L’ouverture d’un compte bancaire: régime juridique

§1: Qu’est-ce qu’un compte bancaire ?

==> Notion

Un compte bancaire, qualifié encore de compte de dépôt, de compte à vue, de compte chèque ou encore de compte courant est un instrument permettant de déposer des fonds et d’effectuer des opérations financières.

Ces opérations peuvent être réalisées au guichet de l’agence bancaire ou au moyen d’instruments de paiement (chèque, carte bancaire etc.).

Le fonctionnement du compte de dépôt est régi par une convention de compte conclue lors de l’entrée en relation.

Outre les clauses sipulées dans cette convention, l’ouverture d’un compte bancaire obéit à plusieurs règles.

==> Les variétés de comptes bancaires

  • Le compte individuel
    • Le compte individuel est celui qui, par hypothèse, n’est détenu que par une seule personne.
    • Il en résulte que les obligations attachées au fonctionnement de ce type de compte incombent à son seul titulaire.
    • Celui-ci sera notamment seul responsable des incidents de paiement et des découverts bancaires non-autorisés
  • Le compte joint
    • Le compte joint est en compte collectif, en ce qu’il est détenu par plusieurs personnes.
    • Il se caractérise par la situation de ses cotitulaires qui exercent les mêmes droits sur l’intégralité des fonds inscrits en compte, tout autant qu’ils sont solidairement responsables des obligations souscrites.
    • En cas de solde débiteur du compte, l’établissement bancaire peut ainsi réclamer à chacun d’eux, pris individuellement, le paiement de la totalité de la dette.
    • Inversement, chaque cotitulaire est en droit d’exiger du banquier la restitution de la totalité des fonds déposés
    • L’ouverture d’un compte joint est le fait, le plus souvent, des personnes mariées, pacsées ou vivant en concubinage qui l’utilisent aux fins d’accomplir les opérations relatives à l’entretien du ménage.
  • Le compte indivis
    • À l’instar du compte joint, le compte indivis est un compte collectif, en ce qu’il est détenu par plusieurs personnes.
    • La similitude entre les deux comptes s’arrête là : à la différence du compte joint, le compte indivis ne peut fonctionner sans l’accord unanime des cotitulaires.
    • Autrement dit, aucune opération ne peut être accomplie sur ce compte, sans que le banquier ait recueilli, au préalable, le consentement de chacun d’eux.
    • Outre l’exigence d’unanimité, les cotitulaires n’ont de droit sur les fonds inscrits en compte que dans la limite de leur part et portion.
    • Enfin, ces derniers ne sont tenus qu’à une obligation conjointe envers le banquier.
    • Cela signifie qu’en cas de solde débiteur, celui-ci devra actionner en paiement chaque cotitulaire du compte à concurrence de la quote-part qu’il détient dans l’indivision.
    • On observe toutefois que les conventions de compte prévoient, la plupart du temps, une solidarité passive entre cotitulaires : chacun d’eux peut alors être actionné en paiement pour le tout.
    • En pratique, l’ouverture d’un compte indivis procède de la transformation d’un compte joint consécutivement au décès de l’un de ses cotitulaires.

§2: La liberté du banquier d’entrer en relation

==> Énoncé du principe

Il est, en principe, fait interdiction aux commerçants, dans leurs relations avec les consommateurs, de refuser la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf à justifier  d’un motif légitime (art. L. 121-11 C. conso).

Cette interdiction n’est toutefois pas applicable au banquier. La convention de compte qui le lie à son client est conclue en considération de la seule personne de ce dernier (intuitu personæ). L’offre de service ne s’adresse pas à tout public.

Le banquier est donc libre d’ouvrir ou de refuser d’ouvrir un compte bancaire (art. L. 312-1, II CMF). Il est par exemple autorisé à refuser d’accéder à la demande d’un client s’il considère que son profil ne répond pas aux critères d’entrée en relation fixés par son établissement.

==> Cas du refus d’ouverture d’un compte bancaire

En cas de refus d’ouvrir un compte bancaire, plusieurs obligations pèsent sur le banquier :

  1. Obligation, lorsque l’établissement bancaire oppose un refus à une demande écrite d’ouverture de compte de dépôt de fournir gratuitement une copie de la décision de refus au demandeur sur support papier et sur un autre support durable lorsque celui-ci en fait la demande expresse.
  2. Obligation de fournir au demandeur gratuitement, sur support papier, et sur un autre support durable lorsque celui-ci en fait la demande expresse, les motifs du refus d’ouverture d’un compte bancaire en mentionnant, le cas échéant, la procédure de droit au compte
  3. Obligation de fourniture au demandeur systématiquement, gratuitement et sans délai, sur support papier, et sur un autre support durable lorsque celui-ci en fait la demande expresse, une attestation de refus d’ouverture de compte
  4. Obligation d’information de l’intéressé qu’il peut demander à la Banque de France de lui désigner un établissement de crédit pour lui ouvrir un compte (Voir Fiche droit au compte).
  5. Obligation de proposer, s’il s’agit d’une personne physique, d’agir en son nom et pour son compte en transmettant la demande de désignation d’un établissement de crédit à la Banque de France ainsi que les informations requises pour l’ouverture du compte.

==> Limites à la liberté du banquier

La liberté du banquier d’accepter ou de refuser l’ouverture d’un compte bancaire est assortie de deux limites :

  • Désignation par la Banque de France au titre du droit au compte
    • En effet, en application de l’article L. 312-1, III du CMF, l’établissement bancaire désigné par la banque de France a l’obligation d’offrir gratuitement au demandeur du droit au compte des services bancaires de base.
    • Il est indifférent que le bénéficiaire soit inscrit :
      • Ou sur le fichier des interdits bancaires (FCC)
      • Ou sur le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP)
    • L’ouverture d’un compte de dépôt doit intervenir dans les trois jours ouvrés à compter de la réception de l’ensemble des pièces nécessaires à cet effet.
  • Discrimination
    • Le refus opposé à un client d’accéder à sa demande d’ouverture d’un compte bancaire qui reposerait sur un motif discriminatoire est constitutif d’une faute tout autant civile, que pénale
    • À cet égard, l’article 225-1 du Code pénal prévoit notamment que « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée.»
    • Aussi, à situations égales, le banquier doit traiter les demandes d’ouverture de compte de la même manière.
    • Ce n’est que si les situations des demandeurs sont différentes, qu’il est autorisé à leur appliquer un traitement différencié.

§3: L’ouverture du compte de dépôt

I) Qui peut ouvrir un compte bancaire ?

L’ouverture d’un compte bancaire s’analyse en la conclusion d’un contrat. Pour accomplir cette opération, il est donc nécessaire de disposer de la capacité juridique de contracter.

S’agissant de l’exercice de cette capacité aux fins d’ouvrir un compte bancaire, il y a lieu de distinguer selon que le client est une personne physique ou une personne morale.

A) Les personnes physiques

La possibilité pour une personne physique de solliciter l’ouverture d’un compte bancaire dépend de l’étendue de sa capacité juridique.

  1. Les majeurs

1.1 Les majeurs non soumis à un régime de protection

==> Énoncé du principe

Les majeurs non soumis à un régime de protection (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice ou mandat de protection future) jouissent de la pleine capacité juridique (art. 414 C. civ.).

Dans ces conditions, ils sont autorisés à solliciter, l’ouverture d’un compte bancaire, étant précisé que la majorité est fixée à dix-huit ans accomplis.

==> Altération des facultés mentales

Une personne peut parfaitement être dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération de ses facultés mentales ou physiques et, pour autant, ne faire l’objet d’aucune mesure de protection.

Si, en pareille hypothèse, cette personne dispose de la pleine capacité juridique pour solliciter, seule, l’ouverture d’un compte bancaire. Reste que l’acte ainsi accompli encourt la nullité s’il est démontré que son auteur était sous l’emprise d’un trouble mental au moment de l’acte (art. 414-1 C. civ.)

1.2 Les majeurs soumis à un régime de protection

Lorsqu’un majeur est soumis à un régime de protection, il y a lieu de distinguer selon que l’ouverture du compte bancaire est effectuée par le majeur protégé ou par son protecteur.

a) L’ouverture du compte par le majeur protégé

Une personne majeure peut faire l’objet de plusieurs mesures de protection : la sauvegarde de justice, la curatelle, la tutelle et le mandat de protection future.

==> La personne sous sauvegarde de justice

  • Principe
    • La personne sous sauvegarde de justice conserve sa pleine de capacité juridique ( 435, al. 1er C. civ.)
    • Il en résulte qu’elle est, par principe, autorisée à se faire ouvrir, seule, un compte bancaire
  • Exception
    • La personne sous sauvegarde de justice ne peut, à peine de nullité, faire un acte pour lequel un mandataire spécial a été désigné ( 435 C. civ.).
    • Lorsque l’ouverture d’un compte bancaire relève des actes pour lesquels le juge a exigé une représentation, la personne sous sauvegarde de justice ne pourra pas ouvrir, seule, un compte bancaire
    • Elle devra se faire représenter par le mandataire désigné dans la décision rendue

==> La personne sous curatelle

Les personnes sous curatelles ne peuvent, sans l’assistance du curateur, faire aucun acte qui, en cas de tutelle, requerrait une autorisation du juge ou du conseil de famille.

S’agissant de l’ouverture d’un compte bancaire, il convient de distinguer deux situations :

  • La personne sous curatelle ne dispose pas de compte bancaire
    • Dans cette hypothèse, la personne sous curatelle peut solliciter, seule, l’ouverture d’un compte bancaire ( 467, al. 1).
    • L’assistance du curateur sera néanmoins requise pour la réalisation d’opérations bancaires (réception et emploi de fonds).
  • La personne sous curatelle dispose déjà d’un compte bancaire
    • Dans cette hypothèse, l’ouverture d’un nouveau compte bancaire s’apparente en un acte de disposition ( 427 C. civ.)
    • Dès lors, la personne sous curatelle devra se faire assister par son curateur
    • L’assistance du curateur se manifeste par l’apposition de sa signature à côté de celle de la personne protégée ( 467, al. 2e C. civ.)

==> La personne sous tutelle

  • Principe
    • Une personne sous tutelle est, à l’instar du mineur, frappée d’une incapacité d’exercice générale.
    • Aussi, le tuteur la représente dans tous les actes de la vie civile (art. 473 C. civ.)
    • S’agissant de l’ouverture d’un compte bancaire, une personne sous tutelle doit nécessairement se faire représenter
  • Exception
    • Le juge peut, dans le jugement d’ouverture ou ultérieurement, énumérer certains actes que la personne en tutelle aura la capacité de faire seule ou avec l’assistance du tuteur ( 474 C. civ.).
    • Il est ainsi permis au juge d’autoriser la personne sous tutelle à ouvrir seule un compte bancaire en fixant, par exemple, une limite pour la réalisation d’opérations

==> La personne sous mandat de protection future

Toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une habilitation familiale peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter lorsqu’elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté (art. 477 C. civ.)

Il appartient donc au mandant de déterminer les actes pour lesquelles elle entend se faire représenter lorsqu’elle la mesure de protection sera activée.

L’ouverture d’un compte bancaire peut parfaitement figurer au nombre de ces actes, à la condition néanmoins que cette opération soit expressément visée dans le mandat, lequel doit nécessairement être établi par écrit (par acte notarié ou par acte sous seing privé).

==> La personne sous habilitation familiale

La personne sous habilitation familiale est celle qui se trouve dans l’incapacité d’exprimer sa volonté en raison d’une altération, médicalement constatée soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles (art. 494-1 C. civ.).

Un proche de sa famille (ascendant, descendant, frère ou sœur, conjoint, partenaire ou concubin) est alors désigné par le juge afin d’assurer la sauvegarde de ses intérêts.

L’habilitation peut être générale ou ne porter que sur certains actes visés spécifiquement par le juge des tutelles dans sa décision (art. 494-6 C. civ.).

S’agissant de l’ouverture d’un compte bancaire, si l’habilitation familiale est générale, la personne protégée devra nécessairement se faire représenter.

Si l’habilitation familiale est seulement spéciale, le majeur protégé ne pourra formuler une demande auprès du banquier qu’à la condition que cet acte ne relève pas du pouvoir de son protecteur.

b) L’ouverture du compte par le protecteur

Il y a lieu ici de distinguer selon que la personne protégée possède ou non un compte bancaire

==> La personne protégée dispose déjà d’un compte bancaire

  • Principe
    • Dans cette hypothèse, il est fait interdiction au protecteur de procéder à l’ouverture d’un autre compte ou livret auprès d’un nouvel établissement habilité à recevoir des fonds du public ( 427, al. 1 C. civ.)
  • Exceptions
    • Le juge des tutelles ou le conseil de famille s’il a été constitué peut toutefois l’y autoriser si l’intérêt de la personne protégée le commande ( 427, al. 2 C. civ.).
    • Lorsque la personne protégée est sous habilitation familiale, le protecteur est investi des pouvoirs les plus étendus pour ouvrir plusieurs autres bancaires au nom et pour le compte du majeur protégé ( 494-7 C. civ.)

==> La personne protégée ne dispose pas de compte bancaire

Dans cette hypothèse, la personne chargée de la mesure de protection peut ouvrir un compte bancaire au bénéfice du majeur protégé (art. 427, al. 4 C. civ.).

Les opérations bancaires d’encaissement, de paiement et de gestion patrimoniale effectuées au nom et pour le compte de la personne protégée devront être réalisées exclusivement au moyen des comptes ouverts au nom de celle-ci (art. 427, al. 5 C. civ.).

1.3 Les majeurs mariés ou pacsés

Chacun des époux ou des partenaires peut se faire ouvrir, sans le consentement de l’autre, tout compte de dépôt et tout compte de titres en son nom personnel (art. 221 C. civ.)

Il est donc fait interdiction au banquier de refuser l’ouverture d’un compte bancaire à une personne au motif qu’elle ne justifierait pas de l’accord de son conjoint ou de son partenaire.

Cette règle est issue de la grande loi n° 65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux.

2. Les mineurs

2.1 Les mineurs non émancipés

==> Principe

Frappé d’une incapacité d’exercice générale, le mineur non émancipé n’est, par principe, pas autorisé à solliciter, seul, l’ouverture d’un compte bancaire.

Dans ces conditions, il devra se faire représenter pour accomplir cette démarche. Plusieurs situations doivent alors être distinguées :

  • Le mineur est placé sous l’administration légale de ses deux parents
    • Lorsque le mineur ne dispose pas de compte bancaire, chacun des deux parents dispose du pouvoir de lui en ouvrir un sans le consentement de l’autre ( 382-1 et C. civ.)
    • Lorsque le mineur dispose déjà d’un compte bancaire, l’ouverture d’un autre compte bancaire ne pourra se faire qu’avec le consentement des deux parents ( 382-1 C. civ.)
  • Le mineur est placé sous l’administration légale d’un seul parent
    • Il est ici indifférent que le mineur dispose déjà d’un compte bancaire, l’administrateur légal unique est investi des pouvoirs les plus larges en la matière.
    • Il est tout autant autorisé à ouvrir un premier compte bancaire au mineur qu’à lui en ouvrir un autre s’il en possède déjà un.
  • Le mineur est placé sous tutelle
    • Lorsque le mineur ne dispose pas de compte bancaire, le tuteur peut formuler, seul, une demande auprès du banquier ( 504 C. civ.)
    • Lorsque le mineur dispose déjà d’un compte bancaire, l’ouverture d’un autre compte bancaire ne pourra se faire qu’avec le consentement du Conseil de famille ou à défaut par le Juge des tutelles ( 505 C. civ.)

==> Exceptions

  • Ouverture d’un Livret A
    • Les mineurs sont admis à se faire ouvrir des livrets A sans l’intervention de leur représentant légal ( L. 221-3 CMF).
    • Ils peuvent retirer, sans cette intervention, les sommes figurant sur les livrets ainsi ouverts, mais seulement après l’âge de seize ans révolus et sauf opposition de la part de leur représentant légal.
  • Ouverture d’un Livret jeune
    • À l’instar du Livret lorsque le mineur est âgé de moins de seize ans, l’autorisation de son représentant légal n’est requise que pour les opérations de retrait.
    • Lorsque le mineur est âgé de seize à dix-huit ans, il est autorisé à procéder lui-même à ces opérations à moins que son représentant légal ne s’y oppose.

2.2 Les mineurs émancipés

Le mineur émancipé est capable, comme un majeur, de tous les actes de la vie civile (art. 413-6 C. civ.).

Il en résulte qu’il est autorisé à solliciter l’ouverture d’un compte bancaire, sans obtenir, au préalable, le consentement de ses représentants légaux (parents ou tuteur).

S’agissant de l’ouverture d’un compte bancaire à des fins commerciales, le mineur émancipé peut être commerçant sur autorisation du juge des tutelles au moment de la décision d’émancipation et du président du tribunal judiciaire s’il formule cette demande après avoir été émancipé (art. 413-8 C. civ.).

Aussi, appartient-il au banquier de vérifier que le mineur émancipé est autorisé à endosser le statut de commerçant avant d’accéder à sa demande d’ouverture d’un compte professionnel.

B) Les personnes morales

==> Les groupements dotés de la personnalité morale

Les groupements dotés de la personnalité morale disposent de la capacité juridique de contracter dans la limite de leur objet social (sociétés, association, coopératives, syndicats etc.).

À cet égard, ils sont autorisés à être titulaire d’un compte bancaire dont l’ouverture se fera par l’entremise de leur représentant légal.

S’agissant des sociétés, elles acquièrent la personnalité morale à compter de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés.

==> Les groupements non dotés de la personnalité morale

Les groupements sans personnalité morale ne disposent pas de la capacité juridique. Ils ne peuvent donc pas être titulaires d’un compte bancaire.

Tel sera notamment le cas des sociétés en participation ou des sociétés créées de fait qui ne font l’objet d’aucune immatriculation.

Tout au plus, le gérant de ce type de société pourra solliciter l’ouverture d’un compte bancaire en son nom propre qu’il affectera à l’exploitation du groupement qu’il dirige.

==> Les sociétés en cours de formation

Bien que non encore dotées de la personnalité morale, il est admis que les sociétés en formation puissent être titulaires d’un compte bancaire.

L’acte d’ouverture du compte a vocation à être repris au moment de l’immatriculation de la société. À défaut de reprise, son auteur sera seul tenu envers l’établissement bancaire aux obligations souscrites.

C) Les personnes qui font l’objet d’une procédure collective

==> Les personnes qui font l’objet d’une procédure de sauvegarde

  • Les actes accomplis au cours de la période d’observation
    • Principe
      • Il est de principe que les actes de gestion de l’entreprise relèvent toujours du pouvoir de son dirigeant qui n’est pas dessaisi ( L. 622-1 C. com.).
      • Il en résulte qu’il est autoriser à solliciter seul l’ouverture d’un compte bancaire et à le faire fonctionner.
    • Exceptions
      • D’une part, le Tribunal peut exiger, à tout moment, l’assistance de l’administrateur pour l’accomplissement de certains actes au nombre desquels sont susceptibles de figurer l’ouverture et le fonctionnement de comptes bancaires.
      • D’autre part, lorsque le débiteur fait l’objet d’une interdiction bancaire, il appartient au seul administrateur de faire fonctionner sous sa signature les comptes bancaires ou postaux
  • Les actes accomplis au cours de l’exécution du plan de sauvegarde
    • Durant la phase d’exécution du plan de sauvegarde, le débiteur n’est plus assisté par l’administrateur.
    • Dès lors, plus aucune restriction ne peut donc lui être imposée quant à l’ouverture ou au fonctionnement de ses comptes bancaires.

==> Les personnes qui font l’objet d’une procédure de redressement judiciaire

  • Les actes accomplis au cours de la période d’observation
    • Principe
      • En application de l’article L. 631-12 du Code de commerce, la mission de l’administrateur est fixée par le Tribunal.
      • Plus précisément, il appartient au juge de charger l’administrateur d’assister le débiteur pour tous les actes relatifs à la gestion ou certains d’entre eux, ou d’assurer seuls, entièrement ou en partie, l’administration de l’entreprise.
      • Ainsi, l’exigence d’assistance du débiteur par l’administrateur s’agissant de l’ouverture et le fonctionnement de comptes bancaires n’est pas systématique : elle dépend des termes du jugement d’ouverture.
      • En matière de redressement judiciaire, le débiteur peut donc être représenté pour la plupart des actes d’administration de l’entreprise, tout autant qu’il peut ne faire l’objet que d’une simple surveillance.
      • À cet égard, lorsque le ou les administrateurs sont chargés d’assurer seuls et entièrement l’administration de l’entreprise et que chacun des seuils mentionnés au quatrième alinéa de l’article L. 621-4 est atteint (3 millions d’euros et 20 salariés), le tribunal désigne un ou plusieurs experts aux fins de les assister dans leur mission de gestion.
    • Exceptions
      • D’une part, à tout moment, le tribunal peut modifier la mission de l’administrateur, ce qui implique qu’il peut décider d’exiger son assistance pour la gestion des comptes bancaires, comme il peut, au contraire, lever la mesure.
      • D’autre part, à l’instar de la procédure de sauvegarde, lorsque le débiteur fait l’objet d’une interdiction bancaire, il appartient au seul administrateur de faire fonctionner sous sa signature les comptes bancaires ou postaux ( L. 632-12, al. 5 C. com)
  • Les actes accomplis au cours de l’exécution du plan de redressement
    • Comme en matière de procédure de sauvegarde, durant la phase d’exécution du plan de redressement, le débiteur n’est plus assisté par l’administrateur.
    • Dès lors, plus aucune restriction ne peut donc lui être imposée quant à l’ouverture ou au fonctionnement de ses comptes bancaires.

==> Les personnes qui font l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire

En matière de liquidation judiciaire, l’article L. 641-9 du Code de commerce prévoit que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée.

Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

Il résulte de ce texte que seul le liquidateur est investi du pouvoir de faire fonctionner les comptes bancaires dont est titulaire le débiteur.

L’article R. 641-37 du Code de commerce précise néanmoins que :

  • En cas d’absence de mantien de l’activité
    • Le liquidateur peut faire fonctionner sous sa signature les comptes bancaires du débiteur pendant un délai de six mois à compter du jugement prononçant la liquidation ou, au-delà, pendant la durée du maintien de l’activité autorisée par le tribunal en application de l’article L. 641-10.
    • L’utilisation ultérieure de ces comptes est alors subordonnée à l’autorisation du Juge-commissaire délivrée après avis du ministère public.
  • En cas de maintien de l’activité
    • La règle énoncée à l’article R. 641-37 du Code de commerce s’applique à l’administrateur, lorsqu’il en a été désigné.
    • Il ne pourra donc faire fonctionner les comptes du débiteur sous sa signature que durant un délai de six mois.
    • À l’expiration de ce délai, il devra obtenir l’autorisation du Juge-commissaire

§4: L’obligation d’information du banquier

I) Obligation générale d’information

En application de l’article R. 312-1 du CMF, les établissements de crédit sont tenus de mettre à disposition de leur clientèle et du public les conditions générales relatives aux opérations qu’ils effectuent.

Par « conditions générales », il faut entendre la tarification appliquée par la banque en contrepartie des prestations fournies aux clients.

Le texte précise que, en cas d’ouverture d’un compte, l’établissement bancaire doit fournir à ses clients, sur support papier ou sur un autre support durable, les conditions d’utilisation du compte, le prix des différents services auxquels il donne accès et les engagements réciproques de l’établissement et du client.

L’obligation d’information est ici générale, dans la mesure où elle s’applique pour l’ouverture de n’importe quel type de compte.

II) Obligation d’information spécifique à l’ouverture d’un compte de dépôt

Préalablement à l’ouverture d’un compte bancaire, l’information qui doit être communiquée par le banquier à la clientèle porte sur deux choses distinctes :

  • La tarification des prestations fournies par la banque
  • Les conditions générales d’utilisation du compte de dépôt

A) Sur la tarification des prestations fournies par la banque

 L’article L. 312-1-1 du CMF dispose que les établissements de crédit sont tenus de mettre à la disposition, sur support papier ou sur un autre support durable, de leur clientèle et du public les conditions générales et tarifaires applicables aux opérations relatives à la gestion d’un compte de dépôt.

L’exécution de cette obligation se fait au moyen de trois sortes de documents dont les modalités de présentation et de mise à disposition sont prévues par des textes réglementaires.

  • La brochure tarifaire
    • Elle comporte l’intégralité des tarifs se rapportant aux prestations fournies par la banque
    • Elle doit être accessible sur le site internet de la banque et être fournie gratuitement, sur support papier ou sur un autre support durable, à tout consommateur qui en fait la demande.
  • La plaquette tarifaire
    • Présentation formelle
      • À la différence de la brochure tarifaire, la plaquette tarifaire ne comporte pas tous les tarifs, mais seulement les principaux, soit ceux qui se rapportent aux prestations les plus communément fournies.
      • Édictée par la Fédération bancaire française en janvier 2019 dans le cadre des engagements de la profession bancaire du 21 septembre 2010 à la suite du rapport Pauget Constans sur la tarification bancaire, elle se compose d’un sommaire type et d’un extrait standard des tarifs.
      • Plus précisément cet extrait tarifaire reprend les dénominations de la liste nationale des services les plus représentatifs rattachés à un compte de paiement et leur ordre, tels que précisés au A du I de l’article D 312-1-1 du CMF, modifié par le décret n° 2018-774 du 5 septembre 2018.
    • Mise à disposition
      • La mise à disposition de la plaquette tarifaire est régie par l’arrêté du 5 septembre 2018 qui prévoit que l’information de la clientèle et du public sur les prix des produits et services liés à la gestion d’un compte de dépôt ou d’un compte de paiement tenu par un établissement de paiement est mise à disposition
        • D’une part, sous forme électronique sur le site internet de l’établissement
        • D’autre part, en libre-service dans les locaux de réception du public, sur support papier ou sur un autre support durable, de manière permanente, constante, visible, lisible et aisément accessible.
  • Le document d’information tarifaire
    • Consécration
      • Depuis 31 juillet 2019, les établissements bancaires ont l’obligation de mettre à la disposition du public un nouveau document, intitulé, document d’information tarifaire.
      • Ce document est prévu par le règlement d’exécution (UE) 2018/34 de la commission du 28 septembre 2017 définissant des normes techniques d’exécution en ce qui concerne les règles de présentation normalisées pour le document d’information tarifaire et son symbole commun, conformément à la directive 2014/92/UE du Parlement européen et du Conseil.
      • L’objectif poursuivi par le législateur est, en imposant la mise à disposition de ce document par les banques, d’informer les consommateurs avant la conclusion d’un contrat relatif à un compte de paiement afin de leur permettre de comparer différentes offres de comptes de paiement.
      • Ainsi, ce document d’information tarifaire est commun à toutes les banques qui doivent respecter les mêmes règles de présentation et de mise à disposition.
    • Présentation
      • Tout d’abord, le document d’information tarifaire doit, dans son intitulé, se signaler comme tel
      • Ensuite, il doit reprendre le symbole commun qui figurera sur les documents d’information tarifaire de tous les établissements bancaire.
      • Par ailleurs, ce document doit comporter le nom du prestataire du compte, l’intitulé du compte, la date à laquelle le prestataire a procédé à la dernière mise à jour
      • En outre, les tarifs doivent être présentés sous forme de tableau intitulé « services et tarifs ».
      • À l’instar de l’extrait standard des tarifs, ce tableau doit reprendre les dénominations de la liste nationale des services les plus représentatifs rattachés à un compte de paiement et leur ordre, tels que précisés au A du I de l’article D 312-1-1 du CMF.
      • Enfin, il doit préciser, et c’est là une différence avec l’extrait tarifaire, les offres groupées de service proposées par l’établissement bancaire
    • Mise à disposition
      • L’article 1 de l’arrêté du 5 septembre 2018 prévoit que celui-ci doit être mis à disposition :
        • D’une part, sous forme électronique sur le site internet de l’établissement,
        • D’autre part, en libre-service dans les locaux de réception du public, sur support papier ou sur un autre support durable, de manière permanente, constante, visible, lisible et aisément accessible.
      • Par ailleurs, il doit être fourni gratuitement, sur support papier ou sur un autre support durable, à tout consommateur qui en fait la demande.
      • Il est également fourni, sur support papier ou sur un autre support durable, avant la conclusion d’un contrat relatif à un compte de dépôt ou un compte de paiement.

B) Les conditions générales d’utilisation du compte de dépôt

En application de l’article L. 312-1-1 du CMF, avant toute régularisation de convention de compte, l’établissement de crédit doit fournir au client les conditions générales d’utilisation sur support papier ou sur un autre support durable.

Le texte précise que l’établissement de crédit peut s’acquitter de cette obligation en fournissant au client une copie du projet de convention de compte de dépôt.

Si, à la demande du client, cette convention est conclue par un moyen de communication à distance ne permettant pas à l’établissement de crédit de se conformer à cette obligation de communication des conditions générales, il doit y satisfaire aussitôt après la conclusion de la convention de compte de dépôt.

§5: La convention de compte

À titre de remarque liminaire, il peut être observé que la convention de compte de compte conclue entre un établissement bancaire et son client s’analyse en un contrat d’adhésion.

Pour mémoire, le contrat d’adhésion est celui qui « comporte un ensemble de clauses non négociables , déterminées à l’avance par l’une des parties ».

Aussi, dans le contrat d’adhésion l’une des parties impose sa volonté à son cocontractant, sans que celui-ci soit en mesure de négocier les stipulations contractuelles qui lui sont présentées

Le contrat d’adhésion est valable dès lors que la partie qui « adhère » au contrat, y a librement consenti et que le contrat satisfait à toutes les exigences prescrites par la loi (capacité, objet, contrepartie).

Le contrat d’adhésion, par opposition au contrat de gré à gré, présente deux particularités :

  • Première particularité
    • Conformément à l’article 1171 du Code civil, dans un contrat d’adhésion « toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. »
    • En matière de contrat d’adhésion, le juge dispose ainsi de la faculté d’écarter toute clause qu’il jugerait abusive, car créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties
    • Plusieurs critères sont retenus classiquement par la jurisprudence pour apprécier l’existence de ce déséquilibre :
      • L’absence de réciprocité
      • L’absence de contrepartie
      • Le caractère inhabituel de la clause
  • Seconde particularité
    • L’article 1190 du Code civil prévoit que, en cas de doute, le contrat d’adhésion s’interprète contre celui qui l’a proposé
    • Cette règle trouve la même justification que celle posée en matière d’interprétation des contrats de gré à gré
    • Pour mémoire, le contrat d’adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties ( 1110, al. 2 C. civ.)
    • Aussi, le rédacteur de ce type de contrat est réputé être en position de force rapport à son cocontractant
    • Afin de rétablir l’équilibre contractuel, il est par conséquent normal d’interpréter le contrat d’adhésion à la faveur de la partie présumée faible.

Au total, la convention de compte fait l’objet d’une attention particulière, tant de la part du législateur, que de la part du juge.

I) Exigence d’un écrit

==> Principe

 L’article L. 312-1-1 du CMF prévoit que la gestion d’un compte de dépôt des personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels est réglée par une convention écrite, sur support papier ou sur un autre support durable, passée entre le client et son établissement de crédit.

Issu de la loi n°2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (MURCEF), ce texte exige ainsi l’établissement d’une convention écrite entre le banquier et le client lors de l’ouverture d’un compte de dépôt (art. 312-1-1 CMF).

Cette exigence d’établissement d’un écrit est renforcée par :

  • Tout d’abord, l’obligation d’information portant sur les conditions de la convention dont l’exécution suppose la remise d’un support papier ou de tout autre support durable
  • Ensuite, l’obligation, en cas de conclusion à distance de la convention, de fourniture au client d’un exemplaire sur support papier ou sur tout autre support durable
  • Enfin, l’exigence de formalisation de l’acceptation du client par la signature du ou des titulaires du compte.

==> Domaine d’application

Le domaine d’application du principe d’exigence d’un écrit tient, d’une part, à la nature du compte ouvert par le client et, d’autre part, à la qualité du client.

  • S’agissant de la nature du compte
    • L’exigence de régularisation d’une convention écrite ne s’applique que pour les comptes de dépôt ( 312-1-1 CMF).
    • Il en résulte que les comptes courants ne sont pas soumis à cette exigence
  • S’agissant de la qualité du titulaire
    • L’exigence d’établissement d’une convention écrite ne s’applique qu’aux seules personnes physiques peu importe qu’elles agissent ou non pour des besoins professionnels ( L. 312-1-1 et L. 312-1-6 CMF)
    • On peut en déduire que lorsque le client est une personne morale, l’écrit n’est pas exigé : la convention peut être le produit d’un accord oral ou tacite

==> Forme de l’écrit

 Si la régularisation d’une convention écrite est exigée pour l’ouverture d’un compte de dépôt, il est indifférent que cet écrit soit sous forme papier ou sous forme électronique.

En effet, en application de l’article 1174 du Code civil, lorsqu’un écrit est exigé pour la validité d’un contrat, il peut être établi et conservé sous forme électronique.

Au surplus, l’article L. 312-1-1 du CMF octroie au client la faculté de solliciter la conclusion de la convention de compte de dépôt par un moyen de communication à distance.

Rien n’interdit donc à l’établissement bancaire de proposer à ses clients l’ouverture de comptes de dépôt à distance.

II) Contenu de la convention

L’article L. 312-1-1 du CMF dispose que les principales stipulations que la convention de compte de dépôt doit comporter, notamment les conditions générales et tarifaires d’ouverture, de fonctionnement et de clôture, sont précisées par un arrêté du ministre chargé de l’économie.

La convention de compte doit donc comporter un certain nombre de mentions obligatoires, lesquelles sont énoncées pour les personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels par l’arrêté du 29 juillet 2009 et pour les personnes physiques agissant pour des besoins professionnels par l’arrêté du 1er septembre 2014.

==> Mentions exigées dans la convention conclue avec une personne physique n’agissant pas pour des besoins professionnels

Conformément à l’arrêté du 29 juillet 2009, au nombre des mentions qui doivent figurer dans la convention de compte conclue par une personne physique n’agissant par pour des besoins professionnels on recense notamment :

  • Le nom du prestataire de services de paiement, l’adresse de son siège social ou de son administration centrale et, le cas échéant, l’adresse de son agent ou de sa succursale, et toutes les autres adresses, y compris l’adresse de courrier électronique, à prendre en compte pour la communication avec le prestataire de services de paiement ;
  • Une description des principales caractéristiques du service de paiement à fournir ;
  • Les modalités de procuration, la portée d’une procuration et les conditions et conséquences de sa révocation ;
  • Le sort du compte de paiement au décès du ou de l’un des titulaires du compte de paiement
  • Tous les frais payables par l’utilisateur de services de paiement au prestataire de services de paiement et, le cas échéant, le détail de ces frais ;
  • Le cas échéant, les taux d’intérêt et de change à appliquer ou, si des taux d’intérêt et de change de référence doivent être utilisés, la méthode de calcul du taux d’intérêt à appliquer ainsi que la date retenue et l’indice ou la base pour déterminer le taux d’intérêt ou de change de référence ;
  • Les finalités des traitements de données mis en œuvre par le prestataire de services de paiement, les destinataires des informations, le droit de s’opposer à un traitement des données à des fins de prospection commerciale ainsi que les modalités d’exercice du droit d’accès aux informations concernant le client, conformément aux lois en vigueur ;
  • Le délai et les modalités selon lesquels l’utilisateur de services de paiement doit informer le prestataire de services de paiement des opérations de paiement non autorisées, incorrectement initiées ou mal exécutées, conformément à l’article L. 133-24 du même code ;
  • La responsabilité du prestataire de services de paiement en matière d’opérations de paiement non autorisées, conformément à l’article L. 133-18 du même code ;
  • La responsabilité du prestataire de services de paiement liée à l’initiation ou à l’exécution d’opérations de paiement, conformément à l’article L. 133-22 du même code ;
  • Le fait que l’utilisateur de services de paiement est réputé avoir accepté la modification des conditions conformément au II de l’article L. 312-1-1 ou au III de l’article L. 314-13 du code monétaire et financier, à moins d’avoir notifié au prestataire de services de paiement son refus de celle-ci avant la date proposée pour l’entrée en vigueur de cette modification ;
  • La durée du contrat ;
  • Le droit de l’utilisateur de services de paiement de résilier le contrat et les modalités de cette résiliation, conformément aux IV et V de l’article L. 312-1-1 ou aux IV et V de l’article L. 314-13 du même code ;
  • Les modalités de fonctionnement et de clôture d’un compte de paiement joint ;
  • Les voies de réclamation et de recours extrajudiciaires ouvertes à l’utilisateur de services de paiement, notamment l’existence d’un médiateur pouvant être saisi gratuitement en cas de litige né de l’application de la convention de compte de dépôt ou du contrat-cadre de services de paiement ainsi que les modalités d’accès à ce médiateur, conformément à l’article L. 316-1 du code monétaire et financier. ;

==> Mentions exigées dans la convention conclue avec une personne physique agissant pour des besoins professionnels

Conformément à l’arrêté du 1er septembre 2014, au nombre des mentions qui doivent figurer dans la convention de compte conclue par une personne physique n’agissant par pour des besoins professionnels on recense notamment :

  • Les coordonnées de l’établissement de crédit : son nom, l’adresse de son siège social ou de son administration centrale et, le cas échéant, l’adresse de son agent ou de sa succursale, et toutes les autres adresses, y compris l’adresse de courrier électronique, à prendre en compte pour la communication avec l’établissement de crédit.
  • Les modalités de souscription de la convention ;
  • Les conditions d’accès au compte de dépôt et les conditions d’ouverture de ce compte ;
  • Les modalités de fonctionnement du compte de dépôt et le cas échéant les différents comptes de dépôt pouvant être ouverts par le client ;
  • Les différents services offerts au client et leurs principales caractéristiques, le fonctionnement des moyens de paiement associés au compte le cas échéant, y compris par renvoi à des conventions spécifiques ;
  • Le délai maximal d’exécution des ordres de paiement ;
  • Les modalités d’opposition ou de contestation aux moyens de paiement associés au compte le cas échéant ;
  • Les modalités de procuration, de transfert ou de clôture du compte ;
  • Lorsqu’un compte de dépôt est ouvert par un établissement de crédit désigné par la Banque de France en application de l’article L. 312-1 du code monétaire et financier, la fourniture gratuite de l’ensemble des produits et services énumérés à l’article D. 312-5 du code monétaire et financier relatif aux services bancaires de base.
  • Les modalités de communication entre le client et l’établissement de crédit ;
  • Les obligations de confidentialité à la charge de l’établissement de crédit.
  • La durée de la convention ;
  • Les conditions de modification de la convention de compte et de clôture du compte ;
  • Le droit du contrat applicable, juridiction compétente, voies de réclamation et de recours ;
  • Lorsqu’un dispositif de médiation est prévu, modalités de saisine du médiateur compétent dont relève l’établissement de crédit ;
  • Les coordonnées et l’adresse de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

==> Signature de la convention

Outre les mentions exigées dans la convention de compte, l’article L. 312-1-1, II du CMF précise que l’acceptation de la convention de compte de dépôt est formalisée par la signature du ou des titulaires du compte.

En application de l’article L. 351-1, le défaut de signature est sanctionné par une amende fiscale de 75 euros.

Cette amende est prononcée et recouvrée suivant les règles applicables à la taxe sur la valeur ajoutée. Le contentieux est suivi par l’administration qui a constaté l’infraction.

III) Modification de la convention

==> Principe

En application de l’article L. 312-1-1 du CMF, les établissements bancaires sont autorisés à modifier unilatéralement la convention de compte conclue avec leur clientèle.

Les modifications ainsi apportées à la convention s’imposeront aux clients, y compris s’il s’agit :

  • Soit de modifier la tarification appliquée
  • Soit d’inclure de nouvelles prestations de services donnant lieu à une rémunération non envisagée au jour de la signature de la convention

La modification de la convention de compte, si elle est à la discrétion du banquier, ne peut s’opérer sans l’observation d’un certain formalisme.

==> Formalisme

Plusieurs obligations pèsent sur le banquier en cas de modification de la convention de compte :

  • Obligation de communiquer le projet de modification de la convention
    • L’article L. 312-1-1 du CMF prévoit que tout projet de modification de la convention de compte de dépôt est fourni sur support papier ou sur un autre support durable au client
    • Cette communication peut donc s’opérer soit au moyen d’un support papier, soit par voie électronique si le client a accepté l’utilisation de ce canal de communication
  • Obligation d’observer un délai de prévenance de deux mois
    • Le projet de modification de la communication doit être communiqué au plus tard deux mois avant la date d’application envisagée
    • Ce délai vise à permettre au client de se déterminer quant à la suite à donner à sa relation avec l’établissement bancaire
  • Obligation d’informer le client sur les options dont il dispose
    • Le banquier doit informer son client :
      • D’une part qu’il est réputé avoir accepté la modification s’il ne lui a pas notifié, avant la date d’entrée en vigueur proposée de cette modification, qu’il ne l’acceptait pas
      • D’autre part, que s’il refuse la modification proposée, il peut résilier la convention de compte de dépôt sans frais, avant la date d’entrée en vigueur proposée de la modification.

À toutes fins utiles, il convient d’observer que ce formalisme est prescrit pour la modification des seules conventions de compte de dépôt.

Lorsque la convention est relative à un compte courant où à des instruments financiers, l’établissement bancaire n’est pas tenu de satisfaire à ces exigences de forme (Cass. com. 6 juill. 2010, n°09-70544).

Pour les comptes de dépôt, l’inobservation du formalisme prévu par l’article L. 312-1-1 du CMF est sanctionné par une amende de 1.500 euros, outre les sanctions disciplinaires susceptibles d’être prononcées à l’endroit de l’établissement bancaire pris en défaut par l’ACPR.

                          

Les règles régissant l’ouverture d’un compte bancaire par un mineur

L’ouverture d’un compte bancaire s’analyse en la conclusion d’un contrat. Pour accomplir cette opération, il est donc nécessaire de disposer de la capacité juridique de contracter.

S’agissant des mineurs, s’ils sont, par principe, frappés d’une incapacité générale d’exercice, il est fait exception à ce principe en cas d’émancipation.

I) Les mineurs non émancipés

==> Principe

Frappé d’une incapacité d’exercice générale, le mineur non émancipé n’est, par principe, pas autorisé à solliciter, seul, l’ouverture d’un compte bancaire.

Dans ces conditions, il devra se faire représenter pour accomplir cette démarche. Plusieurs situations doivent alors être distinguées :

  • Le mineur est placé sous l’administration légale de ses deux parents
    • Lorsque le mineur ne dispose pas de compte bancaire, chacun des deux parents dispose du pouvoir de lui en ouvrir un sans le consentement de l’autre ( 382-1 et C. civ.)
    • Lorsque le mineur dispose déjà d’un compte bancaire, l’ouverture d’un autre compte bancaire ne pourra se faire qu’avec le consentement des deux parents ( 382-1 C. civ.)
  • Le mineur est placé sous l’administration légale d’un seul parent
    • Il est ici indifférent que le mineur dispose déjà d’un compte bancaire, l’administrateur légal unique est investi des pouvoirs les plus larges en la matière.
    • Il est tout autant autorisé à ouvrir un premier compte bancaire au mineur qu’à lui en ouvrir un autre s’il en possède déjà un.
  • Le mineur est placé sous tutelle
    • Lorsque le mineur ne dispose pas de compte bancaire, le tuteur peut formuler, seul, une demande auprès du banquier ( 504 C. civ.)
    • Lorsque le mineur dispose déjà d’un compte bancaire, l’ouverture d’un autre compte bancaire ne pourra se faire qu’avec le consentement du Conseil de famille ou à défaut par le Juge des tutelles ( 505 C. civ.)

==> Exceptions

  • Ouverture d’un Livret A
    • Les mineurs sont admis à se faire ouvrir des livrets A sans l’intervention de leur représentant légal ( L. 221-3 CMF).
    • Ils peuvent retirer, sans cette intervention, les sommes figurant sur les livrets ainsi ouverts, mais seulement après l’âge de seize ans révolus et sauf opposition de la part de leur représentant légal.
  • Ouverture d’un Livret jeune
    • À l’instar du Livret lorsque le mineur est âgé de moins de seize ans, l’autorisation de son représentant légal n’est requise que pour les opérations de retrait.
    • Lorsque le mineur est âgé de seize à dix-huit ans, il est autorisé à procéder lui-même à ces opérations à moins que son représentant légal ne s’y oppose.

II) Les mineurs émancipés

Le mineur émancipé est capable, comme un majeur, de tous les actes de la vie civile (art. 413-6 C. civ.).

Il en résulte qu’il est autorisé à solliciter l’ouverture d’un compte bancaire, sans obtenir, au préalable, le consentement de ses représentants légaux (parents ou tuteur).

S’agissant de l’ouverture d’un compte bancaire à des fins commerciales, le mineur émancipé peut être commerçant sur autorisation du juge des tutelles au moment de la décision d’émancipation et du président du tribunal judiciaire s’il formule cette demande après avoir été émancipé (art. 413-8 C. civ.).

Aussi, appartient-il au banquier de vérifier que le mineur émancipé est autorisé à endosser le statut de commerçant avant d’accéder à sa demande d’ouverture d’un compte professionnel.

                            Aurélien Bamdé                                Maître Stéphanie Baudry                                                                                              (Avocate – Walter & Garance)

Mariage: la condition relative à l’âge

I) Principe : la majorité

Aux termes de l’article 144 du Code civil « le mariage ne peut être contracté avant dix-huit ans révolus. » Il faut donc avoir dix-huit ans révolus pour contracter un mariage.

Jusqu’il y a peu, l’article 144 autorisait les femmes à se marier dès l’âge de quinze ans.

Legs d’une époque où le mariage était souvent arrangé, où l’espérance de vie était proche de cinquante ans et où la règle légale correspondait à la pratique sociale, cette disposition, inscrite faisait figure d’archaïsme.

De surcroît, l’âge de la majorité légale des hommes et des femmes ayant été abaissé à 18 ans par la loi du 5 juillet 1974, comment justifier que le mariage soit désormais réservé aux seuls hommes majeurs à la différence des femmes dont la minorité ne fait pas obstacle à un tel engagement ?

Contraire au principe constitutionnel d’égalité devant la loi, cette différence l’était également à nos engagements internationaux.

En effet, la convention des Nations unies du 18 décembre 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, entrée en vigueur dans notre droit le 3 septembre 1981, stipule, en son article 16, que les États parties « prennent toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux et, en particulier, pour assurer, sur la base de l’égalité entre l’homme et la femme, le même droit de contracter mariage ».

Par ailleurs, l’élévation de l’âge au mariage des femmes constitue l’un des moyens de lutter contre les mariages forcés.

En effet, les familles désireuses d’imposer un époux à leur fille peuvent aujourd’hui le faire d’autant plus aisément que celle-ci est mineure, placée sous leur autorité et donc particulièrement vulnérable aux pressions dont elle fait l’objet.

Le phénomène des mariages forcés n’est pas anecdotique, loin s’en faut, puisqu’ils concerneraient en France près de 70 000 femmes.

C’est la raison pour laquelle, dans son rapport de novembre 2004, la Défenseure des enfants, Mme Claire Brisset, parmi d’autres, s’est prononcée pour l’élévation de l’âge légal au mariage des femmes, faisant sienne les recommandations du Comité des droits de l’enfant qui a fait part de sa « préoccupation » au sujet de la différence d’âge légal au mariage entre les hommes et les femmes.

C’est dans ce contexte que, à l’occasion de l’adoption de la loi du n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs le législateur a porté l’âge de se marier pour les filles à quinze ans.

II) Exception : la dispense d’âge

A) L’admission de la dispense d’âge

Le législateur a estimé que, en certaines circonstances, il y aurait plus d’inconvénients que d’avantages à maintenir cette condition d’âge avec trop de rigidité

Avant la loi du 23 décembre 1970 modifiant l’article 145 du Code civil, le Code civil avait attribué au chef de l’État le pouvoir d’accorder des dispenses d’âge en lui laissant la libre appréciation de leur opportunité.

Il lui appartenait ainsi d’accorder ces dispenses par décret rendu sur le rapport du garde des Sceaux. Ce dossier était alors remis au procureur de la République qui instruisait l’affaire.

La loi n° 70-1266 du 23 décembre 1970 a modifié l’article 145 du Code civil à compter du 1er février 1971 et transféré au procureur de la République du lieu de la célébration du mariage le pouvoir d’accorder les dispenses d’âge dans les mêmes circonstances que pouvait le faire le Président de la République.

L’article 145 du Code civil dispose désormais que, « il est loisible au procureur de la République du lieu de célébration du mariage d’accorder des dispenses d’âge pour des motifs graves ».

La dispense accordée par le procureur de la République ne fait toutefois pas disparaître la nécessité du consentement familial exigé pour les mineurs.

L’article 148 du Code civil précise, en effet, que « les mineurs ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs père et mère ; en cas de dissentiment entre le père et la mère, ce partage emporte consentement ».

Ainsi, pour que des mineurs puissent se marier, encore faut-il qu’ils y soient autorisés :

  • par leurs parents
  • par le procureur de la république

B) L’exigence d’autorisation des parents

==> Principe

L’article 148 du Code civil exige que les deux parents du mineur consentent à son mariage

A défaut, il ressort des articles 182 et 183 du Code civil que l’union conjugale encourt la nullité.

L’article 182 précise qu’il s’agit d’une nullité relative, dans la mesure où le mariage « ne peut être attaqué que par ceux dont le consentement était requis, ou par celui des deux époux qui avait besoin de ce consentement. »

L’exigence de consentement des deux parents n’est toutefois pas absolue.

Le législateur a assorti cette règle d’un certain nombre de tempéraments

==> Tempéraments

Le législateur a prévu que le consentement des deux parents n’était pas exigé dans un certain nombre de situations où l’obtention de ce consentement est, par nature, impossible

Plusieurs situations doivent être distinguées:

  • L’existence d’un désaccord entre les parents
    • Dans cette hypothèse, l’article 148 du Code civil prévoit que le dissentiment entre le père et la mère emporte consentement
    • Le législateur autorise ainsi, finalement, à ce qu’un seul des deux parents autorise le mariage de l’enfant mineur, à la condition qu’ils aient tous les deux été consultés.
    • À défaut, nonobstant le consentement du père ou de la mère, le mariage est susceptible d’être contesté
  • L’un des parents est décédé ou se trouve dans l’impossibilité de manifester sa volonté
    • L’article 149 du Code civil que dans ces deux situations, « le consentement de l’autre suffit»
    • Cette disposition précise que, il n’est pas nécessaire de produire l’acte de décès du père ou de la mère de l’un des futurs époux lorsque le conjoint ou les père et mère du défunt attestent ce décès sous serment.
  • La résidence actuelle de l’un des parents est inconnue
    • Dans cette hypothèse, l’article 149, al. 3 dispose que, en cas d’absence de nouvelles du parent dont la résidence est inconnue pendant un an, il pourra, malgré tout, être procédé à la célébration du mariage
    • Cette célébration est néanmoins subordonnée à la déclaration sous serment de l’enfant et du parent qui a donné son consentement
    • Le faux serment est puni des peines édictées par l’article 434-13 du code pénal, soit de de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
  • Les deux des parents sont décédés ou se trouvent dans l’impossibilité de manifester leur volonté
    • L’article 150 du Code civil prévoit que, dans cette situation, les aïeuls et aïeules les remplacent.
    • Par aïeuls, il faut entendre les ascendants en ligne directe.
    • Les aïeuls de chaque ligne doivent consentir au mariage du mineur, ce qui suppose qu’ils soient tous consultés.
    • En cas dissentiment entre l’aïeul et l’aïeule de la même ligne, ou s’il y a dissentiment entre les deux lignes, ce partage emporte consentement.
  • La résidence actuelle des deux parents est inconnue
    • En pareil cas, l’article 150, al. 2 dispose que s’ils n’ont pas donné de leurs nouvelles depuis un an, il pourra être procédé à la célébration du mariage
    • Cette célébration sera là aussi subordonnée à la déclaration sous serment de l’enfant mineur et de ses aïeuls et aïeules.
    • L’article 150 précise qu’il en est de même si, un ou plusieurs aïeuls ou aïeules donnant leur consentement au mariage, la résidence actuelle des autres aïeuls ou aïeules est inconnue et s’ils n’ont pas donné de leurs nouvelles depuis un an.
  • Tous les ascendants du mineur sont décédés ou sont dans l’impossibilité de manifester leur volonté
    • L’article 159 du Code civil prévoit que les mineurs de dix-huit ans ne peuvent contracter mariage sans le consentement du conseil de famille.
    • Le pouvoir de consentir n’appartient donc pas tuteur de l’enfant, mais bien au conseil de famille.
  • Le mineur a fait l’objet d’une adoption
    • Il convient de distinguer selon que le mineur a fait l’objet d’une adoption simple ou d’une adoption plénière
      • Le mineur a fait l’objet d’une adoption plénière
        • Pour rappel, cette forme d’adoption, qui est réservée à des enfants âgés de moins de quinze ans, fait entrer l’adopté dans la famille adoptive comme s’il y était né, l’assimilant totalement et irrévocablement à un enfant légitime.
        • Elle entraîne une rupture totale de la filiation de l’enfant adopté qui, sur le plan juridique, n’entretient plus aucun lien avec ses parents biologiques.
        • À cet égard, l’article 358 dispose que « l’adopté a, dans la famille de l’adoptant, les mêmes droits et les mêmes obligations qu’un enfant dont la filiation est établie en application du titre VII du présent livre.»
        • Il en résulte que le mineur qui a fait l’objet d’une adoption plénière est soumis au même régime que les enfants qui jouissent d’une filiation par le sang
      • Le mineur a fait l’objet d’une adoption simple
        • L’adoption simple s’adresse à des adoptés mineurs ou majeurs qui demeurent dans leur famille d’origine et y conservent tous leurs droits.
        • Doté d’une double filiation, l’une charnelle et l’autre purement juridique, l’adopté simple est traité comme l’enfant légitime de l’adoptant.
        • Toutefois le lien adoptif n’établit qu’une filiation additive et révocable.
        • S’agissant de l’autorisation au mariage du mineur, l’article 365 prévoit que « l’adoptant est seul investi à l’égard de l’adopté de tous les droits d’autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l’adopté»
        • Ce sont donc les parents adoptants qui sont titulaires du pouvoir d’autoriser le mineur adopté à contracter mariage.
        • Ils doivent donc être consultés tous les deux.
        • En cas de dissentiment, leur désaccord emporte consentement.
        • L’article 365 assortit la règle ainsi posée d’une exception : l’hypothèse où le mineur est adopté par le conjoint du père ou de la mère.
        • En pareil cas, l’adoptant a l’autorité parentale concurremment avec son conjoint, lequel en conserve seul l’exercice, sous réserve d’une déclaration conjointe avec l’adoptant adressée au directeur des services de greffe judiciaires du tribunal de grande instance aux fins d’un exercice en commun de cette autorité.
  • L’autorité parentale qui s’exerce sur le mineur a fait l’objet d’une délégation
    • Cette délégation de l’autorité parentale se rencontre dans deux situations bien distinctes envisagées à l’article 377 du Code civil.
      • Première situation
        • Les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l’exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l’exercice de leur autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l’aide sociale à l’enfance.
      • Seconde situation
        • En cas de désintérêt manifeste ou si les parents sont dans l’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale, le particulier, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou un membre de la famille peut également saisir le juge aux fins de se faire déléguer totalement ou partiellement l’exercice de l’autorité parentale.
    • S’agissant de la personne investie du pouvoir d’autoriser le mariage du mineur, cela dépend de l’inclusion de cette prérogative dans le champ de la délégation qui peut être totale ou partielle.
    • La délégation de l’autorité parentale peut être totale ou partielle.

==> Modalités d’expression du consentement

L’article 73 du Code civil prévoit que l’acte authentique du consentement des père et mère ou aïeuls ou aïeules ou, à leur défaut, celui du conseil de famille doit contenir s’agissant des futurs époux

  • leurs prénoms
  • leurs noms
  • leurs professions
  • leur domicile des futurs

L’acte doit également porter mention de ces informations, s’agissant de tous ceux qui auront concouru à l’acte, ainsi que leur degré de parenté.

L’article 73 précise que hors le cas prévu par l’article 159 du code civil (l’absence d’aïeuls), cet acte de consentement est dressé :

  • soit par un notaire
  • soit par l’officier de l’état civil du domicile ou de la résidence de l’ascendant, et, à l’étranger, par les agents diplomatiques ou consulaires français.

Lorsque l’acte est dressé par un officier de l’état civil, il ne doit être légalisé, sauf conventions internationales contraires, que lorsqu’il y a lieu de le produire devant les autorités étrangères.

Les conditions de formation du pacs

La famille n’est pas une, mais multiple. Parce qu’elle est un phénomène sociologique[1], elle a vocation à évoluer à mesure que la société se transforme. De la famille totémique, on est passé à la famille patriarcale, puis à la famille conjugale.

De nos jours, la famille n’est plus seulement conjugale, elle repose, de plus en plus, sur le concubinage[2]. Mais elle peut, également, être recomposée, monoparentale ou unilinéaire.

Le droit opère-t-il une distinction entre ces différentes formes qu’est susceptible de revêtir la famille ? Indubitablement oui.

Si, jadis, cela se traduisait par une réprobation, voire une sanction pénale, des couples qui ne répondaient pas au schéma préétabli par le droit canon[3], aujourd’hui, cette différence de traitement se traduit par le silence que le droit oppose aux familles qui n’adopteraient pas l’un des modèles prescrit par lui.

Quoi de plus explicite pour appuyer cette idée que la célèbre formule de Napoléon, qui déclara, lors de l’élaboration du Code civil, que « puisque les concubins se désintéressent du droit, le droit se désintéressera d’eux ». Cette phrase, qui sonne comme un avertissement à l’endroit des couples qui ont choisi de vivre en union libre, est encore valable.

La famille a toujours été appréhendée par le législateur comme ne pouvant se réaliser que dans un seul cadre : le mariage. Celui-ci est envisagé par le droit comme ce qui « confère à la famille sa légitimité »[4] et plus encore, comme son « acte fondateur »[5].

Aussi, en se détournant du mariage, les concubins sont-ils traités par le droit comme formant un couple ne remplissant pas les conditions lui permettant de quitter la situation de fait dans laquelle il se trouve pour s’élever au rang de situation juridique. D’où le silence de la loi sur le statut des concubins.

Parce que le contexte sociologique et juridique ne permettait plus à ce silence de prospérer, le législateur est intervenu pour remédier à cette situation.

Son intervention s’est traduite par l’adoption de la loi n°99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, plus couramment désigné sous le nom de pacs.

Ainsi, pour la première fois, le législateur reconnaissait-il un statut juridique au couple en dehors du mariage.

La formation du pacs est subordonnée à la satisfaction de conditions de fond et de forme.

I) Les conditions de fond

A) Les conditions tenant aux qualités physiques des partenaires

  1. L’indifférence du sexe

L’article 515-1 du Code civil que le pacs peut être conclu par deux personnes « de sexe différent ou de même sexe »

Ainsi, le législateur a-t-il accédé à une revendication pressante des couples homosexuels qui a pris racine au début des années 1990.

Ces derniers revendiquaient la création d’un statut unifiant pour l’ensemble des couples non mariés, que les partenaires soient de même sexe ou de sexe différent, ou même pour des personnes ayant un projet de vie en commun en dehors de tout lien charnel.

Une première proposition de loi tendant à instituer un contrat de partenariat civil est déposée au Sénat dès cette époque par M. Jean-Luc Mélenchon.

De nombreuses autres propositions relayées par des parlementaires de gauche vont voir le jour à partir de 1992, sous les appellations successives de contrat d’union civile, de contrat d’union sociale ou de contrat d’union civile et sociale.

Elles prévoyaient toutes l’enregistrement des unions devant l’officier d’état civil, définissaient en se référant au mariage les devoirs et le régime des biens des cocontractants et leur attribuaient des droits directement calqués sur le mariage en matière de logement, de sécurité sociale, d’impôt sur le revenu et de succession.

Les revendications portaient, en outre, sur l’élimination, à terme, de toute différence entre les couples homosexuels et hétérosexuels par l’ouverture pure et simple du mariage et du concubinage aux homosexuels.

Allant dans ce sens, le Parlement européen a adopté, le 8 février 1994, une résolution sur l’égalité des droits des homosexuels et des lesbiennes dans la Communauté européenne invitant la Commission des communautés européennes à présenter un projet de recommandation devant chercher, notamment à mettre un terme à :

  • l’interdiction faite aux couples homosexuels de se marier ou de bénéficier de dispositions juridiques équivalentes : la recommandation devrait garantir l’ensemble des droits et des avantages du mariage, ainsi qu’autoriser l’enregistrement de partenariats,
  • toute restriction au droit des lesbiennes et des homosexuels d’être parents ou bien d’adopter ou d’élever des enfants.

En définitive, au-delà du respect de leur comportement individuel, les homosexuels revendiquaient la reconnaissance sociale de leur couple, ce qui a pu faire dire que sortis du code pénal, ils aspiraient à rentrer dans le code civil.

C’est chose faite avec l’adoption sur la loi du 15 novembre 1999 qui autorise les couples homosexuels à conclure un pacte civil de solidarité.

2. L’âge des partenaires

L’article 515-1 du Code civil prévoit expressément que le « pacte civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures »

Ainsi, pour conclure un pacs, il faut avoir atteint l’âge de dix-huit ans révolu.

La question qui immédiatement se pose est de savoir si, à l’instar du mariage, le Procureur peut consentir des dispenses d’âge.

==> S’agissant de l’émancipation

Dans le silence des textes, le mineur émancipé ne dispose pas, a priori, de la capacité de conclure un pacs.

La question avait d’ailleurs été soulevée par les parlementaires devant le Conseil constitutionnel.

Leurs auteurs de la saisine soutenaient que portaient atteinte au principe d’égalité les interdictions de conclure un pacte civil de solidarité qui visent les mineurs émancipés et les majeurs sous tutelle

Le Conseil constitutionnel a toutefois rejeté cet argument estimé que « sans méconnaître les exigences du principe d’égalité, ni celles découlant de la liberté définie à l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le législateur […] a pu sans porter atteinte au principe d’égalité, ne pas autoriser la conclusion d’un pacte par une personne mineure émancipée et par une personne majeure placée sous tutelle » (Cons. Cons ; Décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999).

==> S’agissant de la dispense d’âge

Pour mémoire, en matière de mariage, législateur a estimé que, en certaines circonstances, il y aurait plus d’inconvénients que d’avantages à maintenir cette condition d’âge avec trop de rigidité

Avant la loi du 23 décembre 1970 modifiant l’article 145 du Code civil, le Code civil avait attribué au chef de l’État le pouvoir d’accorder des dispenses d’âge en lui laissant la libre appréciation de leur opportunité.

Il lui appartenait ainsi d’accorder ces dispenses par décret rendu sur le rapport du garde des Sceaux. Ce dossier était alors remis au procureur de la République qui instruisait l’affaire.

La loi n° 70-1266 du 23 décembre 1970 a modifié l’article 145 du Code civil à compter du 1er février 1971 et transféré au procureur de la République du lieu de la célébration du mariage le pouvoir d’accorder les dispenses d’âge dans les mêmes circonstances que pouvait le faire le Président de la République.

L’article 145 du Code civil dispose désormais que, « il est loisible au procureur de la République du lieu de célébration du mariage d’accorder des dispenses d’âge pour des motifs graves ».

La dispense accordée par le procureur de la République ne fait toutefois pas disparaître la nécessité du consentement familial exigé pour les mineurs.

L’article 148 du Code civil précise, en effet, que « les mineurs ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs père et mère ; en cas de dissentiment entre le père et la mère, ce partage emporte consentement ».

Ainsi, pour que des mineurs puissent se marier, encore faut-il qu’ils y soient autorisés :

  • par leurs parents
  • par le procureur de la république

Ce régime de dispense d’âge est-il transposable au pacs ?

Dans la mesure où aucune disposition ne le prévoit, une réponse négative doit être apportée à cette question, bien que l’on puisse s’interroger sur l’opportunité d’une telle interdiction.

Compte tenu de son régime juridique, la conclusion d’un pacs est un acte bien moins grave qu’en engagement dans les liens du mariage, ne serait-ce que parce le pacs repose sur un régime de séparation de biens, tandis que celui du mariage est communautaire.

B) Les conditions tenant à la nature contractuelle du pacs

Comme précisé par l’article 515-1 du Code civil le « pacte civil de solidarité est un contrat ».

Il en résulte que sa validité est subordonnée au respect des conditions de formation du contrat.

L’article 1101 du Code civil dispose que le contrat est « un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destinées à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. »

Pour être créateur d’obligations, l’article 1103 du Code civil précise néanmoins que le contrat doit être « légalement formé ».

Aussi, cela signifie-t-il que les parties doivent satisfaire à un certain nombre de conditions posées par la loi, à défaut de quoi le contrat ne serait pas valide, ce qui est sanctionné par la nullité.

Les conditions de validité du contrat exigées par la loi sont énoncées à l’article 1128 du Code civil qui prévoit que sont nécessaires à la validité d’un contrat :

  • Le consentement des parties
  • Leur capacité de contracter
  • Un contenu licite et certain
  1. Le consentement

La question qui se pose ici est de savoir si les parties ont voulu contracter l’une avec l’autre ?

==> La difficile appréhension de la notion de consentement

Simple en apparence, l’appréhension de la notion de consentement n’est pas sans soulever de nombreuses difficultés.

Que l’on doit exactement entendre par consentement ?

Le consentement est seulement défini de façon négative par le Code civil, les articles 1129 et suivants se bornant à énumérer les cas où le défaut de consentement constitue une cause de nullité du contrat.

L’altération de la volonté d’une partie est, en effet, susceptible de renvoyer à des situations très diverses :

  • L’une des parties peut être atteinte d’un trouble mental
  • Le consentement d’un contractant peut avoir été obtenu sous la contrainte physique ou morale
  • Une partie peut encore avoir été conduite à s’engager sans que son consentement ait été donné en connaissance de cause, car une information déterminante lui a été dissimulée
  • Une partie peut, en outre, avoir été contrainte de contracter en raison de la relation de dépendance économique qu’elle entretient avec son cocontractant
  • Un contractant peut également s’être engagé par erreur

Il ressort de toutes ces situations que le défaut de consentement d’une partie peut être d’intensité variable et prendre différentes formes.

La question alors se pose de savoir dans quels cas le défaut de consentement fait-il obstacle à la formation du contrat ?

Autrement dit, le trouble mental dont est atteinte une partie doit-il être sanctionné de la même qu’une erreur commise par un consommateur compulsif ?

==> Existence du consentement et vice du consentement

Il ressort des dispositions relatives au consentement que la satisfaction de cette condition est subordonnée à la réunion de deux éléments :

  • Le consentement doit exister
    • À défaut, le contrat n’a pas pu se former dans la mesure où l’une des parties n’a pas exprimé son consentement
    • Or cela constitue un obstacle à la rencontre des volontés.
    • Dans cette hypothèse, l’absence de consentement porte dès lors, non pas sur la validité du contrat, mais sur sa conclusion même.
    • Autrement dit, le contrat est inexistant.
  • Le consentement ne doit pas être vicié
    • À la différence de l’hypothèse précédente, dans cette situation les parties ont toutes deux exprimé leurs volontés.
    • Seulement, le consentement de l’une d’elles n’était pas libre et éclairé :
      • soit qu’il n’a pas été donné librement
      • soit qu’il n’a pas été donné en connaissance de cause
    • En toutes hypothèses, le consentement de l’un des cocontractants est vicié, de sorte que le contrat, s’il existe bien, n’en est pas moins invalide, car entaché d’une irrégularité.

a) L’existence du consentement

Le nouvel article 1129 du Code civil introduit par l’ordonnance du 10 février 2016 apporte une précision dont il n’était pas fait mention dans le droit antérieur.

Cette disposition prévoit, en effet, que « conformément à l’article 414-1, il faut être sain d’esprit pour consentir valablement à un contrat. ».

Plusieurs observations peuvent être formulées au sujet de cette exigence

  • Contenu de la règle
    • L’article 1129 pose la règle selon laquelle l’insanité d’esprit constitue une cause de nullité du contrat
    • Autrement dit, pour pouvoir contracter il ne faut pas être atteint d’un trouble mental, à défaut de quoi on ne saurait valablement consentir à l’acte.
    • Il peut être observé que cette règle existait déjà à l’article 414-1 du Code civil qui prévoit que « pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. »
    • Cette disposition est, de surcroît d’application générale, à la différence, par exemple de l’article 901 du Code civil qui fait également référence à l’insanité d’esprit mais qui ne se rapporte qu’aux libéralités.
    • L’article 1129 fait donc doublon avec l’article 414-1.
    • Il ne fait que rappeler une règle déjà existante qui s’applique à tous les actes juridiques en général
  • Insanité d’esprit et incapacité juridique
    • L’insanité d’esprit doit impérativement être distinguée de l’incapacité juridique
      • L’incapacité dont est frappée une personne a pour cause :
        • Soit la loi
          • Tel est le cas s’agissant de l’incapacité d’exercice général dont sont frappés les mineurs non émancipés.
        • Soit une décision du juge
          • Tel est le cas s’agissant de l’incapacité d’exercice dont sont frappées les personnes majeures qui font l’objet d’une tutelle, d’une curatelle, d’une sauvegarde de justice ou encore d’un mandat de protection future
      • L’insanité d’esprit n’a pour cause la loi ou la décision d’un juge : son fait générateur réside dans le trouble mental dont est atteinte une personne.
    • Aussi, il peut être observé que toutes les personnes frappées d’insanité d’esprit ne sont pas nécessairement privées de leur capacité juridique.
    • Réciproquement, toutes les personnes incapables (majeures ou mineures) ne sont pas nécessairement frappées d’insanité d’esprit.
    • À la vérité, la règle qui exige d’être sain d’esprit pour contracter a été instaurée aux fins de protéger les personnes qui seraient frappées d’insanité d’esprit, mais qui jouiraient toujours de la capacité juridique de contracter.
    • En effet, les personnes placées sous curatelle ou sous mandat de protection future sont seulement frappées d’une incapacité d’exercice spécial, soit pour l’accomplissement de certains actes (les plus graves).
    • L’article 1129 du Code civil jouit donc d’une autonomie totale par rapport aux dispositions qui régissent les incapacités juridiques.
    • Il en résulte qu’une action en nullité fondée sur l’insanité d’esprit pourrait indifféremment être engagée à l’encontre d’une personne capable ou incapable.
  • Notion d’insanité d’esprit
    • Le Code civil ne définit pas l’insanité d’esprit
    • Aussi, c’est à la jurisprudence qu’est revenue cette tâche
    • Dans un arrêt du 4 février 1941, la Cour de cassation a jugé en ce sens que l’insanité d’esprit doit être regardée comme comprenant « toutes les variétés d’affections mentales par l’effet desquelles l’intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée» ( civ. 4 févr. 1941).
    • Ainsi, l’insanité d’esprit s’apparente au trouble mental dont souffre une personne qui a pour effet de la priver de sa faculté de discernement.
    • Il peut être observé que la Cour de cassation n’exerce aucun contrôle sur la notion d’insanité d’esprit, de sorte que son appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond (V. notamment en ce sens 1re civ., 24 oct. 2000).
  • Sanction de l’insanité d’esprit
    • En ce que l’insanité d’esprit prive le contractant de son consentement, elle est sanctionnée par la nullité du contrat.
    • Autrement dit, le contrat est réputé n’avoir jamais été conclu.
    • Il est anéanti rétroactivement, soit tant pour ses effets passés, que pour ses effets futurs.
    • Il peut être rappelé, par ailleurs, qu’une action en nullité sur le fondement de l’insanité d’esprit, peut être engagée quand bien même la personne concernée n’était pas frappée d’une incapacité d’exercice.
    • L’action en nullité pour incapacité et l’action en nullité pour insanité d’esprit sont deux actions bien distinctes.

b) Les vices du consentement

i) Place des vices du consentement dans le Code civil

Il ne suffit pas que les cocontractants soient sains d’esprit pour que la condition tenant au consentement soit remplie.

Il faut encore que ledit consentement ne soit pas vicié, ce qui signifie qu’il doit être libre et éclairé :

  • Libre signifie que le consentement ne doit pas avoir été sous la contrainte
  • Éclairé signifie que le consentement doit avoir été donné en connaissance de cause

Manifestement, le Code civil fait une large place aux vices du consentement. Cela se justifie par le principe d’autonomie de la volonté qui préside à la formation du contrat.

Dès lors, en effet, que l’on fait de la volonté le seul fait générateur du contrat, il est nécessaire qu’elle présente certaines qualités.

Pour autant, les rédacteurs du Code civil ont eu conscience de ce que la prise en considération de la seule psychologie des contractants aurait conduit à une trop grande insécurité juridique.

Car en tenant compte de tout ce qui est susceptible d’altérer le consentement, cela aurait permis aux parties d’invoquer le moindre vice en vue d’obtenir l’annulation du contrat.

C’est la raison pour laquelle, tout en réservant une place importante aux vices du consentement, tant les rédacteurs du Code civil que le législateur contemporain n’ont admis qu’ils puissent entraîner la nullité du contrat qu’à des conditions très précises.

ii) Énumération des vices du consentement

Aux termes de l’article 1130, al. 1 du Code civil « l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes ».

Il résulte de cette disposition que les vices du consentement qui constituent des causes de nullité du contrat sont au nombre de trois :

  • L’erreur
  • Le dol
  • La violence

?) L’erreur

==> Notion

L’erreur peut se définir comme le fait pour une personne de se méprendre sur la réalité. Cette représentation inexacte de la réalité vient de ce que l’errans considère, soit comme vrai ce qui est faux, soit comme faux ce qui est vrai.

L’erreur consiste, en d’autres termes, en la discordance, le décalage entre la croyance de celui qui se trompe et la réalité.

Lorsqu’elle est commise à l’occasion de la conclusion d’un contrat, l’erreur consiste ainsi dans l’idée fausse que se fait le contractant sur tel ou tel autre élément du contrat.

Il peut donc exister de multiples erreurs :

  • L’erreur sur la valeur des prestations: j’acquiers un tableau en pensant qu’il s’agit d’une toile de maître, alors que, en réalité, il n’en est rien. Je m’aperçois peu de temps après que le tableau a été mal expertisé.
  • L’erreur sur la personne: je crois solliciter les services d’un avocat célèbre, alors qu’il est inconnu de tous
  • Erreur sur les motifs de l’engagement : j’acquiers un appartement dans le VIe arrondissement de Paris car je crois y être muté. En réalité, je suis affecté dans la ville de Bordeaux

Manifestement, ces hypothèses ont toutes en commun de se rapporter à une représentation fausse que l’errans se fait de la réalité.

Cela justifie-t-il, pour autant, qu’elles entraînent la nullité du contrat ? Les rédacteurs du Code civil ont estimé que non.

Afin de concilier l’impératif de protection du consentement des parties au contrat avec la nécessité d’assurer la sécurité des transactions juridiques, le législateur, tant en 1804, qu’à l’occasion de la réforme du droit des obligations, a décidé que toutes les erreurs ne constituaient pas des causes de nullité.

==> Conditions

Pour constituer une cause de nullité l’erreur doit, en toutes hypothèses, être, déterminante et excusable

  • Une erreur déterminante
    • L’article1130 du Code civil prévoit que l’erreur vicie le consentement lorsque sans elle « l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes»
    • Autrement dit, l’erreur est une cause de consentement lorsqu’elle a été déterminante du consentement de l’errans.
    • Cette exigence est conforme à la position de la Cour de cassation.
    • Dans un arrêt du 21 septembre 2010, la troisième chambre civile a, par exemple, rejeté le pourvoi formé par la partie à une promesse synallagmatique de vente estimant que cette dernière « ne justifiait pas du caractère déterminant pour son consentement de l’erreur qu’il prétendait avoir commise» ( 3e civ., 21 sept. 2010).
    • L’article 1130, al. 2 précise que le caractère déterminant de l’erreur « s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné»
    • Le juge est ainsi invité à se livrer à une appréciation in concreto du caractère déterminant de l’erreur
  • Une erreur excusable
    • Il ressort de l’article 1132 du Code civil que, pour constituer une cause de nullité, l’erreur doit être excusable
    • Par excusable, il faut entendre l’erreur commise une partie au contrat qui, malgré la diligence raisonnable dont elle a fait preuve, n’a pas pu l’éviter.
    • Cette règle se justifie par le fait que l’erreur ne doit pas être la conséquence d’une faute de l’errans.
    • Celui qui s’est trompé ne saurait, en d’autres termes, tirer profit de son erreur lorsqu’elle est grossière.
    • C’est la raison pour laquelle la jurisprudence refuse systématiquement de sanctionner l’erreur inexcusable (V. en ce sens par exemple 3e civ., 13 sept. 2005).
    • L’examen de la jurisprudence révèle que les juges se livrent à une appréciation in concreto de l’erreur pour déterminer si elle est ou non inexcusable.
    • Lorsque, de la sorte, l’erreur est commise par un professionnel, il sera tenu compte des compétences de l’errans (V. en ce sens soc., 3 juill. 1990).
    • Les juges feront également preuve d’une plus grande sévérité lorsque l’erreur porte sur sa propre prestation.

==> L’erreur sur les qualités essentielles de la personne

Aux termes de l’article 1132 du Code civil « l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. »

Il ressort de cette disposition que seules deux catégories d’erreur sont constitutives d’une cause de nullité du contrat :

  • L’erreur sur les qualités essentielles de la prestation due
  • L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant

En matière de pacs seule l’erreur sur les qualités essentielles du partenaire apparaît pertinente :

  • Principe
    • Au même titre que l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation, le législateur a entendu faire de l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant une cause de nullité ( 1133, al. 1 C. civ.).
    • Le législateur a ainsi reconduit la solution retenue en 1804 à la nuance près toutefois qu’il a inversé le principe et l’exception.
    • L’ancien article 1110 prévoyait, en effet, que l’erreur « n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention. »
    • Ainsi, l’erreur sur les qualités essentielles de la personne n’était, par principe, pas sanctionnée.
    • Elle ne constituait une cause de nullité qu’à la condition que le contrat ait été conclu intuitu personae, soit en considération de la personne du cocontractant.
    • Aujourd’hui, le nouvel article 1134 du Code civil prévoit que « l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n’est une cause de nullité que dans les contrats conclus en considération de la personne.»
    • L’exception instaurée en 1804 est, de la sorte, devenue le principe en 2016.
    • Cette inversion n’a cependant aucune incidence sur le contenu de la règle dans la mesure où, in fine, l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n’est une cause de nullité qu’en matière de contrats conclus intuitu personae.
  • Notion d’erreur sur la personne
    • L’erreur sur la personne du cocontractant peut porter
      • sur son identité
      • son honorabilité
      • sur son âge
      • sur l’aptitude aux relations sexuelles
      • sur la santé mentale

?) Le dol

==> Notion

Classiquement, le dol est défini comme le comportement malhonnête d’une partie qui vise à provoquer une erreur déterminante du consentement de son cocontractant.

Si, de la sorte, le dol est de nature à vicier le consentement d’une partie au contrat, il constitue, pour son auteur, un délit civil susceptible d’engager sa responsabilité.

Lorsqu’il constitue un vice du consentement, le dol doit être distingué de l’erreur

Contrairement au vice du consentement que constitue l’erreur qui est nécessairement spontanée, le dol suppose l’établissement d’une erreur provoquée par le cocontractant.

En matière de dol, le fait générateur de l’erreur ne réside donc pas dans la personne de l’errans, elle est, au contraire, le fait de son cocontractant.

En somme, tandis que dans l’hypothèse de l’erreur, un contractant s’est trompé sur le contrat, dans l’hypothèse du dol ce dernier a été trompé.

==> Application

Le dol n’est pas une cause de nullité du mariage

Cette règle est associée à la célèbre formule du juriste Loysel : « en mariage trompe qui peut » (Institutes coutumières, livre Ier, titre II, no 3).

Le Code civil étant silencieux sur la question du dol en matière de mariage, la jurisprudence en a déduit que ne permettait pas d’obtenir son annulation.

Par analogie, il est fort probable que cette règle soit transposable au pacs

Admettre le contraire reviendrait à prendre le risque d’aboutir à de nombreuses actions en nullité du pacs, ne serait-ce que par le dol peut être invoqué pour tout type d’erreur, peu importe qu’elle soit ou non excusable.

?) La violence

==> Notion

Classiquement, la violence est définie comme la pression exercée sur un contractant aux fins de le contraindre à consentir au contrat.

Le nouvel article 1140 traduit cette idée en prévoyant qu’« il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. ».

Il ressort de cette définition que la violence doit être distinguée des autres vices du consentement pris dans leur globalité, d’une part et, plus spécifiquement du dol, d’autre part.

  • Violence et vices du consentement
    • La violence se distingue des autres vices du consentement, en ce que le consentement de la victime a été donné en connaissance de cause.
    • Cependant, elle n’a pas contracté librement
    • Autrement dit, en contractant, la victime avait pleinement conscience de la portée de son engagement, seulement elle s’est engagée sous l’empire de la menace
  • Violence et dol
    • Contrairement au dol, la violence ne vise pas à provoquer une erreur chez le cocontractant.
    • La violence vise plutôt à susciter la crainte de la victime
    • Ce qui donc vicie le consentement de cette dernière, ce n’est pas l’erreur qu’elle aurait commise sur la portée de son engagement, mais bien la crainte d’un mal qui pèse sur elle.
    • Dit autrement, la crainte est à la violence ce que l’erreur est au dol.
    • Ce qui dès lors devra être démontré par la victime, c’est que la crainte qu’elle éprouvait au moment de la conclusion de l’acte a été déterminante de son consentement
    • Il peut être observé que, depuis l’adoption de la loi n° 2006-399 du 4 avr. 2006, la violence est expressément visée par l’article 180 du Code civil applicable au couple marié.

==> Conditions

Il ressort de l’article 1140 du Code civil que la violence est une cause de nullité lorsque deux éléments constitutifs sont réunis : l’exercice d’une contrainte et l’inspiration d’une crainte.

  • L’exercice d’une contrainte
    • L’objet de la contrainte : la volonté du contractant
      • Tout d’abord, il peut être observé que la violence envisagée à l’article 1140 du Code civil n’est autre que la violence morale, soit une contrainte exercée par la menace sur la volonté du contractant.
      • La contrainte exercée par l’auteur de la violence doit donc avoir pour seul effet que d’atteindre le consentement de la victime, à défaut de quoi, par hypothèse, on ne saurait parler de vice du consentement.
    • La consistance de la contrainte : une menace
      • La contrainte visée à l’article 1140 s’apparente, en réalité, à une menace qui peut prendre différentes formes.
      • Cette menace peut consister en tout ce qui est susceptible de susciter un sentiment de crainte chez la victime.
      • Ainsi, peut-il s’agir, indifféremment, d’un geste, de coups, d’une parole, d’un écrit, d’un contexte, soit tout ce qui est porteur de sens
    • Le caractère de la contrainte : une menace illégitime
      • La menace dont fait l’objet le contractant doit être illégitime, en ce sens que l’acte constitutif de la contrainte ne doit pas être autorisé par le droit positif.
      • A contrario, lorsque la pression exercée sur le contractant est légitime, quand bien même elle aurait pour effet de faire plier la volonté de ce dernier, elle sera insusceptible d’entraîner l’annulation du contrat.
      • La question alors se pose de savoir quelles sont les circonstances qui justifient qu’une contrainte puisse être exercée sur un contractant.
      • En quoi consiste, autrement dit, une menace légitime ?
      • Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 1141 qui prévoit que « la menace d’une voie de droit ne constitue pas une violence. Il en va autrement lorsque la voie de droit est détournée de son but ou lorsqu’elle est invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif. »
      • Cette disposition est, manifestement, directement inspirée de la position de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 17 janvier 1984 avait estimé que « la menace de l’emploi d’une voie de droit ne constitue une violence au sens des articles 1111 et suivants du code civil que s’il y a abus de cette voie de droit soit en la détournant de son but, soit en en usant pour obtenir une promesse ou un avantage sans rapport ou hors de proportion avec l’engagement primitif» ( 3e civ. 17 janv. 1984).
  • L’inspiration d’une crainte
    • La menace exercée à l’encontre d’un contractant ne sera constitutive d’une cause de nullité que si, conformément à l’article 1140, elle inspire chez la victime « la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable.»
    • Aussi, ressort-il de cette disposition que pour que la condition tenant à l’existence d’une crainte soit remplie, cela suppose, d’une part que cette crainte consiste en l’exposition d’un mal considérable, d’autre part que ce mal considérable soit dirigé, soit vers la personne même de la victime, soit vers sa fortune, soit vers ses proches
      • L’exposition à un mal considérable
        • Reprise de l’ancien texte
          • L’exigence tenant à l’établissement d’une crainte d’un mal considérable a été reprise de l’ancien article 1112 du Code civil qui prévoyait déjà cette condition.
          • Ainsi, le législateur n’a-t-il nullement fait preuve d’innovation sur ce point-là.
        • Notion
          • Que doit-on entendre par l’exposition à un mal considérable ?
          • Cette exigence signifie simplement que le mal en question doit être suffisamment grave pour que la violence dont est victime le contractant soit déterminante de son consentement.
          • Autrement dit, sans cette violence, la victime n’aurait, soit pas contracté, soit conclu l’acte à des conditions différentes
          • Le caractère déterminant de la violence sera apprécié in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.
          • La Cour de cassation prendra, en d’autres termes, en compte l’âge, les aptitudes, ou encore la qualité de la victime.
          • Dans un arrêt du 13 janvier 1999, la Cour de cassation a par exemple approuvé une Cour d’appel pour avoir prononcé l’annulation d’une vente pour violence morale.
          • La haute juridiction relève, pour ce faire que la victime avait «subi, de la part des membres de la communauté animée par Roger Melchior, depuis 1972 et jusqu’en novembre 1987, date de son départ, des violences physiques et morales de nature à faire impression sur une personne raisonnable et à inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent, alors que séparée de son époux et ayant à charge ses enfants, elle était vulnérable et que ces violences l’avaient conduite à conclure l’acte de vente de sa maison en faveur de la société Jojema afin que les membres de la communauté fussent hébergés dans cet immeuble» ( 3e civ. 13 janv. 1999).
          • Il ressort manifestement de cet arrêt que la troisième chambre civile se livre à une appréciation in concreto.
        • Exclusion de la crainte révérencielle
          • L’ancien article 1114 du Code civil prévoyait que « la seule crainte révérencielle envers le père, la mère, ou autre ascendant, sans qu’il y ait eu de violence exercée, ne suffit point pour annuler le contrat. »
          • Cette disposition signifiait simplement que la crainte de déplaire ou de contrarier ses parents ne peut jamais constituer en soi un cas de violence.
          • La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser à plusieurs reprises que pour qu’une telle crainte puisse entraîner l’annulation d’un contrat, cela suppose qu’elle ait pour fait générateur une menace.
          • Dans un arrêt du 22 avril 1986, la première chambre civile a ainsi admis l’annulation d’une convention en relevant que « l’engagement pris par M.Philippe X… est dû aux pressions exercées par son père sur sa volonté ; que ces pressions sont caractérisées, non seulement par le blocage des comptes en banque de la défunte suivi d’une mainlevée une fois l’accord conclu, mais aussi par la restitution à la même date d’une reconnaissance de dette antérieure ; qu’elle retient que ces contraintes étaient d’autant plus efficaces qu’à cette époque M.Philippe X… souffrait d’un déséquilibre nerveux altérant ses capacités intellectuelles et le privant d’un jugement libre et éclairé»
          • La haute juridiction en déduit, compte tenu des circonstances que « ces pressions étaient susceptibles d’inspirer à celui qui les subissait la crainte d’exposer sa fortune à un mal considérable et présent, et constituaient une violence illégitime de la part de leur auteur de nature à entraîner la nullité de la convention» ( 1ère civ. 22 avr. 1996).
          • Manifestement, le pacs se distingue sur cette question du mariage.
          • L’article 180 du Code civil prévoit, en effet, que « l’exercice d’une contrainte sur les époux ou l’un d’eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage. »
          • Ainsi, tandis qu’en matière de mariage la simple crainte révérencielle est une cause de nullité, tel n’est pas le cas en matière de pacs.
        • L’objet de la crainte
          • Pour mémoire, l’ancien article 1113 du Code civil prévoyait que « la violence est une cause de nullité du contrat, non seulement lorsqu’elle a été exercée sur la partie contractante, mais encore lorsqu’elle l’a été sur son époux ou sur son épouse, sur ses descendants ou ses ascendants. »
          • Dorénavant, la violence est caractérisée dès lors que la crainte qu’elle inspire chez la victime expose à un mal considérable :
            • soit sa personne
            • soit sa fortune
            • soit celles de ses proches
          • Ainsi, le cercle des personnes visées l’ordonnance du 10 février 2016 est-il plus large que celui envisagé par les rédacteurs du Code civil.

2. La capacité

Conformément à l’article 515-1 du Code civil, il faut être majeur pour être en capacité de conclure un pacs.

Cette règle se justifie par la nature du pacs qui est un contrat. Or conformément à l’article 1145 du Code civil pour contracter il convient de n’être frappé d’aucune incapacité.

L’article 1146 précise que « sont incapables de contracter, dans la mesure définie par la loi :

  • Les mineurs non émancipés ;
  • Les majeurs protégés au sens de l’article 425, soit « toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté peut bénéficier d’une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre»

À la vérité, le cercle des personnes admises à conclure à conclure un pacs n’est pas le même que celui envisagé par le droit commun des contrats.

  • En premier, le législateur a catégoriquement refusé aux mineurs émancipés de conclure un pacs, ce qui a été validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 novembre 1999 ( Cons ; Décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999)
  • En second lieu, les majeurs frappés d’une incapacité ne sont nullement privés de la faculté de conclure un pacs

==> Les majeurs sous tutelle

Dans sa rédaction issue de la loi du 15 novembre 1999, l’article 506-1 du Code civil disposait que « les majeurs placés sous tutelle ne peuvent conclure un pacte civil de solidarité »

Ainsi, les majeurs protégés étaient exclus du champ d’application du pacs.

Cette interdiction a, toutefois, été levée par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs.

L’article 462 du Code civil dispose désormais que « La conclusion d’un pacte civil de solidarité par une personne en tutelle est soumise à l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué, après audition des futurs partenaires et recueil, le cas échéant, de l’avis des parents et de l’entourage »

Pour ce faire, « l’intéressé est assisté de son tuteur lors de la signature de la convention. Aucune assistance ni représentation ne sont requises lors de la déclaration conjointe devant l’officier de l’état civil ou devant le notaire instrumentaire prévue au premier alinéa de l’article 515-3. »

==> Les majeures sous curatelle

S’agissant des majeurs sous curatelle, ils sont également autorisés à conclure un pacs.

L’article 461 du Code civil dispose en ce sens que « la personne en curatelle ne peut, sans l’assistance du curateur, signer la convention par laquelle elle conclut un pacte civil de solidarité. »

À la différence du majeur sous tutelle, la personne placée sous curatelle est dispensée de l’assistance de son curateur lors de la déclaration conjointe devant l’officier de l’état civil ou devant le notaire instrumentaire.

==> Les majeurs sous sauvegarde de justice

Aux termes de l’article 435 du Code civil « la personne placée sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits. Toutefois, elle ne peut, à peine de nullité, faire un acte pour lequel un mandataire spécial a été désigné en application de l’article 437. »

Il en résulte qu’elle est parfaitement libre de conclure un pacs, sans qu’aucune restriction ne s’impose à elle.

3. Le contenu licite et certain

Aux termes de l’article 1162 du Code civil « le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties. »

Appliquée au pacs cette exigence se traduit par l’obligation, pour les prétendants, d’adhérer à la finalité que le législateur a entendu attacher au pacs : l’organisation de la vie commune des partenaires

Autrement dit, pour être valide, le pacs ne doit pas être fictif, ce qui implique que le consentement des partenaires ne doit pas avoir été simulé.

Au vrai, il s’agit là de la même exigence que celle posée en matière matrimoniale, la jurisprudence prohibant ce que l’on appelle les « mariages blancs ».

Dans un arrêt Appietto du 20 novembre 1963, la Cour de cassation avait estimé en ce sens que « le mariage est nul, faute de consentement, lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu’en vue d’atteindre un résultat étranger à l’union matrimoniale » (Cass. 1ère civ. 20 nov. 1963).

Deux enseignements peuvent être tirés de cet arrêt :

  • Premier enseignement
    • La Cour de cassation considère que lorsque le mariage est fictif, soit lorsque les époux ont poursuivi un résultat étranger à l’union matrimonial, celui-ci doit être annulé pour défaut de consentement.
    • Il s’agit là d’une nullité absolue qui donc peut être invoquée par quiconque justifie d’un intérêt à agir et qui se prescrit par trente ans
  • Second enseignement
    • Il ressort de l’arrêt Appietto que la Cour de cassation opère une distinction entre les effets primaires du mariage et ses effets secondaires
      • Les effets primaires
        • Ils ne peuvent être obtenus que par le mariage
          • Filiation
          • Communauté de biens
      • Les effets secondaires
        • Ils peuvent être obtenus par d’autres biais que le mariage
          • Acquisition de la nationalité
          • Avantages fiscaux
          • Avantages patrimoniaux

Pour déterminer si un mariage est fictif, il convient de se demander si les époux recherchaient exclusivement ses effets secondaires – auquel cas la nullité est encourue – ou s’ils recherchaient et/ou ses effets primaires, en conséquence de quoi l’union est alors parfaitement valide.

De toute évidence, le même raisonnement peut être tenu en matière de pacs, encore que celui-ci procure aux partenaires bien moins d’avantages que n’en procure le mariage aux époux.

La conséquence en est que l’intérêt pour des partenaires de conclure un pacs blanc est pour le moins limité.

C) Les conditions tenant à la filiation des partenaires

Bien que le pacs s’apparente à un contrat, le législateur a posé un certain nombre d’empêchement qui interdisent à certaines personnes de conclure un pacs entre elles, interdictions qui tienne à des considérations d’ordre public.

==> Les empêchements qui tiennent au lien de parenté

L’article 515-2 du Code civil prévoit que, à peine de nullité, il ne peut y avoir de pacs :

  • Entre ascendant et descendant en ligne directe
    • L’ascendant est la personne dont est issue une autre personne (le descendant) par la naissance ou l’adoption
    • Ligne généalogique dans laquelle on remonte du fils au père.
    • La ligne directe est celle des parents qui descendent les uns des autres
    • Ainsi, les ascendants et descendants en ligne directe correspond à la ligne généalogique dans laquelle on remonte du fils au père

Schéma 1.JPG

  • Entre alliés en ligne directe
    • Les alliés sont, par rapport à un époux, les parents de son conjoint (beau-père, belle-mère, gendre, bru etc…).

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  • Entre collatéraux jusqu’au troisième degré inclus
    • La ligne collatérale est celle des parents qui ne descendent pas les uns des autres mais d’un auteur commun
    • Le degré correspond à un intervalle séparant deux générations et servant à calculer la proximité de la parenté, chaque génération comptant pour un degré
    • L’article 741 du Code civil dispose que « la proximité de parenté s’établit par le nombre de générations ; chaque génération s’appelle un degré. »

Schéma 3.JPG

==> Les empêchements qui tiennent à la polygamie

Bien que le pacs soit ouvert aux couples formés entre deux personnes de même sexe, le législateur n’a pas souhaité reconnaître la polygamie.

Ainsi, a-t-il transposé, au pacs, l’interdiction posée à l’article 147 du Code civil qui prévoit que « on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier. »

Dans le droit fil de cette disposition l’article 515-2 dispose que, à peine de nullité, il ne peut y avoir de pacte civil de solidarité :

  • Entre deux personnes dont l’une au moins est engagée dans les liens du mariage
  • Entre deux personnes dont l’une au moins est déjà liée par un pacte civil de solidarité

Il peut toutefois être observé que l’article 515-7, al. 3 du Code civil autorise une personne engagée dans les liens du pacs à se marier, d’où il s’ensuit une rupture de la première union.

Pacs et mariage ne sont ainsi, sur cet aspect, pas mis sur un même pied d’égalité. Si l’existence d’une union matrimoniale fait obstacle à la conclusion d’un pacs, l’inverse n’est pas.

Ces deux formes d’union conjugale se rejoignent néanmoins sur le principe de prohibition de la polygamie : dans les deux cas, l’inobservation de cette interdiction est sanctionnée par la nullité absolue.

II) Les conditions de forme

La conclusion d’un pacs est subordonnée à la réunion de trois conditions de forme

A) L’établissement d’une convention

==> Établissement d’un écrit

Aux termes de l’article 515-3 du Code civil « à peine d’irrecevabilité, les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité produisent la convention passée entre elles à l’officier de l’état civil, qui la vise avant de la leur restituer.»

Il ressort de cette disposition que la conclusion d’un pacs suppose l’établissement d’une convention. Il s’agit là d’une condition dont l’inobservance est sanctionnée par l’irrecevabilité de la demande d’enregistrement du pacs.

Aussi, dans l’hypothèse où un pacs serait enregistré, en violation de cette exigence, il n’en demeurait pas moins valide.

Toutefois, l’article 515-3-1 du Code civil précise que « le pacte civil de solidarité ne prend effet entre les parties qu’à compter de son enregistrement, qui lui confère date certaine»

D’aucuns considère qu’il s’infère de cette disposition que l’établissement d’un écrit est exigé à peine de nullité.

Selon nous, il convient néanmoins de ne pas confondre la validité du pacs de son opposabilité.

Il peut être observé que dans sa rédaction antérieure, l’article 515-3 exigeait que les partenaires produisent une convention en double original ce qui, ipso facto, excluait la possibilité de recourir à l’acte authentique celui-ci ne comportant qu’un seul original : celui déposé au rang des minutes du notaire instrumentaire.

Aussi, la convention sur laquelle était assis le pacs ne pouvait être établie que par acte sous seing privé.

Pour remédier à cette anomalie le législateur a modifié, à l’occasion de l’adoption de la loi du 23 juin 2006, l’article 515-3 lequel prévoit désormais en son alinéa 5 que « lorsque la convention de pacte civil de solidarité est passée par acte notarié, le notaire instrumentaire recueille la déclaration conjointe, procède à l’enregistrement du pacte et fait procéder aux formalités de publicité prévues à l’alinéa précédent. »

==> Le contenu de la convention

La circulaire n°2007-03 CIV du 5 février 2007 relative à la présentation de la réforme du pacte civil de solidarité est venue préciser ce qui devait être prévu par la convention conclue par les partenaires

  • Sur la convention en elle-même
    • Aucune forme ni contenu particulier autres que ceux prévus par les règles de droit commun applicables aux actes sous seing privé ou authentiques ne sont requis, de sorte que la convention peut simplement faire référence aux dispositions de la loi du 15 novembre 1999 et aux articles 515-1 à 515-7 du code civil.
    • La convention doit toutefois être rédigée en langue française et comporter la signature des deux partenaires.
    • Si l’un des partenaires est placé sous curatelle assortie de l’exigence de l’autorisation du curateur pour conclure un pacte civil de solidarité, la convention doit porter la signature du curateur à côté de celle de la personne protégée.
    • Il appartient au greffier de vérifier la qualité du curateur contresignataire de la convention en sollicitant la production de la décision judiciaire le désignant, ainsi que la photocopie d’un titre d’identité.
    • Il ne revient pas au greffier d’apprécier la validité des clauses de la convention de pacte civil de solidarité, ni de conseiller les parties quant au contenu de leur convention. S’il est interrogé par les partenaires sur ce point, il importe qu’il les renvoie à consulter un notaire ou un avocat.
    • Si la convention paraît contenir des dispositions contraires à l’ordre public, le greffier informe les partenaires du risque d’annulation. Si les intéressés maintiennent ces dispositions, il doit enregistrer le pacte en les informant qu’il en saisit le procureur de la République
    • À titre d’exemple, il pourra être considéré que seraient manifestement contraires à l’ordre public des dispositions d’une convention de PACS qui excluraient le principe d’aide matérielle et d’assistance réciproques entre partenaires ou le principe de solidarité entre partenaires à l’égard des tiers pour les dettes contractées par chacun d’eux au titre des dépenses de la vie courante.
    • Enfin, l’officier de l’état civil vérifiera qu’ont été respectées les conditions prévues aux articles 461 et 462 du code civil applicables lorsque l’un des partenaires est placé sous curatelle ou sous tutelle
  • Documents annexes à produire
    • Pièce d’identité
      • Le greffier doit tout d’abord s’assurer de l’identité des partenaires.
      • À cette fin, chaque partenaire doit produire l’original de sa carte nationale d’identité ou de tout autre document officiel délivré par une administration publique comportant ses noms et prénoms, la date et le lieu de sa naissance, sa photographie et sa signature, ainsi que l’identification de l’autorité qui a délivré le document, la date et le lieu de délivrance de celui-ci.
      • Il en va de même chaque fois que les partenaires doivent justifier de leur identité.
      • Le greffe conserve une copie de ce document.
    • Pièces d’état civil
      • La production des pièces d’état civil doit permettre au greffier de déterminer qu’il n’existe pas d’empêchement légal à la conclusion du pacte civil de solidarité au regard des articles 506-1, 515-1 et 515-2 du code civil.
      • Les pièces permettant de vérifier que ces trois séries de conditions sont réunies diffèrent selon que l’état civil des partenaires est ou non détenu par l’autorité française.
      • Dans tous les cas, doit être jointe une déclaration sur l’honneur par laquelle les partenaires indiquent n’avoir entre eux aucun lien de parenté ou d’alliance qui constituerait un empêchement au pacte civil de solidarité en vertu de l’article 515-2 du code civil.

B) L’enregistrement du pacs

==> Enregistrement auprès de l’officier d’état civil

  • Le transfert de compétence
    • Aux termes de l’article 515-3 du Code civil « les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité en font la déclaration conjointe devant l’officier de l’état civil de la commune dans laquelle elles fixent leur résidence commune ou, en cas d’empêchement grave à la fixation de celle-ci, devant l’officier de l’état civil de la commune où se trouve la résidence de l’une des parties. »
    • Dorénavant, c’est donc auprès de l’officier d’état civil qu’il convient de faire enregistrer un pacs.
    • En 1999, le législateur avait prévu que le pacs devait être enregistré auprès du greffe du Tribunal d’instance.
    • Les députés avaient voulu marquer une différence avec le mariage.
    • Lors de son intervention en 2016, le législateur n’a toutefois pas souhaité conserver cette différence de traitement entre le pacs et le mariage.
    • Pour ce faire, il s’est appuyé sur le constat que les obstacles symboliques qui avaient présidé en 1999 au choix d’un enregistrement au greffe du tribunal d’instance avaient disparu.
    • Ainsi, la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a-t-elle transféré aux officiers de l’état civil les compétences anciennement dévolues aux greffes des tribunaux d’instance.
  • La procédure d’enregistrement
    • La circulaire du 10 mai 2017 de présentation des dispositions en matière de pacte civil de solidarité issues de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et du décret du 6 mai 2017 relatif au transfert aux officiers de l’état civil de l’enregistrement des déclarations, des modifications et des dissolutions des pactes civils de solidarité précise la procédure d’enregistrement du pacs.
    • Elle prévoit notamment qu’il appartient au maire de chaque commune de déterminer s’il souhaite faire enregistrer les PACS dès que les partenaires se présentent en mairie ou s’il souhaite mettre en place un système de prise de rendez-vous de déclaration conjointe de PACS.
    • Par ailleurs, le formulaire Cerfa de déclaration de PACS, accompagné des pièces justificatives, pourra être transmis par les partenaires par correspondance à la mairie chargée d’enregistrer le PACS en amont de l’enregistrement de la déclaration conjointe de conclusion de PACS.
    • Cette transmission peut s’effectuer par voie postale ou par téléservice et permettra une analyse du dossier de demande de PACS par les services de la commune en amont de la déclaration conjointe.
    • Un téléservice, reprenant les champs du formulaire Cerfa, pourra être mis en œuvre par les communes qui le souhaitent dans le respect du référentiel général de sécurité des systèmes d’information.

==> Compétence territoriale

  • Le lieu de la résidence commune
    • L’article 515-3 prévoit que les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité en font la déclaration conjointe devant l’officier de l’état civil de la commune dans laquelle elles fixent leur résidence commune
    • La circulaire du 10 mai 2017 précise que les intéressés n’ont pas besoin de résider déjà ensemble au moment de la déclaration.
    • En revanche, ils doivent déclarer à l’officier de l’état civil l’adresse qui sera la leur dès l’enregistrement du pacte.
  • La notion de résidence commune
    • La « résidence commune » doit s’entendre comme étant la résidence principale des intéressés quel que soit leur mode d’habitation (propriété, location, hébergement par un tiers).
    • La résidence désignée par les partenaires ne peut donc correspondre à une résidence secondaire.
    • En particulier, deux ressortissants étrangers résidant principalement à l’étranger ne peuvent valablement conclure un PACS.
  • La preuve de la résidence commune
    • Les partenaires feront la déclaration de leur adresse commune par une attestation sur l’honneur.
    • Aucun autre justificatif n’est à exiger mais l’officier de l’état civil doit appeler l’attention des intéressés sur le fait que toute fausse déclaration est susceptible d’engager leur responsabilité pénale.
  • L’incompétence de l’officier d’état civil
    • Lorsque la condition de résidence n’est pas remplie, l’officier de l’état civil rendra une décision d’irrecevabilité motivée par son incompétence territoriale.
    • Cette décision est remise aux intéressés avec l’information qu’ils disposent d’un recours devant le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés.
    • S’agissant des décisions d’irrecevabilité prises par l’autorité diplomatique ou consulaire, celles-ci pourront être contestées auprès du président du tribunal de grande instance de Nantes statuant en la forme des référés.

==> Comparution conjointe des partenaires

  • Principe
    • Il ressort de l’article 515-3 du Code civil que pour faire enregistrer leur déclaration de pacte civil de solidarité, les partenaires doivent se présenter en personne et ensemble à la mairie dans laquelle ils fixent leur résidence commune.
    • En raison du caractère éminemment personnel de cet acte, ils ne peuvent recourir à un mandataire.
    • Il est par ailleurs rappelé qu’en l’absence de dispositions en ce sens, les partenaires ne peuvent exiger la tenue d’une cérémonie pour enregistrer leur PACS, contrairement aux dispositions régissant le mariage.
    • Toutefois, le maire de chaque commune pourra prévoir à son initiative l’organisation d’une telle célébration qui pourra, le cas échéant, faire l’objet d’une délégation des fonctions d’officier de l’état civil à l’un ou plusieurs fonctionnaires titulaires de la commune au même titre que l’ensemble des attributions dont l’officier de l’état civil a la charge en matière de PACS.
  • Exceptions
    • En cas d’empêchement momentané de l’un des partenaires
      • Si l’un des deux partenaires est momentanément empêché, l’officier de l’état civil devra inviter celui qui se présente seul à revenir ultérieurement avec son futur partenaire pour l’enregistrement du PACS.
    • En cas d’empêchement durable de l’un des partenaires
      • Lorsque l’un des partenaires est empêché et qu’il ne paraît pas envisageable de différer l’enregistrement dans un délai raisonnable, l’officier de l’état civil pourra se déplacer jusqu’à lui.
      • En cas d’hospitalisation ou d’immobilisation à domicile, l’impossibilité durable de se déplacer jusqu’à la mairie devra être justifiée par un certificat médical.
        • Si le partenaire empêché se trouve sur le territoire de la commune, l’officier de l’état civil se déplacera auprès de lui pour constater sa volonté de conclure un PACS avec le partenaire non empêché.
          • Il importe que l’officier de l’état civil dispose de la convention de PACS et s’assure que le partenaire empêché est bien le signataire de celle-ci.
          • La procédure d’enregistrement se poursuivra aussitôt à la mairie en présence du seul partenaire non empêché.
        • Si le partenaire empêché se trouve hors le territoire de la commune, l’officier de l’état civil transmettra à l’officier de l’état civil de la commune de résidence du partenaire empêché une demande de recueil de déclaration de volonté de conclure un PACS, précisant l’identité des intéressés et l’adresse du lieu dans lequel se trouve le partenaire empêché.
          • À la réception de cette demande, l’officier de l’état civil destinataire se déplacera pour constater la volonté de l’intéressé de conclure un PACS, qu’il consignera par tous moyens et transmettra à l’officier de l’état civil qui l’a saisi.
          • La procédure d’enregistrement se poursuivra alors à la mairie en présence du seul partenaire non empêché.
          • Une telle organisation pourra notamment être retenue lorsque l’un des partenaires est incarcéré pour une longue période et se trouve ainsi durablement empêché.

==> Vérification des pièces produites par les partenaires

L’officier de l’état civil qui constate que le dossier est incomplet devra inviter les partenaires à le compléter.

Il n’y a pas lieu, dans cette hypothèse, de rendre une décision d’irrecevabilité, sauf à ce que les partenaires persistent dans leur refus de produire une ou plusieurs pièces justificatives.

En revanche, si l’officier de l’état civil constate, au vu des pièces produites par les partenaires, soit une incapacité, soit un empêchement au regard des articles 515-1 ou 515-2 du code civil, il devra refuser d’enregistrer la déclaration de PACS.

Ce refus fera alors l’objet d’une décision motivée d’irrecevabilité dont l’officier de l’état civil conservera l’original, une copie certifiée conforme étant remise aux partenaires.

Cette décision d’irrecevabilité est enregistrée, au même titre que les déclarations, modifications et dissolutions de PACS, l’enregistrement devant préciser la date et le motif de la décision d’irrecevabilité

La décision d’irrecevabilité mentionne par ailleurs que les partenaires peuvent exercer un recours devant le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés

S’agissant des contestations relatives aux décisions d’irrecevabilité prises par l’autorité diplomatique ou consulaire, celles-ci seront portées devant le président du tribunal de grande instance de Nantes statuant en la forme des référés.

==> Modalités d’enregistrement

Après avoir procédé aux vérifications décrites ci-dessus et s’être assuré que les partenaires ont bien entendu conclure un pacte civil de solidarité, l’officier de l’état civil enregistre la déclaration conjointe de PACS.

Les déclarations conjointes de PACS sont enregistrées, sous forme dématérialisée, au sein de l’application informatique existante dans les communes pour traiter des données d’état civil

Ce n’est qu’à défaut d’une telle application informatique que l’enregistrement des PACS s’effectue dans un registre dédié, qui devra satisfaire aux conditions de fiabilité, de sécurité et d’intégrité fixées par arrêté à paraître du garde des sceaux, ministre de la justice et du ministre des affaires étrangères.

S’il ne s’agit pas d’un registre de l’état civil, les pages de ce registre doivent néanmoins être numérotées et utilisées dans l’ordre de leur numérotation.

Ce registre dédié fait par ailleurs l’objet d’une durée de conservation particulière, qui est de 75 ans à compter de sa clôture ou de 5 ans à compter du dernier PACS dont la dissolution y a été enregistrée, si ce dernier délai est plus bref.

Conformément à l’article 4 du décret n° 2006-1807 du 23 décembre 2006 modifié, l’officier de l’état civil enregistre :

  • Les prénoms et nom, date et lieu de naissance de chaque partenaire
  • Le sexe de chaque partenaire
  • La date et le lieu d’enregistrement de la déclaration conjointe de PACS
  • Le numéro d’enregistrement de cette déclaration.
  • Le numéro d’enregistrement doit être composé impérativement de 15 caractères comprenant :
    • le code INSEE de chaque commune (5 caractères)
    • l’année du dépôt de la déclaration conjointe de PACS (4 caractères)
    • le numéro d’ordre chronologique (6 caractères).
  • La numérotation étant annuelle, elle ne doit pas s’effectuer de manière continue mais recommencer à la première unité au début de chaque année.
  • De manière concomitante à l’enregistrement de la déclaration conjointe de PACS, l’officier de l’état civil vise en fin d’acte, après avoir numéroté et paraphé chaque page et en reportant sur la dernière le nombre total de pages, la convention qui lui a été remise par les partenaires.
  • Le visa consiste en l’apposition du numéro et de la date d’enregistrement de la déclaration, de la signature et le sceau de l’officier de l’état civil :
  • La date portée par l’officier de l’état civil sur la convention est celle du jour de l’enregistrement de la déclaration de PACS.

L’officier de l’état civil restituera aux partenaires la convention dûment visée sans en garder de copie.

Il rappelle à ces derniers que la conservation de la convention relève de leur responsabilité et les invitera à prendre toutes mesures pour en éviter la perte

==> Conservation des pièces

L’article 7 du décret n° 2006-1806 du 23 décembre 2006 modifié dispose que: « Sans préjudice de la sélection prévue à l’article L.212-3 du code du patrimoine, les pièces suivantes sont conservées, pendant une durée de cinq ans à compter de la date de la dissolution du pacte civil de solidarité, par l’officier de l’état civil auprès duquel la convention est enregistrée ou par les agents diplomatiques et consulaires lorsque le pacte civil de solidarité a fait l’objet d’une déclaration à l’étranger :

  • Les pièces, autres que la convention, qui doivent être produites en application du présent décret en vue de l’enregistrement de la déclaration de pacte civil de solidarité, parmi lesquelles la photocopie du document d’identité ;
  • La déclaration écrite conjointe prévue au quatrième alinéa de l’article 515-7 du code civil ;
  • La copie de la signification prévue au cinquième alinéa de l’article 515-7 du code civil ;
  • L’avis de mariage ou de décès visé à l’article 3 du présent décret. »

Ainsi, l’officier de l’état civil devra conserver, après enregistrement d’un PACS conclu :

  • La pièce d’identité et les pièces d’état civil
  • le formulaire Cerfa de déclaration de PACS contenant les informations relatives aux futurs partenaires ainsi que leur déclaration sur l’honneur de résidence commune et d’absence de lien de parenté ou d’alliance
  • les récépissés des avis de mention transmis à/aux officier(s) de l’état civil dépositaire(s) des actes de naissance des partenaires et/ou au service central d’état civil assurant la publicité des PACS dont l’un au moins des partenaires est de nationalité étrangère né à l’étranger.

La convention de PACS doit être restituée aux partenaires de sorte qu’aucune copie ne peut être conservée par l’officier de l’état civil.

Les pièces précitées devront être conservées pendant une durée de cinq ans à compter de la date de dissolution du PACS.

À l’issue de ce délai, ces pièces feront l’objet d’une destruction,

Enfin, il est précisé que la conservation des pièces ayant permis l’enregistrement de la déclaration de PACS s’effectue en principe sous un format papier.

Toutefois, leur conservation électronique est possible si les modalités de leur conservation respectent les conditions fixées dans le cadre de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

En effet, l’article 1379 du code civil présume « fiable jusqu’à preuve contraire toute copie résultant d’une reproduction à l’identique de la forme et du contenu de l’acte, et dont l’intégrité est garantie dans le temps par un procédé conforme à des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Si l’original subsiste, sa présentation peut toujours être exigée. »

Si une telle option était privilégiée par la commune, cette dernière devrait ainsi respecter les conditions de l’archivage électronique des données prévues par le décret n° 2016-1673 du 5 décembre 2016 relatif à la fiabilité des copies et pris pour l’application de l’article 1379 du code civil.

La possibilité de détruire les pièces papier devra être validée par l’accord écrit de la personne en charge du contrôle scientifique et technique sur les archives, à savoir, pour les communes, le directeur des archives départementales territorialement compétent.

C) La publicité du pacs

  • Principe
    • Aux termes de l’article 515-3, al. 4 du Code civil « l’officier de l’état civil enregistre la déclaration et fait procéder aux formalités de publicité. »
    • La question qui alors se pose est de savoir en quoi consiste l’accomplissement des formalités de publicité pour l’officier d’état civil.
    • Pour le déterminer, il convient de se tourner vers l’article 515-3-1 qui précise que « il est fait mention, en marge de l’acte de naissance de chaque partenaire, de la déclaration de pacte civil de solidarité, avec indication de l’identité de l’autre partenaire ».
    • Cette disposition précise que « pour les personnes de nationalité étrangère nées à l’étranger, cette information est portée sur un registre tenu au service central d’état civil du ministère des affaires étrangères.»
    • Par ailleurs, les conventions modificatives sont soumises à la même publicité
    • Enfin, il peut être observé que lorsque la convention de pacte civil de solidarité est passée par acte notarié, le notaire instrumentaire, en plus de recueillir la déclaration conjointe, de procéder à l’enregistrement du pacte, il lui appartient d’accomplir les formalités de publicité du pacs
    • Pour ce faire, il doit transmettre à l’officier de l’état civil du lieu de naissance des partenaires un avis aux fins d’inscription à l’état civil.
  • Modalités de publicité
    • L’officier de l’état civil ayant enregistré la déclaration de PACS doit envoyer sans délai un avis de mention aux officiers de l’état civil dépositaires des actes de naissance des partenaires.
    • Ces avis de mention sont envoyés par courrier ou, le cas échéant, par voie dématérialisée dans le cadre du dispositif COMEDEC (COMmunication Electronique de Données d’Etat Civil), plateforme d’échanges mise en œuvre par le décret n° 2011-167 du 10 février 2011.
    • Dans l’hypothèse de la mise à jour d’actes de l’état civil étranger, l’officier de l’état civil saisi transmet l’avis de mention correspondant à l’autorité désignée pour le recevoir, conformément à la convention bilatérale ou multilatérale applicable.
    • À défaut, l’officier de l’état civil saisi rappelle à l’intéressé, d’une part, qu’il lui appartient d’effectuer des démarches auprès de l’autorité locale compétente tendant à la reconnaissance du PACS et, d’autre part, que cette décision pourrait ne pas être reconnue par les autorités de cet Etat.
    • Les officiers de l’état civil destinataires de l’avis de mention doivent procéder à la mise à jour des actes de naissance des partenaires dans les trois jours (article 49 du code civil).
    • Après avoir apposé la mention de déclaration de PACS en marge de l’acte de naissance de chaque partenaire, l’officier de l’état civil retourne à l’autorité ayant enregistré le PACS (officier de l’état civil, poste diplomatique ou consulaire, notaire) le récépissé figurant sur l’avis de mention.
    • Il est précisé que la date d’apposition de la mention de PACS en marge de l’acte de naissance de chaque partenaire n’a pas à être enregistrée par l’officier de l’état civil ayant reçu la déclaration de PACS.
    • En revanche, ledit récépissé devra être classé au dossier contenant les autres pièces dont l’officier de l’état civil doit assurer la conservation.

D) L’opposabilité du pacs

  • L’opposabilité du pacs entre les partenaires
    • L’article 515-3-1, al. 2 prévoit que le pacte civil de solidarité ne prend effet entre les parties qu’à compter de son enregistrement, qui lui confère date certaine.
    • Afin que les partenaires puissent justifier immédiatement du PACS enregistré, l’officier de l’état civil leur remet un récépissé d’enregistrement
    • La preuve de l’enregistrement du PACS peut également être effectuée par les partenaires au moyen du visa apposé par l’officier de l’état civil sur leur convention de PACS.
    • Il est noté que l’officier de l’état civil peut délivrer un duplicata du récépissé d’enregistrement en cas de perte par les partenaires de l’original de la convention de PACS et sur production d’une pièce d’identité.
  • L’opposabilité du pacs à l’égard des tiers
    • Il ressort de l’article 515-3-1, al. 2 que, à l’égard des tiers, le pacs est opposable, non pas à compter de son enregistrement, mais à compter du jour où les formalités de publicité sont accomplies.
    • Ainsi, l’officier de l’état civil ayant enregistré le PACS avise sans délai, par le biais d’un avis de mention, l’officier de l’état civil détenteur de l’acte de naissance de chaque partenaire afin qu’il y soit procédé aux formalités de publicité.
    • Si l’un des partenaires est de nationalité étrangère et né à l’étranger, l’avis est adressé au service central d’état civil du ministère des affaires étrangères, à charge pour celui-ci de porter sans délai la mention de la déclaration de PACS sur le registre mentionné à l’article 515-3-1 alinéa 1er du code civil.
    • Enfin, si l’un des partenaires est placé sous la protection juridique et administrative de l’OFPRA, l’avis est adressé à cet office (Décret n° 2006-1806 du 23 décembre 2006, article 6).

[1] V. en ce sens, notamment F. De Singly, Sociologie de la famille contemporaine, Armand Colin, 2010 ; J.-H. Déchaux, Sociologie de la famille, La Découverte, 2009 ; B. Bawin-Legros, Sociologie de la famille. Le lien familial sous questions, De Boeck, 1996.

[2] Il suffit d’observer la diminution, depuis la fin des années soixante, du nombre de mariages pour s’en convaincre. Selon les chiffres de l’INSEE, alors qu’en 1965 346300 mariages ont été célébrés, ils ne sont plus que 24100 à l’avoir été en 2012, étant entendu qu’en l’espace de trente ans la population a substantiellement augmentée.

[3] Le concile de Trente prévoit, par exemple, l’excommunication des concubins qui ne régulariseraient pas leur situation, mais encore, après trois avertissements, l’exil.

[4] F. Terré, op. préc., n°325, p. 299.

[5] Ph. Malaurie et H. Fulchiron, op. préc., n°106, p. 53.

La notion de capacité juridique

Dans son acception générale, la capacité juridique se définit comme la faculté pour une personne physique ou morale à être titulaire de droits et à les exercer.

Classiquement on distingue la capacité de jouissance de la capacité d’exercice.

I) La capacité de jouissance

C’est l’aptitude à être titulaire de droits subjectifs (droits réels et personnels)

S’agissant de la capacité de jouissance une nouvelle distinction s’opère entre les personnes physiques et les personnes morales.

==>Les personnes physiques

Elles jouissent toutes, sans exception, d’une capacité de jouissance générale.

Dès lors que le nouveau-né est doté de la personnalité juridique, soit lorsqu’il est vivant et viable, il dispose d’une capacité de jouissance générale, ce jusqu’à sa mort.

Si, toutefois, les personnes physiques jouissent toutes d’une capacité de jouissance générale, elles peuvent, en certaines circonstances, être frappées d’une incapacité de jouissance spéciale.

C’est le cas du médecin qui ne dispose pas de la capacité juridique à recevoir de la part de son patient des libéralités.

C’est encore le cas de l’étranger qui est privé du droit de voter.

Il en va également ainsi du mineur de moins de 16 ans à qui il est interdit de tester.

==>Les personnes morales

Elles jouissent seulement d’une capacité de jouissance spéciale. Leur capacité de jouissance est déterminée par leur objet social, lequel doit être spécial.

Un objet social trop général est réputé inexistant. La sanction encourue est la nullité de la personne morale.

II) La capacité d’exercice

C’est l’aptitude pour une personne physique ou morale à exercer les droits dont elle est titulaire au titre de sa capacité de jouissance

La capacité d’exercice renvoie à la distinction entre les personnes capables et les personnes incapables.

==>Les personnes capables

Ce sont celles qui jouissent d’une capacité d’exercice général.

Seules les personnes majeures ou mineurs émancipés jouissent d’une capacité d’exercice générale

==>Les personnes incapables

Les personnes incapables se divisent en deux catégories

  • Les personnes frappées d’une incapacité d’exercice générale
    • Deux catégories de personnes sont frappées d’une incapacité d’exercice générale
      • Les mineurs non émancipés
      • Les majeurs sous tutelle
    • L’incapacité d’exercice générale ne signifie pas qu’ils ne disposent pas de la faculté à être titulaire de droits
    • Tant le mineur, que la personne placée sous tutelles jouissent d’une capacité de jouissance générale.
    • Ils n’ont simplement pas la capacité d’exercer les droits dont ils sont titulaires.
    • Il leur faut être représentés.
  • Les personnes frappées d’une incapacité d’exercice spéciale
    • Les personnes frappées d’une incapacité d’exercice spéciale sont les personnes qui font l’objet :
      • Soit d’une sauvegarde de justice
      • Soit d’une curatelle
      • Soit d’un mandat de protection future
    • En somme, ces personnes peuvent accomplir seules la plupart des actes de la vie courante.
    • Toutefois, pour les actes de disposition les plus graves, elles doivent se faire représenter.
    • L’étendue de leur capacité dépend de la mesure de protection dont elles dont l’objet.

La représentation: droit commun

La notion de représentation, inscrite au cœur du droit des obligations, se définit comme le mécanisme par lequel une personne (le représentant) accomplit un acte juridique pour le compte d’une autre personne (le représenté), laquelle est directement liée par les effets de cet acte. Cette technique, aujourd’hui omniprésente dans les relations juridiques, s’est toutefois heurtée, dans sa reconnaissance, aux principes d’individualisme juridique et d’effet relatif des conventions.

==>Evolution

La notion de représentation, telle que nous la connaissons aujourd’hui, a longtemps été rejetée par le droit français, en raison du principe selon lequel nul ne saurait être engagé par l’acte d’autrui sans y avoir consenti. Selon ce principe, chaque individu doit exprimer sa propre volonté et être directement responsable des engagements qu’il prend. Ce postulat s’inscrit dans une conception héritée du droit romain, qui n’admettait pas la possibilité qu’une personne puisse être engagée juridiquement par les actes d’autrui. Comme le souligne le doyen Jean Carbonnier, « le droit romain n’a jamais consacré la représentation comme un principe général, mais en a admis des applications ponctuelles, notamment en cas de nécessité pratique »[1].

Cette méfiance vis-à-vis de la représentation se traduit dans les textes du Code civil de 1804. Les rédacteurs ont consacré à l’article 1119 ancien le principe selon lequel « on ne peut s’engager que pour soi-même », tandis que l’article 1165 ancien énonce que les conventions « ne produisent d’effet qu’entre les parties contractantes ». Ces dispositions traduisent le refus de reconnaître un mécanisme général permettant à une personne d’être directement engagée par les actes accomplis par un tiers.

Dans cette configuration, la représentation n’était admise qu’à titre d’exception, dans des cas spécifiques tels que le mandat, la tutelle ou encore la gestion d’affaires. Ces mécanismes visaient principalement à protéger les intérêts des personnes vulnérables ou des personnes morales, incapables d’agir elles-mêmes. Toutefois, ces hypothèses restaient limitées et encadrées de manière stricte. Comme l’explique J.-L. Gazzaniga, « le droit français a tardé à admettre le principe d’une représentation directe, en raison du dogme selon lequel les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes »[2].

Ce n’est qu’à partir du XIVe siècle que les juristes ont commencé à conceptualiser un mécanisme de représentation directe, permettant au représenté d’être immédiatement engagé par les actes accomplis par le représentant. Cette évolution a marqué un passage de la représentation indirecte à la représentation directe.

Sous le régime de la représentation indirecte, l’intermédiaire qui souhaitait agir pour le compte d’une autre personne devait d’abord s’engager personnellement vis-à-vis du tiers cocontractant. Ce n’est que par un second acte, distinct du premier, que les effets juridiques pouvaient être transférés au représenté. En d’autres termes, deux opérations successives étaient nécessaires pour produire l’effet recherché.

À l’inverse, la représentation directe permet au représentant d’agir directement au nom du représenté, engageant ce dernier dès la conclusion de l’acte. Cette transformation a progressivement trouvé un écho dans les pratiques juridiques, bien que le Code civil de 1804 n’ait pas consacré de dispositions générales sur la représentation directe. Comme le souligne Thomas Genicon, « la théorie de la représentation a longtemps été construite à partir du modèle du contrat de mandat, ce qui limitait son champ d’application aux seules hypothèses conventionnelles »[3].

Le tournant majeur dans la reconnaissance de la représentation en droit français a été opéré par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qui a introduit aux articles 1153 à 1161 du Code civil un régime général de la représentation. Cette réforme consacre désormais deux formes distinctes de représentation, clarifiant ainsi les effets juridiques des actes accomplis par le représentant.

  • La représentation parfaite, prévue à l’article 1154 du Code civil, se caractérise par le fait que le représentant agit au nom et pour le compte du représenté, de sorte que seul ce dernier est engagé par les actes accomplis. Cette forme de représentation garantit que le tiers cocontractant n’aura à traiter qu’avec le représenté, et non avec le représentant, ce qui renforce la sécurité juridique des transactions.
  • La représentation imparfaite, quant à elle, se distingue par le fait que le représentant agit pour le compte du représenté, mais en son propre nom. Dans cette hypothèse, le représentant est personnellement engagé vis-à-vis du tiers cocontractant. Ce n’est qu’à l’issue de l’acte que les effets juridiques peuvent être imputés au représenté, par un mécanisme de transfert d’obligations.

Cette distinction entre représentation parfaite et imparfaite permet de clarifier les situations juridiques complexes impliquant des intermédiaires. Comme le souligne Guillaume Wicker, « le nouveau droit commun de la représentation dans le Code civil consacre une distinction fondamentale entre représentation parfaite et imparfaite, permettant une meilleure sécurité juridique dans les relations contractuelles »[4].

L’introduction d’un régime général de la représentation a considérablement élargi le champ d’application de cette technique juridique. Elle ne se limite plus aux seuls contrats de mandat, mais s’étend désormais à des situations variées, telles que :

  • Le rôle administrateurs de personnes morales ;
  • Les actes accomplis par des représentants légaux, tels que les tuteurs ou curateurs ;
  • La représentation commerciale, par des agents ou des mandataires.

Cette généralisation de la représentation a des conséquences majeures sur les principes traditionnels du droit des obligations. En particulier, elle remet en question le principe d’effet relatif des conventions (art. 1199 C. civ.). Comme l’explique Emmanuel Gaillard, « la représentation, en tant que mécanisme d’imputation, permet de produire des effets juridiques au profit ou au détriment d’un tiers, ce qui constitue une dérogation au principe selon lequel les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes »[5].

De surcroît, l’article 1158 du Code civil introduit une procédure innovante d’interrogation du pouvoir du représentant, permettant au tiers cocontractant de s’assurer de l’étendue des pouvoirs conférés au représentant. Cette disposition vise à renforcer la sécurité juridique des transactions, tout en offrant une garantie supplémentaire aux tiers susceptibles d’être affectés par les actes de représentation.

==>Fondements

Les débats relatifs aux fondements de la représentation en droit privé illustrent la complexité de cette notion et les tensions doctrinales qu’elle suscite. Si la pratique juridique a depuis longtemps adopté ce mécanisme comme un outil essentiel dans les relations contractuelles, la doctrine s’est montrée divisée quant à son explication et à sa justification théorique. Entre les théories classiques fondées sur la fiction et les approches modernes fondées sur la notion d’imputation, la réflexion autour de la représentation reste d’une grande richesse.

Historiquement, la doctrine classique a tenté d’expliquer la représentation en recourant à la notion de fiction juridique. Cette approche, largement influencée par les travaux de Friedrich Carl von Savigny, considérait que le représentant n’agissait pas de manière autonome mais simplement comme un messager véhiculant la volonté du représenté.

Dans son ouvrage de droit des obligations Savigny soutient que le représenté exprime fictivement sa volonté à travers le représentant. Cette théorie repose sur l’idée que le représentant est un simple vecteur de transmission, sans que son action engage directement sa propre responsabilité. Ainsi, l’acte accompli par le représentant est censé être le prolongement de la volonté du représenté.

Cette analyse a toutefois été critiquée pour son caractère artificiel. Comme le note Pierre Bouquier, « la théorie de la fiction tend à nier la réalité de l’intervention du représentant, en faisant abstraction de sa participation effective dans l’accomplissement de l’acte juridique »[6].

Certains auteurs, tels que F. Corbesco et H. Mitteis, ont proposé une variante de cette théorie en considérant le représentant comme un collaborateur du représenté. Selon cette approche, le représentant agit pour le compte du représenté mais conserve une certaine autonomie dans l’exécution de l’acte juridique. Dans sa thèse intitulée « De la représentation dans les actes juridiques », F. Corbesco souligne que le représentant joue un rôle actif, sans pour autant remettre en cause le principe de l’autonomie de la volonté du représenté.

Toutefois, ces théories classiques se heurtent à une difficulté majeure : elles peinent à expliquer pourquoi une personne pourrait être engagée par les actes d’une autre, en violation apparente du principe d’effet relatif des conventions. Ce constat a conduit la doctrine moderne à proposer une approche renouvelée de la représentation.

L’analyse contemporaine de la représentation s’est largement détachée des notions de fiction et de messager pour adopter une approche plus pragmatique, fondée sur la notion d’imputation dérogatoire. Cette conception a été développée notamment par Philippe Didier, qui a profondément renouvelé la compréhension théorique de la représentation[7].

Selon cet auteur, la représentation permet d’imputer les effets juridiques d’un acte à une personne autre que celle l’ayant accompli. Ce mécanisme constitue une dérogation au principe d’effet relatif des conventions, en ce sens que le représenté est directement lié par les actes accomplis par le représentant, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une fiction juridique.

Philippe Didier identifie trois composantes essentielles de l’acte juridique dans le cadre de la représentation :

  • Le droit exercé, qui appartient au représenté ;
  • L’exercice du droit, accompli par le représentant ;
  • Les effets de droit, qui sont imputés au représenté.

Cette analyse permet de dissocier la titularité des droits (qui reste au représenté) de leur exercice effectif (assuré par le représentant). En d’autres termes, le représentant ne fait qu’exercer un droit qui appartient au représenté, mais les effets juridiques de cet exercice sont directement imputés au représenté.

Comme le souligne Philippe Didier, cette dissociation met en lumière le rôle essentiel du représentant en tant que gestionnaire des intérêts du représenté. Le représentant ne se contente pas de transmettre la volonté du représenté : il agit de manière autonome pour défendre et promouvoir les intérêts de ce dernier. Cette approche reflète une vision plus réaliste de la représentation, adaptée aux besoins pratiques des relations juridiques contemporaines.

L’approche moderne de la représentation soulève des questions importantes quant à la compatibilité de ce mécanisme avec les principes fondamentaux du droit des obligations, notamment le principe d’effet relatif des conventions (art. 1199 du Code civil). Ce principe énonce que les conventions ne produisent d’effet qu’entre les parties contractantes et ne peuvent ni nuire ni profiter aux tiers.

Or, la représentation permet précisément de contourner cette règle en attribuant les effets d’un acte à une personne qui n’a pas elle-même participé à la conclusion de cet acte. Cette dérogation soulève la question de savoir si la représentation constitue une exception au principe d’effet relatif ou si elle repose sur un fondement théorique distinct.

Pour certains auteurs, comme Michel Storck, la représentation est un mécanisme spécifique qui ne peut être pleinement expliqué par les notions classiques de mandat ou de pouvoir. Michel Storck considère que la représentation implique une dissociation des trois composantes de tout acte juridique (le droit exercé, l’exercice du droit, les effets juridiques), permettant l’intervention d’une pluralité de parties dans l’accomplissement de l’acte[8].

Cette dissociation permet d’expliquer pourquoi les effets juridiques d’un acte peuvent être imputés au représenté, même s’il n’a pas personnellement participé à l’accomplissement de cet acte. En ce sens, la représentation apparaît comme un mécanisme d’imputation dérogatoire, fondé non sur la volonté du représenté, mais sur la nécessité de garantir la sécurité juridique des transactions.

En conclusion, les débats doctrinaux sur le fondement de la représentation illustrent la complexité d’un mécanisme juridique en constante évolution. Si les théories classiques, fondées sur la fiction et le rôle de messager, ont permis d’expliquer les premières applications de la représentation, elles apparaissent aujourd’hui insuffisantes pour rendre compte de la diversité des situations dans lesquelles la représentation est utilisée.

L’approche moderne, fondée sur la notion d’imputation, offre une explication plus convaincante, en mettant en avant le rôle du représentant en tant que gestionnaire des intérêts du représenté. Cette conception permet de mieux comprendre les effets juridiques de la représentation, tout en soulignant les limites du principe d’effet relatif des conventions.

Toutefois, ces débats doctrinaux ne doivent pas faire oublier que la représentation reste avant tout un outil pratique, destiné à faciliter les opérations juridiques et à garantir la sécurité juridique des parties concernées. Comme le rappelle Philippe Didier, « la représentation n’est pas seulement un mécanisme théorique : elle est avant tout une réponse aux exigences pratiques des relations juridiques modernes »[9]

==>Applications

Le mécanisme de la représentation, consacré par les articles 1153 à 1161 du Code civil, trouve aujourd’hui des applications variées et essentielles dans les relations juridiques. Son domaine d’application s’est considérablement élargi au fil du temps, couvrant aussi bien les rapports contractuels que les situations de gestion d’affaires ou d’administration des biens.

Parmi les principales applications pratiques de la représentation on compte :

  • Le mandat
    • Le contrat de mandat constitue l’une des formes les plus courantes de représentation conventionnelle.
    • Le mandataire reçoit pouvoir d’agir pour le compte du mandant, dans les limites définies par le contrat. Il accomplit ainsi des actes juridiques qui lient directement le mandant, conformément aux dispositions des articles 1984 et suivants du Code civil.
    • Comme le souligne Thomas Genicon, « le mandat repose sur une délégation volontaire de pouvoirs, permettant au mandataire d’agir en lieu et place du mandant, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une fiction juridique ».
  • La gestion d’affaires
    • La gestion d’affaires est une forme de représentation légale qui intervient lorsqu’une personne, sans mandat préalable, prend l’initiative d’agir pour le compte d’un tiers afin de sauvegarder ses intérêts.
    • Ce mécanisme est notamment utilisé en cas d’urgence, lorsqu’il est impossible de recueillir le consentement du représenté.
    • Selon Philippe Malaurie, « la gestion d’affaires traduit une nécessité pratique : elle permet d’éviter qu’une absence temporaire du titulaire des droits ne cause un préjudice grave à ses intérêts »[10].
  • La tutelle
    • La tutelle est une forme de représentation judiciaire destinée à protéger les personnes incapables, telles que les mineurs ou les majeurs sous protection.
    • Le tuteur agit au nom et pour le compte de la personne protégée, en accomplissant les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine.
    • Dans ce cadre, la représentation est un mécanisme de protection, visant à préserver les intérêts des personnes vulnérables.
    • Comme le rappelle Jean-Pierre Marguénaud, « le tuteur n’est pas un simple exécutant : il doit veiller aux intérêts du représenté, tout en respectant les limites fixées par la loi et le juge des tutelles »[11].
  • La représentation commerciale
    • Dans le domaine des affaires, la représentation commerciale est largement répandue.
    • Les agents commerciaux ou les représentants de commerce agissent au nom d’une entreprise pour conclure des contrats ou effectuer des transactions avec des tiers.
    • La représentation commerciale est essentielle pour assurer la fluidité des échanges économiques.
    • Comme le souligne Emmanuel Gaillard, « dans les relations commerciales, la représentation est un mécanisme incontournable qui permet de déléguer les pouvoirs nécessaires pour conclure des actes au nom de l’entreprise »[12].

==>Innovations apportées par la réforme de 2016

L’une des grandes nouveautés introduites par la réforme de 2016 réside dans la procédure d’interrogation instaurée par l’article 1158 du Code civil. Cette disposition permet à un tiers cocontractant, ayant un doute légitime sur l’étendue des pouvoirs conférés au représentant, de solliciter une confirmation écrite du représenté. Le tiers peut adresser une demande par écrit, fixant un délai raisonnable pour obtenir une réponse. Si le représenté ne répond pas dans le délai imparti, le représentant est réputé habilité à conclure l’acte au nom du représenté.

Ce mécanisme repose sur une logique de transparence et de prévisibilité, qui renforce la sécurité juridique des échanges contractuels. Il permet d’éviter les litiges liés aux dépassements de pouvoirs, en offrant au tiers la possibilité de vérifier les pouvoirs du représentant avant de s’engager.

Cette procédure d’interrogation constitue une véritable rupture avec la tradition juridique française, historiquement fondée sur le principe de méfiance vis-à-vis des tiers. Traditionnellement, le droit français considérait que le tiers devait assumer le risque lié à l’absence ou à l’insuffisance de pouvoirs du représentant. La réforme de 2016 inverse cette logique en introduisant une obligation de vérification proactive à la charge du tiers, tout en lui offrant un moyen légal de sécurisation.

Selon Sébastien Gaudemet, « cette procédure marque une rupture avec la tradition juridique française en introduisant une sécurité accrue pour les tiers, tout en interrogeant le dogme de l’autonomie de la volonté »[13]. Ainsi, le droit français a longtemps valorisé le principe d’autonomie de la volonté, selon lequel chaque partie contractante doit être libre de s’engager en toute connaissance de cause. Or, en permettant à un tiers d’interroger les pouvoirs du représentant, l’article 1158 introduit une logique d’immixtion dans la relation entre le représenté et le représentant.

La procédure d’interrogation du pouvoir du représentant a des implications pratiques considérables, notamment dans le cadre des transactions commerciales ou des actes notariés. Elle permet de limiter les risques de contestation ultérieure liés à un éventuel défaut de pouvoir du représentant. En cas de silence du représenté, le tiers peut raisonnablement considérer que le représentant est habilité à conclure l’acte, ce qui évite les situations d’incertitude juridique.

Cependant, cette innovation a suscité des débats doctrinaux, notamment quant à sa compatibilité avec le principe d’effet relatif des conventions. Traditionnellement, le droit français considère que les conventions ne produisent d’effet qu’entre les parties contractantes. Or, la procédure d’interrogation implique une intervention d’un tiers dans la relation contractuelle entre le représenté et le représentant, ce qui pourrait être perçu comme une atteinte au principe d’autonomie contractuelle.

A l’analyse, l’article 1158 du Code civil illustre parfaitement l’articulation entre théorie juridique et pragmatisme. Si la procédure d’interrogation du pouvoir du représentant remet en question certains dogmes traditionnels, elle répond à un besoin croissant de sécurisation des échanges juridiques dans un contexte économique marqué par une complexité accrue des relations contractuelles.

Comme le rappelle Guillaume Wicker, « l’introduction de l’article 1158 témoigne de la volonté du législateur de renforcer la sécurité juridique des transactions, tout en adaptant le droit des obligations aux réalités pratiques des échanges contemporains »[14].

En outre, cette disposition permet de rééquilibrer la relation contractuelle en offrant au tiers une garantie juridique quant à la validité des actes accomplis par le représentant. Ce rééquilibrage est particulièrement important dans les relations commerciales internationales, où les parties sont souvent confrontées à des incertitudes juridiques liées aux pouvoirs de leurs interlocuteurs.

I) Notion de représentation

Institution majeure du droit des obligations, la représentation permet à une personne d’agir au nom et pour le compte d’une autre, produisant ainsi des effets juridiques qui s’imputent directement au représenté. Pourtant, en dépit de son importance pratique, le Code civil demeure muet sur sa définition. Ce silence du législateur, que l’on pourrait voir comme une lacune regrettable, a laissé à la doctrine et à la jurisprudence le soin d’en préciser les contours et d’en délimiter le régime.

A) Définition

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, a introduit pour la première fois un régime général de la représentation aux articles 1153 à 1161 du Code civil. Pourtant, le législateur a délibérément choisi de ne pas définir la notion de représentation, se contentant de préciser son régime juridique et ses effets.

Cette absence de définition a été soulignée par les premiers commentateurs de la réforme qui déplorent que le législateur ait manqué l’occasion d’apporter une clarification conceptuelle. Selon eux, « la réforme aurait dû consacrer une définition générale de la représentation, afin de dissiper les incertitudes persistantes sur son champ d’application »[15].

La doctrine, quant à elle, a proposé plusieurs définitions théoriques de la représentation, s’accordant sur l’idée qu’il s’agit d’un mécanisme juridique permettant à une personne d’agir au nom et pour le compte d’une autre, tout en produisant des effets directs dans le patrimoine du représenté.

Selon André Rouast, « la représentation est une opération juridique consistant à remplacer une personne par une autre dans un acte intéressant la première, de telle manière que les effets de l’acte s’appliquent à celle-ci comme si elle y avait été effectivement partie »[16].

Ainsi, bien que le Code civil ne définisse pas la représentation, la doctrine s’accorde à en dégager deux traits essentiels :

  • Elle suppose nécessairement l’accomplissement d’un acte juridique ;
  • Les effets de cet acte sont directement rattachés au représenté, comme s’il l’avait lui-même accompli

B) Les éléments constitutifs de la représentation

1. Le cantonnement de la représentation aux actes juridiques

==>Principe

La représentation est, par nature, indissociable de l’accomplissement d’un acte juridique, c’est-à-dire d’un acte résultant d’une manifestation de volonté destinée à produire des effets de droit. À l’inverse, elle ne saurait s’appliquer aux faits juridiques, qui surviennent indépendamment de toute volonté et ne peuvent donc faire l’objet d’une délégation à un tiers.

Comme l’a souligné M. Storck, « la représentation est un mécanisme qui suppose nécessairement une intervention volontaire du représentant, ce qui en limite le champ aux seuls actes juridiques »[17]. Cette conception a été consacrée par la jurisprudence, notamment dans un arrêt de la Cour de cassation du 19 février 1968 aux termes duquel elle a confirmé que la représentation ne saurait être étendue aux faits juridiques ou aux actes purement matériels (Cass. 1ère civ. 19 févr. 1968, n° 64-14.315).

Ce principe se justifie notamment par la nature strictement personnelle de certains actes, qui impliquent l’intervention directe de leur auteur. Le mariage, par exemple, repose sur un consentement personnel et ne peut être contracté par l’intermédiaire d’un tiers. De même, la rédaction d’un testament exige une expression directe et manuscrite de la volonté du testateur, excluant toute possibilité de représentation.

À l’inverse, des actes juridiques patrimoniaux peuvent parfaitement être accomplis par un représentant. Ainsi, la conclusion d’un contrat, la signature d’un bail, la réalisation d’un paiement ou encore l’exercice d’un droit de préemption peuvent être valablement délégués à un tiers, le représenté étant juridiquement engagé comme s’il avait lui-même réalisé l’acte.

==>Tempéraments

Si la doctrine classique cantonne strictement la représentation aux actes juridiques, des développements plus récents tendent à nuancer cette position. En pratique, un représentant peut être amené à accomplir des actes matériels ou à produire des faits ayant des conséquences juridiques, ce qui interroge la rigidité du principe d’exclusion des faits juridiques.

À cet égard, la chambre commerciale de la Cour de cassation a admis, dans un arrêt du 24 novembre 1987, que le représentant pouvait réaliser certains actes matériels pour le compte du représenté, notamment dans le cadre d’un contrat de transport (Cass. com. 24 nov. 1987, n°86-14.424). Cette reconnaissance révèle un assouplissement du principe selon lequel la représentation serait strictement cantonnée aux actes juridiques.

En doctrine, plusieurs auteurs observent que certaines institutions traduisent une forme de représentation dans l’accomplissement de faits juridiques. Il en va ainsi de la responsabilité du fait d’autrui, où un employeur peut être tenu responsable des actes commis par son préposé, ou encore de la possession corpore alieno, où une personne peut être reconnue possesseur d’un bien alors même qu’un tiers en a la détention matérielle.

Comme le souligne Ph. Didier, « bien que le droit français réserve traditionnellement la représentation aux actes juridiques, la réalité démontre que, dans l’exercice de sa mission, le représentant accomplit inévitablement des actes matériels ayant des conséquences juridiques pour le représenté »[18].

Dès lors, si la représentation demeure fondamentalement attachée aux actes juridiques, l’analyse pragmatique révèle qu’elle peut, dans certaines hypothèses, intégrer des situations où l’accomplissement d’un fait matériel est le support d’un effet de droit.

2. L’imputation des effets de l’acte au représenté

==>La représentation comme fiction juridique

La représentation repose sur une construction juridique singulière : bien que l’acte soit accompli par le représentant, ses effets sont directement rattachés au représenté, comme si ce dernier l’avait lui-même accompli. Ce mécanisme s’éloigne ainsi des principes traditionnels du droit des obligations, notamment du principe d’effet relatif des conventions consacré par l’article 1199 du Code civil, selon lequel un contrat ne peut produire d’effet qu’entre les parties qui l’ont conclu.

L’article 1154 du Code civil consacre cette logique en disposant que lorsque le représentant agit dans la limite des pouvoirs qui lui ont été conférés, seul le représenté est juridiquement engagé. Cette imputation s’opère de plein droit, sans qu’aucune formalité supplémentaire ne soit requise et sans qu’il soit nécessaire d’effectuer un quelconque transfert des effets de l’acte.

Derrière ce mécanisme se dessine une dissociation fondamentale entre l’auteur matériel de l’acte (le représentant) et celui qui en supporte les effets juridiques (le représenté). Cette distinction a été parfaitement formulée par C. Larroumet « la représentation est une technique d’imputation dérogatoire, qui dissocie la formation de l’acte juridique de ses effets, permettant ainsi au représenté d’en supporter les conséquences sans y avoir directement pris part »[19].

Ce mode d’imputation distingue la représentation des autres techniques de gestion d’intérêts pour le compte d’autrui, notamment du contrat de commission. Dans cette dernière hypothèse, le commissionnaire agit certes dans l’intérêt d’un tiers, mais en son propre nom, de sorte que ce tiers ne se trouve pas immédiatement engagé par l’opération. La représentation, à l’inverse, établit un lien juridique direct entre le représenté et le tiers contractant, le représentant n’étant qu’un intermédiaire juridiquement transparent.

Ainsi, la représentation constitue bien plus qu’un simple mécanisme de substitution: elle permet au représenté de bénéficier des effets d’un acte auquel il n’a pas directement pris part, tout en préservant la sécurité des transactions en garantissant aux tiers un engagement clair et stable.

==>L’articulation entre représentation parfaite et imparfaite

La distinction entre représentation parfaite et représentation imparfaite éclaire les modalités précises de cette imputation juridique.

  • Dans la représentation parfaite, le représentant agit au nom et pour le compte du représenté. L’acte est directement rattaché à ce dernier, qui est seul engagé vis-à-vis des tiers. Le représentant, quant à lui, n’est qu’un intermédiaire sans obligation propre. Cette situation se rencontre notamment dans le cadre du mandat, de la gestion d’affaires, ou encore de la représentation légale d’un incapable.
  • Dans la représentation imparfaite, le représentant agit pour le compte du représenté, mais en son propre nom. Dans ce cas, il contracte personnellement avec le tiers, ce qui le rend directement tenu à l’égard de celui-ci. Toutefois, il est ensuite tenu de répercuter les effets de l’acte sur le représenté, selon les modalités convenues. C’est notamment le cas dans certains contrats de commission ou de prête-nom, où l’engagement initial pèse sur l’intermédiaire avant d’être retransmis au bénéficiaire final.

L’ordonnance de 2016 a renforcé cette distinction en intégrant la représentation imparfaite dans le droit commun des obligations. Cette évolution a été saluée par une partie de la doctrine, tout en suscitant des critiques sur le risque de dilution de la notion même de représentation, traditionnellement attachée à une imputation directe.

II) La source de la représentation

La représentation constitue une exception au principe selon lequel nul ne peut s’engager pour autrui sans y être autorisé. Ce principe, profondément ancré dans la tradition juridique française, implique que chaque individu agit et contracte en son propre nom et pour son propre compte. En conséquence, le pouvoir de représentation ne se présume pas : il ne peut exister qu’à condition d’avoir été expressément conféré selon des modalités strictement définies.

Ainsi, l’habilitation à agir au nom et pour le compte d’une autre personne suppose nécessairement l’existence d’un pouvoir de représentation, lequel peut tirer son origine soit de la loi, soit d’une décision de justice, soit d’une convention. Cette distinction, désormais bien ancrée en doctrine, permet de structurer l’étude de la représentation selon trois catégories principales :

  • La représentation légale, imposée par la loi pour pallier l’incapacité d’une personne d’exprimer ou d’exercer sa volonté.
  • La représentation judiciaire, qui résulte d’une décision de justice investissant un tiers du pouvoir d’agir au nom d’une personne empêchée.
  • La représentation conventionnelle, fondée sur la volonté du représenté, qui confère à un tiers le pouvoir de le représenter dans ses relations juridiques.

A) La représentation légale

La représentation légale constitue une modalité impérative d’organisation juridique, mise en place pour permettre à certaines personnes, privées de la capacité d’exercer leurs droits, d’agir par l’entremise d’un représentant désigné de plein droit. Elle se distingue des autres formes de représentation en ce qu’elle ne résulte ni d’une décision de justice ni d’un accord de volontés, mais d’une disposition expresse de la loi.

Ce mécanisme concerne principalement deux catégories d’incapables juridiques :

  • Les personnes physiques frappées d’une incapacité d’exercice, notamment les mineurs ;
  • Les personnes morales, qui, en raison de leur nature abstraite, ne peuvent agir que par l’intermédiaire d’un représentant.

1. La représentation du mineur

Le mineur est frappé d’une incapacité d’exercice générale : s’il peut être titulaire de droits et d’obligations, il est juridiquement inapte à les exercer par lui-même. La loi organise donc une protection en lui attribuant un représentant légal, chargé d’agir en son nom et pour son compte.

==>Le fondement de la représentation du mineur

L’incapacité du mineur repose sur une présomption d’inaptitude à exprimer une volonté juridiquement éclairée, justifiant ainsi l’intervention d’un tiers pour assurer la sauvegarde de ses intérêts. Cette représentation est nécessairement conférée par la loi, qui désigne les personnes habilitées à exercer cette mission.

==>Les représentants légaux du mineur

Le représentant légal du mineur est désigné de plein droit, en fonction de la situation familiale de l’enfant. Il s’agit :

  • Des titulaires de l’autorité parentale (les parents), lorsque ceux-ci exercent conjointement leurs prérogatives ;
  • D’un tuteur, dans l’hypothèse où l’enfant se trouve orphelin ou privé de la protection parentale.

Lorsque l’enfant est placé sous tutelle, l’autorité du représentant est encadrée par le juge des tutelles, qui veille à la préservation des intérêts du mineur et au bon exercice du mandat confié au tuteur.

==>L’étendue du pouvoir du représentant

Le pouvoir du représentant légal s’exerce jusqu’à la majorité du mineur (ou son émancipation, le cas échéant), moment à compter duquel ce dernier acquiert sa pleine capacité juridique, tant en jouissance qu’en exercice.

L’étendue des pouvoirs du représentant varie selon la nature des actes concernés :

  • Pour les actes d’administration, le représentant agit librement, dans l’intérêt du mineur.
  • Pour les actes de disposition (tels que la vente d’un bien immobilier appartenant au mineur), une autorisation judiciaire est généralement requise, afin de limiter les risques d’abus.

Ainsi, le régime de la représentation légale du mineur témoigne de la nécessité d’un encadrement strict de l’exercice des droits d’une personne qui, en raison de son âge, ne peut encore assumer seule les conséquences juridiques de ses engagements.

2. La représentation des personnes morales

Si le mineur finit par acquérir sa pleine capacité juridique à sa majorité, les personnes morales, en raison de leur nature abstraite, demeurent définitivement incapables d’agir sans l’intervention d’un représentant.

a. Une incapacité d’exercice permanente

Les personnes morales sont des êtres de fiction, qui ne disposent ni de volonté propre ni de capacité d’agir. À l’instar des mineurs, elles ne peuvent accomplir d’actes juridiques que par l’intermédiaire d’un représentant habilité, chargé d’engager la personne morale vis-à-vis des tiers.

Toutefois, contrairement à la représentation du mineur, qui vise à protéger une personne vulnérable, la représentation des personnes morales répond à une nécessité organisationnelle. Elle est un instrument de gestion, qui permet à une entité dépourvue d’existence physique de fonctionner et d’interagir avec son environnement économique et juridique.

b. Le représentant légal de la personne morale

La représentation des personnes morales est assurée par leurs dirigeants sociaux, qui exercent leur pouvoir au nom et pour le compte de l’entité. Les associés ne doivent pas être confondus avec ces représentants :

  • Les associés prennent part aux décisions collectives en exprimant la volonté de la personne morale lors des assemblées générales ;
  • Les dirigeants sociaux, quant à eux, représentent cette volonté dans l’exercice des actes de gestion et d’administration.

Le mode de représentation dépend de la structure juridique de la personne morale. Selon la forme sociale adoptée, le représentant peut être :

  • Le gérant, dans les sociétés à responsabilité limitée (SARL) ou les sociétés civiles ;
  • Le président, dans les sociétés par actions simplifiées (SAS) ;
  • Le directeur général, dans les sociétés anonymes (SA) ;
  • Un mandataire social spécialement désigné par les statuts ou par décision des organes sociaux compétents.

Dans toutes ces hypothèses, le représentant agit dans l’intérêt de la personne morale, mais il est lui-même tenu de respecter les limites de ses pouvoirs, sous peine d’engager sa responsabilité à l’égard de la société ou des tiers.

c. L’étendue et les limites des pouvoirs du représentant

Le représentant légal d’une personne morale exerce ses pouvoirs dans le cadre fixé par la loi, les statuts et, dans certains cas, les décisions des organes sociaux. L’étendue de ces pouvoirs varie toutefois en fonction du régime de responsabilité applicable à la société concernée.

==>Sociétés à risque illimité vs sociétés à risque limité

Le degré d’autonomie du représentant légal dans l’accomplissement des actes de gestion dépend de la nature de la société qu’il dirige. La distinction fondamentale repose sur l’opposabilité de l’objet social aux tiers :

  • Dans les sociétés à risque illimité, telles que les sociétés civiles ou les sociétés en nom collectif (SNC), l’objet social constitue une limite impérative aux pouvoirs du représentant légal. Les actes accomplis en dépassement de l’objet social n’engagent pas la société envers les tiers, qui doivent s’assurer que l’acte entre bien dans le champ d’activité de la société avant de contracter. En effet, l’article 1849 du Code civil dispose que le gérant d’une société civile « engage la société pour les actes entrant dans l’objet social ». Il en résulte que les actes extrinsèques à cet objet peuvent être déclarés inopposables à la société.
  • Dans les sociétés à risque limité, telles que la SARL, la SAS ou la SA, les dirigeants bénéficient d’une plus grande liberté d’action. L’article L. 223-18, alinéa 6, du Code de commerce précise que les actes accomplis par le gérant d’une SARL engagent la société, même lorsqu’ils excèdent son objet social, sauf à prouver que le tiers savait que l’acte dépassait cet objet ou ne pouvait l’ignorer. Une règle similaire s’applique aux présidents et directeurs généraux de SAS et SA, conformément aux articles L. 227-6 et L. 225-56 du Code de commerce. L’objet social ne constitue donc pas une limite opposable aux tiers, qui peuvent se fier aux engagements pris par les représentants légaux de ces sociétés.

==>Responsabilité du représentant en cas d’abus

Si l’inopposabilité de l’objet social protège les tiers dans les sociétés à risque limité, elle n’empêche pas la société de se retourner contre son dirigeant en cas de dépassement de ses pouvoirs. Trois principaux mécanismes peuvent être mis en œuvre :

  • La responsabilité civile pour faute de gestion
    • Lorsqu’un dirigeant commet une faute en prenant des décisions contraires à l’intérêt social ou en dépassant ses pouvoirs internes, il peut voir sa responsabilité engagée sur le fondement des articles L. 223-22 (SARL), L. 225-251 (SA) et L. 227-8 (SAS) du Code de commerce. Il pourra alors être condamné à indemniser la société pour le préjudice causé.
  • L’abus de biens sociaux (ABS)
    • Dans les sociétés à risque limité, l’abus de biens sociaux constitue une infraction pénale prévue à l’article L. 241-3 du Code de commerce (SARL) et L. 242-6 (SA). Il est caractérisé lorsque le dirigeant utilise les biens ou le crédit de la société à des fins personnelles ou contraires à son intérêt.
  • La nullité des actes contraires à l’intérêt social
    • Si un acte est manifestement contraire aux intérêts de la société, les associés ou actionnaires peuvent solliciter son annulation sur le fondement de l’article L. 225-252 du Code de commerce, notamment lorsqu’un dirigeant a contracté au mépris des restrictions statutaires.

==>Aménagement statutaire des pouvoirs

Dans certaines sociétés, notamment les SAS, l’étendue des pouvoirs du représentant légal peut être aménagée par les statuts. L’article L. 227-6 du Code de commerce autorise une grande flexibilité dans la répartition des pouvoirs, permettant de limiter les décisions que le président peut prendre seul.

Toutefois, ces limitations statutaires n’ont d’effet qu’en interne : elles ne sont pas opposables aux tiers, sauf si ceux-ci avaient connaissance de ces restrictions (principe de la protection des tiers de bonne foi).

B) La représentation judiciaire

La représentation judiciaire se distingue par son origine : elle résulte d’une décision de justice conférant à un tiers le pouvoir d’agir au nom et pour le compte d’une personne qui, en raison d’une incapacité ou d’un empêchement, ne peut exercer elle-même ses droits. Elle intervient ainsi dans des situations où la volonté du représenté ne peut s’exprimer, qu’il s’agisse d’un empêchement temporaire ou d’une altération durable de ses facultés.

Cette représentation revêt une importance particulière en ce qu’elle permet d’assurer la continuité de la gestion patrimoniale et la protection des intérêts du représenté, tout en respectant l’encadrement judiciaire strict qui la caractérise.

1. La représentation des personnes protégées

Lorsqu’une personne majeure est frappée d’une incapacité d’exercice, le droit organise une mesure de protection adaptée à sa situation, qui peut aller d’une simple assistance à une représentation totale. La nomination d’un représentant judiciaire dépend du régime de protection mis en place :

  • Sous curatelle, la personne protégée conserve une autonomie relative et peut accomplir seule les actes de la vie courante. Toutefois, les actes importants (aliénation d’un bien immobilier, souscription d’un emprunt) nécessitent l’assistance du curateur.
  • Sous tutelle, la personne protégée est privée de toute capacité juridique : son tuteur agit en son nom et pour son compte, avec l’obligation de rendre compte de sa gestion.

Le juge des tutelles désigne le représentant judiciaire en tenant compte de l’intérêt supérieur de la personne protégée, pouvant nommer un proche ou un professionnel. Cette représentation est strictement encadrée, le représentant ne pouvant agir que dans les limites de la mission qui lui est confiée et sous le contrôle du juge.

2. La représentation de l’époux hors d’état de manifester sa volonté

Le droit des régimes matrimoniaux prévoit une solution spécifique lorsque l’un des époux se trouve dans l’impossibilité d’exprimer sa volonté. L’article 219 du Code civil dispose ainsi que « si l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d’une manière générale ou pour certains actes particuliers, dans l’exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et l’étendue de cette représentation étant fixées par le juge. »

Cette disposition s’applique dans des situations où l’un des époux est empêché d’agir, notamment en cas de :

  • Maladie grave, lorsque l’époux est dans un coma prolongé ou atteint d’une altération de ses facultés mentales empêchant toute expression de volonté ;
  • Empêchement matériel, tel que l’absence prolongée ou une disparition ;
  • Incapacité juridique, lorsqu’un époux est placé sous un régime de protection nécessitant une représentation spécifique dans la gestion des biens communs.

L’habilitation judiciaire permet à l’époux habilité d’accomplir certains actes de gestion courante, ou dans certains cas, des actes plus graves, sous le contrôle du juge. Cette représentation a pour finalité d’éviter toute paralysie dans l’administration des biens du couple.

3. La représentation d’un indivisaire hors d’état de manifester sa volonté

L’indivision suppose la participation de tous les indivisaires aux décisions concernant les biens indivis. Or, il arrive que l’un des indivisaires se trouve dans l’incapacité de prendre part aux décisions, ce qui peut entraîner une impasse dans la gestion des biens communs.

L’article 815-4 du Code civil apporte une réponse en prévoyant que « si l’un des indivisaires se trouve hors d’état de manifester sa volonté, un autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d’une manière générale, ou pour certains actes particuliers, les conditions et l’étendue de cette représentation étant fixées par le juge. »

Cette disposition vise à assurer la continuité de la gestion du bien indivis en évitant que l’empêchement d’un indivisaire ne paralyse les décisions collectives. Le coindivisaire habilité peut ainsi être autorisé à :

  • Administrer le bien indivis (travaux d’entretien, conclusion d’un bail) ;
  • Engager certains actes de disposition avec l’autorisation du juge, lorsque l’intérêt de l’indivision le justifie.

Cette mesure, bien que permettant une gestion efficace du bien, reste encadrée afin de préserver les droits du représenté, notamment en garantissant un contrôle judiciaire strict sur les actes accomplis.

4. La représentation d’une personne présumée absente

La disparition d’une personne sans laisser de nouvelles soulève des difficultés majeures quant à la gestion de ses biens et à la préservation de ses intérêts. Pour pallier cette incertitude, l’article 113 du Code civil prévoit qu’un représentant peut être désigné pour administrer le patrimoine d’une personne présumée absente.

Cette procédure peut être mise en œuvre lorsque :

  • L’existence même de la personne est incertaine, mais qu’il n’existe pas suffisamment d’éléments pour établir son décès ;
  • L’absent a laissé des biens nécessitant une gestion, notamment en présence de créanciers ou d’obligations financières en cours.

Le représentant du présumé absent est désigné par le juge, qui peut choisir un membre de la famille ou toute autre personne qualifiée. Il agit dans un cadre strictement délimité, étant soumis aux règles applicables à la tutelle des majeurs. Son rôle consiste à :

  • Préserver les biens du présumé absent ;
  • Administrer son patrimoine en son nom ;
  • Représenter ses intérêts dans les actes de la vie civile.

Si la personne présumée absente réapparaît, elle peut reprendre possession de ses biens et annuler les actes accomplis en son nom dans la limite des règles fixées par le Code civil.

C) La représentation conventionnelle

La représentation conventionnelle repose sur un accord de volontés par lequel une personne confère à une autre le pouvoir de la représenter dans ses relations juridiques. Elle s’inscrit dans une logique d’organisation contractuelle des rapports de représentation, permettant à un individu ou à une entité d’agir par l’intermédiaire d’un tiers désigné, dans un cadre librement négocié et défini par les parties.

Cette forme de représentation trouve son expression la plus courante dans le contrat de mandat, qui constitue l’archétype du pouvoir de représentation conféré par voie d’accord contractuel.

1. Le mandat

Le contrat de mandat est défini par l’article 1984 du Code civil comme « un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. »

Ce contrat repose ainsi sur une délégation volontaire de pouvoirs, qui permet au mandataire d’accomplir des actes juridiques dont les effets sont directement imputés au mandant. Autrement dit, dans l’hypothèse d’un mandat avec représentation, le mandataire n’est qu’un intermédiaire juridique : il agit certes matériellement, mais c’est le mandant qui est engagé par les actes accomplis en son nom.

L’effet principal du mandat avec représentation est donc que tous les actes accomplis par le mandataire sont juridiquement réputés avoir été accomplis par le mandant lui-même. Il en résulte que :

  • Le mandataire n’est pas personnellement engagé envers les tiers, sauf en cas d’abus de pouvoir ou d’excès manifeste dans l’exercice de sa mission ;
  • Les obligations issues des contrats conclus par le mandataire incombent directement au mandant ;
  • Le mandant peut invoquer les actes accomplis en son nom sans nécessiter de formalité de transfert postérieure.

Ce mécanisme est d’une grande utilité en pratique, notamment dans les relations d’affaires où un dirigeant peut confier à un mandataire la gestion de transactions spécifiques sans intervenir directement.

2. La distinction entre représentation véritable et intervention d’un intermédiaire

Si la représentation conventionnelle s’exprime le plus souvent par le mandat, tous les contrats impliquant une délégation de pouvoir ne confèrent pas nécessairement un véritable pouvoir de représentation.

La distinction repose sur deux éléments cumulatifs qui doivent être réunis pour qu’il y ait représentation :

  • L’accomplissement d’actes pour le compte d’autrui : le mandataire doit agir dans l’intérêt et selon les instructions du mandant.
  • L’accomplissement d’actes au nom d’autrui : l’acte accompli par le mandataire doit expressément engager la personne représentée.

Ainsi, lorsqu’un agent d’affaires, tel qu’un agent immobilier ou un courtier, est mandaté pour négocier une transaction, il agit certes pour le compte de son client, mais pas nécessairement en son nom. Il peut être un simple intermédiaire qui conclut les actes en son propre nom, sans pour autant engager directement le mandant vis-à-vis des tiers.

Cette distinction est essentielle car elle conditionne la nature des effets juridiques attachés aux actes accomplis par le mandataire. Seule la réunion des deux critères permet de caractériser une véritable représentation, où le représenté est immédiatement et directement engagé par l’acte accompli par son mandataire.

À défaut, on se situe dans le domaine des mandats sans représentation, comme ceux conclus avec certains intermédiaires économiques :

  • Le commissionnaire achète ou vend des biens pour le compte d’un tiers, mais en son propre nom. Le bénéficiaire de l’opération n’est donc pas directement lié au tiers cocontractant.
  • L’agent commercial agit pour le compte d’un mandant dans la prospection et la négociation de contrats, mais il n’engage pas juridiquement son mandant sauf mandat exprès.

Comme le souligne Ph. Didier, « la représentation suppose non seulement un lien entre le représentant et le représenté, mais également une relation juridique immédiate entre le représenté et le tiers cocontractant. À défaut, l’intermédiaire demeure personnellement tenu des engagements qu’il prend. »[20].

3. L’aménagement contractuel du pouvoir de représentation

La représentation conventionnelle offre une grande souplesse dans l’organisation des relations juridiques. Si le mandat est l’instrument privilégié, les parties disposent d’une liberté contractuelle leur permettant d’aménager le pouvoir du mandataire en fonction des besoins spécifiques de la relation envisagée.

Plusieurs éléments peuvent ainsi être réglés par contrat :

  • L’étendue des pouvoirs du représentant, qui peut être générale ou limitée à certaines catégories d’actes ;
  • La durée du mandat, qui peut être temporaire ou à durée indéterminée ;
  • Les conditions d’exercice du pouvoir, notamment les obligations d’information et de reddition de comptes ;
  • Les restrictions imposées au mandataire, comme l’interdiction de représenter des concurrents ou de prendre des décisions au-delà d’un certain seuil financier.

Toutefois, en cas de dépassement des pouvoirs conférés par le mandat, l’acte accompli par le mandataire peut ne pas engager le mandant, à moins que ce dernier ne le ratifie. Cette règle protège le représenté contre des abus ou des engagements excessifs pris en son nom sans son consentement.

II) Les conditions de la représentation

La représentation est un mécanisme juridique permettant à une personne, le représentant, d’accomplir un acte juridique au nom et pour le compte d’une autre, le représenté. Son efficacité repose sur l’articulation entre la volonté et le pouvoir : la volonté du représenté, qui consent à être engagé par l’intermédiaire d’un tiers, et le pouvoir conféré au représentant, qui agit en vertu d’une habilitation. Si la théorie classique mettait l’accent sur la primauté de la volonté du représenté, la doctrine moderne souligne davantage le rôle actif du représentant et l’autonomie du pouvoir qui lui est délégué. Cette évolution doctrinale éclaire l’analyse des conditions de validité de la représentation, qu’il s’agisse de la nature des actes accomplis, du statut du représentant ou de celui du représenté.

A) Les conditions relatives à l’objet de la représentation

La représentation permet à une personne d’accomplir un acte juridique au nom et pour le compte d’une autre. Toutefois, ce mécanisme ne saurait être appliqué de manière indifférenciée à toutes les situations. Il ne peut jouer que dans le cadre d’actes juridiques et se heurte à certaines limites inhérentes à la nature de l’acte accompli. L’examen de ces conditions impose d’abord de circonscrire le domaine des actes susceptibles d’être réalisés par représentation (1), puis d’identifier ceux qui, par leur nature, échappent à ce régime (2).

1. La représentation dans l’accomplissement d’actes juridiques

La représentation ne trouve à s’exercer que dans le cadre des actes juridiques, c’est-à-dire des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. Cette restriction se justifie par la nature même du mécanisme représentatif, qui repose sur l’aptitude du représentant à exprimer une volonté en vue d’engager juridiquement le représenté. L’acte accompli par le représentant déploie ainsi directement ses effets dans la sphère juridique du représenté, comme si celui-ci l’avait lui-même accompli.

Toutefois, certains actes, en raison de leur caractère strictement personnel, échappent à cette logique. Le droit positif interdit ainsi la représentation dans les situations où l’intervention d’un tiers priverait l’acte de son essence propre. Tel est le cas du mariage : l’article 146 du Code civil pose l’exigence du consentement personnel des époux, rendant toute substitution impossible. De même, la rédaction d’un testament ne saurait être confiée à un tiers (C. civ., art. 970), dans la mesure où elle traduit une volonté personnelle irréductible. Enfin, la prestation de serment, qui engage non seulement la responsabilité juridique mais aussi l’intégrité morale de l’individu, ne peut être accomplie que par celui qui en est l’objet (CPC, art. 321).

Cette interdiction ne signifie pas pour autant que tout acte relevant de la sphère personnelle est exclu du domaine de la représentation. Certaines actions, bien que fondées sur un droit personnel, peuvent être engagées par un représentant dès lors que leur exercice ne requiert pas nécessairement l’intervention physique du titulaire du droit. Ainsi, une action en divorce ou en séparation de corps peut être introduite par un représentant, notamment dans le cas où l’un des époux est frappé d’incapacité. De même, la réparation d’un préjudice moral peut être demandée par un représentant, dès lors que la titularité du droit à indemnisation n’implique pas nécessairement l’expression directe d’une volonté propre au représenté. Ces distinctions soulignent l’importance du critère de l’intuitu personae dans la détermination du champ d’application de la représentation.

2. L’exclusion de la représentation dans les faits juridiques et les actes matériels

Si les actes juridiques peuvent être réalisés par l’intermédiaire d’un représentant, il n’en va pas de même des faits juridiques. Ces derniers, par définition, produisent des effets de droit indépendamment de toute manifestation de volonté. Ils se distinguent ainsi des actes juridiques en ce qu’ils résultent de circonstances objectives ou de la loi elle-même. L’intervention d’un représentant y serait donc dépourvue de sens, car elle ne pourrait modifier ni la survenance du fait ni ses conséquences juridiques. Ainsi, une naissance, une possession ou encore la réalisation d’un fait dommageable générateur de responsabilité délictuelle ne sauraient donner lieu à un mécanisme de représentation: la responsabilité d’un individu du fait de son acte ne saurait être transférée à autrui par le biais d’une représentation.

De la même manière, la représentation ne s’étend pas aux actes matériels, qui constituent l’exécution concrète d’une opération juridique. Si un agent immobilier peut être mandaté pour vendre un bien, ce qui relève bien de la représentation dans un acte juridique, il n’en demeure pas moins que les visites des lieux, la gestion des formalités administratives ou la prise en charge de la relation avec les potentiels acquéreurs sont des actes matériels qu’il accomplit en son nom propre. Cette distinction est d’autant plus essentielle que de nombreux professionnels, tels que les agents commerciaux, les courtiers ou les commissionnaires, interviennent dans des opérations où se mêlent à la fois des actes juridiques et des actes matériels. Lorsqu’ils agissent en qualité de représentants, ils peuvent engager directement la responsabilité du représenté ; mais lorsqu’ils accomplissent des actes matériels, ils n’engagent qu’eux-mêmes.

Enfin, il convient de souligner que certaines catégories d’actes, bien que pouvant paraître relever de la représentation, n’en relèvent pas en raison de leur mode d’exécution. Par exemple, dans le domaine des contrats intuitu personae, une entreprise ne saurait se substituer à un tiers pour exécuter une prestation si celle-ci repose sur des compétences personnelles spécifiques. Ainsi, un artiste ou un avocat ne peut déléguer intégralement l’exécution de sa mission à un représentant, car l’obligation qui lui incombe est strictement attachée à sa personne.

Ces considérations démontrent que la représentation, bien qu’étant un mécanisme de transmission de la volonté juridique, ne saurait être étendue au-delà du domaine des actes de volonté. Son champ d’application est donc limité par la nature même des actes susceptibles d’être accomplis par autrui, ce qui impose un encadrement strict de son régime.

B) Les conditions relatives au représentant

L’exercice de la représentation repose sur un ensemble de conditions visant à garantir l’efficacité et la sécurité des actes accomplis au nom et pour le compte du représenté. Trois éléments doivent être réunis pour que la représentation produise pleinement ses effets.

En premier lieu, la capacité du représentant, qui détermine son aptitude à exercer les droits du représenté et à conclure valablement des actes juridiques. Si le principe veut que le représentant soit juridiquement capable, la jurisprudence et la doctrine ont admis des tempéraments, notamment en matière de représentation par des personnes dotées de discernement mais frappées d’incapacité.

En second lieu, la volonté du représentant, qui doit se manifester de manière non équivoque. Son consentement doit être libre et éclairé, exempt de tout vice, et son intention d’agir pour autrui clairement établie. Sans cette volonté de représenter, l’acte risque d’être interprété comme un engagement personnel du représentant plutôt que comme une opération réalisée pour le compte du représenté.

Enfin, le pouvoir de représentation, qui constitue le fondement même de l’acte accompli. Ce pouvoir peut être conféré par la loi, par une décision judiciaire ou par un acte conventionnel. Sa reconnaissance et sa délimitation conditionnent l’étendue des prérogatives du représentant et déterminent les conséquences des actes qu’il accomplit.

1. La capacité de représenter

La validité de la représentation repose en premier lieu sur la capacité du représentant, c’est-à-dire son aptitude à exercer les droits du représenté et à accomplir des actes juridiques en son nom. Si le principe veut que le représentant soit capable d’exercer pleinement ces droits, la jurisprudence et la doctrine ont admis des tempéraments, notamment en ce qui concerne les incapables dotés de discernement.

a. Principe

En droit civil, l’exercice d’un droit suppose en principe que son titulaire soit capable juridiquement, c’est-à-dire qu’il dispose de la capacité d’exercice, lui permettant d’accomplir seul des actes juridiques. À défaut, une personne juridiquement incapable – par exemple, un mineur non émancipé ou un majeur placé sous curatelle ou tutelle – ne peut pas conclure seule un contrat ou accomplir un acte engageant son patrimoine. Cette incapacité vise à la protéger contre les conséquences d’actes qu’elle pourrait ne pas pleinement comprendre ou maîtriser.

Cependant, cette exigence de capacité d’exercice connaît un assouplissement en matière de représentation. En effet, dans le cadre de la représentation, c’est le représenté, et non le représentant, qui est engagé par l’acte accompli. Dès lors, la rigueur habituelle imposée à la capacité d’exercice du représentant s’atténue, car l’acte n’a pas d’effet direct sur son propre patrimoine.

La jurisprudence a ainsi admis que certaines personnes juridiquement incapables – telles que des mineurs doués de discernement ou des majeurs protégés – puissent représenter autrui (Cass. civ., 5 déc. 1933). Cette tolérance repose sur un principe fondamental : le représentant ne prend pas d’engagement personnel et n’exerce pas ses propres droits, mais agit uniquement au nom et pour le compte d’un tiers. Ainsi, l’exigence d’une capacité juridique complète s’applique avant tout au représenté, qui supportera les conséquences de l’acte accompli en son nom.

Cette distinction entre la capacité d’exercice du représentant et la capacité de jouissance du représenté est essentielle. Elle justifie qu’une personne normalement privée de la capacité d’accomplir certains actes pour elle-même puisse néanmoins les accomplir pour autrui, dès lors qu’elle est apte à comprendre la portée de ses actes et à exprimer une volonté propre.

b. Exception

Le Code civil prévoit expressément que le mandat peut être confié à un mineur non émancipé dès lors qu’il est capable de discernement (art. 1990 C. civ.). Cette solution repose sur une analyse pragmatique : le représentant n’exerce pas ses propres droits, mais ceux du représenté, et il n’engage pas son propre patrimoine. Il est donc moins risqué, du point de vue juridique, d’autoriser un mineur doté de discernement à être mandataire que de lui reconnaître la capacité d’agir en son nom propre.

Les auteurs classiques et contemporains confirment cette analyse en insistant sur le fait que la représentation n’implique pas nécessairement que le représentant soit titulaire des droits exercés, mais seulement qu’il dispose de la lucidité suffisante pour les mettre en œuvre. La doctrine relève ainsi que l’attribution d’un pouvoir de représentation à un mineur peut être envisagée à condition qu’il soit doté d’un discernement suffisant.

Dans certains cas, la jurisprudence a même étendu cette possibilité aux autres incapables. Bien que la doctrine reconnaisse la pertinence de cette approche, elle insiste sur la nécessité d’une prudence accrue : si des juridictions du fond ont parfois admis qu’un incapable puisse être représentant, la Cour de cassation a, dans certaines affaires, laissé la question ouverte sans trancher définitivement (Cass. civ. 4 janv. 1934).

c. Cas particulier de la survenance d’une incapacité sur les pouvoirs du représentant

La question se pose de savoir ce qu’il advient des pouvoirs du représentant lorsqu’il devient lui-même incapable en cours de mission. Le Code civil apporte une réponse à cette problématique à travers l’article 1160, issu de l’ordonnance du 10 février 2016, qui dispose que les pouvoirs du représentant cessent s’il est atteint d’une incapacité ou frappé d’une interdiction. Toutefois, ce texte ne précise ni les modalités de cessation de la représentation ni ses effets à l’égard des tiers.

L’application stricte de cette disposition conduirait à considérer que l’incapacité du représentant entraîne immédiatement l’extinction de son pouvoir de représentation, ce qui pourrait soulever des difficultés pratiques, notamment lorsque des tiers ignorent l’existence de cette incapacité. La théorie de l’apparence pourrait dès lors être invoquée pour protéger ces tiers de bonne foi.

Cependant, une ambiguïté demeure quant à l’exigence d’une capacité lors de l’attribution initiale du pouvoir de représentation. Certains auteurs ont suggéré que la nouvelle rédaction de l’article 1160 du Code civil pourrait être interprétée comme imposant une capacité au moment de la désignation du représentant[21]. Une telle lecture serait toutefois une rupture avec la conception traditionnelle selon laquelle la validité du contrat conclu par représentation reste subordonnée à la seule capacité du représenté[22].

Il apparaît donc préférable de maintenir la distinction entre :

  • L’incapacité survenue en cours de mandat, qui justifie l’extinction des pouvoirs du représentant pour préserver les intérêts du représenté.
  • L’incapacité préexistante au moment de l’attribution du pouvoir, qui ne remet pas en cause la représentation dès lors que le représenté, en connaissance de cause, a choisi d’octroyer un mandat à une personne dotée du discernement nécessaire.

2. La volonté de représenter

L’effectivité de la représentation repose sur une volonté non équivoque du représentant, qui se manifeste par son consentement libre et éclairé et son intention d’agir pour autrui. Le consentement doit être exempt de tout vice, sous peine de nullité de l’acte. Quant à l’intention de représenter, elle garantit que l’acte produit ses effets dans le patrimoine du représenté et non dans celui du représentant. Cette exigence de clarté assure la sécurité juridique des actes accomplis sous le régime de la représentation.

a. Le consentement du représentant

Le représentant est l’auteur de l’acte qu’il accomplit : il ne se borne pas à extérioriser la volonté du représenté, mais manifeste une volonté propre, qui, bien que tournée vers l’intérêt d’un tiers, n’en demeure pas moins un engagement personnel. Cette autonomie implique nécessairement que son consentement soit libre, réel et exempt de vices.

Ainsi, l’erreur, le dol ou la violence peuvent vicier son consentement et entraîner l’annulation du contrat conclu par son intermédiaire. C’est donc en la personne du représentant que s’apprécie l’existence d’un éventuel vice du consentement, et non en celle du représenté, lequel ne contracte pas directement.

Lorsqu’un représentant est victime d’un dol ou d’une erreur portant sur l’acte conclu, il peut en demander l’annulation, indépendamment de la volonté du représenté. Par exemple, si le représentant a été induit en erreur par des informations fallacieuses fournies par le cocontractant, l’acte est susceptible d’être frappé de nullité (Cass. 3e civ., 29 avr. 1998, n° 96-17.540). Cette règle s’applique avec d’autant plus de rigueur lorsque le représentant est une personne juridiquement protégée.

Dans le cas particulier où le représentant ne dispose pas de la pleine capacité civile – comme un mineur pourvu de discernement –, il est indispensable que son consentement soit éclairé et exempt de toute manipulation (Cass. civ., 5 déc. 1933). Le Code civil admet en effet qu’un mineur non émancipé puisse être choisi comme mandataire dès lors qu’il est capable de comprendre la portée des actes qu’il accomplit (art. 1990 C. civ.).

Toutefois, la jurisprudence reste prudente dans l’admission de cette possibilité, exigeant que l’incapable soit doté d’une lucidité suffisante pour appréhender les implications de son rôle de représentant. Cette exigence vise à éviter que des individus vulnérables ne soient instrumentalisés à leur insu dans des opérations juridiques dont ils ne mesurent pas pleinement la portée.

b. L’intention de représenter

Outre son consentement libre, le représentant doit également agir dans l’intention claire et non équivoque de représenter le mandant. Cette condition, parfois qualifiée de “contemplatio domini“, vise à garantir que les effets de l’acte se répercutent sur le patrimoine du représenté et non sur celui du représentant.

==>Une volonté manifeste d’agir pour autrui

Pour que la représentation produise ses effets, il est essentiel que le représentant exprime sans ambiguïté son intention d’agir au nom et pour le compte du représenté (Cass. com., 31 mars 1981). Cette volonté peut se manifester de manière explicite, par une déclaration formelle, ou implicite, à travers des actes qui ne laissent aucun doute sur la qualité en laquelle il agit.

Dans la représentation parfaite, l’acte doit mentionner que le représentant agit pour le compte d’un tiers, et idéalement préciser l’identité de ce dernier (art. 1154, al. 1er C. civ.). Toutefois, cette identification n’est pas toujours obligatoire : en effet, l’intention de représenter suffit à conférer l’effet représentatif, même si l’identité du représenté n’a pas été révélée aux tiers.

==>La représentation sans divulgation du représenté

Il est admis que la représentation puisse exister sans que l’identité du représenté soit nécessairement dévoilée. Ainsi, en matière de commission, l’intermédiaire contracte en son nom propre mais pour le compte d’un tiers dont l’identité demeure inconnue du cocontractant (art. L. 132-1 C. com.). Dans cette hypothèse, le mandataire n’apparaît pas en tant que simple exécutant d’un ordre, mais comme un véritable opérateur qui engage la responsabilité du représenté dans une relation contractuelle.

L’absence de divulgation du représenté peut parfois soulever des interrogations sur la portée de l’engagement du représentant. Toutefois, la jurisprudence considère que dès lors que la volonté de représenter est évidente, la représentation fonctionne pleinement et produit ses effets dans le patrimoine du représenté.

==>Sanctions en cas d’absence d’intention de représenter

En l’absence de “contemplatio domini”, l’acte conclu par le représentant pourrait être interprété comme ayant été réalisé pour son propre compte, engageant ainsi sa responsabilité personnelle. Cette hypothèse s’illustre notamment dans les cas de contrats conclus par un prête-nom, où la dissimulation de la qualité de représentant entraîne des conséquences juridiques spécifiques (Cass. civ., 8 nov. 1926).

À l’inverse, lorsqu’un individu prétend agir en qualité de représentant sans en avoir réellement l’intention, la nullité de l’acte peut être prononcée. En ce sens, la Cour de cassation a jugé que la mauvaise foi du représentant pouvait être opposée au représenté, notamment dans les hypothèses où ce dernier avait connaissance de la fraude (Cass. 3e civ., 5 juill. 2018, n° 17-20.121).

3. Le pouvoir de représentation

L’exercice de la représentation repose sur l’existence d’un pouvoir permettant au représentant d’agir au nom et pour le compte du représenté. Ce pouvoir, qui constitue le fondement même de la représentation, peut être défini comme la prérogative conférée à une personne afin qu’elle accomplisse des actes juridiques dont les effets s’imputeront directement au représenté. Il convient d’examiner, d’une part, la notion de pouvoir et, d’autre part, les différentes modalités de son habilitation.

3.1. Notion de pouvoir

a. Définition

Le pouvoir conféré au représentant est une prérogative juridique qui lui permet d’accomplir des actes juridiques pour autrui, en engageant directement le patrimoine du représenté. Il ne s’agit donc pas d’un simple exercice personnel d’un droit, mais bien d’une faculté d’intervention conférée au représentant en vertu d’un mécanisme qui, selon Pothier, se justifie par la nécessité d’agir au nom d’autrui lorsque celui-ci ne peut le faire lui-même[23].

Selon une définition classique, le pouvoir peut être envisagé comme la capacité d’exprimer une volonté propre à produire des effets contraignants pour un tiers[24]. Cette approche s’inscrit dans la continuité des travaux de Planiol et Ripert, qui considéraient que le pouvoir juridique est une délégation de volonté permettant d’imputer directement les effets d’un acte à une personne distincte du signataire.

Toutefois, cette notion a fait l’objet de critiques. Elle est parfois perçue comme une simple constatation ex post de la validité d’un acte accompli, plutôt qu’une condition préalable à l’exercice de la représentation. La doctrine classique, en particulier Troplong et Baudry-Lacantinerie, soulignait déjà que le pouvoir n’existait que pour autant qu’un acte juridique pouvait être rattaché au représenté.

Néanmoins, la réforme du droit des contrats a consacré l’importance du pouvoir de représentation, en l’intégrant dans le droit commun des obligations. L’article 1153 du Code civil affirme ainsi que le représentant ne peut engager le représenté qu’en vertu d’un pouvoir qui lui a été donné à cet effet, confirmant le caractère central de cette notion dans la théorie juridique des actes accomplis pour autrui.

b. Distinctions

i. Pouvoir de représentation et pouvoirs propres

La notion de pouvoir en droit privé recouvre des réalités distinctes qu’il convient de ne pas confondre. Si le pouvoir de représentation permet au représentant d’agir au nom et pour le compte du représenté, certains pouvoirs sont exercés en nom propre, bien qu’ils bénéficient indirectement à un tiers. Cette distinction est essentielle, car elle détermine l’imputation des effets juridiques des actes accomplis.

==>Exposé de la distinction

  • Les pouvoirs de représentation : une délégation de volonté
    • Les pouvoirs de représentation impliquent que le représentant n’agit pas en son nom, mais qu’il exprime la volonté d’un tiers qui sera directement lié par l’acte accompli.
    • Ce pouvoir repose sur une délégation explicite ou implicite, qui peut résulter :
      • D’une convention : tel est le cas du mandataire, qui reçoit d’un mandant le pouvoir d’agir en son nom (art. 1984 C. civ.). L’étendue de ce pouvoir est déterminée par le contrat et peut être générale (lorsqu’il concerne toutes les affaires du représenté) ou spéciale (limitée à un ou plusieurs actes précis).
      • De la loi : certains représentants tiennent leurs pouvoirs directement d’un texte législatif. Ainsi, les administrateurs légaux (art. 387-1 C. civ.), les tuteurs (art. 496 C. civ.) ou encore les mandataires judiciaires d’un majeur protégé (art. 433 C. civ.) exercent leurs fonctions en vertu de règles qui leur confèrent expressément le pouvoir d’agir pour le compte d’autrui.
      • D’une décision judiciaire : l’autorité judiciaire peut conférer un pouvoir de représentation lorsqu’un individu est empêché d’exercer ses droits, par exemple lorsque le juge habilite un époux à représenter son conjoint hors d’état de manifester sa volonté (art. 216 C. civ.).
    • Dans toutes ces hypothèses, le représentant agit comme un intermédiaire juridique, et les actes qu’il accomplit sont directement rattachés à la personne du représenté.
    • Le pouvoir de représentation n’a donc pas d’autonomie propre : il est exercé dans l’intérêt exclusif du représenté et ne produit d’effets qu’à son égard.
  • Les pouvoirs propres : une autonomie d’action
    • À l’inverse, certains pouvoirs sont exercés en nom propre, bien qu’ils profitent indirectement à autrui.
    • Ces pouvoirs ne procèdent pas d’une délégation de volonté, mais d’une prérogative autonome conférée à une personne qui, bien qu’agissant dans l’intérêt d’un tiers, ne le représente pas juridiquement.
    • Ainsi, l’exécuteur testamentaire exerce les pouvoirs qui lui sont conférés par le testateur, mais il n’agit ni au nom du défunt, ni au nom des héritiers (art. 1026 s. C. civ.).
    • Son rôle est d’assurer l’exécution des dernières volontés du défunt, et il dispose pour cela de prérogatives spécifiques qui lui sont propres.
    • En conséquence, les actes qu’il accomplit engagent sa propre responsabilité et ne sont pas directement imputables aux héritiers.
    • De même, le syndic de copropriété est investi de pouvoirs d’administration et de gestion de l’immeuble sans pour autant représenter individuellement chaque copropriétaire (L. n° 65-557 du 10 juillet 1965, art. 18).
    • Il prend des décisions qui affectent la copropriété dans son ensemble, mais les effets de ses actes ne se rattachent pas directement aux copropriétaires en tant qu’individus.Il agit donc en vertu de pouvoirs propres, et non d’un mandat de représentation.
    • Dans le même esprit, les dirigeants sociaux exercent ce que la doctrine qualifie de « représentation organique » : ils n’expriment pas la volonté d’un mandant, mais incarnent la personne morale qu’ils dirigent.
    • Lorsqu’un dirigeant engage une société, il n’agit pas en tant que représentant au sens strict du mandat, mais en tant qu’organe de la société, habilité à exprimer sa volonté propre.

==>Conséquences pratiques de la distinction

Cette distinction entre pouvoirs de représentation et pouvoirs propres n’est pas qu’une subtilité doctrinale. Elle emporte des conséquences importantes en matière de responsabilité et d’opposabilité des actes :

  • Opposabilité aux tiers
    • Dans la représentation, les actes du représentant s’imposent directement au représenté.
    • Par exemple, si un mandataire contracte une vente en son nom et pour le compte du mandant, c’est ce dernier qui est tenu par l’obligation.
    • Dans l’exercice de pouvoirs propres, l’auteur de l’acte reste personnellement engagé, même si l’acte bénéficie à un tiers.
    • Ainsi, un syndic de copropriété qui souscrit un contrat d’entretien ne représente pas individuellement les copropriétaires : c’est le syndicat des copropriétaires, en tant qu’entité distincte, qui est engagé.
  • Responsabilité
    • Le représentant n’engage pas sa responsabilité personnelle, sauf en cas de dépassement de pouvoir ou de faute lourde.
    • Le représenté est le véritable débiteur des obligations contractées.
    • À l’inverse, celui qui exerce un pouvoir propre répond personnellement des actes accomplis, car il est juridiquement l’auteur de ces actes.
    • Un dirigeant social qui abuse de ses pouvoirs engage ainsi sa responsabilité personnelle à l’égard de la société et des tiers.
  • Faculté de délégation
    • Un pouvoir de représentation peut être délégué, sous réserve que l’acte constitutif du pouvoir l’autorise (ex. : le mandataire peut désigner un sous-mandataire si cela est prévu dans le contrat).
    • En revanche, un pouvoir propre ne peut être cédé sans autorisation. Un exécuteur testamentaire ne peut transmettre son rôle à un tiers, sauf si le testateur l’a expressément prévu.

Ainsi, si la représentation est un mécanisme visant à imputer les effets d’un acte à une autre personne, les pouvoirs propres confèrent une autonomie juridique à celui qui les exerce, même lorsque son action bénéficie à autrui. Il en résulte des régimes distincts en matière d’engagements, de responsabilité et d’effets à l’égard des tiers, ce qui justifie la nécessité d’opérer une distinction rigoureuse entre ces deux catégories de pouvoirs.

==>Représentation de volonté et représentation organique

Si la représentation classique repose sur une délégation de pouvoir permettant à un individu d’agir au nom et pour le compte d’un tiers, la représentation organique propre aux personnes morales s’en distingue fondamentalement. Les dirigeants sociaux n’agissent pas en qualité de simples mandataires, mais en tant qu’organes de la personne morale, investis d’un pouvoir propre d’expression de la volonté sociale.

Dans le cadre de la représentation classique, le représentant est un intermédiaire juridique : il n’engage pas sa propre volonté, mais celle du représenté. À l’inverse, dans la représentation organique, l’organe social ne fait pas que retransmettre la volonté d’un tiers : il exprime la volonté propre de la personne morale, qu’il incarne juridiquement. Cette distinction a été consacrée par la doctrine, notamment par Gérard Martin, qui souligne que le dirigeant « ne se contente pas d’agir pour le compte de la société : il est la voix et la main par lesquelles elle s’exprime et agit »[25].

Ainsi, lorsqu’un gérant de SARL, un président de SAS ou un directeur général de SA conclut un contrat, il ne le fait pas au nom d’un mandant préexistant, mais en tant qu’organe exerçant un pouvoir directement conféré par la loi ou les statuts (art. 1843-5 C. civ.). De ce fait, les actes qu’il accomplit engagent immédiatement la société, sans qu’il soit nécessaire de prouver un mandat préalable ou une délégation de pouvoir.

Contrairement à un représentant classique qui peut être librement révoqué par le représenté, les pouvoirs du dirigeant social sont encadrés par la loi et les statuts. Ils ne peuvent être limités dans leurs effets à l’égard des tiers que dans des conditions strictement définies, notamment en cas d’abus de pouvoir ou de dépassement des limites statutaires.

Aussi, en application du principe de l’opposabilité des actes aux tiers de bonne foi (art. 1158 C. civ.), la société demeure engagée par les actes passés par son représentant légal, même si ceux-ci dépassent les pouvoirs qui lui ont été attribués en interne. Cette règle vise à protéger la sécurité des transactions et la stabilité des relations d’affaires.

Par ailleurs, contrairement au mandataire classique, qui doit justifier de l’étendue de son pouvoir, le dirigeant social tire directement son habilitation du texte fondateur de la société. Il n’a pas besoin d’un acte de désignation spécifique pour justifier de sa capacité à engager la société.

Cette autonomie d’action explique que les dirigeants sociaux soient soumis à un régime de responsabilité propre, distinct de celui des mandataires classiques. Ils ne peuvent être tenus personnellement responsables des engagements sociaux que dans des cas exceptionnels, notamment en cas de faute de gestion, d’abus de biens sociaux ou de dépassement manifeste de leurs pouvoirs.

La distinction entre pouvoir de représentation et pouvoir propre se retrouve également dans l’articulation entre les organes de direction et les organes de contrôle.

  • Les dirigeants exécutifs (président, directeur général, gérant, etc.) sont les véritables représentants de la société dans ses relations avec les tiers.
  • Les organes de contrôle (conseil d’administration, conseil de surveillance, commissaires aux comptes), bien qu’intervenant dans la gestion de la société, n’exercent pas une fonction de représentation au sens strict : ils disposent de pouvoirs propres de surveillance et de contrôle, qui ne se confondent pas avec un mandat classique de représentation.

De même, les associés ou actionnaires, bien qu’ils participent à la prise de décision, n’ont pas individuellement le pouvoir d’engager la société, sauf en cas d’action sociale ut singuli (art. 1843-5 C. civ.).

3.2. Source du pouvoir

L’exercice du pouvoir de représentation suppose une habilitation préalable, laquelle peut être d’origine légale, judiciaire ou conventionnelle. Cette habilitation constitue la source du pouvoir du représentant et conditionne la validité des actes qu’il accomplit au nom et pour le compte du représenté.

a. Les différentes sources de pouvoir

==>L’habilitation légale

Dans certains cas, la loi attribue directement un pouvoir de représentation sans qu’aucun acte juridique préalable ne soit nécessaire. Cette forme d’habilitation est automatique et découle du statut même du représentant.

Tel est le cas des parents administrateurs légaux qui gèrent les biens de leurs enfants mineurs non émancipés (art. 387-1 C. civ.). De même, le tuteur d’un mineur ou d’un majeur protégé est investi d’un pouvoir général d’administration des biens de la personne protégée (C. civ., art. 496).

D’autres situations relèvent de l’habilitation légale, bien que le pouvoir du représentant soit plus limité. Ainsi, le gérant d’affaires peut intervenir en l’absence d’un mandat exprès, mais son action doit se limiter aux actes nécessaires dans l’intérêt du représenté.

Dans tous ces cas, le représentant n’a pas besoin de justifier d’un acte spécifique de nomination : son pouvoir lui est directement attribué par la loi, et ses décisions s’imposent au représenté sans que ce dernier ait besoin de les approuver.

==>L’habilitation judiciaire

Dans d’autres situations, le pouvoir de représentation ne découle pas directement de la loi mais nécessite une intervention judiciaire. Le juge est alors amené à désigner un représentant lorsque le représenté est incapable d’exprimer sa volonté ou dans l’impossibilité d’agir lui-même.

Cette hypothèse concerne notamment :

  • Le conjoint empêché d’exprimer sa volonté, auquel cas le juge peut habiliter son époux ou épouse à le représenter pour certains actes patrimoniaux (art. 216 s. C. civ.).
  • L’indivisaire hors d’état de manifester sa volonté, pour lequel un mandataire judiciaire peut être désigné afin d’administrer ses droits indivis (815-4 C. civ.).
  • Le mandataire judiciaire d’une procédure collective, investi d’un pouvoir d’administration sur les biens du débiteur en liquidation judiciaire afin de préserver les intérêts des créanciers.

Dans ces situations, le juge définit l’étendue des pouvoirs du représentant : ceux-ci peuvent être généraux (gestion courante du patrimoine) ou limités à certains actes spécifiques. Le pouvoir de représentation ne peut excéder ce que la décision judiciaire a expressément prévu, garantissant ainsi une protection optimale du représenté.

==>L’habilitation conventionnelle

Enfin, l’habilitation du représentant peut être conventionnelle, résultant d’un accord conclu entre le représenté et son représentant. Dans ce cadre, c’est la volonté des parties qui définit les pouvoirs conférés au représentant.

L’exemple le plus emblématique est le mandat, par lequel une personne (le mandant) charge une autre personne (le mandataire) d’accomplir un ou plusieurs actes en son nom (art. 1984 s. C. civ.). Le mandat peut être :

  • Spécial, lorsque le mandataire est habilité à accomplir un acte déterminé (ex. : vente d’un bien immobilier).
  • Général, lorsqu’il porte sur l’ensemble des affaires du mandant.

D’autres contrats peuvent conférer des pouvoirs de représentation, comme :

  • La commission, où le commissionnaire agit pour le compte du commettant sans nécessairement révéler son identité (JCl. Commercial, fasc. 360).
  • Le mandat de protection future, permettant d’anticiper une situation d’incapacité en désignant un mandataire chargé de gérer les affaires du représenté (C. civ., art. 477).

Dans tous ces cas, l’étendue des pouvoirs du représentant est définie par la convention qui les établit. En cas de litige, son interprétation se fait à la lumière des règles générales d’interprétation des contrats, notamment les articles 1359 et suivants du Code civil.

b. L’absence d’habilitation

Si un individu agit comme représentant sans disposer d’un pouvoir valide, l’acte qu’il accomplit est en principe inopposable au représenté, sauf dans deux cas :

  • Ratification ultérieure : le représenté peut confirmer rétroactivement l’acte accompli sans pouvoir, lui conférant ainsi une pleine efficacité juridique. Cette ratification peut être expresse (par écrit, par exemple) ou tacite (par l’exécution volontaire de l’acte).
  • Théorie de l’apparence : si le comportement du représenté a fait naître chez un tiers une croyance légitime dans l’existence du pouvoir, ce dernier peut invoquer l’apparence pour faire valoir ses droits. Ainsi, un tiers de bonne foi peut être protégé contre les effets d’un défaut de pouvoir si l’attitude du représenté a laissé croire qu’un mandat existait (Cass. 1re civ., 2 févr. 1966).

C) Les conditions relatives au représenté

La représentation ne peut exister que si elle se rapporte à une personne juridiquement identifiable et titulaire de droits. Dès lors, le représenté doit remplir plusieurs conditions essentielles qui tiennent à son existence juridique et sa capacité à être représenté.

1. L’existence juridique du représenté

Pour qu’une représentation soit possible, le représenté doit exister juridiquement, c’est-à-dire être une personne physique ou morale dotée de la personnalité juridique. Cette exigence repose sur le principe fondamental selon lequel on ne peut exercer des droits pour le compte d’un être ou d’une entité dépourvue de personnalité.

==>La représentation d’un défunt

En principe, il est impossible d’accomplir un acte juridique au nom d’une personne décédée, la mort entraînant l’extinction de la personnalité juridique. Toute action introduite en justice au nom d’un défunt est donc irrecevable et doit être déclarée inexistante (Cass. 2e civ., 19 mai 1980).

Toutefois, certaines exceptions limitées existent :

  • Mandat posthume : en mandat peut être stipulé pour survivre au décès du mandant (art. 2003 C. civ.). Ce mécanisme, qui doit répondre à un intérêt sérieux et légitime, permet au mandataire d’administrer les biens du défunt après sa mort pour le compte des héritiers (art. 812 s. C. civ.).
  • Exécution d’un contrat conclu avant le décès : en application de l’article 2008 du Code civil, les actes accomplis par un mandataire qui ignorait la mort du mandant restent valides.
  • Reprise d’actions par les héritiers : si une action a été initiée avant le décès, elle peut se poursuivre au profit des héritiers, ceux-ci devenant alors les véritables demandeurs (Cass. crim., 12 oct. 1995).

==>La représentation d’un être non encore né

Si une personne qui n’est plus, ne peut en principe être représentée, une exception est admise pour les enfants conçus mais non encore nés. Selon l’adage infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus agitur, l’enfant conçu est réputé né chaque fois que cela lui profite. Il peut donc hériter (art. 725 C. civ.), recevoir une donation ou un legs (art. 906 C. civ.) et bénéficier des effets d’actes accomplis en son nom.

==>La représentation d’une société en formation

Une société n’acquiert la personnalité morale qu’à compter de son immatriculation. Dès lors, les actes accomplis avant cette date ne sont pas directement opposables à la société. Toutefois, le Code de commerce (art. L. 210-6 et art. 1843 C. civ.) prévoit un mécanisme de reprise, par lequel la société peut ratifier les engagements pris pour son compte. Cette ratification entraîne une fiction juridique : l’acte est réputé avoir été conclu dès l’origine par la société elle-même.

2. La capacité du représenté

Si l’existence juridique est un préalable incontournable, encore faut-il que le représenté soit titulaire des droits mis en œuvre par le représentant. Cette condition se traduit par l’exigence d’une capacité de jouissance, laquelle peut varier en fonction de la nature de la représentation.

La capacité de jouissance, définie comme l’aptitude à être titulaire de droits et obligations, est une condition essentielle. Une personne frappée d’une incapacité de jouissance ne peut être représentée que dans la mesure où elle possède les droits en question.

Par exemple :

  • Une personne sous curatelle ou tutelle peut être représentée pour gérer son patrimoine, mais elle ne peut pas être représentée pour tester ou consentir une donation si elle est frappée d’une incapacité de jouissance.
  • La capacité de recevoir une donation s’apprécie dans la personne du représenté, car c’est lui qui bénéficiera des effets de l’acte.

Dans les cas de représentation conventionnelle, le représenté doit en principe avoir la capacité de conclure le contrat par lequel il confère un pouvoir au représentant. Toutefois, des tempéraments existent, notamment en matière de gestion d’affaires, où la capacité du représenté est indifférente dès lors que l’acte est utile.

IV) L’étendue de la représentation

La portée de la représentation dépend de son origine, qu’elle soit légale, judiciaire ou conventionnelle, et détermine l’étendue des pouvoirs du représentant ainsi que le maintien ou la perte des prérogatives du représenté.

A) Le dessaisissement en cas de représentation légale ou judiciaire

Lorsqu’un représentant est désigné par la loi ou par une décision judiciaire, le représenté se trouve privé du pouvoir d’accomplir les actes relevant de cette représentation. Ce dessaisissement, qui s’impose de plein droit, a pour finalité d’assurer la protection du représenté, qu’il s’agisse d’un mineur sous tutelle, d’un majeur placé sous sauvegarde de justice ou encore d’un débiteur en liquidation judiciaire.

L’article 1159, alinéa 1 du Code civil consacre ce principe en disposant que «l’établissement d’une représentation légale ou judiciaire dessaisit pendant sa durée le représenté des pouvoirs transférés au représentant».

Ce dessaisissement est particulièrement marqué en matière de procédures collectives. Ainsi, le liquidateur judiciaire, représentant du débiteur en faillite, se substitue à lui pour l’ensemble des actes relatifs à son patrimoine. À ce titre, il peut accéder à toutes les informations patrimoniales du débiteur, y compris celles couvertes par le secret professionnel (Cass. com., 23 oct. 2019, n° 18-15.280).

Dans le cadre d’une tutelle, le tuteur dispose des pouvoirs conférés par la loi et prend les décisions à la place du majeur protégé, lequel ne peut agir seul que pour les actes strictement personnels ou autorisés par la loi (art. 496 s. C. civ.).

B) Absence de dessaisissement en cas de représentation conventionnelle

À l’inverse, dans la représentation conventionnelle, le représenté ne perd pas la faculté d’agir sur ses propres droits. L’article 1159, alinéa 2 du Code civil prévoit que le représenté conserve la possibilité d’exercer lui-même les actes confiés à son mandataire, sauf stipulation contraire.

Cela signifie qu’un mandant peut toujours intervenir directement dans les affaires qu’il a confiées à son mandataire. Par exemple, si une personne a donné procuration pour vendre un bien immobilier, elle conserve le droit de vendre elle-même ce bien, ce qui peut conduire à une révocation implicite du mandat (art. 2004 C. civ.).

Toutefois, le contrat de représentation peut restreindre cette liberté en prévoyant une exclusivité d’intervention du mandataire. Une telle clause doit être rédigée avec précaution pour éviter toute ambiguïté sur l’étendue des pouvoirs accordés.

C) Délimitation des pouvoirs du représentant

La détermination des pouvoirs du représentant est essentielle en droit de la représentation. Le législateur distingue les actes d’administration, qui peuvent être accomplis sur la base d’un pouvoir général, des actes de disposition, qui nécessitent au contraire une habilitation spéciale.

==>Un pouvoir général et actes d’administration

Lorsqu’un représentant reçoit un pouvoir général, son action est limitée aux actes d’administration et aux actes conservatoires. L’article 1155 du Code civil précise que, à défaut de stipulation contraire, un pouvoir général ne permet d’accomplir que des actes conservatoires et d’administration. Cette règle, qui trouve son équivalent en matière de mandat à l’article 1988 du Code civil, repose sur l’idée que les actes d’administration ne modifient pas durablement la consistance du patrimoine du représenté et n’engendrent pas de risque économique important.

Les actes d’administration comprennent notamment :

  • La gestion courante du patrimoine : conclusion et renouvellement de baux d’habitation, perception de loyers, souscription d’un contrat d’assurance.
  • L’entretien et la conservation des biens : réalisation de travaux de réparation courante, remplacement d’équipements usés.
  • La gestion d’un portefeuille d’actifs (hors décisions de cession substantielles).

Le pouvoir général permet donc au représentant d’assurer la gestion courante des biens du représenté sans besoin d’une autorisation spécifique pour chaque acte.

==>Un pouvoir spécial et actes de disposition

À l’inverse, lorsqu’un représentant doit accomplir un acte de disposition, il doit impérativement être investi d’un pouvoir spécial. L’article 1155 du Code civil dispose que le représentant ne peut accomplir un acte de disposition que s’il a reçu une habilitation expresse à cet effet. Cette exigence est également rappelée à l’article 1988 du Code civil, qui prévoit que lorsqu’un mandat est rédigé en termes généraux, il ne couvre que les actes d’administration. Pour accomplir un acte de disposition, une mention spécifique est donc indispensable.

Les actes de disposition recouvre tous les actes qui entraînent une transmission ou une charge durable sur le patrimoine du représenté, notamment :

  • La vente d’un bien immobilier ou d’un fonds de commerce.
  • L’octroi d’une hypothèque ou d’un nantissement sur un bien du représenté.
  • La souscription d’un emprunt au nom du représenté.
  • La cession d’actions ou de parts sociales ayant une incidence significative sur la gouvernance d’une société.
  • L’acceptation ou la renonciation à une succession.

Ces actes, par leur gravité et leurs conséquences sur le patrimoine du représenté, ne peuvent être accomplis que si le représentant a reçu une autorisation expresse, laquelle doit être précise et détaillée.

D) La prévention des risques liés à l’absence de pouvoir

L’efficacité d’un acte juridique repose sur la capacité de celui qui le conclut à engager la personne pour le compte de laquelle il agit. Toutefois, l’incertitude quant à l’étendue des pouvoirs d’un représentant peut générer un risque juridique considérable, tant pour le représenté, qui pourrait se voir tenu d’exécuter un acte irrégulier, que pour le tiers contractant, dont les droits pourraient être remis en cause. Afin d’apporter une réponse à cette difficulté, le législateur a introduit, par la réforme de 2016, un mécanisme préventif : l’action interrogatoire, régie par l’article 1158 du Code civil.

Ce dispositif permet au tiers contractant, en cas de doute sur l’étendue des pouvoirs du représentant, d’interpeller formellement le représenté afin d’obtenir une clarification avant la conclusion de l’acte. À défaut de réponse dans le délai imparti, le représentant est réputé habilité à agir. L’objectif est d’assurer la sécurité des transactions en conférant une présomption d’habilitation tout en incitant les parties à une plus grande vigilance.

1. Un dispositif préventif au service de la sécurité juridique

==>Contenu du dispositif

L’action interrogatoire se distingue des autres mécanismes de régularisation des actes irréguliers en ce qu’elle intervient en amont de la conclusion du contrat. Elle permet ainsi d’éviter qu’un acte soit ultérieurement frappé d’inopposabilité ou de nullité pour défaut ou dépassement de pouvoir. Ce mécanisme repose sur une logique simple : offrir au tiers la possibilité d’obtenir une confirmation explicite de l’étendue des pouvoirs du représentant afin de lever toute incertitude.

L’article 1158 du Code civil prévoit que le tiers qui envisage de conclure un acte avec un représentant peut demander par écrit au représenté de lui confirmer, dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, que le représentant dispose bien des pouvoirs nécessaires. Cet écrit peut revêtir diverses formes : une lettre recommandée avec accusé de réception, un courriel ou tout autre moyen permettant d’en conserver la preuve. La loi n’impose pas de formalisme rigoureux, mais il appartient au tiers de veiller à ce que son interpellation soit rédigée de manière explicite et incontestable.

Deux mentions obligatoires doivent figurer dans cette mise en demeure :

  • Le délai imparti au représenté pour répondre, qui doit être raisonnable afin de garantir l’équilibre des intérêts en présence.
  • L’effet du silence du représenté, qui vaut confirmation tacite des pouvoirs du représentant.

==>Critiques

Si l’action interrogatoire constitue un outil précieux pour sécuriser les transactions, son efficacité n’est pas exempte de critiques. L’un des principaux reproches adressés à ce mécanisme tient à la dérogation au principe selon lequel le silence ne vaut pas consentement en droit civil. En effet, l’article 1158 introduit une exception de taille en posant que le silence du représenté emporte validation des pouvoirs du représentant.

Certains auteurs ont souligné le risque d’une utilisation abusive de cette mise en demeure interrogatoire, qui pourrait être détournée à des fins opportunistes. Un tiers mal intentionné pourrait en effet adresser une demande dans des conditions peu claires ou dans un délai déraisonnable, dans l’espoir d’obtenir une confirmation tacite résultant du silence du représenté. Cette perspective soulève des interrogations quant à la protection du représenté, qui pourrait voir ses droits affectés simplement par une absence de réaction dans les délais impartis.

De plus, il demeure incertain si la présomption d’habilitation qui découle du silence du représenté est absolue ou si celui-ci pourrait ultérieurement contester son effet en démontrant que son absence de réponse ne pouvait raisonnablement être interprétée comme une validation. La jurisprudence sera amenée à préciser les contours de cette règle, notamment dans les cas où le représenté n’a pas eu connaissance effective de l’interpellation ou lorsque des circonstances particulières justifient qu’il n’ait pas répondu dans le délai imparti.

2. Les effets de la mise en demeure interrogatoire

L’article 1158 du Code civil attache une conséquence déterminante à l’absence de réponse du représenté dans le délai fixé : le représentant est alors présumé habilité à conclure l’acte. Ce silence, qui vaut acceptation, confère une sécurité juridique au tiers contractant en empêchant le représenté de contester ultérieurement l’acte au motif d’un défaut de pouvoir.

Si le représenté répond à la mise en demeure :

  • En confirmant les pouvoirs du représentant, l’acte pourra être conclu en toute sécurité.
  • En contestant ces pouvoirs, le tiers est informé du risque et pourra ajuster son comportement en conséquence, soit en renonçant à contracter, soit en exigeant une régularisation préalable.

Ce mécanisme vise donc à prémunir le tiers contre les incertitudes liées au pouvoir du représentant, tout en imposant une certaine discipline au représenté, qui ne peut se contenter d’une passivité stratégique pour se réserver la possibilité de contester ultérieurement l’acte.

3. Une obligation implicite de diligence pour le tiers contractant ?

Si l’action interrogatoire est présentée comme une simple faculté laissée à la discrétion du tiers, on peut se demander si son utilisation ne pourrait pas, dans certains cas, devenir une obligation implicite. En effet, dans l’hypothèse où un doute sérieux existe quant aux pouvoirs du représentant, ne pas recourir à l’article 1158 pourrait être perçu comme une négligence susceptible d’engager la responsabilité du tiers.

Ainsi, dans certaines situations, un professionnel (notaire, avocat, banquier, etc.) qui conclut un acte avec un représentant dont les pouvoirs sont incertains sans avoir procédé à une interpellation préalable pourrait voir sa responsabilité engagée pour imprudence. Cette interprétation, qui reste encore à être confirmée par la jurisprudence, met en lumière la portée potentiellement contraignante de ce mécanisme, qui pourrait s’imposer comme une précaution incontournable dans la gestion du risque contractuel.

V) Les effets de la représentation

Le mécanisme de la représentation se caractérise par une imputation directe des effets juridiques sur la tête du représenté. Lorsqu’un représentant agit au nom et pour le compte du représenté, c’est ce dernier qui est directement engagé par l’acte accompli, sans que le représentant ne soit lui-même personnellement lié. Il convient toutefois d’opérer une distinction entre les effets internes, qui régissent les rapports entre le représentant et le représenté, et les effets externes, qui concernent les tiers.

A) Les effets dans les rapports entre le représenté et le représentant

La relation entre le représenté et le représentant est régie par un cadre juridique qui fait peser sur ce dernier un ensemble d’obligations visant à garantir la protection des intérêts du représenté. Ces obligations trouvent leur fondement dans les principes généraux du droit des obligations et s’expriment à travers trois exigences fondamentales : la diligence, la loyauté et l’obligation de rendre compte. Le manquement à ces devoirs peut entraîner la mise en cause de la responsabilité du représentant et, dans certains cas, la remise en cause des actes accomplis en son nom.

1. Le devoir de diligence et de loyauté du représentant

a. Une obligation d’agir avec soin et prudence

Le représentant est assujetti à un devoir de diligence, qui l’oblige à exercer sa mission avec le soin d’un bon père de famille. Il ne saurait se contenter d’un rôle passif ou négligent dans l’accomplissement des actes qu’il réalise pour le compte du représenté. Ce devoir de diligence implique notamment que le représentant :

  • Agisse en conformité avec les instructions reçues, sous réserve des limites imposées par la loi ou l’intérêt du représenté ;
  • Ne dépasse pas l’étendue du pouvoir qui lui a été conféré, sous peine d’engager sa responsabilité ;
  • Évalue les conséquences des actes qu’il accomplit, notamment lorsque ceux-ci peuvent avoir des implications patrimoniales importantes.

En matière de mandat, cette exigence se traduit par l’obligation pour le mandataire d’exécuter sa mission avec toute la compétence et la prudence requises, conformément à l’article 1992 du Code civil.

Dans le cadre d’une tutelle, cette exigence s’impose au tuteur, tenu de prendre toutes les mesures nécessaires à la préservation des intérêts du majeur protégé (art. 496 et 510 C. civ.).

b. L’exigence de loyauté et la prévention des conflits d’intérêts

L’article 1161 du Code civil, introduit par l’ordonnance du 10 février 2016, a marqué une évolution majeure du droit de la représentation en érigeant en principe général l’interdiction des conflits d’intérêts. Cette disposition vise à préserver l’intégrité de la représentation en empêchant qu’une même personne puisse simultanément représenter des intérêts contradictoires. Elle consacre ainsi l’un des fondements essentiels du devoir de loyauté du représentant.

Ce principe n’était pas totalement étranger au droit positif avant la réforme. Il existait déjà, notamment dans des disciplines spécifiques comme la déontologie des avocats (décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005) ou encore en droit public, où la Commission Sauvé avait défini le conflit d’intérêts comme « le conflit entre la mission publique et les intérêts privés d’un agent public, dans lequel l’agent public possède à titre privé des intérêts qui pourraient influencer indûment la façon dont il s’acquitte de ses obligations et de ses responsabilités ». L’extension de cette interdiction au droit civil était toutefois attendue afin de combler un vide juridique et de garantir une meilleure protection des représentés.

L’article 1161 prohibe désormais deux types de conflits d’intérêts :

  • Le fait pour un représentant d’agir pour le compte des deux parties à un même contrat lorsqu’il existe une opposition d’intérêts ;
  • Le fait pour un représentant de contracter avec lui-même au nom du représenté, sauf autorisation ou ratification expresse de ce dernier.

Ces interdictions traduisent l’idée selon laquelle une même personne ne saurait défendre efficacement des intérêts objectivement antagonistes. Lorsqu’un représentant est en situation de conflit d’intérêts, l’indépendance et l’impartialité requises pour exercer ses fonctions sont compromises, ce qui peut entraîner un préjudice pour le représenté.

i. Le principe d’interdiction du conflit d’intérêts

L’interdiction posée par l’article 1161 du Code civil trouve son fondement dans la nécessité d’assurer une représentation intègre et désintéressée. Cette exigence est particulièrement importante lorsque le représentant agit pour le compte de plusieurs parties au sein d’un même contrat. Le risque principal est que l’une des parties représentées ne soit pas défendue avec la même vigueur que l’autre, voire que le représentant exploite sa position pour en tirer un avantage personnel.

Le texte initial de l’ordonnance du 10 février 2016 interdisait de manière générale à un représentant d’agir pour les deux parties à un contrat ou de contracter avec lui-même. Toutefois, cette formulation s’est révélée problématique dans certains domaines, notamment en droit des sociétés, où de telles situations sont fréquentes et encadrées par des dispositifs spécifiques.

Dans la vie des affaires, il est en effet courant qu’un même dirigeant représente plusieurs sociétés parties à un même contrat ou qu’il contracte avec la société qu’il dirige. Par exemple, un gérant de SARL peut être amené à conclure un contrat entre la société qu’il représente et une autre entreprise dont il est également dirigeant. De même, dans les groupes de sociétés, des conventions sont souvent conclues entre sociétés appartenant au même groupe, impliquant un même représentant pour chacune d’elles.

Afin de ne pas remettre en cause ces pratiques courantes, la loi de ratification du 20 avril 2018 a restreint le champ d’application de l’article 1161 en précisant qu’il ne concerne que la représentation des personnes physiques. Ainsi, la règle ne s’applique pas aux dirigeants de sociétés ou aux représentants des personnes morales, qui restent soumis aux dispositifs spécifiques du droit des sociétés, notamment en matière de conventions réglementées.

Cette clarification était essentielle pour éviter une interférence entre le droit commun de la représentation et les règles particulières du droit des sociétés. En effet, pour certaines formes de sociétés (SARL, SA, SAS, SCA), la loi prévoit déjà des mécanismes de contrôle des conventions conclues avec les dirigeants afin d’éviter les abus. Ces conventions, dites “réglementées”, sont soumises à des procédures d’autorisation et d’approbation par les organes sociaux compétents (C. com., art. L. 223-19 pour les SARL, L. 225-38 pour les SA et L. 227-10 pour les SAS). Dès lors, l’application cumulative de l’article 1161 du Code civil aurait entraîné des incertitudes et des contradictions avec ces dispositifs.

ii. Les tempéraments à l’interdiction du conflit d’intérêts

L’interdiction posée par l’article 1161 du Code civil ne revêt pas un caractère absolu. Le législateur a prévu deux tempéraments permettant d’écarter la nullité de l’acte en cas de conflit d’intérêts, à condition que certaines garanties soient respectées :

==>La permission de la loi

Dans certains domaines, le législateur a expressément admis que des situations de conflit d’intérêts puissent se produire sans que cela n’entraîne automatiquement la nullité de l’acte accompli. Ces hypothèses concernent notamment le droit des sociétés, où des mécanismes de contrôle spécifiques ont été instaurés pour encadrer les conventions conclues entre une société et son dirigeant.

Ainsi, les conventions réglementées, soumises à une procédure d’autorisation ou d’approbation par les organes sociaux compétents, constituent une exception au principe posé par l’article 1161. Ces procédures, prévues aux articles L. 223-19 du Code de commerce (SARL), L. 225-38 (SA) et L. 227-10 (SAS), permettent d’éviter que le dirigeant ne tire un avantage indu de sa position, tout en assurant le bon fonctionnement de l’entreprise.

De même, certaines représentations légales impliquant des mineurs ou des majeurs protégés peuvent donner lieu à des actes en situation de conflit d’intérêts, mais ceux-ci sont encadrés par des dispositifs spécifiques, tels que la nomination d’un subrogé tuteur (art. 454 C. civ.) chargé de défendre les intérêts du représenté.

==>La ratification par le représenté

Un conflit d’intérêts ne conduit pas nécessairement à l’annulation de l’acte lorsque le représenté décide de le valider en toute connaissance de cause. Cette validation peut prendre deux formes :

  • L’autorisation préalable : avant la conclusion de l’acte, le représenté peut donner son consentement exprès à l’opération, ce qui exclut toute contestation ultérieure fondée sur l’existence d’un conflit d’intérêts.
  • La ratification a posteriori : après la conclusion de l’acte, le représenté peut décider d’en confirmer la validité, ce qui lui confère un effet rétroactif et fait disparaître l’irrégularité initiale.

Ce mécanisme repose sur une logique protectrice : tant que le représenté conserve la possibilité de refuser ou d’approuver l’acte, le risque de manipulation ou d’abus est limité. Toutefois, en pratique, cette ratification doit être claire et sans équivoque afin d’éviter toute contestation ultérieure.

iii. La sanction du conflit d’intérêts

En cas de violation de l’article 1161, la sanction encourue est la nullité de l’acte. Cependant, le texte ne précise pas s’il s’agit d’une nullité absolue ou d’une nullité relative.

Toutefois, l’analyse des finalités de cette interdiction permet d’en déduire qu’il s’agit d’une nullité relative. En effet, la prohibition du conflit d’intérêts vise à protéger les intérêts du représenté. Or, en droit des obligations, lorsqu’une règle a pour objectif la protection d’une partie spécifique à un contrat, la nullité encourue est relative et ne peut être invoquée que par la personne protégée (le représenté). Cette analyse est confirmée par une lecture combinée des articles 1178 et 1181 du Code civil, qui précisent que seule la nullité absolue peut être invoquée par toute personne y ayant intérêt, alors que la nullité relative est réservée à la partie dont la protection est en jeu.

Ainsi, un acte accompli en violation de l’article 1161 ne peut être annulé que si le représenté en fait la demande. Il ne s’agit pas d’une nullité automatique, et le tiers contractant ne peut s’en prévaloir que si le représenté l’invoque.

2. L’obligation de rendre compte et la responsabilité du représentant

a. Une obligation de rendre compte de l’exécution du mandat

Le représentant doit informer le représenté de l’exécution de sa mission et justifier l’usage des pouvoirs qui lui ont été confiés. Ce principe, applicable à toutes les formes de représentation, est expressément consacré par plusieurs textes :

  • Le mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion (art. 1993 C. civ.) ;
  • Le tuteur doit justifier des actes accomplis dans l’intérêt du majeur protégé (art. 510 C. civ.) ;
  • Le liquidateur judiciaire doit fournir un rapport détaillé sur l’administration des biens du débiteur (art. L. 641-4 C. com.).

Le non-respect de cette obligation peut engager la responsabilité du représentant, notamment si des fautes de gestion ou des abus sont constatés.

b. La responsabilité du représentant en cas de faute

Le représentant engage sa responsabilité dès lors qu’il manque à ses devoirs ou agit en dehors du cadre de son pouvoir. La responsabilité peut être de plusieurs ordres :

  • Responsabilité civile pour faute
    • Lorsqu’un représentant agit au mépris des intérêts du représenté, il peut être tenu de réparer le préjudice causé. Tel est le cas :
      • Lorsqu’il dépasse l’étendue de ses pouvoirs et accomplit un acte qu’il n’était pas habilité à réaliser (art. 1156 C. civ.) ;
      • Lorsqu’il agit avec négligence ou imprudence, entraînant une perte pour le représenté (art. 1992 C. civ., pour le mandat) ;
      • Lorsqu’il se rend coupable de mauvaise gestion dans l’administration des biens qu’il représente (art. 496 C. civ., pour la tutelle).
  • Responsabilité pour dépassement de pouvoir
    • Si un représentant contracte un engagement au nom du représenté sans y être habilité, cet engagement est en principe inopposable au représenté. Cependant, le tiers contractant peut solliciter la ratification de l’acte par le représenté (art. 1156, al. 2 C. civ.).
  • Nullité des actes accomplis en violation du devoir de loyauté
    • La violation du devoir de loyauté, notamment en cas de conflit d’intérêts prohibé par l’article 1161 du Code civil, entraîne la nullité de l’acte accompli par le représentant, sauf si le représenté l’a autorisé ou ratifié après coup. Cette nullité étant destinée à protéger le représenté, elle est de nature relative.
  • Responsabilité pénale en cas d’abus
    • Dans certains cas, l’abus commis par le représentant peut revêtir une qualification pénale, notamment lorsqu’il y a abus de confiance ou escroquerie. Par exemple, un dirigeant social qui utilise les fonds de la société à des fins personnelles peut être poursuivi pour abus de biens sociaux (art. L. 241-3 C. com. pour les SARL, L. 242-6 C. com. pour les SA).

B) Les effets dans les rapports avec les tiers

La représentation ne se limite pas aux relations internes entre le représenté et le représentant. Elle produit également des effets dans les rapports avec les tiers, en déterminant qui est engagé par l’acte juridique accompli. L’article 1154 du Code civil opère une distinction fondamentale entre la représentation parfaite et la représentation imparfaite, selon que le représentant agit au nom et pour le compte du représenté ou en son propre nom.

1. La représentation parfaite : engagement direct du représenté

Dans le cas de la représentation parfaite, l’acte accompli par le représentant engage directement le représenté. Il en découle plusieurs conséquences :

  • Le représenté est immédiatement titulaire des droits et obligations résultant du contrat conclu par son représentant (Cass. com., 9 mai 1985). Contrairement à d’autres mécanismes juridiques où l’engagement initial doit être retransféré à un tiers, ici, l’acte produit ses effets sur la tête du représenté dès sa conclusion.
  • Le représentant est totalement transparent dans l’opération : il ne devient ni créancier ni débiteur de l’acte. Il ne peut pas exiger son exécution, ni en réclamer les bénéfices, ni en supporter les charges.
  • Le représenté conserve un pouvoir de contrôle : il est seul habilité à modifier, révoquer ou résilier le contrat.

Cette imputation directe distingue la représentation parfaite de certains autres mécanismes juridiques où l’auteur initial de l’acte reste engagé avant d’en retransmettre les effets. Parmi ces mécanismes, on peut citer :

  • Le mandat sans représentation : dans ce cas, le mandataire contracte en son propre nom et supporte temporairement les obligations avant de les retransmettre au mandant (exemple : le commissionnaire).
  • La commission : en matière commerciale, un commissionnaire achète ou vend des biens en son propre nom mais pour le compte de son commettant (C. com., art. L. 132-1).

L’article 1154 du Code civil a codifié cette distinction en disposant que lorsque le représentant agit dans les limites de son pouvoir et au nom du représenté, seul ce dernier est engagé.

2. La représentation imparfaite : engagement personnel du représentant

À l’inverse, dans la représentation imparfaite, le représentant contracte en son propre nom, bien qu’il agisse pour le compte du représenté. Il en résulte que le tiers n’a initialement aucun lien juridique avec le représenté, et que l’engagement repose en premier lieu sur le représentant.

L’article 1154, alinéa 2, du Code civil prévoit cette hypothèse en précisant que lorsque le représentant déclare agir pour le compte d’autrui mais contracte en son propre nom, il est seul tenu à l’égard du cocontractant. Ce cas concerne plusieurs situations particulières :

  • Le prête-nom : une personne conclut un contrat en son propre nom, alors qu’elle agit en réalité pour un tiers. Tant que l’identité du véritable bénéficiaire n’est pas révélée ou reconnue, seul le prête-nom est tenu des obligations contractuelles.
  • Le commissionnaire : il agit pour un commettant mais contracte en son nom propre (C. com., art. L. 132-1). Le cocontractant n’a donc aucun lien avec le commettant, sauf si une action directe est prévue par la loi (ex. en matière de transport).
  • La clause de réserve de command : elle permet à une partie de conclure un contrat en son nom tout en se réservant la possibilité de désigner ultérieurement un tiers comme véritable cocontractant. Tant que cette désignation n’a pas lieu, seul le signataire initial est juridiquement engagé.

Dans ces situations, le représenté ne devient partie au contrat que par le biais d’une seconde opération juridique, qui peut prendre différentes formes :

  • Une cession de contrat : le représentant transfère au représenté sa position contractuelle.
  • Une cession de créance ou de dette : si le représentant a acquis des droits ou contracté des obligations en son nom, il doit ensuite les transférer au représenté.
  • Une stipulation pour autrui : dans certains cas, le représentant peut insérer dans le contrat une clause désignant directement le représenté comme bénéficiaire de l’opération.

VI) La sanction du dépassement et du détournement de pouvoir

Quid de la sanction dans l’hypothèse où le représentant a agi en dépassement de son pouvoir, voire en le détournant ?

Les articles 1156 et 1157 du Code civil invitent à distinguer le défaut ou dépassement de pouvoir de son détournement.

A) La sanction du défaut ou dépassement de pouvoir

Lorsqu’un représentant agit sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs, l’acte ainsi accompli ne saurait, en principe, produire d’effet à l’égard du représenté. L’article 1156 du Code civil prévoit à cet égard deux sanctions : l’inopposabilité de l’acte et sa nullité, à la discrétion du tiers contractant. Toutefois, ces sanctions peuvent être neutralisées par la ratification du représenté, mécanisme qui confère rétroactivement à l’acte sa pleine efficacité.

1. Les sanctions applicables: l’inopposabilité et la nullité de l’acte

a. L’inopposabilité de l’acte

Lorsqu’un représentant agit en dehors des limites du pouvoir qui lui a été conféré, l’acte qu’il conclut est privé d’effet à l’égard du représenté. Cette situation est expressément prévue par l’article 1156, alinéa 1er, du Code civil, qui énonce que « l’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté ».

L’inopposabilité se distingue des autres sanctions en ce qu’elle ne remet pas en cause la validité intrinsèque de l’acte. L’acte demeure en lui-même juridiquement valable, mais il ne peut être imposé au représenté. Cette solution s’inscrit dans une logique de protection du représenté, qui ne saurait être lié par un engagement contracté en dehors des limites qu’il avait fixées.

==>Principe: l’inefficacité de l’acte à l’égard du représenté

L’inopposabilité de l’acte emporte plusieurs conséquences :

  • Le représenté ne peut être contraint d’exécuter l’acte : l’acte, bien que conclu, ne produit aucun effet à son encontre. Il ne pourra être recherché en responsabilité pour inexécution du contrat, ni contraint d’honorer les obligations qui en résultent.
  • Le représentant demeure seul engagé : l’acte accompli par le représentant en dépassement de pouvoir ne disparaît pas juridiquement, mais il ne lie que celui qui l’a conclu. Ainsi, le représentant supporte seul les obligations contractuelles, sauf s’il parvient à démontrer que le tiers contractant connaissait l’absence de pouvoir.

À titre d’illustration, un dirigeant de société qui souscrirait un emprunt au nom de la société sans avoir reçu l’autorisation nécessaire ne saurait engager cette dernière. L’établissement prêteur ne pourra exiger le remboursement qu’à l’égard du dirigeant lui-même, à moins que la société ne ratifie l’acte.

L’inopposabilité ne doit pas être confondue avec la nullité. Alors que la nullité anéantit l’acte rétroactivement, l’inopposabilité en limite seulement les effets. Un acte frappé de nullité disparaît totalement de l’ordre juridique, tandis qu’un acte inopposable demeure valide, mais sans effet à l’égard du représenté. Cette distinction permet notamment au tiers contractant d’agir contre le représentant pour obtenir l’exécution forcée du contrat ou des dommages-intérêts.

b. L’exception au principe : le mandat apparent

L’inopposabilité de l’acte n’est pas absolue. Elle peut être écartée lorsque le tiers contractant a pu légitimement croire que le représentant disposait du pouvoir d’engager le représenté. Cette exception, fondée sur la théorie du mandat apparent, est consacrée par l’article 1156, alinéa 1er in fine, et trouve son origine dans la jurisprudence de la Cour de cassation.

==>Le fondement du mandat apparent

Dans un célèbre arrêt d’Assemblée plénière du 13 décembre 1962 (Cass. ass. plén., 13 déc. 1962, n° 57-11.569), la Cour de cassation a reconnu que le représenté peut être tenu par un acte conclu sans pouvoir lorsque les circonstances ont légitimement conduit le tiers à croire que le représentant était habilité à agir en son nom.

Dans cette décision, il était question d’un dirigeant d’une banque qui avait souscrit un engagement de caution au nom de l’établissement sans disposer des pouvoirs nécessaires. La Cour de cassation a jugé que l’Administration des Domaines, cocontractante, avait pu légitimement croire en la validité de cet engagement, et qu’en conséquence, l’acte devait être maintenu.

L’arrêt retient une conception objectivée de la croyance légitime : il n’est pas nécessaire que le représenté ait commis une faute pour que son engagement soit maintenu. Ce qui importe, c’est que le tiers ait pu, sur la base d’éléments objectifs, considérer que le représentant disposait d’un pouvoir suffisant.

==>Les conditions de mise en œuvre du mandat apparent

L’application de la théorie du mandat apparent repose sur plusieurs conditions cumulatives :

  • Une apparence légitime de pouvoir
    • Le tiers doit pouvoir démontrer qu’il avait des raisons valables de croire que son cocontractant disposait bien du pouvoir de représenter la personne concernée.
    • L’apparence peut résulter :
      • De la fonction occupée par le représentant (ex. : un directeur financier concluant un contrat bancaire au nom de la société).
      • De pratiques antérieures acceptées sans contestation par le représenté.
      • De documents officiels ou communications laissant croire que le représentant disposait d’un pouvoir suffisant.
  • L’absence de faute ou de négligence du tiers
    • La croyance du tiers doit être légitime.
    • Si le tiers pouvait raisonnablement douter des pouvoirs du représentant, il lui appartenait de procéder aux vérifications nécessaires.
    • À cet égard, la réforme du droit des obligations a introduit une action interrogatoire permettant au tiers de demander confirmation des pouvoirs du représentant avant de conclure l’acte (C. civ., art. 1158).
  • Un comportement du représenté propre à entretenir l’apparence
    • Bien que la jurisprudence n’exige plus que le représenté ait volontairement contribué à l’erreur du tiers, son comportement doit néanmoins avoir favorisé cette croyance.
    • Par exemple, une entreprise qui laisserait systématiquement un salarié négocier et signer des contrats avec des fournisseurs pourrait se voir opposer le mandat apparent si elle refusait ensuite de reconnaître la validité d’un engagement pris par ce salarié.

==>Les effets du mandat apparent

Lorsque le mandat apparent est établi, l’acte devient opposable au représenté, comme s’il avait été conclu par un représentant dûment habilité. Ce dernier ne pourra plus invoquer le défaut ou le dépassement de pouvoir pour s’exonérer de l’exécution de l’acte.

Cependant, l’engagement du représenté ne signifie pas pour autant que le représentant est exonéré de toute responsabilité. Celui-ci pourra être poursuivi en responsabilité pour faute si son comportement a causé un préjudice au représenté.

c. La nullité de l’acte

L’article 1156, alinéa 2, du Code civil prévoit la nullité de l’acte à la main du tiers contractant lorsqu’il ignorait que l’acte avait été conclu sans pouvoir ou en dépassement de pouvoir. Cette disposition marque une rupture avec la jurisprudence antérieure, qui réservait l’action en nullité au seul représenté.

La reconnaissance de ce droit au bénéfice du tiers s’inscrit dans une logique de protection contractuelle, lui permettant d’obtenir réparation face à une situation qu’il n’a pas pu anticiper.

i. Une sanction laissée à la discrétion du tiers contractant

L’article 1156, alinéa 2, confère au tiers contractant une faculté de choix entre deux options en cas de défaut ou de dépassement de pouvoir du représentant :

  • Option 1 : Demander l’exécution du contrat
    • Le tiers peut choisir de maintenir l’acte, en le rendant opposable au seul représentant.
    • Dans cette hypothèse, le représentant, qui a agi sans pouvoir, reste seul tenu des obligations contractuelles.
    • Il peut donc être contraint d’exécuter le contrat ou de verser des dommages-intérêts en cas d’inexécution.
  • Option 2 : Invoquer la nullité de l’acte
    • À l’inverse, le tiers peut demander l’anéantissement rétroactif de l’acte, comme s’il n’avait jamais existé.
    • Cette solution lui permet de se dégager de l’engagement pris et d’éviter d’être lié par un contrat qu’il n’aurait pas conclu en connaissance de cause.

Ce pouvoir d’option confère une sécurité juridique accrue aux tiers, en leur laissant la possibilité de choisir la sanction la plus conforme à leurs intérêts. Il s’agit d’un renforcement significatif de leur protection, notamment dans des situations où ils se retrouvent engagés par un acte irrégulier sans en avoir eu conscience.

Exemple :

Un fournisseur conclut un contrat de prestation de services avec un dirigeant de société qui, en réalité, n’avait pas reçu d’habilitation statutaire pour engager l’entreprise.

Si le fournisseur découvre ultérieurement cette irrégularité, il pourra :

  • Soit exiger du dirigeant personnellement l’exécution du contrat ;
  • Soit invoquer la nullité du contrat et réclamer des dommages-intérêts pour le préjudice subi.

ii. La fin de la solution jurisprudentielle antérieure

Avant la réforme de 2016, la jurisprudence réservait l’action en nullité au seul représenté, considérant que seul ce dernier avait intérêt à agir en raison de l’irrégularité du pouvoir de représentation.

==>La position antérieure de la Cour de cassation

Dans un arrêt du 2 novembre 2005 (Cass. 1re civ., 2 nov. 2005, n° 02-14.614), la Cour de cassation avait jugé que la nullité d’un contrat conclu en l’absence de pouvoir du mandataire était une nullité relative, qui ne pouvait être invoquée que par le représenté.

Cette solution reposait sur une interprétation stricte de la nullité relative, considérée comme une sanction protectrice d’un intérêt individuel, en l’occurrence celui du représenté. Le tiers contractant, lui, ne pouvait se prévaloir de l’irrégularité du pouvoir, quand bien même il aurait été trompé sur la capacité du représentant à agir.

Conséquence : avant la réforme, un tiers qui ignorait que l’acte avait été conclu sans pouvoir ne pouvait pas demander la nullité. Il devait attendre que le représenté invoque lui-même l’irrégularité pour voir l’acte anéanti. Cette situation était particulièrement préjudiciable au tiers, qui pouvait se retrouver engagé malgré son ignorance.

==>L’inflexion opérée par l’article 1156 du Code civil

Le législateur a choisi d’inverser cette logique en donnant au tiers la possibilité d’agir directement en nullité lorsqu’il ignorait l’absence de pouvoir du représentant.

Cette solution se justifie pleinement :

  • Le tiers est le premier affecté par l’irrégularité
    • Dans la majorité des cas, c’est le tiers qui a un intérêt direct à voir l’acte annulé, puisqu’il a contracté dans une croyance erronée.
    • Il est donc cohérent de lui permettre d’agir pour protéger ses intérêts.
  • Un renforcement de la sécurité contractuelle
    • En lui laissant le choix entre l’inopposabilité et la nullité, le tiers n’est plus tributaire de la volonté du représenté pour obtenir réparation.
    • Il dispose d’une véritable autonomie d’action.
  • Une cohérence avec l’évolution du droit des obligations
    • La réforme de 2016 a visé à renforcer la protection des contractants de bonne foi et à éviter les déséquilibres dans les relations contractuelles.
    • Accorder au tiers le droit d’agir en nullité s’inscrit dans cette logique.

iii. Les effets de la nullité

Lorsque le tiers exerce son option pour la nullité, l’acte est anéanti rétroactivement, comme s’il n’avait jamais existé. Cette conséquence implique plusieurs effets :

  • L’anéantissement de toutes les obligations contractuelles
    • Aucune des parties ne peut plus se prévaloir des engagements contractuels.
    • Si des prestations ont déjà été exécutées, elles doivent être restituées.
  • Le retour au statu quo ante
    • La nullité a un effet rétroactif : chaque partie doit être replacée dans la situation qui était la sienne avant la conclusion du contrat.
    • En cas d’impossibilité de restitution en nature, une indemnisation peut être envisagée.
  • La responsabilité du représentant fautif
    • Lorsque l’acte est annulé, le représentant qui a contracté sans pouvoir peut être tenu de réparer le préjudice subi par le tiers contractant.
    • Cette responsabilité repose sur une faute dans l’exercice de la représentation.

Exemple :

Un salarié négocie et signe un contrat de fourniture au nom de son entreprise alors qu’il n’a pas été habilité à le faire.

  • Si le fournisseur ignorait cette irrégularité, il pourra demander la nullité du contrat et exiger une indemnisation du préjudice subi.
  • Le salarié, en tant que représentant fautif, pourra être tenu de verser des dommages-intérêts pour avoir induit le tiers en erreur.

2. Le remède aux sanctions: la ratification de l’acte

L’article 1156, alinéa 3, du Code civil prévoit une solution permettant de corriger a posteriori un acte accompli sans pouvoir ou en dépassement de pouvoir par le représentant : la ratification.

Ce mécanisme permet au représenté, s’il le souhaite, d’approuver rétroactivement l’acte irrégulier, lui conférant ainsi la même efficacité juridique que s’il avait été valablement conclu dès l’origine.

L’objectif de cette disposition est double :

  • Protéger le représenté, en lui laissant le choix de valider ou non l’acte accompli en son nom sans respecter les règles de la représentation.
  • Préserver la sécurité juridique, en évitant qu’un simple dépassement de pouvoir n’entraîne systématiquement l’invalidité de l’acte, ce qui pourrait compromettre les relations contractuelles avec les tiers.

Ainsi, la ratification neutralise rétroactivement l’irrégularité initiale, permettant de considérer que l’acte a toujours été valable, comme si le représentant avait agi dès le départ dans les limites de ses pouvoirs.

a. Notion de ratification

La ratification est un acte unilatéral par lequel le représenté décide d’approuver rétroactivement un acte accompli sans pouvoir ou au-delà des pouvoirs conférés au représentant. Elle vise à régulariser une situation qui, à l’origine, était irrégulière en raison d’un défaut de représentation.

En conséquence, l’acte devient pleinement valable et opposable au représenté, comme si le représentant avait agi dans les limites de ses pouvoirs dès l’origine.

La ratification ne doit pas être confondue avec la confirmation, bien que ces deux notions visent à valider des actes irréguliers.

 

Critères Ratification Confirmation
Objet Acte accompli sans pouvoir ou en dépassement de pouvoir Acte entaché d’une nullité relative pour irrégularité de fond ou de forme
Effet Rend l’acte opposable au représenté Éteint la possibilité d’invoquer la nullité
Texte applicable Article 1156, alinéa 3, du Code civil Article 1182 du Code civil
Effet rétroactif? Oui, l’acte produit ses effets depuis son origine Pas nécessairement, la confirmation peut ne produire effet qu’à compter de son accomplissement

 

L’enjeu de cette distinction est fondamental : la ratification lie le représenté à l’égard des tiers, alors que la confirmation concerne uniquement les parties au contrat.

b. Conditions et modalités de la ratification

L’article 1156 du Code civil est silencieux sur les conditions de ratification d’un acte accompli sans pouvoir ou en dépassement de pouvoir. C’est donc à la jurisprudence qu’est revenue la tâche de les définir.

==>Une manifestation de volonté claire et non équivoque

La ratification suppose que le représenté exprime de manière claire et indiscutable son intention de valider l’acte irrégulier. Cette expression peut être expresse ou tacite.

  • Ratification expresse : elle résulte d’une déclaration formelle du représenté, par écrit ou oralement. Il peut s’agir d’un courrier, d’un email ou d’un acte signé dans lequel le représenté accepte l’acte accompli en son nom.
  • Ratification tacite : elle découle du comportement du représenté, qui laisse supposer sans ambiguïté qu’il accepte l’acte irrégulier.

Dans un arrêt du 17 janvier 2018, la Cour de cassation a considéré qu’une exécution volontaire d’un contrat irrégulier valait ratification implicite (Cass. com., 17 janv. 2018, n°16-22.285).

Ainsi, si une société commence à exécuter un contrat signé par un dirigeant sans pouvoir (paiement, livraison, mise en œuvre des obligations), elle est réputée avoir ratifié ce contrat, même en l’absence d’un accord écrit formel.

Toutefois, en simple silence ne saurait, en principe, valoir ratification. Certaines décisions ont néanmoins admis qu’un silence prolongé, combiné à d’autres éléments, pouvait être interprété comme une acceptation tacite.

==>Un consentement libre et éclairé

La ratification ne produit d’effet que si le représenté a donné son accord en toute connaissance de cause. Cela implique :

  • L’information du représenté sur l’irrégularité de l’acte : il doit être conscient que l’acte a été accompli sans pouvoir ou en dépassement de pouvoir.
  • L’absence de vice du consentement : si le représenté a été victime d’une erreur, d’un dol ou d’une violence, la ratification pourrait être contestée et déclarée nulle.

Pour exemple, si un dirigeant approuve un contrat en pensant que le représentant avait les pouvoirs nécessaires alors que ce n’était pas le cas, et qu’il découvre plus tard qu’il a été trompé, il pourrait tenter d’annuler sa ratification pour vice du consentement.

==>L’absence d’exigence de forme

L’article 1156 du Code civil ne prévoit aucune exigence formelle pour la ratification. En conséquence :

  • Elle peut être expresse ou tacite.
  • Aucun formalisme particulier n’est requis : une lettre, un email, un simple acte d’exécution suffisent à établir la ratification.
  • La charge de la preuve incombe à celui qui invoque la ratification.

Il peut être observé que certaines décisions ont admis qu’un commencement d’exécution pouvait suffire à caractériser une ratification tacite. Toutefois, la doctrine reste partagée sur ce point : certains auteurs considèrent que la volonté du représenté doit être non équivoque, ce qui exclurait toute ratification purement passive.

c. Les effets de la ratification

==>L’effet rétroactif de la ratification

La ratification d’un acte accompli sans pouvoir ou en dépassement de pouvoir produit, en principe, un effet rétroactif. Elle a pour conséquence de neutraliser l’irrégularité initiale et de conférer à l’acte une validité rétroactive, comme si le représentant avait disposé des pouvoirs nécessaires dès l’origine.

Autrement dit, l’acte est réputé avoir été régulièrement conclu dès le jour de sa formation, et non à partir du moment où la ratification intervient. Cette rétroactivité permet de consolider la relation contractuelle en corrigeant l’irrégularité initiale sans remettre en cause la continuité de l’accord.

Toutefois, cette rétroactivité n’est pas absolue et peut être contestée dans certaines situations, notamment lorsque des tiers de bonne foi ont fondé leurs décisions sur l’irrégularité apparente de l’acte.

Par exemple, si un tiers contracte avec un représentant dépourvu de pouvoir et apprend ensuite que le représenté refuse de ratifier l’acte, il peut légitimement ajuster sa position (résiliation du contrat, engagement avec un autre partenaire, etc.). Si la ratification intervient trop tard, alors que le tiers a déjà pris des décisions en se basant sur l’irrégularité de l’acte, la question de la protection de sa confiance légitime peut se poser.

Dans une telle hypothèse, la doctrine s’interroge sur l’opposabilité de la ratification au tiers. Certains auteurs estiment qu’un équilibre doit être trouvé entre le principe de rétroactivité de la ratification et la protection des intérêts des tiers, notamment lorsqu’ils ont subi un préjudice en raison du retard de la régularisation.

==>L’irrévocabilité de la ratification

Une fois que le représenté a ratifié l’acte, cette décision est définitive et ne peut être remise en cause. Contrairement à une simple approbation provisoire, la ratification scelle irrévocablement la validation de l’acte irrégulier.

Cette irrévocabilité repose sur une logique de sécurité juridique : permettre au représenté de revenir sur une ratification créerait une incertitude inacceptable pour les parties contractantes. Ainsi, une fois que le représenté a explicitement ou implicitement accepté l’acte, il ne peut plus contester sa validité ni refuser d’en exécuter les obligations.

Toutefois, si la ratification a été obtenue sous l’effet d’un vice du consentement, tel que l’erreur, le dol ou la violence, elle pourra être remise en cause. Dans ce cas, le représenté pourrait invoquer l’annulation de la ratification en démontrant qu’il a été trompé ou contraint au moment où il a donné son accord.

B) La sanction du détournement de pouvoir

1. Détournement de pouvoir vs dépassement de pouvoir

L’article 1157 du Code civil établit une distinction entre le dépassement de pouvoir et le détournement de pouvoir, deux notions qu’il convient de ne pas confondre.

  • Le dépassement de pouvoir se produit lorsque le représentant agit au-delà des limites de son mandat ou des pouvoirs qui lui ont été conférés. Il outrepasse ses attributions, ce qui entraîne une inopposabilité de l’acte au représenté (art. 1156 C. civ.).
  • Le détournement de pouvoir, en revanche, survient lorsque le représentant reste formellement dans le cadre de ses pouvoirs, mais agit dans un intérêt personnel au détriment du représenté. Il utilise les pouvoirs qui lui sont confiés pour servir ses propres intérêts ou ceux d’un tiers, et non ceux du représenté.

Ainsi, le dépassement de pouvoir est une question de limites objectives, tandis que le détournement de pouvoir repose sur une appréciation subjective des intentions du représentant. Ce dernier peut, en apparence, respecter ses prérogatives, mais en réalité, il en abuse pour satisfaire des intérêts contraires à ceux du représenté.

Exemple :

Un dirigeant de société disposant du pouvoir de vendre un bien immobilier de l’entreprise décide de le céder à une société dont il est secrètement actionnaire, à un prix inférieur à sa valeur réelle. L’acte de vente reste dans les limites de son pouvoir, mais il est détourné de sa finalité légitime pour servir un intérêt personnel.

L’article 1157 du Code civil permet au représenté de demander l’annulation de l’acte, mais sous une condition essentielle : le tiers contractant doit avoir eu connaissance du détournement ou, à tout le moins, ne pouvait l’ignorer. Ce dispositif vise à protéger les tiers de bonne foi tout en permettant au représenté d’obtenir réparation en cas d’abus manifeste.

2. Les conditions de la nullité pour détournement de pouvoir

Pour qu’un acte entaché de détournement de pouvoir soit annulé, l’article 1157 du Code civil exige la réunion de deux conditions cumulatives. Il ne suffit pas d’établir l’intention frauduleuse du représentant : encore faut-il que le tiers contractant ait eu connaissance de cette manœuvre ou qu’il ne puisse légitimement l’ignorer.

==>Un acte accompli au détriment du représenté

La première condition tient à la nécessité de démontrer que l’acte accompli par le représentant a causé un préjudice réel au représenté.

Deux hypothèses doivent être distinguées :

  • Un acte conclu dans l’intérêt exclusif du représentant
    • Lorsque le représentant agit exclusivement pour son propre intérêt, le préjudice du représenté est en principe présumé.
    • L’intention frauduleuse est manifeste lorsque, par exemple, un dirigeant cède un actif de la société à une entreprise dont il est secrètement actionnaire ou conclut un contrat de prestation avec une société lui appartenant.
    • Dans ce cas, l’acte ne peut être justifié par une quelconque rationalité économique au bénéfice du représenté.
  • Un acte qui procure un avantage au représentant sans exclure celui du représenté
    • Si l’acte peut profiter aux deux parties, la preuve du détournement devient plus délicate.
    • Le seul fait que le représentant retire un avantage personnel ne suffit pas à établir l’existence d’un préjudice pour le représenté.
    • Il faudra prouver que :
      • L’acte aurait pu être conclu à des conditions plus favorables pour le représenté.
      • L’intérêt du représenté a été sacrifié au profit du représentant, soit en raison d’un prix anormalement bas, soit par l’existence d’une clause particulièrement déséquilibrée.
      • Le choix du cocontractant résulte d’un favoritisme injustifié et ne correspond pas à une gestion normale des affaires du représenté.

Exemple :

Un directeur général d’une société choisit comme fournisseur une entreprise dont il détient des parts, mais cette dernière propose des prix concurrentiels et des prestations de qualité identique aux autres acteurs du marché. L’intérêt personnel du dirigeant est évident, mais cela ne suffit pas à caractériser un détournement de pouvoir, faute de preuve d’un préjudice réel pour la société.

==>La connaissance du détournement par le tiers contractant

La nullité d’un acte pour détournement de pouvoir ne peut être demandée que si le tiers contractant avait connaissance du détournement ou ne pouvait l’ignorer.

L’objectif de cette exigence est d’assurer la sécurité des transactions, en évitant qu’un acte régulièrement conclu puisse être remis en cause par le simple fait que le représentant ait poursuivi un intérêt personnel.

La connaissance du détournement peut être établie de deux manières :

  • Une connaissance avérée
    • Le tiers a été directement informé du conflit d’intérêts par le représentant ou par d’autres éléments probants (correspondances, échanges internes, clauses contractuelles ambiguës, etc.).
  • Une connaissance présumée
    • Le tiers contractant ne peut se prévaloir de sa bonne foi si les circonstances étaient suffisamment évidentes pour qu’il ne puisse ignorer l’anormalité de la situation.
    • Cela peut être le cas lorsque :
      • L’acte a été conclu dans des conditions manifestement désavantageuses pour le représenté (prix dérisoire, absence de mise en concurrence, conditions contractuelles inhabituelles).
      • L’identité du cocontractant et son lien avec le représentant étaient connus.
      • Le tiers avait accès à des informations lui permettant d’identifier l’existence d’un détournement.

Exemple :

Si un investisseur acquiert un bien immobilier appartenant à une société, et que le prix de vente est manifestement sous-évalué par rapport aux prix du marché, il ne pourra prétendre ignorer que le représentant a agi en détournant ses pouvoirs.

En revanche, si le tiers prouve qu’il était de bonne foi et qu’il ignorait totalement l’existence d’un détournement de pouvoir, l’acte ne pourra pas être annulé. Dans ce cas, le représenté disposera uniquement d’un recours en responsabilité contre le représentant pour obtenir réparation de son préjudice.

Ainsi, la nullité de l’acte n’est pas automatique en cas de détournement de pouvoir : elle est conditionnée à la preuve de la mauvaise foi du tiers contractant.

3. Les sanctions du détournement de pouvoir

L’acte conclu par un représentant qui détourne ses pouvoirs ne reste pas sans conséquence. Deux types de sanctions sont envisageables : la nullité de l’acte et la mise en jeu de la responsabilité des parties impliquées.

a. L’annulation de l’acte irrégulier

Si les conditions posées par l’article 1157 du Code civil sont remplies, l’acte entaché de détournement de pouvoir peut être annulé. Cette nullité est relative, ce qui signifie qu’elle est réservée au seul représenté, qui pourra l’invoquer pour se libérer des obligations découlant de l’acte irrégulier.

L’annulation a pour effet d’anéantir rétroactivement l’acte, mais si celui-ci a déjà été exécuté (par exemple, si un bien a été vendu et livré), des restitutions seront nécessaires. Ces restitutions peuvent s’avérer complexes, en particulier si le bien a été cédé à un tiers de bonne foi.

b. La responsabilité du représentant

Le détournement de pouvoir constitue une faute, engageant la responsabilité du représentant à l’égard du représenté. Selon la nature du pouvoir exercé, cette responsabilité peut être de deux ordres :

  • Responsabilité contractuelle : lorsque le pouvoir du représentant découle d’un contrat (mandat, délégation de pouvoir, contrat de travail), le détournement constitue une violation des obligations contractuelles. Le représenté pourra alors demander réparation sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil.
  • Responsabilité délictuelle : lorsque le représentant tient ses pouvoirs de la loi ou des statuts d’une société, son détournement constitue une faute extra-contractuelle engageant sa responsabilité sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.

Dans tous les cas, le représenté pourra réclamer une indemnisation à hauteur du préjudice subi, qui peut inclure la perte financière directe, les dommages indirects, et parfois des dommages-intérêts complémentaires.

c. La responsabilité du tiers contractant

Lorsque le tiers contractant a participé activement au détournement de pouvoir, il peut également voir sa responsabilité engagée. Cette complicité peut être caractérisée si le tiers :

  • Était informé du détournement et a néanmoins conclu l’acte.
  • A collaboré avec le représentant dans le but de nuire au représenté.
  • A tiré un avantage indu de la situation en exploitant la fraude du représentant.

Dans ces cas, le tiers peut être condamné à indemniser le représenté du préjudice subi.

d. La sanction pénale du détournement de pouvoir

Dans certaines circonstances, le détournement de pouvoir peut constituer une infraction pénale. En particulier :

  • L’abus de confiance (article 314-1 du Code pénal), qui sanctionne toute personne détournant des biens ou des droits qui lui ont été confiés.
  • L’abus de biens sociaux (articles L. 241-3 et L. 242-6 du Code de commerce), lorsque le dirigeant d’une société utilise les ressources de celle-ci à des fins personnelles.

Si le détournement de pouvoir présente une gravité suffisante, il peut donner lieu à des poursuites pénales et à des sanctions pouvant aller jusqu’à des peines d’emprisonnement et des amendes.

 

 

 

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  22. J. Flour, J.-L. Aubert et E. Savaux, Les obligations. L’acte juridique, 16e éd., Sirey, n° 428 ?
  23. Pothier, Traité des obligations, 1761 ?
  24. E. Gaillard, La notion de pouvoir en droit privé ?
  25. G. Martin, La représentation des sociétés commerciales par leurs organes. ?