Le Droit dans tous ses états

LE DROIT DANS TOUS SES ETATS

Mariage: la condition relative à l’âge

I) Principe : la majorité

Aux termes de l’article 144 du Code civil « le mariage ne peut être contracté avant dix-huit ans révolus. » Il faut donc avoir dix-huit ans révolus pour contracter un mariage.

Jusqu’il y a peu, l’article 144 autorisait les femmes à se marier dès l’âge de quinze ans.

Legs d’une époque où le mariage était souvent arrangé, où l’espérance de vie était proche de cinquante ans et où la règle légale correspondait à la pratique sociale, cette disposition, inscrite faisait figure d’archaïsme.

De surcroît, l’âge de la majorité légale des hommes et des femmes ayant été abaissé à 18 ans par la loi du 5 juillet 1974, comment justifier que le mariage soit désormais réservé aux seuls hommes majeurs à la différence des femmes dont la minorité ne fait pas obstacle à un tel engagement ?

Contraire au principe constitutionnel d’égalité devant la loi, cette différence l’était également à nos engagements internationaux.

En effet, la convention des Nations unies du 18 décembre 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, entrée en vigueur dans notre droit le 3 septembre 1981, stipule, en son article 16, que les États parties « prennent toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux et, en particulier, pour assurer, sur la base de l’égalité entre l’homme et la femme, le même droit de contracter mariage ».

Par ailleurs, l’élévation de l’âge au mariage des femmes constitue l’un des moyens de lutter contre les mariages forcés.

En effet, les familles désireuses d’imposer un époux à leur fille peuvent aujourd’hui le faire d’autant plus aisément que celle-ci est mineure, placée sous leur autorité et donc particulièrement vulnérable aux pressions dont elle fait l’objet.

Le phénomène des mariages forcés n’est pas anecdotique, loin s’en faut, puisqu’ils concerneraient en France près de 70 000 femmes.

C’est la raison pour laquelle, dans son rapport de novembre 2004, la Défenseure des enfants, Mme Claire Brisset, parmi d’autres, s’est prononcée pour l’élévation de l’âge légal au mariage des femmes, faisant sienne les recommandations du Comité des droits de l’enfant qui a fait part de sa « préoccupation » au sujet de la différence d’âge légal au mariage entre les hommes et les femmes.

C’est dans ce contexte que, à l’occasion de l’adoption de la loi du n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs le législateur a porté l’âge de se marier pour les filles à quinze ans.

II) Exception : la dispense d’âge

A) L’admission de la dispense d’âge

Le législateur a estimé que, en certaines circonstances, il y aurait plus d’inconvénients que d’avantages à maintenir cette condition d’âge avec trop de rigidité

Avant la loi du 23 décembre 1970 modifiant l’article 145 du Code civil, le Code civil avait attribué au chef de l’État le pouvoir d’accorder des dispenses d’âge en lui laissant la libre appréciation de leur opportunité.

Il lui appartenait ainsi d’accorder ces dispenses par décret rendu sur le rapport du garde des Sceaux. Ce dossier était alors remis au procureur de la République qui instruisait l’affaire.

La loi n° 70-1266 du 23 décembre 1970 a modifié l’article 145 du Code civil à compter du 1er février 1971 et transféré au procureur de la République du lieu de la célébration du mariage le pouvoir d’accorder les dispenses d’âge dans les mêmes circonstances que pouvait le faire le Président de la République.

L’article 145 du Code civil dispose désormais que, « il est loisible au procureur de la République du lieu de célébration du mariage d’accorder des dispenses d’âge pour des motifs graves ».

La dispense accordée par le procureur de la République ne fait toutefois pas disparaître la nécessité du consentement familial exigé pour les mineurs.

L’article 148 du Code civil précise, en effet, que « les mineurs ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs père et mère ; en cas de dissentiment entre le père et la mère, ce partage emporte consentement ».

Ainsi, pour que des mineurs puissent se marier, encore faut-il qu’ils y soient autorisés :

  • par leurs parents
  • par le procureur de la république

B) L’exigence d’autorisation des parents

==> Principe

L’article 148 du Code civil exige que les deux parents du mineur consentent à son mariage

A défaut, il ressort des articles 182 et 183 du Code civil que l’union conjugale encourt la nullité.

L’article 182 précise qu’il s’agit d’une nullité relative, dans la mesure où le mariage « ne peut être attaqué que par ceux dont le consentement était requis, ou par celui des deux époux qui avait besoin de ce consentement. »

L’exigence de consentement des deux parents n’est toutefois pas absolue.

Le législateur a assorti cette règle d’un certain nombre de tempéraments

==> Tempéraments

Le législateur a prévu que le consentement des deux parents n’était pas exigé dans un certain nombre de situations où l’obtention de ce consentement est, par nature, impossible

Plusieurs situations doivent être distinguées:

  • L’existence d’un désaccord entre les parents
    • Dans cette hypothèse, l’article 148 du Code civil prévoit que le dissentiment entre le père et la mère emporte consentement
    • Le législateur autorise ainsi, finalement, à ce qu’un seul des deux parents autorise le mariage de l’enfant mineur, à la condition qu’ils aient tous les deux été consultés.
    • À défaut, nonobstant le consentement du père ou de la mère, le mariage est susceptible d’être contesté
  • L’un des parents est décédé ou se trouve dans l’impossibilité de manifester sa volonté
    • L’article 149 du Code civil que dans ces deux situations, « le consentement de l’autre suffit»
    • Cette disposition précise que, il n’est pas nécessaire de produire l’acte de décès du père ou de la mère de l’un des futurs époux lorsque le conjoint ou les père et mère du défunt attestent ce décès sous serment.
  • La résidence actuelle de l’un des parents est inconnue
    • Dans cette hypothèse, l’article 149, al. 3 dispose que, en cas d’absence de nouvelles du parent dont la résidence est inconnue pendant un an, il pourra, malgré tout, être procédé à la célébration du mariage
    • Cette célébration est néanmoins subordonnée à la déclaration sous serment de l’enfant et du parent qui a donné son consentement
    • Le faux serment est puni des peines édictées par l’article 434-13 du code pénal, soit de de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
  • Les deux des parents sont décédés ou se trouvent dans l’impossibilité de manifester leur volonté
    • L’article 150 du Code civil prévoit que, dans cette situation, les aïeuls et aïeules les remplacent.
    • Par aïeuls, il faut entendre les ascendants en ligne directe.
    • Les aïeuls de chaque ligne doivent consentir au mariage du mineur, ce qui suppose qu’ils soient tous consultés.
    • En cas dissentiment entre l’aïeul et l’aïeule de la même ligne, ou s’il y a dissentiment entre les deux lignes, ce partage emporte consentement.
  • La résidence actuelle des deux parents est inconnue
    • En pareil cas, l’article 150, al. 2 dispose que s’ils n’ont pas donné de leurs nouvelles depuis un an, il pourra être procédé à la célébration du mariage
    • Cette célébration sera là aussi subordonnée à la déclaration sous serment de l’enfant mineur et de ses aïeuls et aïeules.
    • L’article 150 précise qu’il en est de même si, un ou plusieurs aïeuls ou aïeules donnant leur consentement au mariage, la résidence actuelle des autres aïeuls ou aïeules est inconnue et s’ils n’ont pas donné de leurs nouvelles depuis un an.
  • Tous les ascendants du mineur sont décédés ou sont dans l’impossibilité de manifester leur volonté
    • L’article 159 du Code civil prévoit que les mineurs de dix-huit ans ne peuvent contracter mariage sans le consentement du conseil de famille.
    • Le pouvoir de consentir n’appartient donc pas tuteur de l’enfant, mais bien au conseil de famille.
  • Le mineur a fait l’objet d’une adoption
    • Il convient de distinguer selon que le mineur a fait l’objet d’une adoption simple ou d’une adoption plénière
      • Le mineur a fait l’objet d’une adoption plénière
        • Pour rappel, cette forme d’adoption, qui est réservée à des enfants âgés de moins de quinze ans, fait entrer l’adopté dans la famille adoptive comme s’il y était né, l’assimilant totalement et irrévocablement à un enfant légitime.
        • Elle entraîne une rupture totale de la filiation de l’enfant adopté qui, sur le plan juridique, n’entretient plus aucun lien avec ses parents biologiques.
        • À cet égard, l’article 358 dispose que « l’adopté a, dans la famille de l’adoptant, les mêmes droits et les mêmes obligations qu’un enfant dont la filiation est établie en application du titre VII du présent livre.»
        • Il en résulte que le mineur qui a fait l’objet d’une adoption plénière est soumis au même régime que les enfants qui jouissent d’une filiation par le sang
      • Le mineur a fait l’objet d’une adoption simple
        • L’adoption simple s’adresse à des adoptés mineurs ou majeurs qui demeurent dans leur famille d’origine et y conservent tous leurs droits.
        • Doté d’une double filiation, l’une charnelle et l’autre purement juridique, l’adopté simple est traité comme l’enfant légitime de l’adoptant.
        • Toutefois le lien adoptif n’établit qu’une filiation additive et révocable.
        • S’agissant de l’autorisation au mariage du mineur, l’article 365 prévoit que « l’adoptant est seul investi à l’égard de l’adopté de tous les droits d’autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l’adopté»
        • Ce sont donc les parents adoptants qui sont titulaires du pouvoir d’autoriser le mineur adopté à contracter mariage.
        • Ils doivent donc être consultés tous les deux.
        • En cas de dissentiment, leur désaccord emporte consentement.
        • L’article 365 assortit la règle ainsi posée d’une exception : l’hypothèse où le mineur est adopté par le conjoint du père ou de la mère.
        • En pareil cas, l’adoptant a l’autorité parentale concurremment avec son conjoint, lequel en conserve seul l’exercice, sous réserve d’une déclaration conjointe avec l’adoptant adressée au directeur des services de greffe judiciaires du tribunal de grande instance aux fins d’un exercice en commun de cette autorité.
  • L’autorité parentale qui s’exerce sur le mineur a fait l’objet d’une délégation
    • Cette délégation de l’autorité parentale se rencontre dans deux situations bien distinctes envisagées à l’article 377 du Code civil.
      • Première situation
        • Les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l’exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l’exercice de leur autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l’aide sociale à l’enfance.
      • Seconde situation
        • En cas de désintérêt manifeste ou si les parents sont dans l’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale, le particulier, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou un membre de la famille peut également saisir le juge aux fins de se faire déléguer totalement ou partiellement l’exercice de l’autorité parentale.
    • S’agissant de la personne investie du pouvoir d’autoriser le mariage du mineur, cela dépend de l’inclusion de cette prérogative dans le champ de la délégation qui peut être totale ou partielle.
    • La délégation de l’autorité parentale peut être totale ou partielle.

==> Modalités d’expression du consentement

L’article 73 du Code civil prévoit que l’acte authentique du consentement des père et mère ou aïeuls ou aïeules ou, à leur défaut, celui du conseil de famille doit contenir s’agissant des futurs époux

  • leurs prénoms
  • leurs noms
  • leurs professions
  • leur domicile des futurs

L’acte doit également porter mention de ces informations, s’agissant de tous ceux qui auront concouru à l’acte, ainsi que leur degré de parenté.

L’article 73 précise que hors le cas prévu par l’article 159 du code civil (l’absence d’aïeuls), cet acte de consentement est dressé :

  • soit par un notaire
  • soit par l’officier de l’état civil du domicile ou de la résidence de l’ascendant, et, à l’étranger, par les agents diplomatiques ou consulaires français.

Lorsque l’acte est dressé par un officier de l’état civil, il ne doit être légalisé, sauf conventions internationales contraires, que lorsqu’il y a lieu de le produire devant les autorités étrangères.

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