Mariage: l’abandon de la condition relative à la différence de sexe

Aux termes de l’article 143 du Code civil « le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe. »

Ainsi, le mariage n’est-il plus réservé aux seuls couples hétérosexuels, comme cela a été le cas jusqu’à la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, dite loi Taubira.

L’adoption de cette loi, qui a été présentée comme visant à lutter contre les discriminations et à reconnaître de nouveaux droits, met un terme au long débat jurisprudentiel, d’où il est ressorti que, si aucune norme constitutionnelle, internationale ou européenne n’impose d’ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe, aucune de ces normes de l’interdit.

Aussi, le législateur a-t-il été invité par les juridictions nationales à prendre ses responsabilités en se prononçant sur l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.

==> L’arrêt de la Cour de cassation du 13 mars 2007

L’un des éléments déclencheurs du mouvement tendant à la reconnaissance du « mariage pour tous » est, sans aucun doute, le mariage célébré entre deux hommes, le 5 juin 2004, par Noël Mamère, alors maire de la commune de Bègles en Gironde.

Cet évènement, porté sur le devant de la scène à grand renfort de médias a été l’occasion pour les tribunaux français de préciser la portée des articles du code civil relatifs au mariage.

Par jugement du 27 juillet 2004, le mariage célébré en violation de l’article 144 du Code civil a été annulé.

Cette décision a été confirmée en appel par la Cour d’appel de Bordeaux dans un arrêt du 19 avril 2005 (CA Bordeaux, 19 avr. 2005, n° 04/04683).

Les juges ont estimé, dans cette décision, qu’il n’existe « dans les textes fondamentaux européens et dans la jurisprudence européenne aucune contradiction avec la législation française interne relative au mariage, laquelle ne concerne que des personnes de sexe différent. Comme le premier juge, la cour considère que la différence de sexe est une condition de l’existence même du mariage, condition non remplie dans le cas de l’acte relatif à Stéphane C. et Bertrand C.. La célébration organisée par eux le 5 juin 2004 devant l’officier d’état civil de Bègles ne peut être considérée comme un mariage. Ainsi que le soutient le ministère public, l’acte qui en a été dressé n’a pas d’existence juridique et son écriture doit être annulée, avec transcription en marge de l’acte de naissance des intéressés et de l’acte lui-même ».

Pour aboutir à cette solution, ils se réfèrent notamment au Discours préliminaire sur le Projet de Code civil rédigé par Portalis lequel écrivait en 1804 que :

« on ne doit point céder à des prétentions aveugles. Tout ce qui est ancien a été nouveau… nous sommes convaincus que le mariage, qui existait avant l’établissement du christianisme, qui a précédé toute loi positive, et qui dérive de la constitution même de notre être, n’est ni un acte civil, ni un acte religieux, mais un acte naturel qui a fixé l’attention des législateurs… le rapprochement de deux sexes que la nature n’a faits si différents que pour les unir, a bientôt des effets sensibles. La femme devient mère… l’éducation des enfants exige, pendant une longue suite d’années, les soins communs des auteurs de leurs jours… Tel est le mariage, considéré en lui-même et dans ses effets naturels, indépendamment de toute loi positive. Il nous offre l’idée fondamentale d’un contrat proprement dit… ce contrat, d’après les observations que nous venons de présenter, soumet les époux, l’un envers l’autre, à des obligations respectives, comme il les soumet à des obligations communes envers ceux auxquels ils ont donné l’être, les lois de tous les peuples policés ont cru devoir établir des formes qui puissent faire reconnaître ceux qui sont tenus à ces obligations. Nous avons déterminé ces formes ».

Ainsi donc, comme le premier juge, la cour d’appel en conclut qu’en droit interne français le mariage est une institution visant à l’union de deux personnes de sexe différent, leur permettant de fonder une famille appelée légitime.

La notion sexuée de mari et femme est l’écho de la notion sexuée de père et mère. Cette différence de sexe constitue en droit interne français une condition de l’existence du mariage.

Pour cette raison, le mariage contracté entre deux personnes de même sexe doit être annulé.

Par un arrêt du 13 mars 2007, la Cour de cassation a validé l’arrêt rendu par la Cour de d’appel de Bordeaux le 19 avril 2005 (Cass. 1ère civ. 13 mars 2007, n°05-16.627).

La première chambre civile a considéré que « selon la loi française, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme ; que ce principe n’est contredit par aucune des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui n’a pas en France de force obligatoire ».

Lors de l’audience de la première chambre civile de la Cour de cassation, l’avocat général avait déclaré que, compte tenu des enjeux de société importants et de la dimension politique des réponses pouvant être apportées à la question, « abandonner à la seule autorité judiciaire le soin de se prononcer (…) paraît exiger du juge qu’il accomplisse une tâche excédant les limites permises de son action ».

Cass. 1ère civ. 13 mars 2007
Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué (Bordeaux, 19 avril 2005), que, malgré l’opposition notifiée le 27 mai 2004 par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux, le maire de la commune de Bègles, en sa qualité d’officier d’état civil, a procédé, le 5 juin 2004, au mariage de MM. X... et Y... et l’a transcrit sur les registres de l’état civil ; que cet acte a été annulé, avec mention en marge des actes de naissance des intéressés ;

Sur le second moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu que MM. X... et Y... font grief à l’arrêt d’avoir annulé l’acte de mariage dressé le 5 juin 2004, avec transcription en marge de cet acte et de leur acte de naissance, alors, selon le moyen :

1°/ qu’en retenant que la différence de sexe constitue en droit interne français une condition de l’existence du mariage, cependant que cette condition est étrangère aux articles 75 et 144 du code civil, que le premier de ces textes n’impose pas de formule sacramentelle à l’échange des consentements des époux faisant référence expressément aux termes "mari et femme", la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

2°/ qu’il y a atteinte grave à la vie privée garantie par l’article 8 de la Convention lorsque le droit interne est incompatible avec un aspect important de l’identité personnelle du requérant ; que le droit pour chaque individu d’établir les détails de son identité d’être humain est protégé, y compris le droit pour chacun, indépendamment de son sexe et de son orientation sexuelle, d’avoir libre choix et libre accès au mariage ; qu’en excluant les couples de même sexe de l’institution du mariage et en annulant l’acte de mariage dressé le 5 juin 2004, la cour d’appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que par l’article 12 de la Convention se trouve garanti le droit fondamental de se marier et de fonder une famille ; que le second aspect n’est pas une condition du premier, et l’incapacité pour un couple de concevoir ou d’élever un enfant ne saurait en soi passer pour le priver du droit visé par la première branche de la disposition en cause ; qu’en excluant les couples de même sexe, que la nature n’a pas créés potentiellement féconds, de l’institution du mariage, cependant que cette réalité biologique ne saurait en soi passer pour priver ces couples du droit de se marier, la cour d’appel a violé les articles 12 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

4°/ alors que si l’article 12 de la Convention vise expressément le droit pour un homme et une femme de se marier, ces termes n’impliquent pas obligatoirement que les époux soient de sexe différent, sous peine de priver les homosexuels, en toutes circonstances, du droit de se marier ; qu’en excluant les couples de même sexe de l’institution du mariage, et en annulant l’acte de mariage dressé le 5 juin 2004, la cour d’appel a violé les articles 12 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

5°/ que le libellé de l’article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne s’écarte délibérément de celui de l’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme en ce qu’il garantit le droit de se marier sans référence à l’homme et à la femme ; qu’en retenant que les couples de même sexe ne seraient pas concernés par l’institution du mariage, et en annulant l’acte de mariage dressé le 5 juin 2004, la cour d’appel a violé l’article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

Mais attendu que, selon la loi française, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme ; que ce principe n’est contredit par aucune des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui n’a pas en France de force obligatoire ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Par la suite, ni le Conseil constitutionnel, ni la Cour européenne des droits de l’homme n’ont jugé que l’interdiction faite aujourd’hui par notre législation aux couples de personnes de même sexe de se marier était contraire à la Constitution ou à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

==> La décision du Conseil constitutionnel du 28 janvier 2011

En janvier 2011, le Conseil constitutionnel est saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Cour de cassation, posée par deux femmes – Corinne C. et Sophie H. – qui désiraient se marier ensemble (Décision n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011).

Elles entendaient contester la constitutionnalité du dernier alinéa de l’article 75 du Code civil aux termes duquel l’officier d’état civil « recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour époux : il prononcera, au nom de la loi, qu’elles sont unies par le mariage, et il en dressera acte sur-le-champ. »

La question prioritaire de constitutionnalité portait également sur la conformité de l’article 144 du Code civil qui, en son temps, prévoit que « l’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus ».

Selon les requérantes, l’interdiction du mariage entre personnes du même sexe et l’absence de toute faculté de dérogation judiciaire porteraient atteinte à l’article 66 de la Constitution et à la liberté du mariage.

L’ouverture du mariage aux seuls couples hétérosexuels méconnaitrait, en outre, le droit de mener une vie familiale normale et l’égalité devant la loi.

En premier lieu, le Conseil constitutionnel répond, en substance, que conformément à l’article 34 de la Constitution, il appartient au seul législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, dans l’exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel.

Les juges de la rue de Montpensier ajoutent que le Conseil constitutionnel n’est nullement investi d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, en conséquence de quoi il est incompétent pour se prononcer sur les choix du législateur, dès lors qu’ils sont conformes aux droits et libertés que la Constitution garantit.

En deuxième lieu, le Conseil constitutionnel considère que, si le dernier alinéa de l’article 75 et l’article 144 du code civil ne font pas obstacle à la liberté des couples de même sexe de vivre en concubinage dans les conditions définies par l’article 515-8 de ce code ou de bénéficier du cadre juridique du pacte civil de solidarité régi par ses articles 515-1 et suivants, il n’en demeure pas moins que le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas le droit de se marier pour les couples de même sexe

En dernier lieu, il affirme que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.

Aussi, en déduit-il qu’en maintenant le principe selon lequel le mariage est l’union d’un homme et d’une femme, le législateur a, dans l’exercice de la compétence que lui attribue l’article 34 de la Constitution, estimé que la différence de situation entre les couples de même sexe et les couples composés d’un homme et d’une femme peut justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille

En conséquence, il ne lui appartient pas de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en cette matière, de cette différence de situation ; que, par suite, le grief tiré de la violation de l’article 6 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ;

La position du Conseil constitutionnel a été confirmée par la Cour européenne des droits de l’Homme.

==> Décision de la Cour européenne des droits de l’Homme du 24 juin 2010

Dans un arrêt Schalk et Kopf c/ Autriche du 24 juin 2010, la Cour européenne des droits de l’homme, relevant l’absence de consensus des États membres du Conseil de l’Europe sur ce point, a jugé que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme n’imposait pas aux États parties l’obligation de permettre le mariage des couples homosexuels.

Elle relève que « à ce jour, pas plus de six sur quarante-sept États parties à la convention autorisent un tel mariage ».

Elle observe encore que « le mariage possède des connotations sociales et culturelles profondément enracinées susceptibles de différer notablement d’une société à une autre. Elle rappelle qu’elle ne doit pas se hâter de substituer sa propre appréciation à celle des autorités nationales, qui sont les mieux placées pour apprécier les besoins de la société et y répondre ».

Pour cette raison, elle refuse ainsi d’imposer aux États parties d’ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe.

La Cour a en outre rejeté le grief selon lequel l’interdiction du mariage entre les deux requérants emportait une discrimination non justifiée, au motif que l’Autriche a depuis lors mis en place un système de « partenariat enregistré » emportant pour les partenaires des droits comparables à ceux des époux.

Aussi, dans la mesure où « les requérants peuvent désormais conclure un partenariat enregistré, la Cour n’a pas à rechercher si l’absence de reconnaissance juridique des couples homosexuels aurait emporté violation de l’article 14 combiné avec l’article 8 si telle était encore la situation ».

Dans le droit fil de cette décision, la Cour européenne des droits de l’Homme a, dans un autre arrêt (Gas et Dubois c/ France) du 15 mars 2012 rejeté l’argument d’une discrimination entre les couples mariés qui peuvent adopter l’enfant du conjoint et les couples non mariés, notamment de même sexe, qui se voient refuser ce droit, sur le fondement de l’article 365 du code civil.

La Cour a estimé, comme dans l’arrêt précédemment cité, que le mariage conférait « un statut particulier à ceux qui s’y engagent, que l’exercice du droit de se marier était protégé par l’article 12 de la Convention et emporte des conséquences sociales, personnelles et juridiques, et que par conséquent, on ne saurait considérer, en matière d’adoption par le second parent, que les requérantes se trouvent dans une situation juridique comparable à celle des couples mariés ».

La Cour en conclut que les requérantes ne se trouvent pas dans une situation comparable à celle d’un couple marié.

==> Les conventions internationales

Ni la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, ni le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par l’Assemblée générale de l’ONU le 16 décembre 1966, n’interdisent le mariage des couples de même sexe, même s’ils ne le prévoient pas expressément.

C’est ainsi que de nombreux pays ont déjà pu procéder à cette ouverture, sans contrevenir à leurs engagements internationaux.

De la même manière, la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des Libertés fondamentales, dont l’article 12 relatif au « droit au mariage » précise qu’« à partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit », ne fait pas obstacle à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.

Ainsi, dans l’affaire Schalk et Kopf c/ Autriche précitée, la Cour européenne des droits de l’homme a rappelé le contexte historique dans lequel la Convention a été adoptée, période au cours de laquelle le mariage était exclusivement compris comme visant l’union d’un homme et d’une femme (§ 55), puis elle a estimé que l’article 12 de la Convention n’interdisait pas le mariage des personnes de même sexe (§ 61) – avant de préciser que rien n’oblige non plus les États parties à légiférer en ce sens.

La Cour s’est aussi fondée sur l’article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, relatif au « Droit de se marier et de fonder une famille » qui précise que « le droit de se marier et le droit de fonder une famille sont garantis selon les lois nationales qui en régissent l’exercice ».

La mention de l’homme et de la femme ne figure ainsi pas à cet article, les rédacteurs ayant tiré les conséquences de l’ouverture envisagée par certains pays du mariage entre personnes de même sexe. Le renvoi aux « lois nationales » permet ainsi de tenir compte de la diversité des législations sur le mariage.

En conclusion, si aucune jurisprudence, ni aucune norme supérieure ne contraignent le législateur français à ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe – à tout le moins en l’état de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui pourrait évoluer à terme si un plus grand nombre d’États européens ouvrait ce droit – aucune norme internationale, européenne ou constitutionnelle ne s’oppose à ce que le législateur décide de le faire aujourd’hui.

C’est la raison pour laquelle, lors de l’adoption de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe le législateur n’a rencontré aucun véritable juridique.

De toute évidence, cette loi opère un changement majeur dans l’ordonnancement juridique, ne serait-ce que parce qu’elle confère aux familles homoparentales un statut juridique, alors que, auparavant, elles existaient sans que les droits du parent social – dépourvu de lien de filiation avec l’enfant – ne soient reconnus.

Point d’orgue de l’évolution de la jurisprudence en matière de gestation pour autrui? (Cass. 1ère civ. 5 juill. 2017)

Le 5 juillet 2017, la Cour de cassation a rendu 4 arrêts majeurs par lesquels elle revient sur sa position, s’agissant de l’adoption par le conjoint du père biologique d’un enfant conçu au moyen d’une mère porteuse. Dans le même temps, elle refuse  de transcrire un acte faisant mention de la mère d’intention.

Ces quatre arrêts ont été accompagnés par un communiqué de presse à l’occasion duquel la Cour de cassation indique que :

==> D’une part, en cas de GPA réalisée à l’étranger, l’acte de naissance peut être transcrit sur les registres de l’état civil français en ce qu’il désigne le père, mais pas en ce qu’il désigne la mère d’intention, qui n’a pas accouché

==> D’autre part, une GPA réalisée à l’étranger ne fait pas obstacle, à elle seule, à l’adoption de l’enfant par l’époux de son père

La Première chambre civile rappelle ensuite la problématique relative à la gestion pour autrui qui résulte de deux situations bien distinctes qui tendent à se multiplier, mais auxquelles la loi apporte toujours la même réponse : la GPA est prohibée conformément à l’article 16-7 du Code civil qui prévoit que toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle.

==> Situation n°1 : Conformément à la loi du pays étranger, l’acte de naissance de l’enfant mentionne comme père et mère l’homme et la femme ayant eu recours à la GPA. La paternité de l’homme n’est pas contestée, mais la femme n’est pas celle qui a accouché.

 Question :  Le couple peut-il obtenir la transcription à l’état civil français de l’acte de naissance établi à l’étranger alors que la femme qui s’y trouve désignée comme mère n’a pas accouché de l’enfant

==> Situation n°2 : Le père biologique reconnaît l’enfant puis se marie à un homme.

Question : Le recours à la GPA fait-il obstacle à ce que l’époux du père demande l’adoption simple de l’enfant ?

L’examen de la jurisprudence révèle que la position de la Cour de cassation sur ces deux questions a considérablement évolué.

I) Rejet de la gestion pour autrui

La Cour de cassation refuse à un couple qui avait recouru à une mère porteuse la validation d’une procédure plénière (Cass. ass. pl., 31 mai 1991)

Elle affirme en ce sens que « l’adoption n’était que l’ultime phase d’un processus destiné à permettre à un couple l’accueil à son foyer de l’enfant, conçu en exécution d’un contrat tendant à l’abandon à sa naissance par sa mère,…ce processus constituait un détournement de l’institution »

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II) Refus de transcription de la filiation sur les registres d’état civil

==> Arrêts du le 6 avril 2011

La Cour de cassation a rendu trois arrêts concernant le recours à la gestation pour autrui pratiquée par des Français à l’étranger (Cass. 1re civ ,. 6 avr. 2011)

Dans ces décisions, elle approuve les juges du fond qui avaient refusé, à la demande du ministère public, de transcrire sur les registres de l’état civil les actes de naissance dressés aux États-Unis qui, validant le contrat de gestation, avait désigné, dans chacune de ces espèces, comme père et mère, le couple français commanditaire.

Ce refus, fondé sur le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, a été justifié par l’ordre public international français ou par la fraude à la loi française

La Cour de cassation affirme en ce sens que « lorsque la naissance est l’aboutissement, en fraude à la loi française, d’un processus d’ensemble comportant une convention de gestation pour le compte d’autrui, convention qui, fût-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du Code civil »

Il en résulte selon la haute juridiction que la filiation établie à l’étranger ne peut être inscrite sur les registres français de l’état civil.

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==> Arrêts du 19 mars 2014

La Cour confirme, dans un des deux arrêts précités, l’annulation pour fraude à la loi de la reconnaissance effectuée en France par le père biologique (Cass. 1re civ., 19 mars 2014)

III) Condamnation par la CEDH

La Cour européenne des droits de l’homme condamne la France au motif que son refus de reconnaître la filiation des enfants nés à l’étranger avec l’assistance d’une mère porteuse et l’impossibilité pour l’enfant d’établir en France cette filiation, alors même que celle-ci est conforme à la réalité biologique, « sont contraires au droit de tout individu au respect de son identité, partie intégrante du droit au respect de la vie privée » (26 juin 2014 : Labassée et Mennesson)

Elle précise que le respect de ce texte exige que « chacun puisse établir les détails de son identité d’être humain », dont la filiation est un aspect essentiel

IV) Revirement de jurisprudence

==> Arrêts du 3 juillet 2015

Dans deux arrêts d’assemblée plénière la Cour de cassation prend en compte la condamnation de la France (Cass. ass. plén., 3 juill. 2015)

Elle admet, pour la première fois, que la gestation pour autrui ne fait pas, en elle-même, obstacle à la transcription de l’acte de naissance étranger sur les actes d’état civil français.

Les deux affaires concernaient un homme ayant conclu une convention de GPA avec une mère porteuse en Russie et qui sollicitaient la transcription de l’acte de naissance qui les mentionnait l’un et l’autre comme parents de l’enfant.

Les arrêts du 3 juillet 2015 laissent en suspens la question de la filiation des parents d’intention, comme le précise d’ailleurs le communiqué de presse selon lequel « les espèces soumises à la Cour de cassation ne soulevaient pas la question de la transcription de la filiation établie à l’étranger à l’égard de parents d’intention : la Cour ne s’est donc pas prononcée sur ce cas de figure ».

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==> Arrêt de la CA de Rennes du 28 septembre 2015

Dans deux décisions rendues le 28 septembre 2015, la cour d’appel de Rennes confirme l’annulation des actes de naissance de deux enfants nés de mères porteuses à l’étranger, l’un en Inde, l’autre aux États-Unis (CA Rennes, 6e ch. A, 28 sept. 2015)

Les actes de naissance litigieux sont annulés, en application de l’article 47 du Code civil, en ce qu’ils ne reflètent pas la vérité quant à la filiation maternelle des enfants.

Chaque acte désigne comme mère de l’enfant l’épouse du père biologique, alors même que celle-ci n’a pas accouché de l’enfant.

La cour d’appel de Rennes réitère sa position, dans deux arrêts rendus le 7 mars 2016 (CA Rennes, 7 mars 2016) :

  • en ordonnant dans une affaire la transcription de la filiation paternelle biologique à l’état civil d’un enfant né de gestation pour autrui à l’étranger
  • en refusant dans l’autre de transcrire sur les registres français de l’état civil un acte de naissance dans lequel est indiquée en qualité de mère une femme qui n’a pas accouché.

La question de la maternité d’intention demeure pour l’instant non résolue.

V) Nouvelle condamnation de la France par la CEDH

La Cour européenne des droits de l’homme vient de condamner à nouveau la France pour refus de transcription à l’état civil du lien de filiation biologique d’un enfant né sous gestation pour autrui (21 juill. 2016, nos 9063/14 et 10410/14, Foulon et Bouvet c. France)

Dans les deux affaires, les requérants se voyaient dans l’impossibilité d’obtenir la reconnaissance en droit français du lien de filiation biologique établi entre eux en Inde.

Les autorités françaises, suspectant le recours à des conventions de GPA illicites, refusaient donc la transcription des actes de naissance indiens.

Sans surprise, la CEDH accueille le grief de violation du droit à la vie privée (Conv. EDH, art. 8), par référence aux arrêts Mennesson et Labassée (CEDH, 26 juin 2014)

VI) Revirement partielle de jurisprudence

 Trois enseignements peuvent être tirés des quatre arrêts rendus par la Cour de cassation le 5 juillet 2017 : (Cass. 1ère civ. 5 juill. 2017)

==> Première enseignement: L’acte de naissance étranger d’un enfant né d’une GPA peut être transcrit partiellement à l’état civil français, en ce qu’il désigne le père

 La Cour de cassation affirme en ce sens que dès lors que les actes de naissance ne sont, ni irréguliers, ni falsifiés et que les faits qui y sont déclarés correspondent à la réalité, s’agissant de la désignation du père, la convention de gestation pour autrui conclue ne fait pas obstacle à la transcription desdits actes.

Deuxième espèce : Cass. 1ère civ. 5 juill. 2017

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’aux termes de leurs actes de naissance, établis par les autorités ukrainiennes, V... et K... X... sont nées le ... à Kiev (Ukraine) de M. X... et de Mme Y..., son épouse, tous deux de nationalité française ; que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes s’est opposé à la transcription des actes de naissance sur les registres de l’état civil consulaire français, au motif que les enfants étaient nées à la suite d’une convention de gestation pour autrui ; que, le 25 mars 2013, un certificat de nationalité française leur a été délivré ;

Sur les premier et second moyens réunis du pourvoi n° F 16-50.025, qui est recevable :

Attendu que le procureur général près la cour d’appel de Rennes fait grief à l’arrêt d’ordonner la transcription sur les registres de l’état civil consulaire français à Kiev et les registres du service central d’état civil à Nantes, des actes de naissance de V... et K... X..., nées de M. X..., époux de Mme Y..., alors, selon le moyen :

1°/ que l’article 47 du code civil accorde foi à tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait dans un pays étranger, sauf si notamment, les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; que la réalité citée par l’article 47 du code civil correspond nécessairement à la conformité des énonciations de l’acte d’état civil par rapport aux faits qu’il relate ; que Mme Y... étant citée comme mère alors qu’elle n’a pas accouché, les actes de naissance de K... et V... X... ne peuvent être déclarés conformes aux exigences de l’article 47 du code civil ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article 47 du code civil ;

2°/ que l’article 312 du code civil énonce que l’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari ; que la présomption de paternité qui s’applique au père pendant le mariage nécessite que l’épouse du mari soit bien la mère ; que si l’épouse n’est pas reconnue comme mère, le mari ne peut se voir appliquer une présomption de paternité ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article 312 du code civil ;

Mais attendu que, l’arrêt n’ayant ordonné la transcription des actes de naissance des enfants V... et K... qu’en ce qu’elles sont nées de M. X..., sans désignation de Mme Y... en qualité de mère, le moyen est inopérant en sa première branche ;

Et attendu que la cour d’appel, qui était saisie d’une action aux fins de transcription d’actes de l’état civil étrangers et non d’une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, a constaté que les actes de naissance n’étaient ni irréguliers ni falsifiés et que les faits qui y étaient déclarés correspondaient à la réalité, s’agissant de la désignation du père ; qu’elle en a déduit, à bon droit, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la seconde branche, que la convention de gestation pour autrui conclue ne faisait pas obstacle à la transcription desdits actes ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi n° B 16-16.901 :

Attendu que M. X... et Mme Y... font grief à l’arrêt de n’ordonner la transcription, sur les registres de l’état civil consulaire français à Kiev et les registres du service central d’état civil à Nantes, des actes de naissance de V... et K... qu’en ce qu’elles seraient nées le ..., à Kiev, de M. X..., époux de Mme Y..., et non de Mme Y..., alors, selon le moyen :

1°/ que les actes d’état civil dressés à l’étranger par l’autorité compétente conformément au droit étranger dont relève cette autorité doivent être reconnus en France dès lors qu’ils ne sont pas contraires à l’ordre public international français, lequel ne s’oppose pas à l’établissement de la filiation d’un enfant né à l’étranger dans le cadre d’une convention de gestation pour autrui ; qu’en considérant que l’établissement de la filiation maternelle de la mère d’intention en application de la loi compétente selon la règle de conflit serait impossible en l’état du droit français, pour rejeter la demande de transcription de la filiation de K... et V... X... à l’égard de Mme Y..., après avoir constaté la régularité des actes d’état civil des enfants dressés à l’étranger, la cour d’appel a violé par fausse application les articles 3 et 311-14 du code civil ;

2°/ que les circonstances de la conception d’un enfant ne peuvent être opposées à l’établissement de sa filiation ; qu’en considérant que la norme selon laquelle l’établissement de la filiation maternelle de la mère d’intention serait impossible en l’état du droit français ferait obstacle à la reconnaissance en droit interne d’un lien de filiation entre les enfants à l’égard de Mme Y... qui n’est pas leur mère biologique, la cour d’appel a violé le droit au respect de la vie privée et à une vie familiale normale garanti par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

3°/ qu’en considérant que la norme selon laquelle l’établissement de la filiation maternelle de la mère d’intention serait impossible en l’état du droit français ferait obstacle à la reconnaissance en droit interne d’un lien de filiation entre les enfants à l’égard de Mme Y... qui n’est pas leur mère biologique, après avoir retenu que le droit ukrainien reconnaît la filiation maternelle des enfants K... et V... à l’égard de Mme Y..., la cour d’appel a méconnu les principes d’harmonie internationale des solutions, de continuité du statut personnel et de primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant, en violation de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble de l’article 3-1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l’enfant ;

4°/ qu’en se bornant à considérer que l’absence de transcription n’empêche pas les enfants de vivre avec leur père et mère et que K... et V... X... s’étaient vu reconnaître les prérogatives attachées à la nationalité française et au titre des droits successoraux, sans s’assurer de la pérennité de leur lien avec Mme Y... qui les élève et leur prodigue ses soins et de la responsabilité de cette dernière à leur endroit, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant, de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article-3-1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l’enfant ;

5°/ que le droit au respect de la vie privée et familiale doit être reconnu sans distinction selon la naissance ; qu’un lien de filiation peut être établi à l’égard d’une mère d’intention dès lors que l’acte de naissance d’un enfant porte le nom de la femme qui a accouché ou ne donne aucune indication sur la femme qui a accouché ; qu’en considérant que la norme selon laquelle l’établissement de la filiation maternelle de la mère d’intention serait impossible en l’état du droit français ferait obstacle à la reconnaissance en droit interne d’un lien de filiation entre les enfants à l’égard de Mme Y... qui n’est pas leur mère biologique, au prétexte que les actes de naissance des enfants K... et V... X... indiquent que Mme Y... est leur mère, la cour d’appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que, selon l’article 47 du code civil, tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ;

Que, concernant la désignation de la mère dans les actes de naissance, la réalité, au sens de ce texte, est la réalité de l’accouchement ;

Qu’ayant constaté que Mme X... n’avait pas accouché des enfants, la cour d’appel en a exactement déduit que les actes de naissance étrangers n’étaient pas conformes à la réalité en ce qu’ils la désignaient comme mère, de sorte qu’ils ne pouvaient, s’agissant de cette désignation, être transcrits sur les registres de l’état civil français ;

Attendu qu’aux termes de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :

1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ;

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ;

Attendu que le refus de transcription de la filiation maternelle d’intention, lorsque l’enfant est né à l’étranger à l’issue d’une convention de gestation pour autrui, résulte de la loi et poursuit un but légitime en ce qu’il tend à la protection de l’enfant et de la mère porteuse et vise à décourager cette pratique, prohibée par les articles 16-7 et 16-9 du code civil ;

Et attendu que ce refus de transcription ne crée pas de discrimination injustifiée en raison de la naissance et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale des enfants, au regard du but légitime poursuivi ; qu’en effet, d’abord, l’accueil des enfants au sein du foyer constitué par leur père et son épouse n’est pas remis en cause par les autorités françaises, qui délivrent des certificats de nationalité aux enfants nés d’une gestation pour autrui à l’étranger ; qu’ensuite, en considération de l’intérêt supérieur des enfants déjà nés, le recours à la gestation pour autrui ne fait plus obstacle à la transcription d’un acte de naissance étranger, lorsque les conditions de l’article 47 du code civil sont remplies, ni à l’établissement de la filiation paternelle ; qu’enfin, l’adoption permet, si les conditions légales en sont réunies et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant, de créer un lien de filiation entre les enfants et l’épouse de leur père ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi n° B 16-16.901, pris en sa troisième branche :

Vu l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que, pour déclarer l’association Juristes pour l’enfance recevable en son intervention volontaire accessoire, l’arrêt retient que le moyen pris de la violation de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est inopérant, s’agissant d’une procédure où les débats sont publics ;

Qu’en statuant ainsi, alors que, nonobstant le caractère public des débats, le droit au respect de la vie privée et familiale de M. et Mme Y... et des enfants V... et K... s’opposait à l’immixtion de l’association dans une instance qui revêtait un caractère strictement personnel, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Vu les articles L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen du pourvoi n° B 16-16.901 :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il reçoit l’association Juristes pour l’enfance en son intervention volontaire accessoire et la déclare en partie bien fondée, l’arrêt rendu le 7 mars 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ;

==> Deuxième enseignement: L’acte de naissance étranger d’un enfant né d’une GPA ne peut être transcrit à l’état civil français, en ce qu’il désigne le père en ce qu’il désigne la mère d’intention

 Deux arguments sont avancés par la Cour de cassation au soutien de sa position :

  • Premier argument
    • Selon l’article 47 du code civil, tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité
    • Aussi, selon elle, la désignation de la mère dans les actes de naissance, la réalité, au sens de ce texte, est la réalité de l’accouchement
    • Elle en conclut que, dans l’hypothèse où la mère qui se prévaut de cette qualité n’a pas accouché de l’enfant, les actes de naissance étrangers ne sont pas conformes à la réalité en ce qu’ils la désignaient comme mère, de sorte qu’ils ne pouvaient, s’agissant de cette désignation, être transcrits sur les registres de l’état civil français
  • Second argument
    • La première chambre civile rappelle que, conformément à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
      • D’une part, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance
      • D’autre part, il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui
    • En application de ces principes, la Cour de cassation considère alors que
      • En premier lieu, le refus de transcription de la filiation maternelle d’intention, lorsque l’enfant est né à l’étranger à l’issue d’une convention de gestation pour autrui, résulte de la loi et poursuit un but légitime en ce qu’il tend à la protection de l’enfant et de la mère porteuse et vise à décourager cette pratique, prohibée par les articles 16-7 et 16-9 du code civil
      • En second lieux, ce refus de transcription ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale des enfants, au regard du but légitime poursuivi
      • La Cour de cassation justifie cette position en affirmant que :
        • D’abord, l’accueil des enfants au sein du foyer constitué par leur père et son épouse n’est pas remis en cause par les autorités françaises, qui délivrent des certificats de nationalité française aux enfants nés d’une gestation pour autrui à l’étranger
        • Ensuite, en considération de l’intérêt supérieur des enfants déjà nés, le recours à la gestation pour autrui ne fait plus obstacle à la transcription d’un acte de naissance étranger, lorsque les conditions de l’article 47 du code civil sont remplies, ni à l’établissement de la filiation paternelle
        • Enfin, l’adoption permet, si les conditions légales en sont réunies et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant, de créer un lien de filiation entre les enfants et l’épouse de leur père

Première espèce : Cass. 1ère civ. 5 juill. 2017

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’aux termes de leurs actes de naissance américains, dressés conformément à un jugement de la cour supérieure de l’Etat de Californie du 17 septembre 2010, P... et P... X... sont nés le 4 novembre 2010 à Whittier (Californie, Etats-Unis d’Amérique) de M. X... et de Mme Y..., son épouse, tous deux de nationalité française ; que, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes s’étant opposé à leur demande de transcription de ces actes de naissance sur les registres de l’état civil consulaire et du service central d’état civil du ministère des affaires étrangères, en invoquant l’existence d’une convention de gestation pour autrui, M. et Mme X... l’ont assigné à cette fin ;

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et neuvième branches :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l’arrêt de rejeter leur demande, en ce qui concerne la désignation de Mme X... en qualité de mère, alors selon le moyen :

1°/ que les actes d’état civil établis dans un pays étrangers et rédigés dans les formes usitées dans ce pays font foi sauf s’ils sont irréguliers, falsifiés ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; que seule la réalité juridique et non la réalité biologique doit être prise en compte pour vérifier la valeur probante d’un acte d’état civil établi à l’étranger ; qu’il résultait des termes du jugement de la Cour supérieure de Californie du 17 septembre 2010, qui servait de fondement aux actes de naissance dont la transcription était demandée, que M. et Mme X... étaient déclarés parents légaux des deux enfants et que la mère biologique avait renoncé à tous droits sur eux ; qu’en retenant que les faits déclarés par les intéressés lors de l’établissement des actes de naissance par le service de l’état civil californien sur la filiation maternelle des enfants ne correspondaient pas à la réalité, cependant que ces actes avaient été établis sur la foi d’une décision de justice rendue légalement en Californie et donnant force exécutoire à un contrat de gestation pour autrui qui attribuait la paternité et la maternité juridiques à M. et Mme X..., de sorte que le fait que la mère juridique ne soit pas la femme ayant accouché ne caractérisait pas une fausse information, la cour d’appel a violé l’article 47 du code civil ;

2°/ que le ministère public n’avait contesté ni l’opposabilité en France du jugement américain ni la foi à accorder aux actes dressés en Californie et s’était borné à justifier le refus de transcription de l’acte en invoquant l’existence d’un processus contraire à l’ordre public international français impliquant le recours à un contrat de gestation pour autrui ; qu’en refusant de prendre en compte les énonciations du jugement étranger du 17 septembre 2010 en ce qu’il mentionnait Mme X... comme étant la mère des enfants, après avoir pourtant rappelé que la théorie de la fraude soutenue par le ministère public n’était pas pertinente dès lors que la convention de gestation pour autrui conclue entre un parent d’intention et une mère porteuse ne faisait plus obstacle à la transcription de l’acte de naissance d’un enfant né à l’étranger issu d’une telle convention, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l’article 47 du code civil ;

3°/ que le procureur de la République ne peut refuser une demande de transcription d’un acte d’état civil dressé à l’étranger qu’en établissant qu’il serait « irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité » au regard des formes usitées dans ce pays ; que les actes de naissance des enfants concernés avaient été établis sur la base d’un jugement de la Cour supérieure de Californie du 17 septembre 2010, lui-même conforme au code de la famille californien, déclarant M. et Mme X... parents légaux des enfants à naître par gestation pour autrui ; qu’ils avaient donc été rédigés dans les formes usitées dans l’Etat de Californie ; qu’en retenant que le procureur de la République pouvait refuser de transcrire les actes de naissance établis dans ces conditions, la cour d’appel a violé l’article 47 du code civil ;

4°/ qu’en examinant la force probatoire des actes de naissance en litige, non pas au regard des dispositions édictées en vue de leur transcription par l’article 47 du code civil, mais par application de la loi désignée par la règle de conflit pour l’établissement de la filiation de l’enfant, la cour d’appel a violé l’article 47 du code civil ;

5°/ que le droit au respect de la vie privée garanti par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales exige que chacun puisse établir les détails de son identité d’être humain, ce qui inclut sa filiation et sa nationalité ; que la juridiction européenne a retenu que la non-reconnaissance en droit français du lien de filiation entre les enfants conçus par gestation pour autrui et les parents d’intention portait atteinte au respect de leur vie privée, qui implique que chacun puisse établir la substance de son identité, y compris sa filiation ; qu’en limitant l’effet utile du droit au respect de la vie privée et familiale de l’enfant et son droit à l’identité qui inclut la filiation et la nationalité au seul cas où la filiation paternelle est conforme à la vérité biologique, la cour d’appel a violé l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

6°/ que l’intérêt supérieur de l’enfant exige que soit transcrit sur les registres d’état civil français l’acte de naissance régulièrement établi à l’étranger et indiquant la filiation paternelle et maternelle ; qu’en retenant que l’intérêt supérieur de l’enfant ne pouvait être utilement invoqué que si la filiation paternelle était conforme à la vérité biologique, la cour d’appel a violé l’article 3, § 1, de la Convention internationale des droits de l’enfant ;

7°/ qu’ils faisaient valoir que la filiation de leurs enfants était établie par la possession d’état à leur égard depuis quatre années, ce qui justifiait la transcription des actes de naissance, sauf à porter atteinte au respect de la vie privée et familiale et à l’intérêt supérieur de l’enfant ; qu’en refusant la transcription demandée sans répondre à ce moyen, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, selon l’article 47 du code civil, tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ;

Que, concernant la désignation de la mère dans les actes de naissance, la réalité, au sens de ce texte, est la réalité de l’accouchement ;

Qu’ayant constaté que Mme X... n’avait pas accouché des enfants, la cour d’appel en a exactement déduit que les actes de naissance étrangers n’étaient pas conformes à la réalité en ce qu’ils la désignaient comme mère, de sorte qu’ils ne pouvaient, s’agissant de cette désignation, être transcrits sur les registres de l’état civil français ;

Attendu qu’aux termes de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :

1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ;

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ;

Attendu que le refus de transcription de la filiation maternelle d’intention, lorsque l’enfant est né à l’étranger à l’issue d’une convention de gestation pour autrui, résulte de la loi et poursuit un but légitime en ce qu’il tend à la protection de l’enfant et de la mère porteuse et vise à décourager cette pratique, prohibée par les articles 16-7 et 16-9 du code civil ;

Attendu que ce refus de transcription ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale des enfants, au regard du but légitime poursuivi ; qu’en effet, d’abord, l’accueil des enfants au sein du foyer constitué par leur père et son épouse n’est pas remis en cause par les autorités françaises, qui délivrent des certificats de nationalité française aux enfants nés d’une gestation pour autrui à l’étranger ; qu’ensuite, en considération de l’intérêt supérieur des enfants déjà nés, le recours à la gestation pour autrui ne fait plus obstacle à la transcription d’un acte de naissance étranger, lorsque les conditions de l’article 47 du code civil sont remplies, ni à l’établissement de la filiation paternelle ; qu’enfin, l’adoption permet, si les conditions légales en sont réunies et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant, de créer un lien de filiation entre les enfants et l’épouse de leur père ;

Et attendu que la cour d’appel, qui était saisie d’une action aux fins de transcription d’actes de l’état civil étrangers et non d’une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, n’avait pas à répondre aux conclusions inopérantes relatives à la possession d’état des enfants ;

D’où il suit que le moyen, qui critique un motif surabondant en sa quatrième branche, ne peut être accueilli ;

Mais sur la huitième branche du moyen :

Vu l’article 47 du code civil, ensemble l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que, pour refuser la transcription des actes de naissance étrangers en ce qu’ils désignent M. X... en qualité de père, l’arrêt retient qu’en l’absence de certificat médical délivré dans le pays de naissance attestant de la filiation biologique paternelle, d’expertise biologique judiciaire et d’éléments médicaux sur la fécondation artificielle pratiquée, la décision rendue le 17 septembre 2010 par une juridiction californienne le déclarant parent légal des enfants à naître, est insuffisante à démontrer qu’il est le père biologique ;

Qu’en statuant ainsi, alors, d’une part, que la transcription des actes de naissance sur les registres de l’état civil français n’était pas subordonnée à une expertise judiciaire, d’autre part, qu’elle constatait que le jugement californien énonçait que le patrimoine génétique de M. X... avait été utilisé, sans relever l’existence d’éléments de preuve contraire, de sorte que ce jugement avait, à cet égard, un effet de fait et que la désignation de M. X... dans les actes comme père des enfants était conforme à la réalité, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Vu les articles L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la septième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de M. et Mme X... de transcription, sur les registres de l’état civil consulaire et du service central d’état civil du ministère des affaires étrangères, des actes de naissance de P... et P... X..., nés le... à Whittier (Etats-Unis), en ce qu’ils sont nés de M. Jean-François X..., né le..., l’arrêt rendu le 28 septembre 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

Quatrième espèce : Cass. 1ère civ. 5 juill. 2017

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 28 septembre 2015), que l’officier de l’état civil du consulat de France à Bombay (Inde) a dressé, le 22 février 2010, sur ses registres de l’état civil, l’acte de naissance de l’enfant E. X..., comme étant née le [...] à l’hôpital [...], de M. X... et de Mme Y..., son épouse, tous deux de nationalité française ; que, le 26 mars 2012, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes a assigné M. et Mme X..., tant en leur nom personnel qu’en qualité de représentants légaux de leur fille mineure E. , en annulation de l’acte de naissance, en raison d’une suspicion de recours à une gestation pour autrui ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l’arrêt d’annuler l’acte de naissance consulaire d’E. , née le [...], alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque la filiation d’un enfant né à l’étranger par gestation pour autrui est établie envers ses parents d’intention par l’acte de naissance étranger, le refus de transcription de cet acte de naissance dans les registres de l’état civil ou l’annulation judiciaire de la transcription si celle-ci a été effectuée, viole le droit de l’enfant au respect de sa vie privée et familiale, peu important qu’il ne soit pas établi que le père d’intention est en outre le père biologique ; qu’en annulant l’acte de naissance d’E. X... établi par le consulat de France à Bombay après avoir relevé que l’acte de naissance indien indiquait la filiation de l’enfant envers M. et Mme X..., et sans même avoir constaté que la preuve aurait été rapportée que M. X... n’eût pas été le père biologique d’E. , la cour d’appel a violé les articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 48 du code civil ;

2°/ que pour annuler l’acte de naissance d’E. X... établi par le consulat de France à Bombay, l’arrêt attaqué a retenu que l’acte de naissance indien était vicié en ce qu’il mentionnait que la mère était Mme X... bien qu’elle n’a pas accouché de l’enfant, les pièces médicales s’étant révélées fausses, de sorte qu’aucune foi ne pouvait être accordée à l’acte de naissance français ; qu’en statuant ainsi, sans constater que selon la loi indienne la désignation de la mère d’intention dans un acte de naissance ne serait pas valable, la cour d’appel a violé les articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 47 et 48 du code civil ;

3°/ qu’il appartient au ministère public agissant en annulation d’un acte de naissance de prouver, le cas échéant, que le nom du père indiqué dans l’acte ne correspond pas à la réalité biologique ; qu’en faisant peser la preuve contraire sur M. X..., la cour d’appel a violé l’article 9 du code de procédure civile ;

4°/ que lorsque la filiation d’un enfant né à l’étranger par gestation pour autrui est établie envers ses parents d’intention par l’acte de naissance étranger conforté par la possession d’état d’enfant, le refus de transcription de cet acte de naissance dans les registres de l’état civil ou l’annulation judiciaire de la transcription lorsque cette dernière a été effectuée, viole le droit de l’enfant au respect de sa vie privée et familiale ; qu’en annulant l’acte de naissance d’E. X... établi par le consulat de France à Bombay sans rechercher, comme elle y était invitée, si E. X... ne bénéficiait pas de la possession d’état d’enfant de M. et Mme X..., la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 311-1 et 330 du code civil ;

Mais attendu que, saisie d’une demande d’annulation d’un acte dressé par l’officier de l’état civil consulaire français dans ses registres, sur le fondement de l’article 48 du code civil, la cour d’appel a constaté que M. et Mme X... avaient produit au consulat de France de faux documents de grossesse et un faux certificat d’accouchement, les échographies et examens médicaux de la mère porteuse ayant été modifiés afin qu’ils confirment une grossesse de l’épouse ; qu’elle en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche inopérante relative à la possession d’état de l’enfant ou à la réalité de la filiation biologique paternelle, que l’acte de naissance dressé sur les registres consulaires était entaché de nullité ;

Et attendu qu’il ne résulte pas des énonciations de l’arrêt que M. et Mme X... aient sollicité, en application de l’article 47 du code civil, la transcription de l’acte de l’état civil indien dont dispose l’enfant ; que dès lors, ils ne sont pas fondés à invoquer la violation de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

==> Troisième enseignement: Une GPA réalisée à l’étranger ne fait pas obstacle, à elle seule, à l’adoption de l’enfant par l’époux du père

En adoptant cette solution, la Cour de cassation opère manifestement un changement radical de sa position.

Comme exprimé dans son communiqué de presse, la haute juridiction tire ici les conséquences:

  • D’une part, de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe. Ce texte a pour effet de permettre, par l’adoption, l’établissement d’un lien de filiation entre un enfant et deux personnes de même sexe, sans aucune restriction relative au mode de procréation (cf. infra « Repères »)
  • D’autre part, de ses arrêts du 3 juillet 2015, selon lesquels le recours à une GPA à l’étranger ne constitue pas, à lui seul, un obstacle à la transcription de la filiation paternelle (cf. infra « Repères »).

Aussi considère-t-elle que :

  • En premier lieu, le recours à la gestation pour autrui à l’étranger ne fait pas, en lui-même, obstacle au prononcé de l’adoption, par l’époux du père, de l’enfant né de cette procréation, si les conditions légales de l’adoption sont réunies et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant
  • En second lieu, ce qui importe c’est que les juges du fond constatent l’existence, la sincérité et l’absence de rétractation du consentement à l’adoption donné par la mère de l’enfant,

Troisième espèce : Cass. 1ère civ. 5 juill. 2017

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que l’enfant M... Y... est né le ..., à Victorville (Californie, Etats-Unis d’Amérique) de Mme Z..., de nationalité américaine, qui avait conclu avec M. Y..., de nationalité française, une convention de gestation pour autrui ; qu’il a été reconnu par Mme Z... et M. Y... ; que, le 1er novembre 2013, ce dernier a épousé M. X..., de nationalité française, auquel il était lié par un pacte civil de solidarité depuis 2004 ; que, par requête du 3 juillet 2014, M. X... a saisi le tribunal de grande instance d’une demande d’adoption simple de l’enfant M...

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu les articles 353 et 361 du code civil, ensemble les articles 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, l’adoption est prononcée à la requête de l’adoptant par le tribunal qui vérifie si les conditions de la loi sont remplies et si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant ; que, selon les deux derniers, l’enfant a droit au respect de sa vie privée et familiale et, dans toutes les décisions qui le concernent, son intérêt supérieur doit être une considération primordiale ;

Attendu que, pour rejeter la demande d’adoption simple, l’arrêt retient que la naissance de l’enfant résulte d’une violation, par M. Y..., des dispositions de l’article 16-7 du code civil, aux termes duquel toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle d’une nullité d’ordre public ; Qu’en statuant ainsi, alors que le recours à la gestation pour autrui à l’étranger ne fait pas, en lui-même, obstacle au prononcé de l’adoption, par l’époux du père, de l’enfant né de cette procréation, si les conditions légales de l’adoption sont réunies et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 348 et 361 du code civil ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que lorsque la filiation de l’enfant est établie à l’égard de son père et de sa mère, ceux-ci doivent consentir l’un et l’autre à l’adoption ;

Attendu que, pour rejeter la demande d’adoption, l’arrêt retient encore que le consentement initial de Mme Z..., dépourvu de toute dimension maternelle subjective ou psychique, prive de portée juridique son consentement ultérieur à l’adoption de l’enfant dont elle a accouché, un tel consentement ne pouvant s’entendre que comme celui d’une mère à renoncer symboliquement et juridiquement à sa maternité dans toutes ses composantes et, en particulier, dans sa dimension subjective ou psychique ;

Qu’en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu’elle constatait l’existence, la sincérité et l’absence de rétractation du consentement à l’adoption donné par la mère de l’enfant, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 24 mars 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;