La solidarité des dettes ménagères: régime juridique

==> Vue générale

Assez paradoxalement alors que la femme mariée était, jadis, frappée d’une incapacité d’exercice générale, très tôt on a cherché à lui reconnaître une sphère d’autonomie et plus précisément à lui octroyer un pouvoir de représentation de son mari.

La raison en est que l’entretien du ménage et l’éducation des enfants requièrent l’engagement d’un certain nombre de dépenses courantes. Or tel a été la tâche qui, pendant longtemps, a été exclusivement dévolue à la femme mariée.

Elle était, en effet, chargée d’accomplir les tâches domestiques, tandis que le mari avait pour mission de procurer au foyer des revenus de subsistance.

Afin de permettre à la femme mariée de tenir son rôle, il fallait imaginer un système qui l’autorise à accomplir des actes juridiques et plus précisément à contracter avec les tiers pour tout ce qui avait trait aux dépenses de la vie courante.

Dans un premier temps, il a été recouru à la figure juridique du mandat domestique, ce qui consistait à considérer que le mari avait donné tacitement mandat à son épouse à l’effet de le représenter quant à l’accomplissement de tous les actes nécessaires à la satisfaction des besoins de la vie courante.

De cette manière, ce dernier se retrouvait personnellement engagé par les engagements souscrits par sa conjointe auprès des tiers, alors même que, à titre individuel, elle était frappée d’une incapacité juridique.

Le recours à cette technique juridique n’était toutefois pas sans limite. Le mari n’était obligé envers les tiers qu’autant qu’il était démontré qu’il avait, au moins tacitement, donné mandat à son épouse à l’effet de le représenter.

À l’inverse, s’il parvenait à établir qu’il n’avait pas consenti à l’acte dénoncé, les tiers ne disposaient d’aucun recours direct contre lui, ce qui les contraignait à exercer au gré des circonstances, tantôt à emprunter la voie de l’action de in rem verso, tantôt à l’action oblique.

En réaction à cette situation fâcheuse qui menaçait les intérêts des tiers, ce qui les avait conduits à exiger systématiquement l’accord exprès du mari pour les dépenses de la vie courante, au préjudice du fonctionnement du ménage, le législateur a décidé d’intervenir au milieu du XXe siècle.

Dans un deuxième temps, la loi du 22 septembre 1942 a ainsi consacré la règle du mandat domestique en instituant une présomption de pouvoir de la femme mariée à l’article 220 du Code civil.

Cette disposition prévoyait en ce sens que « la femme mariée a, sous tous les régimes, le pouvoir de représenter le mari pour les besoins du ménage et d’employer pour cet objet les fonds qu’il laisse entre ses mains. »

Et le second alinéa du texte de préciser que « les actes ainsi accomplis par la femme obligent le mari envers les tiers, à moins qu’il n’ait retiré à la femme le pouvoir de faire les actes dont il s’agit, et que les tiers n’aient eu personnellement connaissance de ce retrait au moment où ils ont traité avec elle. »

Curieusement, alors que sensiblement à la même période, la loi du 18 février 1938 venait d’abolir l’incapacité civile de la femme mariée, l’article 220 du Code civil nouvellement adopté par la loi du 22 septembre 1942 ne lui reconnaissait une autonomie ménagère que par l’entremise du pouvoir de représentation de son mari dont elle était désormais légalement investie.

Il en résultait une situation pour le moins cocasse s’agissant de l’étendue du gage des créanciers auprès desquels elle souscrivait une dette ménagère :

  • Lorsque la femme était mariée sous le régime de la communauté, seuls les biens personnels de son mari et les biens communs étaient engagés
  • Lorsque la femme était mariée sous le régime de la séparation de biens, le gage des créanciers se limitait aux biens propres de son mari

En tout état de cause, parce qu’elle agissait en représentation de son mari pour les dépenses ménagères, la femme mariée n’engageait jamais ses biens propres (réservés), alors même qu’elle était investie du pouvoir juridique d’en disposer seule.

Afin de neutraliser cet effet indésirable du mandat domestique qui conduisait à réduire le gage des créanciers, dès 1934 la Cour de cassation avait reconnu une obligation solidaire pesant sur les époux séparés en biens s’agissant des dépenses ménagères (V. en ce sens Cass. req. 31 oct. 1934).

Cette reconnaissance d’une solidarité ménagère des époux a, par suite, été internée par le législateur à l’occasion de la grande réforme des régimes matrimoniaux qui est intervenue en 1965 et qui visait à instituer une véritable égalité entre la femme mariée et son époux.

Dans un troisième temps, la loi n°65-570 du 13 juillet 1965 a reformulé les termes de l’article 220 du Code civil en reconnaissant à la femme mariée, non plus un pouvoir de représentation de son mari pour les dépenses de la vie courante, mais un pouvoir propre d’engager le ménage envers les tiers au titre de cette catégorie de dépenses.

Ce texte prévoit désormais que « chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement. »

Il régit ainsi les rapports que les époux entretiennent avec les tiers pour ce que l’on appelle les dépenses ménagères.

À cet égard, le dispositif ainsi institué à l’article 220 du Code civil ne doit pas être confondu avec celui posé à l’article 214 du Code civil qui intéresse l’obligation de contribution aux charges du mariage.

Ces deux dispositions énoncent des mécanismes distincts et complémentaires.

==> Contribution aux charges du mariage et solidarité des dettes ménagères

L’obligation de contribution aux charges du mariage envisagée à l’article 214 du Code civil doit donc fondamentalement être distinguée du principe de solidarité des dettes ménagères énoncé à l’article 220.

Tandis que l’une se rapporte à ce que l’on appelle la contribution à la dette, l’autre intéresse l’obligation à la dette.

  • L’obligation à la dette
    • L’obligation à la dette détermine l’étendue du droit de poursuite des tiers, au cours de la vie commune, s’agissant des créances qu’ils détiennent à l’encontre des époux.
    • Autrement dit, elle répond à la question de savoir si un tiers peut actionner en paiement le conjoint de l’époux avec lequel il a contracté et, si oui, dans quelle mesure.
      • Exemple:
        • Un époux se porte acquéreur d’un véhicule sans avoir obtenu, au préalable, le consentement de son conjoint.
        • La question qui immédiatement se pose est de savoir si, en cas de défaut de paiement de l’époux contractant, le vendeur pourra se retourner contre son conjoint, alors même que celui-ci n’a pas donné son consentement à l’opération et qu’il n’est donc pas partie au contrat.
        • Les règles qui régissent l’obligation à la dette répondent à cette question.
    • Aussi, l’obligation à la dette intéresse les rapports entre les tiers et les époux.
    • Elle est notamment traitée à l’article 220 du Code civil qui institue un principe de solidarité pour le règlement des dettes ménagères.

 

  • La contribution à la dette
    • La contribution à la dette se distingue de l’obligation à la dette en ce qu’elle détermine la part contributive de chaque époux dans les charges du mariage.
    • Autrement dit, elle répond à la question de savoir dans quelles proportions les époux doivent-ils réciproquement supporter les dépenses exposées dans le cadre du fonctionnement du ménage.
    • L’article 214 du Code civil prévoit, à cet égard, que la part contributive de chaque époux est proportionnelle à leurs facultés respectives.
      • Exemple :
        • Les dépenses de fonctionnement d’un couple marié s’élèvent à 1.000 euros
        • L’un des époux perçoit un salaire de 3.000 euros, tandis que le salaire de l’autre est de 1.500 euros
        • Celui qui gagne 3.000 euros devra donc contribuer deux fois plus que son conjoint aux charges du mariage.
    • La contribution à la dette intéresse ainsi les rapports que les époux entretiennent entre eux et non les relations qu’ils nouent avec les tiers.
    • Cette contribution est réglée par l’article 214 du Code civil qui règle la contribution aux charges du mariage.

 

En résumé, lorsqu’un époux est actionné en paiement par un tiers pour le règlement d’une dette contractée par son conjoint, il pourra toujours se retourner contre ce dernier, après avoir désintéressé le créancier, au titre de l’obligation de contribution aux charges du mariage.

Aussi, le traitement d’une difficulté relative au règlement d’une dette contractée par un époux sans le consentement de son conjoint, supposera de toujours raisonner en deux temps :

  • Premier temps : l’obligation à la dette
    • Le tiers peut-il agir contre le conjoint de l’époux qui a contracté la dette ?
    • S’il s’agit d’une dette ménagère au sens de l’article 220 du Code civil, il pourra actionner indifféremment l’un des deux époux pour le tout.
    • Une fois le règlem.ent de la dette effectué, la détermination de sa répartition entre les époux relève de la question de la contribution aux charges du mariage
  • Second temps : la contribution à la dette
    • L’époux qui a désintéressé le tiers, alors même qu’il n’avait pas contracté la dette, peut-il se retourner contre son conjoint et, si oui, dans quelle proportion ?
    • Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 214 du Code civil qui prévoit qu’une telle action n’est recevable qu’à la condition que la dette qui a été réglée endosse la qualification de charge du mariage.
    • Il faut encore que soit démontré que l’époux contre lequel l’action est dirigée n’a pas contribué aux charges du mariage à proportion de ses facultés.
    • Si tel est le cas, ce dernier devra supporter à titre définitif, une partie, voire la totalité, du poids de la dette

 

==> Champ d’application

L’article 220 du Code civil relève de ce que l’on appelle le régime primaire impératif applicable.

Par hypothèse, l’application du régime primaire est subordonnée à la satisfaction d’une condition : le mariage.

Bien que l’on puisse relever quelques décisions audacieuses, dans lesquelles les juges ont cherché à faire application, dans le cadre d’une relation de concubinage qu’ils avaient à connaître, de certaines dispositions du régime matrimonial primaire, la jurisprudence de la Cour de cassation a toujours été constante sur ce point : les concubins ne sauraient bénéficier des effets du mariage et plus particulièrement de l’application du régime primaire.

Régulièrement, la Cour de cassation refuse de faire application de l’article 220 du Code civil qui régit l’obligation de solidarité des époux pour les dépenses ménagères.

La Cour de cassation a, par exemple, jugé dans un arrêt du 2 mai 2001, que l’article 220 du Code civil « qui institue une solidarité de plein droit des époux en matière de dettes contractées pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, n’est pas applicable en matière de concubinage » (Cass. 1ère civ. 2 mai 2001, n°98-22836).

La première chambre civile a statué dans le même sens dans un arrêt du 12 décembre 2006 (Cass. 1ère civ. 12 déc. 2006, n°05-17.426), puis dans un arrêt du 23 mars 2011 où elle reprend, à l’identique, son attendu de principe énoncé dans son arrêt rendu en 2001 (Cass. 1ère civ. 23 mars 2011, n°09-71.261)

Le refus de faire bénéficier les concubins du régime primaire vient de ce que la famille a toujours été appréhendée par le législateur comme ne pouvant se réaliser que dans un seul cadre : le mariage.

Celui-ci est envisagé par le droit comme ce qui « confère à la famille sa légitimité »[1] et plus encore, comme son « acte fondateur »[2].

Aussi, en se détournant du mariage, les concubins sont-ils traités par le droit comme formant un couple ne remplissant pas les conditions lui permettant de quitter la situation de fait dans laquelle il se trouve pour s’élever au rang de situation juridique. D’où la célèbre formule prêtée à Napoléon qui aurait dit que « puisque les concubins se désintéressent du droit, le droit se désintéressera d’eux ».

À cet égard, l’article 1310 du Code civil prévoit que « la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas ».

Il s’infère de cette disposition que la seule solution pour les concubins de bénéficier du dispositif instauré à l’article 220 du Code civil, c’est de stipuler dans les contrats qu’ils concluent avec les tiers une clause de solidarité.

En pratique, la stipulation d’une telle clause leur sera d’ailleurs imposée par les tiers et notamment lorsqu’il s’agira pour les concubins de souscrire un emprunt ou un bail en commun.

Dans un arrêt du 27 avril 2004, la Cour de cassation a jugé en ce sens, au visa des articles 220 et 1202 du Code civil « qu’aux termes du second de ces textes, la solidarité ne se présume point ; qu’il faut qu’elle soit expressément stipulée ; que cette règle ne cesse que dans les cas où la solidarité a lieu de plein droit, en vertu d’une disposition de la loi ; que le premier, qui institue une solidarité de plein droit des époux en matière de dettes contractées pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, n’est pas applicable en cas de concubinage » (Cass. 1ère civ. 27 avr. 2004, n°02-16291).

La solidarité entre concubins n’a ainsi vocation à jouer qu’à la condition qu’elle ait été expressément stipulée, faute de quoi seul le concubin qui s’est engagé sera tenu envers le tiers.

Réciproquement, le créancier ne pourra actionner en paiement que celui avec lequel il a contracté, peu importe qu’il soit insolvable et que son concubin, non partie à l’acte, dispose de la capacité financière de régler sa créance.

S’agissant du poids définitif de la dette, celui qui a réglé ne disposera d’aucun recours contre son concubin dans la mesure où, à l’instar de l’article 220 du Code civil, l’article 214 n’est pas applicable au couple de concubins (Cass. 1ère civ. 19 mars 1991, n°88-19400).

Il est donc indifférent qu’il ait réglé une dette au-delà de sa part contributive, alors même qu’elle a été souscrite dans l’intérêt du ménage.

Dans cette étude, consacrée à la solidarité des dettes ménagères, nous ne nous focaliserons donc que sur le couple marié, étant précisé que le régime matrimonial pour lequel il a opté sans incidence sur l’application de l’article 220 du Code civil.

Parce que cette disposition relève du régime primaire impératif, elle est d’ordre public. Les époux ne peuvent donc pas y déroger par convention contraire. Elle est donc applicable, tout autant aux époux mariés sous un régime communautaire, qu’aux époux mariés sous un régime séparatiste.

Dans cette perspective, dans un premier temps nous nous focaliserons sur le principe de solidarité des dettes ménagères après quoi nous envisagerons son domaine.

I) Le principe de solidarité des dettes ménagères

A) Le contenu de l’obligation de solidarité

L’article 220, al. 1er du Code civil prévoit que « chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement. »

Il s’infère de cette disposition une règle de pouvoir constituée de deux principes distincts :

==> Premier principe : le pouvoir de contracter avec les tiers pour les dépenses ménagères

  • Exposé du principe
    • La première proposition de l’alinéa 1er de l’article 220 du Code civil confère à chaque époux le pouvoir de contracter seul avec les tiers pour les dépenses ménagères.
    • Cela signifie donc qu’il n’est pas nécessaire, pour ce type de dépense, que les époux consentent tous les deux à l’acte.
    • Chaque époux est investi du pouvoir d’engager le ménage sans que l’autorisation de l’autre ne soit requise.
    • Ce pouvoir n’est pas seulement l’apanage du mari, il est également conféré à l’épouse qui n’est donc plus réputée agir au titre d’un mandat domestique à l’effet de représenter son mari, comme cela était le cas sous l’empire du droit antérieur.
    • Désormais, tous deux sont investis, à parts égales, du même pouvoir dont l’octroi est un acquis de haute lutte de la femme mariée qui a finalement été entendue par le législateur en 1965.
  • Justification du principe
    • L’octroi d’une sphère d’autonomie aux époux se justifie pour des raisons d’ordre, tant pratiques, qu’économiques.
      • Sur le plan pratique
        • Il est absolument nécessaire que les époux disposent d’une sphère d’autonomie pour les dépenses ménagères, ce qui leur permet d’agir seuls pour ce type de dépenses courantes, sans avoir à solliciter systématiquement l’autorisation du conjoint.
        • Il s’agit, autrement dit, de faciliter le fonctionnement du ménage qui ne doit pas être paralysé par un excès de formalisme.
        • Pratiquement, il serait difficilement concevable d’imposer à un époux d’obtenir le consentement formel de son conjoint pour acheter une baguette de pain ou régler une facture d’électricité ou encore un loyer.
      • Sur le plan économique
        • L’octroi d’une sphère d’autonomie aux époux a pour effet d’augmenter la surface de crédit du ménage.
        • En effet, un tiers sera toujours plus enclin à contracter avec un époux s’il sait que ce dernier est investi du pouvoir d’engager le ménage et que donc l’assiette de son gage s’en trouvera augmentée d’autant.
        • Dans le cas contraire, il préférera, soit solliciter le consentement du conjoint à l’acte afin de s’assurer qu’il pourra l’actionner en paiement en cas de défaillance, soit ne pas conclure l’opération.
  • Fondement du principe
    • Il est une discussion en doctrine sur le fondement du principe d’autonomie ménagère des époux.
    • Lorsqu’un époux contracte auprès de tiers pour des dépenses ménagères, agit-il en représentation du ménage ou de son conjoint ?
    • Dans le premier cas, cela signifierait que le ménage serait doté d’une personnalité morale « atténuée », pour reprendre le qualificatif du Professeur Gérard Champenois et que donc il serait constitutif d’une sorte de société conjugale[3]. A cet égard, Portalis définissait le mariage comme « la société de l’homme et de la femme qui s’unissent […]».
    • Dans le second cas, on pourrait voir dans le principe d’autonomie ménagère l’instauration d’un mandat de représentation mutuelle entre époux, chacun représentant l’autre pour les actes de la vie courante[4].
    • À l’examen, l’enjeu du fondement est ici moins pratique que théorique dans la mesure où c’est la loi qui instaure une solidarité entre époux pour les dépenses ménagères.

==> Second principe : la solidarité des époux pour les dettes ménagères souscrites auprès des tiers

  • Exposé du principe
    • La seconde proposition de l’alinéa 1er de l’article 220 du Code civil prévoit que toute dette ménagère contractée par un seul époux oblige l’autre solidairement.
    • Cette disposition instaure donc une solidarité entre les époux pour les dépenses dont l’objet est l’entretien du ménage et l’éducation des enfants.
    • La solidarité ainsi instituée est passive, en ce sens qu’elle octroie au créancier d’obligations souscrites au titre de dépenses ménagères deux débiteurs en la personne des époux.
    • L’instauration de cette solidarité passive entre époux emporte plusieurs conséquences :
      • L’obligation au total
        • L’une des principales caractéristiques de la solidarité passive est que les débiteurs sont tenus à une même dette, quelle que soit la cause de leur engagement.
        • En raison de cette unicité de la dette qui échappe au principe de division, il en résulte que chacun est obligé à la totalité de la dette.
        • L’article 1313, al. 1er prévoit en ce sens que « la solidarité entre les débiteurs oblige chacun d’eux à toute la dette».
        • Appliqué à la situation du couple marié, cela signifie le créancier peut réclamer à n’importe quel époux de régler la totalité de la dette contractée seul par l’autre conjoint.
        • Il est donc indifférent que l’époux qui est actionné en paiement pour le tout ne soit pas partie à l’acte : il est obligé solidairement avec son conjoint qui a souscrit seul une dette ménagère auprès d’un tiers.
      • La faculté d’élection du créancier
        • Aux termes de l’article 1313, al. 2e du Code civil, « le créancier peut demander le paiement au débiteur solidaire de son choix. »
        • Le créancier dispose donc de ce que l’on appelle traditionnellement une faculté d’élection.
        • Il peut, en effet, choisir discrétionnairement celui d’entre les codébiteurs auquel il réclamera le paiement, par voie extrajudiciaire ou judiciaire, sans avoir à mettre en cause les autres ou même simplement les avertir.
        • Les codébiteurs, tous placés sur le même plan, ne jouissent d’aucun bénéfice de discussion et bien évidemment d’aucun bénéfice de division.
        • Le créancier d’une dette ménagère peut ainsi décider d’actionner en paiement, selon son bon vouloir et pour le tout, l’un ou l’autre époux.
      • La pluralité de liens d’obligations fonde une pluralité de poursuites
        • Contrairement à la solution ancienne du droit romain fondée sur la litis contestatio, les poursuites engagées contre l’un des débiteurs n’empêchent pas le créancier d’agir contre les autres.
        • L’article 1313, al. 2 dispose que « les poursuites exercées contre l’un des débiteurs solidaires n’empêchent pas le créancier d’en exercer de pareilles contre les autres. »
        • Il appartiendra néanmoins au créancier lorsqu’il diligentera des poursuites ultérieures de déduire du montant de sa demande le paiement partiel précédemment obtenu de l’un des codébiteurs.
      • Unicité de la dette
        • En raison de l’unicité de la dette, qui donc ne fait pas l’objet d’une division, les différents rapports d’obligation sont placés sous la dépendance mutuelle de leur exécution réciproque.
        • La conséquence en est que paiement fait par l’un des débiteurs libère les autres à l’égard du créancier.
        • Cette règle est exprimée à l’article 1313, al. 1er du Code civil.
    • Une fois le créancier d’une dette ménagère désintéressé, l’époux qui a réglé disposera d’un recours contre son conjoint au titre de l’obligation de contribution aux charges du mariage énoncée par l’article 214 du Code civil.
    • Encore faudra-t-il qu’il démontre que son codébiteur ne s’est pas acquitté de son obligation à hauteur de sa part contributive.
  • Portée du principe
    • La portée du principe de solidarité diffère selon que régime matrimonial applicable aux époux présente un caractère séparatiste ou communautaire.
      • S’agissant des régimes séparatistes
        • Lorsque les époux sont mariés sous un régime séparatiste, le principe de solidarité ménagère déroge à la règle selon laquelle les dettes contractées par un époux n’engagent pas son conjoint.
        • L’article 1536, al. 2e du Code civil dispose en ce sens que « lorsque les époux ont stipulé dans leur contrat de mariage qu’ils seraient séparés de biens […] chacun d’eux reste seul tenu des dettes nées en sa personne avant ou pendant le mariage»
        • Le texte précise néanmoins que cette règle s’applique « hors le cas de l’article 220».
      • S’agissant des régimes communautaires
        • Lorsque les époux sont mariés sous un régime communautaire, le principe de solidarité déroge à la règle selon laquelle la dette contractée seul par un époux n’engage, ni les biens propres de son conjoint ( 1418, al. 1er C. civ.), ni ses gains et salaires (art. 1414 C. civ.).
        • Reste que les deux règles sont en phase s’agissant de l’engagement des biens communs ordinaires.
        • L’article 1413 du Code civil prévoit, en effet, que les dettes nées du chef d’un époux pendant la communauté peuvent « toujours être poursuivi sur les biens communs».
    • Au bilan, il apparaît que ce sont moins les règles des régimes communautaires que celles des régimes séparatistes qui se trouvent affectées par le jeu de l’article 220 du Code civil, lequel relève, on le rappelle, du régime primaire impératif.
  • Limite du principe
    • Quel que soit le régime matrimonial pour lequel les époux ont opté, le principe de solidarité ménagère se heurte à une limite : l’affectation par un époux de tout ou partie de son patrimoine à l’exercice de son activité professionnelle.
    • L’article L. 526-6 du Code de commerce dispose que « pour l’exercice de son activité en tant qu’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, l’entrepreneur individuel affecte à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d’une personne morale, dans les conditions prévues à l’article L. 526-7. »
    • Ce texte autorise ainsi l’entrepreneur individuel, qui adopte le statut d’EIRL, à affecter un patrimoine à l’exercice de son activité professionnelle de façon à protéger son patrimoine personnel et familial, sans créer de personne morale distincte de sa personne.
    • La constitution d’un patrimoine d’affectation a pour effet la création d’un patrimoine professionnel séparé et distinct du patrimoine personnel de l’entrepreneur.
    • Ce patrimoine d’affectation sera ainsi hors de portée des créanciers domestiques qui ne pourront poursuivre l’entrepreneur marié que sur ses biens non affectés à son activité professionnelle.
    • L’article L. 526-12 du Code de commerce invite néanmoins à distinguer selon que les dettes contractées sont nées postérieurement à la déclaration d’’affectation ou antérieurement.
      • S’agissant des dettes nées postérieurement à la déclaration d’affectation
        • Elles sont exécutoires sur les biens affectés par l’entrepreneur individuel à son activité professionnelle à la condition que la déclaration d’affectation leur soit opposable, ce qui implique que les formalités requises par l’article L. 526-7 du Code de commerce aient été valablement accomplies
      • S’agissant des dettes nées antérieurement à la déclaration d’affectation
        • Elles sont exécutoires sur les biens affectés par l’entrepreneur individuel à son activité professionnelle à la double condition que :
          • D’une part, elles aient été mentionnées dans la déclaration
          • D’autre part, que cette déclaration ait été portée à la connaissance des créanciers concernés afin qu’ils soient en mesure d’exercer leur droit de former opposition
    • S’agissant des créanciers auxquels la déclaration d’affectation n’est pas opposable, ils ont, en application de l’article L. 526-12 du Code de commerce « pour seul gage général le patrimoine non affecté. »

B) La durée de l’obligation de solidarité

  1. Principe

Il est de principe que l’obligation de solidarité des époux pour les dépenses ménagères pèse sur eux aussi longtemps que perdure le mariage.

Aussi, seule la dissolution de l’union matrimoniale est susceptible de mettre fin à cette obligation.

La question s’est alors posée de savoir si la séparation de fait ou de droit était susceptible de neutraliser la solidarité des époux.

==> S’agissant de la séparation de fait

La séparation de fait des époux est donc, en principe, sans incidence sur l’obligation de contribution aux charges du mariage.

À cet égard, dans un arrêt du 10 mars 1998, la Cour de cassation a affirmé que parce que « la séparation de fait laisse subsister les obligations nées du mariage » la séparation de fait des époux ne saurait « faire échec aux règles de la solidarité » (Cass. 1ère civ. 10 mars 1998, n°96-15829).

La doctrine justifie la solution retenue par la Cour de cassation en reliant l’obligation de solidarité des époux pour les dettes ménagères à l’obligation de communauté de vie.

La séparation de fait étant constitutive d’une violation de l’obligation de communauté de vie, elle ne saurait dispenser les époux de satisfaire les engagements pris par l’un ou par l’autre envers les tiers dans l’intérêt du ménage.

L’enjeu de la protection des tiers n’est, d’ailleurs, pas sans renforcer le bien-fondé du principe dans la mesure où, par hypothèse, la séparation de fait ne leur est pas imposable.

Dans la mesure où ils ne sont donc pas censés être informés de la rupture de la vie commune des époux, admettre que cette situation puisse neutraliser le mécanisme de solidarité instauré par l’article 220 du Code civil reviendrait à faire courir le risque pour les tiers de voir l’assiette de leur gage diminué, car amputé, a minima, des biens propres du conjoint de l’époux avec lequel ils ont contracté.

Corrélativement, il en résulterait une diminution du crédit du ménage, la perspective d’une levée de la solidarité des époux pour cause de séparation de fait étant susceptible de conduire les tiers à faire montre de méfiance à leur endroit, soit tout le contraire du résultat recherché par le législateur lorsque, en 1965, l’article 220 du Code civil a été repensé.

Pour toutes ces raisons, la jurisprudence demeure fermement opposée à ce que la séparation de fait soit une cause de suspension de l’obligation de solidarité des époux.

La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que cette obligation perdurait tant que la décision prononçant le divorce n’avait pas fait l’objet d’une transcription sur les registres d’état civil, formalité de publicité dont l’accomplissement est exigé pour que le divorce soit opposable aux tiers (V. en ce sens Cass. 3e civ. 22 oct. 2015, n°14-23726).

==> La séparation de droit

Si l’on conçoit aisément que la séparation de fait soit sans incidence sur le maintien de l’obligation de solidarité des époux pour les dettes ménagères pour les raisons ci-avant exposées, qu’en est-il lorsque la séparation des époux est de droit ?

Par séparation de droit, il faut entendre l’autorisation donnée par un juge aux époux de vivre séparément.

Cette autorisation peut intervenir :

  • Soit dans le cadre d’une procédure de divorce
  • Soit dans le cadre d’une procédure de séparation de corps

Dans les deux cas, tandis que le mariage subsiste, l’obligation de communauté de vie énoncée à l’article 215, al. 1er du Code civil est suspendue.

L’obligation de solidarité des époux connaît-elle, par contamination, le même sort ? Pour le déterminer, il convient d’opérer une distinction entre la séparation des époux qui résulte d’une séparation de corps de celle qui procède d’une autorisation judiciaire.

  • La séparation des époux résulte d’une séparation de corps
    • Dans cette hypothèse, la Cour de cassation a admis que l’obligation de solidarité des époux pour les dettes ménagères était suspendue, à la condition que le jugement prononçant la séparation de corps ait fait l’objet des formalités de publicité requises ( 3e civ. 2 juin 1993, n°91-14522).
    • Ainsi, toutes les dettes ménagères contractées par les époux postérieurement à l’inscription de la mention du jugement de séparation de corps en marge des registres d’état civil ne donnent pas lieu à solidarité.
    • Le gage des tiers se limite ainsi aux seuls biens propres de l’époux avec lequel ils ont contracté, la séparation de corps instituant, entre les époux, un régime de séparation de biens.
  • La séparation des époux résulte d’une autorisation judiciaire
    • Dans cette hypothèse, la réponse apportée par la Cour de cassation, au gré des décisions, est sensiblement toujours la même.
    • Régulièrement, elle affirme que la séparation des époux, fût-elle autorisée par le juge, n’affecte pas l’obligation de solidarité qui pèse sur eux pour les dettes ménagères.
    • Il est donc indifférent qu’ils aient été autorisés, par une ordonnance de non-conciliation, à résider séparément : l’obligation de solidarité demeure (V. en ce sens 3e civ. 27 mai 1998, n°96-13543).
    • Si, certains auteurs, s’étonnent de la différence de traitement à laquelle se livre la Cour de cassation entre la séparation de corps et l’autorisation judiciaire de résidence séparée, elle répugne, pour l’heure, à revenir sur sa position.
  1. Tempérament

Nonobstant la rigidité du principe posé par la Cour de cassation qui n’admet la suspension de l’obligation de solidarité des dettes ménagères qu’en cas de séparation de corps des époux, elle a finalement consenti à assortir ce principe d’un tempérament.

Dans plusieurs arrêts, la Cour de cassation a, en effet, admis que des dettes qui, en l’absence de séparation des époux, auraient été qualifiées de ménagères ne donnent pas lieu à solidarité.

Dans un arrêt du 15 novembre la Première chambre civile a ainsi jugé que la souscription d’un abonnement téléphonique par une femme mariée à son seul nom, alors qu’elle n’habitait plus avec son mari au moment de la souscription, n’obligeait pas solidairement ce dernier au paiement de la dette (Cass. 1ère civ. 15 nov. 1984, n°93-12332).

Dans un arrêt du 14 février 1995, la Cour de cassation a statué dans le même sens pour une indemnité d’occupation due par un époux qui, tandis qu’il était en instance de divorce avec son épouse, s’était maintenu dans le logement familial après la résiliation du bail (Cass. 1ère civ. 14 févr. 1995, n°92-19780).

Ces décisions ne sont manifestement pas sans avoir agité la doctrine qui s’est demandé s’il ne fallait pas y voir un fléchissement de la Cour de cassation sur sa position de refuser la suspension de l’obligation de solidarité des époux pour les dépenses ménagères en cas de séparation de fait.

À l’examen, il s’agit moins d’un fléchissement que de l’adoption d’une approche, sous un autre angle, de la situation dans laquelle se trouvent les époux lorsqu’ils vivent séparément.

Au fond, l’obligation de solidarité des dettes ménagères ne se conçoit que lorsque ces dettes sont contractées dans l’intérêt du ménage.

Lorsque tel n’est pas le cas, cette obligation ne se justifie plus, raison pour laquelle la solidarité sera écartée par le juge auquel il appartient de systématiquement vérifier si la dépense litigieuse relève ou non de la catégorie des dépenses ménagères.

Cette vérification est cruciale, puisque détermine l’étendue du gage des créanciers et corrélativement celle de l’engagement du conjoint qui n’est pas partie à l’acte.

La lecture des arrêts rendus en 1994 et en 1995 révèle que c’est par ce biais de la qualification de la dépense que la Cour de cassation appréhende désormais la question du maintien de l’obligation de solidarité en cas de séparation de fait des époux.

Dans ces deux décisions, la Première chambre civile a, en effet, estimé que la solidarité n’avait pas lieu de jouer dans la mesure où la dette contestée avait été souscrite dans l’intérêt exclusif, tantôt de l’épouse qui avait contracté un abonnement téléphonique à son seul nom, tantôt du mari qui s’était maintenu seul dans la résidence familiale après la résiliation du bail.

Dans les deux cas, la Cour de cassation relève que la dépense n’était ni destinée à l’entretien du ménage, ni à l’éducation des enfants.

Elle en déduit que cette dépense ne pouvait pas être qualifiée de ménagère. Dans ces conditions, la solidarité devait être écartée.

Techniquement, la Cour de cassation n’est ainsi nullement revenue, sur sa position antérieure, ni ne l’a amendée ; elle a seulement adopté une autre approche qui consiste à s’interroger sur le caractère ou non ménager de la dépense.

Aussi, en cas séparation de fait des époux, le maintien de l’obligation de solidarité dépend de l’intérêt servi par la souscription de la dette.

  • Si la dépense est exposée dans l’intérêt exclusif d’un époux, alors il n’y aura pas lieu de faire jouer la solidarité.
  • Si, en revanche, la dette est souscrite dans l’intérêt du ménage, le gage des créanciers, tel qu’envisagé à l’article 220 du Code civil, ne sera pas affecté par la séparation des époux.

Reste la question de la sécurité des créanciers qui, dans bien des cas, ne seront pas informés de la séparation des époux.

En admettant que la solidarité puisse ne pas jouer en cas de séparation de fait ou de droit des époux, c’est leur faire supporter le risque d’une diminution de leur gage.

Par voie de conséquence, c’est toute l’économie de l’article 220 du Code civil qui s’en trouve bouleversée.

Aussi, d’aucuns suggèrent que la solidarité ne devrait pouvoir être écartée qu’à la condition que les tiers, préalablement à la souscription de la dette, aient été informés de la séparation des époux et de l’intérêt exclusif de l’époux contractant qu’elle sert.

Pour l’heure aucune décision n’a tranché cette question, à tout le moins la jurisprudence n’a énoncé formellement aucun principe en ce sens.

II) Le domaine de la solidarité dettes ménagères

A) Les dépenses relevant du domaine de la solidarité

L’article 220, al. 1er du Code civil prévoit que seules les dettes contractées pour « l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants » donnent lieu à solidarité.

Le domaine de la solidarité des époux est ainsi circonscrit à un certain type de dépenses. En dehors du périmètre défini par le texte, la solidarité n’a pas vocation à jouer.

Il en résulte, pratiquement, que les tiers ne seront pas fondés à actionner en paiement l’époux qui n’était pas partie à l’acte. Seul celui qui a réalisé la dépense, exclue du domaine de la solidarité, est engagé envers le tiers.

La question qui alors se pose est de savoir quelles sont les dépenses visées par l’article 220 du Code civil.

==> La finalité de la dette : une dépense ménagère

La lecture de l’article 220, al. 1er du code civil révèle que l’appartenance d’une dépense à la catégorie des dettes donnant lieu à solidarité répond à un critère de finalité.

Le texte prévoit, en effet, qu’il faut que la dépense ait pour objet « l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants ».

Elle doit, autrement dit, présenter un caractère ménager, étant précisé que le ménage est envisagé par l’article 220 comme incluant, tant les époux, que leurs enfants.

Les dépenses susceptibles de donner lieu à la solidarité sont ainsi toutes celles qui intéressent la cellule familiale.

  • S’agissant des dépenses ayant pour finalité l’entretien du ménage
    • Il est admis qu’il s’agit ici des dépenses courantes strictement nécessaires au fonctionnement du ménage.
    • Tel est le cas des dépenses en lien avec les aliments, l’habillement, l’habitation, le transport, l’énergie, le téléphone, l’internet etc.
    • Pour la plupart, il s’agira de dépenses qui présentent une certaine périodicité et qui procèdent de l’accomplissement d’actes d’administration ou conservatoires.
    • Classiquement on oppose les dépenses ménagères aux dépenses d’investissement, soit celles qui visent, pour le ménage, à se constituer un patrimoine (immobilier ou mobilier).
    • Plus généralement sont exclues de la catégorie des dépenses ménagères toutes celles qui, soit en raison de leur nature, soit en raison de leur montant, sont exceptionnelles.
    • Ainsi, le coût d’acquisition ou de construction du logement familial n’est pas constitutif d’une dépense ménagère.
    • Dans un arrêt du 11 janvier 1984, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « les opérations d’investissement d’un ménage, et notamment celles qui ont pour objet de lui permettre de se constituer un patrimoine immobilier, n’entrent pas dans la catégorie des actes ménagers d’entretien ou d’éducation auxquels l’article 220 du code civil attache la solidarité de plein droit» ( 1ère civ. 11 janv. 1984, n°82-15.461).
    • À l’inverse, la jurisprudence considère que la dette de loyer contractée par les époux en vue d’habiter un logement relève de la catégorie des dépenses ménagères ( 2e civ. 3 oct. 1990, n°88-18453).
    • Les charges de copropriété endossent la même qualification ( 3e civ. 1er déc. 1999, n°98-11726).
    • Il est indifférent que la dépense exposée ne concerne qu’un seul époux, ce qui importe étant qu’elle soit directement liée au fonctionnement du ménage.
    • Or pour fonctionner, il est nécessaire que chacun de ses membres soit en bonne santé (frais médicaux), suffisamment nourri (dépenses d’aliment), correctement habillées (dépenses d’habillement) etc.
    • Plus généralement il faut que les besoins de la vie courante des époux et des enfants soient satisfaits, raison pour laquelle toutes les dépenses qui visent à répondre à ces besoins seront qualifiées de ménagères (V. en ce sens 1ère civ. 4 juin 2007, n°05-15351).
    • Pour ce qui est des dépenses exposées en vue d’améliorer les conditions de vie du ménage, leur qualification est plus délicate.
    • La question s’est notamment posée pour les dépenses d’amélioration du logement familial.
    • Si, la jurisprudence n’exclut pas, d’emblée, que ces dépenses puissent être qualifiées de ménagères, elle opère néanmoins une distinction entre celles qui visent à améliorer le confort de vie de la famille et celles réalisées en vue d’apporter une plus-value au bien.
    • Tandis que les premières sont éligibles à la qualification de dépenses ménagères, tel n’est pas le cas des secondes qui sont regardées comme des dépenses d’investissement.
    • Ainsi, des dépenses qui seraient réalisées pour rénover le système de chauffage de la résidence familiale pourraient parfaitement être qualifiées de dépenses ménagères.
    • En revanche, une dépense visant à acquérir un fonds voisin en vue d’étendre l’assiette du domaine familial ne pourrait pas accéder à cette qualification.
    • La question s’est encore posé du caractère ménager d’une dépense d’acquisition d’un véhicule.
    • Lorsque l’acquisition se fait au moyen d’une location avec option d’achat, la dépense peut, sans difficulté, être qualifiée de ménagère.
    • Lorsque, en revanche, l’acquisition prend la forme d’une dépense en capital la doctrine est divisée.
    • Quant à la jurisprudence, elle l’a admis dans certains arrêts (V. en ce sens CA Paris, 9 mars 1989; CA Grenoble, 5 nov. 1997).
    • Le doute disparaît, en tout état de cause, s’agissant de l’acquisition d’un véhicule de luxe : elle est exclue de la catégorie des dépenses ménagères (V. CA Aix-en-Provence, 17 janv. 1994).
    • À l’examen, il semble qu’il faille distinguer selon que le véhicule qui a fait l’objet d’une acquisition présente un caractère utilitaire ou somptuaire[5].
    • Enfin, il est admis que les dépenses d’agrément puissent être qualifiées de ménagères, dès lors qu’elles profitent aux deux époux (CA Paris, 5 juill. 1996).
  • S’agissant des dépenses ayant pour finalité l’éducation des enfants
    • Les dépenses réalisées en vue de l’éducation des enfants ne soulèvent pas de difficulté de qualification.
    • Ce sont essentiellement celles qui sont liées à l’alimentation, à la nourriture, à l’habillement, à la scolarité ou encore à la santé.
    • Il peut encore s’agit de dépenses relatives aux loisirs des enfants, telles que les frais de licence d’une pratique sportive ou les frais relatifs à l’inscription dans une école de musique et plus généralement dans toute structure cultuelle et artistique.
    • Il est indifférent que l’enfant soit mineur ou majeur : ce qui importe c’est qu’il soit à la charge de ses parents.
    • Plus délicate est, en revanche, la question des dépenses exposées pour un enfant qui ne serait issu d’un seul époux.
    • Pour l’heure, la jurisprudence ne s’est pas prononcée sur cette question. Quant à la doctrine, elle est hésitante.
    • Pour Anne Karm, « la discussion semble devoir se régler sur le terrain de la contribution et non de l’obligation à la dette»[6].
    • Autrement dit, il y aurait lieu de faire fi de la situation du couple dont les tiers ne sont pas censés avoir connaissance et considérer que dès lors qu’une dépense est exposée pour l’éducation de l’un des enfants qui compose le ménage, cette dépense présente un caractère ménager.

==> L’indifférence de la source de la dette : les dettes contractuelles et extracontractuelles

La lecture de l’alinéa 1er de l’article 220 du Code civil suggère que seules les dépenses ménagères qui auraient une cause contractuelle donneraient lieu à solidarité.

La référence au contrat intervient, en effet, à deux reprises dans le texte :

  • Tout d’abord, il est prévu que « chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants».
  • Ensuite, il est énoncé que « toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement.»

Est-ce à dire qu’une dette qui aurait une cause extracontractuelle serait exclue du domaine de la solidarité ?

Si l’on s’attache à la lettre de l’article 220, cela ne fait aucun doute. Si néanmoins l’on se réfère à l’esprit de cette disposition, rien n’est moins sûr.

En effet, l’objectif recherché par législateur lors de l’instauration de cette règle est de conférer aux époux une sphère d’autonomie leur permettant de pourvoir aux besoins de la vie courante du ménage.

Or ces besoins ne supposent pas toujours la souscription d’un engagement de nature contractuelle. Il peut aussi s’agir de régler une dépense dont la cause est d’origine légale, délictuelle ou quasi délictuelle.

Entre ces deux approches qui ont divisé la doctrine, la jurisprudence a retenu la seconde. Dans un arrêt du 7 juin 1989, la Cour de cassation a jugé en ce sens, au visa de l’article 220 du Code civil que « ce texte, qui fait peser sur les époux une obligation solidaire, a vocation à s’appliquer à toute dette même non contractuelle ayant pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants » (Cass. 1ère civ. 7 juin 1989, n°87-19.049).

Cass. 1ère civ. 7 juin 1989
Sur le pourvoi formé par l’UAP, Union des Assurances de Paris, dont le siège est à Paris (1er), 9, place Vendôme,

en cassation d’un arrêt rendu le 3 juillet 1987, par la cour d’appel de Versailles (1re chambre, 2e section), au profit :

1°/ de Monsieur Alfred S., et autre,

défendeurs à la cassation ; La demanderesse invoque à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Sur le rapport de M. le conseiller Averseng, les observations de Me Célice, avocat de l’UAP, les conclusions de M. Dontenwille, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Vu l’article 220 du Code civil ; Attendu que ce texte, qui fait peser sur les époux une obligation solidaire, a vocation à s’appliquer à toute dette même non contractuelle ayant pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants ;

Attendu que les époux S. demeuraient avec leurs deux enfants dans un appartement pris à bail de l’Union des assurances de Paris (UAP) ; que, par ordonnance de non-conciliation sur requête en divorce, Mme S. a provisoirement obtenu la garde des enfants et la jouissance du logement ; que M. S. a alors cessé d’y habiter ; que le bail a ultérieurement pris fin, par l’effet d’une clause résolutoire, en raison du défaut de paiement du loyer ; que Mme S. s’est cependant maintenue dans l’appartement ; Attendu que, pour rejeter à l’égard de M. S. la demande en indemnité d’occupation de l’UAP, l’arrêt attaqué énonce que si le mari reste, même après l’ordonnance de non conciliation et ce jusqu’au jugement de divorce définitif, cotitulaire du bail et tenu de ce fait au paiement des loyers avec son épouse, il n’en est pas de même lorsque la clause résolutoire a mis fin au bail en ce qui concerne les deux époux ; qu’en ce cas c’est l’épouse seule demeurée indûment dans les lieux qui doit régler les indemnités consécutives à son occupation personnelle à laquelle son époux est étranger lorsqu’il a quitté les lieux ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, bien que le divorce ne soit opposable aux tiers qu’à partir du jour où les formalités de mentions en marge prescrites par les règles de l’état civil, ont été accomplies, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 3 juillet 1987, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Orléans ;

Dans cette affaire, se posait notamment la question de savoir si une indemnité d’occupation due par un époux (séparé de sa conjointe) qui occupait seul l’ancien logement familial dont le bail avait été résolu en raison du non-règlement de loyers, pouvait être qualifiée de dépense ménagère au sens de l’article 220 du Code civil.

La Cour de cassation répond par l’affirmative à cette question, considérant qu’il est indifférent que la dette dont se prévaut le créancier ait une cause contractuelle.

Dans un arrêt du 14 février 1995, elle a, par suite, semblé revenir sur sa position en jugeant que l’indemnité d’occupation due par un époux qui s’était maintenu dans la résidence familiale après sa séparation avec sa conjointe, ne donnait pas lieu à solidarité (Cass. 1ère civ. 14 févr. 1995, n°92-19.780).

Fallait-il voir dans cette décision, un revirement de jurisprudence ? Il n’en est rien. Dans cette décision, la Première chambre civile exclut la solidarité, non pas en raison de l’absence de cause contractuelle de la dette litigieuse, mais parce qu’elle avait été contractée dans l’intérêt exclusif d’un époux. Or pour relever de la catégorie des dépenses ménagères, la dette doit servir les intérêts, non pas d’un seul époux, mais du ménage, ce qui n’était pas le cas au cas particulier.

Cette interprétation de la décision ainsi rendue par la Cour de cassation a été confirmée dans les arrêts qu’elle rendra ultérieurement.

Dans un arrêt du 4 juin 2009, elle a, par exemple, considéré qu’une dette de restitution d’une prestation sociale indûment perçue pouvait être qualifiée de dépense ménagère.

Au soutien de sa décision elle affirme que « l’article 220 du code civil, qui fait peser sur les époux une obligation solidaire, a vocation à s’appliquer à toute dette, même non contractuelle, ayant pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants sans distinguer entre l’entretien actuel et futur du ménage » (Cass. 1ère civ. 4 juin 2009, n°07-13.122).

La Cour de cassation admet encore que les dettes de cotisations sociales puissent appartenir à la catégorie des dépenses ménagères, ces dettes ayant une cause, non pas contractuelle, mais légale (V. en ce sens Cass. soc.12 mai 1977).

Dans un arrêt du 9 octobre 1991, la Première chambre civile a précisé, s’agissant d’une dette de cotisations d’assurance vieillesse, qu’il était indifférent que cette dépense ait été réalisée pour l’entretien actuel ou futur du ménage.

La Cour de cassation affirme, en effet, que « l’article 220 du Code civil, qui fait peser sur les époux une obligation solidaire, a vocation à s’appliquer à toute dette, même non contractuelle, ayant pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, et n’opère aucune distinction entre l’entretien actuel et futur du ménage?; qu’ayant pour but de permettre au titulaire de la pension d’assurer, après la cessation de son activité professionnelle, l’entretien du ménage et, en cas de décès, l’entretien de son conjoint survivant par réversion de l’avantage, le versement de cotisations d’assurance vieillesse constitue une dette ménagère » (Cass. 1ère civ. 9 oct. 1991, n°89-16.111).

Cette solution a été réitérée à plusieurs reprises pour des dettes de même nature (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 17 mai 1993, n°91-17.144 ; Cass. 1ère civ. 12 mai 2004, n°02-30.716)

Au total, il apparaît que la cause extracontractuelle de la dette est sans incidence sur sa qualification de dépense ménagère.

==> De la différence entre les dépenses ménagères et les charges du mariage

Bien qu’elles se recoupent en de nombreux points, les dépenses ménagères et les charges du mariage ne doivent pas être confondues.

Tout d’abord, les dépenses ménagères intéressent l’obligation à la dette (rapports des époux avec les tiers), tandis que les charges du mariage intéressent la contribution à la dette (rapports des époux entre eux).

Ensuite, les périmètres de ces deux catégories de dépenses ne se superposent pas : les charges du mariage couvrent un périmètre bien plus large que les dépenses ménagères.

En effet, les dépenses ménagères correspondent à toutes les dépenses strictement nécessaires au fonctionnement du ménage (nourriture, logement, habillement, frais de scolarité des enfants, frais de santé, électricité, gaz, téléphone etc). Il s’agit donc de dépenses primaires dont le couple ne peut pas faire l’économie.

Quant aux charges du mariage, non seulement elles incluent ces dépenses primaires, mais encore elles comprennent toutes les dépenses qui sont liées au train de vie des époux.

Par train de vie, il faut entendre toutes les dépenses d’agrément et plus généralement toutes celles en lien avec l’épanouissement du couple et dont l’accomplissement est conforme à l’intérêt de la famille.

Parce que les charges du mariage se rapportent au train de vie du ménage, la jurisprudence admet que puissent relever de leur périmètre les frais exposés pour les vacances des époux, voire pour l’acquisition d’une résidence secondaire.

Dans un arrêt du 20 mai 1981, la première chambre civile a affirmé en ce sens que « la contribution des époux aux charges du ménage est distincte, par son fondement et par son but, de l’obligation alimentaire et peut inclure des dépenses d’agrément » (Cass. 1ère civ. 20 mai 1981).

La Cour de cassation a encore considéré que des dépenses d’investissement visant à acquérir le logement familial pouvaient être qualifiées de charges du mariage (Cass. 1ère civ. 12 juin 2013, 11-26748).

Tel n’est pas le cas des dépenses ménagères qui ne peuvent, en aucun cas, comprendre des dépenses d’investissement (Cass. 1ère civ. 11 janv. 1984, n°82-15.461).

B) Les dépenses exclues du domaine de la solidarité

Il est des cas où, nonobstant le caractère ménager d’une dépense au sens de l’article 220 du Code civil, la solidarité sera exclue par le jeu de l’alinéa 2e ou de l’alinéa 3e de ce texte qui pose des exceptions.

  1. Les dépenses manifestement excessives ( 220, al. 2e C. civ)

==> Principe

L’article 220, al. 2e du Code civil prévoit que « la solidarité n’a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant. »

Il ressort de cette disposition que lorsqu’une dépense présente un caractère déraisonnable, la solidarité est écartée.

À l’examen, il faut comprendre cette règle comme apportant une précision au principe de solidarité posé à l’article 1er de l’article 220 du Code civil.

Elle signifie, en effet, que si le caractère ménager d’une dépense est nécessaire pour que le jeu de la solidarité puisse jouer, il ne s’agit pas là d’une condition suffisante.

Il faut, en outre, que la dépense réalisée par un époux seul ne soit pas excessive. Son caractère ménager ne fait donc pas obstacle à l’exclusion de la solidarité.

Aussi, pour déterminer si la solidarité entre époux peut jouer, la dépense concernée doit être soumise à deux contrôles successifs :

  • Premier contrôle
    • La dépense doit présenter un caractère ménager, étant précisé que cette condition soit remplie il convient de se reporter à la seule finalité de la dépense ;
    • Elle doit, autrement dit, avoir été réalisée pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants.
    • Le caractère excessif de la dépense est sans incidence sur son caractère ménager.
    • Il ne s’agit pas là, autrement dit, d’un critère qui doit être pris en compte pour déterminer le caractère ménager d’une dépense.
    • Celui-ci n’intervient que, dans un deuxième temps, soit lorsque la dépense a passé le filtre du premier alinéa de l’article 220.
  • Deuxième contrôle
    • La dépense ne doit pas présenter un caractère excessif pour donner lieu à la solidarité.
    • À cet égard, il peut être observé que le caractère raisonnable d’une dépense ne lui confère nullement un caractère ménager.
    • Une dépense peut, en effet, ne pas être excessive et avoir été réalisée pour une finalité autre que l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants.
    • Dans cette hypothèse, la solidarité sera écartée, non pas au stade l’alinéa 2e du Code civil, mais au stade du 1er alinéa, soit au moment du contrôle de la qualification de la dépense

Si, l’exclusion de la solidarité en cas de dépense excessive ne soulève, en soi, aucune réelle difficulté, plus délicate est la question de sa mise en œuvre.

Elle supporte, en effet, de se demander ce que l’on doit entendre par dépense manifestement excessive.

==> Mise en œuvre

Pour déterminer si une dépense présente un caractère excessif, l’alinéa 2e de l’article 220 du Code civil pose trois critères d’appréciation.

Il convient, en effet, de se référer au « train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant ».

Il est admis que, si les critères ainsi posés sont exhaustifs, ils ne sont nullement cumulatifs de sorte qu’ils peuvent être appliqués alternativement par le juge.

  • S’agissant du train de vie du ménage
    • Il y a lieu de se reporter aux ressources du ménage et de vérifier que la dépense réalisée est susceptible d’être couverte par ces ressources.
    • L’appréciation est ici nécessairement subjective, ce qui n’est pas sans conférer au juge un large pouvoir d’appréciation.
    • L’acquisition d’une voiture de luxe par un époux appartenant à un ménage este aux revenus modestes sera regardée comme une dépense excessive (CA Aix-en-Provence, 17 janv. 1994).
    • Il a été statué dans le même sens pour l’achat d’un meuble dont le prix était déraisonnable au regard des ressources du ménage (CA Besançon, 10 mai 1994).
    • À l’inverse, la jurisprudence a pu considérer que la souscription d’une assurance maladie ne présentait aucun caractère excessif, dès lors que le coût de la police n’était pas excessif eu égard le risque couvert et les ressources du ménage (CA Reims, 7 janv. 1980).
  • S’agissant de l’utilité ou l’inutilité de l’opération
    • Ce critère suggère ici de se référer aux besoins du ménage
    • D’aucuns soutiennent néanmoins que ce critère d’appréciation ne présente aucun intérêt, car de deux choses l’une :
      • Ou bien l’opération présente une utilité auquel cas elle endosse la qualité de dépense ménagère et donne lieu, par voie de conséquence, à la solidarité.
      • Ou bien l’opération ne présente aucune utilité pour le ménage auquel cas elle n’est pas éligible à la qualification de dépense ménagère
    • Aussi, en cas d’inutilité de la dépense, il n’y a pas lieu de s’interroger sur son caractère excessif, puisque ne passant pas le premier filtre institué à l’alinéa 1er de l’article 220.
    • Reste qu’il s’agira, là encore d’une question d’appréciation, appréciation qui se fera in concreto.
  • S’agissant de la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant
    • Ce critère d’appréciation permet ici d’appréhender l’hypothèse d’un train de vie apparent du ménage qui ne correspondrait pas à la réalité de ses ressources.
    • Plus précisément, il s’agira pour le juge de déterminer si le tiers se trouvait ou non en position d’avoir connaissance de ce décalage entre le montant – excessif – de la dépense et les capacités financières des époux.
    • Dans l’hypothèse où le tiers contractant savait que la dépense réalisée par un époux était disproportionnée au regard des revenus du ménage, l’alinéa 2e de l’article 220 du Code civil lui interdit de se prévaloir de la solidarité.
    • À l’inverse, lorsque le tiers n’avait aucune raison légitime de douter du train de vie apparent du ménage, il sera toujours fondé à se prévaloir du jeu de la solidarité.

Dans un arrêt du 10 mai 2006, la Cour de cassation est venue préciser qu’il appartient toujours à celui qui conteste l’application de la solidarité de prouver que la dépense litigieuse présente un caractère manifestement excessif (Cass. 1ère civ. 10 mai 2006, n°06-16.593).

  1. Les achats à tempéraments et les emprunts ( 220, al. 3e C. civ.)

L’article 220, al. 3e du Code civil prévoit que la solidarité « n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage. »

Il ressort de cette disposition que nonobstant le caractère ménager et non excessif de la dépense, la solidarité énoncée à l’alinéa 1er de l’article 220 peut être écartée dans deux cas :

  • En présence d’achats à tempéraments
  • En présence d’emprunts

La solidarité peut néanmoins être rétablie, précise le texte, si les époux ont tous deux consenti à la dépense.

2.1 Principe : l’exclusion de la solidarité

Le troisième alinéa de l’article 220 prévoit donc que la solidarité est écartée :

  • D’une part, pour les achats à tempérament
  • D’autre part, pour les emprunts

==> S’agissant des achats à tempérament

Un achat à tempérament consiste à acquérir un bien en payant le prix de façon périodique, étant précisé que le transfert de propriété est différé jusqu’à complet paiement du prix.

Il s’agit, autrement dit, d’une opération de crédit avec cette particularité que le prêt est consenti, non pas par un tiers (établissement de crédit ou société de financement), mais par le vendeur lui-même qui, tant que la totalité du prix n’a pas été réglé, demeure le propriétaire du bien vendu.

Ce type d’opération a suscité en 1965 la méfiance du législateur, celui-ci y voyant un risque pour le ménage d’être victime d’un achat impulsif réalisé par l’un des époux.

Aussi, a-t-il été décidé que cette opération, en raison de son caractère dangereux, ne devait en aucun cas donner lieu à solidarité.

À cet égard, il peut être observé qu’il est ici indifférent que l’achat à tempérament porte sur un bien dont le prix modeste : la solidarité est exclue en toute hypothèse (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 12 juill. 1994, n°92-16.659). C’est là une différence majeure avec les emprunts qui, s’ils présentent ce caractère modeste, peuvent donner lieu à solidarité.

==> S’agissant des emprunts

  • Principe
    • A l’instar des achats à tempérament, les emprunts souscrits par un époux seul n’engagent pas solidairement son conjoint.
    • Par emprunt, il faut entendre ici le crédit consenti par un tiers, lequel sera soit un établissement de crédit, soit une société de financement.
    • Il est donc indifférent que l’emprunt contracté vise à financer une dépense qui présente un caractère ménager.
    • La solidarité est écartée ici en raison, non pas de la finalité de l’opération, mais de sa nature.
    • Le législateur considère que les emprunts sont constitutifs d’une opération à risque car augmentant artificiellement la capacité financière du ménage, ce qui est de nature à exposer les époux à une situation de surendettement.
    • Néanmoins, à la différence des achats à tempérament, la souscription d’un emprunt n’écarte pas systématiquement le jeu de la solidarité, laquelle peut être rétablie lorsque la dette contractée est modeste
  • Exception
    • L’alinéa 3e de l’article 220 du Code civil prévoit que si, par principe, les emprunts ne donnent pas lieu à la solidarité, celle-ci peut néanmoins être rétablie si ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage.
    • Il ressort du texte que la souscription d’un emprunt par un époux seul ne fait nullement obstacle au jeu de la solidarité.
    • Cette exception au principe d’exclusion des emprunts du domaine de la solidarité est issue de la loi du 23 décembre 1985 qui a entériné une solution jurisprudentielle.
    • Se livrant à une interprétation extensive de l’article 220 du Code civil, la Cour de cassation avait, en effet, très tôt admis que les emprunts portant sur des sommes modestes et qui visaient à pourvoir aux besoins de la vie courante du ménage pouvaient donner lieu à solidarité.
    • Elle a notamment statué en ce sens dans un arrêt du 24 mars 1971, après avoir relevé que, d’une part, « les prêts consentis étaient répétés et chaque fois d’importance modeste» et que d’autre part « ces prêts avaient manifestement pour objet de faire face au jour le jour aux besoins les plus pressants du ménage » ( 1ère civ. 24 mars 1971, n°69-14.604).
    • Cette règle figure donc désormais au troisième alinéa de l’article 220 du Code civil.
    • Son application est néanmoins subordonnée à la réunion de trois conditions cumulatives :
      • Première condition : l’emprunt doit porter sur des sommes modestes
        • Pour apprécier le caractère modeste des sommes empruntées, il y a lieu de se référer aux ressources du ménage et plus précisément à sa capacité de remboursement.
        • Les juges disposent en la matière d’un pouvoir souverain d’appréciation
      • Deuxième condition, les sommes empruntées doivent être nécessaires aux besoins de la vie courante
        • Pour que la solidarité puisse jouer, il faut donc que l’emprunt porte sur une somme nécessaire aux besoins de la vie courante.
        • Tout d’abord, il peut être observé que la formule retenue ici renvoie à une finalité plus restreinte de la dépense que celle d’entretien du ménage.
        • Il appartiendra donc au juge de caractériser en quoi la somme empruntée était nécessaire aux besoins de la vie, ce qui fait référence aux dépenses strictement nécessaires et attachées au quotidien du ménage ( 1ère civ. 27 nov. 2001, n°99-16284).
        • Ensuite, ce qui doit être nécessaire aux besoins de la vie courante, ce n’est pas l’emprunt en tant que tel, mais la somme sur lequel il porte.
        • Autrement dit, un emprunt qui aurait été contracté, non pas par nécessité, mais pour préserver la trésorerie du ménage pourrait donner lieu à solidarité si la somme empruntée vise à acquérir un bien nécessaire aux besoins de la vie courante.
      • Troisième condition : le montant cumulé des sommes empruntés ne doit pas être excessif eu égard le train de vie du ménage
        • La loi Hamon n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation est venue instituer une troisième condition au rétablissement de la solidarité en cas de souscription d’un emprunt.
        • Lorsque cette souscription conduit le ménage à cumuler les crédits, la solidarité ne pourra jouer que si le montant total des sommes empruntées n’est pas excessif eu égard le train de vie du ménage.
        • Il s’agit ici de protéger un peu plus le ménage contre le risque de surendettement.
        • En effet, ce risque ne provient pas uniquement de la souscription par un époux d’un emprunt qui porterait sur une somme importante.
        • Il est également susceptible de se réaliser en cas souscription de plusieurs emprunts modestes, mais dont le cumul excéderait la capacité de remboursement du ménage.
        • D’où l’ajout opéré par le législateur en 2014 qui vise à prendre compte cette situation des ménages dont l’endettement a pour cause la souscription de plusieurs microcrédits.
        • Reste à déterminer à partir de quand il convient de considérer que le montant cumulé des sommes empruntées est de nature à écarter la solidarité.
        • Le texte renvoie, sur le modèle de l’alinéa 2e de l’article 220, au train de vie du ménage qui doit constituer le critère d’appréciation du juge.
        • Faute pour les établissements de crédit et les sociétés de financement de disposer d’un fichier qui recenserait tous les crédits consentis aux ménages, ils exigent, la plupart du temps, que les deux époux consentent à l’acte de crédit.
    • Au total, ce n’est que si les trois conditions ci-dessus énoncées sont remplies que la solidarité des époux pourra jouer en matière d’emprunt.
    • En pratique, néanmoins, elle sera rétablie, non pas parce que ces trois conditions seront remplies, mais parce que le consentement des deux époux sera expressément exigé par le prêteur.

2.2 Exception : le rétablissement de la solidarité

Le troisième alinéa de l’article 220 introduit les exceptions au principe de solidarité que sont les achats à tempérament et les emprunts non modestes en précisant que ce principe est rétabli lorsque les deux époux ont consenti à l’acte.

Dans un arrêt du 6 décembre 2005, la Cour de cassation a précisé que ce consentement devait être exprès (Cass. 1ère civ. 6 déc. 2005, n°02-17.819).

Ce consentement ne peut donc pas se déduire du comportement du conjoint ou de sa connaissance de l’opération (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 14 avr. 2010, n°09-12.225)

Par ailleurs, la question s’est posée de savoir si, lorsqu’il s’agit d’un emprunt, pour que la solidarité soit rétablie par le jeu du double consentement des époux, celui-ci devait porter sur une somme modeste nécessaire aux besoins de la vie courante.

Autrement dit, les deux conditions, tenant au consentement des époux et au caractère modeste de la dépense doivent-elles être cumulativement remplies pour que la solidarité puisse jouer ?

Dans un arrêt du 3 juin 2003, la Cour de cassation a apporté une réponse négative à cette interrogation.

Au soutien de sa décision elle a affirmé que la Cour d’appel qui, après avoir constaté que l’emprunt litigieux avait été conclu du consentement des deux époux pour l’entretien du ménage et que la dépense était conforme au train de vie de ce dernier, n’avait pas « à rechercher s’il portait sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante au sens de l’article 220, alinéa 3, du Code civil » pour déterminer s’il y avait lieu de faire jouer la solidarité (Cass. 1ère civ. 3 juin 2003, n°00-20.370).

Ainsi lorsque les époux ont tous deux consenti à l’emprunt, il est indifférent qu’il porte sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante. La solidarité pourra, malgré tout être rétablie.

[1] F. Terré, op. préc., n°325, p. 299.

[2] Ph. Malaurie et H. Fulchiron, op. préc., n°106, p. 53.

[3] V. en ce sens R. Savatier, La communauté conjugale nouvelle en droit français, Dalloz, 1970, spéc. N°44, p. 93.

[4] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, n°81, p. 71.

[5] V. en ce sens J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand Colin, 2001, n°72, p. 62.

[6] A. Karm, Régime matrimonial primaire – Autonomie des époux, Jurisclasseur, n°21.

La notion de dépense ménagère

L’article 220, al. 1er du Code civil prévoit que seules les dettes contractées pour « l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants » donnent lieu à solidarité.

Le domaine de la solidarité des époux est ainsi circonscrit à un certain type de dépenses. En dehors du périmètre défini par le texte, la solidarité n’a pas vocation à jouer.

Il en résulte, pratiquement, que les tiers ne seront pas fondés à actionner en paiement l’époux qui n’était pas partie à l’acte. Seul celui qui a réalisé la dépense, exclue du domaine de la solidarité, est engagé envers le tiers.

La question qui alors se pose est de savoir quelles sont les dépenses visées par l’article 220 du Code civil.

==> La finalité de la dette : une dépense ménagère

La lecture de l’article 220, al. 1er du code civil révèle que l’appartenance d’une dépense à la catégorie des dettes donnant lieu à solidarité répond à un critère de finalité.

Le texte prévoit, en effet, qu’il faut que la dépense ait pour objet « l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants ».

Elle doit, autrement dit, présenter un caractère ménager, étant précisé que le ménage est envisagé par l’article 220 comme incluant, tant les époux, que leurs enfants.

Les dépenses susceptibles de donner lieu à la solidarité sont ainsi toutes celles qui intéressent la cellule familiale.

  • S’agissant des dépenses ayant pour finalité l’entretien du ménage
    • Il est admis qu’il s’agit ici des dépenses courantes strictement nécessaires au fonctionnement du ménage.
    • Tel est le cas des dépenses en lien avec les aliments, l’habillement, l’habitation, le transport, l’énergie, le téléphone, l’internet etc.
    • Pour la plupart, il s’agira de dépenses qui présentent une certaine périodicité et qui procèdent de l’accomplissement d’actes d’administration ou conservatoires.
    • Classiquement on oppose les dépenses ménagères aux dépenses d’investissement, soit celles qui visent, pour le ménage, à se constituer un patrimoine (immobilier ou mobilier).
    • Plus généralement sont exclues de la catégorie des dépenses ménagères toutes celles qui, soit en raison de leur nature, soit en raison de leur montant, sont exceptionnelles.
    • Ainsi, le coût d’acquisition ou de construction du logement familial n’est pas constitutif d’une dépense ménagère.
    • Dans un arrêt du 11 janvier 1984, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « les opérations d’investissement d’un ménage, et notamment celles qui ont pour objet de lui permettre de se constituer un patrimoine immobilier, n’entrent pas dans la catégorie des actes ménagers d’entretien ou d’éducation auxquels l’article 220 du code civil attache la solidarité de plein droit» ( 1ère civ. 11 janv. 1984, n°82-15.461).
    • À l’inverse, la jurisprudence considère que la dette de loyer contractée par les époux en vue d’habiter un logement relève de la catégorie des dépenses ménagères ( 2e civ. 3 oct. 1990, n°88-18453).
    • Les charges de copropriété endossent la même qualification ( 3e civ. 1er déc. 1999, n°98-11726).
    • Il est indifférent que la dépense exposée ne concerne qu’un seul époux, ce qui importe étant qu’elle soit directement liée au fonctionnement du ménage.
    • Or pour fonctionner, il est nécessaire que chacun de ses membres soit en bonne santé (frais médicaux), suffisamment nourri (dépenses d’aliment), correctement habillées (dépenses d’habillement) etc.
    • Plus généralement il faut que les besoins de la vie courante des époux et des enfants soient satisfaits, raison pour laquelle toutes les dépenses qui visent à répondre à ces besoins seront qualifiées de ménagères (V. en ce sens 1ère civ. 4 juin 2007, n°05-15351).
    • Pour ce qui est des dépenses exposées en vue d’améliorer les conditions de vie du ménage, leur qualification est plus délicate.
    • La question s’est notamment posée pour les dépenses d’amélioration du logement familial.
    • Si, la jurisprudence n’exclut pas, d’emblée, que ces dépenses puissent être qualifiées de ménagères, elle opère néanmoins une distinction entre celles qui visent à améliorer le confort de vie de la famille et celles réalisées en vue d’apporter une plus-value au bien.
    • Tandis que les premières sont éligibles à la qualification de dépenses ménagères, tel n’est pas le cas des secondes qui sont regardées comme des dépenses d’investissement.
    • Ainsi, des dépenses qui seraient réalisées pour rénover le système de chauffage de la résidence familiale pourraient parfaitement être qualifiées de dépenses ménagères.
    • En revanche, une dépense visant à acquérir un fonds voisin en vue d’étendre l’assiette du domaine familial ne pourrait pas accéder à cette qualification.
    • La question s’est encore posé du caractère ménager d’une dépense d’acquisition d’un véhicule.
    • Lorsque l’acquisition se fait au moyen d’une location avec option d’achat, la dépense peut, sans difficulté, être qualifiée de ménagère.
    • Lorsque, en revanche, l’acquisition prend la forme d’une dépense en capital la doctrine est divisée.
    • Quant à la jurisprudence, elle l’a admis dans certains arrêts (V. en ce sens CA Paris, 9 mars 1989; CA Grenoble, 5 nov. 1997).
    • Le doute disparaît, en tout état de cause, s’agissant de l’acquisition d’un véhicule de luxe : elle est exclue de la catégorie des dépenses ménagères (V. CA Aix-en-Provence, 17 janv. 1994).
    • À l’examen, il semble qu’il faille distinguer selon que le véhicule qui a fait l’objet d’une acquisition présente un caractère utilitaire ou somptuaire[1].
    • Enfin, il est admis que les dépenses d’agrément puissent être qualifiées de ménagères, dès lors qu’elles profitent aux deux époux (CA Paris, 5 juill. 1996).
  • S’agissant des dépenses ayant pour finalité l’éducation des enfants
    • Les dépenses réalisées en vue de l’éducation des enfants ne soulèvent pas de difficulté de qualification.
    • Ce sont essentiellement celles qui sont liées à l’alimentation, à la nourriture, à l’habillement, à la scolarité ou encore à la santé.
    • Il peut encore s’agit de dépenses relatives aux loisirs des enfants, telles que les frais de licence d’une pratique sportive ou les frais relatifs à l’inscription dans une école de musique et plus généralement dans toute structure cultuelle et artistique.
    • Il est indifférent que l’enfant soit mineur ou majeur : ce qui importe c’est qu’il soit à la charge de ses parents.
    • Plus délicate est, en revanche, la question des dépenses exposées pour un enfant qui ne serait issu d’un seul époux.
    • Pour l’heure, la jurisprudence ne s’est pas prononcée sur cette question. Quant à la doctrine, elle est hésitante.
    • Pour Anne Karm, « la discussion semble devoir se régler sur le terrain de la contribution et non de l’obligation à la dette»[2].
    • Autrement dit, il y aurait lieu de faire fi de la situation du couple dont les tiers ne sont pas censés avoir connaissance et considérer que dès lors qu’une dépense est exposée pour l’éducation de l’un des enfants qui compose le ménage, cette dépense présente un caractère ménager.

==> L’indifférence de la source de la dette : les dettes contractuelles et extracontractuelles

La lecture de l’alinéa 1er de l’article 220 du Code civil suggère que seules les dépenses ménagères qui auraient une cause contractuelle donneraient lieu à solidarité.

La référence au contrat intervient, en effet, à deux reprises dans le texte :

  • Tout d’abord, il est prévu que « chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants».
  • Ensuite, il est énoncé que « toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement.»

Est-ce à dire qu’une dette qui aurait une cause extracontractuelle serait exclue du domaine de la solidarité ?

Si l’on s’attache à la lettre de l’article 220, cela ne fait aucun doute. Si néanmoins l’on se réfère à l’esprit de cette disposition, rien n’est moins sûr.

En effet, l’objectif recherché par législateur lors de l’instauration de cette règle est de conférer aux époux une sphère d’autonomie leur permettant de pourvoir aux besoins de la vie courante du ménage.

Or ces besoins ne supposent pas toujours la souscription d’un engagement de nature contractuelle. Il peut aussi s’agir de régler une dépense dont la cause est d’origine légale, délictuelle ou quasi délictuelle.

Entre ces deux approches qui ont divisé la doctrine, la jurisprudence a retenu la seconde. Dans un arrêt du 7 juin 1989, la Cour de cassation a jugé en ce sens, au visa de l’article 220 du Code civil que « ce texte, qui fait peser sur les époux une obligation solidaire, a vocation à s’appliquer à toute dette même non contractuelle ayant pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants » (Cass. 1ère civ. 7 juin 1989, n°87-19.049).

Cass. 1ère civ. 7 juin 1989
Sur le pourvoi formé par l'UAP, Union des Assurances de Paris, dont le siège est à Paris (1er), 9, place Vendôme,

en cassation d'un arrêt rendu le 3 juillet 1987, par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 2e section), au profit :

1°/ de Monsieur Alfred S., et autre,

défendeurs à la cassation ; La demanderesse invoque à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Sur le rapport de M. le conseiller Averseng, les observations de Me Célice, avocat de l'UAP, les conclusions de M. Dontenwille, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Vu l'article 220 du Code civil ; Attendu que ce texte, qui fait peser sur les époux une obligation solidaire, a vocation à s'appliquer à toute dette même non contractuelle ayant pour objet l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants ;

Attendu que les époux S. demeuraient avec leurs deux enfants dans un appartement pris à bail de l'Union des assurances de Paris (UAP) ; que, par ordonnance de non-conciliation sur requête en divorce, Mme S. a provisoirement obtenu la garde des enfants et la jouissance du logement ; que M. S. a alors cessé d'y habiter ; que le bail a ultérieurement pris fin, par l'effet d'une clause résolutoire, en raison du défaut de paiement du loyer ; que Mme S. s'est cependant maintenue dans l'appartement ; Attendu que, pour rejeter à l'égard de M. S. la demande en indemnité d'occupation de l'UAP, l'arrêt attaqué énonce que si le mari reste, même après l'ordonnance de non conciliation et ce jusqu'au jugement de divorce définitif, cotitulaire du bail et tenu de ce fait au paiement des loyers avec son épouse, il n'en est pas de même lorsque la clause résolutoire a mis fin au bail en ce qui concerne les deux époux ; qu'en ce cas c'est l'épouse seule demeurée indûment dans les lieux qui doit régler les indemnités consécutives à son occupation personnelle à laquelle son époux est étranger lorsqu'il a quitté les lieux ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, bien que le divorce ne soit opposable aux tiers qu'à partir du jour où les formalités de mentions en marge prescrites par les règles de l'état civil, ont été accomplies, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juillet 1987, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

Dans cette affaire, se posait notamment la question de savoir si une indemnité d’occupation due par un époux (séparé de sa conjointe) qui occupait seul l’ancien logement familial dont le bail avait été résolu en raison du non-règlement de loyers, pouvait être qualifiée de dépense ménagère au sens de l’article 220 du Code civil.

La Cour de cassation répond par l’affirmative à cette question, considérant qu’il est indifférent que la dette dont se prévaut le créancier ait une cause contractuelle.

Dans un arrêt du 14 février 1995, elle a, par suite, semblé revenir sur sa position en jugeant que l’indemnité d’occupation due par un époux qui s’était maintenu dans la résidence familiale après sa séparation avec sa conjointe, ne donnait pas lieu à solidarité (Cass. 1ère civ. 14 févr. 1995, n°92-19.780).

Fallait-il voir dans cette décision, un revirement de jurisprudence ? Il n’en est rien. Dans cette décision, la Première chambre civile exclut la solidarité, non pas en raison de l’absence de cause contractuelle de la dette litigieuse, mais parce qu’elle avait été contractée dans l’intérêt exclusif d’un époux. Or pour relever de la catégorie des dépenses ménagères, la dette doit servir les intérêts, non pas d’un seul époux, mais du ménage, ce qui n’était pas le cas au cas particulier.

Cette interprétation de la décision ainsi rendue par la Cour de cassation a été confirmée dans les arrêts qu’elle rendra ultérieurement.

Dans un arrêt du 4 juin 2009, elle a, par exemple, considéré qu’une dette de restitution d’une prestation sociale indûment perçue pouvait être qualifiée de dépense ménagère.

Au soutien de sa décision elle affirme que « l’article 220 du code civil, qui fait peser sur les époux une obligation solidaire, a vocation à s’appliquer à toute dette, même non contractuelle, ayant pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants sans distinguer entre l’entretien actuel et futur du ménage » (Cass. 1ère civ. 4 juin 2009, n°07-13.122).

La Cour de cassation admet encore que les dettes de cotisations sociales puissent appartenir à la catégorie des dépenses ménagères, ces dettes ayant une cause, non pas contractuelle, mais légale (V. en ce sens Cass. soc.12 mai 1977).

Dans un arrêt du 9 octobre 1991, la Première chambre civile a précisé, s’agissant d’une dette de cotisations d’assurance vieillesse, qu’il était indifférent que cette dépense ait été réalisée pour l’entretien actuel ou futur du ménage.

La Cour de cassation affirme, en effet, que « l’article 220 du Code civil, qui fait peser sur les époux une obligation solidaire, a vocation à s’appliquer à toute dette, même non contractuelle, ayant pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, et n’opère aucune distinction entre l’entretien actuel et futur du ménage?; qu’ayant pour but de permettre au titulaire de la pension d’assurer, après la cessation de son activité professionnelle, l’entretien du ménage et, en cas de décès, l’entretien de son conjoint survivant par réversion de l’avantage, le versement de cotisations d’assurance vieillesse constitue une dette ménagère » (Cass. 1ère civ. 9 oct. 1991, n°89-16.111).

Cette solution a été réitérée à plusieurs reprises pour des dettes de même nature (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 17 mai 1993, n°91-17.144 ; Cass. 1ère civ. 12 mai 2004, n°02-30.716)

Au total, il apparaît que la cause extracontractuelle de la dette est sans incidence sur sa qualification de dépense ménagère.

==> De la différence entre les dépenses ménagères et les charges du mariage

Bien qu’elles se recoupent en de nombreux points, les dépenses ménagères et les charges du mariage ne doivent pas être confondues.

Tout d’abord, les dépenses ménagères intéressent l’obligation à la dette (rapports des époux avec les tiers), tandis que les charges du mariage intéressent la contribution à la dette (rapports des époux entre eux).

Ensuite, les périmètres de ces deux catégories de dépenses ne se superposent pas : les charges du mariage couvrent un périmètre bien plus large que les dépenses ménagères.

En effet, les dépenses ménagères correspondent à toutes les dépenses strictement nécessaires au fonctionnement du ménage (nourriture, logement, habillement, frais de scolarité des enfants, frais de santé, électricité, gaz, téléphone etc). Il s’agit donc de dépenses primaires dont le couple ne peut pas faire l’économie.

Quant aux charges du mariage, non seulement elles incluent ces dépenses primaires, mais encore elles comprennent toutes les dépenses qui sont liées au train de vie des époux.

Par train de vie, il faut entendre toutes les dépenses d’agrément et plus généralement toutes celles en lien avec l’épanouissement du couple et dont l’accomplissement est conforme à l’intérêt de la famille.

Parce que les charges du mariage se rapportent au train de vie du ménage, la jurisprudence admet que puissent relever de leur périmètre les frais exposés pour les vacances des époux, voire pour l’acquisition d’une résidence secondaire.

Dans un arrêt du 20 mai 1981, la première chambre civile a affirmé en ce sens que « la contribution des époux aux charges du ménage est distincte, par son fondement et par son but, de l’obligation alimentaire et peut inclure des dépenses d’agrément » (Cass. 1ère civ. 20 mai 1981).

La Cour de cassation a encore considéré que des dépenses d’investissement visant à acquérir le logement familial pouvaient être qualifiées de charges du mariage (Cass. 1ère civ. 12 juin 2013, 11-26748).

Tel n’est pas le cas des dépenses ménagères qui ne peuvent, en aucun cas, comprendre des dépenses d’investissement (Cass. 1ère civ. 11 janv. 1984, n°82-15.461).

[1] V. en ce sens J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand Colin, 2001, n°72, p. 62.

[2] A. Karm, Régime matrimonial primaire – Autonomie des époux, Jurisclasseur, n°21.

L’incidence de la séparation (de fait ou de droit) des époux sur l’obligation de solidarité des dettes ménagères

  1. Principe

Il est de principe que l’obligation de solidarité des époux pour les dépenses ménagères énoncé à l’article 220 du Code civil pèse sur eux aussi longtemps que perdure le mariage.

Aussi, seule la dissolution de l’union matrimoniale est susceptible de mettre fin à cette obligation.

La question s’est alors posée de savoir si la séparation de fait ou de droit était susceptible de neutraliser la solidarité des époux.

==> S’agissant de la séparation de fait

La séparation de fait des époux est donc, en principe, sans incidence sur l’obligation de contribution aux charges du mariage.

À cet égard, dans un arrêt du 10 mars 1998, la Cour de cassation a affirmé que parce que « la séparation de fait laisse subsister les obligations nées du mariage » la séparation de fait des époux ne saurait « faire échec aux règles de la solidarité » (Cass. 1ère civ. 10 mars 1998, n°96-15829).

La doctrine justifie la solution retenue par la Cour de cassation en reliant l’obligation de solidarité des époux pour les dettes ménagères à l’obligation de communauté de vie.

La séparation de fait étant constitutive d’une violation de l’obligation de communauté de vie, elle ne saurait dispenser les époux de satisfaire les engagements pris par l’un ou par l’autre envers les tiers dans l’intérêt du ménage.

L’enjeu de la protection des tiers n’est, d’ailleurs, pas sans renforcer le bien-fondé du principe dans la mesure où, par hypothèse, la séparation de fait ne leur est pas imposable.

Dans la mesure où ils ne sont donc pas censés être informés de la rupture de la vie commune des époux, admettre que cette situation puisse neutraliser le mécanisme de solidarité instauré par l’article 220 du Code civil reviendrait à faire courir le risque pour les tiers de voir l’assiette de leur gage diminué, car amputé, a minima, des biens propres du conjoint de l’époux avec lequel ils ont contracté.

Corrélativement, il en résulterait une diminution du crédit du ménage, la perspective d’une levée de la solidarité des époux pour cause de séparation de fait étant susceptible de conduire les tiers à faire montre de méfiance à leur endroit, soit tout le contraire du résultat recherché par le législateur lorsque, en 1965, l’article 220 du Code civil a été repensé.

Pour toutes ces raisons, la jurisprudence demeure fermement opposée à ce que la séparation de fait soit une cause de suspension de l’obligation de solidarité des époux.

La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que cette obligation perdurait tant que la décision prononçant le divorce n’avait pas fait l’objet d’une transcription sur les registres d’état civil, formalité de publicité dont l’accomplissement est exigé pour que le divorce soit opposable aux tiers (V. en ce sens Cass. 3e civ. 22 oct. 2015, n°14-23726).

==> La séparation de droit

Si l’on conçoit aisément que la séparation de fait soit sans incidence sur le maintien de l’obligation de solidarité des époux pour les dettes ménagères pour les raisons ci-avant exposées, qu’en est-il lorsque la séparation des époux est de droit ?

Par séparation de droit, il faut entendre l’autorisation donnée par un juge aux époux de vivre séparément.

Cette autorisation peut intervenir :

  • Soit dans le cadre d’une procédure de divorce
  • Soit dans le cadre d’une procédure de séparation de corps

Dans les deux cas, tandis que le mariage subsiste, l’obligation de communauté de vie énoncée à l’article 215, al. 1er du Code civil est suspendue.

L’obligation de solidarité des époux connaît-elle, par contamination, le même sort ? Pour le déterminer, il convient d’opérer une distinction entre la séparation des époux qui résulte d’une séparation de corps de celle qui procède d’une autorisation judiciaire.

  • La séparation des époux résulte d’une séparation de corps
    • Dans cette hypothèse, la Cour de cassation a admis que l’obligation de solidarité des époux pour les dettes ménagères était suspendue, à la condition que le jugement prononçant la séparation de corps ait fait l’objet des formalités de publicité requises ( 3e civ. 2 juin 1993, n°91-14522).
    • Ainsi, toutes les dettes ménagères contractées par les époux postérieurement à l’inscription de la mention du jugement de séparation de corps en marge des registres d’état civil ne donnent pas lieu à solidarité.
    • Le gage des tiers se limite ainsi aux seuls biens propres de l’époux avec lequel ils ont contracté, la séparation de corps instituant, entre les époux, un régime de séparation de biens.
  • La séparation des époux résulte d’une autorisation judiciaire
    • Dans cette hypothèse, la réponse apportée par la Cour de cassation, au gré des décisions, est sensiblement toujours la même.
    • Régulièrement, elle affirme que la séparation des époux, fût-elle autorisée par le juge, n’affecte pas l’obligation de solidarité qui pèse sur eux pour les dettes ménagères.
    • Il est donc indifférent qu’ils aient été autorisés, par une ordonnance de non-conciliation, à résider séparément : l’obligation de solidarité demeure (V. en ce sens 3e civ. 27 mai 1998, n°96-13543).
    • Si, certains auteurs, s’étonnent de la différence de traitement à laquelle se livre la Cour de cassation entre la séparation de corps et l’autorisation judiciaire de résidence séparée, elle répugne, pour l’heure, à revenir sur sa position.
  1. Tempérament

Nonobstant la rigidité du principe posé par la Cour de cassation qui n’admet la suspension de l’obligation de solidarité des dettes ménagères qu’en cas de séparation de corps des époux, elle a finalement consenti à assortir ce principe d’un tempérament.

Dans plusieurs arrêts, la Cour de cassation a, en effet, admis que des dettes qui, en l’absence de séparation des époux, auraient été qualifiées de ménagères ne donnent pas lieu à solidarité.

Dans un arrêt du 15 novembre la Première chambre civile a ainsi jugé que la souscription d’un abonnement téléphonique par une femme mariée à son seul nom, alors qu’elle n’habitait plus avec son mari au moment de la souscription, n’obligeait pas solidairement ce dernier au paiement de la dette (Cass. 1ère civ. 15 nov. 1984, n°93-12332).

Dans un arrêt du 14 février 1995, la Cour de cassation a statué dans le même sens pour une indemnité d’occupation due par un époux qui, tandis qu’il était en instance de divorce avec son épouse, s’était maintenu dans le logement familial après la résiliation du bail (Cass. 1ère civ. 14 févr. 1995, n°92-19780).

Ces décisions ne sont manifestement pas sans avoir agité la doctrine qui s’est demandé s’il ne fallait pas y voir un fléchissement de la Cour de cassation sur sa position de refuser la suspension de l’obligation de solidarité des époux pour les dépenses ménagères en cas de séparation de fait.

À l’examen, il s’agit moins d’un fléchissement que de l’adoption d’une approche, sous un autre angle, de la situation dans laquelle se trouvent les époux lorsqu’ils vivent séparément.

Au fond, l’obligation de solidarité des dettes ménagères ne se conçoit que lorsque ces dettes sont contractées dans l’intérêt du ménage.

Lorsque tel n’est pas le cas, cette obligation ne se justifie plus, raison pour laquelle la solidarité sera écartée par le juge auquel il appartient de systématiquement vérifier si la dépense litigieuse relève ou non de la catégorie des dépenses ménagères.

Cette vérification est cruciale, puisque détermine l’étendue du gage des créanciers et corrélativement celle de l’engagement du conjoint qui n’est pas partie à l’acte.

La lecture des arrêts rendus en 1994 et en 1995 révèle que c’est par ce biais de la qualification de la dépense que la Cour de cassation appréhende désormais la question du maintien de l’obligation de solidarité en cas de séparation de fait des époux.

Dans ces deux décisions, la Première chambre civile a, en effet, estimé que la solidarité n’avait pas lieu de jouer dans la mesure où la dette contestée avait été souscrite dans l’intérêt exclusif, tantôt de l’épouse qui avait contracté un abonnement téléphonique à son seul nom, tantôt du mari qui s’était maintenu seul dans la résidence familiale après la résiliation du bail.

Dans les deux cas, la Cour de cassation relève que la dépense n’était ni destinée à l’entretien du ménage, ni à l’éducation des enfants.

Elle en déduit que cette dépense ne pouvait pas être qualifiée de ménagère. Dans ces conditions, la solidarité devait être écartée.

Techniquement, la Cour de cassation n’est ainsi nullement revenue, sur sa position antérieure, ni ne l’a amendée ; elle a seulement adopté une autre approche qui consiste à s’interroger sur le caractère ou non ménager de la dépense.

Aussi, en cas séparation de fait des époux, le maintien de l’obligation de solidarité dépend de l’intérêt servi par la souscription de la dette.

  • Si la dépense est exposée dans l’intérêt exclusif d’un époux, alors il n’y aura pas lieu de faire jouer la solidarité.
  • Si, en revanche, la dette est souscrite dans l’intérêt du ménage, le gage des créanciers, tel qu’envisagé à l’article 220 du Code civil, ne sera pas affecté par la séparation des époux.

Reste la question de la sécurité des créanciers qui, dans bien des cas, ne seront pas informés de la séparation des époux.

En admettant que la solidarité puisse ne pas jouer en cas de séparation de fait ou de droit des époux, c’est leur faire supporter le risque d’une diminution de leur gage.

Par voie de conséquence, c’est toute l’économie de l’article 220 du Code civil qui s’en trouve bouleversée.

Aussi, d’aucuns suggèrent que la solidarité ne devrait pouvoir être écartée qu’à la condition que les tiers, préalablement à la souscription de la dette, aient été informés de la séparation des époux et de l’intérêt exclusif de l’époux contractant qu’elle sert.

Pour l’heure aucune décision n’a tranché cette question, à tout le moins la jurisprudence n’a énoncé formellement aucun principe en ce sens.

La solidarité des dettes ménagères: vue générale

==> Origines

Assez paradoxalement alors que la femme mariée était, jadis, frappée d’une incapacité d’exercice générale, très tôt on a cherché à lui reconnaître une sphère d’autonomie et plus précisément à lui octroyer un pouvoir de représentation de son mari.

La raison en est que l’entretien du ménage et l’éducation des enfants requièrent l’engagement d’un certain nombre de dépenses courantes. Or tel a été la tâche qui, pendant longtemps, a été exclusivement dévolue à la femme mariée.

Elle était, en effet, chargée d’accomplir les tâches domestiques, tandis que le mari avait pour mission de procurer au foyer des revenus de subsistance.

Afin de permettre à la femme mariée de tenir son rôle, il fallait imaginer un système qui l’autorise à accomplir des actes juridiques et plus précisément à contracter avec les tiers pour tout ce qui avait trait aux dépenses de la vie courante.

Dans un premier temps, il a été recouru à la figure juridique du mandat domestique, ce qui consistait à considérer que le mari avait donné tacitement mandat à son épouse à l’effet de le représenter quant à l’accomplissement de tous les actes nécessaires à la satisfaction des besoins de la vie courante.

De cette manière, ce dernier se retrouvait personnellement engagé par les engagements souscrits par sa conjointe auprès des tiers, alors même que, à titre individuel, elle était frappée d’une incapacité juridique.

Le recours à cette technique juridique n’était toutefois pas sans limite. Le mari n’était obligé envers les tiers qu’autant qu’il était démontré qu’il avait, au moins tacitement, donné mandat à son épouse à l’effet de le représenter.

À l’inverse, s’il parvenait à établir qu’il n’avait pas consenti à l’acte dénoncé, les tiers ne disposaient d’aucun recours direct contre lui, ce qui les contraignait à exercer au gré des circonstances, tantôt à emprunter la voie de l’action de in rem verso, tantôt à l’action oblique.

En réaction à cette situation fâcheuse qui menaçait les intérêts des tiers, ce qui les avait conduits à exiger systématiquement l’accord exprès du mari pour les dépenses de la vie courante, au préjudice du fonctionnement du ménage, le législateur a décidé d’intervenir au milieu du XXe siècle.

Dans un deuxième temps, la loi du 22 septembre 1942 a ainsi consacré la règle du mandat domestique en instituant une présomption de pouvoir de la femme mariée à l’article 220 du Code civil.

Cette disposition prévoyait en ce sens que « la femme mariée a, sous tous les régimes, le pouvoir de représenter le mari pour les besoins du ménage et d’employer pour cet objet les fonds qu’il laisse entre ses mains. »

Et le second alinéa du texte de préciser que « les actes ainsi accomplis par la femme obligent le mari envers les tiers, à moins qu’il n’ait retiré à la femme le pouvoir de faire les actes dont il s’agit, et que les tiers n’aient eu personnellement connaissance de ce retrait au moment où ils ont traité avec elle. »

Curieusement, alors que sensiblement à la même période, la loi du 18 février 1938 venait d’abolir l’incapacité civile de la femme mariée, l’article 220 du Code civil nouvellement adopté par la loi du 22 septembre 1942 ne lui reconnaissait une autonomie ménagère que par l’entremise du pouvoir de représentation de son mari dont elle était désormais légalement investie.

Il en résultait une situation pour le moins cocasse s’agissant de l’étendue du gage des créanciers auprès desquels elle souscrivait une dette ménagère :

  • Lorsque la femme était mariée sous le régime de la communauté, seuls les biens personnels de son mari et les biens communs étaient engagés
  • Lorsque la femme était mariée sous le régime de la séparation de biens, le gage des créanciers se limitait aux biens propres de son mari

En tout état de cause, parce qu’elle agissait en représentation de son mari pour les dépenses ménagères, la femme mariée n’engageait jamais ses biens propres (réservés), alors même qu’elle était investie du pouvoir juridique d’en disposer seule.

Afin de neutraliser cet effet indésirable du mandat domestique qui conduisait à réduire le gage des créanciers, dès 1934 la Cour de cassation avait reconnu une obligation solidaire pesant sur les époux séparés en biens s’agissant des dépenses ménagères (V. en ce sens Cass. req. 31 oct. 1934).

Cette reconnaissance d’une solidarité ménagère des époux a, par suite, été internée par le législateur à l’occasion de la grande réforme des régimes matrimoniaux qui est intervenue en 1965 et qui visait à instituer une véritable égalité entre la femme mariée et son époux.

Dans un troisième temps, la loi n°65-570 du 13 juillet 1965 a reformulé les termes de l’article 220 du Code civil en reconnaissant à la femme mariée, non plus un pouvoir de représentation de son mari pour les dépenses de la vie courante, mais un pouvoir propre d’engager le ménage envers les tiers au titre de cette catégorie de dépenses.

Ce texte prévoit désormais que « chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement. »

Il régit ainsi les rapports que les époux entretiennent avec les tiers pour ce que l’on appelle les dépenses ménagères.

À cet égard, le dispositif ainsi institué à l’article 220 du Code civil ne doit pas être confondu avec celui posé à l’article 214 du Code civil qui intéresse l’obligation de contribution aux charges du mariage.

Ces deux dispositions énoncent des mécanismes distincts et complémentaires.

==> Contribution aux charges du mariage et solidarité des dettes ménagères

L’obligation de contribution aux charges du mariage envisagée à l’article 214 du Code civil doit donc fondamentalement être distinguée du principe de solidarité des dettes ménagères énoncé à l’article 220.

Tandis que l’une se rapporte à ce que l’on appelle la contribution à la dette, l’autre intéresse l’obligation à la dette.

  • L’obligation à la dette
    • L’obligation à la dette détermine l’étendue du droit de poursuite des tiers, au cours de la vie commune, s’agissant des créances qu’ils détiennent à l’encontre des époux.
    • Autrement dit, elle répond à la question de savoir si un tiers peut actionner en paiement le conjoint de l’époux avec lequel il a contracté et, si oui, dans quelle mesure.
      • Exemple:
        • Un époux se porte acquéreur d’un véhicule sans avoir obtenu, au préalable, le consentement de son conjoint.
        • La question qui immédiatement se pose est de savoir si, en cas de défaut de paiement de l’époux contractant, le vendeur pourra se retourner contre son conjoint, alors même que celui-ci n’a pas donné son consentement à l’opération et qu’il n’est donc pas partie au contrat.
        • Les règles qui régissent l’obligation à la dette répondent à cette question.
    • Aussi, l’obligation à la dette intéresse les rapports entre les tiers et les époux.
    • Elle est notamment traitée à l’article 220 du Code civil qui institue un principe de solidarité pour le règlement des dettes ménagères.

  • La contribution à la dette
    • La contribution à la dette se distingue de l’obligation à la dette en ce qu’elle détermine la part contributive de chaque époux dans les charges du mariage.
    • Autrement dit, elle répond à la question de savoir dans quelles proportions les époux doivent-ils réciproquement supporter les dépenses exposées dans le cadre du fonctionnement du ménage.
    • L’article 214 du Code civil prévoit, à cet égard, que la part contributive de chaque époux est proportionnelle à leurs facultés respectives.
      • Exemple :
        • Les dépenses de fonctionnement d’un couple marié s’élèvent à 1.000 euros
        • L’un des époux perçoit un salaire de 3.000 euros, tandis que le salaire de l’autre est de 1.500 euros
        • Celui qui gagne 3.000 euros devra donc contribuer deux fois plus que son conjoint aux charges du mariage.
    • La contribution à la dette intéresse ainsi les rapports que les époux entretiennent entre eux et non les relations qu’ils nouent avec les tiers.
    • Cette contribution est réglée par l’article 214 du Code civil qui règle la contribution aux charges du mariage.

En résumé, lorsqu’un époux est actionné en paiement par un tiers pour le règlement d’une dette contractée par son conjoint, il pourra toujours se retourner contre ce dernier, après avoir désintéressé le créancier, au titre de l’obligation de contribution aux charges du mariage.

Aussi, le traitement d’une difficulté relative au règlement d’une dette contractée par un époux sans le consentement de son conjoint, supposera de toujours raisonner en deux temps :

  • Premier temps : l’obligation à la dette
    • Le tiers peut-il agir contre le conjoint de l’époux qui a contracté la dette ?
    • S’il s’agit d’une dette ménagère au sens de l’article 220 du Code civil, il pourra actionner indifféremment l’un des deux époux pour le tout.
    • Une fois le règlem.ent de la dette effectué, la détermination de sa répartition entre les époux relève de la question de la contribution aux charges du mariage
  • Second temps : la contribution à la dette
    • L’époux qui a désintéressé le tiers, alors même qu’il n’avait pas contracté la dette, peut-il se retourner contre son conjoint et, si oui, dans quelle proportion ?
    • Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 214 du Code civil qui prévoit qu’une telle action n’est recevable qu’à la condition que la dette qui a été réglée endosse la qualification de charge du mariage.
    • Il faut encore que soit démontré que l’époux contre lequel l’action est dirigée n’a pas contribué aux charges du mariage à proportion de ses facultés.
    • Si tel est le cas, ce dernier devra supporter à titre définitif, une partie, voire la totalité, du poids de la dette

==> Champ d’application

L’article 220 du Code civil relève de ce que l’on appelle le régime primaire impératif applicable.

Par hypothèse, l’application du régime primaire est subordonnée à la satisfaction d’une condition : le mariage.

Bien que l’on puisse relever quelques décisions audacieuses, dans lesquelles les juges ont cherché à faire application, dans le cadre d’une relation de concubinage qu’ils avaient à connaître, de certaines dispositions du régime matrimonial primaire, la jurisprudence de la Cour de cassation a toujours été constante sur ce point : les concubins ne sauraient bénéficier des effets du mariage et plus particulièrement de l’application du régime primaire.

Régulièrement, la Cour de cassation refuse de faire application de l’article 220 du Code civil qui régit l’obligation de solidarité des époux pour les dépenses ménagères.

La Cour de cassation a, par exemple, jugé dans un arrêt du 2 mai 2001, que l’article 220 du Code civil « qui institue une solidarité de plein droit des époux en matière de dettes contractées pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, n’est pas applicable en matière de concubinage » (Cass. 1ère civ. 2 mai 2001, n°98-22836).

La première chambre civile a statué dans le même sens dans un arrêt du 12 décembre 2006 (Cass. 1ère civ. 12 déc. 2006, n°05-17.426), puis dans un arrêt du 23 mars 2011 où elle reprend, à l’identique, son attendu de principe énoncé dans son arrêt rendu en 2001 (Cass. 1ère civ. 23 mars 2011, n°09-71.261)

Le refus de faire bénéficier les concubins du régime primaire vient de ce que la famille a toujours été appréhendée par le législateur comme ne pouvant se réaliser que dans un seul cadre : le mariage.

Celui-ci est envisagé par le droit comme ce qui « confère à la famille sa légitimité »[1] et plus encore, comme son « acte fondateur »[2].

Aussi, en se détournant du mariage, les concubins sont-ils traités par le droit comme formant un couple ne remplissant pas les conditions lui permettant de quitter la situation de fait dans laquelle il se trouve pour s’élever au rang de situation juridique. D’où la célèbre formule prêtée à Napoléon qui aurait dit que « puisque les concubins se désintéressent du droit, le droit se désintéressera d’eux ».

À cet égard, l’article 1310 du Code civil prévoit que « la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas ».

Il s’infère de cette disposition que la seule solution pour les concubins de bénéficier du dispositif instauré à l’article 220 du Code civil, c’est de stipuler dans les contrats qu’ils concluent avec les tiers une clause de solidarité.

En pratique, la stipulation d’une telle clause leur sera d’ailleurs imposée par les tiers et notamment lorsqu’il s’agira pour les concubins de souscrire un emprunt ou un bail en commun.

Dans un arrêt du 27 avril 2004, la Cour de cassation a jugé en ce sens, au visa des articles 220 et 1202 du Code civil « qu’aux termes du second de ces textes, la solidarité ne se présume point ; qu’il faut qu’elle soit expressément stipulée ; que cette règle ne cesse que dans les cas où la solidarité a lieu de plein droit, en vertu d’une disposition de la loi ; que le premier, qui institue une solidarité de plein droit des époux en matière de dettes contractées pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, n’est pas applicable en cas de concubinage » (Cass. 1ère civ. 27 avr. 2004, n°02-16291).

La solidarité entre concubins n’a ainsi vocation à jouer qu’à la condition qu’elle ait été expressément stipulée, faute de quoi seul le concubin qui s’est engagé sera tenu envers le tiers.

Réciproquement, le créancier ne pourra actionner en paiement que celui avec lequel il a contracté, peu importe qu’il soit insolvable et que son concubin, non partie à l’acte, dispose de la capacité financière de régler sa créance.

S’agissant du poids définitif de la dette, celui qui a réglé ne disposera d’aucun recours contre son concubin dans la mesure où, à l’instar de l’article 220 du Code civil, l’article 214 n’est pas applicable au couple de concubins (Cass. 1ère civ. 19 mars 1991, n°88-19400).

Il est donc indifférent qu’il ait réglé une dette au-delà de sa part contributive, alors même qu’elle a été souscrite dans l’intérêt du ménage.

Dans cette étude, consacrée à la solidarité des dettes ménagères, nous ne nous focaliserons donc que sur le couple marié, étant précisé que le régime matrimonial pour lequel il a opté sans incidence sur l’application de l’article 220 du Code civil.

Parce que cette disposition relève du régime primaire impératif, elle est d’ordre public. Les époux ne peuvent donc pas y déroger par convention contraire. Elle est donc applicable, tout autant aux époux mariés sous un régime communautaire, qu’aux époux mariés sous un régime séparatiste.

Dans cette perspective, dans un premier temps nous nous focaliserons sur le principe de solidarité des dettes ménagères après quoi nous envisagerons son domaine.

[1] F. Terré, op. préc., n°325, p. 299.

[2] Ph. Malaurie et H. Fulchiron, op. préc., n°106, p. 53.

L’encadrement de la méthode de calcul du taux effectif global (TEG/TAEG)

Le choix de la méthode de calcul du TEG n’est pas neutre. Selon la méthode mise en œuvre, le résultat obtenu est susceptible de sensiblement différer (A). En France, le législateur a fait le choix d’admettre deux méthodes de calcul dont l’adoption dépend de la nature du crédit consenti (B).

I) Le choix de la méthode de calcul du coût du crédit

==>La loi du 28 décembre 1966: la liberté de choix

Le taux effectif global a été institué par la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966 relative à l’usure, aux prêts d’argent et à certaines opérations de démarchage et de publicité.

Lorsque cette notion a été introduite en droit français, le législateur avait pour seule ambition d’appréhender plus finement le taux d’usure, ce qui supposait de tenir compte, dans son calcul, de tous les frais exposés par l’emprunteur en sus du paiement des intérêts au taux nominal.

S’il peut être reconnu à cette loi d’avoir créé un outil qui permet de refléter le coût réel du crédit en exprimant, non seulement la rémunération perçue par le prêteur, mais encore le montant de la charge effectivement supporté par l’emprunteur[1], elle n’en a pas moins été silencieuse sur la méthode de calcul du taux effectif global.

Cela signifiait que les établissements bancaires étaient libres d’adopter la méthode de calcul de leur choix. Afin de procéder au calcul du taux effectif global, deux méthodes s’opposent : la méthode proportionnelle et la méthode équivalente.

À titre de remarque liminaire, il convient d’observer que le choix d’une méthode n’a d’incidence, ni sur le coût réel du crédit, ni sur le montant des échéances de remboursement.

Une comparaison, au moyen des mathématiques financières, révèle que seul le coût apparent du crédit diffère d’une méthode à l’autre.

Pour exemple, tandis que pour un emprunt de 1.000 euros remboursé en deux fois sur une année au taux mensuel de 0,5%, la méthode proportionnelle conduit à afficher un taux annuel de 6%, la méthode équivalente conduit, pour un même emprunt, à communiquer sur un taux annuel de 6,1%.

La méthode proportionnelle présente indubitablement l’avantage de ne soulever aucune difficulté de mise en œuvre, de sorte que sa compréhension est à la portée de l’emprunteur non averti. Elle conduit néanmoins à obtenir un taux effectif global moins précis que si l’on avait recouru à la méthode équivalente.

Bien que plus fiable, cette seconde méthode n’est pas sans avoir, elle aussi, son lot d’inconvénients : elle est assise sur une formule plus complexe que celle qui préside à la mise en œuvre de la méthode proportionnelle, ce qui a pour conséquence immédiate de rendre le calcul du taux effectif global moins transparent pour les emprunteurs.

Sans surprise, tant qu’aucun texte n’imposait l’utilisation d’une méthode en particulier, les établissements bancaires se sont tournés vers celle qui leur serait la plus favorable : la méthode proportionnelle.

Cette méthode privilégie les prêteurs en ce qu’elle leur permet de communiquer sur un coût du crédit plus flatteur que celui obtenu au moyen de la méthode équivalente.

Cette liberté de choix dont jouissaient les professionnels du crédit quant à la méthode de calcul du taux effectif global a prospéré pendant près de dix ans. Il a fallu attendre le milieu des années soixante-dix pour que la jurisprudence s’empare du sujet.

==>L’intervention de la jurisprudence

Dans un arrêt du 30 janvier 1975, la Cour de cassation a notamment considéré que, pour les prêts à amortissement échelonné, le taux de période devait être calculé actuariellement, soit en tenant compte des modalités d’amortissement de la créance[2]. Elle n’a cependant pas dit, dans cette décision, quelle méthode devait être adoptée pour obtenir un taux effectif global annuel.

Après avoir réaffirmé cette position dans un arrêt du 8 juin 1977 rendu par la chambre criminelle[3], la Cour de cassation s’est explicitement prononcée en faveur de la méthode proportionnelle dans un arrêt remarqué du 9 janvier 1985.

Aux termes de cette décision, elle a affirmé que « la méthode de calcul dite du taux équivalent […] ne peut être retenue dans la mesure où elle repose sur la fiction selon laquelle un débiteur tenu au paiement d’une seule échéance par an aurait la possibilité d’obtenir dans l’intervalle un taux d’intérêt équivalent à celui de son prêt pour les sommes restées en sa possession ».

La haute juridiction en déduit « que seule peut être retenue la méthode proportionnelle […] qui consiste à multiplier le taux de période par le nombre de périodes comprises dans l’année »[4].

Quelques mois plus tard, le pouvoir réglementaire entérine l’adoption de cette méthode par décret du 4 septembre 1985[5].

==>Le décret du 4 septembre 1985: le choix de la méthode proportionnelle

L’article 1er de ce texte dispose en ce sens que « le taux effectif global d’un prêt est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires. Le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l’emprunteur. »

En raison de l’imprécision de la méthode proportionnelle qui conduit inexorablement à afficher un taux effectif global inférieur à celui effectivement pratiqué par les établissements de crédit, la position française fait l’objet de nombreuses critiques émanant, en particulier, des associations de consommateurs. Cette situation a convaincu le législateur européen d’engager une réflexion sur le sujet.

==>L’intervention du législateur européen

Il s’en est suivi l’adoption par le Conseil, en date du 22 décembre 1986, de la directive n°87/102/CEE relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation.

Bien que cette directive prévoit, pour la première fois, l’obligation pour les banques de communiquer aux emprunteurs le coût total du crédit consenti, elle n’en laisse pas moins un goût d’inachevé, en ce qu’elle abandonne aux États membres le choix de la méthode à appliquer pour calculer le taux effectif global.

==>Le choix de la méthode équivalente

Il faut attendre la directive n°90/88/CEE adoptée le 22 février 1990 pour que les instances communautaires imposent une méthode de calcul aux États membres[6].

Ces dernières justifient la création de cette nouvelle obligation en avançant « qu’il convient, en vue de l’instauration d’une telle méthode et conformément à la définition du coût total du crédit au consommateur, d’élaborer une formule mathématique unique de calcul du taux annuel effectif global et de déterminer les composantes du coût du crédit à retenir dans ce calcul au moyen de l’indication des coûts qui ne doivent pas être pris en compte »

La méthode de calcul finalement retenue par le législateur européen est la méthode équivalente. La directive autorise toutefois certains États membres, dont la France, à maintenir la méthode proportionnelle jusqu’au 31 décembre 1995, afin de leur permettre d’adapter leur législation et de laisser le temps aux professionnels du crédit d’assimiler et de mettre en œuvre ce changement qui n’est pas sans avoir profondément modifié leur façon de procéder.

==>La résistance du législateur français

L’accueil réservé par les autorités françaises à ce texte est pour le moins mitigé, sinon glacial. En témoigne, la réponse écrite formulée par le ministre des finances de l’époque à un parlementaire qui estime que le réalisme de la méthode équivalente est « discutable puisqu’elle repose sur l’idée parfaitement théorique que l’emprunteur pourrait replacer sa trésorerie obtenue à un taux égal à celui de l’emprunt. De surcroît, son adoption ne serait pas sans inconvénient. D’une part, elle conduirait à afficher, toutes choses égales par ailleurs, des taux en hausse sensible selon leur durée. D’autre part, les emprunteurs, qui sont les principaux intéressés par l’affichage du TEG, ne retireraient guère d’avantages de ce changement de méthode : le montant des intérêts débiteurs à leur charge resterait inchangé mais le mode de calcul serait substantiellement obscurci »[7].

N’entendant pas déférer aux injonctions qui lui avaient été adressées par législateur européen, le gouvernement français a, pour marquer sa position, codifié les dispositions du décret qui avait institué la méthode proportionnelle aux articles R. 313-1 et suivants du Code de la consommation par voie de décret adoptée en date du 27 mars 1997[8].

==>La directive du 16 février 1998: la confirmation de la méthode équivalente

Cette initiative n’a manifestement pas suffi à faire reculer les instances communautaires, lesquelles ont très clairement réaffirmé leur position en adoptant la directive 98/7/CE du 16 février 1998 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation[9].

Lors de la phase d’élaboration du texte, le Conseil et le Parlement se sont appuyés, en particulier, sur les travaux de scientifiques, lesquels sont arrivés à la conclusion que seule la méthode équivalente permettait d’obtenir un taux effectif conforme à celui effectivement pratiqué[10].

En 1996, la Commission européenne était d’ores et déjà été convaincue par cette analyse. Dans un rapport portant sur l’application de la directive du 22 février 1990, elle n’hésita pas à affirmer que « pour le consommateur, les contrats de crédit à la consommation français apparaissent donc artificiellement plus favorables que dans tous les autres États membres de la Communauté européenne. […] La méthode française s’écarte tellement de la méthode communautaire que les taux d’intérêt français sont trompeurs non seulement pour les consommateurs d’autres pays européens, mais aussi pour les consommateurs français qui ne peuvent obtenir une vision correcte des différences dans les prix du crédit, par exemple entre un crédit remboursé par mensualités et un crédit à remboursements trimestriels »[11].

Le rapport accable un peu plus la méthode française en ajoutant qu’elle « semble se fonder sur le raisonnement selon lequel la fonction du TAEG est d’indiquer la charge pour le consommateur (bien qu’il semble admis que la formule communautaire soit d’usage dans les milieux commerciaux). Ce raisonnement est toutefois erroné et relève d’une mauvaise compréhension de la fonction du TAEG. Le TAEG n’indique pas “la charge pour le consommateur”, les consommateurs ne peuvent évaluer la charge sur leur budget que si elle est exprimée en unités monétaires puisque la totalité de leurs revenus mensuels et de leurs dépenses s’expriment de cette façon. Pour répondre aux interrogations du consommateur sur le choix d’un crédit donné, les obligations prévues dans la directive sur l’indication des versements, du coût total et du montant total de la dette sont essentielles. Seuls les clients commerciaux peuvent utiliser le TAEG comme indicateur de la charge parce qu’ils peuvent le comparer à leur taux de profit ou au taux de l’intérêt que produisent d’autres capitaux.

Deux ans plus tard, la directive du 16 février 1998 est venue consacrer la méthode équivalente qui, dorénavant, s’impose à tous les États membres sans possibilité pour eux de conserver la méthode proportionnelle. Le texte prévoit, en ce sens, à titre liminaire, « qu’il convient afin de promouvoir l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur et d’assurer aux consommateurs un haut degré de protection, d’utiliser une seule méthode du calcul du taux annuel effectif global afférent au coût du crédit au consommateur dans l’ensemble de la Communauté européenne ». Il en est déduit, dans le troisième considérant, « qu’il convient, en vue de l’instauration de cette méthode unique, d’élaborer une formule mathématique unique de calcul du taux annuel effectif global et de déterminer les composantes du coût du crédit à retenir dans ce calcul au moyen de l’indication des coûts qui ne doivent pas être pris en compte »

Bien que la méthode équivalente soit présentée par le législateur européen comme « unique », son application demeure néanmoins circonscrite au seul domaine des crédits à la consommation. Pour les autres crédits, les établissements bancaires sont libres de choisir la méthode qui leur sied. Aux termes de l’article 2 de la directive, les États membres disposent d’un délai de deux ans à compter de son entrée en vigueur pour transposer ces nouvelles règles.

==>Le décret du 10 juin 2002: la reconnaissance de la méthode équivalente

Le législateur français s’y conformera en 2002 par l’adoption du décret n°2002-928 du 10 juin 2002. L’application de la méthode équivalente s’impose désormais aux établissements bancaires pour les crédits à la consommation. Les dispositions du décret ainsi adopté sont codifiées aux articles R. 313-1 et suivants du Code de la consommation.

Par suite, dans le droit fil de la réforme initiée par la directive n°90/88/CEE adoptée le 22 février 1990, le législateur européen a poursuivi son œuvre d’encadrement des crédits à la consommation, en envisageant, dans la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008, des hypothèses supplémentaires nécessaires au calcul du taux annuel effectif global[12].

Il est par exemple prévu, en annexe I de la directive, que « en cas de facilité de découvert, le montant total du crédit est réputé prélevé en totalité et pour la durée totale du contrat de crédit. Si la durée du contrat de crédit n’est pas connue, on calcule le taux annuel effectif global en partant de l’hypothèse que la durée du crédit est de trois mois ».

Il est encore précisé que « pour les contrats de crédit aux consommateurs pour lesquels un taux débiteur fixe a été convenu dans le cadre de la période initiale, à la fin de laquelle un nouveau taux débiteur est établi et est ensuite périodiquement ajusté en fonction d’un indicateur convenu, le calcul du taux annuel effectif global part de l’hypothèse que, à compter de la fin de la période à taux débiteur fixe, le taux débiteur est le même qu’au moment du calcul du taux annuel effectif global, en fonction de la valeur de l’indicateur convenu à ce moment-là ».

==>La loi Lagarde du 1er juillet 2010

La directive du 23 avril 2008 a été transposée, en droit français, par la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation. À cet égard, le législateur en a profité pour introduire dans le Code de la consommation la distinction entre le Taux Effectif Global (TEG) et le Taux Annuel Effectif Global (TAEG).

La distinction entre ces deux notions tient, pour l’essentiel, à la méthode – équivalente ou proportionnelle – utilisée pour calculer le coût du crédit à communiquer à l’emprunteur. L’autre critère de distinction réside dans l’inclusion des frais d’acte notarié dans le coût total du crédit. Tandis que ces frais doivent être inclus dans l’assiette du TEG, la loi du 23 avril 2008 les a expressément exclus du calcul du TAEG, à tout le moins s’agissant de l’acquisition d’un bien immobilier.

Parachevant la transposition de la directive du 23 avril 2008, le gouvernement a, par suite, adopté le décret n° 2011-136 du 1er février 2011 relatif à l’information précontractuelle et aux conditions contractuelles en matière de crédit à la consommation. Ce texte précise les modalités de calcul du TEG, en complétant l’annexe dont était assorti l’article R. 313-1 du Code de la consommation introduit, initialement, par le décret du 10 juin 2002. Là ne s’est pas arrêtée l’évolution des règles applicables aux crédits consentis à des particuliers.

==>La directive DCI du 4 février 2014

Animés par une volonté de renforcer la protection des emprunteurs, le Parlement et le Conseil ont adopté, le 4 février 2014, la directive 2014/17/UE sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel[13]. La genèse de cette directive, dite DCI, procède de la poursuite du même objectif que celui visé par le législateur européen lorsqu’il avait institué la méthode équivalente comme méthode de calcul du coût des crédits à la consommation. Il ressort, en ce sens, du considérant 37 de la directive DCI que les consommateurs doivent « être protégés contre la publicité déloyale ou mensongère et pouvoir comparer les offres. Il est dès lors nécessaire de prévoir des dispositions spécifiques sur la publicité des contrats de crédit ainsi qu’une liste d’éléments à faire figurer dans les annonces publicitaires et les documents à caractère commercial destinés aux consommateurs lorsque ces publicités mentionnent les taux d’intérêt ou des chiffres relatifs au coût du crédit, afin de permettre aux consommateurs de comparer les offres. ».

L’un des apports majeurs de ce texte est qu’il étend aux crédits immobiliers l’application de la méthode équivalente s’agissant du calcul du taux d’intérêt communiqué aux emprunteurs. Désormais, la mention du TAEG est exigée, tant pour les crédits à la consommation, que pour les crédits immobiliers. Quant au TEG, sa communication est circonscrite aux seuls crédits destinés à financer les besoins d’une activité professionnelle ou destinées à des personnes morales de droit public.

==>L’ordonnance du 25 mars 2016: la primauté de la méthode équivalente

La directive DCI du 4 février 2014 a été transposée, en droit français, par l’ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation. Elle est entrée en vigueur le 1er octobre 2016

À compter de cette date, il convient de distinguer les crédits soumis au Code de la consommation, de ceux régis par le Code monétaire et financier.

Les premiers, que sont les crédits à la consommation et les crédits immobiliers, sont assortis d’un coût qui s’exprime en TAEG calculé selon la méthode équivalente.

Quant aux seconds, qui englobent les crédits consentis aux professionnels et aux personnes morales de droit public, sont assortis d’un coût qui s’exprime en TEG calculé selon la méthode proportionnelle.

Selon que l’on calcule le coût du crédit en TAEG ou en TEG la méthode de calcul n’est pas la même, raison pour laquelle il convient de les envisager séparément.

II) La dualité des méthodes de calcul du coût du crédit

À titre de remarque liminaire, il convient d’observer que, conformément à l’article R. 314-1 du Code de la consommation, le calcul du TEG/TAEG repose sur l’hypothèse que le contrat de crédit restera valable pendant la durée convenue et que le prêteur et l’emprunteur rempliront leurs obligations selon les conditions et dans les délais précisés dans le contrat de crédit.

Cette disposition précise que, s’agissant des contrats de crédit qui comportent des clauses qui permettent des adaptations du taux d’intérêt et, le cas échéant, des frais entrant dans le taux effectif global mais ne pouvant pas faire l’objet d’une quantification au moment du calcul, le TEG/TAEG est calculé en partant de l’hypothèse que le taux d’intérêt et les autres frais resteront fixes par rapport au niveau initial et s’appliqueront jusqu’au terme du contrat de crédit.

L’article L. 312-2 du Code de la consommation ajoute que lorsque le prêt fait l’objet d’un amortissement échelonné, le taux effectivement pratiqué doit, en toute hypothèse, être calculé en tenant compte des modalités de l’amortissement de la créance.

Pour le reste, il convient de distinguer selon que le coût du crédit s’exprime en TEG ou en TAEG.

==> Le calcul du TEG : la méthode proportionnelle

L’article R. 314-2 du Code de la consommation dispose que « pour les opérations de crédit destinées à financer les besoins d’une activité professionnelle ou destinées à des personnes morales de droit public, le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires. »

Deux enseignements peuvent être tirés de cette disposition.

D’une part, pour les crédits consentis à des professionnels où à des personnes morales de droit public, le coût du crédit s’exprime en taux effectif global.

D’autre part, le taux effectif global, applicable à cette catégorie de crédit, se calcule selon la méthode que l’on qualifie de proportionnelle.

La spécificité de cette méthode de calcul du taux d’intérêt est qu’elle s’effectue en deux temps.

Dans un premier temps, il convient de calculer ce que l’on appelle un taux de période, lequel correspond à la périodicité des remboursements effectués par l’emprunteur (mois, trimestre, semestre, etc…).

À cet égard, l’alinéa 2 de l’article R. 314-2 du Code de la consommation précise que « lorsque la périodicité des versements est irrégulière, la période unitaire est celle qui correspond au plus petit intervalle séparant deux versements. Le plus petit intervalle de calcul ne peut cependant être inférieur à un mois. ».

En tout état de cause, le taux de période est calculé actuariellement, à partir d’une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l’emprunteur.

Cette opération mathématique consiste à ramener des flux financiers non directement comparables, car se produisant à des dates différentes, à une même base, en calculant la valeur actualisée de chaque flux futur, positif ou négatif, de remboursement, de paiement d’intérêt ou autre, ce qui donne la valeur actualisée.

Pour bien comprendre la logique qui préside à cette méthode de calcul, il convient de partir du constat que les modalités de paiement des intérêts diffèrent d’un emprunt à l’autre. Or payer les intérêts dus chaque année pour un emprunt en une seule fois à la fin de la période annuelle, ne revient pas au même que de payer les intérêts chaque mois.

Supposons, par exemple, que l’on emprunte la somme de 10.000 euros laquelle doit être entièrement remboursée au bout d’un an, avec un taux d’intérêt nominal de 12%.

Dans l’hypothèse où les intérêts sont payés chaque mois, l’emprunteur doit régler au prêteur chaque mois un douzième de 12%, c’est-à-dire 1%, soit 100 euros.

Au total, le montant des intérêts s’élèvera, au bout d’un an, à 12 X 100 €, soit à 1.200 €.

Manifestement, cette solution ne revient pas au même selon que l’on se place du point de vue de l’emprunteur ou du prêteur.

En effet, tandis que le premier aurait pu faire fructifier cette somme, le second aurait pu les prêter.

Le taux actuariel tient ainsi compte du facteur temps, à supposer que le prêt des intérêts progressivement versés rapporte des intérêts composés de 1% par mois. L’intérêt produit par le capital d’un euro au bout d’un mois étant de 0,01 euros, ledit capital prend la valeur de 1,01 euros à l’issue de cette période.

Selon la méthode proportionnelle, le taux actuariel assure l’égalité entre, d’une part, les sommes prêtées et, d’autre part, tous les versements dus par l’emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers.

Schéma 1.JPG

Avec :

  • S = Somme prêté
  • V = versement périodique
  • Ip = intérêt périodique
  • P = période
  • F = frais divers

Dans un second temps, il convient, pour obtenir le taux effectif global, de multiplier le taux de période par le nombre de période que comporte l’année civile.

L’article R. 314-2 dispose en ce sens que « lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre qu’annuelle, le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l’année civile et celle de la période unitaire ».

Schéma 2.JPG

Avec :

  • K = constante de calcul relative à la période

S’agissant de l’ouverture d’une ligne de crédit à court terme, l’alinéa 3 de cette disposition prévoit que le TEG qui figure sur la convention de compte, doit être calculé sur la totalité des droits mis à la disposition du client, comme si l’entreprise avait mobilisé l’intégralité de sa ligne de tirage sur la durée théorique de cette possibilité de tirage.

Ainsi, la méthode proportionnelle conduit, au fond, à exprimer le taux effectif global en un taux proportionnel, car en relation, de façon proportionnelle, au taux de période.

==> Le calcul du TAEG : la méthode équivalente

L’article R. 314-3, al. 1er du Code de la consommation prévoit que le coût des crédits consentis à des consommateurs, qui s’exprime en taux annuel effectif global, se calcule selon la méthode d’équivalence.

À la différence de la méthode proportionnelle, la méthode équivalente n’exige pas, pour calculer le taux effectif global, de déterminer, au préalable, le taux de période : il évalue directement un taux annuel. Cette particularité permet d’obtenir un taux effectif global plus juste.

En effet, s’il est d’usage que les établissements bancaires communiquent sur un taux de crédit annuel, la périodicité de remboursement est, le plus souvent, mensuelle.

La question qui alors se pose est de savoir comment convertir un taux débiteur annuel en un taux débiteur mensuel. Cette conversion s’impose dès lors que l’on exige de l’emprunteur qu’il rembourse, chaque mois, les intérêts correspondant à la rémunération du prêteur.

Lorsque l’on applique la méthode proportionnelle, il suffit, pour déterminer le taux de période, de recourir à une simple division. Lorsque, en revanche, l’on recourt à la méthode équivalente, l’opération est bien moins évidente, car elle repose sur le calcul du taux équivalent.

Des taux d’intérêt se rapportant à des périodes différentes sont dits équivalents si la valeur future d’une même somme à une même date est la même avec chaque taux.

Contrairement à la méthode proportionnelle, la méthode équivalente conduit ainsi à l’obtention d’un taux débiteur annuel qui peut varier selon la périodicité des versements.

Cette méthode met toutefois en œuvre, une formule plus lourde qu’une division : elle repose sur un calcul d’actualisation des flux à compter de la date de déblocage des fonds.

L’article R. 314-3, al. 2 prévoit en ce sens que « le taux annuel effectif global est calculé actuariellement et assure, selon la méthode des intérêts composés, l’égalité entre, d’une part, les sommes prêtées et, d’autre part, tous les versements dus par l’emprunteur au titre de ce prêt pour le remboursement du capital et le paiement du coût total du crédit au sens du 7° de l’article L. 311-1 ces éléments étant, le cas échéant, estimés. »

Concrètement, la détermination du taux effectif global procède de la résolution d’une équation mathématique – énoncée à l’article 2 du décret du 29 juin 2016[14] – qui vise à égaliser le total (actualisé) des sommes prêtées et des échéances dues par l’emprunteur, selon la formule suivante :

Schéma 3.JPG

Avec :

  • X est le TAEG ;
  • m désigne le numéro d’ordre de la dernière utilisation effectuée sur le crédit ;
  • k désigne le numéro d’ordre de la dernière utilisation effectuée sur le crédit, donc 1 ? k ? m ;
  • Ck est le montant de la dernière utilisation effectuée sur le crédit numéro k ;
  • tk désigne l’intervalle de temps, exprimé en années et fractions d’année, entre la date de la première utilisation effectuée sur le crédit et la date de chacune des utilisations suivantes effectuées, donc t 1 = 0 ;
  • m’ est le numéro d’ordre du dernier remboursement ou paiement de frais ;
  • l est le numéro d’ordre d’un remboursement ou paiement de frais ;
  • Dl est le montant d’un remboursement ou paiement de frais ;
  • sl est l’intervalle de temps, exprimé en années et fractions d’années, entre la date de la première utilisation effectuée sur le crédit et la date de chaque remboursement ou paiement de frais.

Cette équation représente l’égalité entre la, ou, les mises à disposition des fonds et tous les remboursements ou dépenses, actualisés à la date du premier déblocage.

Au bilan, il apparaît que c’est désormais la méthode équivalente qui s’impose comme la méthode de calcul de référence du coût du crédit.

Sous l’impulsion du législateur européen, elle est d’application générale, tandis que le recours à la méthode proportionnelle est circonscrit au domaine des seuls crédits consentis aux professionnels et aux personnes morales de droit public

Si, à cet égard, il échoit aux établissements bancaires de bien distinguer selon les deux catégories de crédits envisagées par le Code de la consommation afin de déterminer la méthode applicable au calcul du taux, il leur appartient, en toute hypothèse, de communiquer à l’emprunteur, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le coût de l’opération, exprimé, tantôt en TAEG, tantôt en TEG.

[1] Ch. Gavalda et J. Stoufflet, Droit bancaire, 9e éd., 2015, Litec, n° 602

[2] Cass. crim., 30 janv. 1975 : Defrénois 1975, p. 696, note Morin.

[3] Cass. crim., 8 juin 1977 : JCP G 1978, II, 188875, note Y. Husset.

[4] Cass. 1ère civ. 9 janv. 1985, JCP G 1986, II, 20532.

[5] Décret n°85-944 du 4 septembre 1985 relatif au calcul du taux effectif global

[6] Directive 90/88/CEE du Conseil du 22 février 1990 modifiant la directive 87/102/CEE relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation

[7] Rép. Min. fin. n°66948 du 8 février 1993, JO du 29 mars 1993, page 1129

[8] Décret n°97-298 du 27 mars 1997 relatif au code de la consommation

[9] Directive 98/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 modifiant la directive 87/102/CEE relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation

[10] V. en ce sens P. Schelmann, Étude relative à la méthode de calcul du TAEG dans les États membres de l’EEE, disponible auprès de la DG XXIV.

[11] Rapport de la Commission européenne sur l’application de la directive n° 90/88/CEE, Document COM (96) 79 final, du 12 avril 1996, page 18, § 77

[12] Directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil.

[13] Directive 2014/17/UE du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) no 1093/2010

[14] Décret no 2016-884 du 29 juin 2016 relatif à la partie réglementaire du code de la consommation: https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000032797752.

Les effets patrimoniaux et personnels du pacs

À l’instar du mariage le pacs produit deux sortes d’effets :

  • Des effets personnels
  • Des effets patrimoniaux

I) Les effets personnels du pacs

A) Les effets positifs

  1. L’obligation de vie commune

L’article 515-4 du Code civil prévoit que « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à une vie commune »

Parce que le pacs est avant tout une union entre deux personnes qui envisagent de vivre ensemble, l’obligation de vie commune est consubstantielle de cette institution.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par vie commune et plus précisément qu’est-ce que cette obligation recoupe.

Dans sa décision du 9 décembre 1999, le Conseil constitutionnel a apporté un élément de réponse en affirmant que « la notion de vie commune ne couvre pas seulement une communauté d’intérêts et ne se limite pas à l’exigence d’une simple cohabitation entre deux personnes ; que la vie commune mentionnée par la loi déférée suppose, outre une résidence commune, une vie de couple qui seule justifie que le législateur ait prévu des causes de nullité du pacte qui, soit reprennent les empêchements à mariage visant à prévenir l’inceste, soit évitent une violation de l’obligation de fidélité découlant du mariage ; qu’en conséquence, sans définir expressément le contenu de la notion de vie commune, le législateur en a déterminé les composantes essentielles ».

Ainsi, pour le Conseil constitutionnel le pacs est bien plus qu’une communauté d’intérêt, telle que peut l’être, par exemple, une société.

L’obligation de vie commune suppose pour les partenaires d’observer trois règles auxquelles ils ne sauraient déroger par convention contraire :

  • Le devoir de cohabitation
    • Le devoir de cohabitation est expressément visé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 décembre 1999.
    • Partager une vie commune c’est, avant tout, cohabiter, soit vivre sous le même toit. Il appartiendra donc aux partenaires de déterminer leur lieu de résidence.
  • Le devoir charnel
    • Le Conseil constitutionnel considère que, plus qu’une communauté d’intérêts, l’obligation de vie commune suppose « une vie de couple»
    • Autrement dit, le pacs n’implique pas seulement une communauté de vie, il invite à une communauté de lit.
    • Aussi, les partenaires s’engagent-ils à avoir des rapports sexuels entre eux.
  • Devoir de fidélité
    • La question s’est posée de savoir si, à l’instar des époux, à qui s’impose un devoir de fidélité, s’il en allait de même pour les partenaires.
    • Trois arguments peuvent être avancés au soutien d’une réponse positive à cette interrogation.
      • En premier lieu, en ce que le pacs est un contrat, les partenaires sont, tenus, comme les contractants à une obligation de loyauté et de bonne foi conformément à l’article 1104 du Code civil.
      • En deuxième lieu, si, comme l’a affirmé le Conseil constitutionnel, l’obligation de communauté de vie suppose une « vie de couple», cela signifie que les partenaires doivent exercer une certaine exclusivité l’un sur l’autre.
      • En troisième lieu, pourquoi le législateur a-t-il institué des d’empêchement qui tiennent au lien de parenté sinon pour prévenir les cas d’inceste, le pacs impliquant nécessairement l’entretien de rapports sexuels.
    • Pour l’heure, on ne recense qu’une seule décision sur l’obligation de fidélité dont serait assorti le pacs.
    • Elle a été rendue par le Président du Tribunal de grande instance de Lille qui a été amené à statuer en référé sur cette question.
    • Dans cette décision il a estimé que, sur le fondement de l’obligation de loyauté rattachée à l’ancien article 1134 du Code civil que l’obligation de vie commune commande de « sanctionner toute forme d’infidélité entre partenaires» (TGI Lille, ord., 5 juin 2002).
    • Bien qu’il ne s’agisse que d’une ordonnance de référé, il est de fortes chances que la Cour de cassation adopte une solution similaire, si elle était amenée à statuer sur cette question.

2. L’obligation d’assistance

L’obligation d’assistance a été introduite par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités.

Cette obligation est prévue à l’article 515-4 du Code civil qui dispose que « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à […] une assistance réciproque ».

Elle implique pour les partenaires de se prêter une aide morale et psychologique. Ils doivent, autrement dit, se soutenir l’un l’autre afin d’affronter ensemble les difficultés de la vie.

3. L’aide matérielle

==> Contenu de l’obligation

Aux termes de l’article 515-4 du Code civil, « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à […] une aide matérielle] ».

Cette disposition précise que «  si les partenaires n’en disposent autrement, l’aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives. »

De toute évidence, il s’agit là d’une transposition de l’article 214 applicable aux époux qui édicte à leur endroit une obligation de contribution aux charges ménagères.

Pour mémoire, cet article dispose que « si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives. »

La règle posée à l’article 515-4 est sensiblement la même, de sorte que les partenaires sont également tenus de contribuer aux charges du ménage à hauteur de leurs facultés respectives.

La question qui alors se pose est de savoir en quoi consiste cette obligation. Deux éléments doivent être envisagés pour le déterminer :

  • Quelles sont les charges du ménage ?
    • Il s’agit de toutes les dépenses qui assurent le fonctionnement du ménage (contrairement aux dépenses d’investissement).
    • Ce sont donc toutes les dépenses d’intérêt commun que fait naître la vie du ménage
    • Les charges du ménage correspondent au train de vie des partenaires
      • Exemples: nourriture, vêtements, loyer, gaz, eau, électricité, internet etc…
  • Quelle est étendue de la contribution des partenaires ?
    • Chaque partenaire doit contribuer aux charges du ménage en proportion de ses facultés.
    • Le conseil constitutionnel a précisé que « dans le silence du pacte, il appartiendra au juge du contrat, en cas de litige, de définir les modalités de cette aide en fonction de la situation respective des partenaires».
      • Exemple: si un partenaire gagne 1000 euros et l’autre 2000 euros alors le second devra contribuer deux fois plus que le premier aux charges du ménage.

==> Sanction de l’obligation

À la différence de l’article 214 du Code civil, l’article 515 ne prévoit pas d’action en contribution en cas de défaillance de l’un des partenaires.

En matière matrimoniale, il est, en effet, prévu que « si l’un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l’autre dans les formes prévues au code de procédure civile. »

Est-ce à dire que les partenaires ne disposeraient d’aucune action pour obliger l’autre à contribuer aux charges du ménage ? On peut en douter.

==> Caractère de l’obligation

On observera que, dans sa décision du 9 décembre 1999, le Conseil constitutionnel a affirmé, s’agissant de l’aide matérielle à laquelle s’obligent les partenaires que « si la libre volonté des partenaires peut s’exprimer dans la détermination des modalités de cette aide, serait nulle toute clause méconnaissant le caractère obligatoire de ladite aide ».

Aussi, cela signifie-t-il que cette obligation est d’ordre public. Si, dès lors, les partenaires peuvent en aménager les modalités, ils ne sauraient la supprimer.

3. Statut fiscal

Les partenaires liés par un PACS sont soumis à une imposition commune pour les revenus dont ils ont disposé pendant l’année de la conclusion du pacte.

Par exception, ils peuvent opter pour l’imposition distincte des revenus dont chacun a personnellement disposé pendant l’année de la conclusion du pacte, ainsi que de la quote-part des revenus communs lui revenant (Art. 6 CGI)

Les partenaires sont solidairement tenus au paiement :

  • de l’impôt sur le revenu lorsqu’ils font l’objet d’une imposition commune
  • de la taxe d’habitation lorsqu’ils vivent sous le même toit ( 1691 bis I CGI)
  • de l’impôt de solidarité sur la fortune ( 1723 ter-00 B CGI).

4. Droit sociaux

Le partenaire pacsé a droit au bénéfice immédiat de l’affiliation à la sécurité sociale de son partenaire, si lui-même ne peut bénéficier de la qualité d’assuré social à un autre titre (art. L. 160-17 C. secu.).

Le partenaire pacsé bénéficie sans aucune condition, et prioritairement sur les descendants et les ascendants, du capital décès de son partenaire dû au titre du régime général de la sécurité sociale (art. L. 361-4 C. secu).

S’agissant du calcul de leurs droits à prestations sociales et familiales, la conclusion d’un PACS a pour effet de modifier l’assiette des revenus pris en considération pour la fixation du droit à allocation, les revenus des deux partenaires étant cumulés pour calculer ces droits.

Par ailleurs, la conclusion d’un PACS emporte automatiquement la suppression de l’allocation de parent isolé.

Enfin, les revenus pris en considération pour la fixation du droit à allocation adulte handicapé (AAH), revenu de solidarité active (RSA), allocation de solidarité spécifique, prime pour l’emploi, et allocation logement, sont ceux des deux partenaires du PACS.

5. Droit au logement

Le partenaire de PACS n’est réputé co-titulaire du bail sur le logement familial que si les partenaires en font conjointement la demande.

Lors du départ du partenaire unique locataire des lieux qui servaient à la résidence commune, l’autre peut bénéficier de la continuation du bail ou, en cas de décès du locataire, du transfert du droit au bail, quand bien même il n’est pas signataire du bail initialement.

Quand le PACS prend fin par décès, le partenaire survivant bénéficie d’un droit de jouissance gratuite du domicile commun ainsi que du mobilier le garnissant pendant l’année qui suit le décès, à condition qu’il l’ait occupé de façon effective et à titre d’habitation principale à l’époque du décès (art. 515-6 al.3 C. civ.).

B) Les effets négatifs

À la différence du mariage, le pacs ne produit pas un certain nombre d’effets qu’il convient de lister afin de dresser une comparaison.

==> Sur le nom d’usage

  • Le mariage
    • Chacun des époux peut porter, à titre d’usage, le nom de l’autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l’ordre qu’il choisit (article 225-1 du code civil).
    • Il s’agit d’une simple faculté.
  • Le pacs
    • Le PACS ne produit aucun effet sur le nom. Un partenaire ne peut donc pas porter, à titre d’usage, le nom de l’autre membre du couple

==> Sur la filiation

  • Le mariage
    • L’enfant conçu ou né pendant le mariage est présumé avoir pour père le mari de la mère (règle de la « présomption de paternité » – article 312 du code civil).
    • Possibilité pour le couple marié d’adopter à deux (article 343 du code civil) et possibilité pour chacun des membres du couple d’adopter l’enfant du conjoint (articles 345-1 et 360 du code civil).
    • L’assistance médicale à la procréation est ouverte aux couples mariés hétérosexuels.
  • Le pacs
    • Le PACS n’a aucun effet sur l’établissement de la filiation : il n’existe pas de présomption légale à l’égard du partenaire de la mère qui devra procéder à une reconnaissance.
    • Pas de possibilité pour les partenaires d’adopter à deux (article 343 du code civil) ou d’adopter l’enfant du partenaire.
    • L’assistance médicale à la procréation est ouverte aux couples pacsés hétérosexuels.

==> Sur la nationalité

  • Le mariage
    • Si les époux se marient, sans choisir explicitement leur régime matrimonial, sans faire de contrat de mariage, ils sont alors mariés sous un régime posé par la loi : le régime légal de la communauté réduite aux acquêts (article 1400 et s. du code civil).
    • Dans ce régime, les biens dont les époux avaient la propriété avant de se marier leur demeurent propres.
    • En revanche, les biens que les époux acquièrent à titre onéreux (acquêts) pendant le mariage, ainsi que les revenus liés à un bien propre à un époux (loyer d’un immeuble par exemple) et les gains et salaires, sont des biens communs.
  • Le pacs
    • Le PACS n’exerce aucun effet sur la nationalité.
    • Pour obtenir la nationalité française, le partenaire étranger ayant conclu un PACS avec un partenaire français doit déposer une demande de naturalisation (acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique : articles 21-14-1 et suivants du code civil).

II) Les effets patrimoniaux du pacs

L’étude des effets patrimoniaux du pacs suppose de distinguer les rapports des partenaires entre eux de ceux qu’ils entretiennent avec les tiers.

A) Les effets dans les rapports entre partenaires

  1. Principe

==> La répartition des biens

Aux termes de l’article 515-5 du Code civil « Sauf dispositions contraires de la convention visée au troisième alinéa de l’article 515-3, chacun des partenaires conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels ».

Il ressort de ce principe que le législateur a souhaité instituer un régime de séparation de biens entre les partenaires.

Cette volonté a été exprimée, lors de l’adoption de la loi du 23 juin 2006, dans un souci de protection des partenaires qui ignorent souvent que les biens acquis au cours du pacs sont soumis à l’indivision et a jugé préférable de prévoir la séparation des biens, sauf quand les partenaires optent pour l’indivision.

Sous l’empire du droit antérieur à cette réforme, le législateur avait instauré le régime inverse, soit une indivision entre les partenaires.

La loi du 15 novembre 1999 posait, en ce sens, l’existence d’une sorte de communauté de biens réduite aux acquêts.

En simplifiant à l’extrême, il convenait d’opérer une distinction entre les biens acquis avant et après l’enregistrement du pacs.

  • S’agissant des biens acquis avant l’enregistrement du pacs
    • Ils avaient vocation à rester dans le patrimoine personnel des partenaires, à charge pour eux de rapporter la preuve que le bien revendiqué leur appartenait en propre
  • S’agissant des biens acquis après l’enregistrement du pacs
    • Ils étaient réputés indivis, de sorte qu’à la dissolution du pacs, une répartition égalitaire était effectuée entre les concubins

La loi du 23 juin 2006 a abandonné ce régime patrimonial applicable aux partenaires. Désormais, c’est un régime de séparation de biens qui régit leurs rapports patrimoniaux.

Cela signifie que tous les biens acquis par les partenaires avant et après l’enregistrement du pacs leur appartiennent un propre.

Une lecture affinée de l’article 515-4 révèle toutefois qu’il convient de distinguer les meubles dont la propriété est établie de ceux pour lesquels aucun des partenaires ne peut prouver sa qualité de propriétaire

  • S’agissant des biens dont la propriété est établie
    • C’est l’alinéa 1er de l’article 515-4 qui s’applique en pareille hypothèse
    • Ils restent dans le patrimoine personnel du partenaire qui les a acquis
    • Il est indifférent que l’acquisition soit intervenue avant ou après l’enregistrement du pacs
  • S’agissant des biens dont la propriété n’est pas établie
    • L’article 515-5 du Code civil pris en son deuxième alinéa prévoit que :
      • D’une part, chacun des partenaires peut prouver par tous les moyens, tant à l’égard de son partenaire que des tiers, qu’il a la propriété exclusive d’un bien.
      • D’autre part, les biens sur lesquels aucun des partenaires ne peut justifier d’une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié.
    • Il s’évince de cette disposition que, lorsque les biens sont acquis à titre onéreux postérieurement à la conclusion du PACS, ils sont présumés indivis par moitié, sauf déclaration contraire dans la convention initiale.
    • Il en est de même lorsque la date d’acquisition de ces biens ne peut être établie

==> La gestion des biens

L’article 515-5, al. 3 du Code civil dispose que « le partenaire qui détient individuellement un bien meuble est réputé, à l’égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul sur ce bien tout acte d’administration, de jouissance ou de disposition. »

Il ressort de cette disposition que, à l’égard des tiers, les partenaires sont réputés être investis de tous pouvoirs sur les biens du couple.

Toutefois, l’efficacité de cette présomption est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :

  • Le bien doit être détenu individuellement par un partenaire
  • Le tiers doit être de bonne foi, soit ne pas savoir que le bien appartient, en réalité, à l’autre partenaire

Il peut être observé que, à la différence de l’article 222 du Code civil qui, en matière matrimoniale exclut les meubles meublants du champ d’application de cette présomption, pour le pacs elle opère pour tous les meubles sans distinction.

2. Exception

==> Répartition des biens

Si le législateur a institué le régime de la séparation de biens en principe, il a offert la possibilité aux partenaires d’y déroger en concluant une convention d’indivision.

L’article 515-5-1 du Code civil prévoit en ce sens que :

  • D’une part, les partenaires peuvent, dans la convention initiale ou dans une convention modificative, choisir de soumettre au régime de l’indivision les biens qu’ils acquièrent, ensemble ou séparément, à compter de l’enregistrement de ces conventions.
  • D’autre part, ces biens sont alors réputés indivis par moitié, sans recours de l’un des partenaires contre l’autre au titre d’une contribution inégale.

Ce régime d’indivision auquel les partenaires ont la faculté d’adhérer par convention s’articule autour de deux principes :

  • Premier principe
    • L’indivision s’applique aux seuls acquêts, c’est-à-dire aux biens acquis par les partenaires, ensemble ou séparément, après l’enregistrement de leur convention.
    • S’agissant des biens acquis l’enregistrement de la convention d’indivision qui n’est pas nécessairement concomitant à l’enregistrement du pacs, ils demeurent appartenir en propre aux partenaires
  • Second principe
    • Les biens visés par la convention conclue par les partenaires sont réputés indivis pour moitié.
    • Cela signifie qu’en cas de liquidation du pacs la répartition s’opérera à parts égales, sauf à ce qu’une fraction du bien ait été financée par des fonds propres d’un partenaire.
    • Dans cette hypothèse, seule la portion du bien qui constitue un acquêt fera d’un partage par moitié.
      • Exemple:
        • un immeuble est acquis pour 50 % avec les fonds propres d’un partenaire, pour l’autre moitié avec des fonds indivis.
        • Dans cette hypothèse, en cas de partage, le partenaire qui aura financé le bien avec ses fonds propres sera fondé à revendiquer 75% du bien, tandis que l’autre ne percevra que 25% de sa valeur.

L’article 515-5-3 du Code civil précise que la convention d’indivision est réputée conclue pour la durée du pacte civil de solidarité.

Toutefois, lors de la dissolution du pacte, les partenaires peuvent décider qu’elle continue de produire ses effets. Cette décision est soumise aux dispositions des articles 1873-1 à 1873-15 du Code civil.

==> Gestion des biens

À défaut de dispositions contraires dans la convention, chaque partenaire est gérant de l’indivision (article 515-5-3 du code civil).

Les partenaires jouissent d’une gestion concurrente, ce qui signifie que chaque partenaire peut accomplir seul des actes de conservation, d’administration et même de disposition sur les acquêts, sous réserve de certaines exceptions, telles que notamment :

  • Les aliénations à titre gratuit
  • Les aliénations d’immeuble
  • Les aliénations de meubles corporels soumises à publicité
  • Les aliénations de meubles corporels qui ne sont pas difficiles à conserver ou périssables.

Néanmoins, les règles d’administration des acquêts ne sont pas impératives. Les partenaires peuvent prévoir des dispositions contraires (article 515-5-3 al.2 du code civil).

3. Exception à l’exception

En cas de conclusion par les partenaires d’une convention d’indivision, le législateur a prévu qu’un certain nombre de biens échappaient à son champ d’application.

L’article 515-5-2 prévoit que demeurent la propriété exclusive de chaque partenaire :

  1. Les deniers perçus par chacun des partenaires, à quelque titre que ce soit, postérieurement à la conclusion du pacte et non employés à l’acquisition d’un bien ;
  2. Les biens créés et leurs accessoires ;
  3. Les biens à caractère personnel ;
  4. Les biens ou portions de biens acquis au moyen de deniers appartenant à un partenaire antérieurement à l’enregistrement de la convention initiale ou modificative aux termes de laquelle ce régime a été choisi ;
  5. Les biens ou portions de biens acquis au moyen de deniers reçus par donation ou succession ;
  6. Les portions de biens acquises à titre de licitation de tout ou partie d’un bien dont l’un des partenaires était propriétaire au sein d’une indivision successorale ou par suite d’une donation.

Le dernier alinéa de cette disposition précise que l’emploi de deniers tels que définis aux 4° et 5° fait l’objet d’une mention dans l’acte d’acquisition.

L’emploi est un acte qui stipule la provenance des deniers et la volonté de leur propriétaire de les employer pour l’acquisition d’un bien propre.

À défaut d’accomplissement des formalités d’emploi, le bien est réputé indivis par moitié et ne donne lieu qu’à une créance entre partenaires.

B) Les effets dans les rapports des partenaires avec les tiers

  1. Contribution aux dettes et obligation à la dette

Le législateur a institué à l’article 515-4, al. 2e du Code civil un dispositif qui gouverne les rapports entre les partenaires et les tiers.

Cette règle constitue l’un des piliers du régime juridique applicable aux partenaires.

Afin de bien cerner la place qu’elle occupe dans l’édifice élaboré par le législateur en 1999, il convient de la mettre en perspective avec une autre règle : celle édicté à l’alinéa 1er de l’article 515-4 du Code civil.

Tandis que la première porte sur l’obligation à la dette, la seconde est relative à la contribution à la dette.

  • L’obligation à la dette
    • L’obligation à la dette détermine l’étendue du droit de poursuite des tiers, au cours de la vie commune, s’agissant des créances qu’ils détiennent à l’encontre des partenaires.
    • Autrement dit, elle répond à la question de savoir si un tiers peut actionner en paiement le partenaire de celui avec lequel il a contracté et si ou dans quelle mesure.
      • Exemple:
        • Le membre d’un couple pacsé se porte acquéreur d’un véhicule sans avoir obtenu, au préalable, le consentement de son partenaire.
        • La question qui alors se pose est de savoir si, en cas de défaut de paiement de l’acquéreur, le vendeur peut se retourner contre son partenaire, alors même que celui-ci n’a pas donné son consentement à l’opération.
        • Les règles qui régissent l’obligation à la dette répondent à cette question.
    • Ainsi, l’obligation à la dette intéresse les rapports entre les tiers et les partenaires.

Schéma 4.JPG

  • La contribution à la dette
    • La contribution à la dette se distingue de l’obligation à la dette en ce qu’elle détermine la part contributive de chaque partenaire dans les charges du ménage
    • Autrement dit, elle répond à la question de savoir dans quelle proportion les partenaires doivent supporter les dépenses exposées dans le cadre du fonctionnement du ménage.
    • L’article 515-4, al. 1er du Code civil prévoit, à cet égard, que la part contributive de chaque partenaire est proportionnelle à leurs facultés respectives.
      • Exemple :
        • Les dépenses de fonctionnement d’un couple pacsé s’élèvent à 1.000 euros
        • L’un des partenaires dispose d’un salaire de 3.000 euros, tandis que le salaire de l’autre est de 1.500 euros
        • Celui qui gagne 3.000 devra contribuer deux fois plus que son partenaire aux charges du ménage.
      • Ainsi, la contribution à la dette intéresse les rapports que les partenaires entretiennent entre eux et non les relations qu’ils nouent avec les tiers.

Schéma 5.JPG

En résumé, lorsque le membre d’un couple pacsé est actionné en paiement par un tiers pour le règlement d’une dette contractée par son partenaire, il pourra toujours se retourner contre celui-ci, après avoir désintéressé le créancier, au titre de l’obligation de contribution aux charges du ménage.

Afin de résoudre une problématique relative au règlement d’une dette contractée par l’un des partenaires, il conviendra ainsi toujours de raisonner en deux temps :

  • Premier temps : l’obligation à la dette
    • Le tiers peut-il agir contre le partenaire de celui qui a contracté la dette ?
  • Second temps : la contribution à la dette
    • Le membre du couple pacsé qui a désintéressé le tiers, alors mêmes qu’il n’avait pas contractée la dette, dans quelle proportion peut-il se retourner contre son partenaire ?

Schéma 6.JPG

2. Transposition des règles du mariage au pacs

Aux termes de l’article 515-4, al. 2e du Code civil « les partenaires sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante. Toutefois, cette solidarité n’a pas lieu pour les dépenses manifestement excessives. Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux partenaires, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage. »

Cette disposition est une transposition de l’article 220 du Code civil applicable aux époux qui prévoit, sensiblement dans les mêmes termes, que :

« Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement.

 La solidarité n’a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant.

 Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage. »

Le dispositif édicté aux articles 515-4, al. 2e et 220 du Code civil constitue un point de convergence entre le pacs et le mariage.

Cette convergence s’explique par l’objectif poursuivi par ce dispositif, directement issu de la loi du 13 juillet 1965 : assurer l’indépendance des membres du couple dans la vie quotidienne

3. Le contenu du dispositif

Le dispositif institué par le législateur en 1965 à destination des couples mariés, s’articule autour de trois règles qui constituent autant d’étapes dont le franchissement détermine le passage à l’étape suivante.

==> Principe

  • Exposé du principe
    • Aux termes de l’article 515-4, al. 2e du Code civil « les partenaires sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante.
    • La solidarité envisagée par l’article 515-4 du Code civil signifie que les tiers peuvent demander à n’importe quel partenaire de régler la totalité de la dette contractée, seul, par l’autre partenaire.
    • En d’autres termes, l’ensemble des biens des deux partenaires répond de la dette contractée par un seul et chacun des deux époux peut être poursuivi pour la totalité de la dette.
    • Ainsi, le tiers est-il titulaire d’une créance à l’encontre des deux membres du couple, en ce sens qu’il peut indifféremment les actionner en paiement.
    • Cette forme de solidarité, que l’on qualifie de passive, présente un réel intérêt pour le créancier dans la mesure où elle le prémunit contre une éventuelle insolvabilité de l’un de ses débiteurs.
    • Dans cette configuration, les partenaires sont garants l’un de l’autre.

Schéma 7.JPG

  • Condition d’application
    • L’article 515-4 du Code civil précise que la solidarité entre partenaires ne s’applique que pour les dettes contractées pour les besoins de la vie courante
    • Ainsi, le principe de solidarité est écarté s’agissant des dépenses non exposées pour les besoins de la vie courante.
    • La notion de « dette contractée pour les besoins de la vie courante» couvre les dépenses de fonctionnement du ménage et plus précisément toutes celles relatives au train de vie des partenaires.
    • Les dépenses de fonctionnement du ménage, s’opposent aux dépenses d’investissement qui, elles, ne donnent pas lieu à la solidarité entre partenaires.
    • Au nombre des dépenses ménagères on compte notamment :
      • Le loyer
      • Les charges locatives
      • Les frais d’habillement
      • L’énergie
      • L’eau
      • Les charges relatives au domicile familial
      • Les frais d’éducation et d’entretien des enfants
    • Sont comprises dans les dépenses exposées pour les besoins de la vie courante toutes celles strictement nécessaires au fonctionnement du ménage.
    • Ainsi, le législateur a-t-il adopté un critère finaliste
    • L’application du principe de solidarité entre partenaires s’apprécie au regard de la finalité de la dépense exposée

==> Exceptions

L’article 515-4, al. 2e du Code civil pose deux exceptions au principe de solidarité des dettes ménagères

  • Les dépenses manifestement excessives
    • L’article 515-4 prévoit que « la solidarité n’a pas lieu […] pour les dépenses manifestement excessives»
    • Toute la question est alors de savoir ce que l’on doit entendre par « dépenses manifestement excessives»
    • Contrairement à l’article 220, l’article 515-4 ne pose aucun critère d’appréciation de cette notion
    • L’article 220, applicable aux couples mariés, précise, en effet, que le caractère manifestement excessif d’une dépense s’apprécie eu égard
      • au train de vie du ménage
      • à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération
      • à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant
    • La différence de rédaction des deux textes est somme toute étonnante.
    • Pourquoi n’avoir pas repris, à la lettre, les termes de l’article 220?
    • Sans doute est-ce là un oubli du législateur, sinon une approximation dans la rédaction de l’article 515-4.
    • En toute hypothèse, il est fort probable que lorsqu’il s’agit d’apprécier le caractère manifestement excessif d’une dépense exposée par un partenaire, le juge se référera aux critères posés à l’article 220 du Code civil.
  • Les achats à tempéraments
    • Il ressort de l’article 515-4, al. 2e du Code civil que la solidarité n’a pas lieu pour les achats à tempérament
    • L’achat à tempérament correspond à l’hypothèse de la vente à crédit
    • Plus précisément, le vendeur consent une facilité de paiement à l’acquéreur qui peut régler en plusieurs fois l’objet du contrat de vente.
    • Le paiement du prix est ainsi étalé sur une période déterminée, le transfert de propriété du bien s’opérant à l’issue de la durée du financement.
    • Compte tenu du caractère particulièrement dangereux d’une telle opération, il est apparu au législateur qu’elle était de nature à inciter les consommateurs à s’endetter outre mesure.
    • Aussi, a-t-il décidé d’exclure les achats à tempéraments du champ de la solidarité, quand bien même la dette aurait été contractée pour les besoins de la vie courante du couple
    • Initialement, cette exception ne figurait pas à l’article 515-4 du Code civil.
    • C’est le législateur qui, à l’occasion de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite loi Lagarde, a entendu préciser l’article 515-4 afin qu’existe un parallélisme avec l’article 220 du Code civil applicable au couple marié.
    • Surtout, l’absence de cette précision revenait à conférer aux tiers, dans le cadre de leurs relations avec les membres d’un couple pacsé, une protection moindre que celle dont ils bénéficient lorsqu’ils contractent avec des époux.
  • Les emprunts
    • À l’instar des achats à tempérament, l’article 515-4 du Code civil exclut également du champ de la solidarité entre partenaires les emprunts.
    • Par emprunt il faut en réalité entendre les opérations de crédit.
    • L’article L. 311-1, 6° du Code de la consommation définit l’opération de crédit comme celle consistant en « un contrat en vertu duquel un prêteur consent ou s’engage à consentir à l’emprunteur un crédit […] sous la forme d’un délai de paiement, d’un prêt, y compris sous forme de découvert ou de toute autre facilité de paiement similaire, à l’exception des contrats conclus en vue de la fourniture d’une prestation continue ou à exécution successive de services ou de biens de même nature et aux termes desquels l’emprunteur en règle le coût par paiements échelonnés pendant toute la durée de la fourniture».
    • Cette exception au principe de solidarité entre partenaires est également un ajout de la loi du 1er juillet 2010.
    • Le législateur a toujours fait montre d’une grande méfiance à l’égard des opérations de crédit, en particulier lorsqu’elles concernent les ménages.
    • Ainsi, peu importe que l’emprunt contracté par un partenaire ait pour objet le financement d’un besoin de la vie courante du couple : l’application du principe de solidarité est hypothèse, sauf à ce qu’il entre dans le champ de l’exception à l’exception

==> Exception à l’exception

L’article 515-4, 2e du Code civil dispose que la solidarité « n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux partenaires, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage. »

Il ressort de cette disposition que, s’agissant des achats à tempérament et des emprunts contractés par les partenaires, la solidarité peut être rétablie dans deux cas :

  • Première situation : le consentement des deux partenaires
    • L’achat à tempérament ou l’emprunt a été conclu avec le consentement des deux partenaires
    • En pareille hypothèse, la solidarité entre partenaires est rétablie
    • Toutefois, elle ne jouera que si la dépense est exposée pour les besoins de la vie courante
    • Il importe peu qu’un seul partenaire soit signataire du contrat, ce qui compte étant que l’autre ait consenti à l’accomplissement de l’acte.
  • Seconde situation : les emprunts modestes
    • Lorsque l’emprunt porte sur des sommes modestes, la solidarité est également rétablie.
    • Toutefois, l’article 515-4 précise que deux conditions cumulatives doivent être emplies
      • L’emprunt doit porter sur des sommes nécessaires à la vie courantes
      • Le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage
    • Il appartient donc aux établissements bancaires de se montrer extrêmement vigilants lorsqu’ils consentiront un emprunt à un couple de partenaires, s’ils souhaitent bénéficier de la solidarité.
    • Sauf à exiger la signature des deux, il leur faudra vérifier la solvabilité du couple et plus spécifiquement porter une attention particulière sur les crédits en cours.

Le régime juridique de la stipulation d’intérêts

I) De la prohibition à l’admission de la stipulation d’intérêts

Paradoxalement, alors qu’il n’est désormais plus douteux que l’opération de crédit est toujours conclue à titre onéreux, le contrat de prêt, dont on dit qu’« il serait l’expression juridique la plus parfaite de la notion de crédit »[1], est par essence gratuit. Le principe de gratuité du prêt, tel que toujours envisagé par le Code civil, prend racine dans l’ancien droit.

La stipulation d’intérêts était, en effet, prohibée par le droit canonique. Pour justifier cette interdiction, Saint Thomas d’Aquin soutenait qu’il serait contraire à la loi de Dieu d’exiger un intérêt de l’emprunteur en contrepartie du prêt d’une chose, alors même que cette chose a vocation à être restituée au prêteur en nature ou par équivalent, ce qui, en toute hypothèse, est constitutif d’une opération à somme nulle. Une dérogation existait néanmoins pour les juifs et les lombards. Une ordonnance royale prise en 1360 leur conféra le privilège de consentir des prêts d’argent moyennant rémunération. Les chrétiens, quant à eux, demeuraient tenus d’observer les prescriptions du droit canonique. A partir du XVIe siècle, le bienfondé de l’interdiction commence toutefois à être discuté, notamment sous l’impulsion Du Moulin puis de Turgot.

La critique portée par ces auteurs reposait, en substance, sur la revendication du droit à disposer de ses biens, d’où il s’infère la possibilité de faire produire des fruits à son argent. Cette thèse a emporté, sans mal, la conviction du législateur révolutionnaire qui, dès 1789, a levé l’interdiction de la stipulation d’intérêts[2]. Bien que le principe, repris en 1804 par les rédacteurs du Code civil, soit désormais la liberté de prêter moyennant finance, cette liberté demeure limitée par la prohibition de l’usure qui a été maintenue. L’article 1907 du Code civil prévoit en ce sens que « l’intérêt légal est fixé par la loi. L’intérêt conventionnel peut excéder celui de la loi, toutes les fois que la loi ne le prohibe pas ». La morale est sauve.

Aussi, conserve-t-on, encore aujourd’hui, des réminiscences de la doctrine de l’Église, ce qui explique, au moins en partie, pourquoi cette méfiance à l’égard du prêt d’argent n’a pas quitté le législateur contemporain. Aujourd’hui, l’adoption des règles qui encadrent la fourniture de crédits est toutefois moins motivée par des considérations d’ordre moral que par un souci de protection du consommateur. En témoignent, les textes qui, depuis les lois Scrivener du 10 janvier 1978 sur le crédit mobilier et du 13 juillet 1979 sur le crédit immobilier n’ont eu de cesse de se multiplier. Ces deux lois emblématiques ont cimenté le socle du droit au crédit, notamment en mettant à la charge des établissements bancaires une obligation d’information et en conférant au consommateur un droit de rétractation.

Ces prérogatives ont été renforcées par la loi du 23 juin 1989 relative à l’information et à la protection des consommateurs ainsi qu’à certaines pratiques commerciales, dite « loi Neiertz ». Puis, la loi du 1er août 2003 de sécurité financière, dite « loi Mer » a intégré en droit français le mécanisme du crédit renouvelable et créé la procédure de rétablissement personnel. Ces dispositifs ont été précisés par la loi du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur, dite « loi Gaymard » ainsi que par la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dite « loi Chatel ». Les lois Lagarde du 1er juillet 2010 et Hamon du 17 mars 2014 ont encore renforcé la protection du consommateur en matière de crédit à la consommation. Enfin, par ordonnance du 25 mars 2016, le législateur a, pour parachever le tout, transposé la directive du 4 février 2014 relative au crédit immobilier.

Si ces textes, qui visent à rééquilibrer le rapport entre le prêteur et le consommateur, instaurent des obligations qui interviennent aux différents stades du contrat de crédit (formation, exécution et extinction), l’encadrement de la stipulation d’intérêts demeure toujours au cœur du dispositif de protection du consommateur. Depuis l’abolition de la prohibition du prêt intérêt, les règles qui la gouvernent sont en évolution constante.

II) L’encadrement de la stipulation d’intérêts

L’article 1905 du Code civil prévoit qu’il « est permis de stipuler des intérêts pour simple prêt soit d’argent, soit de denrées, ou autres choses mobilières. »

Aussi, ressort-il de cette disposition que la stipulation d’intérêt est, par principe, libre. Cette liberté demeure toutefois limitée par deux règles posées à l’article 1907.

Cet article dispose, en effet, que, d’une part, lorsque l’intérêt est conventionnel, il ne « peut excéder celui de la loi, toutes les fois que la loi ne le prohibe pas. ». Autrement dit, la rémunération du prêteur ne peut excéder un certain plafond défini par le législateur, plafond qualifié d’usure (A).

D’autre part, la stipulation du taux d’intérêt est subordonnée à l’établissement d’un écrit, faute de quoi la prévision des parties est nulle (B).

A) La prohibition de l’usure

Si, l’interdiction du prêt à intérêt fut officiellement abolie par la loi du 1789, sous l’ancien régime, les opérateurs économiques ont trouvé des parades à cette interdiction.

Il a été recouru, par exemple, à la vente à réméré qui consiste en un pacte par lequel le vendeur se réserve la faculté de rachat de la chose vendue, moyennant la restitution du prix principal et le remboursement du coût de l’immobilisation du bien.

On a également utilisé comme moyen de contournement la rente viagère qui, lorsqu’elle est assortie une faculté de rachat s’apparente à un prêt.

Aussi, lorsque la Révolution française a éclaté, l’observance de la prohibition posée par l’Église et le pouvoir royal était réduite à la portion congrue, de sorte que l’on est légitimement en droit de se demander si, au fond, elle n’était devenue une règle de posture.

À la vérité, l’intervention du législateur en 1789, était moins motivée par le souci d’abolir cette prohibition que par la volonté de mettre un terme aux abus qui étaient nés des techniques juridiques mises en place par les agents pour contourner la règle.

Ces abus ont largement été dénoncés en littérature par les auteurs qui y voyaient un fléau que l’on devait combattre. Lamartine écrivait en ce sens que « Malheur à vous qui par l’usure / Etendez sans fin, ni mesure / La borne immense de vos champs »

La levée de l’interdiction du prêt à intérêt n’a pas suffi à éradiquer les abus. C’est la raison pour laquelle, dès le Premier Empire, il est apparu nécessaire d’encadrer la stipulation d’intérêt. Cette prise de conscience s’est traduite par l’adoption de la loi du 3 septembre 1807 qui, d’une part, a fixé un taux d’intérêt maximum de 6% et, d’autre part, a institué un délit d’usure.

Par usure, il faut entendre l’intérêt, quel qu’en soit le taux, qui rémunère le prêt d’une somme d’argent. Cette usure, dite lucrative, est celle qui était prohibée sous l’ancien régime. Les auteurs la distinguaient de l’intérêt compensatoire, qui était envisagé comme un moyen de dédommager le prêteur en cas de défaillance de l’emprunteur quant à la restitution des fonds prêtés. Afin de ne pas céder à la confusion, les deux pratiques étaient prohibées sous l’ancien régime.

Reprise par la loi du 3 septembre 1807, la prohibition de l’usure a été durcie au milieu du XIXe siècle, notamment par une loi de 1857 qui a porté le taux maximal à 10% en raison de l’inflation générée par le coût des guerres de Napoléon III.

Par un décret impérial de 1865, le plafonnement du taux d’intérêt a toutefois été supprimé, si bien que la mesure de l’usure est devenue affaire de jurisprudence.

Il faudra attendre la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966 relative à l’usure, aux prêts d’argent et à certaines opérations de démarchage et de publicité pour, d’une part, que soit défini ce qu’est le taux d’usure et, d’autre part, que soient déterminé son mode de calcul et le régime juridique afférent.

Cette loi disposait en son article premier que « constitue un prêt usuraire tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus d’un quart, le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les banques et les établissements financiers enregistrés par le Conseil national du crédit pour des opérations de même nature comportant des risques analogues […] ».

Ce texte a, par la suite, fait l’objet de nombreuses réformes, portées notamment par la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique et par la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises.

Les règles relatives à l’usure sont codifiées aux articles L. 314-6 à L. 314-9 du Code de la consommation et reproduites dans le Code monétaire et financier en ses articles L. 313-5 à L. 313-5-2.

Au regard de ces textes, la question qui immédiatement se pose est alors de savoir à partir de quand un prêt d’argent peut-il être qualifié de usuraire.

Pour le déterminer il convient de prendre pour point de départ la définition du prêt usuraire.

Aux termes de l’article L. 314-6 du Code de la consommation « constitue un prêt usuraire tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus du tiers, le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit et les sociétés de financement pour des opérations de même nature comportant des risques analogues, telles que définies par l’autorité administrative après avis du Comité consultatif du secteur financier. »

Il ressort de cette définition que la qualification de prêt usuraire tient à deux éléments :

  • Le domaine de l’usure
  • Le seuil de l’usure

==> Le domaine de l’usure

Le domaine de l’usure dépend, d’une part de l’opération réalisée et, d’autre part, de sa finalité.

  • La nature de l’opération
    • La prohibition de l’usure s’applique à deux sortes d’opérations
      • Les prêts conventionnels
        • L’article L. 314-6 du Code civil vise « tout prêt conventionnel»
        • La question qui immédiatement se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « tout prêt »
        • Doit-on comprendre la notion de prêt au sens stricte ou au sens large
          • Si l’on opte pour une interprétation large, sont visées les seules opérations qui consistent en une mise à disposition immédiate de fonds
          • Si l’on opte une pour interprétation au sens stricte, les crédits seraient également concernés par l’usure.
        • L’examen de la jurisprudence révèle que la Cour de cassation a opté pour la deuxième option, soit pour une interprétation large de la notion de prêt.
        • L’article L. 313-5-1 du Code monétaire et financier vise, par ailleurs, expressément les découverts en compte
        • Ainsi, sont soumis à la prohibition de l’usure
          • les prêts au sens strict
          • les découverts en compte courant
          • les ouvertures de crédit
          • l’escompte
      • Les ventes à tempérament
        • L’article L. 346-6, al 2 prévoit que « les crédits accordés à l’occasion de ventes à tempérament sont, pour l’application de la présente section, assimilés à des prêts conventionnels et considérés comme usuraires dans les mêmes conditions que les prêts d’argent ayant le même objet.»
        • Ainsi, le législateur a-t-il décidé d’inclure dans le domaine de l’usure la vente à tempérament
        • La vente à tempérament est une vente à terme par laquelle le vendeur se réserve la propriété du bien jusqu’au paiement total du prix de vente.
        • Cette assimilation de la vente à tempérament au prêt conventionnel procède d’une volonté du législateur de protéger le consommateur contre les pratiques abusives de certains vendeurs.
        • Exclusions
          • Deux sortes d’opérations sont, en raison de leur nature, exclues du domaine de l’usure :
            • Le prêt dont le remboursement est subordonné à un aléa
            • Les opérations de crédit-bail ou de location avec option d’achat
  • La finalité de l’opération
    • Principe
      • L’avènement du droit de la consommation n’a pas épargné le domaine de l’usure.
      • Lors de l’adoption de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 relative au code de la consommation, la question s’est posée de savoir s’il n’était pas opportun de limiter la prohibition de l’usure aux seules relations entre professionnelles et consommateurs
      • Les arguments avancés à l’appui de cette limitation reposaient sur l’idée que le taux de l’usure excluait l’accès au crédit des entreprises présentant les niveaux de risque les plus élevés.
      • Aussi, en excluant les crédits consentis aux professionnels du domaine de l’usure, cela permettrait aux banques d’accepter de financer des projets plus risqués.
      • Cet argument a convaincu le législateur qui, lors de l’adoption de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique a cantonné le domaine de l’usure aux seules opérations conclues avec un consommateur.
      • L’article L. 314-9 du Code de la consommation dispose en ce sens que le dispositif de prohibition de l’usure n’est pas applicable aux prêts accordés
        • Soit à une personne physique agissant pour ses besoins professionnels
        • Soit à une personne morale se livrant à une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle non commerciale.
    • Exception
      • L’article L. 313-5-1 du Code monétaire et financier prévoit que la prohibition de l’usure s’applique aux découverts en compte consentis :
        • Soit à une personne physique agissant pour ses besoins professionnels
        • Soit à une personne morale se livrant à une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle non commerciale

==> Le seuil de l’usure

Pour déterminer si l’on est en présence d’un taux usuraire, schématiquement il suffit de comparer le taux conventionnel prévu dans le contrat de prêt au taux fixé par voie réglementaire.

Le prêt est qualifié de usuraire dès lors que le premier taux dépasse de plus d’un tiers le seuil admis. La question alors de pose de la détermination de ce seuil.

C’est là que survient la difficulté : parce que la détermination d’un taux d’intérêt dépend, notamment, des phénomènes d’inflation et de déflation le taux d’usure ne saurait être fixe.

Aussi, afin de fixer un taux qui soit en adéquation avec la fluctuation monétaire, le législateur n’a eu d’autre choix que d’élaborer une formule qui tienne compte de ce phénomène.

Toute la question est alors de savoir comment calculer le taux d’usure :

L’article L. 314-6 du Code de la consommation dispose que le prêt usuraire est celui qui est « consenti à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus du tiers, le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit et les sociétés de financement pour des opérations de même nature comportant des risques analogues, telles que définies par l’autorité administrative après avis du Comité consultatif du secteur financier. »

La fixation du taux d’usure comporte plusieurs étapes :

  • Le calcul du taux d’usure
    • Concrètement, chaque trimestre, la Banque de France mène une enquête sur la distribution du crédit auprès des responsables des engagements pris par un échantillon représentatif de banques.
    • Elle calcule ensuite la moyenne arithmétique des taux effectifs globaux observés pour les différentes catégories de crédits définies par arrêté.
    • Cette moyenne est ensuite pondérée en fonction de l’encours de crédit propre à chaque banque figurant dans l’échantillon.
    • La Banque de France en extrait un taux effectif moyen qui, augmenté d’un tiers, fournit automatiquement le seuil de l’usure.
  • La publication du taux d’usure
    • Le ministre chargé de l’économie fait procéder à la publication au Journal officiel de la République française de ces taux ainsi que des seuils de l’usure correspondant qui serviront de référence pour le trimestre suivant
    • Il procède, le cas échéant, aux corrections des taux observés, conformément à la règle posée au deuxième alinéa de l’article D. 314-16 du Code monétaire et financier
    • Cette disposition prévoit que
      • D’une part, en cas de variation d’une ampleur exceptionnelle du coût des ressources des établissements de crédit, les taux effectifs moyens observés par la Banque de France peuvent être corrigés pour tenir compte de cette variation.
      • D’autre part, ces taux sont publiés au plus tard dans les quarante-cinq jours suivant la constatation de cette variation.
  • L’information du consommateur
    • L’article D. 314-17 du Code monétaire pose l’obligation pour les établissements de crédit d’informer les emprunteurs sur le taux d’usure.
    • Cette disposition prévoit en ce sens que
      • En premier lieu, les prêteurs doivent porter à la connaissance des emprunteurs les seuils de l’usure correspondant aux prêts qu’ils leur proposent.
      • En second lieu, ils doivent tenir cette information à la disposition de leur clientèle comme pour les conditions générales de banque

==> Les sanctions de l’usure

L’établissement de crédit qui fournit à un emprunteur un crédit à un taux usuraire encourt deux sortes de sanction :

  • La sanction civile
    • L’article L. 341-48 du Code de la consommation prévoit que lorsqu’un prêt conventionnel est usuraire, les perceptions excessives sont imputées de plein droit sur les intérêts normaux alors échus et subsidiairement sur le capital de la créance.
    • Si la créance est éteinte en capital et intérêts, les sommes indûment perçues sont restituées avec intérêts légaux à compter du jour où elles ont été payées.
    • L’usure n’est ainsi sanctionnée, ni par la nullité du contrat de prêt, ni par la déchéance du droit aux intérêts, à l’instar de l’absence de stipulation d’intérêts.
  • La sanction pénale
    • Incrimination
      • L’article L. 341-50 du Code de la consommation institue un délit d’usure qui consiste en « le fait de consentir à autrui un prêt usuraire ou d’apporter à quelque titre et de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, son concours à l’obtention ou à l’octroi d’un prêt usuraire ou d’un prêt qui deviendrait usuraire au sens de l’article L. 314-6 du fait de son concours»
    • Peines
      • Le délit d’usure est sanctionné par une peine principale et des peines complémentaires :
        • La peine principale
          • Le délit d’usure est puni
            • d’un emprisonnement de deux ans
            • d’une amende de 300 000 euros
        • Les peines complémentaires
          • En cas de condamnation, le tribunal peut en outre ordonner :
            • La publication intégrale, ou par extraits, de sa décision, aux frais du condamné, dans les journaux qu’il désigne, ainsi que l’affichage de cette décision dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal
            • La fermeture, pour une durée de cinq ans au plus ou définitive, de l’entreprise dont l’une des personnes chargées de l’administration ou de la direction est condamnée en application de l’alinéa premier du présent article, assortie éventuellement de la nomination d’un administrateur ou d’un liquidateur ;
            • L’interdiction, suivant les modalités prévues par l’article 131-27 du code pénal, soit d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, soit d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Ces interdictions d’exercice ne peuvent excéder une durée de cinq ans. Elles peuvent être prononcées cumulativement.
    • Prescription
      • L’article L. 351-51 du Code de la consommation dispose que, en matière d’usure, la prescription de l’action publique court à compter du jour de la dernière perception, soit d’intérêt, soit de capital.

B) L’encadrement du taux d’intérêt

Si, conformément à l’article 1905 du Code civil, la stipulation d’intérêts est libre, l’exercice de cette liberté est subordonné au respect de deux exigences.

La première commande aux parties d’établir un écrit pour stipuler un taux conventionnel (a). Quant à la seconde, édictée à l’article L. 314-5 du Code de la consommation, elle impose au prêteur de mentionner dans tout écrit constatant un contrat de prêt le taux effectif global (b).

  1. L’exigence d’un écrit

L’article 1907 du Code civil dispose que « le taux de l’intérêt conventionnel doit être fixé par écrit ». Il s’agit là, manifestement, d’une disposition extrêmement protectrice des intérêts de l’emprunteur. Contrairement à l’article 1905, qui est silencieux sur l’établissement d’un écrit, l’article 1907 le prévoit formellement. Est-ce à dire que, en cas d’inobservation de cette exigence le prêteur est totalement déchu de son droit aux intérêts ? Deux règles doivent être distinguées.

La première se déduit de la lettre de l’article 1905 du Code civil d’où il s’infère que pour être dû au prêteur l’intérêt doit être expressément prévu par le contrat de prêt. Cette exigence résulte de la nature du prêt qui est toujours présumé conclu à titre gratuit. Aussi, dans le silence la convention, aucun intérêt n’est réputé avoir été stipulé. Comme observé par Jérôme Huet, le défaut de stipulation d’intérêts n’est toutefois qu’une présomption simple[3]. Il appartient, en conséquence, au prêteur de prouver que le prêt a été conclu à titre onéreux s’il souhaite obtenir le paiement de sa rémunération initialement convenue avec l’emprunteur[4].

La seconde règle à laquelle il convient de se référer en matière de stipulation d’intérêts est celle édictée à l’article 1907 du Code civil. Cette disposition exige l’établissement d’un écrit s’agissant de la mention, non pas de l’intérêt, mais du taux de l’intérêt, soit sa mesure. Rapidement, la question s’est alors posée de savoir s’il s’agissait d’une règle de preuve ou d’une règle de fond. Par un arrêt du 24 juin 1981, la Cour de cassation a opté pour la seconde solution. La première chambre civile a estimé que « l’exigence d’un écrit mentionnant le taux de l’intérêt conventionnel est une condition de validité de la stipulation d’intérêt »[5]. En cas d’absence d’écrit, la sanction est donc la nullité de la prévision des parties, ce qui revient, en pratique, à priver de son intérêt la présomption simple posée à l’article 1905 du Code civil.

En effet, tandis que cette disposition autorise le prêteur à rétablir son droit aux intérêts conventionnels s’il rapporte la preuve de la stipulation, l’article 1907 écarte, dans le même temps, cette possibilité en prévoyant que la mention du taux est exigée ad validitatem. La stipulation d’intérêts ne se concevant pas en dehors de l’établissement d’un taux, la règle de fond posée à l’article 1907 prime nécessairement sur la règle de preuve édictée à l’article 1905. La primauté de l’exigence d’un écrit à peine de nullité est d’autant plus forte que depuis la loi n°66-1010 du 28 décembre 1966 relative à l’usure, aux prêts d’argent et à certaines opérations de démarchage et de publicité, il est une règle d’ordre public édictée désormais à l’article L. 314-5 du Code de la consommation aux termes de laquelle le taux effectif global doit être « mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt ».

2. L’exigence de mention du taux effectif global

Lorsque le prêteur consent à un emprunteur un crédit à titre onéreux, il se rémunère par la perception d’intérêts.

==> Notion d’intérêt

Pris dans son acception générale, l’intérêt se définit comme la rémunération perçue par la personne qui met à la disposition d’autrui une somme d’argent pour une durée qui peut être déterminée ou indéterminée.

Parce que le créancier a été privé de la jouissance d’un capital durant une certaine période, il est légitimement en droit d’attendre, en contrepartie, une rémunération qui représente un pourcentage des fonds mis à disposition en sus de leur remboursement.

Au fond, l’intérêt correspond à ce que l’on désigne plus couramment sous la formule de « loyer de l’argent » ou encore de « prix du temps ». De façon plus imagée, Jean Carbonnier disait de l’intérêt qu’il est « l’enfant naturel de la monnaie »[6]. On pourrait alors filer la métaphore en précisant que la monnaie donne en réalité naissance à des jumeaux ; car l’intérêt est tantôt créditeur, tantôt débiteur.

Tandis que dans le premier cas l’intérêt correspond à la rémunération du dépôt d’une somme d’argent, dans le second cas il s’apparente au prix de la mise à disposition de fonds par un établissement bancaire à son client. L’opération de crédit ne donne lieu qu’à la production d’intérêts débiteurs.

Durant toute la durée du prêt, l’emprunteur doit verser au prêteur une somme d’argent fixée en pourcentage du capital mis à sa disposition : c’est le taux d’intérêt. Il ressort de l’article 1907 du Code civil que le taux d’intérêt peut être légal ou conventionnel.

==> Le taux d’intérêt légal

Lorsqu’il est légal, il a vocation à s’appliquer dans un certain nombre de situations prévues par la loi ou la jurisprudence. Ce taux de référence est principalement utilisé dans les procédures civiles ou commerciales. L’article 1231 du Code civil énonce en ce sens que « les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure ». L’article 1231-7 dispose encore que « en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. ».

Initialement, le taux d’intérêt légal était établi par le législateur lui-même. Par une loi du 3 septembre 1807 il avait, par exemple, été porté à 5%. Afin d’apporter un peu plus de souplesse à ce système qui, en période de forte inflation monétaire, ne permettait pas de rémunérer suffisamment les créanciers, la loi n° 89-421 du 23 juin 1989 relative à l’information et à la protection des consommateurs a prévu que le taux d’intérêt légal serait dorénavant fixé par décret « en fonction de la moyenne arithmétique des douze dernières moyennes mensuelles des taux de rendement actuariel des adjudications de bons du Trésor à taux fixe à treize semaines ». Le calcul, fondé sur le taux de financement de l’Etat à treize semaines conduisit toutefois à une baisse très forte de son niveau dans un contexte où les taux sans risque de court terme étaient pratiquement nuls. Parce qu’il était particulièrement bas, le taux légal n’était nullement dissuasif pour les débiteurs contre lesquels courraient des intérêts moratoires. Aussi, Le législateur est-il intervenu une nouvelle fois dans le dessein de rendre à la fois plus représentatif du coût de refinancement de celui à qui l’argent est dû et de l’évolution de la situation économique.

L’ordonnance n° 2014-947 du 20 août 2014 relative au taux de l’intérêt légal a institué, dans cette perspective, une distinction entre deux taux légaux fondée sur le coût de refinancement de deux catégories. L’article 313-2 du Code monétaire et financier prévoit désormais que le taux légal « comprend un taux applicable lorsque le créancier est une personne physique n’agissant pas pour des besoins professionnels et un taux applicable dans tous les autres cas. ». Dans les deux cas, il est calculé semestriellement, en fonction du taux directeur de la Banque centrale européenne sur les opérations principales de refinancement et des taux pratiqués par les établissements de crédit et les sociétés de financement. Toutefois, pour les particuliers, les taux pratiqués par les établissements de crédit et les sociétés de financement pris en compte pour le calcul du taux applicable sont les taux effectifs moyens de crédits consentis aux particuliers.

==> Le taux d’intérêt conventionnel

Le taux d’intérêt conventionnel est celui qui est prévu par les parties dans la convention de crédit. Ces dernières sont certes libres de convenir le taux qui leur sied. Toutefois leur liberté demeure enfermée dans une double limite.

D’une part, conformément à l’article 1907 du Code civil, la rémunération du prêteur ne peut pas excéder le taux d’usure, lequel ne saurait céder sous l’effet du principe d’autonomie de la volonté. Dès lors que des intérêts sont stipulés en violation de la règle de prohibition de l’usure, le prêteur s’expose notamment à une réduction de son droit aux intérêts au taux maximal[7].

D’autre part, il ressort des articles L. 314-5 du Code de la consommation et L. 313-4 du Code monétaire et financier que toutes les fois qu’un crédit est consenti par un professionnel la convention qui constate l’opération doit mentionner ce que l’on appelle le taux effectif global.

==> Le taux effectif global

Introduite par la loi n°66-1010 du 28 décembre 1966 relative à l’usure, aux prêts d’argent et à certaines opérations de démarchage et de publicité, la notion de taux effectif global est au cœur du dispositif de protection de l’emprunteur en matière de crédit.

Le législateur est parti du constat que le seul taux débiteur pratiqué par le prêteur ne permettait pas de rendre compte du coût exact du crédit, ne serait-ce que parce que d’autres frais se greffent à l’opération tels que l’assurance emprunteur, la rémunération des intermédiaires ou encore les frais de dossier.

L’appréciation du caractère usuraire de la rémunération du prêteur s’en trouve alors faussée. D’où la nécessité de mettre en place un outil qui permette de mesurer avec exactitude le coût réel de l’opération supporté par l’emprunteur. Parce qu’il intègre dans son calcul tous les frais payés par l’emprunteur, le taux effectif global répond à ce besoin.

Dans un premier temps, l’utilisation de cet outil a été circonscrite au domaine de la répression de l’usure. L’article 1er de la loi 28 décembre 1966 prévoit que l’usure doit être appréciée au regard du taux effectif global dont mention doit obligatoirement être faite dans tout acte constatant une opération de crédit. L’objectif poursuivi par ce texte était ainsi la protection du consommateur, lequel doit pouvoir déterminer la licéité du taux qui lui est appliqué.

Dans un second temps, il a été recouru à la notion de taux effectif global, sous l’impulsion du législateur européen, afin de stimuler la concurrence entre les établissements bancaires. Constatant qu’il existait des grandes disparités entre les législations des différents États membres dans le domaine du crédit à la consommation et que ces disparités étaient susceptibles de créer des distorsions de concurrence entre les prêteurs dans le marché commun, les instances communautaires ont en tiré la conclusion qu’il était nécessaire de facilité la comparaison des offres de crédits.

Pour ce faire, cela suppose notamment que les emprunteurs reçoivent des informations adéquates sur les conditions et le coût du crédit. Parmi ces informations, le taux effectif global occupe une place centrale dans le dispositif mis en place par le législateur européen. La directive 87/102/CEE du Conseil du 22 décembre 1986 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation a ainsi créé l’obligation pour les établissements bancaires de mentionner, et dans leurs publicités, et dans les contrats de crédits proposés aux consommateurs le taux effectif global.

L’article L. 314-1 du Code de la consommation prévoit en ce sens que “dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, les taxes, les commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, supportés par l’emprunteur et connus du prêteur à la date d’émission de l’offre de crédit ou de l’avenant au contrat de crédit, ou dont le montant peut être déterminé à ces mêmes dates, et qui constituent une condition pour obtenir le crédit ou pour l’obtenir aux conditions annoncées.”

L’article R. 314-4 précise que “Sont compris dans le taux annuel effectif global du prêt, lorsqu’ils sont nécessaires pour obtenir le crédit ou pour l’obtenir aux conditions annoncées, notamment :
1° Les frais de dossier ;
2° Les frais payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels ;
3° Les coûts d’assurance et de garanties obligatoires ;
4° Les frais d’ouverture et de tenue d’un compte donné, d’utilisation d’un moyen de paiement permettant d’effectuer à la fois des opérations et des prélèvements à partir de ce compte ainsi que les autres frais liés aux opérations de paiement ;
5° Le coût de l’évaluation du bien immobilier, hors frais d’enregistrement liés au transfert de propriété du bien immobilier.”

L’article R. 314-6 exclut, quant à lui de l’assiette de calcul du taux effectif global:

1° Les frais liés à l’acquisition des immeubles mentionnés au a du 1° de l’article L. 313-1 tels que les taxes y afférentes, les frais d’acte notarié établis en application de la section 3 du chapitre Ier du titre IV bis du livre IV de la partie Arrêtés du code de commerce ;
2° Les frais à la charge de l’emprunteur en cas de non-respect de l’une de ses obligations prévues dans le contrat de crédit.”

[1] G. Cattalano-Cloarec, Le contrat de prêt, éd. LGDJ, 2015, coll. « Bibliothèque de droit privé », T. 564, n°544, p.350 ;

[2] Loi des 3 et 12 octobre 1789.

[3] J. HUET, Traité de droit civil – Les principaux contrats spéciaux, n°22530, p. 1001

[4] V. en ce sens Cass. 1ère civ. 23 juill. 1974, D. 1975, 586, note J. Stoufflet

[5] Cass. 1ère civ. 24 juin 1981

[6] J. Carbonnier, Les biens, 19e éd., 2000, PUF, n°22.

[7] Article L. 341-48 C. conso