse sur les commerçants une obligation de tenir un certain nombre de registres et documents de nature comptable.

Il leur appartient notamment d’établir :

  • Un livre-journal dans lequel sont reportées toutes les opérations effectuées quotidiennement
  • Un grand livre qui vise à reprendre les opérations figurant dans le livre-journal et à les répartir en plusieurs catégories
  • Un livre d’inventaire qui répertorie les actifs et les passifs de l’entreprise
  • Un bilan comptable qui permet de rendre compte du patrimoine de l’entreprise
  • Un compte de résultat qui consiste en état financier présentant les revenus, les dépenses et le bénéfice ou la perte de l’entreprise sur une période donnée

Ces différents documents forment la catégorie de ce que l’on appelle les livres de commerce.

L’article L. 123-22 du Code de commerce précise que les documents comptables et leurs pièces justificatives doivent être conservés pendant dix ans à compter de leur clôture.

La raison en est qu’ils doivent pouvoir être produits par le commerçant en cas notamment de contrôle fiscal ou de réquisition émanant d’une autorité. Là n’est pas la seule justification de l’obligation de conservation.

Cette exigence doit également être rapprochée de la règle admettant les livres de commerce comme moyen preuve en cas de litige avec le commerçant.

II) Force probante

Les règles régissant la force probante reconnue aux registres et documents professionnels ne sont pas les mêmes selon que le litige oppose un professionnel à un particulier ou selon qu’il oppose deux professionnels.

A) Les litiges opposant un professionnel à un particulier

La force probante des registres et documents professionnels diffère selon qu’ils sont invoqués contre leur auteur ou par leur auteur

?Les registres et documents professionnels sont produits contre leur auteur

Dans cette hypothèse, l’article 1378 du Code civil prévoit « les registres et documents que les professionnels doivent tenir ou établir ont, contre leur auteur, la même force probante que les écrits sous signature privée […] ».

Ainsi, est-il reconnu aux livres de commerce la même valeur probatoire qu’un écrit, quand bien même ils ne remplissent pas les conditions de la preuve littérale.

Ils font donc foi jusqu’à la preuve du contraire, étant précisé que, en présence d’un acte supérieur à 1500 euros, seule une preuve parfaite (écrit, aveu judiciaire ou serment décisoire) est admise pour établir le contenu de cet acte.

À cet égard, l’article 1378 du Code civil in fine précise que celui qui se prévaut de registres ou documents professionnels « ne peut en diviser les mentions pour n’en retenir que celles qui lui sont favorables. »

Cela signifie qu’il ne saurait se prévaloir des seules mentions servant ses allégations et rejeter celles qui desservent sa cause.

Autrement dit, lorsque des livres de commerce sont produits aux débats ils doivent nécessairement être reçus en bloc par le juge, sans que le demandeur puisse soigneusement sélectionner les fragments du document invoqué lui permettant d’établir son allégation.

De toute évidence, il s’agit là d’une reprise du principe d’indivisibilité qui joue en matière d’aveu judiciaire (art. 1383-2, al. 3 C. civ.).

?Les registres et documents professionnels sont produits par leur auteur

Sous l’empire du droit antérieur, l’ancien article 1329 du Code civil prévoyait que « les registres des marchands ne font point, contre les personnes non marchandes, preuve des fournitures qui y sont portées, sauf ce qui sera dit à l’égard du serment. »

Il s’inférait de cette disposition le principe selon lequel un commerçant était privé de la faculté de produire en justice ses propres livres de commerce à l’encontre d’un particulier.

Pour établir le bien-fondé de ses allégations, il n’avait d’autre choix que de se soumettre aux règles du droit commun de la preuve.

Aussi, en présence d’un acte juridique supérieur à 1500 euros, lui fallait-il produire un mode de preuve parfait.

À l’occasion de la réforme du droit de la preuve opéré par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 la règle énoncée par l’ancien article 1329 du Code civil n’a pas été reprise par le législateur.

Est-ce à dire que qu’il est désormais admis qu’un professionnel puisse se prévaloir des livres de commerce dont il est l’auteur pour faire la preuve contre un particulier ?

Les auteurs s’accordent à dire qu’il n’en est rien. Au soutien de cette thèse, il est avancé que le principe « nul ne peut se constituer de preuve à soi-même » énoncé par l’article 1363 du Code civil y fait obstacle.

Cette interdiction qui empêche le professionnel d’établir en justice ses allégations au moyen de documents dont il est l’auteur ne jouera toutefois que pour la preuve des actes juridiques. Elle n’a pas vocation à s’appliquer pour la preuve des faits juridiques et plus généralement dans tous les domaines où la preuve est livre.

B) Les litiges entre professionnels

Lorsque le litige oppose deux professionnels, la force probante des registres et documents professionnels n’est pas réglée par l’article 1378 du Code civil qui ne s’applique qu’aux litiges opposant un professionnel à un particulier.

Aussi, est-ce vers l’article L. 123-23 du Code de commerce qu’il convient de se tourner.

Cette disposition distingue selon que la comptabilité du professionnel a été régulièrement ou irrégulièrement tenue :

  • La comptabilité a été régulièrement tenue
    • Dans cette hypothèse, l’article L. 123-23 du Code de commerce prévoit que la comptabilité « peut être admise en justice pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce. »
    • Il ressort de cette disposition que les registres et documents professionnels peuvent être invoqués, tant contre leur auteur, que par leur auteur.
    • Il s’agit là manifestement d’une dérogation au principe « nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ».
    • Il est ainsi admis qu’un professionnel puisse produire en justice sa propre comptabilité au soutien de ses allégations (Cass. com. 21 nov. 2006, n°05-15.128)
    • La Cour de cassation a toutefois rappelé dans un arrêt du 17 novembre 2009 que la force probante des documents produits était soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond (Cass. com. 17 nov. 2009, n°08-20.957).
  • La comptabilité a été irrégulièrement tenue
    • Dans cette hypothèse l’article L. 123-23 du Code de commerce prévoit que la comptabilité ne peut être invoquée par son auteur à son profit.
    • Aussi, ne pourra-t-elle être produite qu’à l’encontre de ce dernier.

Le dernier alinéa de l’article L. 123-23 du Code de commerce précise enfin que « la communication des documents comptables ne peut être ordonnée en justice que dans les affaires de succession, communauté, partage de société et en cas de redressement ou de liquidation judiciaires. »

Modes de preuve : les écrits ne valant pas preuve parfaite

Contrairement à ce que suggère l’article 1364 du Code civil, l’acte sous seing privé et l’acte authentique ne sont pas les seuls écrits à pouvoir être invoqués comme moyen de preuve.

Il est d’autres formes d’écrits qui peuvent être produits par les plaideurs au soutien de leurs allégations.

Faute de répondre aux exigences de la preuve littérale, ces écrits ne sont toutefois pas admis pour faire la preuve des actes juridiques dont le montant est supérieur à 1.500 euros, sauf à être complétés par des éléments de preuve extrinsèques (art. 1361 C. civ.).

Lorsqu’ils sont admis, notamment pour faire la preuve d’un fait juridique, leur force probante est, en tout état de cause, laissée à l’appréciation du juge auquel il appartient de se fier à son intime conviction.

Au nombre des écrits reçus comme preuve imparfaite, on compte traditionnellement :

  • Les registres et documents professionnels
  • Les registres et papiers domestiques
  • Les mentions libératoires

I) Les registres et documents professionnels

A) L’obligation de tenue de registres et documents professionnels

En application de l’article L. 123-12 du Code de commerce et des articles R. 123-172 et suivants du même Code, pèse sur les commerçants une obligation de tenir un certain nombre de registres et documents de nature comptable.

Il leur appartient notamment d’établir :

  • Un livre-journal dans lequel sont reportées toutes les opérations effectuées quotidiennement
  • Un grand livre qui vise à reprendre les opérations figurant dans le livre-journal et à les répartir en plusieurs catégories
  • Un livre d’inventaire qui répertorie les actifs et les passifs de l’entreprise
  • Un bilan comptable qui permet de rendre compte du patrimoine de l’entreprise
  • Un compte de résultat qui consiste en état financier présentant les revenus, les dépenses et le bénéfice ou la perte de l’entreprise sur une période donnée

Ces différents documents forment la catégorie de ce que l’on appelle les livres de commerce.

L’article L. 123-22 du Code de commerce précise que les documents comptables et leurs pièces justificatives doivent être conservés pendant dix ans à compter de leur clôture.

La raison en est qu’ils doivent pouvoir être produits par le commerçant en cas notamment de contrôle fiscal ou de réquisition émanant d’une autorité. Là n’est pas la seule justification de l’obligation de conservation.

Cette exigence doit également être rapprochée de la règle admettant les livres de commerce comme moyen preuve en cas de litige avec le commerçant.

B) Force probante

Les règles régissant la force probante reconnue aux registres et documents professionnels ne sont pas les mêmes selon que le litige oppose un professionnel à un particulier ou selon qu’il oppose deux professionnels.

1. Les litiges opposant un professionnel à un particulier

La force probante des registres et documents professionnels diffère selon qu’ils sont invoqués contre leur auteur ou par leur auteur

?Les registres et documents professionnels sont produits contre leur auteur

Dans cette hypothèse, l’article 1378 du Code civil prévoit « les registres et documents que les professionnels doivent tenir ou établir ont, contre leur auteur, la même force probante que les écrits sous signature privée […] ».

Ainsi, est-il reconnu aux livres de commerce la même valeur probatoire qu’un écrit, quand bien même ils ne remplissent pas les conditions de la preuve littérale.

Ils font donc foi jusqu’à la preuve du contraire, étant précisé que, en présence d’un acte supérieur à 1500 euros, seule une preuve parfaite (écrit, aveu judiciaire ou serment décisoire) est admise pour établir le contenu de cet acte.

À cet égard, l’article 1378 du Code civil in fine précise que celui qui se prévaut de registres ou documents professionnels « ne peut en diviser les mentions pour n’en retenir que celles qui lui sont favorables. »

Cela signifie qu’il ne saurait se prévaloir des seules mentions servant ses allégations et rejeter celles qui desservent sa cause.

Autrement dit, lorsque des livres de commerce sont produits aux débats ils doivent nécessairement être reçus en bloc par le juge, sans que le demandeur puisse soigneusement sélectionner les fragments du document invoqué lui permettant d’établir son allégation.

De toute évidence, il s’agit là d’une reprise du principe d’indivisibilité qui joue en matière d’aveu judiciaire (art. 1383-2, al. 3 C. civ.).

?Les registres et documents professionnels sont produits par leur auteur

Sous l’empire du droit antérieur, l’ancien article 1329 du Code civil prévoyait que « les registres des marchands ne font point, contre les personnes non marchandes, preuve des fournitures qui y sont portées, sauf ce qui sera dit à l’égard du serment. »

Il s’inférait de cette disposition le principe selon lequel un commerçant était privé de la faculté de produire en justice ses propres livres de commerce à l’encontre d’un particulier.

Pour établir le bien-fondé de ses allégations, il n’avait d’autre choix que de se soumettre aux règles du droit commun de la preuve.

Aussi, en présence d’un acte juridique supérieur à 1500 euros, lui fallait-il produire un mode de preuve parfait.

À l’occasion de la réforme du droit de la preuve opéré par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 la règle énoncée par l’ancien article 1329 du Code civil n’a pas été reprise par le législateur.

Est-ce à dire que qu’il est désormais admis qu’un professionnel puisse se prévaloir des livres de commerce dont il est l’auteur pour faire la preuve contre un particulier ?

Les auteurs s’accordent à dire qu’il n’en est rien. Au soutien de cette thèse, il est avancé que le principe « nul ne peut se constituer de preuve à soi-même » énoncé par l’article 1363 du Code civil y fait obstacle.

Cette interdiction qui empêche le professionnel d’établir en justice ses allégations au moyen de documents dont il est l’auteur ne jouera toutefois que pour la preuve des actes juridiques. Elle n’a pas vocation à s’appliquer pour la preuve des faits juridiques et plus généralement dans tous les domaines où la preuve est livre.

2. Les litiges entre professionnels

Lorsque le litige oppose deux professionnels, la force probante des registres et documents professionnels n’est pas réglée par l’article 1378 du Code civil qui ne s’applique qu’aux litiges opposant un professionnel à un particulier.

Aussi, est-ce vers l’article L. 123-23 du Code de commerce qu’il convient de se tourner.

Cette disposition distingue selon que la comptabilité du professionnel a été régulièrement ou irrégulièrement tenue :

  • La comptabilité a été régulièrement tenue
    • Dans cette hypothèse, l’article L. 123-23 du Code de commerce prévoit que la comptabilité « peut être admise en justice pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce. »
    • Il ressort de cette disposition que les registres et documents professionnels peuvent être invoqués, tant contre leur auteur, que par leur auteur.
    • Il s’agit là manifestement d’une dérogation au principe « nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ».
    • Il est ainsi admis qu’un professionnel puisse produire en justice sa propre comptabilité au soutien de ses allégations (Cass. com. 21 nov. 2006, n°05-15.128)
    • La Cour de cassation a toutefois rappelé dans un arrêt du 17 novembre 2009 que la force probante des documents produits était soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond (Cass. com. 17 nov. 2009, n°08-20.957).
  • La comptabilité a été irrégulièrement tenue
    • Dans cette hypothèse l’article L. 123-23 du Code de commerce prévoit que la comptabilité ne peut être invoquée par son auteur à son profit.
    • Aussi, ne pourra-t-elle être produite qu’à l’encontre de ce dernier.

Le dernier alinéa de l’article L. 123-23 du Code de commerce précise enfin que « la communication des documents comptables ne peut être ordonnée en justice que dans les affaires de succession, communauté, partage de société et en cas de redressement ou de liquidation judiciaires. »

II) Les registres et papiers domestiques

Contrairement aux professionnels que plusieurs dispositions du Code de commerce contraignent à tenir un certain nombre de documents et registres de nature comptable, les particuliers ne sont pas assujettis à une telle obligation.

La conséquence en est l’absence de force probante, de principe, des registres et documents qu’ils sont susceptibles de tenir au nombre desquels figurent notamment les notes, journaux, agendas, fichiers informatiques et plus généralement toutes sortes d’écritures faisant état d’opérations juridiques, comptables ou d’événements.

Est-ce à dire que ces documents ne peuvent pas être produits en justice ? Le législateur n’a pas souhaité poser d’interdiction absolue en la matière.

Il a néanmoins cantonné la valeur probatoire reconnue aux registres et papiers dits domestiques, laquelle est régie à l’article 1378-1 du Code civil.

Cette disposition distingue selon que les registres et papiers domestiques sont produits par ou contre leur auteur.

Une troisième hypothèse se dégage de la jurisprudence : le cas où les documents domestiques sont produits dans le cadre d’une succession.

A) Les registres et papiers domestiques produits par leur auteur

?Principe

L’article 1378-1 du Code civil prévoit que « les registres et papiers domestiques ne font pas preuve au profit de celui qui les a écrits. »

Il ressort de cette disposition que les documents tenus par un particulier sont dépourvus de force probante lorsqu’ils sont produits en justice au soutien de ses propres allégations.

Il s’agit là d’une déclinaison du principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même (art. 1363 C. civ.)

?Tempéraments

L’interdiction pour un particulier de verser aux débats les documents domestiques qu’il a lui-même établis ne devrait pas jouer dans les domaines où la preuve est libre.

Par ailleurs, pour la preuve des actes juridiques, conformément à la jurisprudence antérieure, ils devraient valoir malgré toute comme simples indices soumis à l’appréciation des juges du fond.

Ils devraient, autrement dit, pouvoir être invoqués pour compléter un commencement de preuve par écrit.

?Exceptions

Par exception, certaines dispositions du Code civil admettent que l’auteur de registres et papiers domestiques puisse les produire en justice au soutien de ses propres allégations.

L’article 46 du Code civil prévoit, par exemple, que pour les actes d’état civil « lorsqu’il n’aura pas existé de registres, ou qu’ils seront perdus, la preuve en sera reçue tant par titres que par témoins ; et, dans ces cas, les mariages, naissances et décès pourront être prouvés tant par les registres et papiers émanés des pères et mères décédés, que par témoins. »

L’article 1402 du Code civil dispose encore, s’agissant de la preuve devant être rapportée par un époux souhaitant conserver la propriété en propre de la propriété d’un bien que « à défaut d’inventaire ou autre preuve préconstituée, le juge pourra prendre en considération tous écrits, notamment titres de famille, registres et papiers domestiques, ainsi que documents de banque et factures. »

Il est ainsi un certain nombre de dispositions qui reconnaissent aux registres et papiers domestiques une valeur probatoire lorsqu’ils sont produits par leur auteur.

B) Les registres et papiers domestiques produits contre leur auteur

L’article 1378-1 du Code civil prévoit que les registres et papiers domestiques ne peuvent faire preuve contre leur auteur que dans deux situations très spécifiques :

  • Première situation
    • Le texte dit « dans tous les cas où ils énoncent formellement un paiement reçu »
    • Il s’agit autrement dit de l’hypothèse où le document domestique produit contre son auteur mentionne expressément que celui-ci a reçu paiement en sa qualité de créancier.
  • Seconde situation
    • L’article 1378-1 vise l’hypothèse où le document contient la mention expresse que l’écrit a été fait pour suppléer le défaut du titre en faveur de qui ils énoncent une obligation

Dans ces deux situations, les documents domestiques versés aux débats ont la même valeur probatoire qu’un écrit au sens de l’article 1359 du Code civil. Néanmoins, ils ne font foi que jusqu’à preuve du contraire.

En dehors des deux situations visées par l’article 1378-1 du Code civil, conformément à l’article 1362 du Code civil, les registres et papiers domestiques peuvent constituer un commencement de preuve par écrit à la condition :

  • D’une part, qu’ils émanent de celui à qui ils sont opposés
  • D’autre part, qu’ils rendent vraisemblable ce qui est allégué

C) Les registres et papiers domestiques produits postérieurement au décès de leur auteur

La question s’est posée de savoir si l’on devait reconnaître une valeur probatoire aux registres et papiers domestiques établis par une personne décédée.

Cette situation se rencontrera notamment dans le cadre de la liquidation de la succession de cette dernière.

Dans un arrêt du 28 février 2006 la Cour de cassation a jugé que « c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’interprétation que la cour d’appel a estimé qu’il ressortait des écrits et papiers domestiques rédigés et tenus par Madeleine de X… Z… que son fils, Charles Hugues, était débiteur envers sa succession des sommes qu’elle lui avait prêtées en plusieurs versements » (Cass. 1ère civ. 28 févr. 2006, n°03-15.306).

L’enseignement qu’il y a lieu de retenir de cette décision, c’est que les documents domestiques établis par une personne décédée ne peuvent valoir tout au plus que comme de simples indices soumis à l’appréciation souveraine des juges du fond.

III) Les mentions libératoires

La preuve du paiement présente un enjeu majeur, dans la mesure où, en cas de litige, elle détermine le sort de l’obligation dont le débiteur se prétend être déchargée.

En principe, conformément à l’article 1353, al. 2e du Code civil, la charge de la preuve pèse sur le débiteur de l’obligation.

Il est toutefois des textes qui instituent, en certaines circonstances, des présomptions de paiement, ce qui a pour conséquence de renverser la charge de la preuve qui dès lors pèse, non plus sur le débiteur, mais sur le créancier.

Tel est notamment le cas en présence d’une mention apposée sur un titre constatant la créance.

L’article 1378-2 du Code civil prévoit que :

  • D’une part, « la mention d’un paiement ou d’une autre cause de libération portée par le créancier sur un titre original qui est toujours resté en sa possession vaut présomption simple de libération du débiteur. »
  • D’autre part, « il en est de même de la mention portée sur le double d’un titre ou d’une quittance, pourvu que ce double soit entre les mains du débiteur. »

Il ressort de cette disposition que dans l’hypothèse où une mention établissant la libération du débiteur figure, tantôt sur le titre constatant la créance détenue en original par le créancier, tantôt sur le double de ce titre détenu par le débiteur, la charge de la preuve du paiement est inversée.

La mention apposée sur le titre fait, en effet, présumer le paiement de sorte que c’est au créancier qu’il revient d’établir qu’il n’a pas été payé.

Preuve: le régime des copies

Contrairement à ce que suggère l’article 1364 du Code civil, l’acte sous seing privé et l’acte authentique ne sont pas les seules formes d’écrits à être pourvues d’une force probante.

Il y a lieu également de compter sur les copies de ces actes dont le régime a été profondément réformé par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

Par copie il faut entendre dans le langage courant « la reproduction aussi exacte que possible d’un modèle »[1]. L’approche des juristes de la notion de copie n’est pas très éloignée de cette définition.

Les auteurs s’accordent à dire qu’une copie consiste en « la reproduction d’un acte original, mais qui n’est pas elle-même signée par les parties »[2].

Lorsque le Code civil a été adopté en 1804, ses rédacteurs n’ont entendu conférer aux copies qu’une force probante très limitée.

La raison en est que les techniques de reproduction étaient pour le moins rudimentaires, sinon inexistantes.

La seule façon de copier un acte était de le reproduire à la main. Or il s’agit là d’une technique peu fiable qui ne garantit nullement la conservation de l’intégrité du contenu de l’exemplaire original copié.

L’évolution des techniques de reproduction (photocopie, télécopie, microfilm, dispositif de copie électronique etc.) a toutefois bouleversé les pratiques.

Ces procédés ont permis d’obtenir des copies de plus en plus fiables, à telle enseigne que certains opérateurs tels que les banques et les assureurs ont progressivement abandonné l’archivage physique de leurs documents originaux à la faveur d’un stockage magnétique puis numérique.

Ce phénomène qui révélait une inadéquation du cadre légal avec les besoins de la vie des affaires a conduit peu à peu la jurisprudence et le législateur à reconnaître aux copies une véritable force probante.

Afin de mieux appréhender le régime probatoire actuel des copies, arrêtons-nous, au préalable, sur les règles qui leur étaient applicables sous l’empire du droit antérieur, lesquelles ont connu une profonde évolution.

I) Droit antérieur

A) En 1804

Lorsque le Code civil a été adopté, les copies d’actes juridiques étaient régies par les anciens articles 1334 à 1336.

Ces dispositions s’articulaient autour d’un principe, lequel était assorti de plusieurs exceptions.

?Principe

L’ancien article 1334 du Code civil prévoyait que « les copies, lorsque le titre original subsiste, ne font foi que de ce qui est contenu au titre, dont la représentation peut toujours être exigée. »

Ainsi, était-il admis qu’une copie puisse être produite en justice aux fins de prouver un acte juridique. La partie adverse pouvait néanmoins toujours exiger la production de l’original.

Il en avait été tiré la conséquence par la jurisprudence que la force probante d’une copie était subordonnée à l’existence de l’écrit original. Lorsque cette condition était remplie la copie pouvait alors valoir faire foi au même titre que l’original (Cass. req. 16 févr. 1926).

La règle énoncée par l’article 1334 du Code civil procédait de la volonté des rédacteurs du Code civil de toujours permettre la comparaison de la copie produite avec l’original.

Il faut se souvenir que, en 1804, les techniques de reproduction des actes juridiques n’étaient pas fiables.

Aussi, ne pouvait-on raisonnablement pas leur reconnaître une valeur juridique sans se ménager une garantie, laquelle ne pouvait que consister en l’exigence de subsistance de l’orignal.

La copie était ainsi dépourvue de toute valeur juridique autonome. Elle ne pouvait faire foi que par l’entremise de l’original qui, en cas de disparition ou d’impossibilité pour son détenteur de le produire, privait la copie de toute force probante, à tout le moins lorsqu’une contestation était élevée.

Car en effet, l’exigence de subsistance de l’original ne valait qu’autant qu’il existait un litige relatif :

  • Soit à l’existence ou au contenu de l’original
  • Soit à la conformité de la copie à l’original

Dans l’hypothèse, en revanche, où aucune contestation n’était formulée auprès du juge, il était admis par la jurisprudence que la copie puisse faire foi (V. par exemple Cass. 1ère civ. 30 avr. 1969 ; Cass. 2e civ., 10 nov. 1998, n°96-21.767).

?Exceptions

Par exception, l’ancien article 1335 du Code civil reconnaissait une force probante d’intensité variable à certaines copies d’actes répondant à des critères bien précis, nonobstant la disparition de l’original

Ainsi, ce texte conférait-il la même force probante que l’original aux :

  • Grosses ou premières expéditions établies par un notaire (anc. art. 1335, 1° C. civ.)
  • Copies qui ont été tirées par l’autorité du magistrat (anc. art. 1335, 1° C. civ.)
  • Copies qui, sans l’autorité du magistrat, ou sans le consentement des parties, et depuis la délivrance des grosses ou premières expéditions, ont été tirées sur la minute de l’acte par le notaire qui l’a reçu, à la condition qu’elles soient anciennes, soit quand elles ont plus de trente ans (anc. art. 1335, 2° C. civ.)

Il était encore reconnu la valeur de commencement de preuve par écrit aux :

  • Copies qui, sans l’autorité du magistrat, ou sans le consentement des parties, et depuis la délivrance des grosses ou premières expéditions, ont été tirées sur la minute de l’acte par le notaire qui l’a reçu et qui ont moins de trente ans (anc. art. 1335, al. 2e C. civ.)
  • Copies tirées sur la minute d’un acte qui n’ont pas été établies par le notaire qui a reçu cet acte (anc. art. 1335, 3° C. civ.)
  • Transcriptions d’un écrit sur les registres publics (anc. art. 1336, al. 1er C. civ.)

B) Loi du 12 juillet 1980

À la fin des années 1970, compte tenu de l’évolution des techniques de reproduction de l’écrit et de l’abandon progressif par certains opérateurs économiques de l’archivage papier, le dispositif tel que prévu par les rédacteurs du Code civil en 1804 était devenu inadapté aux nouvelles pratiques.

Afin de remédier à cette situation et notamment répondre aux besoins exprimés par les banques qui avaient fait le choix de ne plus conserver les chèques en raison du coût de l’archivage à la faveur d’une reproduction sur microfilms, il est apparu nécessaire que le législateur intervienne.

C’est ce qu’il a fait en adoptant la loi n°80-525 du 12 juillet 1980 laquelle a introduit un article 1348, al. 2e dans le Code civil qui a renforcé la valeur juridique des copies en leur conférant une force probante autonome.

Ce texte prévoyait, en effet, que « lorsqu’une partie ou le dépositaire n’a pas conservé le titre original et présente une copie qui en est la reproduction non seulement fidèle mais aussi durable », cette copie était admise pour faire la preuve d’un acte juridique par exception à l’exigence de la preuve par écrit.

Aussi, désormais une copie pouvait-elle faire foi nonobstant la disparition de l’original dont sa persistance n’était donc plus une exigence absolue.

Pour que la copie puisse toutefois être pourvue d’une force probante autonome, soit pour le cas où l’original n’existerait plus ou ne pouvait pas être produit, encore fallait-il que soient démontrées la fidélité de la reproduction et la durabilité du support utilisé.

À cet égard, le texte précisait que « est réputée durable toute reproduction indélébile de l’original qui entraîne une modification irréversible du support. »

Bien que cette précision renseignât sur ce qu’il fallait entendre par une copie « durable », cela était loin d’être suffisant pour déterminer quelles étaient les copies qui répondaient aux conditions de reproduction énoncée par l’article 1348, al. 2e du Code civil.

Si ce texte visait au premier chef les microfilms, la question s’est rapidement posée pour les autres procédés de reproduction.

La Cour de cassation a, par exemple, été invitée à se prononcer sur la technique de la photocopie.

Dans un arrêt remarqué du 25 juin 1996, elle a jugé que cette technique pouvait être admise au rang des procédés permettant l’obtention d’une « reproduction fidèle et durable ».

Elle en déduisit que la photocopie qui était produite aux débats « ne constituait pas un commencement de preuve par écrit, mais faisait pleinement la preuve de l’existence » de l’acte juridique dont l’existence était contestée au cas particulier (Cass. 1ère civ. 25 juin 1996, n°94-11.745).

Dans cette décision, la haute juridiction reconnaissait ainsi à la photocopie la valeur d’une preuve complète, puisque n’exigeant pas qu’elle soit corroborée, comme c’est le cas pour un commencement de preuve par écrit, par des éléments probatoires extrinsèques, tels que des témoignages ou des présomptions.

D’autres procédés de reproduction ont été soumis à l’appréciation de la Cour de cassation qui s’est distinguée par son approche audacieuse des textes.

Dans un arrêt du 27 mai 1986, il lui a fallu notamment dire si, à l’instar de la photocopie ou du microfilm, la technique de la copie carbone répondait aux exigences de fiabilité et de durabilité posées par l’ancien article 1348, al. 2e du Code civil (Cass. 1ère civ. 27 mai 1986, n°84-14.370).

En l’espèce, un entrepreneur agricole avait assigné une CUMA (Coopérative d’utilisation de matériel en commun) en paiement du prix d’une ensileuse.

Au soutien de sa demande il produisait les doubles, obtenus à l’aide de papiers carbone, de la facture relative à la vente de cette machine, laquelle portait les signatures de deux administrateurs de la CUMA.

La Cour d’appel a accueilli la demande dirigée contre la CUMA au motif que les copies carbones produites par le demandeur valaient commencement de preuve par écrit et que celui-ci était corroboré par des témoignages et des présomptions.

La CUMA a alors formé un pourvoi auprès de la Cour de cassation en avançant notamment que les copies d’acte sous seing privé n’ayant, par elles-mêmes, aucune valeur juridique et ne pouvaient, dans ces conditions, suppléer le défaut de production de l’original.

Contre toute attente, la Première chambre civile approuve la décision entreprise par les juges du fond, considérant que les copies carbones dont se prévalait le demandeur constituaient bien des commencements de preuve par écrit pouvant dès lors faire preuve de l’acte litigieux pourvu qu’elles soient confortées par des éléments de preuve extrinsèques.

La solution adoptée par la Haute juridiction est ici surprenante.

En effet, compte tenu de ce que, en l’espèce, elle ne reconnaît nullement à la copie carbone le caractère fidèle et durable, condition sine qua non exigée par l’ancien article 1348, al. 2e du Code civil pour faire foi, elle aurait dû considérer que cette copie n’avait guère plus de valeur qu’un simple indice, sauf à ce que le demandeur soit en capacité de produire l’exemplaire original auquel cas il y avait lieu de faire application de l’ancien article 1334 du Code civil.

Telle n’est toutefois pas la voie empruntée par la Haute juridiction. Par une interprétation pour le moins libérale des textes en vigueur à l’époque, elle préfère adopter une position intermédiaire en reconnaissant la valeur de commencement de preuve par écrit à la copie carbone alors même qu’elle ne répondait ni à l’exigence de fiabilité, ni à l’exigence de durabilité.

Dans le droit fil de cette jurisprudence, la Chambre commerciale est allée encore plus loin dans un arrêt du 2 décembre 1997 qualifié de « révolutionnaire »[3] par la doctrine en jugeant que « l’écrit constituant, aux termes de l’article 6 de la loi du 2 janvier 1981, l’acte d’acceptation de la cession ou de nantissement d’une créance professionnelle, peut être établi et conservé sur tout support, y compris par télécopies, dès lors que son intégrité et l’imputabilité de son contenu à l’auteur désigné ont été vérifiées, ou ne sont pas contestées » (Cass. com. 2 déc. 1997, n°95-251).

Par cette décision, la Cour de cassation admet pour la première fois que l’écrit électronique puisse posséder la même force probante que l’écrit papier.

Pour cette dernière, les juges du fond ne pouvaient pas rejeter la preuve de l’acte litigieux au seul motif qu’il avait été établi sous forme électronique.

Pour se déterminer, il leur appartenait, au préalable, d’analyser les circonstances dans lesquelles avait été émis l’écrit pour établir s’il pouvait ou non être retenu comme établissant la preuve d’un acte.

Au total, bien qu’il puisse être porté au crédit de la loi du 12 juillet 1980 d’avoir été le premier texte à reconnaître à la copie d’un écrit une valeur probatoire indépendante de l’original, le dispositif, tel que prévu par l’ancien article 1348, al. 2e du Code civil, souffrait de deux carences principales.

  • Première carence
    • La règle renforçant la force probante de la copie était logée dans un article relevant de la preuve testimoniale. Or le régime des copies intéresse la preuve littérale.
    • Ce problème de méthode quant à la localisation de la règle dans le corpus textuel du droit de la preuve était de nature à flouer la portée qu’il y avait lieu de donner au dispositif mis en place
  • Seconde carence
    • L’autonomie probatoire conférée à la copie résultait non pas d’une exception à l’absence de principe de force probante des copies, mais d’une exception à l’exigence de preuve par écrit des actes juridiques, ce qui, de l’avis des auteurs, n’était pas très cohérent

Pour ces deux raisons, il est apparu nécessaire que le législateur intervienne à nouveau afin de clarifier le régime juridique des copies.

II) Droit positif

Le législateur s’est attelé à la tâche de réformer le régime juridique des copies à l’occasion de l’adoption de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Dans le rapport au Président de la République accompagnant cette ordonnance, le législateur justifie cette réforme en avançant que :

  • D’une part, sous l’empire de l’ancienne loi du 12 juillet 1980, le Code civil ne disposait d’aucun régime unifié et cohérent de la copie
  • D’autre part, que l’évolution des technologies implique une conception plus large de l’écrit qui ne se matérialise plus nécessairement sur papier, et consécutivement une multiplication des techniques de reproduction, raison pour laquelle le régime juridique de la copie doit être revu

C’est sur la base de ces deux constats que le législateur a donc façonné un nouveau régime de la copie qui a désormais pour siège le nouvel article 1379 du Code civil.

En substance, cette disposition, qui définit la copie et en fixe la valeur probante en un texte unique, pose un nouveau principe selon lequel la copie possède la même force probante que l’original, pourvu qu’elle réponde à l’exigence de fiabilité.

A) Principe : l’équivalence de la copie fiable à l’original

L’article 1379 du Code civil prévoit que « la copie fiable a la même force probante que l’original. »

Il s’évince de cette disposition un principe général d’équivalence entre la copie dite fiable et l’original.

Surtout, et c’est là une rupture avec l’ancien article 1334 du Code civil, cette équivalence opère peu important que l’original subsiste ou pas, et peu important l’origine.

Autrement dit, il est indifférent que l’original ait disparu ou que son détenteur soit dans l’incapacité de le produire ; la copie possède la même valeur probatoire que l’original pourvu qu’elle soit fiable.

À l’analyse, en énonçant un principe général d’équivalence entre les deux types d’écrits, le législateur confirme l’autonomie probatoire qu’il avait entendu conférer à la copie à l’occasion de l’adoption de la loi du 12 juillet 1980.

B) Condition : l’exigence de fiabilité

L’article 1379 du Code civil subordonne la force probante reconnue à la copie à la fiabilité de celle-ci.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par « copie fiable ».

Pour le déterminer, il convient de combiner les deux premiers alinéas de l’article 1379 du Code civil d’où il ressort que la reconnaissance de la fiabilité d’une copie peut résulter :

  • Soit de la mise en œuvre de présomptions
  • Soit de l’appréciation du juge

1. La reconnaissance de la fiabilité résultant de présomptions

Afin de faciliter la preuve de la fiabilité de la copie produite aux débats pour la partie sur laquelle pèse la charge de cette preuve, le législateur a institué deux présomptions : une présomption irréfragable et une présomption simple :

?La présomption irréfragable de fiabilité

L’article 1379, al. 1er prévoit que « est réputée fiable la copie exécutoire ou authentique d’un écrit authentique. »

Ainsi, dès lors que la copie a été établie par un officier public, elle bénéficie d’une présomption irréfragable de fiabilité, ce qui signifie qu’elle ne souffre pas de la preuve contraire.

Le législateur a ainsi abandonné l’ancien dispositif qui distinguait selon que la copie litigieuse avait été rédigée par notaire ou par un magistrat et selon qu’elle était ou non ancienne de plus de trente ans.

Dorénavant, plus aucune distinction n’est opérée entre les copies exécutoires et authentiques : elles possèdent toutes ma même valeur probatoire que l’original.

À cet égard, compte tenu de ce qu’elles bénéficient d’une présomption irréfragable de fiabilité, elles ne peuvent plus être contestées, sauf à emprunter la voie procédurale de l’inscription en faux régie par les articles 303 à 316 du Code de procédure civile.

?La présomption simple de fiabilité

L’article 1379, al. 2e du Code civil prévoit que « est présumée fiable jusqu’à preuve du contraire toute copie résultant d’une reproduction à l’identique de la forme et du contenu de l’acte, et dont l’intégrité est garantie dans le temps par un procédé conforme à des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »

Il ressort de cette disposition l’instauration d’une présomption simple de fiabilité pour les actes sous seing privé, lesquels, pour bénéficier de cette présomption, doivent répondre à deux critères bien précis :

  • Un critère de fidélité à l’original
    • La copie doit résulter d’une reproduction à l’identique de la forme et du contenu de l’acte
  • Un critère de durabilité
    • Le procédé de reproduction doit garantir l’intégrité de la copie dans le temps

Les caractéristiques techniques des procédés utilisés, destinés à garantir la fidélité à l’original et la durabilité de la copie, et entraînant le bénéfice de la présomption de fiabilité ont été définies par le décret n°2016-1673 du 5 décembre 2016.

Ce texte réglementaire énonce des critères différents selon que l’on est en présence d’une copie papier ou d’une copie électronique :

  • S’agissant de la copie papier
    • L’article 1er du décret du 5 décembre 2016 prévoit que, est présumée fiable, au sens du deuxième alinéa de l’article 1379 du Code civil, la copie résultant « d’un procédé de reproduction qui entraîne une modification irréversible du support de la copie »
    • Ainsi, pour se prévaloir de la présomption de fiabilité, la partie produisant une copie papier au soutien de ses allégations devra démontrer que le support sur lequel elle a été établie est inaltérable
  • S’agissant de la copie électronique
    • Il ressort des articles 1 à 6 du décret du 5 décembre 2016 que plusieurs conditions doivent être réunies pour qu’une copie électronique bénéficie de la présomption de fiabilité.
      • Le procédé de reproduction par voie électronique doit produire des informations liées à la copie et destinées à l’identification de celle-ci (art. 2 du décret)
      • Ces informations doivent préciser le contexte de la numérisation, en particulier la date de création de la copie (art. 2 du décret)
      • La qualité du procédé de reproduction doit être établie par des tests sur des documents similaires à ceux reproduits et vérifiée par des contrôles (art. 2 du décret)
      • L’intégrité de la copie résultant d’un procédé de reproduction par voie électronique doit être attestée par une empreinte électronique qui garantit que toute modification ultérieure de la copie à laquelle elle est attachée est détectable (art. 3 du décret)
        • Cette condition est présumée remplie par l’usage d’un horodatage qualifié, d’un cachet électronique qualifié ou d’une signature électronique qualifiée, au sens du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur (art. 3 du décret)
      • La copie électronique doit être conservée dans des conditions propres à éviter toute altération de sa forme ou de son contenu.
        • Le texte précise que les opérations requises pour assurer la lisibilité de la copie électronique dans le temps ne constituent pas une altération de son contenu ou de sa forme dès lors qu’elles sont tracées et donnent lieu à la génération d’une nouvelle empreinte électronique de la copie (art. 4 du décret)
      • Les empreintes et les traces générées par le procédé de reproduction doivent être conservées aussi longtemps que la copie électronique produite et dans des conditions ne permettant pas leur modification (art. 5 du décret)
      • L’accès aux dispositifs de reproduction et de conservation de la copie doit faire l’objet de mesures de sécurité appropriées (art. 6 du décret).
    • La lecture de ces différentes exigences édictées par le décret du 5 décembre 2016 révèle que, en pratique, le recours à un professionnel sera nécessaire pour établir une copie électronique répondant aux critères de fiabilité.
    • En tout état de cause, en reconnaissant à la copie électronique la même valeur probatoire que la copie papier, le législateur a entendu signifier sa volonté de favoriser l’archivage électronique qui, selon le Rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance du 10 février 2016 constitue « un enjeu majeur pour les entreprises et administrations ».

Au total, dès lors que la copie produite aux débats répond aux critères de fidélité à l’original et de durabilité du support, elle est présumée simple.

Il s’agit là toutefois, d’une présomption simple de sorte qu’elle peut être combattue par la preuve contraire.

Plus précisément, conformément à l’article 1354 du Code civil, cette présomption peut « être renversée par tout moyen de preuve ».

2. La reconnaissance de la fiabilité résultant de l’appréciation du juge

Dans l’hypothèse où la copie litigieuse ne bénéficierait d’aucune présomption de fiabilité, soit parce qu’elle n’aurait pas été établie par un officier public, soit parce qu’elle ne répondrait pas aux critères énoncés par l’article 1379, al. 2e du Code civil, cela ne signifie pas pour autant qu’elle ne pourrait pas être reconnue comme étant fiable.

Cette fiabilité sera toutefois « laissée à l’appréciation du juge » comme énoncé par l’article 1379, al. 1er du Code civil.

Autrement dit c’est à la partie qui se prévaut de la copie produite aux débats qu’il reviendra de prouver sa fiabilité qui, selon le Rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance du 10 février 2016, « s’entend des qualités de fidélité à l’original d’une part, et de durabilité dans le temps d’autre part. »

C) Force probante

La force probante d’une copie diffère selon que cette copie est ou non reconnue fiable.

  • La copie fiable
    • En application de l’article 1379, al. 1er du Code civil, elle possède la même valeur que l’original.
    • Cela signifie que :
      • S’il s’agit de la reproduction d’un acte authentique, la copie « fait foi jusqu’à inscription de faux de ce que l’officier public dit avoir personnellement accompli ou constaté. »
      • S’il s’agit de la reproduction d’un acte sous seing privé, la copie fait foi entre les parties jusqu’à preuve du contraire
  • La copie non fiable
    • L’article 1379 du Code civil est silencieux sur la force probante de la copie dont la fiabilité ne serait pas reconnue.
    • Est-ce à dire qu’elle ne serait pourvue d’aucune valeur probatoire ?
    • Pour le déterminer il convient de se reporter au troisième alinéa de l’article 1379 qui fournit un indice.
    • Cette disposition prévoit, en effet, que « si l’original subsiste, sa présentation peut toujours être exigée. »
    • Il convient tout d’abord d’observer que cette exigence est a priori inapplicable à la copie fiable.
    • Le Rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance du 10 février 2016 indique en ce sens que « si l’original subsiste, sa production pourra toujours être ordonnée par le juge, mais sa subsistance ne conditionne plus la valeur probatoire de la copie. »
    • Il faut comprendre ici, s’agissant de la copie fiable, que la disparition de l’original est sans incidence sur sa force probante.
    • En revanche, pour les copies qui ne répondent pas à l’exigence de fiabilité, l’article 1379, al. 3e suggère que leur force probante est subordonnée à la subsistance de l’original.
    • On retrouve là, manifestement, la règle énoncée par l’ancien article 1334 du Code civil qui, pour mémoire, prévoyait que « les copies, lorsque le titre original subsiste, ne font foi que de ce qui est contenu au titre, dont la représentation peut toujours être exigée. »
    • Cette règle n’a toutefois vocation à s’appliquer que pour le cas où la copie produite aux débats est contestée par la partie adverse.
    • Dès lors qu’elle ne fait l’objet d’aucune discussion, il devrait être admis qu’elle puisse faire foi conformément à ce qui avait été décidé par la jurisprudence sous l’empire du droit antérieur (V. par exemple Cass. 1ère civ. 30 avr. 1969 ; Cass. 2e civ., 10 nov. 1998, n°96-21.767).
  1. Dictionnaire de l’Académie Française, v° Copie ?
  2. Dictionnaire du vocabulaire juridique, éd. Lexisnexis, 2022, v° Copie. ?
  3. H. Roland et L. Boyer, Introduction au droit, Litec, 2002, n°1762, p. 607. ?

Le régime juridique du pacs: conditions, effets, dissolution

La famille n’est pas une, mais multiple. Parce qu’elle est un phénomène sociologique[1], elle a vocation à évoluer à mesure que la société se transforme. De la famille totémique, on est passé à la famille patriarcale, puis à la famille conjugale.

De nos jours, la famille n’est plus seulement conjugale, elle repose, de plus en plus, sur le concubinage[2]. Mais elle peut, également, être recomposée, monoparentale ou unilinéaire.

Le droit opère-t-il une distinction entre ces différentes formes qu’est susceptible de revêtir la famille ? Indubitablement oui.

Si, jadis, cela se traduisait par une réprobation, voire une sanction pénale, des couples qui ne répondaient pas au schéma préétabli par le droit canon[3], aujourd’hui, cette différence de traitement se traduit par le silence que le droit oppose aux familles qui n’adopteraient pas l’un des modèles prescrit par lui.

Quoi de plus explicite pour appuyer cette idée que la célèbre formule de Napoléon, qui déclara, lors de l’élaboration du Code civil, que « puisque les concubins se désintéressent du droit, le droit se désintéressera d’eux ». Cette phrase, qui sonne comme un avertissement à l’endroit des couples qui ont choisi de vivre en union libre, est encore valable.

La famille a toujours été appréhendée par le législateur comme ne pouvant se réaliser que dans un seul cadre : le mariage. Celui-ci est envisagé par le droit comme ce qui « confère à la famille sa légitimité »[4] et plus encore, comme son « acte fondateur »[5].

Aussi, en se détournant du mariage, les concubins sont-ils traités par le droit comme formant un couple ne remplissant pas les conditions lui permettant de quitter la situation de fait dans laquelle il se trouve pour s’élever au rang de situation juridique. D’où le silence de la loi sur le statut des concubins.

Parce que le contexte sociologique et juridique ne permettait plus à ce silence de prospérer, le législateur est intervenu pour remédier à cette situation.

Son intervention s’est traduite par l’adoption de la loi n°99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, plus couramment désigné sous le nom de pacs.

Ainsi, pour la première fois, le législateur reconnaissait-il un statut juridique au couple en dehors du mariage.

Section 1: La genèse de la loi sur le pacs

L’adoption de la loi sur le pacs procède de l’émergence à la fois d’un contexte sociologique et à la fois d’un contexte juridique.

I) Le contexte sociologique et juridique

A) Le contexte sociologique

Tout d’abord, il est apparu au législateur que le concubinage hétérosexuel est devenu un fait de société impossible à ignorer.

Depuis la fin des années 60, le nombre de couples non mariés a constamment augmenté pour atteindre la proportion, en 1999, d’un couple sur six.

Ajoutées à ce constat, la signification et les motivations du concubinage ont évolué.

À côté des personnes qui, traditionnellement, réfutaient l’institution du mariage et vivaient en union libre par idéal pour garder un caractère privé à leur engagement, sont apparus dans les années 70 des jeunes couples cohabitant en prélude au mariage.

Dans les années 1980, cette cohabitation s’est installée dans la durée sans pour autant exprimer un refus explicite et définitif du mariage.

Par ailleurs, il a été constaté que la naissance d’un enfant n’entraînait plus nécessairement le mariage. Marginale dans les deux premiers tiers du siècle, la part des naissances hors mariage n’a cessé d’augmenter avec une très nette accélération au début des années 80.

Trois enfants nés hors mariage sur quatre en 1996 ont été reconnus par leur père dès la naissance. La réforme de la filiation ayant aligné en 1972 le statut des enfants naturels conçus hors mariage sur celui des enfants légitimes explique en grande partie l’évolution des comportements. Le mariage n’est plus impératif pour éviter à un enfant de naître privé de droits.

Parallèlement, le législateur a pu relever que nombre de mariages qui avait atteint son maximum en 1972 (416 500) a notablement diminué, s’établissant à 254 000 en 1994, remariages compris. En 1996, a été enregistrée une augmentation brusque de 10%, du nombre des mariages, accompagnée d’une hausse importante du nombre d’enfants légitimés (112 000).

B) Le contexte juridique

Plusieurs facteurs ont conduit le législateur à conférer un statut juridique aux couples de concubins :

  • L’élimination des discriminations à l’égard des personnes homosexuelles
    • La demande de reconnaissance sociale du couple homosexuel s’est affirmée au terme d’une évolution juridique qui, dans les années 80, a permis d’éliminer les discriminations légales fondées sur l’orientation sexuelle des individus.
      • La loi n° 82-683 du 4 août 1982
        • Cette loi a fait disparaître du code pénal la dernière disposition réprimant spécifiquement l’homosexualité.
        • Elle a en effet abrogé le deuxième alinéa de l’article 331 de l’ancien code pénal qui réprimait les attentats à la pudeur sans violence sur mineur du même sexe alors que la majorité sexuelle pour les relations hétérosexuelles était fixée à quinze ans.
        • Au-delà du respect de leur comportement individuel, les homosexuels revendiquent la reconnaissance sociale de leur couple, ce qui a pu faire dire que sortis du code pénal, ils aspiraient à rentrer dans le code civil.
      • La loi Quilliot du 22 juin 1982
        • Cette loi a substitué à l’obligation de « jouir des locaux en bon père de famille » celle d’en jouir paisiblement.
        • L’homosexualité cessait ainsi d’être une cause d’annulation d’un bail.
      • La loi du 13 juillet 1983
        • Ce texte a supprimé les notions de « bonne moralité » et de « bonne mœurs » du statut général des fonctionnaires.
        • Parallèlement, en 1981, le Gouvernement retirait l’approbation française à l’article 302 de la classification de l’organisation mondiale de la santé faisant entrer, depuis le début des années 60, l’homosexualité dans la catégorie des pathologies.
      • Les homosexuels se sont ensuite vus reconnaître légalement le droit de ne pas subir de discriminations en raison de leurs mœurs.
        • La loi n° 85-772 du 25 juillet 1985
          • Elle a complété le code pénal en prévoyant des dispositions, reprises à l’article 225-1 du nouveau code pénal, sanctionnant les discriminations liées aux mœurs.
        • La loi n° 86-76 du 17 janvier 1986
          • Cette loi a introduit dans l’article L. 122-35 du code du travail une disposition précisant que le règlement intérieur ne peut léser les salariés en raison de leurs mœurs et la loi n° 90-602 du 12 juillet 1990 a modifié l’article L. 122-45 du même code pour protéger le salarié d’une sanction ou d’un licenciement opéré en raison de ses mœurs.
          • Cet article vise aujourd’hui également les refus de recrutement.
  • La prise en compte juridique du concubinage
    • En 1804, le Code civil est totalement silencieux sur le concubinage
    • Cette indifférence du Code napoléonien à l’égard du concubinage s’est poursuivie pendant tout le 19ème siècle.
    • Depuis lors, les concubins ne jouissent d’aucun statut juridique véritable.
    • Les règles qui régissent leur union sont éparses et ponctuelles
      • Les règles légales
        • En matière de logement, l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989, permet à un concubin notoire depuis un an de bénéficier de la continuation ou du transfert du bail en cas d’abandon du logement ou de décès du preneur
        • En matière civile, l’exercice commun de l’autorité parentale a été reconnu aux concubins sous les conditions posées à l’article 372 du code civil. L’assistance médicale à la procréation, au contraire de l’adoption, leur a été ouverte (art. L. 152-2 du code de la santé publique).
        • En matière pénale, une immunité est reconnue au concubin notoire pour non dénonciation d’infractions impliquant l’autre concubin (articles 434-1, 434-6 et 434-11 du code pénal ou, en matière d’aide au séjour irrégulier d’un étranger, article 21 de l’ordonnance du 2 novembre 1945) ; en revanche le concubinage avec la victime est une circonstance aggravante de plusieurs infractions (art. 222-3, 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13 du code pénal)
        • En matière de procédure civile, le décret du 28 décembre 1998 a autorisé le concubin à représenter les parties devant le tribunal d’instance et devant le juge de l’exécution (art. 828 du nouveau code de procédure civile et art. 12 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992).
        • En matière fiscale, le concubin peut bénéficier de la déduction des frais de transport (art. 83, 3° du code général des impôts et avis du Conseil d’Etat du 10 décembre 1993) ;
      • Les règles jurisprudentielles
        • La jurisprudence a élaboré une construction juridique du concubinage permettant de pallier l’absence de statut juridique et notamment de règles gouvernant la liquidation de l’union.
        • Au nombre de ces figures juridiques, figurent
          • La théorie de la société créée de fait
          • L’enrichissement injustifié
          • La théorie de l’apparence
          • L’admission de l’invocation d’un préjudice en cas de décès d’un concubin
  • Le refus de reconnaissance du concubinage homosexuel
    • La Cour de cassation a toujours refusé d’accorder aux couples homosexuels les droits reconnus par la loi aux concubins hétérosexuels.
    • Dans deux décisions du 11 juillet 1989 rendues en matière sociale, la haute juridiction avait, en effet, considéré que les couples homosexuels ne pouvaient bénéficier des avantages reconnus aux concubins par des textes faisant référence à la notion de vie maritale, à travers laquelle elle a considéré que le législateur avait entendu viser la « situation de fait consistant dans la vie commune de deux personnes ayant décidé de vivre comme des époux sans pour autant s’unir par le mariage, ce qui ne peut concerner qu’un couple formé d’un homme et d’une femme » ( soc. 11 juill. 1989).
    • Cette jurisprudence a été confirmée par une décision 17 décembre 1997 en matière de droit au bail, la troisième chambre civile ayant estimé que « le concubinage ne pouvait résulter que d’une relation stable et continue ayant l’apparence du mariage, donc entre un homme et une femme» ( 3e civ. 17 déc. 1997).
    • Les homosexuels se sont ainsi vu refuser l’accès à des droits que l’épidémie de SIDA avait mis au premier rang des préoccupations de leur communauté :
      • transfert du droit au bail en vertu de l’article 14 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989
      • affiliation à la sécurité sociale en tant qu’ayant droit de leur compagnon en application de l’article L. 161-14 du code de la sécurité sociale.
    • Hormis l’assurance maladie au bout d’un an, les couples homosexuels ne bénéficiaient, en 1999, d’aucun droit découlant de leur vie commune.
    • La jurisprudence restrictive de la Cour de cassation sur le concubinage homosexuel était, à cet égard, en phase avec la jurisprudence européenne.
    • La Cour de justice des communautés européennes, par une décision du 17 février 1998, avait, par exemple, refusé de considérer comme une discrimination au sens de l’article 119 du Traité le refus à des concubins du même sexe d’une réduction sur le prix des transports accordée à des concubins de sexe opposé, relevant qu’en « l’état actuel du droit au sein de la Communauté, les relations stables entre deux personnes du même sexe ne sont pas assimilées aux relations entre personnes mariées ou aux relations stables hors mariage entre personnes de sexe opposé» (CJCE, 17 févr. 1998, Lisa jacqueline Grant c/ South-West Trains Ltd, aff. C-249/96).
    • De son côté la Commission européenne des droits de l’Homme considérait que, en dépit de l’évolution contemporaine des mentalités vis-à-vis de l’homosexualité, des relations homosexuelles durables ne relèvent pas du droit au respect de la vie familiale protégée par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.
  • Les difficultés patrimoniales auxquelles se heurtent les couples hors mariage
    • La principale difficulté à laquelle se heurtent les couples hors mariage, hétérosexuels comme homosexuels, est d’ordre patrimonial et successoral.
    • Leurs biens n’étant pas soumis à un régime légal, ils peuvent utiliser plusieurs techniques pour se constituer un patrimoine commun.
      • Ils peuvent procéder à des achats en indivision (art. 815 et suivants du code civil) et passer des conventions d’indivision (art. 1873-1 et suivants du code civil).
      • Ils peuvent procéder à des achats en tontine en vertu desquels les biens reviennent en totalité au dernier vivant.
      • Ils peuvent également procéder à des achats croisés entre la nue propriété et l’usufruit.
      • Ils peuvent enfin constituer des sociétés civiles ou à responsabilité limitée.
    • Toutefois, la transmission de ce patrimoine se heurte aux règles successorales civiles et fiscales qui considèrent les concubins comme des étrangers l’un à l’égard de l’autre.
    • En conséquence, en l’absence de testament, ils n’héritent pas l’un de l’autre.
    • En cas de dispositions testamentaires, leurs droits sont limités par la réserve légale.
    • Ils ne peuvent donc pas, contrairement à l’époux survivant, recueillir plus que la quotité disponible
    • De plus, sur la part dont ils héritent, les droits de mutation sont extrêmement élevés
    • L’adage selon lequel il faut « vivre en union libre mais mourir marié» prenait alors tout son sens, Les concubins souhaitent souvent avant tout pouvoir laisser le logement commun au survivant. La souscription d’une assurance-vie permet au bénéficiaire de toucher en franchise de droit un capital échappant en grande partie à la succession du prédécédé et pouvant être utilisé pour payer les droits de succession. Peuvent également être effectués des legs en usufruit qui permettent au légataire de conserver la jouissance d’un bien en acquittant des droits moindres.

II) L’adoption de la loi sur le pacs

Deux rapports, remis à la Chancellerie au printemps 1998, respectivement par M. Jean Hauser et par Mme Irène Théry, ont proposé des solutions alternatives pour régler les questions de vie commune hors mariage :

  • Le groupe « Mission de recherche droit et justice »
    • Ce groupe de travail présidé par Jean Hauser a adopté, pour régler les problèmes de la vie en commun hors mariage, une approche purement patrimoniale, à travers le projet de pacte d’intérêt commun (PIC).
    • Inséré dans le livre III du code civil, entre les dispositions relatives à la société et celles relatives à l’indivision, ce pacte envisageait une mise en commun de biens par deux personnes souhaitant organiser leur vie commune, sans considération de leur sexe ou du type de relation existant entre elles, qu’elles soient familiales, amicales ou de couple.
    • Le PIC était un acte sous seing privé mais il était néanmoins proposé que puissent en découler, éventuellement, sous condition de durée du pacte, de nombreuses conséquences civiles, sociales et fiscales liées à la présomption de communauté de vie qu’il impliquait.
    • Cette approche avait donc pour ambition ” d’éliminer la charge idéologique de la question ” en éludant la question de la reconnaissance du couple homosexuel.
  • Le rapport d’Irène Théry intitulé « couple, filiation et parenté aujourd’hui»
    • Ce rapport choisissait une approche fondée sur la reconnaissance du concubinage homosexuel accompagnée de l’extension des droits sociaux reconnus à l’ensemble des concubins.
    • Appréhendant le concubinage comme une situation de fait génératrice de droits résultant de la communauté de vie, il a proposé d’inscrire dans le code civil que le « concubinage se constate par la possession d’état de couple naturel, que les concubins soient ou non de sexe différent».

Au total, aucune des deux solutions proposées n’a été retenue. La Présidente de la commission des Lois, a souhaité qu’un texte commun puisse être établi à partir des deux propositions de lois déposées le 23 juillet 1997 respectivement par M. Jean-Pierre Michel M. Jean-Marc Ayrault

Leurs travaux, dont le résultat a été rendu public fin mai 1998, ont donné naissance au concept de « pacte civil de solidarité ».

De cette coproduction législative est ainsi née la loi n°99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité.

En proposant aux concubins un statut légal, un « quasi-mariage » diront certains[6], qui règle les rapports tant personnels, que patrimoniaux entre les partenaires, la démarche du législateur témoigne de sa volonté de ne plus faire fi d’une situation de fait qui, au fil des années, s’est imposée comme un modèle à partir duquel se sont construites de nombreuses familles.

En contrepartie d’en engagement contractuel[7] qu’ils doivent prendre dans l’enceinte, non pas de la mairie, mais du greffe du Tribunal de grande instance[8], les concubins, quelle que soit leur orientation sexuelle, peuvent de la sorte voir leur union hors mariage, se transformer en une situation juridique.

C’est là une profonde mutation que connaît le droit de la famille, laquelle mutation ne faisait, en réalité, que commencer.

III) La réforme de la loi sur le pacs

A) La loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités

Quelques années après l’instauration du pacs un certain nombre d’ajustements sont apparus nécessaires aux fins de remédier aux insuffisances révélées par la pratique.

Aussi, la chancellerie a-t-elle réuni un groupe de travail chargé de dresser un état des lieux, lequel déboucha sur un rapport déposé le 30 novembre 2004.

Les préconisations de ce rapport ont été, pour partie, reprises par le gouvernement de l’époque qui déposa une proposition de loi aux fins de réformer le pacs.

Cette réforme consista, en particulier, à modifier le régime patrimonial du PACS, soit plus précisément à basculer d’un régime d’indivision vers un régime de séparation de bien.

En 1999, le régime patrimonial du PACS reposait sur deux présomptions d’indivision différentes selon le type de biens :

  • les meubles meublants dont les partenaires feraient l’acquisition à titre onéreux postérieurement à la conclusion du PACS sont présumés indivis par moitié, sauf déclaration contraire dans la convention initiale. Il en est de même lorsque la date d’acquisition de ces biens ne peut être établie ;
  • les autres biens dont les partenaires deviennent propriétaires à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte sont présumés indivis par moitié si l’acte d’acquisition ou de souscription n’en dispose autrement.

Par ailleurs, le champ de l’indivision était pour le moins incertain puisque la formulation du texte ne permettait pas de savoir avec certitude s’il comprenait les revenus, les deniers, et les biens créés après la signature du PACS.

De surcroît, l’indivision est un régime qui, par nature est  temporaire et lourd qui plus est.

Aussi, le législateur a-t-il préféré soumettre le PACS au régime de la séparation des patrimoines, suivant les préconisations du groupe de travail.

L’idée était de le rapprocher du régime de séparation de biens prévu par la loi du 13 juillet 1965 pour les époux aux articles 1536 à 1543 du code civil.

Le choix est cependant laissé aux partenaires qui peuvent toujours opter pour un régime d’indivision organisé.

C’est dans ce contexte que la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a été adoptée.

B) La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle

La loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité avait fixé le lieu d’enregistrement du pacs au greffe du tribunal d’instance.

La proposition de loi à l’origine de la loi de 1999 prévoyait pourtant un enregistrement par les officiers de l’état civil.

Toutefois, lors de son examen, face à une forte opposition de nombreux maires, pour des raisons symboliques tenant au risque de confusion entre PACS et mariage, l’Assemblée nationale avait confié cette compétence aux préfectures avant, finalement, de l’attribuer aux greffes des tribunaux d’instance.

Depuis la loi n°2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées, les pacs peuvent également être enregistrés par un notaire.

Lors de son intervention en 2016 aux fins de moderniser la justice du XXIe siècle, le législateur a entendu transférer aux officiers de l’état civil les compétences actuellement dévolues aux greffes des tribunaux d’instance en matière de Pacs.

Pour ce faire, il s’est appuyé sur le constat que les obstacles symboliques qui avaient présidé en 1999 au choix d’un enregistrement au greffe du tribunal d’instance avaient disparu.

Le Pacs est désormais bien connu des citoyens qui ne le confondent pas avec le mariage et la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe a permis d’introduire l’union homosexuelle à la mairie.

Qui plus est, ce transfert des formalités attachées au Pacs du greffe du tribunal d’instance à la mairie s’inscrit dans un mouvement qui vise à recentrer les tribunaux sur leurs activités juridictionnelles.

Désormais, ce sont donc les officiers d’état civil qui sont compétents pour connaître des formalités relatives au pacte civil de solidarité.

Section 2: Les conditions de formation du pacs

La formation du pacs est subordonnée à la satisfaction de conditions de fond et de forme.

I) Les conditions de fond

A) Les conditions tenant aux qualités physiques des partenaires

  1. L’indifférence du sexe

L’article 515-1 du Code civil que le pacs peut être conclu par deux personnes « de sexe différent ou de même sexe »

Ainsi, le législateur a-t-il accédé à une revendication pressante des couples homosexuels qui a pris racine au début des années 1990.

Ces derniers revendiquaient la création d’un statut unifiant pour l’ensemble des couples non mariés, que les partenaires soient de même sexe ou de sexe différent, ou même pour des personnes ayant un projet de vie en commun en dehors de tout lien charnel.

Une première proposition de loi tendant à instituer un contrat de partenariat civil est déposée au Sénat dès cette époque par M. Jean-Luc Mélenchon.

De nombreuses autres propositions relayées par des parlementaires de gauche vont voir le jour à partir de 1992, sous les appellations successives de contrat d’union civile, de contrat d’union sociale ou de contrat d’union civile et sociale.

Elles prévoyaient toutes l’enregistrement des unions devant l’officier d’état civil, définissaient en se référant au mariage les devoirs et le régime des biens des cocontractants et leur attribuaient des droits directement calqués sur le mariage en matière de logement, de sécurité sociale, d’impôt sur le revenu et de succession.

Les revendications portaient, en outre, sur l’élimination, à terme, de toute différence entre les couples homosexuels et hétérosexuels par l’ouverture pure et simple du mariage et du concubinage aux homosexuels.

Allant dans ce sens, le Parlement européen a adopté, le 8 février 1994, une résolution sur l’égalité des droits des homosexuels et des lesbiennes dans la Communauté européenne invitant la Commission des communautés européennes à présenter un projet de recommandation devant chercher, notamment à mettre un terme à :

  • l’interdiction faite aux couples homosexuels de se marier ou de bénéficier de dispositions juridiques équivalentes : la recommandation devrait garantir l’ensemble des droits et des avantages du mariage, ainsi qu’autoriser l’enregistrement de partenariats,
  • toute restriction au droit des lesbiennes et des homosexuels d’être parents ou bien d’adopter ou d’élever des enfants.

En définitive, au-delà du respect de leur comportement individuel, les homosexuels revendiquaient la reconnaissance sociale de leur couple, ce qui a pu faire dire que sortis du code pénal, ils aspiraient à rentrer dans le code civil.

C’est chose faite avec l’adoption sur la loi du 15 novembre 1999 qui autorise les couples homosexuels à conclure un pacte civil de solidarité.

2. L’âge des partenaires

L’article 515-1 du Code civil prévoit expressément que le « pacte civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures »

Ainsi, pour conclure un pacs, il faut avoir atteint l’âge de dix-huit ans révolu.

La question qui immédiatement se pose est de savoir si, à l’instar du mariage, le Procureur peut consentir des dispenses d’âge.

==> S’agissant de l’émancipation

Dans le silence des textes, le mineur émancipé ne dispose pas, a priori, de la capacité de conclure un pacs.

La question avait d’ailleurs été soulevée par les parlementaires devant le Conseil constitutionnel.

Leurs auteurs de la saisine soutenaient que portaient atteinte au principe d’égalité les interdictions de conclure un pacte civil de solidarité qui visent les mineurs émancipés et les majeurs sous tutelle

Le Conseil constitutionnel a toutefois rejeté cet argument estimé que « sans méconnaître les exigences du principe d’égalité, ni celles découlant de la liberté définie à l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le législateur […] a pu sans porter atteinte au principe d’égalité, ne pas autoriser la conclusion d’un pacte par une personne mineure émancipée et par une personne majeure placée sous tutelle » (Cons. Cons ; Décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999).

==> S’agissant de la dispense d’âge

Pour mémoire, en matière de mariage, législateur a estimé que, en certaines circonstances, il y aurait plus d’inconvénients que d’avantages à maintenir cette condition d’âge avec trop de rigidité

Avant la loi du 23 décembre 1970 modifiant l’article 145 du Code civil, le Code civil avait attribué au chef de l’État le pouvoir d’accorder des dispenses d’âge en lui laissant la libre appréciation de leur opportunité.

Il lui appartenait ainsi d’accorder ces dispenses par décret rendu sur le rapport du garde des Sceaux. Ce dossier était alors remis au procureur de la République qui instruisait l’affaire.

La loi n° 70-1266 du 23 décembre 1970 a modifié l’article 145 du Code civil à compter du 1er février 1971 et transféré au procureur de la République du lieu de la célébration du mariage le pouvoir d’accorder les dispenses d’âge dans les mêmes circonstances que pouvait le faire le Président de la République.

L’article 145 du Code civil dispose désormais que, « il est loisible au procureur de la République du lieu de célébration du mariage d’accorder des dispenses d’âge pour des motifs graves ».

La dispense accordée par le procureur de la République ne fait toutefois pas disparaître la nécessité du consentement familial exigé pour les mineurs.

L’article 148 du Code civil précise, en effet, que « les mineurs ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs père et mère ; en cas de dissentiment entre le père et la mère, ce partage emporte consentement ».

Ainsi, pour que des mineurs puissent se marier, encore faut-il qu’ils y soient autorisés :

  • par leurs parents
  • par le procureur de la république

Ce régime de dispense d’âge est-il transposable au pacs ?

Dans la mesure où aucune disposition ne le prévoit, une réponse négative doit être apportée à cette question, bien que l’on puisse s’interroger sur l’opportunité d’une telle interdiction.

Compte tenu de son régime juridique, la conclusion d’un pacs est un acte bien moins grave qu’en engagement dans les liens du mariage, ne serait-ce que parce le pacs repose sur un régime de séparation de biens, tandis que celui du mariage est communautaire.

B) Les conditions tenant à la nature contractuelle du pacs

Comme précisé par l’article 515-1 du Code civil le « pacte civil de solidarité est un contrat ».

Il en résulte que sa validité est subordonnée au respect des conditions de formation du contrat.

L’article 1101 du Code civil dispose que le contrat est « un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destinées à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. »

Pour être créateur d’obligations, l’article 1103 du Code civil précise néanmoins que le contrat doit être « légalement formé ».

Aussi, cela signifie-t-il que les parties doivent satisfaire à un certain nombre de conditions posées par la loi, à défaut de quoi le contrat ne serait pas valide, ce qui est sanctionné par la nullité.

Les conditions de validité du contrat exigées par la loi sont énoncées à l’article 1128 du Code civil qui prévoit que sont nécessaires à la validité d’un contrat :

  • Le consentement des parties
  • Leur capacité de contracter
  • Un contenu licite et certain
  1. Le consentement

La question qui se pose ici est de savoir si les parties ont voulu contracter l’une avec l’autre ?

==> La difficile appréhension de la notion de consentement

Simple en apparence, l’appréhension de la notion de consentement n’est pas sans soulever de nombreuses difficultés.

Que l’on doit exactement entendre par consentement ?

Le consentement est seulement défini de façon négative par le Code civil, les articles 1129 et suivants se bornant à énumérer les cas où le défaut de consentement constitue une cause de nullité du contrat.

L’altération de la volonté d’une partie est, en effet, susceptible de renvoyer à des situations très diverses :

  • L’une des parties peut être atteinte d’un trouble mental
  • Le consentement d’un contractant peut avoir été obtenu sous la contrainte physique ou morale
  • Une partie peut encore avoir été conduite à s’engager sans que son consentement ait été donné en connaissance de cause, car une information déterminante lui a été dissimulée
  • Une partie peut, en outre, avoir été contrainte de contracter en raison de la relation de dépendance économique qu’elle entretient avec son cocontractant
  • Un contractant peut également s’être engagé par erreur

Il ressort de toutes ces situations que le défaut de consentement d’une partie peut être d’intensité variable et prendre différentes formes.

La question alors se pose de savoir dans quels cas le défaut de consentement fait-il obstacle à la formation du contrat ?

Autrement dit, le trouble mental dont est atteinte une partie doit-il être sanctionné de la même qu’une erreur commise par un consommateur compulsif ?

==> Existence du consentement et vice du consentement

Il ressort des dispositions relatives au consentement que la satisfaction de cette condition est subordonnée à la réunion de deux éléments :

  • Le consentement doit exister
    • À défaut, le contrat n’a pas pu se former dans la mesure où l’une des parties n’a pas exprimé son consentement
    • Or cela constitue un obstacle à la rencontre des volontés.
    • Dans cette hypothèse, l’absence de consentement porte dès lors, non pas sur la validité du contrat, mais sur sa conclusion même.
    • Autrement dit, le contrat est inexistant.
  • Le consentement ne doit pas être vicié
    • À la différence de l’hypothèse précédente, dans cette situation les parties ont toutes deux exprimé leurs volontés.
    • Seulement, le consentement de l’une d’elles n’était pas libre et éclairé :
      • soit qu’il n’a pas été donné librement
      • soit qu’il n’a pas été donné en connaissance de cause
    • En toutes hypothèses, le consentement de l’un des cocontractants est vicié, de sorte que le contrat, s’il existe bien, n’en est pas moins invalide, car entaché d’une irrégularité.

a) L’existence du consentement

Le nouvel article 1129 du Code civil introduit par l’ordonnance du 10 février 2016 apporte une précision dont il n’était pas fait mention dans le droit antérieur.

Cette disposition prévoit, en effet, que « conformément à l’article 414-1, il faut être sain d’esprit pour consentir valablement à un contrat. ».

Plusieurs observations peuvent être formulées au sujet de cette exigence

  • Contenu de la règle
    • L’article 1129 pose la règle selon laquelle l’insanité d’esprit constitue une cause de nullité du contrat
    • Autrement dit, pour pouvoir contracter il ne faut pas être atteint d’un trouble mental, à défaut de quoi on ne saurait valablement consentir à l’acte.
    • Il peut être observé que cette règle existait déjà à l’article 414-1 du Code civil qui prévoit que « pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. »
    • Cette disposition est, de surcroît d’application générale, à la différence, par exemple de l’article 901 du Code civil qui fait également référence à l’insanité d’esprit mais qui ne se rapporte qu’aux libéralités.
    • L’article 1129 fait donc doublon avec l’article 414-1.
    • Il ne fait que rappeler une règle déjà existante qui s’applique à tous les actes juridiques en général
  • Insanité d’esprit et incapacité juridique
    • L’insanité d’esprit doit impérativement être distinguée de l’incapacité juridique
      • L’incapacité dont est frappée une personne a pour cause :
        • Soit la loi
          • Tel est le cas s’agissant de l’incapacité d’exercice général dont sont frappés les mineurs non émancipés.
        • Soit une décision du juge
          • Tel est le cas s’agissant de l’incapacité d’exercice dont sont frappées les personnes majeures qui font l’objet d’une tutelle, d’une curatelle, d’une sauvegarde de justice ou encore d’un mandat de protection future
      • L’insanité d’esprit n’a pour cause la loi ou la décision d’un juge : son fait générateur réside dans le trouble mental dont est atteinte une personne.
    • Aussi, il peut être observé que toutes les personnes frappées d’insanité d’esprit ne sont pas nécessairement privées de leur capacité juridique.
    • Réciproquement, toutes les personnes incapables (majeures ou mineures) ne sont pas nécessairement frappées d’insanité d’esprit.
    • À la vérité, la règle qui exige d’être sain d’esprit pour contracter a été instaurée aux fins de protéger les personnes qui seraient frappées d’insanité d’esprit, mais qui jouiraient toujours de la capacité juridique de contracter.
    • En effet, les personnes placées sous curatelle ou sous mandat de protection future sont seulement frappées d’une incapacité d’exercice spécial, soit pour l’accomplissement de certains actes (les plus graves).
    • L’article 1129 du Code civil jouit donc d’une autonomie totale par rapport aux dispositions qui régissent les incapacités juridiques.
    • Il en résulte qu’une action en nullité fondée sur l’insanité d’esprit pourrait indifféremment être engagée à l’encontre d’une personne capable ou incapable.
  • Notion d’insanité d’esprit
    • Le Code civil ne définit pas l’insanité d’esprit
    • Aussi, c’est à la jurisprudence qu’est revenue cette tâche
    • Dans un arrêt du 4 février 1941, la Cour de cassation a jugé en ce sens que l’insanité d’esprit doit être regardée comme comprenant « toutes les variétés d’affections mentales par l’effet desquelles l’intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée» ( civ. 4 févr. 1941).
    • Ainsi, l’insanité d’esprit s’apparente au trouble mental dont souffre une personne qui a pour effet de la priver de sa faculté de discernement.
    • Il peut être observé que la Cour de cassation n’exerce aucun contrôle sur la notion d’insanité d’esprit, de sorte que son appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond (V. notamment en ce sens 1re civ., 24 oct. 2000).
  • Sanction de l’insanité d’esprit
    • En ce que l’insanité d’esprit prive le contractant de son consentement, elle est sanctionnée par la nullité du contrat.
    • Autrement dit, le contrat est réputé n’avoir jamais été conclu.
    • Il est anéanti rétroactivement, soit tant pour ses effets passés, que pour ses effets futurs.
    • Il peut être rappelé, par ailleurs, qu’une action en nullité sur le fondement de l’insanité d’esprit, peut être engagée quand bien même la personne concernée n’était pas frappée d’une incapacité d’exercice.
    • L’action en nullité pour incapacité et l’action en nullité pour insanité d’esprit sont deux actions bien distinctes.

b) Les vices du consentement

i) Place des vices du consentement dans le Code civil

Il ne suffit pas que les cocontractants soient sains d’esprit pour que la condition tenant au consentement soit remplie.

Il faut encore que ledit consentement ne soit pas vicié, ce qui signifie qu’il doit être libre et éclairé :

  • Libre signifie que le consentement ne doit pas avoir été sous la contrainte
  • Éclairé signifie que le consentement doit avoir été donné en connaissance de cause

Manifestement, le Code civil fait une large place aux vices du consentement. Cela se justifie par le principe d’autonomie de la volonté qui préside à la formation du contrat.

Dès lors, en effet, que l’on fait de la volonté le seul fait générateur du contrat, il est nécessaire qu’elle présente certaines qualités.

Pour autant, les rédacteurs du Code civil ont eu conscience de ce que la prise en considération de la seule psychologie des contractants aurait conduit à une trop grande insécurité juridique.

Car en tenant compte de tout ce qui est susceptible d’altérer le consentement, cela aurait permis aux parties d’invoquer le moindre vice en vue d’obtenir l’annulation du contrat.

C’est la raison pour laquelle, tout en réservant une place importante aux vices du consentement, tant les rédacteurs du Code civil que le législateur contemporain n’ont admis qu’ils puissent entraîner la nullité du contrat qu’à des conditions très précises.

ii) Énumération des vices du consentement

Aux termes de l’article 1130, al. 1 du Code civil « l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes ».

Il résulte de cette disposition que les vices du consentement qui constituent des causes de nullité du contrat sont au nombre de trois :

  • L’erreur
  • Le dol
  • La violence

?) L’erreur

==> Notion

L’erreur peut se définir comme le fait pour une personne de se méprendre sur la réalité. Cette représentation inexacte de la réalité vient de ce que l’errans considère, soit comme vrai ce qui est faux, soit comme faux ce qui est vrai.

L’erreur consiste, en d’autres termes, en la discordance, le décalage entre la croyance de celui qui se trompe et la réalité.

Lorsqu’elle est commise à l’occasion de la conclusion d’un contrat, l’erreur consiste ainsi dans l’idée fausse que se fait le contractant sur tel ou tel autre élément du contrat.

Il peut donc exister de multiples erreurs :

  • L’erreur sur la valeur des prestations: j’acquiers un tableau en pensant qu’il s’agit d’une toile de maître, alors que, en réalité, il n’en est rien. Je m’aperçois peu de temps après que le tableau a été mal expertisé.
  • L’erreur sur la personne: je crois solliciter les services d’un avocat célèbre, alors qu’il est inconnu de tous
  • Erreur sur les motifs de l’engagement : j’acquiers un appartement dans le VIe arrondissement de Paris car je crois y être muté. En réalité, je suis affecté dans la ville de Bordeaux

Manifestement, ces hypothèses ont toutes en commun de se rapporter à une représentation fausse que l’errans se fait de la réalité.

Cela justifie-t-il, pour autant, qu’elles entraînent la nullité du contrat ? Les rédacteurs du Code civil ont estimé que non.

Afin de concilier l’impératif de protection du consentement des parties au contrat avec la nécessité d’assurer la sécurité des transactions juridiques, le législateur, tant en 1804, qu’à l’occasion de la réforme du droit des obligations, a décidé que toutes les erreurs ne constituaient pas des causes de nullité.

==> Conditions

Pour constituer une cause de nullité l’erreur doit, en toutes hypothèses, être, déterminante et excusable

  • Une erreur déterminante
    • L’article1130 du Code civil prévoit que l’erreur vicie le consentement lorsque sans elle « l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes»
    • Autrement dit, l’erreur est une cause de consentement lorsqu’elle a été déterminante du consentement de l’errans.
    • Cette exigence est conforme à la position de la Cour de cassation.
    • Dans un arrêt du 21 septembre 2010, la troisième chambre civile a, par exemple, rejeté le pourvoi formé par la partie à une promesse synallagmatique de vente estimant que cette dernière « ne justifiait pas du caractère déterminant pour son consentement de l’erreur qu’il prétendait avoir commise» ( 3e civ., 21 sept. 2010).
    • L’article 1130, al. 2 précise que le caractère déterminant de l’erreur « s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné»
    • Le juge est ainsi invité à se livrer à une appréciation in concreto du caractère déterminant de l’erreur
  • Une erreur excusable
    • Il ressort de l’article 1132 du Code civil que, pour constituer une cause de nullité, l’erreur doit être excusable
    • Par excusable, il faut entendre l’erreur commise une partie au contrat qui, malgré la diligence raisonnable dont elle a fait preuve, n’a pas pu l’éviter.
    • Cette règle se justifie par le fait que l’erreur ne doit pas être la conséquence d’une faute de l’errans.
    • Celui qui s’est trompé ne saurait, en d’autres termes, tirer profit de son erreur lorsqu’elle est grossière.
    • C’est la raison pour laquelle la jurisprudence refuse systématiquement de sanctionner l’erreur inexcusable (V. en ce sens par exemple 3e civ., 13 sept. 2005).
    • L’examen de la jurisprudence révèle que les juges se livrent à une appréciation in concreto de l’erreur pour déterminer si elle est ou non inexcusable.
    • Lorsque, de la sorte, l’erreur est commise par un professionnel, il sera tenu compte des compétences de l’errans (V. en ce sens soc., 3 juill. 1990).
    • Les juges feront également preuve d’une plus grande sévérité lorsque l’erreur porte sur sa propre prestation.

==> L’erreur sur les qualités essentielles de la personne

Aux termes de l’article 1132 du Code civil « l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. »

Il ressort de cette disposition que seules deux catégories d’erreur sont constitutives d’une cause de nullité du contrat :

  • L’erreur sur les qualités essentielles de la prestation due
  • L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant

En matière de pacs seule l’erreur sur les qualités essentielles du partenaire apparaît pertinente :

  • Principe
    • Au même titre que l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation, le législateur a entendu faire de l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant une cause de nullité ( 1133, al. 1 C. civ.).
    • Le législateur a ainsi reconduit la solution retenue en 1804 à la nuance près toutefois qu’il a inversé le principe et l’exception.
    • L’ancien article 1110 prévoyait, en effet, que l’erreur « n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention. »
    • Ainsi, l’erreur sur les qualités essentielles de la personne n’était, par principe, pas sanctionnée.
    • Elle ne constituait une cause de nullité qu’à la condition que le contrat ait été conclu intuitu personae, soit en considération de la personne du cocontractant.
    • Aujourd’hui, le nouvel article 1134 du Code civil prévoit que « l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n’est une cause de nullité que dans les contrats conclus en considération de la personne.»
    • L’exception instaurée en 1804 est, de la sorte, devenue le principe en 2016.
    • Cette inversion n’a cependant aucune incidence sur le contenu de la règle dans la mesure où, in fine, l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n’est une cause de nullité qu’en matière de contrats conclus intuitu personae.
  • Notion d’erreur sur la personne
    • L’erreur sur la personne du cocontractant peut porter
      • sur son identité
      • son honorabilité
      • sur son âge
      • sur l’aptitude aux relations sexuelles
      • sur la santé mentale

?) Le dol

==> Notion

Classiquement, le dol est défini comme le comportement malhonnête d’une partie qui vise à provoquer une erreur déterminante du consentement de son cocontractant.

Si, de la sorte, le dol est de nature à vicier le consentement d’une partie au contrat, il constitue, pour son auteur, un délit civil susceptible d’engager sa responsabilité.

Lorsqu’il constitue un vice du consentement, le dol doit être distingué de l’erreur

Contrairement au vice du consentement que constitue l’erreur qui est nécessairement spontanée, le dol suppose l’établissement d’une erreur provoquée par le cocontractant.

En matière de dol, le fait générateur de l’erreur ne réside donc pas dans la personne de l’errans, elle est, au contraire, le fait de son cocontractant.

En somme, tandis que dans l’hypothèse de l’erreur, un contractant s’est trompé sur le contrat, dans l’hypothèse du dol ce dernier a été trompé.

==> Application

Le dol n’est pas une cause de nullité du mariage

Cette règle est associée à la célèbre formule du juriste Loysel : « en mariage trompe qui peut » (Institutes coutumières, livre Ier, titre II, no 3).

Le Code civil étant silencieux sur la question du dol en matière de mariage, la jurisprudence en a déduit que ne permettait pas d’obtenir son annulation.

Par analogie, il est fort probable que cette règle soit transposable au pacs

Admettre le contraire reviendrait à prendre le risque d’aboutir à de nombreuses actions en nullité du pacs, ne serait-ce que par le dol peut être invoqué pour tout type d’erreur, peu importe qu’elle soit ou non excusable.

?) La violence

==> Notion

Classiquement, la violence est définie comme la pression exercée sur un contractant aux fins de le contraindre à consentir au contrat.

Le nouvel article 1140 traduit cette idée en prévoyant qu’« il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. ».

Il ressort de cette définition que la violence doit être distinguée des autres vices du consentement pris dans leur globalité, d’une part et, plus spécifiquement du dol, d’autre part.

  • Violence et vices du consentement
    • La violence se distingue des autres vices du consentement, en ce que le consentement de la victime a été donné en connaissance de cause.
    • Cependant, elle n’a pas contracté librement
    • Autrement dit, en contractant, la victime avait pleinement conscience de la portée de son engagement, seulement elle s’est engagée sous l’empire de la menace
  • Violence et dol
    • Contrairement au dol, la violence ne vise pas à provoquer une erreur chez le cocontractant.
    • La violence vise plutôt à susciter la crainte de la victime
    • Ce qui donc vicie le consentement de cette dernière, ce n’est pas l’erreur qu’elle aurait commise sur la portée de son engagement, mais bien la crainte d’un mal qui pèse sur elle.
    • Dit autrement, la crainte est à la violence ce que l’erreur est au dol.
    • Ce qui dès lors devra être démontré par la victime, c’est que la crainte qu’elle éprouvait au moment de la conclusion de l’acte a été déterminante de son consentement
    • Il peut être observé que, depuis l’adoption de la loi n° 2006-399 du 4 avr. 2006, la violence est expressément visée par l’article 180 du Code civil applicable au couple marié.

==> Conditions

Il ressort de l’article 1140 du Code civil que la violence est une cause de nullité lorsque deux éléments constitutifs sont réunis : l’exercice d’une contrainte et l’inspiration d’une crainte.

  • L’exercice d’une contrainte
    • L’objet de la contrainte : la volonté du contractant
      • Tout d’abord, il peut être observé que la violence envisagée à l’article 1140 du Code civil n’est autre que la violence morale, soit une contrainte exercée par la menace sur la volonté du contractant.
      • La contrainte exercée par l’auteur de la violence doit donc avoir pour seul effet que d’atteindre le consentement de la victime, à défaut de quoi, par hypothèse, on ne saurait parler de vice du consentement.
    • La consistance de la contrainte : une menace
      • La contrainte visée à l’article 1140 s’apparente, en réalité, à une menace qui peut prendre différentes formes.
      • Cette menace peut consister en tout ce qui est susceptible de susciter un sentiment de crainte chez la victime.
      • Ainsi, peut-il s’agir, indifféremment, d’un geste, de coups, d’une parole, d’un écrit, d’un contexte, soit tout ce qui est porteur de sens
    • Le caractère de la contrainte : une menace illégitime
      • La menace dont fait l’objet le contractant doit être illégitime, en ce sens que l’acte constitutif de la contrainte ne doit pas être autorisé par le droit positif.
      • A contrario, lorsque la pression exercée sur le contractant est légitime, quand bien même elle aurait pour effet de faire plier la volonté de ce dernier, elle sera insusceptible d’entraîner l’annulation du contrat.
      • La question alors se pose de savoir quelles sont les circonstances qui justifient qu’une contrainte puisse être exercée sur un contractant.
      • En quoi consiste, autrement dit, une menace légitime ?
      • Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 1141 qui prévoit que « la menace d’une voie de droit ne constitue pas une violence. Il en va autrement lorsque la voie de droit est détournée de son but ou lorsqu’elle est invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif. »
      • Cette disposition est, manifestement, directement inspirée de la position de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 17 janvier 1984 avait estimé que « la menace de l’emploi d’une voie de droit ne constitue une violence au sens des articles 1111 et suivants du code civil que s’il y a abus de cette voie de droit soit en la détournant de son but, soit en en usant pour obtenir une promesse ou un avantage sans rapport ou hors de proportion avec l’engagement primitif» ( 3e civ. 17 janv. 1984).
  • L’inspiration d’une crainte
    • La menace exercée à l’encontre d’un contractant ne sera constitutive d’une cause de nullité que si, conformément à l’article 1140, elle inspire chez la victime « la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable.»
    • Aussi, ressort-il de cette disposition que pour que la condition tenant à l’existence d’une crainte soit remplie, cela suppose, d’une part que cette crainte consiste en l’exposition d’un mal considérable, d’autre part que ce mal considérable soit dirigé, soit vers la personne même de la victime, soit vers sa fortune, soit vers ses proches
      • L’exposition à un mal considérable
        • Reprise de l’ancien texte
          • L’exigence tenant à l’établissement d’une crainte d’un mal considérable a été reprise de l’ancien article 1112 du Code civil qui prévoyait déjà cette condition.
          • Ainsi, le législateur n’a-t-il nullement fait preuve d’innovation sur ce point-là.
        • Notion
          • Que doit-on entendre par l’exposition à un mal considérable ?
          • Cette exigence signifie simplement que le mal en question doit être suffisamment grave pour que la violence dont est victime le contractant soit déterminante de son consentement.
          • Autrement dit, sans cette violence, la victime n’aurait, soit pas contracté, soit conclu l’acte à des conditions différentes
          • Le caractère déterminant de la violence sera apprécié in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.
          • La Cour de cassation prendra, en d’autres termes, en compte l’âge, les aptitudes, ou encore la qualité de la victime.
          • Dans un arrêt du 13 janvier 1999, la Cour de cassation a par exemple approuvé une Cour d’appel pour avoir prononcé l’annulation d’une vente pour violence morale.
          • La haute juridiction relève, pour ce faire que la victime avait «subi, de la part des membres de la communauté animée par Roger Melchior, depuis 1972 et jusqu’en novembre 1987, date de son départ, des violences physiques et morales de nature à faire impression sur une personne raisonnable et à inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent, alors que séparée de son époux et ayant à charge ses enfants, elle était vulnérable et que ces violences l’avaient conduite à conclure l’acte de vente de sa maison en faveur de la société Jojema afin que les membres de la communauté fussent hébergés dans cet immeuble» ( 3e civ. 13 janv. 1999).
          • Il ressort manifestement de cet arrêt que la troisième chambre civile se livre à une appréciation in concreto.
        • Exclusion de la crainte révérencielle
          • L’ancien article 1114 du Code civil prévoyait que « la seule crainte révérencielle envers le père, la mère, ou autre ascendant, sans qu’il y ait eu de violence exercée, ne suffit point pour annuler le contrat. »
          • Cette disposition signifiait simplement que la crainte de déplaire ou de contrarier ses parents ne peut jamais constituer en soi un cas de violence.
          • La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser à plusieurs reprises que pour qu’une telle crainte puisse entraîner l’annulation d’un contrat, cela suppose qu’elle ait pour fait générateur une menace.
          • Dans un arrêt du 22 avril 1986, la première chambre civile a ainsi admis l’annulation d’une convention en relevant que « l’engagement pris par M.Philippe X… est dû aux pressions exercées par son père sur sa volonté ; que ces pressions sont caractérisées, non seulement par le blocage des comptes en banque de la défunte suivi d’une mainlevée une fois l’accord conclu, mais aussi par la restitution à la même date d’une reconnaissance de dette antérieure ; qu’elle retient que ces contraintes étaient d’autant plus efficaces qu’à cette époque M.Philippe X… souffrait d’un déséquilibre nerveux altérant ses capacités intellectuelles et le privant d’un jugement libre et éclairé»
          • La haute juridiction en déduit, compte tenu des circonstances que « ces pressions étaient susceptibles d’inspirer à celui qui les subissait la crainte d’exposer sa fortune à un mal considérable et présent, et constituaient une violence illégitime de la part de leur auteur de nature à entraîner la nullité de la convention» ( 1ère civ. 22 avr. 1996).
          • Manifestement, le pacs se distingue sur cette question du mariage.
          • L’article 180 du Code civil prévoit, en effet, que « l’exercice d’une contrainte sur les époux ou l’un d’eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage. »
          • Ainsi, tandis qu’en matière de mariage la simple crainte révérencielle est une cause de nullité, tel n’est pas le cas en matière de pacs.
        • L’objet de la crainte
          • Pour mémoire, l’ancien article 1113 du Code civil prévoyait que « la violence est une cause de nullité du contrat, non seulement lorsqu’elle a été exercée sur la partie contractante, mais encore lorsqu’elle l’a été sur son époux ou sur son épouse, sur ses descendants ou ses ascendants. »
          • Dorénavant, la violence est caractérisée dès lors que la crainte qu’elle inspire chez la victime expose à un mal considérable :
            • soit sa personne
            • soit sa fortune
            • soit celles de ses proches
          • Ainsi, le cercle des personnes visées l’ordonnance du 10 février 2016 est-il plus large que celui envisagé par les rédacteurs du Code civil.

2. La capacité

Conformément à l’article 515-1 du Code civil, il faut être majeur pour être en capacité de conclure un pacs.

Cette règle se justifie par la nature du pacs qui est un contrat. Or conformément à l’article 1145 du Code civil pour contracter il convient de n’être frappé d’aucune incapacité.

L’article 1146 précise que « sont incapables de contracter, dans la mesure définie par la loi :

  • Les mineurs non émancipés ;
  • Les majeurs protégés au sens de l’article 425, soit « toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté peut bénéficier d’une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre»

À la vérité, le cercle des personnes admises à conclure à conclure un pacs n’est pas le même que celui envisagé par le droit commun des contrats.

  • En premier, le législateur a catégoriquement refusé aux mineurs émancipés de conclure un pacs, ce qui a été validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 novembre 1999 ( Cons ; Décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999)
  • En second lieu, les majeurs frappés d’une incapacité ne sont nullement privés de la faculté de conclure un pacs

==> Les majeurs sous tutelle

Dans sa rédaction issue de la loi du 15 novembre 1999, l’article 506-1 du Code civil disposait que « les majeurs placés sous tutelle ne peuvent conclure un pacte civil de solidarité »

Ainsi, les majeurs protégés étaient exclus du champ d’application du pacs.

Cette interdiction a, toutefois, été levée par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs.

L’article 462 du Code civil dispose désormais que « La conclusion d’un pacte civil de solidarité par une personne en tutelle est soumise à l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué, après audition des futurs partenaires et recueil, le cas échéant, de l’avis des parents et de l’entourage »

Pour ce faire, « l’intéressé est assisté de son tuteur lors de la signature de la convention. Aucune assistance ni représentation ne sont requises lors de la déclaration conjointe devant l’officier de l’état civil ou devant le notaire instrumentaire prévue au premier alinéa de l’article 515-3. »

==> Les majeures sous curatelle

S’agissant des majeurs sous curatelle, ils sont également autorisés à conclure un pacs.

L’article 461 du Code civil dispose en ce sens que « la personne en curatelle ne peut, sans l’assistance du curateur, signer la convention par laquelle elle conclut un pacte civil de solidarité. »

À la différence du majeur sous tutelle, la personne placée sous curatelle est dispensée de l’assistance de son curateur lors de la déclaration conjointe devant l’officier de l’état civil ou devant le notaire instrumentaire.

==> Les majeurs sous sauvegarde de justice

Aux termes de l’article 435 du Code civil « la personne placée sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits. Toutefois, elle ne peut, à peine de nullité, faire un acte pour lequel un mandataire spécial a été désigné en application de l’article 437. »

Il en résulte qu’elle est parfaitement libre de conclure un pacs, sans qu’aucune restriction ne s’impose à elle.

3. Le contenu licite et certain

Aux termes de l’article 1162 du Code civil « le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties. »

Appliquée au pacs cette exigence se traduit par l’obligation, pour les prétendants, d’adhérer à la finalité que le législateur a entendu attacher au pacs : l’organisation de la vie commune des partenaires

Autrement dit, pour être valide, le pacs ne doit pas être fictif, ce qui implique que le consentement des partenaires ne doit pas avoir été simulé.

Au vrai, il s’agit là de la même exigence que celle posée en matière matrimoniale, la jurisprudence prohibant ce que l’on appelle les « mariages blancs ».

Dans un arrêt Appietto du 20 novembre 1963, la Cour de cassation avait estimé en ce sens que « le mariage est nul, faute de consentement, lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu’en vue d’atteindre un résultat étranger à l’union matrimoniale » (Cass. 1ère civ. 20 nov. 1963).

Deux enseignements peuvent être tirés de cet arrêt :

  • Premier enseignement
    • La Cour de cassation considère que lorsque le mariage est fictif, soit lorsque les époux ont poursuivi un résultat étranger à l’union matrimonial, celui-ci doit être annulé pour défaut de consentement.
    • Il s’agit là d’une nullité absolue qui donc peut être invoquée par quiconque justifie d’un intérêt à agir et qui se prescrit par trente ans
  • Second enseignement
    • Il ressort de l’arrêt Appietto que la Cour de cassation opère une distinction entre les effets primaires du mariage et ses effets secondaires
      • Les effets primaires
        • Ils ne peuvent être obtenus que par le mariage
          • Filiation
          • Communauté de biens
      • Les effets secondaires
        • Ils peuvent être obtenus par d’autres biais que le mariage
          • Acquisition de la nationalité
          • Avantages fiscaux
          • Avantages patrimoniaux

Pour déterminer si un mariage est fictif, il convient de se demander si les époux recherchaient exclusivement ses effets secondaires – auquel cas la nullité est encourue – ou s’ils recherchaient et/ou ses effets primaires, en conséquence de quoi l’union est alors parfaitement valide.

De toute évidence, le même raisonnement peut être tenu en matière de pacs, encore que celui-ci procure aux partenaires bien moins d’avantages que n’en procure le mariage aux époux.

La conséquence en est que l’intérêt pour des partenaires de conclure un pacs blanc est pour le moins limité.

C) Les conditions tenant à la filiation des partenaires

Bien que le pacs s’apparente à un contrat, le législateur a posé un certain nombre d’empêchement qui interdisent à certaines personnes de conclure un pacs entre elles, interdictions qui tienne à des considérations d’ordre public.

==> Les empêchements qui tiennent au lien de parenté

L’article 515-2 du Code civil prévoit que, à peine de nullité, il ne peut y avoir de pacs :

  • Entre ascendant et descendant en ligne directe
    • L’ascendant est la personne dont est issue une autre personne (le descendant) par la naissance ou l’adoption
    • Ligne généalogique dans laquelle on remonte du fils au père.
    • La ligne directe est celle des parents qui descendent les uns des autres
    • Ainsi, les ascendants et descendants en ligne directe correspond à la ligne généalogique dans laquelle on remonte du fils au père

Schéma 1.JPG

  • Entre alliés en ligne directe
    • Les alliés sont, par rapport à un époux, les parents de son conjoint (beau-père, belle-mère, gendre, bru etc…).

Schéma 2.JPG

  • Entre collatéraux jusqu’au troisième degré inclus
    • La ligne collatérale est celle des parents qui ne descendent pas les uns des autres mais d’un auteur commun
    • Le degré correspond à un intervalle séparant deux générations et servant à calculer la proximité de la parenté, chaque génération comptant pour un degré
    • L’article 741 du Code civil dispose que « la proximité de parenté s’établit par le nombre de générations ; chaque génération s’appelle un degré. »

Schéma 3.JPG

==> Les empêchements qui tiennent à la polygamie

Bien que le pacs soit ouvert aux couples formés entre deux personnes de même sexe, le législateur n’a pas souhaité reconnaître la polygamie.

Ainsi, a-t-il transposé, au pacs, l’interdiction posée à l’article 147 du Code civil qui prévoit que « on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier. »

Dans le droit fil de cette disposition l’article 515-2 dispose que, à peine de nullité, il ne peut y avoir de pacte civil de solidarité :

  • Entre deux personnes dont l’une au moins est engagée dans les liens du mariage
  • Entre deux personnes dont l’une au moins est déjà liée par un pacte civil de solidarité

Il peut toutefois être observé que l’article 515-7, al. 3 du Code civil autorise une personne engagée dans les liens du pacs à se marier, d’où il s’ensuit une rupture de la première union.

Pacs et mariage ne sont ainsi, sur cet aspect, pas mis sur un même pied d’égalité. Si l’existence d’une union matrimoniale fait obstacle à la conclusion d’un pacs, l’inverse n’est pas.

Ces deux formes d’union conjugale se rejoignent néanmoins sur le principe de prohibition de la polygamie : dans les deux cas, l’inobservation de cette interdiction est sanctionnée par la nullité absolue.

II) Les conditions de forme

La conclusion d’un pacs est subordonnée à la réunion de trois conditions de forme

A) L’établissement d’une convention

==> Établissement d’un écrit

Aux termes de l’article 515-3 du Code civil « à peine d’irrecevabilité, les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité produisent la convention passée entre elles à l’officier de l’état civil, qui la vise avant de la leur restituer.»

Il ressort de cette disposition que la conclusion d’un pacs suppose l’établissement d’une convention. Il s’agit là d’une condition dont l’inobservance est sanctionnée par l’irrecevabilité de la demande d’enregistrement du pacs.

Aussi, dans l’hypothèse où un pacs serait enregistré, en violation de cette exigence, il n’en demeurait pas moins valide.

Toutefois, l’article 515-3-1 du Code civil précise que « le pacte civil de solidarité ne prend effet entre les parties qu’à compter de son enregistrement, qui lui confère date certaine»

D’aucuns considère qu’il s’infère de cette disposition que l’établissement d’un écrit est exigé à peine de nullité.

Selon nous, il convient néanmoins de ne pas confondre la validité du pacs de son opposabilité.

Il peut être observé que dans sa rédaction antérieure, l’article 515-3 exigeait que les partenaires produisent une convention en double original ce qui, ipso facto, excluait la possibilité de recourir à l’acte authentique celui-ci ne comportant qu’un seul original : celui déposé au rang des minutes du notaire instrumentaire.

Aussi, la convention sur laquelle était assis le pacs ne pouvait être établie que par acte sous seing privé.

Pour remédier à cette anomalie le législateur a modifié, à l’occasion de l’adoption de la loi du 23 juin 2006, l’article 515-3 lequel prévoit désormais en son alinéa 5 que « lorsque la convention de pacte civil de solidarité est passée par acte notarié, le notaire instrumentaire recueille la déclaration conjointe, procède à l’enregistrement du pacte et fait procéder aux formalités de publicité prévues à l’alinéa précédent. »

==> Le contenu de la convention

La circulaire n°2007-03 CIV du 5 février 2007 relative à la présentation de la réforme du pacte civil de solidarité est venue préciser ce qui devait être prévu par la convention conclue par les partenaires

  • Sur la convention en elle-même
    • Aucune forme ni contenu particulier autres que ceux prévus par les règles de droit commun applicables aux actes sous seing privé ou authentiques ne sont requis, de sorte que la convention peut simplement faire référence aux dispositions de la loi du 15 novembre 1999 et aux articles 515-1 à 515-7 du code civil.
    • La convention doit toutefois être rédigée en langue française et comporter la signature des deux partenaires.
    • Si l’un des partenaires est placé sous curatelle assortie de l’exigence de l’autorisation du curateur pour conclure un pacte civil de solidarité, la convention doit porter la signature du curateur à côté de celle de la personne protégée.
    • Il appartient au greffier de vérifier la qualité du curateur contresignataire de la convention en sollicitant la production de la décision judiciaire le désignant, ainsi que la photocopie d’un titre d’identité.
    • Il ne revient pas au greffier d’apprécier la validité des clauses de la convention de pacte civil de solidarité, ni de conseiller les parties quant au contenu de leur convention. S’il est interrogé par les partenaires sur ce point, il importe qu’il les renvoie à consulter un notaire ou un avocat.
    • Si la convention paraît contenir des dispositions contraires à l’ordre public, le greffier informe les partenaires du risque d’annulation. Si les intéressés maintiennent ces dispositions, il doit enregistrer le pacte en les informant qu’il en saisit le procureur de la République
    • À titre d’exemple, il pourra être considéré que seraient manifestement contraires à l’ordre public des dispositions d’une convention de PACS qui excluraient le principe d’aide matérielle et d’assistance réciproques entre partenaires ou le principe de solidarité entre partenaires à l’égard des tiers pour les dettes contractées par chacun d’eux au titre des dépenses de la vie courante.
    • Enfin, l’officier de l’état civil vérifiera qu’ont été respectées les conditions prévues aux articles 461 et 462 du code civil applicables lorsque l’un des partenaires est placé sous curatelle ou sous tutelle
  • Documents annexes à produire
    • Pièce d’identité
      • Le greffier doit tout d’abord s’assurer de l’identité des partenaires.
      • À cette fin, chaque partenaire doit produire l’original de sa carte nationale d’identité ou de tout autre document officiel délivré par une administration publique comportant ses noms et prénoms, la date et le lieu de sa naissance, sa photographie et sa signature, ainsi que l’identification de l’autorité qui a délivré le document, la date et le lieu de délivrance de celui-ci.
      • Il en va de même chaque fois que les partenaires doivent justifier de leur identité.
      • Le greffe conserve une copie de ce document.
    • Pièces d’état civil
      • La production des pièces d’état civil doit permettre au greffier de déterminer qu’il n’existe pas d’empêchement légal à la conclusion du pacte civil de solidarité au regard des articles 506-1, 515-1 et 515-2 du code civil.
      • Les pièces permettant de vérifier que ces trois séries de conditions sont réunies diffèrent selon que l’état civil des partenaires est ou non détenu par l’autorité française.
      • Dans tous les cas, doit être jointe une déclaration sur l’honneur par laquelle les partenaires indiquent n’avoir entre eux aucun lien de parenté ou d’alliance qui constituerait un empêchement au pacte civil de solidarité en vertu de l’article 515-2 du code civil.

B) L’enregistrement du pacs

==> Enregistrement auprès de l’officier d’état civil

  • Le transfert de compétence
    • Aux termes de l’article 515-3 du Code civil « les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité en font la déclaration conjointe devant l’officier de l’état civil de la commune dans laquelle elles fixent leur résidence commune ou, en cas d’empêchement grave à la fixation de celle-ci, devant l’officier de l’état civil de la commune où se trouve la résidence de l’une des parties. »
    • Dorénavant, c’est donc auprès de l’officier d’état civil qu’il convient de faire enregistrer un pacs.
    • En 1999, le législateur avait prévu que le pacs devait être enregistré auprès du greffe du Tribunal d’instance.
    • Les députés avaient voulu marquer une différence avec le mariage.
    • Lors de son intervention en 2016, le législateur n’a toutefois pas souhaité conserver cette différence de traitement entre le pacs et le mariage.
    • Pour ce faire, il s’est appuyé sur le constat que les obstacles symboliques qui avaient présidé en 1999 au choix d’un enregistrement au greffe du tribunal d’instance avaient disparu.
    • Ainsi, la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a-t-elle transféré aux officiers de l’état civil les compétences anciennement dévolues aux greffes des tribunaux d’instance.
  • La procédure d’enregistrement
    • La circulaire du 10 mai 2017 de présentation des dispositions en matière de pacte civil de solidarité issues de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et du décret du 6 mai 2017 relatif au transfert aux officiers de l’état civil de l’enregistrement des déclarations, des modifications et des dissolutions des pactes civils de solidarité précise la procédure d’enregistrement du pacs.
    • Elle prévoit notamment qu’il appartient au maire de chaque commune de déterminer s’il souhaite faire enregistrer les PACS dès que les partenaires se présentent en mairie ou s’il souhaite mettre en place un système de prise de rendez-vous de déclaration conjointe de PACS.
    • Par ailleurs, le formulaire Cerfa de déclaration de PACS, accompagné des pièces justificatives, pourra être transmis par les partenaires par correspondance à la mairie chargée d’enregistrer le PACS en amont de l’enregistrement de la déclaration conjointe de conclusion de PACS.
    • Cette transmission peut s’effectuer par voie postale ou par téléservice et permettra une analyse du dossier de demande de PACS par les services de la commune en amont de la déclaration conjointe.
    • Un téléservice, reprenant les champs du formulaire Cerfa, pourra être mis en œuvre par les communes qui le souhaitent dans le respect du référentiel général de sécurité des systèmes d’information.

==> Compétence territoriale

  • Le lieu de la résidence commune
    • L’article 515-3 prévoit que les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité en font la déclaration conjointe devant l’officier de l’état civil de la commune dans laquelle elles fixent leur résidence commune
    • La circulaire du 10 mai 2017 précise que les intéressés n’ont pas besoin de résider déjà ensemble au moment de la déclaration.
    • En revanche, ils doivent déclarer à l’officier de l’état civil l’adresse qui sera la leur dès l’enregistrement du pacte.
  • La notion de résidence commune
    • La « résidence commune » doit s’entendre comme étant la résidence principale des intéressés quel que soit leur mode d’habitation (propriété, location, hébergement par un tiers).
    • La résidence désignée par les partenaires ne peut donc correspondre à une résidence secondaire.
    • En particulier, deux ressortissants étrangers résidant principalement à l’étranger ne peuvent valablement conclure un PACS.
  • La preuve de la résidence commune
    • Les partenaires feront la déclaration de leur adresse commune par une attestation sur l’honneur.
    • Aucun autre justificatif n’est à exiger mais l’officier de l’état civil doit appeler l’attention des intéressés sur le fait que toute fausse déclaration est susceptible d’engager leur responsabilité pénale.
  • L’incompétence de l’officier d’état civil
    • Lorsque la condition de résidence n’est pas remplie, l’officier de l’état civil rendra une décision d’irrecevabilité motivée par son incompétence territoriale.
    • Cette décision est remise aux intéressés avec l’information qu’ils disposent d’un recours devant le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés.
    • S’agissant des décisions d’irrecevabilité prises par l’autorité diplomatique ou consulaire, celles-ci pourront être contestées auprès du président du tribunal de grande instance de Nantes statuant en la forme des référés.

==> Comparution conjointe des partenaires

  • Principe
    • Il ressort de l’article 515-3 du Code civil que pour faire enregistrer leur déclaration de pacte civil de solidarité, les partenaires doivent se présenter en personne et ensemble à la mairie dans laquelle ils fixent leur résidence commune.
    • En raison du caractère éminemment personnel de cet acte, ils ne peuvent recourir à un mandataire.
    • Il est par ailleurs rappelé qu’en l’absence de dispositions en ce sens, les partenaires ne peuvent exiger la tenue d’une cérémonie pour enregistrer leur PACS, contrairement aux dispositions régissant le mariage.
    • Toutefois, le maire de chaque commune pourra prévoir à son initiative l’organisation d’une telle célébration qui pourra, le cas échéant, faire l’objet d’une délégation des fonctions d’officier de l’état civil à l’un ou plusieurs fonctionnaires titulaires de la commune au même titre que l’ensemble des attributions dont l’officier de l’état civil a la charge en matière de PACS.
  • Exceptions
    • En cas d’empêchement momentané de l’un des partenaires
      • Si l’un des deux partenaires est momentanément empêché, l’officier de l’état civil devra inviter celui qui se présente seul à revenir ultérieurement avec son futur partenaire pour l’enregistrement du PACS.
    • En cas d’empêchement durable de l’un des partenaires
      • Lorsque l’un des partenaires est empêché et qu’il ne paraît pas envisageable de différer l’enregistrement dans un délai raisonnable, l’officier de l’état civil pourra se déplacer jusqu’à lui.
      • En cas d’hospitalisation ou d’immobilisation à domicile, l’impossibilité durable de se déplacer jusqu’à la mairie devra être justifiée par un certificat médical.
        • Si le partenaire empêché se trouve sur le territoire de la commune, l’officier de l’état civil se déplacera auprès de lui pour constater sa volonté de conclure un PACS avec le partenaire non empêché.
          • Il importe que l’officier de l’état civil dispose de la convention de PACS et s’assure que le partenaire empêché est bien le signataire de celle-ci.
          • La procédure d’enregistrement se poursuivra aussitôt à la mairie en présence du seul partenaire non empêché.
        • Si le partenaire empêché se trouve hors le territoire de la commune, l’officier de l’état civil transmettra à l’officier de l’état civil de la commune de résidence du partenaire empêché une demande de recueil de déclaration de volonté de conclure un PACS, précisant l’identité des intéressés et l’adresse du lieu dans lequel se trouve le partenaire empêché.
          • À la réception de cette demande, l’officier de l’état civil destinataire se déplacera pour constater la volonté de l’intéressé de conclure un PACS, qu’il consignera par tous moyens et transmettra à l’officier de l’état civil qui l’a saisi.
          • La procédure d’enregistrement se poursuivra alors à la mairie en présence du seul partenaire non empêché.
          • Une telle organisation pourra notamment être retenue lorsque l’un des partenaires est incarcéré pour une longue période et se trouve ainsi durablement empêché.

==> Vérification des pièces produites par les partenaires

L’officier de l’état civil qui constate que le dossier est incomplet devra inviter les partenaires à le compléter.

Il n’y a pas lieu, dans cette hypothèse, de rendre une décision d’irrecevabilité, sauf à ce que les partenaires persistent dans leur refus de produire une ou plusieurs pièces justificatives.

En revanche, si l’officier de l’état civil constate, au vu des pièces produites par les partenaires, soit une incapacité, soit un empêchement au regard des articles 515-1 ou 515-2 du code civil, il devra refuser d’enregistrer la déclaration de PACS.

Ce refus fera alors l’objet d’une décision motivée d’irrecevabilité dont l’officier de l’état civil conservera l’original, une copie certifiée conforme étant remise aux partenaires.

Cette décision d’irrecevabilité est enregistrée, au même titre que les déclarations, modifications et dissolutions de PACS, l’enregistrement devant préciser la date et le motif de la décision d’irrecevabilité

La décision d’irrecevabilité mentionne par ailleurs que les partenaires peuvent exercer un recours devant le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés

S’agissant des contestations relatives aux décisions d’irrecevabilité prises par l’autorité diplomatique ou consulaire, celles-ci seront portées devant le président du tribunal de grande instance de Nantes statuant en la forme des référés.

==> Modalités d’enregistrement

Après avoir procédé aux vérifications décrites ci-dessus et s’être assuré que les partenaires ont bien entendu conclure un pacte civil de solidarité, l’officier de l’état civil enregistre la déclaration conjointe de PACS.

Les déclarations conjointes de PACS sont enregistrées, sous forme dématérialisée, au sein de l’application informatique existante dans les communes pour traiter des données d’état civil

Ce n’est qu’à défaut d’une telle application informatique que l’enregistrement des PACS s’effectue dans un registre dédié, qui devra satisfaire aux conditions de fiabilité, de sécurité et d’intégrité fixées par arrêté à paraître du garde des sceaux, ministre de la justice et du ministre des affaires étrangères.

S’il ne s’agit pas d’un registre de l’état civil, les pages de ce registre doivent néanmoins être numérotées et utilisées dans l’ordre de leur numérotation.

Ce registre dédié fait par ailleurs l’objet d’une durée de conservation particulière, qui est de 75 ans à compter de sa clôture ou de 5 ans à compter du dernier PACS dont la dissolution y a été enregistrée, si ce dernier délai est plus bref.

Conformément à l’article 4 du décret n° 2006-1807 du 23 décembre 2006 modifié, l’officier de l’état civil enregistre :

  • Les prénoms et nom, date et lieu de naissance de chaque partenaire
  • Le sexe de chaque partenaire
  • La date et le lieu d’enregistrement de la déclaration conjointe de PACS
  • Le numéro d’enregistrement de cette déclaration.
  • Le numéro d’enregistrement doit être composé impérativement de 15 caractères comprenant :
    • le code INSEE de chaque commune (5 caractères)
    • l’année du dépôt de la déclaration conjointe de PACS (4 caractères)
    • le numéro d’ordre chronologique (6 caractères).
  • La numérotation étant annuelle, elle ne doit pas s’effectuer de manière continue mais recommencer à la première unité au début de chaque année.
  • De manière concomitante à l’enregistrement de la déclaration conjointe de PACS, l’officier de l’état civil vise en fin d’acte, après avoir numéroté et paraphé chaque page et en reportant sur la dernière le nombre total de pages, la convention qui lui a été remise par les partenaires.
  • Le visa consiste en l’apposition du numéro et de la date d’enregistrement de la déclaration, de la signature et le sceau de l’officier de l’état civil :
  • La date portée par l’officier de l’état civil sur la convention est celle du jour de l’enregistrement de la déclaration de PACS.

L’officier de l’état civil restituera aux partenaires la convention dûment visée sans en garder de copie.

Il rappelle à ces derniers que la conservation de la convention relève de leur responsabilité et les invitera à prendre toutes mesures pour en éviter la perte

==> Conservation des pièces

L’article 7 du décret n° 2006-1806 du 23 décembre 2006 modifié dispose que: « Sans préjudice de la sélection prévue à l’article L.212-3 du code du patrimoine, les pièces suivantes sont conservées, pendant une durée de cinq ans à compter de la date de la dissolution du pacte civil de solidarité, par l’officier de l’état civil auprès duquel la convention est enregistrée ou par les agents diplomatiques et consulaires lorsque le pacte civil de solidarité a fait l’objet d’une déclaration à l’étranger :

  • Les pièces, autres que la convention, qui doivent être produites en application du présent décret en vue de l’enregistrement de la déclaration de pacte civil de solidarité, parmi lesquelles la photocopie du document d’identité ;
  • La déclaration écrite conjointe prévue au quatrième alinéa de l’article 515-7 du code civil ;
  • La copie de la signification prévue au cinquième alinéa de l’article 515-7 du code civil ;
  • L’avis de mariage ou de décès visé à l’article 3 du présent décret. »

Ainsi, l’officier de l’état civil devra conserver, après enregistrement d’un PACS conclu :

  • La pièce d’identité et les pièces d’état civil
  • le formulaire Cerfa de déclaration de PACS contenant les informations relatives aux futurs partenaires ainsi que leur déclaration sur l’honneur de résidence commune et d’absence de lien de parenté ou d’alliance
  • les récépissés des avis de mention transmis à/aux officier(s) de l’état civil dépositaire(s) des actes de naissance des partenaires et/ou au service central d’état civil assurant la publicité des PACS dont l’un au moins des partenaires est de nationalité étrangère né à l’étranger.

La convention de PACS doit être restituée aux partenaires de sorte qu’aucune copie ne peut être conservée par l’officier de l’état civil.

Les pièces précitées devront être conservées pendant une durée de cinq ans à compter de la date de dissolution du PACS.

À l’issue de ce délai, ces pièces feront l’objet d’une destruction,

Enfin, il est précisé que la conservation des pièces ayant permis l’enregistrement de la déclaration de PACS s’effectue en principe sous un format papier.

Toutefois, leur conservation électronique est possible si les modalités de leur conservation respectent les conditions fixées dans le cadre de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

En effet, l’article 1379 du code civil présume « fiable jusqu’à preuve contraire toute copie résultant d’une reproduction à l’identique de la forme et du contenu de l’acte, et dont l’intégrité est garantie dans le temps par un procédé conforme à des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Si l’original subsiste, sa présentation peut toujours être exigée. »

Si une telle option était privilégiée par la commune, cette dernière devrait ainsi respecter les conditions de l’archivage électronique des données prévues par le décret n° 2016-1673 du 5 décembre 2016 relatif à la fiabilité des copies et pris pour l’application de l’article 1379 du code civil.

La possibilité de détruire les pièces papier devra être validée par l’accord écrit de la personne en charge du contrôle scientifique et technique sur les archives, à savoir, pour les communes, le directeur des archives départementales territorialement compétent.

C) La publicité du pacs

  • Principe
    • Aux termes de l’article 515-3, al. 4 du Code civil « l’officier de l’état civil enregistre la déclaration et fait procéder aux formalités de publicité. »
    • La question qui alors se pose est de savoir en quoi consiste l’accomplissement des formalités de publicité pour l’officier d’état civil.
    • Pour le déterminer, il convient de se tourner vers l’article 515-3-1 qui précise que « il est fait mention, en marge de l’acte de naissance de chaque partenaire, de la déclaration de pacte civil de solidarité, avec indication de l’identité de l’autre partenaire ».
    • Cette disposition précise que « pour les personnes de nationalité étrangère nées à l’étranger, cette information est portée sur un registre tenu au service central d’état civil du ministère des affaires étrangères.»
    • Par ailleurs, les conventions modificatives sont soumises à la même publicité
    • Enfin, il peut être observé que lorsque la convention de pacte civil de solidarité est passée par acte notarié, le notaire instrumentaire, en plus de recueillir la déclaration conjointe, de procéder à l’enregistrement du pacte, il lui appartient d’accomplir les formalités de publicité du pacs
    • Pour ce faire, il doit transmettre à l’officier de l’état civil du lieu de naissance des partenaires un avis aux fins d’inscription à l’état civil.
  • Modalités de publicité
    • L’officier de l’état civil ayant enregistré la déclaration de PACS doit envoyer sans délai un avis de mention aux officiers de l’état civil dépositaires des actes de naissance des partenaires.
    • Ces avis de mention sont envoyés par courrier ou, le cas échéant, par voie dématérialisée dans le cadre du dispositif COMEDEC (COMmunication Electronique de Données d’Etat Civil), plateforme d’échanges mise en œuvre par le décret n° 2011-167 du 10 février 2011.
    • Dans l’hypothèse de la mise à jour d’actes de l’état civil étranger, l’officier de l’état civil saisi transmet l’avis de mention correspondant à l’autorité désignée pour le recevoir, conformément à la convention bilatérale ou multilatérale applicable.
    • À défaut, l’officier de l’état civil saisi rappelle à l’intéressé, d’une part, qu’il lui appartient d’effectuer des démarches auprès de l’autorité locale compétente tendant à la reconnaissance du PACS et, d’autre part, que cette décision pourrait ne pas être reconnue par les autorités de cet Etat.
    • Les officiers de l’état civil destinataires de l’avis de mention doivent procéder à la mise à jour des actes de naissance des partenaires dans les trois jours (article 49 du code civil).
    • Après avoir apposé la mention de déclaration de PACS en marge de l’acte de naissance de chaque partenaire, l’officier de l’état civil retourne à l’autorité ayant enregistré le PACS (officier de l’état civil, poste diplomatique ou consulaire, notaire) le récépissé figurant sur l’avis de mention.
    • Il est précisé que la date d’apposition de la mention de PACS en marge de l’acte de naissance de chaque partenaire n’a pas à être enregistrée par l’officier de l’état civil ayant reçu la déclaration de PACS.
    • En revanche, ledit récépissé devra être classé au dossier contenant les autres pièces dont l’officier de l’état civil doit assurer la conservation.

D) L’opposabilité du pacs

  • L’opposabilité du pacs entre les partenaires
    • L’article 515-3-1, al. 2 prévoit que le pacte civil de solidarité ne prend effet entre les parties qu’à compter de son enregistrement, qui lui confère date certaine.
    • Afin que les partenaires puissent justifier immédiatement du PACS enregistré, l’officier de l’état civil leur remet un récépissé d’enregistrement
    • La preuve de l’enregistrement du PACS peut également être effectuée par les partenaires au moyen du visa apposé par l’officier de l’état civil sur leur convention de PACS.
    • Il est noté que l’officier de l’état civil peut délivrer un duplicata du récépissé d’enregistrement en cas de perte par les partenaires de l’original de la convention de PACS et sur production d’une pièce d’identité.
  • L’opposabilité du pacs à l’égard des tiers
    • Il ressort de l’article 515-3-1, al. 2 que, à l’égard des tiers, le pacs est opposable, non pas à compter de son enregistrement, mais à compter du jour où les formalités de publicité sont accomplies.
    • Ainsi, l’officier de l’état civil ayant enregistré le PACS avise sans délai, par le biais d’un avis de mention, l’officier de l’état civil détenteur de l’acte de naissance de chaque partenaire afin qu’il y soit procédé aux formalités de publicité.
    • Si l’un des partenaires est de nationalité étrangère et né à l’étranger, l’avis est adressé au service central d’état civil du ministère des affaires étrangères, à charge pour celui-ci de porter sans délai la mention de la déclaration de PACS sur le registre mentionné à l’article 515-3-1 alinéa 1er du code civil.
    • Enfin, si l’un des partenaires est placé sous la protection juridique et administrative de l’OFPRA, l’avis est adressé à cet office (Décret n° 2006-1806 du 23 décembre 2006, article 6).

Section 3: Les effets du pacs

À l’instar du mariage le pacs produit deux sortes d’effets :

  • Des effets personnels
  • Des effets patrimoniaux

I) Les effets personnels du pacs

A) Les effets positifs

  1. L’obligation de vie commune

L’article 515-4 du Code civil prévoit que « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à une vie commune »

Parce que le pacs est avant tout une union entre deux personnes qui envisagent de vivre ensemble, l’obligation de vie commune est consubstantielle de cette institution.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par vie commune et plus précisément qu’est-ce que cette obligation recoupe.

Dans sa décision du 9 décembre 1999, le Conseil constitutionnel a apporté un élément de réponse en affirmant que « la notion de vie commune ne couvre pas seulement une communauté d’intérêts et ne se limite pas à l’exigence d’une simple cohabitation entre deux personnes ; que la vie commune mentionnée par la loi déférée suppose, outre une résidence commune, une vie de couple qui seule justifie que le législateur ait prévu des causes de nullité du pacte qui, soit reprennent les empêchements à mariage visant à prévenir l’inceste, soit évitent une violation de l’obligation de fidélité découlant du mariage ; qu’en conséquence, sans définir expressément le contenu de la notion de vie commune, le législateur en a déterminé les composantes essentielles ».

Ainsi, pour le Conseil constitutionnel le pacs est bien plus qu’une communauté d’intérêt, telle que peut l’être, par exemple, une société.

L’obligation de vie commune suppose pour les partenaires d’observer trois règles auxquelles ils ne sauraient déroger par convention contraire :

  • Le devoir de cohabitation
    • Le devoir de cohabitation est expressément visé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 décembre 1999.
    • Partager une vie commune c’est, avant tout, cohabiter, soit vivre sous le même toit. Il appartiendra donc aux partenaires de déterminer leur lieu de résidence.
  • Le devoir charnel
    • Le Conseil constitutionnel considère que, plus qu’une communauté d’intérêts, l’obligation de vie commune suppose « une vie de couple»
    • Autrement dit, le pacs n’implique pas seulement une communauté de vie, il invite à une communauté de lit.
    • Aussi, les partenaires s’engagent-ils à avoir des rapports sexuels entre eux.
  • Devoir de fidélité
    • La question s’est posée de savoir si, à l’instar des époux, à qui s’impose un devoir de fidélité, s’il en allait de même pour les partenaires.
    • Trois arguments peuvent être avancés au soutien d’une réponse positive à cette interrogation.
      • En premier lieu, en ce que le pacs est un contrat, les partenaires sont, tenus, comme les contractants à une obligation de loyauté et de bonne foi conformément à l’article 1104 du Code civil.
      • En deuxième lieu, si, comme l’a affirmé le Conseil constitutionnel, l’obligation de communauté de vie suppose une « vie de couple», cela signifie que les partenaires doivent exercer une certaine exclusivité l’un sur l’autre.
      • En troisième lieu, pourquoi le législateur a-t-il institué des d’empêchement qui tiennent au lien de parenté sinon pour prévenir les cas d’inceste, le pacs impliquant nécessairement l’entretien de rapports sexuels.
    • Pour l’heure, on ne recense qu’une seule décision sur l’obligation de fidélité dont serait assorti le pacs.
    • Elle a été rendue par le Président du Tribunal de grande instance de Lille qui a été amené à statuer en référé sur cette question.
    • Dans cette décision il a estimé que, sur le fondement de l’obligation de loyauté rattachée à l’ancien article 1134 du Code civil que l’obligation de vie commune commande de « sanctionner toute forme d’infidélité entre partenaires» (TGI Lille, ord., 5 juin 2002).
    • Bien qu’il ne s’agisse que d’une ordonnance de référé, il est de fortes chances que la Cour de cassation adopte une solution similaire, si elle était amenée à statuer sur cette question.

2. L’obligation d’assistance

L’obligation d’assistance a été introduite par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités.

Cette obligation est prévue à l’article 515-4 du Code civil qui dispose que « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à […] une assistance réciproque ».

Elle implique pour les partenaires de se prêter une aide morale et psychologique. Ils doivent, autrement dit, se soutenir l’un l’autre afin d’affronter ensemble les difficultés de la vie.

3. L’aide matérielle

==> Contenu de l’obligation

Aux termes de l’article 515-4 du Code civil, « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à […] une aide matérielle] ».

Cette disposition précise que «  si les partenaires n’en disposent autrement, l’aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives. »

De toute évidence, il s’agit là d’une transposition de l’article 214 applicable aux époux qui édicte à leur endroit une obligation de contribution aux charges ménagères.

Pour mémoire, cet article dispose que « si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives. »

La règle posée à l’article 515-4 est sensiblement la même, de sorte que les partenaires sont également tenus de contribuer aux charges du ménage à hauteur de leurs facultés respectives.

La question qui alors se pose est de savoir en quoi consiste cette obligation. Deux éléments doivent être envisagés pour le déterminer :

  • Quelles sont les charges du ménage ?
    • Il s’agit de toutes les dépenses qui assurent le fonctionnement du ménage (contrairement aux dépenses d’investissement).
    • Ce sont donc toutes les dépenses d’intérêt commun que fait naître la vie du ménage
    • Les charges du ménage correspondent au train de vie des partenaires
      • Exemples: nourriture, vêtements, loyer, gaz, eau, électricité, internet etc…
  • Quelle est étendue de la contribution des partenaires ?
    • Chaque partenaire doit contribuer aux charges du ménage en proportion de ses facultés.
    • Le conseil constitutionnel a précisé que « dans le silence du pacte, il appartiendra au juge du contrat, en cas de litige, de définir les modalités de cette aide en fonction de la situation respective des partenaires».
      • Exemple: si un partenaire gagne 1000 euros et l’autre 2000 euros alors le second devra contribuer deux fois plus que le premier aux charges du ménage.

==> Sanction de l’obligation

À la différence de l’article 214 du Code civil, l’article 515 ne prévoit pas d’action en contribution en cas de défaillance de l’un des partenaires.

En matière matrimoniale, il est, en effet, prévu que « si l’un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l’autre dans les formes prévues au code de procédure civile. »

Est-ce à dire que les partenaires ne disposeraient d’aucune action pour obliger l’autre à contribuer aux charges du ménage ? On peut en douter.

==> Caractère de l’obligation

On observera que, dans sa décision du 9 décembre 1999, le Conseil constitutionnel a affirmé, s’agissant de l’aide matérielle à laquelle s’obligent les partenaires que « si la libre volonté des partenaires peut s’exprimer dans la détermination des modalités de cette aide, serait nulle toute clause méconnaissant le caractère obligatoire de ladite aide ».

Aussi, cela signifie-t-il que cette obligation est d’ordre public. Si, dès lors, les partenaires peuvent en aménager les modalités, ils ne sauraient la supprimer.

3. Statut fiscal

Les partenaires liés par un PACS sont soumis à une imposition commune pour les revenus dont ils ont disposé pendant l’année de la conclusion du pacte.

Par exception, ils peuvent opter pour l’imposition distincte des revenus dont chacun a personnellement disposé pendant l’année de la conclusion du pacte, ainsi que de la quote-part des revenus communs lui revenant (Art. 6 CGI)

Les partenaires sont solidairement tenus au paiement :

  • de l’impôt sur le revenu lorsqu’ils font l’objet d’une imposition commune
  • de la taxe d’habitation lorsqu’ils vivent sous le même toit ( 1691 bis I CGI)
  • de l’impôt de solidarité sur la fortune ( 1723 ter-00 B CGI).

4. Droit sociaux

Le partenaire pacsé a droit au bénéfice immédiat de l’affiliation à la sécurité sociale de son partenaire, si lui-même ne peut bénéficier de la qualité d’assuré social à un autre titre (art. L. 160-17 C. secu.).

Le partenaire pacsé bénéficie sans aucune condition, et prioritairement sur les descendants et les ascendants, du capital décès de son partenaire dû au titre du régime général de la sécurité sociale (art. L. 361-4 C. secu).

S’agissant du calcul de leurs droits à prestations sociales et familiales, la conclusion d’un PACS a pour effet de modifier l’assiette des revenus pris en considération pour la fixation du droit à allocation, les revenus des deux partenaires étant cumulés pour calculer ces droits.

Par ailleurs, la conclusion d’un PACS emporte automatiquement la suppression de l’allocation de parent isolé.

Enfin, les revenus pris en considération pour la fixation du droit à allocation adulte handicapé (AAH), revenu de solidarité active (RSA), allocation de solidarité spécifique, prime pour l’emploi, et allocation logement, sont ceux des deux partenaires du PACS.

5. Droit au logement

Le partenaire de PACS n’est réputé co-titulaire du bail sur le logement familial que si les partenaires en font conjointement la demande.

Lors du départ du partenaire unique locataire des lieux qui servaient à la résidence commune, l’autre peut bénéficier de la continuation du bail ou, en cas de décès du locataire, du transfert du droit au bail, quand bien même il n’est pas signataire du bail initialement.

Quand le PACS prend fin par décès, le partenaire survivant bénéficie d’un droit de jouissance gratuite du domicile commun ainsi que du mobilier le garnissant pendant l’année qui suit le décès, à condition qu’il l’ait occupé de façon effective et à titre d’habitation principale à l’époque du décès (art. 515-6 al.3 C. civ.).

B) Les effets négatifs

À la différence du mariage, le pacs ne produit pas un certain nombre d’effets qu’il convient de lister afin de dresser une comparaison.

==> Sur le nom d’usage

  • Le mariage
    • Chacun des époux peut porter, à titre d’usage, le nom de l’autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l’ordre qu’il choisit (article 225-1 du code civil).
    • Il s’agit d’une simple faculté.
  • Le pacs
    • Le PACS ne produit aucun effet sur le nom. Un partenaire ne peut donc pas porter, à titre d’usage, le nom de l’autre membre du couple

==> Sur la filiation

  • Le mariage
    • L’enfant conçu ou né pendant le mariage est présumé avoir pour père le mari de la mère (règle de la « présomption de paternité » – article 312 du code civil).
    • Possibilité pour le couple marié d’adopter à deux (article 343 du code civil) et possibilité pour chacun des membres du couple d’adopter l’enfant du conjoint (articles 345-1 et 360 du code civil).
    • L’assistance médicale à la procréation est ouverte aux couples mariés hétérosexuels.
  • Le pacs
    • Le PACS n’a aucun effet sur l’établissement de la filiation : il n’existe pas de présomption légale à l’égard du partenaire de la mère qui devra procéder à une reconnaissance.
    • Pas de possibilité pour les partenaires d’adopter à deux (article 343 du code civil) ou d’adopter l’enfant du partenaire.
    • L’assistance médicale à la procréation est ouverte aux couples pacsés hétérosexuels.

==> Sur la nationalité

  • Le mariage
    • Si les époux se marient, sans choisir explicitement leur régime matrimonial, sans faire de contrat de mariage, ils sont alors mariés sous un régime posé par la loi : le régime légal de la communauté réduite aux acquêts (article 1400 et s. du code civil).
    • Dans ce régime, les biens dont les époux avaient la propriété avant de se marier leur demeurent propres.
    • En revanche, les biens que les époux acquièrent à titre onéreux (acquêts) pendant le mariage, ainsi que les revenus liés à un bien propre à un époux (loyer d’un immeuble par exemple) et les gains et salaires, sont des biens communs.
  • Le pacs
    • Le PACS n’exerce aucun effet sur la nationalité.
    • Pour obtenir la nationalité française, le partenaire étranger ayant conclu un PACS avec un partenaire français doit déposer une demande de naturalisation (acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique : articles 21-14-1 et suivants du code civil).

II) Les effets patrimoniaux du pacs

L’étude des effets patrimoniaux du pacs suppose de distinguer les rapports des partenaires entre eux de ceux qu’ils entretiennent avec les tiers.

A) Les effets dans les rapports entre partenaires

  1. Principe

==> La répartition des biens

Aux termes de l’article 515-5 du Code civil « Sauf dispositions contraires de la convention visée au troisième alinéa de l’article 515-3, chacun des partenaires conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels ».

Il ressort de ce principe que le législateur a souhaité instituer un régime de séparation de biens entre les partenaires.

Cette volonté a été exprimée, lors de l’adoption de la loi du 23 juin 2006, dans un souci de protection des partenaires qui ignorent souvent que les biens acquis au cours du pacs sont soumis à l’indivision et a jugé préférable de prévoir la séparation des biens, sauf quand les partenaires optent pour l’indivision.

Sous l’empire du droit antérieur à cette réforme, le législateur avait instauré le régime inverse, soit une indivision entre les partenaires.

La loi du 15 novembre 1999 posait, en ce sens, l’existence d’une sorte de communauté de biens réduite aux acquêts.

En simplifiant à l’extrême, il convenait d’opérer une distinction entre les biens acquis avant et après l’enregistrement du pacs.

  • S’agissant des biens acquis avant l’enregistrement du pacs
    • Ils avaient vocation à rester dans le patrimoine personnel des partenaires, à charge pour eux de rapporter la preuve que le bien revendiqué leur appartenait en propre
  • S’agissant des biens acquis après l’enregistrement du pacs
    • Ils étaient réputés indivis, de sorte qu’à la dissolution du pacs, une répartition égalitaire était effectuée entre les concubins

La loi du 23 juin 2006 a abandonné ce régime patrimonial applicable aux partenaires. Désormais, c’est un régime de séparation de biens qui régit leurs rapports patrimoniaux.

Cela signifie que tous les biens acquis par les partenaires avant et après l’enregistrement du pacs leur appartiennent un propre.

Une lecture affinée de l’article 515-4 révèle toutefois qu’il convient de distinguer les meubles dont la propriété est établie de ceux pour lesquels aucun des partenaires ne peut prouver sa qualité de propriétaire

  • S’agissant des biens dont la propriété est établie
    • C’est l’alinéa 1er de l’article 515-4 qui s’applique en pareille hypothèse
    • Ils restent dans le patrimoine personnel du partenaire qui les a acquis
    • Il est indifférent que l’acquisition soit intervenue avant ou après l’enregistrement du pacs
  • S’agissant des biens dont la propriété n’est pas établie
    • L’article 515-5 du Code civil pris en son deuxième alinéa prévoit que :
      • D’une part, chacun des partenaires peut prouver par tous les moyens, tant à l’égard de son partenaire que des tiers, qu’il a la propriété exclusive d’un bien.
      • D’autre part, les biens sur lesquels aucun des partenaires ne peut justifier d’une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié.
    • Il s’évince de cette disposition que, lorsque les biens sont acquis à titre onéreux postérieurement à la conclusion du PACS, ils sont présumés indivis par moitié, sauf déclaration contraire dans la convention initiale.
    • Il en est de même lorsque la date d’acquisition de ces biens ne peut être établie

==> La gestion des biens

L’article 515-5, al. 3 du Code civil dispose que « le partenaire qui détient individuellement un bien meuble est réputé, à l’égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul sur ce bien tout acte d’administration, de jouissance ou de disposition. »

Il ressort de cette disposition que, à l’égard des tiers, les partenaires sont réputés être investis de tous pouvoirs sur les biens du couple.

Toutefois, l’efficacité de cette présomption est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :

  • Le bien doit être détenu individuellement par un partenaire
  • Le tiers doit être de bonne foi, soit ne pas savoir que le bien appartient, en réalité, à l’autre partenaire

Il peut être observé que, à la différence de l’article 222 du Code civil qui, en matière matrimoniale exclut les meubles meublants du champ d’application de cette présomption, pour le pacs elle opère pour tous les meubles sans distinction.

2. Exception

==> Répartition des biens

Si le législateur a institué le régime de la séparation de biens en principe, il a offert la possibilité aux partenaires d’y déroger en concluant une convention d’indivision.

L’article 515-5-1 du Code civil prévoit en ce sens que :

  • D’une part, les partenaires peuvent, dans la convention initiale ou dans une convention modificative, choisir de soumettre au régime de l’indivision les biens qu’ils acquièrent, ensemble ou séparément, à compter de l’enregistrement de ces conventions.
  • D’autre part, ces biens sont alors réputés indivis par moitié, sans recours de l’un des partenaires contre l’autre au titre d’une contribution inégale.

Ce régime d’indivision auquel les partenaires ont la faculté d’adhérer par convention s’articule autour de deux principes :

  • Premier principe
    • L’indivision s’applique aux seuls acquêts, c’est-à-dire aux biens acquis par les partenaires, ensemble ou séparément, après l’enregistrement de leur convention.
    • S’agissant des biens acquis l’enregistrement de la convention d’indivision qui n’est pas nécessairement concomitant à l’enregistrement du pacs, ils demeurent appartenir en propre aux partenaires
  • Second principe
    • Les biens visés par la convention conclue par les partenaires sont réputés indivis pour moitié.
    • Cela signifie qu’en cas de liquidation du pacs la répartition s’opérera à parts égales, sauf à ce qu’une fraction du bien ait été financée par des fonds propres d’un partenaire.
    • Dans cette hypothèse, seule la portion du bien qui constitue un acquêt fera d’un partage par moitié.
      • Exemple:
        • un immeuble est acquis pour 50 % avec les fonds propres d’un partenaire, pour l’autre moitié avec des fonds indivis.
        • Dans cette hypothèse, en cas de partage, le partenaire qui aura financé le bien avec ses fonds propres sera fondé à revendiquer 75% du bien, tandis que l’autre ne percevra que 25% de sa valeur.

L’article 515-5-3 du Code civil précise que la convention d’indivision est réputée conclue pour la durée du pacte civil de solidarité.

Toutefois, lors de la dissolution du pacte, les partenaires peuvent décider qu’elle continue de produire ses effets. Cette décision est soumise aux dispositions des articles 1873-1 à 1873-15 du Code civil.

==> Gestion des biens

À défaut de dispositions contraires dans la convention, chaque partenaire est gérant de l’indivision (article 515-5-3 du code civil).

Les partenaires jouissent d’une gestion concurrente, ce qui signifie que chaque partenaire peut accomplir seul des actes de conservation, d’administration et même de disposition sur les acquêts, sous réserve de certaines exceptions, telles que notamment :

  • Les aliénations à titre gratuit
  • Les aliénations d’immeuble
  • Les aliénations de meubles corporels soumises à publicité
  • Les aliénations de meubles corporels qui ne sont pas difficiles à conserver ou périssables.

Néanmoins, les règles d’administration des acquêts ne sont pas impératives. Les partenaires peuvent prévoir des dispositions contraires (article 515-5-3 al.2 du code civil).

3. Exception à l’exception

En cas de conclusion par les partenaires d’une convention d’indivision, le législateur a prévu qu’un certain nombre de biens échappaient à son champ d’application.

L’article 515-5-2 prévoit que demeurent la propriété exclusive de chaque partenaire :

  1. Les deniers perçus par chacun des partenaires, à quelque titre que ce soit, postérieurement à la conclusion du pacte et non employés à l’acquisition d’un bien ;
  2. Les biens créés et leurs accessoires ;
  3. Les biens à caractère personnel ;
  4. Les biens ou portions de biens acquis au moyen de deniers appartenant à un partenaire antérieurement à l’enregistrement de la convention initiale ou modificative aux termes de laquelle ce régime a été choisi ;
  5. Les biens ou portions de biens acquis au moyen de deniers reçus par donation ou succession ;
  6. Les portions de biens acquises à titre de licitation de tout ou partie d’un bien dont l’un des partenaires était propriétaire au sein d’une indivision successorale ou par suite d’une donation.

Le dernier alinéa de cette disposition précise que l’emploi de deniers tels que définis aux 4° et 5° fait l’objet d’une mention dans l’acte d’acquisition.

L’emploi est un acte qui stipule la provenance des deniers et la volonté de leur propriétaire de les employer pour l’acquisition d’un bien propre.

À défaut d’accomplissement des formalités d’emploi, le bien est réputé indivis par moitié et ne donne lieu qu’à une créance entre partenaires.

B) Les effets dans les rapports des partenaires avec les tiers

  1. Contribution aux dettes et obligation à la dette

Le législateur a institué à l’article 515-4, al. 2e du Code civil un dispositif qui gouverne les rapports entre les partenaires et les tiers.

Cette règle constitue l’un des piliers du régime juridique applicable aux partenaires.

Afin de bien cerner la place qu’elle occupe dans l’édifice élaboré par le législateur en 1999, il convient de la mettre en perspective avec une autre règle : celle édicté à l’alinéa 1er de l’article 515-4 du Code civil.

Tandis que la première porte sur l’obligation à la dette, la seconde est relative à la contribution à la dette.

  • L’obligation à la dette
    • L’obligation à la dette détermine l’étendue du droit de poursuite des tiers, au cours de la vie commune, s’agissant des créances qu’ils détiennent à l’encontre des partenaires.
    • Autrement dit, elle répond à la question de savoir si un tiers peut actionner en paiement le partenaire de celui avec lequel il a contracté et si ou dans quelle mesure.
      • Exemple:
        • Le membre d’un couple pacsé se porte acquéreur d’un véhicule sans avoir obtenu, au préalable, le consentement de son partenaire.
        • La question qui alors se pose est de savoir si, en cas de défaut de paiement de l’acquéreur, le vendeur peut se retourner contre son partenaire, alors même que celui-ci n’a pas donné son consentement à l’opération.
        • Les règles qui régissent l’obligation à la dette répondent à cette question.
    • Ainsi, l’obligation à la dette intéresse les rapports entre les tiers et les partenaires.

Schéma 4.JPG

  • La contribution à la dette
    • La contribution à la dette se distingue de l’obligation à la dette en ce qu’elle détermine la part contributive de chaque partenaire dans les charges du ménage
    • Autrement dit, elle répond à la question de savoir dans quelle proportion les partenaires doivent supporter les dépenses exposées dans le cadre du fonctionnement du ménage.
    • L’article 515-4, al. 1er du Code civil prévoit, à cet égard, que la part contributive de chaque partenaire est proportionnelle à leurs facultés respectives.
      • Exemple :
        • Les dépenses de fonctionnement d’un couple pacsé s’élèvent à 1.000 euros
        • L’un des partenaires dispose d’un salaire de 3.000 euros, tandis que le salaire de l’autre est de 1.500 euros
        • Celui qui gagne 3.000 devra contribuer deux fois plus que son partenaire aux charges du ménage.
      • Ainsi, la contribution à la dette intéresse les rapports que les partenaires entretiennent entre eux et non les relations qu’ils nouent avec les tiers.

Schéma 5.JPG

En résumé, lorsque le membre d’un couple pacsé est actionné en paiement par un tiers pour le règlement d’une dette contractée par son partenaire, il pourra toujours se retourner contre celui-ci, après avoir désintéressé le créancier, au titre de l’obligation de contribution aux charges du ménage.

Afin de résoudre une problématique relative au règlement d’une dette contractée par l’un des partenaires, il conviendra ainsi toujours de raisonner en deux temps :

  • Premier temps : l’obligation à la dette
    • Le tiers peut-il agir contre le partenaire de celui qui a contracté la dette ?
  • Second temps : la contribution à la dette
    • Le membre du couple pacsé qui a désintéressé le tiers, alors mêmes qu’il n’avait pas contractée la dette, dans quelle proportion peut-il se retourner contre son partenaire ?

Schéma 6.JPG

2. Transposition des règles du mariage au pacs

Aux termes de l’article 515-4, al. 2e du Code civil « les partenaires sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante. Toutefois, cette solidarité n’a pas lieu pour les dépenses manifestement excessives. Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux partenaires, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage. »

Cette disposition est une transposition de l’article 220 du Code civil applicable aux époux qui prévoit, sensiblement dans les mêmes termes, que :

« Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement.

 La solidarité n’a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant.

 Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage. »

Le dispositif édicté aux articles 515-4, al. 2e et 220 du Code civil constitue un point de convergence entre le pacs et le mariage.

Cette convergence s’explique par l’objectif poursuivi par ce dispositif, directement issu de la loi du 13 juillet 1965 : assurer l’indépendance des membres du couple dans la vie quotidienne

3. Le contenu du dispositif

Le dispositif institué par le législateur en 1965 à destination des couples mariés, s’articule autour de trois règles qui constituent autant d’étapes dont le franchissement détermine le passage à l’étape suivante.

==> Principe

  • Exposé du principe
    • Aux termes de l’article 515-4, al. 2e du Code civil « les partenaires sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante.
    • La solidarité envisagée par l’article 515-4 du Code civil signifie que les tiers peuvent demander à n’importe quel partenaire de régler la totalité de la dette contractée, seul, par l’autre partenaire.
    • En d’autres termes, l’ensemble des biens des deux partenaires répond de la dette contractée par un seul et chacun des deux époux peut être poursuivi pour la totalité de la dette.
    • Ainsi, le tiers est-il titulaire d’une créance à l’encontre des deux membres du couple, en ce sens qu’il peut indifféremment les actionner en paiement.
    • Cette forme de solidarité, que l’on qualifie de passive, présente un réel intérêt pour le créancier dans la mesure où elle le prémunit contre une éventuelle insolvabilité de l’un de ses débiteurs.
    • Dans cette configuration, les partenaires sont garants l’un de l’autre.

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  • Condition d’application
    • L’article 515-4 du Code civil précise que la solidarité entre partenaires ne s’applique que pour les dettes contractées pour les besoins de la vie courante
    • Ainsi, le principe de solidarité est écarté s’agissant des dépenses non exposées pour les besoins de la vie courante.
    • La notion de « dette contractée pour les besoins de la vie courante» couvre les dépenses de fonctionnement du ménage et plus précisément toutes celles relatives au train de vie des partenaires.
    • Les dépenses de fonctionnement du ménage, s’opposent aux dépenses d’investissement qui, elles, ne donnent pas lieu à la solidarité entre partenaires.
    • Au nombre des dépenses ménagères on compte notamment :
      • Le loyer
      • Les charges locatives
      • Les frais d’habillement
      • L’énergie
      • L’eau
      • Les charges relatives au domicile familial
      • Les frais d’éducation et d’entretien des enfants
    • Sont comprises dans les dépenses exposées pour les besoins de la vie courante toutes celles strictement nécessaires au fonctionnement du ménage.
    • Ainsi, le législateur a-t-il adopté un critère finaliste
    • L’application du principe de solidarité entre partenaires s’apprécie au regard de la finalité de la dépense exposée

==> Exceptions

L’article 515-4, al. 2e du Code civil pose deux exceptions au principe de solidarité des dettes ménagères

  • Les dépenses manifestement excessives
    • L’article 515-4 prévoit que « la solidarité n’a pas lieu […] pour les dépenses manifestement excessives»
    • Toute la question est alors de savoir ce que l’on doit entendre par « dépenses manifestement excessives»
    • Contrairement à l’article 220, l’article 515-4 ne pose aucun critère d’appréciation de cette notion
    • L’article 220, applicable aux couples mariés, précise, en effet, que le caractère manifestement excessif d’une dépense s’apprécie eu égard
      • au train de vie du ménage
      • à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération
      • à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant
    • La différence de rédaction des deux textes est somme toute étonnante.
    • Pourquoi n’avoir pas repris, à la lettre, les termes de l’article 220?
    • Sans doute est-ce là un oubli du législateur, sinon une approximation dans la rédaction de l’article 515-4.
    • En toute hypothèse, il est fort probable que lorsqu’il s’agit d’apprécier le caractère manifestement excessif d’une dépense exposée par un partenaire, le juge se référera aux critères posés à l’article 220 du Code civil.
  • Les achats à tempéraments
    • Il ressort de l’article 515-4, al. 2e du Code civil que la solidarité n’a pas lieu pour les achats à tempérament
    • L’achat à tempérament correspond à l’hypothèse de la vente à crédit
    • Plus précisément, le vendeur consent une facilité de paiement à l’acquéreur qui peut régler en plusieurs fois l’objet du contrat de vente.
    • Le paiement du prix est ainsi étalé sur une période déterminée, le transfert de propriété du bien s’opérant à l’issue de la durée du financement.
    • Compte tenu du caractère particulièrement dangereux d’une telle opération, il est apparu au législateur qu’elle était de nature à inciter les consommateurs à s’endetter outre mesure.
    • Aussi, a-t-il décidé d’exclure les achats à tempéraments du champ de la solidarité, quand bien même la dette aurait été contractée pour les besoins de la vie courante du couple
    • Initialement, cette exception ne figurait pas à l’article 515-4 du Code civil.
    • C’est le législateur qui, à l’occasion de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite loi Lagarde, a entendu préciser l’article 515-4 afin qu’existe un parallélisme avec l’article 220 du Code civil applicable au couple marié.
    • Surtout, l’absence de cette précision revenait à conférer aux tiers, dans le cadre de leurs relations avec les membres d’un couple pacsé, une protection moindre que celle dont ils bénéficient lorsqu’ils contractent avec des époux.
  • Les emprunts
    • À l’instar des achats à tempérament, l’article 515-4 du Code civil exclut également du champ de la solidarité entre partenaires les emprunts.
    • Par emprunt il faut en réalité entendre les opérations de crédit.
    • L’article L. 311-1, 6° du Code de la consommation définit l’opération de crédit comme celle consistant en « un contrat en vertu duquel un prêteur consent ou s’engage à consentir à l’emprunteur un crédit […] sous la forme d’un délai de paiement, d’un prêt, y compris sous forme de découvert ou de toute autre facilité de paiement similaire, à l’exception des contrats conclus en vue de la fourniture d’une prestation continue ou à exécution successive de services ou de biens de même nature et aux termes desquels l’emprunteur en règle le coût par paiements échelonnés pendant toute la durée de la fourniture».
    • Cette exception au principe de solidarité entre partenaires est également un ajout de la loi du 1er juillet 2010.
    • Le législateur a toujours fait montre d’une grande méfiance à l’égard des opérations de crédit, en particulier lorsqu’elles concernent les ménages.
    • Ainsi, peu importe que l’emprunt contracté par un partenaire ait pour objet le financement d’un besoin de la vie courante du couple : l’application du principe de solidarité est hypothèse, sauf à ce qu’il entre dans le champ de l’exception à l’exception

==> Exception à l’exception

L’article 515-4, 2e du Code civil dispose que la solidarité « n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux partenaires, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage. »

Il ressort de cette disposition que, s’agissant des achats à tempérament et des emprunts contractés par les partenaires, la solidarité peut être rétablie dans deux cas :

  • Première situation : le consentement des deux partenaires
    • L’achat à tempérament ou l’emprunt a été conclu avec le consentement des deux partenaires
    • En pareille hypothèse, la solidarité entre partenaires est rétablie
    • Toutefois, elle ne jouera que si la dépense est exposée pour les besoins de la vie courante
    • Il importe peu qu’un seul partenaire soit signataire du contrat, ce qui compte étant que l’autre ait consenti à l’accomplissement de l’acte.
  • Seconde situation : les emprunts modestes
    • Lorsque l’emprunt porte sur des sommes modestes, la solidarité est également rétablie.
    • Toutefois, l’article 515-4 précise que deux conditions cumulatives doivent être emplies
      • L’emprunt doit porter sur des sommes nécessaires à la vie courantes
      • Le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage
    • Il appartient donc aux établissements bancaires de se montrer extrêmement vigilants lorsqu’ils consentiront un emprunt à un couple de partenaires, s’ils souhaitent bénéficier de la solidarité.
    • Sauf à exiger la signature des deux, il leur faudra vérifier la solvabilité du couple et plus spécifiquement porter une attention particulière sur les crédits en cours.

Section 4: La dissolution du pacs

I) Les cas de dissolution

Il ressort de l’article 515-7 du Code civil qu’il existe quatre causes de dissolution du pacs :

  • Le décès de l’un des partenaires
  • Le mariage de l’un ou des partenaires
  • La déclaration conjointe des partenaires
  • La décision unilatérale de l’un des partenaires

Si les trois premiers cas de dissolution du pacs ne soulèvent pas de difficultés, il n’en a pas été de même pour le quatrième cas qui autorise les partenaires à rompre leur union unilatéralement.

Lorsque la loi du sur le pacs a été déférée à l’examen du Conseil constitutionnel, les requérants ont, en effet, fait valoir que ce mode de rupture s’apparenterait à une répudiation (Décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999).

Aussi, ont-ils avancé que cette faculté offerte aux partenaires méconnaîtrait le principe du respect de la dignité de la personne humaine et qu’elle serait contraire au principe d’égalité entre les contractants, le pacte prenant fin, dans ce cas, immédiatement et les obligations qu’il a produites cessant sur le champ.

Le Conseil constitutionnel n’a toutefois pas fait droit à leur grief, en leur opposant quatre arguments :

  • Le pacte civil de solidarité étant un contrat étranger au mariage, sa rupture unilatérale ne saurait être qualifiée de « répudiation »
  • Dans la mesure où le pacs est un contrat à durée indéterminée, il est propre à cette catégorie de convention de pouvoir faire l’objet d’une résiliation unilatérale
  • La cessation immédiate du pacte en cas de mariage de l’un des partenaires répond à la nécessité de respecter l’exigence constitutionnelle de la liberté du mariage, de sorte que les partenaires ne sauraient rester enfermés dans leur union
  • Le partenaire auquel la rupture est imposée pourra toujours demander réparation du préjudice éventuellement subi, notamment en cas de faute tenant aux conditions de la rupture

Ainsi, la faculté pour les partenaires de rompre leur union unilatéralement a-t-elle été maintenue.

II) Les modalités de la dissolution

A) Dissolution du PACS par le décès ou le mariage de l’un ou des partenaires

Le PACS se dissout par la mort de l’un des partenaires, ou par le mariage des partenaires ou de l’un d’eux (article 515-7 du code civil alinéa 1er).

Dans ces hypothèses, l’officier de l’état civil qui a enregistré la déclaration de PACS est informé du décès ou du mariage des partenaires ou de l’un d’eux par l’officier de l’état civil détenteur de l’acte de naissance du ou des partenaires concernés (article 3 du décret n° 2006-1806 du 23 décembre 2006).

Ainsi informé, il lui reviendra d’enregistrer la dissolution du PACS puis d’en informer le partenaire survivant ou, en cas de mariage, les deux partenaires.

B) Dissolution par déclaration conjointe des partenaires

Les partenaires peuvent mettre fin au PACS, d’un commun accord, en remettant ou en adressant à l’officier de l’état civil une déclaration conjointe en ce sens (article 515-7 alinéas 3 et 4 du code civil).

Les formalités à respecter seront alors identiques à celles requises pour l’enregistrement d’une convention modificative de PACS

À l’instar de la possibilité introduite par le décret du 6 mai 2017 pour un partenaire de se présenter seul en mairie aux fins d’enregistrement de la convention modificative de PACS conclue avec l’autre partenaire, une telle possibilité est également prévue en cas de dissolution d’un PACS, que celle-ci soit enregistrée en mairie ou devant notaire (article 2 du décret n° 2006-1806 du 23 décembre 2006 et article 2 du décret n° 2012-966 du 20 août 2012).

À l’issue, l’officier de l’état civil remettra aux partenaires ou au seul partenaire présent, ou enverra à ceux-ci par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, un récépissé d’enregistrement de la déclaration conjointe de dissolution

C) Dissolution par décision unilatérale d’un partenaire

L’un des partenaires peut également prendre l’initiative de la dissolution, en faisant procéder à la signification de sa décision unilatérale à l’autre partenaire (article 515-7 alinéas 3 et 5 du code civil).

Sans délai, l’huissier de justice qui a effectué la signification remet, ou adresse par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une copie de l’acte signifié à l’officier de l’état civil qui a enregistré la déclaration de PACS (article 5 du décret n° 2006-1806 du 23 décembre 2006).

À réception, l’officier de l’état civil se reportera au numéro d’enregistrement déjà attribué aux partenaires et enregistrera la dissolution du PACS.

Il informera alors les ex-partenaires, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, de cet enregistrement.

L’adresse à laquelle ces avis sont envoyés est celle figurant sur la copie de l’acte notifié par huissier de justice.

III) La publicité de la dissolution

À l’instar de la publicité organisée dans le cadre d’une déclaration conjointe de conclusion d’un PACS, la dissolution d’un PACS fait l’objet d’une mention en marge de l’acte de naissance de chaque partenaire, ou, lorsque l’un d’eux est né à l’étranger et de nationalité étrangère, d’un enregistrement sur le registre tenu par le service central d’état civil.

Il est relevé que l’avis de mention devra être adressé aux officiers de l’état civil compétents même dans l’hypothèse où l’un des officiers de l’état civil détenant l’acte de naissance d’un partenaire serait également celui qui a établi ou transcrit l’acte de décès ou de mariage. En effet, l’officier de l’état civil concerné ne pourra apposer la mention marginale de la dissolution du PACS qu’après avoir été requis en ce sens par l’officier de l’état civil ayant procédé à l’enregistrement de la dissolution du PACS.

Lorsque l’un des partenaires est de nationalité étrangère et né à l’étranger, le service central d’état civil enregistrera par ailleurs, dans les trois jours suivant la réception de cet avis, en sus des informations précitées enregistrées par l’officier de l’état civil, la date d’effet de la dissolution du PACS à l’égard des tiers (article 4 du décret n° 2006-1806 du 23 décembre 2006).

Une fois cet enregistrement effectué, il en informera l’officier de l’état civil l’ayant requis à cette fin.

Cet avis sera alors classé par l’officier de l’état civil au dossier contenant les autres pièces relatives au PACS.

Il est rappelé l’importance de transmettre sans délai les avis de mention correspondants, au regard des enjeux éventuels liés à la dissolution d’un PACS.

IV) Les effets de la dissolution

A) La date d’effet de la dissolution

La date à laquelle la dissolution du PACS produit ses effets, entre les partenaires et à l’égard des tiers, diffère selon qu’elle intervient consécutivement au mariage ou au décès d’un ou des partenaires, ou bien qu’elle résulte d’une décision conjointe ou unilatérale de ces derniers.

  • Dissolution du PACS par mariage ou décès
    • Dans ces hypothèses, la date d’effet de la dissolution du PACS correspond à la date du mariage ou du décès.
    • La dissolution du PACS est opposable aux tiers à compter de cette date (article 515-7 alinéa 1er du code civil).
  • Dissolution du PACS par déclaration conjointe des partenaires ou par décision unilatérale d’un partenaire
    • Le PACS prend fin, à l’égard des partenaires, au jour de son enregistrement par l’officier de l’état civil (article 515-7 alinéa 7 du code civil).
    • La dissolution du PACS est en revanche opposable aux tiers à partir du jour où les formalités de publicité ont été accomplies (article 515-7 alinéa 8 du code civil).

B) Les conséquences de la dissolution

  1. La liquidation du pacs

L’article 515-7 du Code civil prévoit qu’il revient aux partenaires de procéder à la liquidation des droits et obligations issus du PACS.

  • Chacun des partenaires reprend ses biens personnels.
  • Les biens indivis sont partagés par moitié, sauf modalités conventionnelles contraires.
  • Les créances entre les partenaires sont réglées, sous l’empire des règles de calcul des récompenses entre époux communs en biens édictées à l’article 1469 du Code civil

Le régime de la prestation compensatoire ne s’applique pas aux partenaires de PACS

2. La rupture fautive

La question s’est posée de savoir si, en cas de rupture fautive, le partenaire victime de cette rupture était fondé à réclamer l’octroi de dommages et intérêts ?

La lecture de l’article 515-7, al. 10 du Code civil révèle qu’une réponse positive peut être apportée à cette interrogation.

Celui-ci dispose, en effet, que « les partenaires procèdent eux-mêmes à la liquidation des droits et obligations résultant pour eux du pacte civil de solidarité. À défaut d’accord, le juge statue sur les conséquences patrimoniales de la rupture, sans préjudice de la réparation du dommage éventuellement subi ».

Lors de son examen de la loi sur le pacs, le Conseil constitutionnel avait affirmé qu’il résultait de cette disposition que le partenaire auquel la rupture est imposée peut demander réparation du préjudice éventuellement subi, notamment en cas de faute tenant aux conditions de la rupture.

Deux enseignements peuvent être tirés de la décision du 9 novembre 1999 :

  • Premier enseignement
    • la rupture du pacs ne saurait constituer en elle-même une faute.
    • Et pour cause, admettre le contraire reviendrait à vider de sa substance la faculté conférée par la loi aux partenaires de rompre unilatéralement le pacs sur simple déclaration à l’officier d’état civil
  • Second enseignement
    • À l’instar du concubinage, pour qu’un partenaire soit fondé à obtenir des dommages et intérêts du fait de la rupture du pacs, il doit établir une faute indépendamment de la rupture
    • Autrement dit, si la rupture ne saurait constituer en elle-même une faute, les circonstances qui l’entourent peuvent fonder une action en responsabilité

Deux fondements juridiques peuvent alors être envisagés :

  • La responsabilité délictuelle
    • Dans cette hypothèse, conformément à l’article 1240 du Code civil, il conviendra de démontrer l’existence
      • D’une faute
      • D’un préjudice
      • D’un lien de causalité
    • Ces éléments doivent être établis séparément et cumulativement
  • La responsabilité contractuelle
    • Parce que le pacs est un contrat, les partenaires sont susceptibles d’engager leur responsabilité contractuelle
    • Pour ce faire, il conviendra de prouver qu’il a manqué à l’un des devoirs résultant du statut patrimonial et personnel du pacs
    • En particulier, il conviendra de se reporter à l’article 515-4 du Code civil qui édicte les principales obligations qui pèsent sur les partenaires
      • Communauté de vie
      • Assistance
      • Aide matérielle et morale
      • Loyauté

[1] V. en ce sens, notamment F. De Singly, Sociologie de la famille contemporaine, Armand Colin, 2010 ; J.-H. Déchaux, Sociologie de la famille, La Découverte, 2009 ; B. Bawin-Legros, Sociologie de la famille. Le lien familial sous questions, De Boeck, 1996.

[2] Il suffit d’observer la diminution, depuis la fin des années soixante, du nombre de mariages pour s’en convaincre. Selon les chiffres de l’INSEE, alors qu’en 1965 346300 mariages ont été célébrés, ils ne sont plus que 24100 à l’avoir été en 2012, étant entendu qu’en l’espace de trente ans la population a substantiellement augmentée.

[3] Le concile de Trente prévoit, par exemple, l’excommunication des concubins qui ne régulariseraient pas leur situation, mais encore, après trois avertissements, l’exil.

[4] F. Terré, op. préc., n°325, p. 299.

[5] Ph. Malaurie et H. Fulchiron, op. préc., n°106, p. 53.

[6] P. Simler et P. Hilt, « Le nouveau visage du Pacs : un quasi -mariage », JCP G, 2006, 1, p. 161.

[7] Article 515-1.

[8] Article 515-3.

Les effets patrimoniaux et personnels du pacs

À l’instar du mariage le pacs produit deux sortes d’effets :

  • Des effets personnels
  • Des effets patrimoniaux

I) Les effets personnels du pacs

A) Les effets positifs

  1. L’obligation de vie commune

L’article 515-4 du Code civil prévoit que « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à une vie commune »

Parce que le pacs est avant tout une union entre deux personnes qui envisagent de vivre ensemble, l’obligation de vie commune est consubstantielle de cette institution.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par vie commune et plus précisément qu’est-ce que cette obligation recoupe.

Dans sa décision du 9 décembre 1999, le Conseil constitutionnel a apporté un élément de réponse en affirmant que « la notion de vie commune ne couvre pas seulement une communauté d’intérêts et ne se limite pas à l’exigence d’une simple cohabitation entre deux personnes ; que la vie commune mentionnée par la loi déférée suppose, outre une résidence commune, une vie de couple qui seule justifie que le législateur ait prévu des causes de nullité du pacte qui, soit reprennent les empêchements à mariage visant à prévenir l’inceste, soit évitent une violation de l’obligation de fidélité découlant du mariage ; qu’en conséquence, sans définir expressément le contenu de la notion de vie commune, le législateur en a déterminé les composantes essentielles ».

Ainsi, pour le Conseil constitutionnel le pacs est bien plus qu’une communauté d’intérêt, telle que peut l’être, par exemple, une société.

L’obligation de vie commune suppose pour les partenaires d’observer trois règles auxquelles ils ne sauraient déroger par convention contraire :

  • Le devoir de cohabitation
    • Le devoir de cohabitation est expressément visé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 décembre 1999.
    • Partager une vie commune c’est, avant tout, cohabiter, soit vivre sous le même toit. Il appartiendra donc aux partenaires de déterminer leur lieu de résidence.
  • Le devoir charnel
    • Le Conseil constitutionnel considère que, plus qu’une communauté d’intérêts, l’obligation de vie commune suppose « une vie de couple»
    • Autrement dit, le pacs n’implique pas seulement une communauté de vie, il invite à une communauté de lit.
    • Aussi, les partenaires s’engagent-ils à avoir des rapports sexuels entre eux.
  • Devoir de fidélité
    • La question s’est posée de savoir si, à l’instar des époux, à qui s’impose un devoir de fidélité, s’il en allait de même pour les partenaires.
    • Trois arguments peuvent être avancés au soutien d’une réponse positive à cette interrogation.
      • En premier lieu, en ce que le pacs est un contrat, les partenaires sont, tenus, comme les contractants à une obligation de loyauté et de bonne foi conformément à l’article 1104 du Code civil.
      • En deuxième lieu, si, comme l’a affirmé le Conseil constitutionnel, l’obligation de communauté de vie suppose une « vie de couple», cela signifie que les partenaires doivent exercer une certaine exclusivité l’un sur l’autre.
      • En troisième lieu, pourquoi le législateur a-t-il institué des d’empêchement qui tiennent au lien de parenté sinon pour prévenir les cas d’inceste, le pacs impliquant nécessairement l’entretien de rapports sexuels.
    • Pour l’heure, on ne recense qu’une seule décision sur l’obligation de fidélité dont serait assorti le pacs.
    • Elle a été rendue par le Président du Tribunal de grande instance de Lille qui a été amené à statuer en référé sur cette question.
    • Dans cette décision il a estimé que, sur le fondement de l’obligation de loyauté rattachée à l’ancien article 1134 du Code civil que l’obligation de vie commune commande de « sanctionner toute forme d’infidélité entre partenaires» (TGI Lille, ord., 5 juin 2002).
    • Bien qu’il ne s’agisse que d’une ordonnance de référé, il est de fortes chances que la Cour de cassation adopte une solution similaire, si elle était amenée à statuer sur cette question.

2. L’obligation d’assistance

L’obligation d’assistance a été introduite par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités.

Cette obligation est prévue à l’article 515-4 du Code civil qui dispose que « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à […] une assistance réciproque ».

Elle implique pour les partenaires de se prêter une aide morale et psychologique. Ils doivent, autrement dit, se soutenir l’un l’autre afin d’affronter ensemble les difficultés de la vie.

3. L’aide matérielle

==> Contenu de l’obligation

Aux termes de l’article 515-4 du Code civil, « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à […] une aide matérielle] ».

Cette disposition précise que «  si les partenaires n’en disposent autrement, l’aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives. »

De toute évidence, il s’agit là d’une transposition de l’article 214 applicable aux époux qui édicte à leur endroit une obligation de contribution aux charges ménagères.

Pour mémoire, cet article dispose que « si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives. »

La règle posée à l’article 515-4 est sensiblement la même, de sorte que les partenaires sont également tenus de contribuer aux charges du ménage à hauteur de leurs facultés respectives.

La question qui alors se pose est de savoir en quoi consiste cette obligation. Deux éléments doivent être envisagés pour le déterminer :

  • Quelles sont les charges du ménage ?
    • Il s’agit de toutes les dépenses qui assurent le fonctionnement du ménage (contrairement aux dépenses d’investissement).
    • Ce sont donc toutes les dépenses d’intérêt commun que fait naître la vie du ménage
    • Les charges du ménage correspondent au train de vie des partenaires
      • Exemples: nourriture, vêtements, loyer, gaz, eau, électricité, internet etc…
  • Quelle est étendue de la contribution des partenaires ?
    • Chaque partenaire doit contribuer aux charges du ménage en proportion de ses facultés.
    • Le conseil constitutionnel a précisé que « dans le silence du pacte, il appartiendra au juge du contrat, en cas de litige, de définir les modalités de cette aide en fonction de la situation respective des partenaires».
      • Exemple: si un partenaire gagne 1000 euros et l’autre 2000 euros alors le second devra contribuer deux fois plus que le premier aux charges du ménage.

==> Sanction de l’obligation

À la différence de l’article 214 du Code civil, l’article 515 ne prévoit pas d’action en contribution en cas de défaillance de l’un des partenaires.

En matière matrimoniale, il est, en effet, prévu que « si l’un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l’autre dans les formes prévues au code de procédure civile. »

Est-ce à dire que les partenaires ne disposeraient d’aucune action pour obliger l’autre à contribuer aux charges du ménage ? On peut en douter.

==> Caractère de l’obligation

On observera que, dans sa décision du 9 décembre 1999, le Conseil constitutionnel a affirmé, s’agissant de l’aide matérielle à laquelle s’obligent les partenaires que « si la libre volonté des partenaires peut s’exprimer dans la détermination des modalités de cette aide, serait nulle toute clause méconnaissant le caractère obligatoire de ladite aide ».

Aussi, cela signifie-t-il que cette obligation est d’ordre public. Si, dès lors, les partenaires peuvent en aménager les modalités, ils ne sauraient la supprimer.

3. Statut fiscal

Les partenaires liés par un PACS sont soumis à une imposition commune pour les revenus dont ils ont disposé pendant l’année de la conclusion du pacte.

Par exception, ils peuvent opter pour l’imposition distincte des revenus dont chacun a personnellement disposé pendant l’année de la conclusion du pacte, ainsi que de la quote-part des revenus communs lui revenant (Art. 6 CGI)

Les partenaires sont solidairement tenus au paiement :

  • de l’impôt sur le revenu lorsqu’ils font l’objet d’une imposition commune
  • de la taxe d’habitation lorsqu’ils vivent sous le même toit ( 1691 bis I CGI)
  • de l’impôt de solidarité sur la fortune ( 1723 ter-00 B CGI).

4. Droit sociaux

Le partenaire pacsé a droit au bénéfice immédiat de l’affiliation à la sécurité sociale de son partenaire, si lui-même ne peut bénéficier de la qualité d’assuré social à un autre titre (art. L. 160-17 C. secu.).

Le partenaire pacsé bénéficie sans aucune condition, et prioritairement sur les descendants et les ascendants, du capital décès de son partenaire dû au titre du régime général de la sécurité sociale (art. L. 361-4 C. secu).

S’agissant du calcul de leurs droits à prestations sociales et familiales, la conclusion d’un PACS a pour effet de modifier l’assiette des revenus pris en considération pour la fixation du droit à allocation, les revenus des deux partenaires étant cumulés pour calculer ces droits.

Par ailleurs, la conclusion d’un PACS emporte automatiquement la suppression de l’allocation de parent isolé.

Enfin, les revenus pris en considération pour la fixation du droit à allocation adulte handicapé (AAH), revenu de solidarité active (RSA), allocation de solidarité spécifique, prime pour l’emploi, et allocation logement, sont ceux des deux partenaires du PACS.

5. Droit au logement

Le partenaire de PACS n’est réputé co-titulaire du bail sur le logement familial que si les partenaires en font conjointement la demande.

Lors du départ du partenaire unique locataire des lieux qui servaient à la résidence commune, l’autre peut bénéficier de la continuation du bail ou, en cas de décès du locataire, du transfert du droit au bail, quand bien même il n’est pas signataire du bail initialement.

Quand le PACS prend fin par décès, le partenaire survivant bénéficie d’un droit de jouissance gratuite du domicile commun ainsi que du mobilier le garnissant pendant l’année qui suit le décès, à condition qu’il l’ait occupé de façon effective et à titre d’habitation principale à l’époque du décès (art. 515-6 al.3 C. civ.).

B) Les effets négatifs

À la différence du mariage, le pacs ne produit pas un certain nombre d’effets qu’il convient de lister afin de dresser une comparaison.

==> Sur le nom d’usage

  • Le mariage
    • Chacun des époux peut porter, à titre d’usage, le nom de l’autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l’ordre qu’il choisit (article 225-1 du code civil).
    • Il s’agit d’une simple faculté.
  • Le pacs
    • Le PACS ne produit aucun effet sur le nom. Un partenaire ne peut donc pas porter, à titre d’usage, le nom de l’autre membre du couple

==> Sur la filiation

  • Le mariage
    • L’enfant conçu ou né pendant le mariage est présumé avoir pour père le mari de la mère (règle de la « présomption de paternité » – article 312 du code civil).
    • Possibilité pour le couple marié d’adopter à deux (article 343 du code civil) et possibilité pour chacun des membres du couple d’adopter l’enfant du conjoint (articles 345-1 et 360 du code civil).
    • L’assistance médicale à la procréation est ouverte aux couples mariés hétérosexuels.
  • Le pacs
    • Le PACS n’a aucun effet sur l’établissement de la filiation : il n’existe pas de présomption légale à l’égard du partenaire de la mère qui devra procéder à une reconnaissance.
    • Pas de possibilité pour les partenaires d’adopter à deux (article 343 du code civil) ou d’adopter l’enfant du partenaire.
    • L’assistance médicale à la procréation est ouverte aux couples pacsés hétérosexuels.

==> Sur la nationalité

  • Le mariage
    • Si les époux se marient, sans choisir explicitement leur régime matrimonial, sans faire de contrat de mariage, ils sont alors mariés sous un régime posé par la loi : le régime légal de la communauté réduite aux acquêts (article 1400 et s. du code civil).
    • Dans ce régime, les biens dont les époux avaient la propriété avant de se marier leur demeurent propres.
    • En revanche, les biens que les époux acquièrent à titre onéreux (acquêts) pendant le mariage, ainsi que les revenus liés à un bien propre à un époux (loyer d’un immeuble par exemple) et les gains et salaires, sont des biens communs.
  • Le pacs
    • Le PACS n’exerce aucun effet sur la nationalité.
    • Pour obtenir la nationalité française, le partenaire étranger ayant conclu un PACS avec un partenaire français doit déposer une demande de naturalisation (acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique : articles 21-14-1 et suivants du code civil).

II) Les effets patrimoniaux du pacs

L’étude des effets patrimoniaux du pacs suppose de distinguer les rapports des partenaires entre eux de ceux qu’ils entretiennent avec les tiers.

A) Les effets dans les rapports entre partenaires

  1. Principe

==> La répartition des biens

Aux termes de l’article 515-5 du Code civil « Sauf dispositions contraires de la convention visée au troisième alinéa de l’article 515-3, chacun des partenaires conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels ».

Il ressort de ce principe que le législateur a souhaité instituer un régime de séparation de biens entre les partenaires.

Cette volonté a été exprimée, lors de l’adoption de la loi du 23 juin 2006, dans un souci de protection des partenaires qui ignorent souvent que les biens acquis au cours du pacs sont soumis à l’indivision et a jugé préférable de prévoir la séparation des biens, sauf quand les partenaires optent pour l’indivision.

Sous l’empire du droit antérieur à cette réforme, le législateur avait instauré le régime inverse, soit une indivision entre les partenaires.

La loi du 15 novembre 1999 posait, en ce sens, l’existence d’une sorte de communauté de biens réduite aux acquêts.

En simplifiant à l’extrême, il convenait d’opérer une distinction entre les biens acquis avant et après l’enregistrement du pacs.

  • S’agissant des biens acquis avant l’enregistrement du pacs
    • Ils avaient vocation à rester dans le patrimoine personnel des partenaires, à charge pour eux de rapporter la preuve que le bien revendiqué leur appartenait en propre
  • S’agissant des biens acquis après l’enregistrement du pacs
    • Ils étaient réputés indivis, de sorte qu’à la dissolution du pacs, une répartition égalitaire était effectuée entre les concubins

La loi du 23 juin 2006 a abandonné ce régime patrimonial applicable aux partenaires. Désormais, c’est un régime de séparation de biens qui régit leurs rapports patrimoniaux.

Cela signifie que tous les biens acquis par les partenaires avant et après l’enregistrement du pacs leur appartiennent un propre.

Une lecture affinée de l’article 515-4 révèle toutefois qu’il convient de distinguer les meubles dont la propriété est établie de ceux pour lesquels aucun des partenaires ne peut prouver sa qualité de propriétaire

  • S’agissant des biens dont la propriété est établie
    • C’est l’alinéa 1er de l’article 515-4 qui s’applique en pareille hypothèse
    • Ils restent dans le patrimoine personnel du partenaire qui les a acquis
    • Il est indifférent que l’acquisition soit intervenue avant ou après l’enregistrement du pacs
  • S’agissant des biens dont la propriété n’est pas établie
    • L’article 515-5 du Code civil pris en son deuxième alinéa prévoit que :
      • D’une part, chacun des partenaires peut prouver par tous les moyens, tant à l’égard de son partenaire que des tiers, qu’il a la propriété exclusive d’un bien.
      • D’autre part, les biens sur lesquels aucun des partenaires ne peut justifier d’une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié.
    • Il s’évince de cette disposition que, lorsque les biens sont acquis à titre onéreux postérieurement à la conclusion du PACS, ils sont présumés indivis par moitié, sauf déclaration contraire dans la convention initiale.
    • Il en est de même lorsque la date d’acquisition de ces biens ne peut être établie

==> La gestion des biens

L’article 515-5, al. 3 du Code civil dispose que « le partenaire qui détient individuellement un bien meuble est réputé, à l’égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul sur ce bien tout acte d’administration, de jouissance ou de disposition. »

Il ressort de cette disposition que, à l’égard des tiers, les partenaires sont réputés être investis de tous pouvoirs sur les biens du couple.

Toutefois, l’efficacité de cette présomption est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :

  • Le bien doit être détenu individuellement par un partenaire
  • Le tiers doit être de bonne foi, soit ne pas savoir que le bien appartient, en réalité, à l’autre partenaire

Il peut être observé que, à la différence de l’article 222 du Code civil qui, en matière matrimoniale exclut les meubles meublants du champ d’application de cette présomption, pour le pacs elle opère pour tous les meubles sans distinction.

2. Exception

==> Répartition des biens

Si le législateur a institué le régime de la séparation de biens en principe, il a offert la possibilité aux partenaires d’y déroger en concluant une convention d’indivision.

L’article 515-5-1 du Code civil prévoit en ce sens que :

  • D’une part, les partenaires peuvent, dans la convention initiale ou dans une convention modificative, choisir de soumettre au régime de l’indivision les biens qu’ils acquièrent, ensemble ou séparément, à compter de l’enregistrement de ces conventions.
  • D’autre part, ces biens sont alors réputés indivis par moitié, sans recours de l’un des partenaires contre l’autre au titre d’une contribution inégale.

Ce régime d’indivision auquel les partenaires ont la faculté d’adhérer par convention s’articule autour de deux principes :

  • Premier principe
    • L’indivision s’applique aux seuls acquêts, c’est-à-dire aux biens acquis par les partenaires, ensemble ou séparément, après l’enregistrement de leur convention.
    • S’agissant des biens acquis l’enregistrement de la convention d’indivision qui n’est pas nécessairement concomitant à l’enregistrement du pacs, ils demeurent appartenir en propre aux partenaires
  • Second principe
    • Les biens visés par la convention conclue par les partenaires sont réputés indivis pour moitié.
    • Cela signifie qu’en cas de liquidation du pacs la répartition s’opérera à parts égales, sauf à ce qu’une fraction du bien ait été financée par des fonds propres d’un partenaire.
    • Dans cette hypothèse, seule la portion du bien qui constitue un acquêt fera d’un partage par moitié.
      • Exemple:
        • un immeuble est acquis pour 50 % avec les fonds propres d’un partenaire, pour l’autre moitié avec des fonds indivis.
        • Dans cette hypothèse, en cas de partage, le partenaire qui aura financé le bien avec ses fonds propres sera fondé à revendiquer 75% du bien, tandis que l’autre ne percevra que 25% de sa valeur.

L’article 515-5-3 du Code civil précise que la convention d’indivision est réputée conclue pour la durée du pacte civil de solidarité.

Toutefois, lors de la dissolution du pacte, les partenaires peuvent décider qu’elle continue de produire ses effets. Cette décision est soumise aux dispositions des articles 1873-1 à 1873-15 du Code civil.

==> Gestion des biens

À défaut de dispositions contraires dans la convention, chaque partenaire est gérant de l’indivision (article 515-5-3 du code civil).

Les partenaires jouissent d’une gestion concurrente, ce qui signifie que chaque partenaire peut accomplir seul des actes de conservation, d’administration et même de disposition sur les acquêts, sous réserve de certaines exceptions, telles que notamment :

  • Les aliénations à titre gratuit
  • Les aliénations d’immeuble
  • Les aliénations de meubles corporels soumises à publicité
  • Les aliénations de meubles corporels qui ne sont pas difficiles à conserver ou périssables.

Néanmoins, les règles d’administration des acquêts ne sont pas impératives. Les partenaires peuvent prévoir des dispositions contraires (article 515-5-3 al.2 du code civil).

3. Exception à l’exception

En cas de conclusion par les partenaires d’une convention d’indivision, le législateur a prévu qu’un certain nombre de biens échappaient à son champ d’application.

L’article 515-5-2 prévoit que demeurent la propriété exclusive de chaque partenaire :

  1. Les deniers perçus par chacun des partenaires, à quelque titre que ce soit, postérieurement à la conclusion du pacte et non employés à l’acquisition d’un bien ;
  2. Les biens créés et leurs accessoires ;
  3. Les biens à caractère personnel ;
  4. Les biens ou portions de biens acquis au moyen de deniers appartenant à un partenaire antérieurement à l’enregistrement de la convention initiale ou modificative aux termes de laquelle ce régime a été choisi ;
  5. Les biens ou portions de biens acquis au moyen de deniers reçus par donation ou succession ;
  6. Les portions de biens acquises à titre de licitation de tout ou partie d’un bien dont l’un des partenaires était propriétaire au sein d’une indivision successorale ou par suite d’une donation.

Le dernier alinéa de cette disposition précise que l’emploi de deniers tels que définis aux 4° et 5° fait l’objet d’une mention dans l’acte d’acquisition.

L’emploi est un acte qui stipule la provenance des deniers et la volonté de leur propriétaire de les employer pour l’acquisition d’un bien propre.

À défaut d’accomplissement des formalités d’emploi, le bien est réputé indivis par moitié et ne donne lieu qu’à une créance entre partenaires.

B) Les effets dans les rapports des partenaires avec les tiers

  1. Contribution aux dettes et obligation à la dette

Le législateur a institué à l’article 515-4, al. 2e du Code civil un dispositif qui gouverne les rapports entre les partenaires et les tiers.

Cette règle constitue l’un des piliers du régime juridique applicable aux partenaires.

Afin de bien cerner la place qu’elle occupe dans l’édifice élaboré par le législateur en 1999, il convient de la mettre en perspective avec une autre règle : celle édicté à l’alinéa 1er de l’article 515-4 du Code civil.

Tandis que la première porte sur l’obligation à la dette, la seconde est relative à la contribution à la dette.

  • L’obligation à la dette
    • L’obligation à la dette détermine l’étendue du droit de poursuite des tiers, au cours de la vie commune, s’agissant des créances qu’ils détiennent à l’encontre des partenaires.
    • Autrement dit, elle répond à la question de savoir si un tiers peut actionner en paiement le partenaire de celui avec lequel il a contracté et si ou dans quelle mesure.
      • Exemple:
        • Le membre d’un couple pacsé se porte acquéreur d’un véhicule sans avoir obtenu, au préalable, le consentement de son partenaire.
        • La question qui alors se pose est de savoir si, en cas de défaut de paiement de l’acquéreur, le vendeur peut se retourner contre son partenaire, alors même que celui-ci n’a pas donné son consentement à l’opération.
        • Les règles qui régissent l’obligation à la dette répondent à cette question.
    • Ainsi, l’obligation à la dette intéresse les rapports entre les tiers et les partenaires.

Schéma 4.JPG

  • La contribution à la dette
    • La contribution à la dette se distingue de l’obligation à la dette en ce qu’elle détermine la part contributive de chaque partenaire dans les charges du ménage
    • Autrement dit, elle répond à la question de savoir dans quelle proportion les partenaires doivent supporter les dépenses exposées dans le cadre du fonctionnement du ménage.
    • L’article 515-4, al. 1er du Code civil prévoit, à cet égard, que la part contributive de chaque partenaire est proportionnelle à leurs facultés respectives.
      • Exemple :
        • Les dépenses de fonctionnement d’un couple pacsé s’élèvent à 1.000 euros
        • L’un des partenaires dispose d’un salaire de 3.000 euros, tandis que le salaire de l’autre est de 1.500 euros
        • Celui qui gagne 3.000 devra contribuer deux fois plus que son partenaire aux charges du ménage.
      • Ainsi, la contribution à la dette intéresse les rapports que les partenaires entretiennent entre eux et non les relations qu’ils nouent avec les tiers.

Schéma 5.JPG

En résumé, lorsque le membre d’un couple pacsé est actionné en paiement par un tiers pour le règlement d’une dette contractée par son partenaire, il pourra toujours se retourner contre celui-ci, après avoir désintéressé le créancier, au titre de l’obligation de contribution aux charges du ménage.

Afin de résoudre une problématique relative au règlement d’une dette contractée par l’un des partenaires, il conviendra ainsi toujours de raisonner en deux temps :

  • Premier temps : l’obligation à la dette
    • Le tiers peut-il agir contre le partenaire de celui qui a contracté la dette ?
  • Second temps : la contribution à la dette
    • Le membre du couple pacsé qui a désintéressé le tiers, alors mêmes qu’il n’avait pas contractée la dette, dans quelle proportion peut-il se retourner contre son partenaire ?

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2. Transposition des règles du mariage au pacs

Aux termes de l’article 515-4, al. 2e du Code civil « les partenaires sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante. Toutefois, cette solidarité n’a pas lieu pour les dépenses manifestement excessives. Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux partenaires, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage. »

Cette disposition est une transposition de l’article 220 du Code civil applicable aux époux qui prévoit, sensiblement dans les mêmes termes, que :

« Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement.

 La solidarité n’a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant.

 Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage. »

Le dispositif édicté aux articles 515-4, al. 2e et 220 du Code civil constitue un point de convergence entre le pacs et le mariage.

Cette convergence s’explique par l’objectif poursuivi par ce dispositif, directement issu de la loi du 13 juillet 1965 : assurer l’indépendance des membres du couple dans la vie quotidienne

3. Le contenu du dispositif

Le dispositif institué par le législateur en 1965 à destination des couples mariés, s’articule autour de trois règles qui constituent autant d’étapes dont le franchissement détermine le passage à l’étape suivante.

==> Principe

  • Exposé du principe
    • Aux termes de l’article 515-4, al. 2e du Code civil « les partenaires sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante.
    • La solidarité envisagée par l’article 515-4 du Code civil signifie que les tiers peuvent demander à n’importe quel partenaire de régler la totalité de la dette contractée, seul, par l’autre partenaire.
    • En d’autres termes, l’ensemble des biens des deux partenaires répond de la dette contractée par un seul et chacun des deux époux peut être poursuivi pour la totalité de la dette.
    • Ainsi, le tiers est-il titulaire d’une créance à l’encontre des deux membres du couple, en ce sens qu’il peut indifféremment les actionner en paiement.
    • Cette forme de solidarité, que l’on qualifie de passive, présente un réel intérêt pour le créancier dans la mesure où elle le prémunit contre une éventuelle insolvabilité de l’un de ses débiteurs.
    • Dans cette configuration, les partenaires sont garants l’un de l’autre.

Schéma 7.JPG

  • Condition d’application
    • L’article 515-4 du Code civil précise que la solidarité entre partenaires ne s’applique que pour les dettes contractées pour les besoins de la vie courante
    • Ainsi, le principe de solidarité est écarté s’agissant des dépenses non exposées pour les besoins de la vie courante.
    • La notion de « dette contractée pour les besoins de la vie courante» couvre les dépenses de fonctionnement du ménage et plus précisément toutes celles relatives au train de vie des partenaires.
    • Les dépenses de fonctionnement du ménage, s’opposent aux dépenses d’investissement qui, elles, ne donnent pas lieu à la solidarité entre partenaires.
    • Au nombre des dépenses ménagères on compte notamment :
      • Le loyer
      • Les charges locatives
      • Les frais d’habillement
      • L’énergie
      • L’eau
      • Les charges relatives au domicile familial
      • Les frais d’éducation et d’entretien des enfants
    • Sont comprises dans les dépenses exposées pour les besoins de la vie courante toutes celles strictement nécessaires au fonctionnement du ménage.
    • Ainsi, le législateur a-t-il adopté un critère finaliste
    • L’application du principe de solidarité entre partenaires s’apprécie au regard de la finalité de la dépense exposée

==> Exceptions

L’article 515-4, al. 2e du Code civil pose deux exceptions au principe de solidarité des dettes ménagères

  • Les dépenses manifestement excessives
    • L’article 515-4 prévoit que « la solidarité n’a pas lieu […] pour les dépenses manifestement excessives»
    • Toute la question est alors de savoir ce que l’on doit entendre par « dépenses manifestement excessives»
    • Contrairement à l’article 220, l’article 515-4 ne pose aucun critère d’appréciation de cette notion
    • L’article 220, applicable aux couples mariés, précise, en effet, que le caractère manifestement excessif d’une dépense s’apprécie eu égard
      • au train de vie du ménage
      • à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération
      • à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant
    • La différence de rédaction des deux textes est somme toute étonnante.
    • Pourquoi n’avoir pas repris, à la lettre, les termes de l’article 220?
    • Sans doute est-ce là un oubli du législateur, sinon une approximation dans la rédaction de l’article 515-4.
    • En toute hypothèse, il est fort probable que lorsqu’il s’agit d’apprécier le caractère manifestement excessif d’une dépense exposée par un partenaire, le juge se référera aux critères posés à l’article 220 du Code civil.
  • Les achats à tempéraments
    • Il ressort de l’article 515-4, al. 2e du Code civil que la solidarité n’a pas lieu pour les achats à tempérament
    • L’achat à tempérament correspond à l’hypothèse de la vente à crédit
    • Plus précisément, le vendeur consent une facilité de paiement à l’acquéreur qui peut régler en plusieurs fois l’objet du contrat de vente.
    • Le paiement du prix est ainsi étalé sur une période déterminée, le transfert de propriété du bien s’opérant à l’issue de la durée du financement.
    • Compte tenu du caractère particulièrement dangereux d’une telle opération, il est apparu au législateur qu’elle était de nature à inciter les consommateurs à s’endetter outre mesure.
    • Aussi, a-t-il décidé d’exclure les achats à tempéraments du champ de la solidarité, quand bien même la dette aurait été contractée pour les besoins de la vie courante du couple
    • Initialement, cette exception ne figurait pas à l’article 515-4 du Code civil.
    • C’est le législateur qui, à l’occasion de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite loi Lagarde, a entendu préciser l’article 515-4 afin qu’existe un parallélisme avec l’article 220 du Code civil applicable au couple marié.
    • Surtout, l’absence de cette précision revenait à conférer aux tiers, dans le cadre de leurs relations avec les membres d’un couple pacsé, une protection moindre que celle dont ils bénéficient lorsqu’ils contractent avec des époux.
  • Les emprunts
    • À l’instar des achats à tempérament, l’article 515-4 du Code civil exclut également du champ de la solidarité entre partenaires les emprunts.
    • Par emprunt il faut en réalité entendre les opérations de crédit.
    • L’article L. 311-1, 6° du Code de la consommation définit l’opération de crédit comme celle consistant en « un contrat en vertu duquel un prêteur consent ou s’engage à consentir à l’emprunteur un crédit […] sous la forme d’un délai de paiement, d’un prêt, y compris sous forme de découvert ou de toute autre facilité de paiement similaire, à l’exception des contrats conclus en vue de la fourniture d’une prestation continue ou à exécution successive de services ou de biens de même nature et aux termes desquels l’emprunteur en règle le coût par paiements échelonnés pendant toute la durée de la fourniture».
    • Cette exception au principe de solidarité entre partenaires est également un ajout de la loi du 1er juillet 2010.
    • Le législateur a toujours fait montre d’une grande méfiance à l’égard des opérations de crédit, en particulier lorsqu’elles concernent les ménages.
    • Ainsi, peu importe que l’emprunt contracté par un partenaire ait pour objet le financement d’un besoin de la vie courante du couple : l’application du principe de solidarité est hypothèse, sauf à ce qu’il entre dans le champ de l’exception à l’exception

==> Exception à l’exception

L’article 515-4, 2e du Code civil dispose que la solidarité « n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux partenaires, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage. »

Il ressort de cette disposition que, s’agissant des achats à tempérament et des emprunts contractés par les partenaires, la solidarité peut être rétablie dans deux cas :

  • Première situation : le consentement des deux partenaires
    • L’achat à tempérament ou l’emprunt a été conclu avec le consentement des deux partenaires
    • En pareille hypothèse, la solidarité entre partenaires est rétablie
    • Toutefois, elle ne jouera que si la dépense est exposée pour les besoins de la vie courante
    • Il importe peu qu’un seul partenaire soit signataire du contrat, ce qui compte étant que l’autre ait consenti à l’accomplissement de l’acte.
  • Seconde situation : les emprunts modestes
    • Lorsque l’emprunt porte sur des sommes modestes, la solidarité est également rétablie.
    • Toutefois, l’article 515-4 précise que deux conditions cumulatives doivent être emplies
      • L’emprunt doit porter sur des sommes nécessaires à la vie courantes
      • Le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage
    • Il appartient donc aux établissements bancaires de se montrer extrêmement vigilants lorsqu’ils consentiront un emprunt à un couple de partenaires, s’ils souhaitent bénéficier de la solidarité.
    • Sauf à exiger la signature des deux, il leur faudra vérifier la solvabilité du couple et plus spécifiquement porter une attention particulière sur les crédits en cours.

Différences et points communs entre le pacs et le mariage: comparaison

En raison des nombreuses règles, parfois complexes, qui gouvernent le mariage et le pacs, il n’est pas évident de percevoir les points communs et les différences  qui existent entre ces deux formes d’union conjugale.

Aussi, convient-il d’en dresser la liste afin de mieux cerner les enjeux qui président au choix de l’une ou l’autre union.

I) Les points communs

A) Le statut

  1. Le statut personnel

==> Statut au travail

  • Le mariage
    • Le conjoint d’un chef d’entreprise commerciale, artisanale ou libérale, peut opter pour le statut de collaborateur, de salarié ou d’associé (art. L.121-4 C. civ.).
  • Le pacs
    • Le partenaire pacsé d’un chef d’entreprise commerciale, artisanale ou libérale, peut opter pour le statut de collaborateur, de salarié ou d’associé (art. L.121-8 C. com.).

2. Le statut fiscal

  • Le mariage
    • Les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus dont ils ont disposé pendant l’année du mariage.
    • Par exception, ils peuvent opter pour l’imposition distincte des revenus dont chacun a personnellement disposé pendant l’année du mariage, ainsi que de la quote-part des revenus communs lui revenant. (art. 6 CGI)
    • Chacun des époux est solidairement tenu au paiement
      • de l’impôt sur le revenu lorsqu’ils font l’objet d’une imposition commune
      • de la taxe d’habitation lorsqu’ils vivent sous le même toit (art. 1691 bis I CGI)
      • de l’impôt de solidarité sur la fortune (art. 1723 ter-00 B CGI).
  • Le pacs
    • Les partenaires liés par un PACS sont soumis à une imposition commune pour les revenus dont ils ont disposé pendant l’année de la conclusion du pacte.
    • Par exception, ils peuvent opter pour l’imposition distincte des revenus dont chacun a personnellement disposé pendant l’année de la conclusion du pacte, ainsi que de la quote-part des revenus communs lui revenant (Art. 6 CGI)
    • Les partenaires sont solidairement tenus au paiement
      • de l’impôt sur le revenu lorsqu’ils font l’objet d’une imposition commune
      • de la taxe d’habitation lorsqu’ils vivent sous le même toit (art. 1691 bis I CGI)
      • de l’impôt de solidarité sur la fortune (art. 1723 ter-00 B CGI).

B) Les effets

  1. Les devoirs

==> La communauté de vie

  • Le mariage
    • Les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie (art. 215, al. 1er C. civ.)
    • Cette obligation ne leur interdit toutefois pas d’avoir des domiciles distincts (art. 108, al. 1er C. civ.).
  • Le pacs
    • Les partenaires s’engagent à une vie commune (art. 515-4, al. 1er C. civ.)
    • L’organisation de la vie commune est l’objet même du contrat de PACS (art. 515-1 C. civ.)

==> La contribution aux charges du ménage

  • Le mariage
    • Quel que soit le régime matrimonial choisi, les époux doivent l’un et l’autre contribuer aux charges du mariage.
    • Cette obligation est impérative, ce qui n’interdit pas aux époux de définir entre eux leur mode de contribution aux charges du ménage.
    • En l’absence de détermination conventionnelle, les époux contribuent à proportion de leurs facultés respectives (art. 214 al. 1er C. civ.).
  • Le pacs
    • Les partenaires s’engagent à une aide matérielle réciproque (art. 515-4, al. 1er C. civ.).
    • Si les partenaires n’en disposent autrement, elle sera proportionnelle à leurs facultés respectives.
    • Les modalités de l’aide peuvent donc être fixées dans la convention, et la liberté contractuelle n’est limitée que par l’interdiction pour l’un des partenaires de se dispenser totalement de la contribution

==> La solidarité aux dettes

  • Le mariage
    • La dette contractée par l’un des époux pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants oblige l’autre solidairement (article 220, al. 1er du code civil).
    • Cela signifie que, quel que soit le régime matrimonial, l’ensemble des biens des deux époux répond de la dette contractée par un seul et chacun des deux époux peut être poursuivi pour la totalité de la dette.
    • Néanmoins, celui qui a réglé cette dette peut éventuellement ensuite en demander le remboursement, en toute ou partie, à son conjoint.
    • La solidarité est écartée dans deux hypothèses :
      • Elle n’a pas lieu pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant (article 220, al. 2 du code civil).
      • Elle n’a pas lieu non plus, sauf s’ils ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins qu’ils portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage (article 220, al. 3 du code civil).
    • Lorsque la solidarité est écartée, le conjoint ayant passé l’acte est seul tenu de la dette qui lui incombe personnellement.
  • Le pacs
    • Les partenaires sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante (article 515-4, al. 2 du code civil).
    • Cela signifie que l’ensemble des biens des deux partenaires répond de la dette contractée par un seul et chacun des deux partenaires peut être poursuivi pour la totalité de la dette.
    • Néanmoins, celui qui a réglé cette dette peut éventuellement ensuite en demander le remboursement, en toute ou partie, à son partenaire.
    • La solidarité est écartée dans deux hypothèses.
      • Elle n’a pas lieu pour des dépenses manifestement excessives (article 515-4, al. 2 du code civil).
      • Elle n’a pas lieu non plus, sauf s’ils ont été conclus du consentement des deux partenaires, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins qu’ils portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage (article 515-4, al. 2) du code civil.
    • Lorsque la solidarité est écartée, le partenaire ayant passé l’acte est seul tenu de la dette qui lui incombe personnellement.

2. Les droits

==> Droit du travail

  • Le mariage
    • L’employeur doit tenir compte, dans la fixation des dates de congé, des possibilités de congé du conjoint (article L.3141-16 du code du travail), et dans le cas où les deux conjoints travaillent dans la même entreprise, leur consentir des dates de congé simultanées (article L.3141-14 du code du travail).
    • En cas de décès de l’un des conjoints, le survivant a le droit à des journées de congé spéciales rémunérées (article L.3142-1 4° du code du travail).
    • En matière d’affectation, priorité doit être donnée aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles de leur conjoint à condition de produire la preuve de ce qu’ils se soumettent à l’obligation d’imposition commune
  • Le pacs
    • L’employeur doit tenir compte, dans la fixation des dates de congé, des possibilités de congé du partenaire pacsé (art. L.3141-16 C. tr.), et dans le cas où les deux partenaires travaillent dans la même entreprise, leur consentir des dates de congé simultanées (art. L.3141-14 C. civ.)
    • En cas de décès de l’un des partenaires, le survivant a le droit à des journées de congé spéciales rémunérées (art. L.3142-1 4° C. tr.).
    • En matière d’affectation, priorité doit être donnée aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles de leur partenaire à condition de produire la preuve de ce qu’ils se soumettent à l’obligation d’imposition commune.

==> Droits sociaux

  • Mariage
    • Le conjoint a droit au bénéfice immédiat de l’affiliation à la sécurité sociale de son conjoint, si lui-même ne peut bénéficier de la qualité d’assuré social à un autre titre (art. L. 160-17 C. secu).
    • Le conjoint bénéficie sans aucune condition, et prioritairement sur les descendants et les ascendants, du capital décès de son conjoint dû au titre du régime général de la sécurité sociale (art. L. 361-4 C. secu.).
    • S’agissant du calcul de leurs droits à prestations sociales et familiales, le mariage a pour effet de modifier l’assiette des revenus pris en considération pour la fixation du droit à allocation, les revenus des deux conjoints étant cumulés pour calculer ces droits.
    • Par ailleurs, le mariage emporte automatiquement la suppression de l’allocation de parent isolé.
    • Enfin, les revenus pris en considération pour la fixation du droit à allocation adulte handicapé (AAH), revenu de solidarité active (RSA), allocation de solidarité spécifique, prime pour l’emploi, et allocation logement, sont ceux des deux conjoints.
  • Pacs
    • Le partenaire pacsé a droit au bénéfice immédiat de l’affiliation à la sécurité sociale de son partenaire, si lui-même ne peut bénéficier de la qualité d’assuré social à un autre titre (art. L. 160-17 C. secu.).
    • Le partenaire pacsé bénéficie sans aucune condition, et prioritairement sur les descendants et les ascendants, du capital décès de son partenaire dû au titre du régime général de la sécurité sociale (art. L. 361-4 C. secu).
    • S’agissant du calcul de leurs droits à prestations sociales et familiales, la conclusion d’un PACS a pour effet de modifier l’assiette des revenus pris en considération pour la fixation du droit à allocation, les revenus des deux partenaires étant cumulés pour calculer ces droits.
    • Par ailleurs, la conclusion d’un PACS emporte automatiquement la suppression de l’allocation de parent isolé.
    • Enfin, les revenus pris en considération pour la fixation du droit à allocation adulte handicapé (AAH), revenu de solidarité active (RSA), allocation de solidarité spécifique, prime pour l’emploi, et allocation logement, sont ceux des deux partenaires du PACS.

==> Droit au logement

  • Le mariage
    • Le conjoint est réputé co-titulaire du bail sur le logement familial, quel que soit leur régime matrimonial et nonobstant toute convention contraire et même si le bail a été conclu avant le mariage (art. 1751 C. civ.).
    • Quand l’un des conjoints vient à décéder, l’autre bénéficie d’un droit de jouissance gratuite du domicile commun ainsi que du mobilier le garnissant pendant l’année qui suit le décès, à condition qu’il l’ait occupé de façon effective et à titre d’habitation principale à l’époque du décès (art. 763 C. civ.).
    • Pour le cas où le conjoint survivant recueille une partie de la succession en pleine propriété, il bénéficie, sauf volonté contraire du conjoint décédé, d’un droit d’habitation viager (jusqu’à sa mort) sur l’immeuble servant de logement appartenant aux époux ou à l’époux décédé, et d’un droit d’usage sur les meubles qui le garnissent (art. 764 et svts C. civ.).
  • Le pacs
    •  Le partenaire de PACS n’est réputé co-titulaire du bail sur le logement familial que si les partenaires en font conjointement la demande.
    • Lors du départ du partenaire unique locataire des lieux qui servaient à la résidence commune, l’autre peut bénéficier de la continuation du bail ou, en cas de décès du locataire, du transfert du droit au bail, quand bien même il n’est pas signataire du bail initialement.
    • Quand le PACS prend fin par décès, le partenaire survivant bénéficie d’un droit de jouissance gratuite du domicile commun ainsi que du mobilier le garnissant pendant l’année qui suit le décès, à condition qu’il l’ait occupé de façon effective et à titre d’habitation principale à l’époque du décès (art. 515-6 al.3 C. civ.).

==> Assurance-vie

  • Mariage
    • Le conjoint peut être désigné comme bénéficiaire d’une assurance-vie.
    • Le conjoint survivant est exonéré de tous droits de mutation en cas de transmission de capitaux par le biais de l’assurance-vie.
  • Pacs
    • Le partenaire de PACS peut être désigné comme bénéficiaire d’une assurance-vie.
    • Le partenaire survivant est exonéré de tous droits de mutation en cas de transmission de capitaux par le biais de l’assurance-vie.

3. Les pouvoirs

==> Gestion des biens personnels / biens propres

  • Le mariage
    • Chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels (art. 225 C. civ.).
    • La règle s’applique
      • aux régimes de communauté (art. 1403, al. 1er, et 1428 C. civ.)
      • au régime de séparation de biens (art. 1536, al. 1er C. civ.).
  • Le pacs
    • Chacun des partenaires conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels (art. 515-5 al. 1er C. civ.).

==> Gestion des biens communs / biens indivis

  • Le mariage
    • S’agissant des biens communs
      • Chacun des époux a le pouvoir d’administrer seul les biens communs et d’en disposer, sauf à répondre des fautes commises dans sa gestion (art. 1421, al. 1er C. civ.).
      • Par exception, les époux ne peuvent, l’un sans l’autre
        • disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens communs (art. 1422, al. 1er C. civ.)
        • ni affecter des biens communs à la garantie de la dette d’un tiers (art. 1422, al. 2)
        • ni aliéner ou grever de droits réels les immeubles, fonds de commerce et exploitations dépendant de la communauté, pas plus que les droits sociaux non négociables et les meubles corporels dont l’aliénation est soumise à publicité (art. 1424, al. 1er),
        • ni donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal dépendant de la communauté (art. 1425).
    • S’agissant des biens indivis
      • un époux, en sa qualité d’indivisaire, peut prendre seul les mesures nécessaires à leur conservation.
      • Chaque époux peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec les droits de l’autre époux et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision (art. 815-9, al. 1er).
      • Mais le consentement des deux époux est nécessaire pour effectuer tout acte de disposition sur les biens indivis (art. 815-3, al. 3 C. civ.).
  • Le pacs
    • À défaut de dispositions contraires dans la convention, chaque partenaire est gérant de l’indivision (art. 515-5-3 C. civ.).
    • Les partenaires jouissent d’une gestion concurrente.
    • Chaque partenaire peut accomplir seul des actes de conservation, d’administration et même de disposition sur les acquêts (sous réserve de certaines exceptions, notamment les aliénations à titre gratuit, les aliénations d’immeuble ou de meubles corporels dont l’aliénation est soumise à publicité, ou l’aliénation de meubles corporels qui ne sont pas difficiles à conserver ou périssables).
    • Néanmoins, les règles d’administration des acquêts ne sont pas impératives.
    • Les partenaires peuvent prévoir des dispositions contraires (art. 515-5-3 al.2 C. civ.).

==> Pouvoirs et présomption de pouvoir face aux tiers

  • Le mariage
    •  Chacun des époux a pouvoir pour passer seul des contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage et l’éducation des enfants (art. 220, al. 1er C. civ.).
    • Chaque époux peut se faire ouvrir, sans le consentement de l’autre, tout compte bancaire en son nom personnel (art. 221, al. 1er C. civ.).
    • Chaque époux est présumé avoir le pouvoir de faire seul un acte d’administration ou de disposition sur un bien meuble qu’il détient individuellement (art. 222, al. 1er C. civ.).
    • Cette présomption est écartée pour les meubles meublants garnissant le logement familial qui sont soumis à la cogestion des époux, et pour les meubles corporels dont la nature fait présumer la propriété de l’autre conjoint (art. 222, al. 2 C. civ.).
  • Le pacs
    • Chaque partenaire peut passer seul un contrat ayant pour objet les besoins de la vie courante (art. 515-4, al. 2, C. civ.).
    • Chaque partenaire peut se faire ouvrir un compte bancaire en son nom personnel.
    • Le partenaire qui détient individuellement un bien meuble est réputé, à l’égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul sur ce bien tout acte d’administration, de jouissance ou de disposition (art. 515-5, al. 3 C. civ.)

==> Protection des majeurs / mesures de crise

  • Le mariage
    • Le conjoint est visé parmi les personnes ayant qualité pour demander au juge l’ouverture d’une mesure de protection de l’autre conjoint (art. 430 et 494-3 C. civ.).
    • Le conjoint fait également partie des personnes susceptibles d’être nommées, en priorité, comme tuteur ou curateur (art. 449 C. civ.), ou comme personne habilitée dans le cadre d’une habilitation familiale (art. 494-1 C. civ.).
  • Le pacs
    • Tout comme le conjoint, le partenaire de PACS a qualité pour demander au juge l’ouverture d’une mesure de protection (art. 430 et 494-3 C. civ.) et pour être nommé prioritairement en qualité de tuteur, curateur ou personne habilitée (art. 449 et 494-1 C. civ.).

==> Représentation en justice

  • Mariage
    • Le conjoint d’un chef d’entreprise commerciale, artisanale ou libérale,
      peut opter pour le statut de collaborateur, de salarié ou d’associé (art.
      L.121-4 C. civ.).
  • Pacs
    • Une partie peut se faire assister ou représenter par son
      partenaire devant certaines juridictions pour lesquelles la
      représentation par avocat n’est pas obligatoire, comme le tribunal
      d’instance, la juridiction de proximité (art. 828 C. civ.), ou le conseil de prud’hommes (art. R. 1453-2, 3° C. tr.).

II) Les différences

A) Le statut

  1. Le statut personnel

==> Le nom d’usage

  • Le mariage
    • Chacun des époux peut porter, à titre d’usage, le nom de l’autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l’ordre qu’il choisit (art. 225-1 C. civ.).
    • Il s’agit d’une simple faculté.
  • Le pacs
    • Le PACS ne produit aucun effet sur le nom.
    • Un partenaire ne peut donc pas porter, à titre d’usage, le nom de l’autre membre du couple.

==> La filiation

  • Le mariage
    • L’enfant conçu ou né pendant le mariage est présumé avoir pour père le mari de la mère (règle de la « présomption de paternité » – art. 312 C. civ.).
    • Possibilité pour le couple marié d’adopter à deux (art. 343 C. civ.) et possibilité pour chacun des membres du couple d’adopter l’enfant du conjoint (articles 345-1 et 360 C. civ.).
    • L’assistance médicale à la procréation est ouverte aux couples mariés hétérosexuels.
  • Le pacs
    • Le PACS n’a aucun effet sur l’établissement de la filiation : il n’existe pas de présomption légale à l’égard du partenaire de la mère qui devra procéder à une reconnaissance.
    • Pas de possibilité pour les partenaires d’adopter à deux (art. 343 C. civ.) ou d’adopter l’enfant du partenaire.
    • L’assistance médicale à la procréation est ouverte aux couples pacsés hétérosexuels.

==> La nationalité

  • Le mariage
    • Le mariage n’exerce de plein droit aucun effet sur la nationalité (art. 21-1 C. civ.)
    • Néanmoins, l’étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut acquérir la nationalité française par déclaration (article 21-2 du code civil) :
      • après un délai de quatre ans à compter du mariage, à condition qu’à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n’ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité ;
      • après un délai de cinq ans à compter du mariage, lorsque l’étranger, au moment de la déclaration, soit ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage, soit n’est pas en mesure d’apporter la preuve que son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l’étranger au registre des Français établis hors de France.
    • Dans tous les cas, le conjoint étranger doit également justifier d’une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française.
  • Le pacs
    • Le PACS n’exerce aucun effet sur la nationalité.
    • Pour obtenir la nationalité française, le partenaire étranger ayant conclu un PACS avec un partenaire français doit déposer une demande de naturalisation (acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique : art. 21-14-1 et s. C. civ.)

2. Le statut patrimonial

==> Au cours de la vie commune

  • Le mariage
    • Si les époux se marient, sans choisir explicitement leur régime matrimonial, sans faire de contrat de mariage, ils sont alors mariés sous un régime posé par la loi :
      • le régime légal de la communauté réduite aux acquêts (art. 1400 et svts. C. civ.).
        • Dans ce régime, les biens dont les époux avaient la propriété avant de se marier leur demeurent propres.
        • En revanche, les biens que les époux acquièrent à titre onéreux (acquêts) pendant le mariage, ainsi que les revenus liés à un bien propre à un époux (loyer d’un immeuble par exemple) et les gains et salaires, sont des biens communs.
        • Les époux disposent néanmoins du libre choix de leur statut matrimonial et peuvent choisir un autre statut parmi les statuts suivants :
      • le régime de la séparation de biens (art. 1536 et svts C. civ.)
        • Il s’agit du régime matrimonial aux termes duquel les patrimoines des époux restent autonomes
        • Il n’existe pas de masse commune, chacun des époux étant propriétaire des biens antérieurement acquis et ceux acquis pendant le mariage, sauf à ce qu’ils acquièrent conjointement des biens qui deviennent alors des biens indivis ;
      • le régime de la participation aux acquêts (article 1569 et svts C. civ.)
        • les époux vivent séparés de biens, et meurent commun en biens.
        • Pendant la durée du mariage, ce régime fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens. Chacun d’eux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels, sans distinguer entre ceux qui lui appartenaient au jour du mariage ou lui sont advenus depuis par succession ou libéralité et ceux qu’il a acquis pendant le mariage à titre onéreux.
        • A la dissolution du régime, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre.
      • le régime de la communauté universelle (article 1526 et svts C. civ.)
        • Tous les biens, tant meubles qu’immeubles, présents au moment de l’adoption de la communauté universelle comme à venir, acquis à titre gratuit aussi bien qu’acquis à titre onéreux, sont communs.
        • La communauté universelle a vocation à appréhender tous les biens dont les époux peuvent être propriétaires à quelque titre que ce soit (excepté pour les biens grevés d’une clause d’exclusion de la communauté et les biens propres par nature, tels les vêtements et linge personnels, créances et pensions incessibles, indemnité pour préjudice matériel ou moral, droits exclusivement attachés à la personne).
  • Le pacs
    • Le PACS connaît un régime légal de séparation de biens, aux termes duquel :
      • Chaque partenaire reste propriétaire des biens qu’il avait acquis avant l’enregistrement de la convention initiale et des biens qu’il acquiert durant le PACS à son nom.
        • Pendant la durée du PACS, les partenaires peuvent néanmoins acquérir un bien en indivision.
        • Puisqu’il reste propriétaire des biens qu’il acquiert après l’enregistrement, l’acquéreur peut faire seul tous les actes d’administration, de jouissance et de disposition sans avoir à obtenir l’accord de l’autre partenaire.
      • Chaque partenaire reste seul tenu des dettes nées avant l’enregistrement de la convention initiale et des dettes nées de son chef pendant la durée du PACS (art. 515-5 al. 1er C. civ.).
        • Les créanciers ne peuvent jamais poursuivre l’autre partenaire en paiement sauf s’il s’agit d’une dette solidaire
    • À défaut d’application de droit du régime de la séparation de biens, les partenaires pacsés peuvent, dans leur convention de PACS, choisir de soumettre au régime de l’indivision les biens qu’ils acquièrent ensemble ou séparément (art. 515-5-1 C. civ.).
      • Le régime de l’indivision ainsi choisi ne s’applique qu’aux acquêts, c’est-à-dire qu’aux biens acquis par les partenaires, ensemble ou séparément, après l’enregistrement de leur convention.
      • Certains acquêts échappent toutefois à l’indivision (art. 515-5-2 C. civ.), comme les deniers perçus par chacun des partenaires à quelque titre que ce soit, les biens créés et leurs accessoires, les biens à caractère personnel.
      • Sur ces biens, les partenaires jouissent d’une gestion concurrente (art. 515-5-3 C. civ.)

==> Le décès

  • Le mariage
    • Le mariage crée une vocation successorale réciproque ab intestat.
    • Le conjoint survivant a des droits successoraux de par la loi. Il recueille :
      • l’usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux (art. 756 C. civ.)
      • la propriété du quart des biens en présence d’un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux (art. 756 C. civ.)
      • la propriété de la moitié des biens en présence des père et mère du conjoint défunt et en l’absence de descendants (art. 757-1 C. civ.)
      • la propriété des trois quart des biens en présence du père ou de la mère du conjoint défunt et en l’absence de descendants (art. 757-1 C. civ.)
      • toute la succession en l’absence de descendants et d’ascendants du
        conjoint défunt (art. 757-2 C. civ.), exception faite des biens précédemment reçus par le conjoint défunt de ses ascendants par succession ou donation qui sont dévolus aux frères et sœurs du défunt, ou à leurs descendants (art. 757-3 C. civ.).
    • Le conjoint bénéficie d’une exonération de droit de succession (art. 796-0 bis CGI).
    • Les mutations entre vifs consenties entre époux demeurent imposables avec un abattement de 80 724 € sur la part du conjoint lié au donateur par le mariage (art. 790 E CGI).
    • Le conjoint survivant a le bénéfice de la pension de réversion.
  • Le pacs
    • Le régime successoral du conjoint survivant ne s’applique pas au partenaire de PACS.
    • Le partenaire survivant bénéficie de la jouissance temporaire du logement commun pendant un an (art. 515-6 C. civ.), mais il n’a pas de vocation successorale légale.
    • Le partenaire survivant ne peut hériter du partenaire défunt que dans la mesure où ce dernier l’a expressément prévu par une disposition testamentaire.
    • Le partenaire survivant est exonéré de droits de succession (art. 796-0 bis CGI).
    • Les mutations entre vifs consenties entre partenaires demeurent imposables avec un abattement de 80 724 € sur la part du partenaire lié au donateur par le PACS (art. 790 F CGI).
    • Le partenaire de PACS survivant ne bénéficie pas d’une pension de réversion.

B) Les effets 

  1. Les devoirs

a.  Les devoirs extrapatrimoniaux

  • Le mariage
    • Les époux sont soumis à un certain nombre d’obligations personnelles qui découlent de plein droit du mariage (art. 212 C. civ.):
      • devoir de fidélité ;
      • devoir de secours, qui consiste à donner à son époux les subsides lui permettant de subvenir à ses besoins ;
      • devoir d’assistance, qui consiste à donner des soins en cas de maladie ou d’infirmité et à apporter une aide morale ;
      • devoir de respect, qui consiste à respecter la liberté et la personnalité de l’autre.
  • Le pacs
    • Les obligations personnelles qui pèsent sur les partenaires sont moins lourdes que celles qui incombent aux époux (art. 515-4 C. civ.)
    • Les partenaires sont tenus à
      • un devoir d’assistance réciproque qui consiste à donner des soins en cas de maladie ou d’infirmité et à apporter une aide morale
      • un devoir de loyauté d’où il s’infère une obligation de fidélité

b. Les devoirs patrimoniaux

==> Obligations alimentaires

  • Le mariage
    • Chaque époux est tenu d’une obligation alimentaire envers les père et mère de son conjoint.
    • Ainsi, les gendres et belles-filles doivent des aliments à leur beau-père et belle-mère. Cependant, cette obligation cesse lorsque celui des époux qui produisait l’affinité et les enfants issus de son union avec l’autre époux sont décédés (art. 206 C. civ.).
  • Le pacs
    • Le partenaire de l’enfant du créancier d’aliments n’est redevable d’aucune obligation alimentaire.

2. Les pouvoirs

==> Le logement familial

  • Le mariage
    • Si, le principe est que chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels, il en va autrement lorsque le bien concerné constitue le logement familial
    • Celui-ci est protégé par l’article 215, al. 3, du code civil, qui interdit à un époux de disposer sans le consentement de son conjoint des droits par lesquels est assuré le logement de la famille.
  • Le pacs
    • Il n’existe pas de disposition analogue à l’article 215 alinéa 3 qui protège le logement familial dans le mariage.

==> Protection des majeurs / mesures de crise

  • Le mariage
    • Pour faire face aux situations de crise, la loi organise des extensions et
      des restrictions de pouvoirs entre époux.
    • Ainsi un époux peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire, si celui-ci est hors de manifester sa volonté ou si son refus n’est pas justifié par l’intérêt de la famille (art. 217 C. civ.).
    • Par ailleurs, si l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d’une manière générale, ou pour certains actes particuliers, dans l’exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial (art. 219, al. 1er C. civ.).
    • Enfin, si l’un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes requises (art. 220-1 C. civ.).
    • Ces différentes mesures de crise ne font pas échec à l’application des techniques de droit commun auxquelles les époux peuvent également recourir : représentation conventionnelle (art. 218 C. civ.) ou gestion d’affaires (art. 219, al. 2 C. civ.).
    • Chaque époux est tenu d’une obligation alimentaire envers les père et mère de son conjoint.
    • Ainsi, les gendres et belles-filles doivent des aliments à leur beau-père et belle-mère. Cependant, cette obligation cesse lorsque celui des époux qui produisait l’affinité et les enfants issus de son union avec l’autre époux sont décédés (art. 206 C. civ.)
  • Le pacs
    • La loi ne comporte aucune disposition spéciale pour faire face aux situations de crise que connaîtraient les partenaires.
    • Ils peuvent cependant avoir recours au mandat de droit commun (art. 1984 C. civ.), voire à la gestion d’affaires (art. 1372 C. civ.).
    • Le partenaire de l’enfant du créancier d’aliments n’est redevable d’aucune obligation alimentaire.

C) La dissolution

==> Les cas de dissolution

  • Mariage
    •  Il est mis fin au mariage soit par le décès, soit par le divorce.
    • Il existe quatre cas de divorce, parmi lesquels :
      • un cas de divorce amiable, le divorce par consentement mutuel : les époux doivent s’accorder sur le principe et les effets du divorce
      • trois divorces contentieux, pour lesquels les époux ne s’accordent pas sur le principe et / ou sur les effets du divorce :
        • le divorce accepté, dans lequel les époux s’accordent sur le principe du divorce, indépendamment des raisons de celui-ci, mais pas sur les effets ;
        • le divorce pour altération définitive du lien conjugal, dans lequel les époux doivent vivre séparément depuis au moins deux ans ;
        • le divorce pour faute, qui pourra être prononcé en cas de violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage imputables à un des conjoints et qui rendent intolérable le maintien de la vie commune.
  • Le pacs
    • Les causes de dissolution du PACS sont :
      • le décès d’un des partenaires
      • la célébration du mariage entre les partenaires ou de l’un d’eux avec un tiers
      • la volonté unilatérale ou conjointe des partenaires de mettre fin au PACS.

 ==> Procédure de dissolution

  • Mariage
    • Pour le divorce par consentement mutuel
      • Les époux, assistés chacun de leur avocat, établissent une convention, qui est signée après un délai de réflexion par les deux époux et leurs deux avocats.
      • Cette convention est ensuite déposée au rang des minutes d’un notaire ce qui donne force exécutoire au divorce.
      • Par exception, si l’enfant du couple demande à être entendu par le juge, les époux saisissent le juge aux affaires familiales.
    • Pour les autres cas de divorce
      • l’époux qui veut former une demande en divorce présente, par l’intermédiaire de son avocat, une requête au juge aux affaires familiales.
      • S’en suit une phase de conciliation, à l’issue de laquelle les époux, s’ils ne sont pas mis d’accord sur les causes et les effets du divorce, pourront assigner l’autre en divorce.
    • La séparation de corps
      • Les époux peuvent également demander à être séparés de corps.
      • Dans ce cas, les époux restent mariés, mais la loi supprime le devoir de communauté de vie.
      • Néanmoins, les autres devoirs personnels perdurent, notamment la fidélité.
      • Le devoir de secours est également maintenu se traduisant par l’octroi d’une pension alimentaire
  • Le pacs
    • Les partenaires qui décident de mettre fin d’un commun accord au pacte civil de solidarité remettent ou adressent à l’officier de l’état civil du lieu de son enregistrement ou au notaire instrumentaire qui a procédé à l’enregistrement du pacte une déclaration conjointe à cette fin.
    • Le partenaire qui décide de mettre fin au pacte civil de solidarité le fait signifier à l’autre.
    • Une copie de cette signification est remise ou adressée à l’officier de l’état civil du lieu de son enregistrement ou au notaire instrumentaire qui a procédé à l’enregistrement du pacte.

==> Les conséquences de la dissolution

  • Le mariage
    • Les conjoints mariés sous un régime de communauté doivent liquider leur régime matrimonial :
      • Il est établi le compte des « récompenses » que chaque époux doit à la communauté ou que la communauté leur doit.
      • L’actif de la communauté est partagé par moitié entre les époux.
        • En cas de désaccord entre les conjoints, les biens peuvent être vendus et le prix de vente partagé.
    • Sous le régime de la participation aux acquêts, à la dissolution du mariage, chacun des conjoints a le droit de participer pour moitié aux acquêts du conjoint et en principe, chaque époux bénéficie, à hauteur de moitié, des acquêts de l’autre, mais le contrat de mariage peut prévoir une proportion différente.
    • Ceux mariés sous la séparation de biens doivent également liquider l’indivision dès lors qu’ils ont acquis des biens ensemble ou que l’un a engagé des dépenses qui ont valorisé le patrimoine de l’autre.
    • En matière de divorce, l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation (dite prestation compensatoire) destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Elle prend en principe la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge ou par la convention de divorce
  • Le pacs
    • Il revient aux partenaires de procéder à la liquidation des droits et obligations issus du PACS (art. 515-7 al.10 C. civ.).
      • Chacun des partenaires reprend ses biens personnels.
      • Les biens indivis sont partagés par moitié, sauf modalités conventionnelles contraires.
      • Les créances entre les partenaires sont réglées, sous l’empire des règles de calcul des récompenses entre époux communs en biens.
    • Le régime de la prestation compensatoire ne s’applique pas aux partenaires de PACS.