La définition juridique de la mort

==> Évolution

Assez curieusement, alors même que la mort marque la fin de la personnalité juridique, pendant longtemps elle n’a été définie par aucun texte.

La raison en est que, pour les rédacteurs du Code civil, le fait juridique que constitue la mort relevait de l’évidence : c’est l’état d’une personne qui rend son dernier souffle et dont toutes les fonctions organiques ont cessé. C’est le moment où la vie abandonne le corps, lequel passe du statut de chose animée à chose inerte.

Jusqu’au milieu du XXe siècle, le constat de la mort se limitait à un examen des signes externes : rigidité cadavérique, refroidissement corporel, absence de respiration et de pouls etc.

L’une des premières ébauches de définition de la mort a été fournie par le Tribunal de la Seine dans un jugement rendu le 28 août 1889.

Dans cette décision il a été jugé qu’« une personne doit être considérée comme morte du point de vue de l’ouverture de la succession, à l’instant où les battements du cœur ont cessé, où le lien vital qui relie toutes les parties de l’organisme a été rompu et où le fonctionnement simultané des différents organes nécessaires à la vie a été définitivement paralysé ».

Quant au constat de la mort, il était assuré par l’officier d’état civil qui devait se déplacer au chevet du défunt afin d’établir l’acte de décès et délivrer le permis d’inhumer.

Par suite, le décret n°60-285 du 28 mars 1960 a subordonné la délivrance de ce permis à l’établissement d’un certificat médical.

Dans le même temps, les progrès de la médecine, et notamment l’essor du prélèvement d’organes, ont conduit les juristes à s’interroger sur la notion de mort qui demeurait très approximative.

Dès le début des années 1950, les médecins sont, en effet, parvenus à réparer les corps au moyen de greffes d’organes prélevés sur des personnes qui venaient de succomber.

Afin de pratiquer un prélèvement d’organes, encore fallait-il être en mesure de déterminer si le donneur était bien décédé.

Faute de définition de la mort dans le Code civil, le ministère de la santé a été contraint d’intervenir.

Par deux circulaires adoptées le 3 février 1948 et le 19 septembre 1958, il a été décidé que le constat de la mort devait être dressé selon trois procédés que sont l’artériotomie, l’épreuve de la fluorescine d’Icard et le signe de l’éther.

Ces procédés permettaient de vérifier la cessation de la circulation du sang dans l’organisme, ce qui établissait l’absence d’activité cardiaque de la personne décédée.

Cette méthode a toutefois rapidement montré ses limites. En effet, lorsqu’une personne décède, son corps entre immédiatement en phase de décomposition, ce qui a pour conséquence de rendre, dans un court laps de temps (quelques heures), les organes impropres à une transplantation.

Aussi, pour que l’opération puisse réussir, est-il absolument nécessaire que le corps du donneur soit artificiellement maintenu en vie.

Si néanmoins l’on retient comme critère de la mort l’arrêt cardiaque, cette exigence ne peut pas être satisfaite, puisqu’au moment où les prélèvements d’organes soient réalisés, le donneur est, techniquement, toujours en vie quand bien même son cerveau serait complètement détruit.

Lorsque, dès lors, la première transplantation cardiaque a été réalisée en 1967 par le docteur Barnard, il aurait pu être poursuivi pour le crime de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner.

Consécutivement à la découverte par deux réanimateurs français, les docteurs Goulon et Mollaret, de l’état de « coma dépassé », il a été suggéré, afin de lever la menace judiciaire qui pesait sur les praticiens hospitaliers, de fixer le moment du décès, non plus au moment de la cessation de l’activité du cœur, mais au moment de l’abolition des fonctions cérébrales.

Ce nouveau critère de la mort a été consacré par la circulaire Jeanneney du 24 avril 1968, laquelle prévoyait que le constat de la mort devait être fondé sur « l’existence de preuves concordantes de l’irréversibilité de lésions encéphaliques incompatibles avec la vie » ainsi que sur « le caractère destructeur et irrémédiable des altérations du système nerveux central dans son ensemble ».

Désormais, on ne meurt donc plus d’un arrêt du cœur, mais d’une destruction cérébrale, ce qui permettait de pratiquer, en toute légalité les greffes de cœur et autres transplantations exigeant le maintien artificiel du corps en vie.

Par suite, le décret n° 78-501 du 31 mars 1978 pris pour l’application de la loi du 22 décembre 1976 relative aux prélèvements d’organes est venu préciser les conditions dans lesquelles devait être constaté le stade du coma dépassé, autorisant le déclenchement de la procédure de prélèvement multiple d’organes.

Le texte édicte notamment une séparation fonctionnelle entre les médecins chargés du constat de la mort et ceux chargés du prélèvement.

L’article L. 1232-4 du Code de la santé publique prévoit en ce sens que « les médecins qui établissent le constat de la mort, d’une part, et ceux qui effectuent le prélèvement ou la greffe, d’autre part, doivent faire partie d’unités fonctionnelles ou de services distincts. »

==> Droit positif

La primauté de la mort cérébrale sur la mort cardiaque a définitivement été entérinée par le décret n°96-1041 du 2 décembre 1996 qui règle la procédure actuelle de détermination de la mort d’une personne.

Cette procédure est plus ou moins lourde selon que la personne décédée est ou non maintenue artificiellement en vie aux fins de faire l’objet d’un prélèvement d’organes.

  • La procédure simplifiée de constat de la mort en l’absence de maintien en vie artificiel de la personne décédée
    • Lorsque la personne décédée n’est pas maintenue artificiellement en vie, l’article R. 1232-1 du Code de la santé publique prévoit que si la personne présente un arrêt cardiaque et respiratoire persistant, le constat de la mort ne peut être établi que si les trois critères cliniques suivants sont simultanément présents :
      • Absence totale de conscience et d’activité motrice spontanée ;
      • Abolition de tous les réflexes du tronc cérébral ;
      • Absence totale de ventilation spontanée
    • Le constat de la mort doit être formalisé dans un procès-verbal établi sur un document dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de la santé.
    • L’article R. 1232-3 du Code de la santé publique précise que ce procès-verbal doit indiquer les résultats des constatations cliniques ainsi que la date et l’heure du constat de la mort.
    • Il doit, en outre, être établi et signé par un médecin appartenant à une unité fonctionnelle ou un service distinct de ceux dont relèvent les médecins qui effectuent un prélèvement d’organe ou une greffe.
  • La procédure renforcée de constat de la mort en présence d’un maintien en vie artificiel de la personne décédée
    • Lorsque la personne décédée est maintenue artificiellement en vie aux fins de faire l’objet d’un prélèvement d’organe, l’article R. 1232-2 du Code de la santé publique prévoit que, en complément des trois critères cliniques mentionnés à l’article R. 1232-1, il est recouru pour attester du caractère irréversible de la destruction encéphalique :
      • Soit à deux électroencéphalogrammes nuls et aréactifs effectués à un intervalle minimal de quatre heures, réalisés avec amplification maximale sur une durée d’enregistrement de trente minutes et dont le résultat est immédiatement consigné par le médecin qui en fait l’interprétation ;
      • Soit à une angiographie objectivant l’arrêt de la circulation encéphalique et dont le résultat est immédiatement consigné par le radiologue qui en fait.
    • Dans ce cas de figure, le constat de la mort doit être formalisé dans un procès-verbal établi sur un document dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de la santé.
    • Le formalisme auquel ce procès-verbal doit répondre est, en revanche, plus lourd, compte tenu du maintien en vie artificiel du patient décédé.
    • L’article R. 1232-3, al. 3 du Code de la santé publique prévoit en ce sens que lorsque le constat de la mort est établi pour une personne assistée par ventilation mécanique et conservant une fonction hémodynamique, le procès-verbal de constat de la mort indique les résultats des constatations cliniques concordantes de deux médecins répondant à la condition mentionnée à l’article L. 1232-4.
    • Ce procès-verbal mentionne, en outre, le résultat des examens définis au 1° ou au 2° de l’article R. 1232-2, ainsi que la date et l’heure de ce constat.
    • Il doit être signé par les deux médecins susmentionnés.

Que la personne dont le décès est constaté soit ou non maintenue artificiellement en vie, l’article R. 1232-4 du Code de la santé publique prévoit que « le procès-verbal du constat de la mort est signé concomitamment au certificat de décès prévu par arrêté du ministre chargé de la santé. »

Ce certificat de décès est envisagé à l’article L. 2223-42 du Code général des collectivités territoriales.

Cette disposition prévoit que l’autorisation de fermeture du cercueil ne peut être délivrée qu’au vu d’un certificat attestant le décès, établi par un médecin, en activité ou retraité, par un étudiant en cours de troisième cycle des études de médecine en France ou un praticien à diplôme étranger hors Union européenne autorisé à poursuivre un parcours de consolidation des compétences en médecine, dans des conditions fixées par décret pris après avis du Conseil national de l’ordre des médecins.

Ce certificat, rédigé sur un modèle établi par le ministère chargé de la santé, comporte un volet administratif et un volet médical.

  • S’agissant du volet administratif
    • Il vise notamment à informer l’officier de l’état civil
    • À cette fin il comporte :
      • La commune de décès ;
      • Les date et heure de décès ;
      • Les nom, prénoms, date de naissance, sexe et domicile du défunt ;
      • Les informations nécessaires à la délivrance de l’autorisation de fermeture du cercueil et à la réalisation des opérations funéraires
    • Il peut être observé que les informations contenues dans ce volet administratif sont publiques : elles sont accessibles à tous, à la différence de celles contenues dans le volet médical qui est confidentiel.
  • S’agissant du volet médical
    • Ce volet médical comporte
      • Les informations relatives aux causes du décès
      • Des informations complémentaires lorsqu’une recherche médicale ou scientifique des causes du décès a été réalisée ou qu’une autopsie judiciaire a été ordonnée
      • Le volet médical, qu’il s’agisse de la partie dédiée aux causes du décès ou de la partie comprenant des informations complémentaires, est anonyme : il ne doit comporter ni le nom, ni le prénom de la personne décédée, ni le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques.

Ce n’est qu’une fois que ce certificat a été dûment établi, qu’il peut être procédé à la fermeture du cercueil, conformément à l’article L. 2223-42 du Code général des collectivités territoriales.

L’obtention du certificat de décès permettra également à l’officier de l’état civil de dresser l’acte de décès, soit à mentionner sur le registre d’état civil le décès de la personne décédée.

Droit des successions et libéralités: vue générale

Le droit des successions et libéralités est une branche du droit civil qui se compose de l’ensemble des règles qui gouvernent la transmission des biens à titre gratuit.

Cette transmission peut s’opérer, soit entre vifs, soit à cause de mort :

  • S’agissant des transmissions entre vifs
    • Tout d’abord, il peut être observé que lorsqu’une transmission à titre gratuit intervient entre vifs, cela signifie que le disposant se dépouille de la propriété d’un ou plusieurs biens de son vivant.
    • Ensuite, il apparaît que ce mode de transmission des biens présente un caractère exceptionnel.
    • La raison en est que la transmission procède ici d’une donation. Or il s’agit là d’un acte de disposition pour le moins singulier, car visant à abandonner la propriété d’un bien à autrui, de son vivant, sans percevoir de contrepartie économique.
    • À cet égard, parce que les donations appartiennent à la catégorie des contrats unilatéraux, pour être valables une rencontre des volontés doit nécessairement intervenir entre le donateur, qui consent la donation, et le donataire, qui l’accepte.
    • Enfin, les donations obéissent à des règles particulières, notamment pour ce qui concerne leur objet.
    • Une donation ne peut porter que sur des biens particuliers et non sur l’ensemble d’un patrimoine.
    • S’il est permis de transmettre tous ses biens entre vifs, il est en revanche interdit de transmettre toutes ses dettes, le passif étant étroitement attaché à la personne.
    • Aussi, la transmission universelle d’un patrimoine ne peut être envisagée qu’à cause de mort.
  • S’agissant des transmissions à cause de mort
    • Tout d’abord, lorsqu’une transmission à titre gratuit intervient à cause de mort, cela signifie que le de cujus (celui de la succession duquel il s’agit) n’est dépouillé de la propriété de ses biens qu’après son décès.
    • Ensuite, à la différence de la transmission entre vifs, la transmission à cause de mort présente un caractère commun.
    • Et pour cause, le décès d’une personne provoque systématiquement la transmission de ses biens, à l’exception de ses droits viagers qui s’éteignent avec elle (usufruit, rente, pension etc.).
    • Il s’agit là de la voie normale de transmission du patrimoine : la vie n’étant pas éternelle, le décès est le sort promis à tous.
    • La transmission à cause de mort est plus couramment désignée sous le nom de succession.
    • À cet égard, la spécificité de la succession est double :
      • D’une part, elle produit ses effets immédiatement, soit dès l’instant où la personne décède. Selon l’adage « la mort saisit le vif par son hoir le plus proche ».
      • D’autre part, elle opère une transmission universelle du patrimoine du défaut, soit de la totalité de ses biens et de ses dettes
    • Enfin, la transmission par voie successorale peut être réglée :
      • Soit par l’effet de la loi
        • On parle de succession ab intestat, ce qui signifie qui littéralement « sans testament»
        • Dans cette hypothèse, c’est donc la loi qui désigne les héritiers et détermine la part du patrimoine du de cujus qui leur revient
      • Soit par l’effet de la volonté
        • On parle ici de transmission par voie testamentaire, car résultant de l’établissement d’un acte appelé testament.
        • Dans cette hypothèse, c’est le de cujus qui désigne les personnes appelés à hériter (légataires) et qui détermine les biens ou la portion de biens (legs) qu’il leur entend leur léguer.

De la distinction entre les transmissions entre vifs et les transmissions à cause de mort, il se dégage une forte imbrication entre les successions et les libéralités.

En premier lieu, elles ont en commun d’être, toutes deux, des modes de transmission des biens à titre gratuit, d’où leur association courante dans les manuels de droit civil traitant de la transmission du patrimoine.

En second lieu, elles partagent un même objet lorsqu’une personne se dépouille de ses biens par voie testamentaire, ce mode de transmission relevant tout à la fois du domaine des successions et du domaine des libéralités.

S’agissant spécifiquement des libéralités, il y a lieu de relever que, contrairement aux successions dont le domaine est circonscrit aux seules transmissions à cause de mort, elles intègrent également dans leur périmètre les transmissions entre vifs, pourvu qu’elles interviennent à titre gratuit.

Au bilan, les règles qui gouvernent les transmissions entre vifs et les transmissions à cause de mort s’articulent autour des deux branches de droit suivantes :

  • Le droit des successions
    • Il connaît deux modes de transmissions des biens à cause de mort :
      • L’effet de la loi : il s’agira d’une succession ab intestat
      • La volonté du de cujus: il s’agira d’une succession testamentaire
  • Le droit des libéralités
    • En application de l’article 893 du Code civil, il connaît de deux modes de transmissions des biens :
      • La donation qui consiste en un acte à titre gratuit entre vifs
      • Le testament qui consiste en un acte à titre gratuit à cause de mort

Droit des successions et droit des libéralités appartient à un ensemble plus vaste, qualifié de droit patrimonial de la famille, lequel comprend le droit des régimes matrimoniaux.

Cette branche du droit, qui se situe à la croisée du droit de la famille, du droit des biens et du droit des obligations regroupe des matières qui ont en commun de traiter les rapports pécuniaires entre membres de la famille.

La transmission de la prestation compensatoire

La loi du 26 mai 2004 met fin au principe de la transmissibilité de la prestation compensatoire aux héritiers du débiteur, qui ne sont plus en principe tenus personnellement à son paiement.

En conséquence, les anciennes dispositions ont été abrogées à la faveur d’un mécanisme automatique de prélèvement sur la succession et dans la limite de l’actif de celle-ci, déterminé à l’article 280 du Code civil.

Lorsque la prestation compensatoire a fait l’objet d’une convention, les dispositions des articles 280 à 280-2 sont applicables à défaut de clause particulière prévoyant le sort de la prestation en cas de décès du débiteur (art 279 dernier alinéa).

==> Principe : prélèvement de la prestation sur l’actif successoral

L’article 280 du Code civil prévoit que, au décès du débiteur, la prestation compensatoire fait l’objet d’un prélèvement sur l’actif successoral.

Si celui-ci est insuffisant, le paiement est supporté par tous les légataires particuliers proportionnellement à leur émolument.

La prestation cesse d’être due au-delà du montant de l’actif, à l’instar d’autres créances soumises au même régime.

La prestation compensatoire constitue ainsi une dette de la succession.

Il convient de rappeler que, lorsque le conjoint survivant obtient une créance d’aliments sur le fondement de l’article 767, il devient un créancier de la succession et entre, en conséquence, en concours avec le créancier de la prestation compensatoire, tous deux étant des créanciers chirographaires.

==> Cas du capital échelonné

Lorsque la prestation a été fixée par le juge sous forme d’un capital échelonné, le solde de ce capital indexé est immédiatement exigible

==> Cas de la rente

Lorsque la prestation compensatoire prenait la forme d’une rente viagère ou temporaire, il lui est substitué un capital immédiatement exigible, après déduction des pensions de réversion versées du chef du conjoint survivant, par application de l’article 280-2 (en l’absence de clause particulière de la convention).

Le caractère immédiatement exigible s’oppose à ce qu’une action en révision soit préalablement intentée par les héritiers du débiteur.

Les modalités de calcul résultent du décret n° 2004-1157 du 29 octobre 2004 pris en application des articles 276-4 et 280 du code civil et fixant les modalités de substitution d’un capital à une rente allouée au titre de la prestation compensatoire.

==> Exception : option des héritiers pour maintenir les modalités de paiement antérieures

Afin de ménager au dispositif toute la souplesse nécessaire, il est prévu un mécanisme d’option permettant aux héritiers de choisir de maintenir les modalités de paiement qui incombaient au débiteur lors de son décès.

  • Régime de l’option
    • L’option, qui n’est pas ouverte au créancier, nécessite l’accord unanime de tous les héritiers, constaté par acte notarié sous peine de nullité.
    • L’accord n’est opposable aux tiers qu’après notification au créancier, lorsque celui-ci n’est pas intervenu à l’acte.
  • Effets de l’option
    • Les héritiers, lorsqu’ils choisissent l’option, sont tenus personnellement au paiement de la prestation.
    • Ils bénéficient alors des mêmes droits que ceux dont bénéficiait le débiteur lui-même en matière de révision ou d’apurement.
    • Ainsi, en présence d’un capital échelonné, les modalités de paiement peuvent faire l’objet d’une révision et chacun peut verser le solde de la fraction de capital indexé qui lui incombe.
    • Lorsque la rente est maintenue, les héritiers s’obligent personnellement au paiement de celle-ci, après déduction des pensions de réversion éventuellement versées du chef du conjoint décédé.
    • En cas de modification ultérieure des droits à réversion ou de perte de ceux-ci, la déduction est maintenue de plein droit, sauf décision contraire du juge saisi par le créancier.
    • Les héritiers peuvent saisir le juge d’une demande en révision de la rente, viagère ou temporaire, sur le fondement de l’article 276-3 ou en substitution d’un capital à la rente, par application de l’article 276-4.

Les modes de constitution de l’usufruit: la loi, la volonté et la prescription

L’article 579 du Code civil dispose que « l’usufruit est établi par la loi, ou par la volonté de l’homme. »

À ces deux modes de constitution de l’usufruit visés par le texte, on en ajoute classiquement un troisième : la prescription acquisitive.

I) La loi

La loi prévoit plusieurs cas de constitution d’un usufruit sur un ou plusieurs biens :

  • L’usufruit légal du conjoint survivant sur un ou plusieurs biens du de cujus
  • Le droit de jouissance légale des parents sur les biens de leurs enfants mineurs
  • Le droit de l’époux bénéficiaire d’une prestation compensatoire

==> L’usufruit légal du conjoint survivant

La loi a toujours octroyé au conjoint survivant un droit d’usufruit sur les biens du de cujus, lorsque celui-ci est en concours avec des descendants ou des descendants.

Sous l’empire du droit antérieur, ce droit d’usufruit était limité à une quote-part des biens du prédécédé.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 2001, les droits du conjoint survivant ont été renforcés.

En effet, l’article 757 du Code civil dispose que « si l’époux prédécédé laisse des enfants ou descendants, le conjoint survivant recueille, à son choix, l’usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux et la propriété du quart en présence d’un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux. »

Il ressort de cette disposition qu’il y a lieu de distinguer selon que le conjoint survivant est ou non en présence d’enfants communs.

  • En présence d’enfants communs
    • Dans cette hypothèse, le conjoint survivant, il dispose d’une option :
      • Soit il peut réclamer un droit d’usufruit sur la totalité du patrimoine du de cujus
      • Soit il peut obtenir un quart en pleine propriété des biens de cujus
    • S’il opte pour l’usufruit, cette solution permet au conjoint survivant de se maintenir dans son cadre de vie habituel, sans préjudicier aux droits des héritiers du de cujus, en particulier des enfants.
  • En l’absence d’enfants communs
    • Le conjoint survivant ne disposera d’aucune option, il ne pourra revendiquer qu’un quart des biens du de cujus en pleine propriété.
    • Il s’agit ici d’éviter de préjudicier aux enfants qui ne seraient pas issus de cette union
    • Le droit d’option est également refusé au conjoint survivant s’il vient en concours avec les père et mère
    • L’article 757-1 du Code civil prévoit en ce sens que si, à défaut d’enfants ou de descendants, le défunt laisse ses père et mère, le conjoint survivant recueille la moitié des biens.
    • L’autre moitié est alors dévolue pour un quart au père et pour un quart à la mère.
    • Quand le père ou la mère est prédécédé, la part qui lui serait revenue échoit au conjoint survivant.
    • Enfin, en l’absence d’enfants ou de descendants du défunt et de ses père et mère, le conjoint survivant recueille toute la succession ( 752-2 C. civ.)

==> Le droit de jouissance légale des parents

L’article 386-1 du Code civil confère aux parents d’un enfant mineur un droit de jouissance légale sur les biens qu’ils administrent.

Cette disposition prévoit en ce sens que « la jouissance légale est attachée à l’administration légale : elle appartient soit aux parents en commun, soit à celui d’entre eux qui a la charge de l’administration. »

La jouissance octroyée par la loi aux parents sur les biens de leurs enfants s’assimile à un véritable usufruit (V. en ce sens Cass. civ., 24 janv. 1900), précision faite que cet usufruit ne présente pas de caractère viager.

À cet égard, l’article 386-2 précise que le droit de jouissance cesse :

  • Soit dès que l’enfant a seize ans accomplis ou même plus tôt quand il contracte mariage ;
  • Soit par les causes qui mettent fin à l’autorité parentale ou par celles qui mettent fin à l’administration légale ;
  • Soit par les causes qui emportent l’extinction de tout usufruit.

L’article 386-3 ajoute que, les charges de cette jouissance sont :

  • Celles auxquelles sont tenus les usufruitiers ;
  • La nourriture, l’entretien et l’éducation de l’enfant, selon sa fortune ;
  • Les dettes grevant la succession recueillie par l’enfant en tant qu’elles auraient dû être acquittées sur les revenus.

En contrepartie, les parents perçoivent les fruits civils, naturels ou industriels que peuvent produire les biens de l’enfant (encaissement des loyers, des intérêts d’un compte rémunéré etc.).

Enfin, l’article 383-4 parachève le régime du droit de jouissance légale conféré aux parents en prévoyant que certains biens sont exclus de son périmètre, au nombre desquels figurent :

  • Les biens que l’enfant peut acquérir par son travail ;
  • Les biens qui lui sont donnés ou légués sous la condition expresse que les parents n’en jouiront pas ;
  • Les biens qu’il reçoit au titre de l’indemnisation d’un préjudice extrapatrimonial dont il a été victime.

==> L’époux bénéficiaire d’une prestation compensatoire

Aux termes de l’article 270, al. 2 du Code civil « l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. »

Ainsi, dans le cadre des mesures qui accompagnent un divorce,

Le juge peut octroyer une prestation compensatoire à un époux, laquelle vise à compenser la disparité que la rupture du mariage créée dans les conditions de vie respectives des époux.

Le principe posé par la loi est que cette prestation compensatoire doit être octroyée sous forme de capital

L’article 270, al. 2 prévoit en ce sens que la prestation compensatoire « a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge »

Pour que le principe de versement d’une prestation compensatoire sous forme de capital puisse être appliqué efficacement, le législateur a prévu d’encourager le versement en numéraire tout en diversifiant les formes de paiement de ce capital, notamment en autorisant l’abandon d’un bien en pleine propriété.

À cet égard, l’article 274 du Code civil prévoit que le juge décide des modalités selon lesquelles s’exécutera la prestation compensatoire en capital parmi les formes suivantes:

  • Soit versement d’une somme d’argent, le prononcé du divorce pouvant être subordonné à la constitution des garanties prévues à l’article 277 ;
  • Soit attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier.

Cette disposition a été adoptée afin de diversifier les formes d’attribution d’un capital et de permettre au débiteur qui ne dispose pas de liquidités suffisantes d’abandonner ses droits en propriété sur un bien mobilier ou immobilier propre, commun ou indivis.

Il peut également préférer céder à son conjoint un droit d’usufruit sur le logement de famille pendant une durée qui peut être soit temporaire, soit viagère.

En tout état de cause, il appartiendra au juge, qui a l’obligation de fixer le montant de la prestation compensatoire en capital, de procéder à une évaluation de l’usufruit.

La Cour de cassation n’a pas manqué de rappeler cette règle dans un arrêt du 22 mars 2005 aux termes duquel elle a affirmé que « lorsque le juge alloue une prestation compensatoire sous forme d’un capital il doit quelles qu’en soient les modalités en fixer le montant » (Cass. 1ère civ. 22 mars 2005, n°02-18648).

II) La volonté de l’homme

En application de l’article 579 du Code civil, l’usufruit peut être établi, nous dit le texte, « par la volonté de l’homme ».

Par volonté de l’homme, il faut entendre, tout autant l’accomplissement d’un acte unilatéral, que la conclusion d’une convention.

  • L’usufruit par acte unilatéral
    • Cette hypothèse correspond à l’établissement par le propriétaire d’un testament aux termes duquel il gratifie un ou plusieurs bénéficiaires d’un droit d’usufruit sur un bien ou sur tout ou partie de son patrimoine
    • Il peut ainsi consentir un usufruit à un légataire désigné et réserver la nue-propriété à ses héritiers ab intestat (légaux)
    • En la matière, le disposant dispose d’une relativement grande liberté sous réserve de ne pas porter atteinte à la réserve héréditaire.
    • Pour mémoire, cette réserve héréditaire consiste en « la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s’ils sont appelés à la succession et s’ils l’acceptent. » ( 912 C. civ.)
    • Il s’agit, autrement dit, de la portion de biens dont le défunt ne peut pas disposer à sa guise, la réserve héréditaire présentant un caractère d’ordre public ( req., 26 juin 1882).
    • Ainsi, la réserve s’impose-t-elle impérativement au testateur qui ne pourra déroger aux règles de dévolution légale qu’en ce qui concerne ce que l’on appelle la quotité disponible.
    • C’est sur cette quotité disponible que le disposant aura toute liberté pour constituer un ou plusieurs usufruits
  • L’usufruit par acte conventionnel
    • Le propriétaire est libre de constituer un usufruit par convention à titre gratuit (donation) ou onéreux (cession)
    • L’usufruit peut alors être constitué selon deux schémas différents
      • Constitution de l’usufruit per translationem
        • Dans cette hypothèse, le propriétaire aliène directement l’usufruit (usus et fructus) en conservant la nue-propriété (abusus)
      • Constitution de l’usufruit per deductionem
        • Dans cette hypothèse, le propriétaire se réserve l’usufruit, tandis qu’il aliène la nue-propriété
    • Le plus souvent l’usufruit sera constitué selon le second schéma, l’objectif recherché étant, par exemple, pour des parents, de consentir à leurs enfants une donation de leur vivant, tout en conservant la jouissance du bien transmis.
    • La constitution d’un usufruit par convention n’est subordonnée à l’observation d’aucunes particulières, sinon celles qui régissent la validité des actes juridiques et la publicité foncière lorsque l’usufruit est constitué sur un immeuble.
    • Reste qu’il convient de distinguer selon que la constitution procède d’une donation ou d’une cession
      • La constitution d’usufruit à titre gratuit
        • Dans cette hypothèse, la constitution procédera d’une donation, ce qui implique qu’elle doit, d’une part, faire l’objet d’une régularisation par acte authentique, et, d’autre part, satisfaire aux règles du droit des successions.
        • En effet, en cas de donation excessive, la constitution d’usufruit pourra donner lieu à des restitutions successorales, notamment au titre de la réserve héréditaire à laquelle il serait porté atteinte ou au titre de l’égalité qui préside au partage de cette réserve héréditaire
      • La constitution d’usufruit à titre onéreux
        • Le propriétaire est libre de constituer un usufruit par voie de convention conclue à titre onéreux
        • L’hypothèse est néanmoins rare, dans la mesure où la constitution d’un usufruit par convention vise le plus souvent à organiser la transmission d’un patrimoine familial.
        • Reste que lorsque l’usufruit est constitué à titre onéreux, la contrepartie consistera pour l’acquéreur à verser, tantôt un capital, tantôt une rente viagère.
        • Par hypothèse, l’opération n’est pas sans comporter un aspect spéculatif, en raison du caractère viager de l’usufruit.
        • Aussi, pourrait-elle être requalifiée en donation déguisée dans l’hypothèse où le prix fixé serait déraisonnablement bas, l’objectif recherché étant, pour les parties, d’échapper au paiement des droits de mutation.

III) La prescription acquisitive

Bien que prévu par aucun texte, il est admis que l’usufruit puisse être acquis par le jeu de la prescription acquisitive attachée à la possession.

L’article 2258 du Code civil définit cette prescription comme « un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi. »

La prescription acquisitive aura vocation à jouer lorsque celui qui tire profit de la jouissance de la chose se comportera comme le véritable usufruitier.

Tel sera notamment le cas, lorsqu’il aura acquis l’usufruit, en vertu d’un titre, auprès d’une personne qui n’était pas le véritable propriétaire du bien. Le possesseur aura ainsi été institué usufruitier a non domino.

S’agissant de la durée de la prescription acquisitive, elle dépend de la nature du bien objet de la possession.

  • S’il s’agit d’un immeuble, la prescription pourra être de 10 ans en cas de bonne foi du possesseur et de justification d’un juste titre. À défaut, la durée de la prescription acquisitive est portée à trente ans.
  • S’il s’agit d’un meuble, l’effet acquisitif de la possession est immédiat, sauf à ce que le possesseur soit de mauvaise foi auquel cas la durée de la prescription sera de trente ans.

Le bail de droit commun : conditions de formation

Une fois le bail identifié (v. art “Le bail de droit commun : qualification juridique”), il faut envisager ses conditions de formation.

L’article 1128 nouv. c.civ. (art. 1108 anc.) énumère les trois conditions nécessaires à la validité d’un contrat : le consentement des parties, leur capacité de contracter, un contenu licite et certain. En somme, la loi pose, d’une part, des conditions relatives au parties au contrat (section 1) et, d’autre part, des conditions relatives au contenu du contrat (section 2).

Section 1.- Les conditions relatives aux parties au contrat

§1.- Le consentement

Contrat consensuel. – Le bail est un contrat consensuel. Il se forme aussitôt les éléments essentiels du contrat définis. Aucune forme particulière n’est requise pour la validité du bail de droit commun. Peu importe, à tout le moins en théorie, que le bail soit écrit ou verbal. Certes, l’article 1714 c.civ., dispose qu’il est possible de louer « par écrit ou verbalement ». Pris à la lettre, ce texte pourrait donner à penser que le bail est un contrat solennel. Attention aux apparences : ce n’est qu’une règle de preuve du contrat et non une condition de formation exigée à peine de nullité.

Contrats préparatoires. – Comme pour tout contrat, le bail peut faire l’objet d’un contrat préparatoire. Les parties peuvent donc décider de conclure préalablement au contrat définitif de bail un pacte de préférence engageant le promettant à proposer le bail au bénéficiaire le jour où il décidera de louer (art. 1123 nouv. c.civ.). Elles peuvent également stipuler une promesse unilatérale aux termes de laquelle le promettant s’engage à conclure le bail si le bénéficiaire lève l’option (art. 1124 nouv. c.civ.). A noter qu’une une promesse synallagmatique de bail peut être conclue. Dans ce cas, à l’image de la vente et par application analogique de l’article 1589 c.civ., la promesse de bail vaut bail.

§2.- La capacité

La condition de capacité des parties au bail présente quelques singularités. Pour cette raison, il importe de distinguer l’étude de la capacité de donner à bail (A) de celle de la capacité de prendre à bail (B).

A.- La capacité de donner à bail

Division. Le bail de sa propre chose (1). Le bail de la chose d’autrui (2).

1.- Bail de sa propre chose

Par nature, le bail est un acte d’administration, c’est à dire un acte de gestion normale et courante du patrimoine. La loi n’exige donc de son auteur aucune autre condition que la capacité de contracter (art. 1145 c.civ. in limine). Rien d’étonnant : le bailleur n’aliène pas la chose donnée à bail. C’est très vrai pour peu que la chose soit un meuble. Car, toutes les fois qu’un immeuble est loué, le droit est autrement plus exigeant. Même chose en droit du bail commercial. Il y a une raison à cela dans le cas particulier : la protection du preneur (locataire) est telle que la capacité du bailleur, qui souhaiterait qu’on lui restitue la jouissance de la chose, est notablement restreinte. Partant, la capacité de contracter de ce dernier est plus strictement appréciée.

Si le bailleur dispose de sa pleine capacité juridique : aucune difficulté. Dans le cas contraire, il faut avoir à l’esprit que les pouvoirs de l’incapable sont limités voire réduits à la portion congrue si le majeur est placé sous tutelle (art. 473, al. 1, c.civ. ensemble art. 474 c.civ.). Par voie de conséquence, il s’agira de vérifier si le tuteur pouvait procéder seul ou bien s’il importait qu’il soit autorisé à contracter (par le conseil de famille ou le juge des tutelles). L’annexe du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle établit plusieurs listes d’actes regardés tantôt comme des actes d’administration tantôt comme des actes de disposition.

(https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000020017088

2.- Bail de la chose d’autrui

Le bail accorde au preneur un droit contre la personne du bailleur (droit personnel), certainement pas sur la chose donnée à bail (droit réel). Dit autrement : l’engagement du bailleur est de procurer à son cocontractant la (seule) jouissance de la chose.

La question se pose de savoir si l’on peut donner à bail la chose d’autrui ? La réponse n’est pas négative comme on pourrait le penser en raisonnant par analogie sur le droit de la vente. Il faut bien dire que ce dernier droit prohibe la vente de la chose d’autrui (art. 1599 c.civ.). La raison est la suivante : personne ne peut transférer à un autre plus de droit qu’il n’en a lui-même (nemo plus juris ad transfere potest quam ipse habet). Or, force est de le redire : le preneur à bail (locataire) n’a en principe aucun droit sur la chose. Le bail de la chose d’autrui peut donc être pratiqué…pour peu que le propriétaire bailleur ratifie la promesse qui aura été faite. En bref, le bail de la chose d’autrui est une promesse de porte-fort (art. 1204 nouv. c.civ. / art. 1120 anc.). Soit le promettant obtient la ratification du propriétaire bailleur est tout se passe pour le mieux. Soit il ne l’obtient pas et des dommages et intérêts auront vocation à être payés (art. 1231-1 nouv. c.civ.). Car l’obligation de délivrance n’aura pas pu être exécutée. Et si le bénéficiaire de la promesse a été mis en possession, par anticipation en quelque sorte, alors le légitime propriétaire sera fondé à revendiquer sa chose et à agir en expulsion… Quant à savoir si cette dernière action aura vocation à prospérer, l’incertitude gagne vite : application de la théorie de l’apparence oblige (voy. art. “L’apparence”). Car il est admis que l’inopposabilité du bail au propriétaire véritable cède lorsque « le preneur a conclu le bail de bonne foi sous l’empire de l’erreur commune » (Civ. 1ère, 2 nov. 1959, Bull. civ. I, n° 448. Art. 1132 nouv. c.civ.). Et voilà que le bail consenti par le propriétaire apparent (ex. acheteur dont la vente est résolue ; héritier qui perd la qualité de successible du fait de la révélation de l’existence d’un héritier mieux placé, etc…) est inattaquable.

D’ordinaire, le droit discipline les faits. Ponctuellement, l’apparence et sa théorie sont une construction méthodologique qui offre au juge un guide sûr pour motiver des décisions qui font prévaloir le fait sur le droit ; l’apparence va alors exceptionnellement inhiber la norme (voy. l’article “L’apparence”). Fondée sur le respect dû à la bonne foi et aux légitimes prévisions des tiers, on peut se demander si cette solution n’est pas un peu rude pour le verus dominus, surtout lorsque le bail en cause octroie au preneur de larges prérogatives sur le bien – ex. bail rural ou commercial.

B.- La capacité de prendre à bail

Acte d’administration pur et dur.- À l’égard du preneur, le bail est un acte d’administration. Ici, les problèmes rencontrés dans la personne du bailleur ne se posent pas. Toute personne disposant de la capacité d’administrer peut prendre à bail.

Preneur en couple.- Il faut simplement noter que la loi prévoit des cas de cotitularité qui sont importants lors de la vie du bail.

Époux et partenaires liés par un pacte civil de solidarité : art. 1751 c.civ. : « Le droit au bail du local, sans caractère professionnel ou commercial, qui sert effectivement à l’habitation de deux époux est, quel que soit leur régime matrimonial et nonobstant toute convention contraire, et même si le bail a été conclu avant le mariage, réputé appartenir à l’un et à l’autre des époux ou partenaires liés par un PACS ».

En cas de divorce ou de séparation de corps, ce droit pourra être attribué, en considération des intérêts sociaux et familiaux en cause, par la juridiction saisie de la demande en divorce ou en séparation de corps, à l’un des époux, sous réserve des droits à récompense ou à indemnité au profit de l’autre époux.

En cas de décès d’un des époux, le conjoint survivant cotitulaire du bail dispose d’un droit exclusif sur celui-ci sauf s’il y renonce expressément. »

 Ceci oblige en pratique à donner congé à chacun des deux époux.

Conjoint exploitant : sans aller jusqu’à la cotitularité, certains statuts spéciaux imposent que le conjoint exploitant donne son accord à la résiliation, à la cession ou au renouvellement du bail à peine de nullité (art. L. 121-5 c.com. ; art. L. 411-68 c.rur.).

Héritiers.- Le bail passe aux héritiers en cas de décès du preneur (art. 1742 c.civ. : « le contrat de louage n’est point résolu par la mort du bailleur ni par celle du preneur ; loi 6 juill. 1989, art. 14).

Section 2.- Les conditions relatives au contenu du contrat

Plan.- Le bail est un contrat synallagmatique, ce qui signifie que bailleur et preneur ont des obligations réciproques dont l’objet de chacune est la cause de l’autre. Pourquoi le bailleur s’engage-t-il à faire jouir le preneur de la chose louée pendant un certain temps ? parce que le preneur s’engage en retour à payer un loyer. Et pourquoi le preneur s’engage-t-il à payer ce loyer ? parce que le bailleur s’est engagé à le faire jouir de la chose louée pendant un certain temps. Dès lors, l’objet des obligations nées du bail et leur cause peuvent être étudiées d’un bloc. À cet égard, il faudra distinguer les conditions relatives à la chose louée (A), les conditions relatives au loyer (B) et les conditions relatives à la durée du bail (C).

Mais avant cela, il faut mentionner une autre approche de la cause : la cause mobile (cause lointaine), que l’on oppose à la cause contrepartie (cause proche), et qui sert à évaluer la licéité du bail. Elle n’a cependant rien de particulier : le bail a une cause illicite si le but de l’une ou l’autre des parties est illicite (ex. bail en vue d’ouvrir une maison close ou de stocker de la drogue). Certes, la notion a été formellement effacée consécutivement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats. Mais, chassée par la porte, le législateur l’a faite rentrer par la fenêtre tout “en préservant (au passage) l’application prétorienne la plus novatrice des vingt dernières années” (voy. article 1170 nouv. c.civ.) (not. en ce sens, G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations. Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, 2ème éd., Dalloz, 2018, p. 380) et . C’est dire…Les articles 1162 et s. c.civ. (in sous-section 3. – Le contenu du contrat) l’attestent.

§1.- Conditions relatives à la chose louée

La chose louée.- Aux termes de l’article 1713 c.civ., toute sorte de chose, mobilière ou immobilière, peut faire l’objet d’un bail. Au delà, les conditions sont celles de l’objet du contrat : la chose doit être déterminée, possible et licite. Atténuation : on admet que les choses consomptibles au premier usage ne peuvent faire l’objet d’un bail (qualification de prêt de consommation).

La destination de la chose louée.- La destination de la chose louée est importante en pratique. Elle détermine contractuellement ce à quoi doit servir la chose (fixe les limites de l’usage du preneur) et doit être respectée par le preneur. Par ex., les baux d’habitation comportent assez souvent une clause d’habitation bourgeoise (au clause de destination), par laquelle le preneur s’engage à ne pas se servir des lieux loués pour exercer une activité commerciale ou libérale.

§2.- Conditions relatives au loyer

Nécessité absolue.- Le bail est un contrat à titre onéreux. La présence d’un loyer est donc absolument nécessaire pour que le bail reste un bail : pas de loyer, pas de bail (voy. art. “Le bail : définition, intérêt, variétés”). Comprenez bien : la jouissance temporaire d’une chose sans contrepartie exclut la qualification sous étude. Elle s’apparente au contrat de prêt à usage, qui est un contrat à titre gratuit (art. 1876 c.civ.). Le bailleur qui mettrait à disposition d’un commerçant un local sans percevoir de loyer échapperait au régime du bail, spécialement au statut des baux commerciaux (à noter que le juge, via la théorie de la fraude, pourrait être autorisé à déployer les effets de tel ou tel statut spécialement écrit par le législateur nonobstant l’absence formelle de stipulation d’un loyer…Et les parties d’être priées consécutivement de suivre toutes les prescriptions de la loi – i.e. obligation pour le preneur de payer un loyer).

Cette idée est simple. Elle n’épuise pourtant pas toutes les difficultés.

Nécessité d’un loyer déterminé ou déterminable ?.- On sait que depuis les arrêts d’Assemblée plénière de 1995 (Cass. Ass. plén., 1er déc. 1995, Bull. civ., n° 9), la détermination préalable et objective du prix n’est pas exigée à peine de nullité du contrat pour défaut d’objet (exit l’article 1129 anc. c.civ.). Le principe est en effet que la détermination prix n’est pas, en droit commun, car la loi peut en disposer autrement, une condition de validité du contrat. Les parties peuvent très bien le fixer en cours d’exécution ou une fois celle-ci achevée, voire même laisser à l’une seule d’entre elles le soin de fixer le prix quand elle le souhaite (art. 1165 nouv. c.civ.).

Mais on sait également que ce principe posé en 1995 réserve le cas de l’existence de textes légaux portant exception explicite à cette règle. L’archétype de ces textes est l’article 1591 c.civ., relatif à la vente.

En matière de bail, la question est de savoir s’il existe une disposition comparable. La question est assez difficile. La loi est ne le dit pas explicitement. Quant à la jurisprudence, elle donne à penser.

Si l’on cherche dans le Code civil, il y a bien un texte qui parle de prix. Définissant le bail, l’article 1709 dispose que « Le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer ».

La majorité de la doctrine moderne (car ni Mourlon, Répétition écrites sur le Code civil, t. 3, 1883 ni Planiol – Traité élémentaire de droit civil, t. 2, 5ème éd., 1909 – ne s’interrogent) en déduit, s’appuyant sur les conclusions de l’avocat général Jéol (D. 1996. 13), que la loi relative au bail contient, comme celle relative à la vente, une exception au principe posé en 1995 : la détermination du loyer est une condition de validité du bail (v. en ce sens : F. Collart-Dutilleul et Ph. Delebecque, Contrats civils et commerciaux ; A. Bénabent, Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux ; P.-H. Antonmattei et J. Raynard et J.-B. Seube, Droit des contrats spéciaux).

Mais en toute honnêteté, l’article 1709 c.civ. ne dit pas explicitement que la détermination du loyer est exigée ad validitatem (comp. art. 1591 : « Le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties »), ce qui fait dire à une autre partie de la doctrine qu’un bail peut être conclu sans que le loyer ne soit déterminé (Malaurie, Aynès, Gautier, Droit des contrats spéciaux) pour peu qu’il soit déterminable.

Quant à la jurisprudence, elle est peu claire. Certains arrêts semblent admettre qu’un prix n’est pas nécessaire, mais, à bien y regarder, il semble qu’ils soient en réalité relatifs à des contrats complexes mêlant bail et entreprise [il faut dire dès maintenant que la détermination du prix n’est pas nécessaire dans le contrat d’entreprise et qu’en la matière, le juge est autorisé dans certaines conditions à se substituer aux parties pour fixer le loyer lui-même] (v. surtout : Ass. plén. 1er déc. 1995 [4 arrêts], JCP. 1995. II. 22565, concl. Jéol, note Ghestin, JCP, éd. E, 1996. II. 776, note Leveneur, D. 1996. 13, concl. Jeol, note Aynès, Petites affiches 27 déc. 1995, no 155, p. 11, obs. Bureau et Molfessis). En matière de promesse synallagmatique de bail, la jurisprudence décide qu’une promesse de bail vaut bail dès qu’il y a accord sur la chose et sur le prix (Civ. 3e, 20 mai 1992, D. 1993. Somm. 68, obs. Martine ; 28 mai 1997, Bull. civ. III, n° 116), ce dont il semble bien se déduire qu’elle considère, dans ce cas, le loyer comme un élément essentiel du bail.

Quelques vieux arrêts semblaient autoriser le juge à fixer lui-même le loyer en cas de défaillance des parties, ce qui va dans le sens de la position inverse (Civ., 14 nov. 1892, DP 1893. 1. 11 ; Civ. 3ème, 3 octobre 1968, RTD civ. 1969. 351, obs. Cornu). Mais des arrêts plus récents excluent résolument cette possibilité (Cass. 3e civ. 10 déc. 1975, Bull. civ. III, no 369 ; 8 févr. 2006, no 05-10.724, ibid. III, no 25). Le juge ne peut pas substituer à la commune intention des parties, qu’il doit rechercher, sa propre détermination (art. 1716 c.civ.).

Que penser de tout ceci ? Peut être qu’il serait plus opportun que la détermination du loyer soit une condition de validité du bail. On peut penser en effet que la solution de principe posée en 1995 ne se justifie véritablement que lorsqu’il est difficile pour les parties d’évaluer à l’avance la prestation à fournir (ex. de l’avocat à qui on soumet un dossier : comment pourrait-il savoir à l’avance combien d’heures il va passer dessus ?). Mais en matière de bail, la chose objet du contrat est connue dès sa formation. Les parties devraient donc déterminer dès à présent, et à peine d’un contentieux insurmontable, leurs obligations respectives.

On peut s’interroger pour finir sur la portée exacte du débat. Car une équivoque existe sur la sanction de l’absence de détermination du loyer :

– certaines décisions retiennent la nullité du bail (Cass. 3ème civ., 13 juillet 1994, Bull. civ. III, n° 144)

– d’autres optent pour une simple disqualification du contrat (Cass. soc., 16 juin 1951, RTD civ. 1952. 239, obs. Carbonnier ; commodat). Souvent juge varie, bien fol qui s’y fit ?

Liberté de principe quant à la fixation.- La fixation du loyer est en principe libre, mais les statuts spéciaux dérogent largement à cette liberté. C’est le cas en droit civil du bail d’habitation et à usage mixte (loi 6 juill. 1989, art. 17), en droit commercial ou encore en droit rural (art. L. 411-11, al. 3 c.rur. : les loyers sont fixés en monnaie entre des maxima et des minima arrêtés par l’autorité administrative).

En argent ou en nature ?.- En principe le loyer est en argent (car le loyer est un prix et qu’un prix s’entend normalement d’une somme d’argent contre laquelle s’échange un bien ou un service). Mais renvoi : on a vu que dans certains cas, et à condition que la prestation en nature ne soit pas la majeure partie du loyer, une partie du loyer peut être stipulée en nature. Ex. clause travaux ou de soins.

Indexation.- Les parties peuvent prévoir d’indexer le loyer pour lutter contre l’inflation monétaire. En droit commun, l’indexation est licite pourvu que l’indice choisi soit lié à l’objet du contrat ou à l’activité de l’une des parties (voy. art. 1167 nouv. c.civ.). Les statuts spéciaux imposent parfois l’indice (loi 6 juill. 1989, art. 17, d : Indice de Référence des Loyers publié par l’INSEE chaque trimestre).

§3.- Conditions relatives à la durée

Impérativité de la durée.- Le bail est un contrat à exécution successive (voy. pour la définition art. 1111-1, al. 2, nouv. c.civ.). Le bailleur s’oblige ainsi à faire jouir le preneur de la chose « pendant un certain temps », dit l’article 1709 c.civ. C’est une mise à disposition temporaire des utilités de la chose. Ce temps de jouissance fait partie de l’objet du contrat : ce que l’on vise, c’est l’interdiction faite au bailleur de reprendre sa chose ad nutum, c’est-à-dire à première demande (cmp. avec le déposant, qui lui le peut. art. 1944 in limine c.civ. : « le dépôt doit remis au déposant aussitôt qu’il le réclame, lors même que le contrat aurait fixé un délai déterminé pour la restitution (…) »). Dans ces conditions, il n’est pas possible que le contrat se forme à défaut d’accord des parties sur la durée du bail (Cass. 3ème civ., 5 déc. 2001, AJDI 2002. 129, obs. Dumont). Mais la durée doit être distinguée de la prise d’effets : la jurisprudence a décidé, à juste titre, que la date de prise d’effets n’était pas un élément essentiel (Cass. 3ème civ., 28 oct. 2009, Bull. civ. III, n° 237).

Détermination ou indétermination de la durée.- À partir de là, la volonté des parties est libre ; bailleur et preneur à bail peuvent convenir un terme ou n’en stipulé aucun. Dans ce second cas de figure, il importera à l’une quelconque des parties de mettre fin au contrat en adressant à l’autre un congé – prohibition des engagements perpétuels ou pactes conclus ad vitam aeternam i.e. au-delà de 99 ans par hypothèse puisque le bail emphytéotique est admis –, qui prendra effet dans le respect des délais fixés par l’usage des lieux (prohibition prescrite à l’article 1210 nouv. c.civ.).

Ces règles ne valent qu’autant qu’un statut spécial impératif n’en dispose pas autrement. Or, à l’expérience, nombre de statuts spéciaux de baux immobiliers contraignent les parties à l’observance d’une durée impérative. On justifie classiquement cet encadrement de la liberté contractuelle par la nécessité impérieuse de garantir une stabilité au locataire. Le droit de la reconduction comme le droit de préemption y participent grandement. Le bail d’habitation est nécessairement conclu au minimum pour 3 ans, voire 6 années si le bailleur est une personne morale (loi 6 juill. 1989, art. 10 s.). Les baux commercial et rural sont conclus pour une durée de 9 ans (c.com., art. L. 145-4 ; c.rur. art. L. 411-5). C’est d’ordre public de protection dont il est question. Aussi bien les parties sont-elles libres d’améliorer encore la stabilité du preneur en stipulant une durée plus grande que celle prescrite a minima par le législateur.

Ces cas mis à part, les parties peuvent très bien se mettre d’accord pour une durée déterminée (terme extinctif) ou indéterminée. Il est à noter au passage que le Code civil (art. 1736 et 1737) assimile, de façon discutable, les baux verbaux, qu’il nomme baux sans écrit (C.civ., art. 1736), à des baux à durée indéterminée et les baux écrits à des baux à durée déterminée. Ces affirmations sont douteuses.

Dans le premier cas, l’on justifie ordinairement l’assimilation de la façon suivante : si les parties avaient voulu pratiquer un terme extinctif, elles n’auraient pas manqué de le consigner par écrit (C.civ., art. 1736 et 1774). C’est peu dirimant. Au reste, le texte n’interdit pas de penser qu’un bail, quand même serait-il verbal, ait été prévu pour une certaine durée. Simplement, considérant que la preuve de la volonté des parties risque fort d’être diabolique, le législateur semble avoir recommandé que soient observés les délais fixés par l’usage des lieux. C’est de congé dont il s’agit. À défaut de durée conventionnelle, le contrat est indéterminé dans le temps ; on peut y mettre fin à tout moment pour peu que les circonstances de la résiliation ne soient pas dommageables, pour peu, en somme, qu’on observât les délais fixés par l’usage des lieux. La jurisprudence ne l’entend toutefois pas ainsi. Elle interprète l’article 1736 c.civ. comme s’il définissait la durée même du bail fait sans écrit. C’est quand même faire peu de cas de ce que les parties ont pu vouloir même verbalement. Il n’est pas impossible que les parties se soient entendues. Remplacer la durée négociée par celle prévue par les usages, c’est trahir leur intention. Un preneur à bail a bien tenté de produire en justice une lettre du bailleur lui ayant offert de renouveler le contrat pour la même période que le bail échu, mais rien n’y fait. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué…

Dans le second cas, les parties à un bail écrit ont très bien pu stipuler que la durée du contrat serait indéterminée, ou ne rien stipuler du tout. En la matière, l’effet produit est le même.

Baux perpétuels.- La seule véritable contrainte qui pèse sur les parties réside dans la prohibition des baux perpétuels, qui se déduit de l’art. 1709 c.civ., qui précise que le bailleur fait jouir « pendant un certain temps ». L’interdiction est fortement teintée d’anti-féodalisme. De tels baux étaient fréquents dans l’Ancien droit sous lequel on distinguait ordinairement le domaine éminent et le domaine utile. Le droit intermédiaire et le Code civil les ont prohibés. Pour mémoire, le seigneur concédait le « domaine utile », c’est-à-dire la faculté d’user du bien avec toutes les prérogatives aujourd’hui attachées au droit de propriété, y compris la faculté de l’aliéner ; il gardait en revanche le « domaine éminent », au nom duquel il percevait sur ces terres un certain nombre de redevances.

Le domaine de la prohibition doit être précisé.

Les baux à durée indéterminée ne sont pas concernés, puisque chacune des parties dispose d’une faculté de résiliation unilatérale qui lui permet de sortir du contrat lorsqu’elle le souhaite. L’article 1736 c.civ. précise en la matière que le congé ainsi adressé prendra effet dans le respect des « délais fixés par l’usage des lieux ».

Seuls les baux à durée déterminée sont en réalité visés. Le principe du respect du terme dans les contrats à durée déterminée permet en théorie que chaque partie reste engagée éternellement. C’est loin d’être un cas d’école. Les législations spéciales n’organisent-elles pas la reconduction du terme ou le renouvellement du contrat, et ce tant à l’égard du preneur à bail qu’à celui de ses héritiers ? En pratique, le bail peut tendre à s’exécuter perpétuellement. Ce qui est interdit, c’est de convenir de la perpétuité, qui est une interdiction sanctionnée par une nullité d’ordre public du bail, qui prive le juge d’un quelconque pouvoir d’appréciation et le contraint à la prononcer (Cass. civ., 20 mars 1929, DP 1930. 1. 13 ; Civ. 3e, 15 déc. 1999, JCP 2000. II. 10236, concl. Weber : pour une espèce désopilante dans laquelle l’action en nullité était prescrite, le bail étant conclu pour 99 ans et renouvelable au gré du preneur… [imprescriptibilité de l’exception de nullité… sauf si commencement d’exécution]). Au-delà, on peut hésiter : le bail est perpétuel si sa durée est supérieure à celle de la vie du preneur… mais on admet que certains baux (ex. bail à construction) soient conclus pour 99 ans.

Divorce: la prestation compensatoire

Lorsque la loi du 27 juillet 1884, dite loi Naquet, fut adoptée consécutivement à la Restauration, cette réforme était loin d’être partagée par tous les français encore très attachés aux valeurs religieuses.

Or en droit canon, le divorce est purement et simplement prohibé en application du principe d’indissolubilité du mariage.

Ce principe religieux participait de l’idée que le mariage qui a été formé devant Dieu, ne peut être défait que par Dieu.

De surcroît, en ce qu’il constitue l’un des cinq sacrements de l’Église, seul la mort peut dissoudre le mariage.

Aussi, le divorce va-t-il à l’encontre du principe d’indissolubilité du mariage.

Sans doute animé par un souci de ne pas heurter trop brutalement ce principe, le législateur a décidé, en 1884, de maintenir, en cas de divorce, le devoir de secours.

Cela s’est traduit par l’octroi d’une pension alimentaire à l’époux qui subissait le divorce. De cette façon, le mariage serait réduit, dans sa plus simple expression, au devoir de secours.

Les mœurs ont par suite évolué et la conception du mariage dans la société s’est libéralisée.

Le législateur a souhaité mettre un terme à cette conception du divorce introduite par la loi Naquet qui ne mettait pas définitivement un terme au mariage puisque subsistait le devoir de secours à travers le mécanisme de la pension alimentaire.

La réforme de 1975 a, de la sorte, remplacé la pension alimentaire entre époux par une prestation compensatoire forfaitaire et difficilement révisable.

Cette substitution répondait à deux objectifs principaux du législateur de 1975 :

  • détacher le plus possible le règlement pécuniaire de l’attribution des torts
  • limiter les sources de conflits ultérieurs en donnant un caractère forfaitaire et quasi-définitif à la fixation de cette compensation.

La prestation compensatoire est destinée à compenser autant qu’il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux.

Attestant du souci du législateur de 1975 de mettre fin aux contentieux postérieurs au divorce que suscitait la pension alimentaire, révisable à la hausse ou à la baisse en fonction des besoins et des ressources de chacun des époux, la prestation compensatoire prend la forme d’un capital « si la consistance du patrimoine du débiteur le permet » et n’est révisable que si l’absence de révision doit avoir des conséquences d’une exceptionnelle gravité pour le débiteur.

Il était prévu, à titre subsidiaire, que la prestation compensatoire puisse prendre la forme d’une rente, la charge de la rente passant, en cas de décès de l’époux débiteur, à ses héritiers.

De nombreuses critiques ont été formulées à l’encontre du système mis en place par le législateur en 1975.

==> Les critiques de la loi du 11 juillet 1975

  • Une prestation compensatoire trop souvent attribuée sous forme de rente
    • Alors que la loi du 11 juillet 1975 prévoyait le versement de la prestation compensatoire en capital, la rente n’intervenant qu’à défaut de capital ou si celui-ci n’était pas suffisant (art. 276 du code civil), les juges ont massivement continué à prononcer des rentes. En effet, peu d’époux disposent d’une épargne suffisante pour compenser équitablement les disparités nées du divorce au détriment de l’autre et le recours à l’emprunt est très difficile.
    • En outre, la fiscalité a pénalisé le versement en capital et favorisé la rente en la rendant déductible du revenu du débiteur.
  • Une prestation compensatoire longtemps difficilement révisable
    • La loi de 1975 prévoyait que la prestation compensatoire « ne [pouvait] être révisée, même en cas de changement imprévu dans les ressources ou les besoins des parties, sauf si l’absence de révision devait avoir pour l’un des conjoints des conséquences d’une exceptionnelle gravité» (art. 273 du code civil).
    • La Cour de cassation a donné une interprétation si restrictive des conséquences d’une exceptionnelle gravité que la révision de la prestation compensatoire est devenue quasiment impossible, générant des situations injustes : telle ex-épouse, avantageusement remariée, continuait à percevoir une rente de son ex-mari désormais au chômage et dont les charges s’étaient accrues par la création d’un nouveau foyer et la naissance d’autres enfants.
  • Une transmissibilité passive décriée
    • La transmissibilité passive des prestations compensatoires apparaît comme une exception française en Europe.
    • Elle implique qu’au décès du débiteur, ses héritiers continuent de verser la prestation compensatoire, y compris versée sous forme de rente viagère, et même s’il apparaît que cette charge est supérieure à l’actif recueilli de la succession.
    • Les héritiers peuvent néanmoins accepter la succession sous bénéfice d’inventaire.
    • Mais dès lors qu’ils acceptent la succession, ils doivent également en supporter les charges et les dettes, conformément au droit général des successions.
    • Cette disposition a fait l’objet de critiques particulièrement virulentes des associations de débiteurs de prestations compensatoires, car conjuguée avec l’appréciation stricte de la condition de conséquences d’une exceptionnelle gravité pour l’ouverture de la révision de la rente, elle a pu conduire des secondes épouses et leurs enfants à être tenus de continuer à verser une rente viagère à la première épouse, alors même que leurs ressources étaient inférieures aux siennes.

==> La réforme de la loi du 30 juin 2000

  • En matière de révision des rentes viagères
    • La loi du 30 juin 2000 a considérablement assoupli les possibilités de révision de la prestation compensatoire fixée sous forme de rente viagère.
    • Elle peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties.
    • La révision ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge.
    • L’action en révision est ouverte au débiteur et aux héritiers (art. 276-3 du code civil).
  • En matière de transmissibilité passive de la prestation compensatoire
    • La loi du 30 juin 2000 a atténué les effets de la transmissibilité passive de la prestation compensatoire en prévoyant la déduction automatique des pensions de réversion versées au conjoint divorcé non remarié au décès de son ex-époux, afin d’éviter que le décès du débiteur de la pension ne soit une source d’enrichissement pour le créancier.
    • Si le débiteur de la prestation compensatoire titulaire du droit à pension était remarié, le partage de la pension de réversion s’effectue entre le conjoint survivant et le conjoint divorcé non remarié au prorata des années de mariage.
    • De plus, sauf décision contraire du juge, une déduction du même montant continue à être opérée si le créancier perd son droit à pension de réversion, en cas de remariage ou de concubinage notoire du créancier. Cette disposition, insérée à l’initiative du Sénat, tend à éviter que les héritiers du débiteur voient leurs charges augmenter du fait du remariage ou du concubinage notoire de l’ex-époux créancier.
    • Cette disposition a contribué à la diminution des rentes viagères.

Malgré l’adoption de loi du 30 juin 2000 visant à assouplir le régime de la prestation compensatoire, la réforme engagée par le législateur n’a pas suffi à éteindre les critiques.

C’est la raison pour laquelle le législateur a entendu retoucher en 2004, le dispositif qu’il avait mis en place quatre ans auparavant.

==> Les retouches de la loi du 26 mai 2004

La loi du 26 mai 2004 a procédé à la suppression du devoir de secours après-divorce : la prestation compensatoire devient alors le mode unique de compensation de la disparité économique éventuelle entre deux époux du fait du divorce, en tenant compte de nombreux critères mieux définis.

Par souci d’équité, le droit à prestation de l’époux supportant les torts exclusifs du divorce peut encore être remis en cause en considération des circonstances particulières de la rupture, et notamment en cas de violences.

En outre, les formes que peut prendre la prestation compensatoire sont assouplies pour mieux correspondre à la diversité des patrimoines en permettant la combinaison des différentes formes de versement en capital ou d’un capital avec une rente.

Enfin, si le principe d’un paiement en capital, introduit par la loi du 30 juin 2000 et qui présente l’avantage d’apurer plus rapidement les relations financières, est maintenu, la loi du 26 mai 2004 affirme la totale liberté des parties, d’un commun accord, de déterminer les formes et modalités de la prestation.

Par ailleurs, des dispositions nouvelles sont prévues par le texte en cas de décès du débiteur pour mieux répondre aux situations souvent difficiles, voire inéquitables, dans lesquelles se trouvent aujourd’hui les héritiers, tenus personnellement au paiement de la prestation compensatoire.

La nouvelle loi prévoit que ce paiement s’effectuera après capitalisation automatique de la prestation, dans la limite de l’actif successoral à moins que les héritiers ne décident ensemble de maintenir les modalités de paiement dont bénéficiait le défunt.

Désormais, le régime juridique de la prestation compensatoire s’articule autour de six axes :

  • L’attribution de la prestation compensatoire
  • La fixation du montant de la prestation compensatoire
  • La forme de la prestation compensatoire
  • La révision de la prestation compensatoire
  • L’apurement de la prestation compensatoire
  • La transmission de la prestation compensatoire

I) L’attribution de la prestation compensatoire

A) Principe

Aux termes de l’article 270, al. 2 du Code civil « l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. »

La loi du 26 mai 2004 n’a pas modifié la définition de la prestation compensatoire, dont l’objet reste de compenser la disparité que la rupture du mariage créée dans les conditions de vie respectives des époux.

Que doit-on entendre par disparité ?

Le choix du vocabulaire n’est pas anodin. Comme dans l’analyse moderne de la contribution aux charges du ménage, il n’est pas question d’attribuer des aliments abstraitement analysés et destinés à assurer la simple subsistance du conjoint.

C’est concrètement, par rapport à la situation réelle du ménage, que la disparité devra être appréciée et le choix du terme « conditions de vie respectives » marque bien un souci de concret.

Autrement dit, la prestation compensatoire sera accordée par le juge à l’un des époux, si un déséquilibre économique entre les conjoints est créé par la rupture du mariage.

L’effet principal du mariage, c’est l’instauration d’une communauté de vie.

Or l’instauration de cette communauté de vie aura pour effet de lisser, d’harmoniser les conditions matérielles dans lesquelles se trouvaient les époux lorsqu’ils vivaient séparément, avant de cohabiter.

En effet, en contribuant à hauteur de leurs facultés respectives aux charges occasionnées par la vie commune, les époux vivent dans les mêmes conditions matérielles, soit celles qui résultent de leur communauté de vie.

Inversement, la rupture de la communauté de vie entre époux a pour effet de créer une disparité s’ils ont des ressources financières inégales, à plus forte raison si l’un d’eux a consacré sa vie à l’entretien du ménage.

Aussi, la prestation compensatoire a-t-elle vocation à compenser cette disparité née de la rupture du mariage, en particulier de la cessation de la communauté de vie

Le juge octroiera une prestation compensatoire à un époux dès lors qu’il constatera une disparité économique née de la rupture du mariage.

En somme, la prestation compensatoire a vocation à « absorber » le préjudice matériel que peut causer le divorce à l’un des conjoints.

B) Domaine

En 2004, le législateur a entendu élargir le champ d’application de la prestation compensatoire.

Cet élargissement procède de sa volonté de ne plus lier les conséquences patrimoniales du divorce à sa cause

Aussi, le droit à bénéficier d’une prestation compensatoire est désormais généralisé et ne dépend plus du cas de divorce ou de la répartition des torts.

==> L’octroi d’une prestation compensatoire est possible quel que soit le cas de divorce

Le demandeur comme le défendeur en divorce pour altération définitive du lien conjugal peuvent solliciter l’attribution d’une telle prestation.

==> Le principe issu de la loi du 11 juillet 1975 selon lequel l’époux aux torts exclusifs duquel le divorce est prononcé n’a droit à aucune prestation compensatoire est supprimé.

Le droit à prestation ne dépendant plus de la répartition des torts, l’époux fautif ne perd plus automatiquement le droit à prestation compensatoire.

C) Exception : l’équité

Le législateur a apporté un tempérament au principe posé à l’article 270, al. 2 du Code civil, afin d’éviter que l’octroi d’une prestation compensatoire puisse être une source d’injustice.

Le dernier alinéa de l’article 270 du code civil laisse en effet au juge la possibilité de refuser l’octroi d’une prestation « si l’équité le commande » et dans deux hypothèses :

  • Soit en considération des critères prévus à l’article 271
    • Il s’agit d’une disposition nouvelle, dont l’effet est de prendre en considération les critères de l’article 271, non seulement pour déterminer le montant de la compensation, mais également pour statuer sur le droit lui-même à une prestation compensatoire.
    • Ces éléments d’appréciation viennent donc s’ajouter à la condition posée par l’article 270 relatif à la disparité dans les conditions de vie respectives des époux.
    • Ainsi, par exemple, la durée du mariage, la situation professionnelle de l’époux demandeur ou ses droits acquis dans la liquidation du régime matrimonial doivent désormais être pris en compte pour apprécier l’opportunité de la demande.
  • Soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture
    • Cette formulation marque un double assouplissement par rapport au droit antérieur
      • D’une part, il n’y a plus d’interdiction de principe au versement d’une prestation compensatoire au profit de l’époux aux torts exclusifs duquel serait prononcé le divorce, le juge disposant désormais d’une faculté d’appréciation en la matière
      • D’autre part, seules les circonstances particulières de la rupture peuvent justifier le refus de la prestation compensatoire à l’époux fautif.
    • Le juge peut donc refuser d’octroyer une prestation compensatoire à l’époux contre qui le divorce a été prononcé aux torts exclusifs
    • Toutefois, pour refuser l’octroi d’une prestation compensatoire, le seul prononcé du divorce aux torts exclusifs ne suffira pas
    • Il faut encore que la rupture du mariage procède de « circonstances particulières»
    • Il ressort des débats parlementaires que le législateur a souhaité que cette notion ne recouvre que les situations les plus graves, afin de ne pas réintroduire le lien entre faute et prestation compensatoire, dont l’effet serait d’amoindrir la portée de la réforme.

II) La fixation du montant de la prestation compensatoire

Les éléments permettant de fixer le montant de la prestation compensatoire figurent à l’article 271 du Code civil.

Aux termes de cette disposition :

« La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.

À cet effet, le juge prend en considération notamment :

  • la durée du mariage ;
  • l’âge et l’état de santé des époux ;
  • leur qualification et leur situation professionnelles ;
  • les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;
  • le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
  • leurs droits existants et prévisibles ;
  • leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu’il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l’époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa. »

L’article 271 établit une liste, non limitative, des critères que le juge est invité à prendre en considération dans la détermination des besoins et des ressources des époux

Les critères retenus témoignent de l’obligation pour le juge de prendre en considération les situations antérieures, présente et future des époux.

Il ressort du texte que les critères de fixation du montant de la prestation compensatoire sont, tout à la fois qualitatif et quantitatif.

==> Les critères qualitatifs

La prestation compensatoire étant destinée à compenser la disparité matérielle que crée le divorce entre les époux, le premier alinéa de l’article 271 prévoit que la prestation compensatoire est fixée « selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ».

La disparité s’apprécie au jour de la dissolution du mariage, et non par exemple, au moment de la séparation.

Autrement dit, il revient au juge d’avoir une vue d’ensemble sur cette disparité afin de se rapprocher le plus possible de la compensation optimale.

==> Les critères quantitatifs

L’article 271 du Code fixe deux critères principaux et plusieurs autres critères accessoires :

  • Les critères principaux
    • Prise en compte des besoins de l’époux créancier de la prestation compensatoire
      • Il s’agit de ses besoins présents mais également à venir.
    • Prise en compte des ressources de l’époux débiteur de la prestation compensatoire.
      • Est également prise en compte la situation de l’époux au moment du divorce mais également de son évolution potentielle
  • Les critères accessoires
    • Ces critères ne sont pas d’ordre patrimonial, mais viennent s’ajouter en compléments des deux critères principaux.
    • Les critères accessoires sont les suivants :
      • la durée du mariage
      • l’âge et l’état de santé des époux
      • qualification et situation professionnelles
      • les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne
      • le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial
      • leurs droits existants et prévisibles
      • situation respective en matière de pensions de retraite
    • Les critères ainsi énoncés par l’article 271 ne sont nullement cumulatifs
    • Il s’agit là de simples indications adressées aux Juge afin de lui permettre d’évaluer au mieux le montant de la prestation compensatoire qu’il entend allouer à l’époux bénéficiaire

==> Déclaration sur l’honneur

L’article 272 du Code civil prévoit que « dans le cadre de la fixation d’une prestation compensatoire, par le juge ou par les parties, ou à l’occasion d’une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l’honneur l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie. »

La production de cette déclaration est destinée à faciliter le travail du juge, à renforcer l’obligation de loyauté entre les parties et, en cas de dissimulation par l’une d’entre elles de sa situation, à permettre l’exercice par l’autre d’une action en révision ou en indemnisation.

  • Forme et contenu de la déclaration
    • Plusieurs tribunaux ont établi un formulaire type.
    • Leur examen fait apparaître des divergences d’appréciation quant au contenu même de ces déclarations, certaines étant très détaillées, d’autres se limitant parfois à une simple certification sur l’honneur de l’exactitude des pièces produites.
    • À la vérité, aucune forme particulière n’est exigée
  • Moment de la production de la déclaration
    • La production de la déclaration sur l’honneur doit s’effectuer lors de la première demande de prestation compensatoire, que celle-ci soit formulée dans l’assignation ou dans les conclusions ultérieures.
    • Par ailleurs, elle doit faire l’objet, si nécessaire, d’une actualisation en cours de procédure, en particulier lors des conclusions récapitulatives, pour prendre en compte les changements susceptibles d’intervenir dans la situation des parties.
  • Sanction du défaut de production de la déclaration
    • En règle générale, le défaut de production de la déclaration n’est pas considéré comme une fin de non-recevoir.
    • Certaines juridictions ont pu passer outre l’absence de déclaration et statuer au fond sur la base des seuls éléments du dossier, alors que d’autres ont choisi de surseoir à statuer, voire de débouter le demandeur agissant en fixation ou en révision de la prestation compensatoire
    • Les premiers éléments de réponse qui se dégagent résultent d’une décision de la Cour de cassation en date du 28 mars 2002.
    • Aux termes de celle-ci, doit être annulé l’arrêt qui a rejeté la demande en suppression de la prestation compensatoire sans que les parties aient été invitées par le juge à fournir la déclaration susvisée.
    • Ainsi, se voit instituée pour le juge, en l’absence de déclaration spontanée, une véritable obligation de solliciter cette production.
    • En revanche, les conséquences de la carence d’un époux, voire de son refus de répondre à l’invitation du juge, ne sont toujours pas clarifiées.
    • En l’état, à défaut de règles spécifiques, les dispositions générales du Code de procédure civile, aux termes desquelles le juge peut tirer toute conséquence de l’abstention ou du refus d’une partie, sont appliquées.
    • Une telle analyse jurisprudentielle, tout en favorisant la prise en compte par le juge de l’attitude d’une partie, permet d’éviter une sanction trop rigide, qui pourrait nuire au plaideur de bonne foi, et de conférer sa pleine portée au débat judiciaire.
  • Sanction des déclarations incomplètes ou mensongères
    • Elles peuvent ouvrir droit à une demande en révision fondée sur les articles 593 et suivants du nouveau code de procédure civile, voire éventuellement à une action civile en dommages et intérêts.
    • En outre, une déclaration mensongère pourrait donner lieu à des poursuites sur le fondement de l’article 441-1 du code pénal relatif au délit de faux et usage de faux.

III) La forme de la prestation compensatoire

A) Principe : le versement d’un capital

La loi du 26 mai 2004 a réaffirmé le principe de l’octroi d’une prestation compensatoire sous forme de capital.

L’article 270, al. 2 prévoit en ce sens que la prestation compensatoire « a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge »

Cependant,  afin de mieux répondre à la diversité de situations des parties, le législateur a diversifié les formes de paiement de la prestation en permettant notamment les prestations « mixtes » et élargi la possibilité pour les époux de soumettre à l’homologation du juge une convention portant sur la prestation compensatoire à tous les cas de divorce.

  1. Le paiement de la prestation compensatoire en une seule fois

Pour que le principe de versement d’une prestation compensatoire sous forme de capital puisse être appliqué efficacement, le législateur a prévu d’encourager le versement en numéraire tout en diversifiant les formes de paiement de ce capital, notamment en autorisant l’abandon d’un bien en pleine propriété.

L’article 274 du Code civil prévoit en ce sens que : le juge décide des modalités selon lesquelles s’exécutera la prestation compensatoire en capital parmi les formes suivantes :

  • Versement d’une somme d’argent, le prononcé du divorce pouvant être subordonné à la constitution des garanties prévues à l’article 277 ;
  • Attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier.

==> Le paiement en numéraire

Des dispositions fiscales avantageuses ont été instaurées afin d’inciter à un paiement accéléré de la prestation.

En effet, l’article 199 octodecies du code général des impôts ouvre droit à une réduction d’impôt de 25 % du montant des versements effectués, dans la limite de 30 500 euros, à condition que la totalité de la prestation soit versée sur une période maximale de douze mois à compter de la date à laquelle le jugement est devenu définitif.

Par ailleurs, une nouvelle garantie de paiement, particulièrement intéressante pour une prestation en capital, a été introduite à l’article 277 du code civil, permettant dorénavant au juge d’imposer la souscription d’un contrat à cette fin.

Cette disposition prévoit en ce sens que « indépendamment de l’hypothèque légale ou judiciaire, le juge peut imposer à l’époux débiteur de constituer un gage, de donner caution ou de souscrire un contrat garantissant le paiement de la rente ou du capital. »

==> L’abandon de biens mobiliers ou immobiliers en pleine propriété

L’article 274 du Code civil prévoit que le paiement de la prestation compensatoire sous forme de capital peut consister en l’« attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier »

Cette disposition a été adoptée afin de diversifier les formes d’attribution d’un capital et de permettre au débiteur qui ne dispose pas de liquidités suffisantes d’abandonner ses droits en propriété sur un bien mobilier ou immobilier propre, commun ou indivis.

Toutefois, l’accord de l’époux débiteur est exigé pour l’attribution en propriété d’un bien propre reçu par succession ou donation.

Il doit résulter des conclusions versées au débat ou de la convention des parties. Cette restriction n’est pas étendue à l’attribution d’un droit d’usage d’habitation ou d’usufruit sur un tel bien.

Des difficultés techniques peuvent constituer un frein à la mise en œuvre de cette innovation législative.

En effet, l’attribution d’une prestation compensatoire par abandon d’un meuble ou d’un immeuble en pleine propriété peut s’avérer délicate eu égard à l’évaluation de ce bien et des droits de chacun des époux sur celui-ci s’il est commun ou indivis, dans la mesure où, le plus souvent, la prestation est fixée indépendamment de la liquidation du régime matrimonial.

Ces difficultés potentielles obligeront alors le juge à charger, même d’office, un notaire ou un professionnel qualifié d’établir, en cours de procédure, un projet de règlement des prestations et pensions après divorce, étant observé que le notaire peut également être mandaté pour dresser un projet de liquidation du régime matrimonial.

Le juge peut ainsi fonder sa décision sur des informations objectives et déterminer précisément la valeur des droits attribués au créancier de la prestation.

À défaut, il y a lieu de souligner que le juge peut ordonner la production d’un état hypothécaire afin de connaître la situation réelle de l’immeuble dont l’attribution est demandée, la présence de sûretés immobilières inscrites sur le bien pouvant en diminuer substantiellement la valeur.

Il doit être, par ailleurs, rappelé que, en application des articles 28 et 33 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 relatif à la publicité foncière, le jugement de divorce doit être publié à la conservation des hypothèques dans le délai de trois mois à compter du jour où il est devenu définitif.

Face à la diversité des modalités de paiement en capital instaurée par le législateur, la question se pose de savoir si ces différentes formes peuvent se combiner.

Sur ce point, la loi est restée silencieuse.

La jurisprudence a d’ores et déjà majoritairement privilégié une analyse souple, en prévoyant par exemple que la prestation compensatoire sera payée sous forme d’abandon par le mari de sa part sur le bien immobilier commun et d’un complément en numéraire, échelonné sur huit ans.

Cette solution répond à l’objectif poursuivi par la loi de s’adapter à la diversité de la consistance des patrimoines.

2. L’échelonnement du paiement de la prestation compensatoire

L’article 275 du Code civil prévoit que « lorsque le débiteur n’est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l’article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires. »

Afin de tenir compte des aléas de paiement qui peuvent survenir sur la durée, ce texte ouvre une faculté de révision mais l’encadre strictement :

  • Elle porte seulement sur ses modalités de paiement
  • Elle est ouverte au débiteur ou à ses héritiers
  • Elle doit être motivée par un « changement notable » de leur situation
  • C’est seulement à titre exceptionnel et par une décision spéciale et motivée que le juge peut autoriser un versement échelonné sur une durée supérieure à huit ans.

Si la mise en œuvre de cette modalité de paiement dépend de l’appréciation souveraine des juges du fond, ces derniers ne sauraient ordonner un tel fractionnement au-delà du délai précité.

Ce terme, qui se substitue à celui de versements mensuels ou annuels, offre une plus grande souplesse quant à la détermination des échéances, qui pourront être trimestrielles, semestrielles… en fonction de la situation financière du débiteur.

L’article 275-1 du Code civil prévoit expressément que les différentes modalités de paiement ne sont pas exclusives l’une de l’autre.

Le législateur a ainsi entendu autoriser le cumul entre une somme d’argent ou l’attribution d’un bien et un capital échelonné, afin de mieux adapter le montant de la prestation compensatoire à la réalité de la situation patrimoniale des époux.

B) Exception : le versement d’une rente viagère

L’article 276 du Code civil prévoit que « le juge peut, par décision spécialement motivée, lorsque l’âge ou l’état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère. Il prend en considération les éléments d’appréciation prévus à l’article 271 ».

Le législateur n’a pas modifié les conditions d’attribution de la rente viagère issues de la loi du 30 juin 2000.

Une rente, nécessairement viagère, peut être décidée, à titre exceptionnel et par décision spécialement motivée, au vu de la seule situation du créancier, lorsque celui-ci ne peut, en raison de son âge ou de son état de santé, subvenir à ses besoins.

L’application qui est faite de ce dispositif procède d’une interprétation restrictive.

L’article 276 prend  le soin de préciser que si le juge octroie une prestation compensatoire sous forme de rente viagère :

  • Il doit justifier de circonstances exceptionnelles
  • Il doit motiver spécialement sa décision

L’apport de la loi du 26 mai 2004 résulte du second alinéa introduit à l’article 276, qui autorise, tout en l’encadrant, la possibilité d’attribuer une fraction de la prestation compensatoire en capital, lorsque les circonstances l’imposent, le montant de la rente étant en conséquence minoré.

Cette solution permet de mieux adapter la prestation compensatoire à la situation des parties.

Elle s’inscrit dans la continuité de l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation du 16 mars 2004, aux termes duquel les articles 274 et 276 du code civil n’interdisent pas l’octroi d’une prestation compensatoire sous forme d’un capital et d’une rente, à la double condition que cette allocation soit exceptionnelle et spécialement motivée (Cass. 1ère civ. 16 mars 2004)

Sur le plan fiscal, en cas de cumul, seules sont prises en considération les sommes versées au titre de la rente (art 199 octodecies II du code général des impôts), qui peuvent être déduites du revenu imposable du débiteur.

Le montant de la rente, qui demeure indexée comme en matière de pension alimentaire, peut être fixé de manière uniforme ou varier selon l’évolution probable des ressources et des besoins, conformément aux dispositions inchangées de l’article 276-1 du Code civil.

IV) La révision de la prestation compensatoire

Pour déterminer les modalités et l’étendue de la révision de la prestation compensatoire, il convient de distinguer selon qu’elle prend la forme d’une rente ou d’un capital

A) La prestation compensatoire prend la forme d’un capital

L’article 275, al. 2 du Code civil prévoit que « le débiteur peut demander la révision de ces modalités de paiement en cas de changement important de sa situation. À titre exceptionnel, le juge peut alors, par décision spéciale et motivée, autoriser le versement du capital sur une durée totale supérieure à huit ans ».

Il ressort de cette disposition que le principe issu de la loi du 30 juin 2000, selon lequel la révision ne permet que de revoir les modalités de paiement du capital, est maintenu.

La prestation allouée sous forme d’un capital échelonné sur une durée maximale de huit annuités ne peut donc être révisée dans son quantum, en raison de sa nature indemnitaire et forfaitaire.

Seules les modalités de paiement peuvent être révisées en cas de changement notable de la situation du débiteur.

Ainsi, peut être décidé un rééchelonnement des versements dans la limite des huit années prévues par la loi, ou, à titre exceptionnel au-delà de ce délai, par décision spéciale et motivée.

Le législateur a substitué à la notion de changement « notable » ouvrant droit à révision celle de changement « important », dans un souci d’harmoniser le critère ouvrant droit révision, qu’il s’agisse des modalités de paiement du capital ou du montant de la rente viagère.

S’agissant des pouvoirs du juge saisi d’une demande de révision des modalités de paiement du capital, la question se pose de savoir s’il peut autoriser une suspension temporaire des versements, éventuellement jusqu’au retour du débiteur à meilleure fortune.

Une telle lecture ne semble pas pouvoir être retenue, au regard de la volonté du législateur de permettre un règlement rapide des relations financières des ex-époux.

B) La prestation compensatoire prend la forme d’une rente

==> Principe de la révision

L’article 276-3 du Code civil prévoit que « la prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties. »

Les modalités de révision prévues par cette disposition pour les rentes viagères s’appliquent également, en l’absence de clause de révision, aux rentes conventionnelles, que celles-ci soient viagères ou temporaires.

L’un des objectifs principaux du législateur, lors de l’adoption de la loi du 30 juin 2000, était assurément de faciliter l’obtention de la révision des rentes allouées, que celles-ci soient temporaires ou viagères.

En effet, la rigidité de l’ancien dispositif avait conduit à des situations humainement délicates, puisque la révision n’était possible que si l’absence de celle-ci avait pour l’une des parties des conséquences d’une exceptionnelle gravité.

Aussi, le législateur a-t-il introduit un nouveau critère tenant à l’existence d’un changement important dans les ressources ou les besoins des parties.

Aucun événement ne constituant une cause de révision automatique, il appartient aux juges du fond d’apprécier, in concreto, l’existence de cette condition, aux aspects essentiellement économiques.

==> Conditions de la révision

La révision de la prestation compensatoire ne peut être décidée par le juge que s’il constate :

  • Soit un changement important de la situation du débiteur
  • Soit un changement important de la situation du créancier

Le Code se rapporte, de la sorte, tant aux besoins du créancier de la prestation compensatoire qu’aux ressources du débiteur.

La question s’est un temps posée de savoir si le changement important devait nécessairement concerner les deux parties.

Les décisions intervenues dans ce domaine ne l’exigent pas. Dès lors, un tel changement concernant un seul des ex-époux suffit à justifier la révision de la prestation compensatoire.

Cependant, lorsque des changements importants affectent les deux parties, la révision, tant dans son principe que dans son montant, est toujours appréciée par les juridictions en comparant l’évolution respective de leur situation.

==> Modalités de la révision

L’article 276-3 du Code civil prévoit que la révision de la prestation compensatoire peut prendre trois formes :

  • Elle peut être suspendue
  • Elle peut être supprimée
  • Elle peut être révisée

Dans cette dernière hypothèse, l’alinéa 2 de l’article 276-3 précise que « la révision ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge. »

Cette disposition interdit ainsi que le montant initial de la rente soit, à l’occasion d’une action en révision, dépassé.

Cette disposition limite en conséquence les droits du créancier, qui ne peut, après une première révision à la baisse du montant de la rente, solliciter l’augmentation de celle-ci que dans la limite du montant initial.

V) L’apurement de la prestation compensatoire

A) L’exécution provisoire de la prestation compensatoire

==> Principe

L’article 1079, al. 1er du Code de procédure civile prévoit que « la prestation compensatoire ne peut être assortie de l’exécution provisoire. »

Il en résulte tant que, en cas d’appel du jugement prononçant le divorce, le créancier de la prestation compensatoire ne pourra pas solliciter son versement à titre conservatoire, l’appel ayant un caractère suspensif.

==> Exception

La règle posée à l’article 1079 du Code de procédure civile peut s’avérer très préjudiciable aux intérêts du créancier, lorsqu’un recours est formé sur cette prestation et non sur le divorce.

En effet, le divorce étant devenu définitif, le devoir de secours prend fin, privant ainsi le créancier du droit à la pension alimentaire alors que la prestation compensatoire n’est pas encore exigible.

C’est pourquoi l’article 1079 prévoit une exception, dans cette hypothèse, lorsque l’absence d’exécution de la prestation compensatoire aurait des conséquences manifestement excessives pour le créancier.

L’exécution provisoire peut alors être ordonnée pour tout ou partie de la prestation.

En pratique, la disposition permet au juge qui prononce le divorce d’assortir la prestation compensatoire de l’exécution provisoire s’il estime que le créancier n’a pas les moyens de subvenir seul à ses besoins sans le concours soit de la pension alimentaire, tant que le divorce n’est pas définitif, soit de la prestation compensatoire une fois que le prononcé du divorce a acquis force de chose jugée.

En cause d’appel, les articles 524 à 526 du Code de procédure civile sont applicables pour l’examen des demandes tendant à arrêter l’exécution provisoire ordonnée par le juge ainsi que des demandes tendant à l’ordonner, soit lorsqu’elle a été refusée, soit lorsque le juge n’a pas statué sur cette question.

Ces demandes sont portées, selon le cas, devant le premier président, son délégué ou le conseiller de la mise en état.

L’alinéa 3 de l’article 1079 précise que l’exécution provisoire conférée à la prestation compensatoire ne prend cependant effet qu’au jour où le prononcé du divorce a acquis force de chose jugée.

Ainsi l’exécution provisoire ordonnée par le juge est privée d’effet pendant le délai de recours et pendant le temps de l’examen d’un recours portant sur le principe du divorce.

B) Le paiement du solde de la prestation compensatoire

  1. Le paiement du solde du capital

L’article 275 du Code civil prévoit un régime différent selon que l’initiative de la demande émane du débiteur ou du créancier.

  • Le débiteur ou ses héritiers peuvent se libérer à tout moment du solde du capital, dès lors qu’ils disposent des liquidités suffisantes, sans que la saisine du juge soit nécessaire.
  • Le créancier ne peut agir, quant à lui, que par la voie judiciaire et après la liquidation du régime matrimonial

2. La transformation des rentes en capital

Afin de privilégier les prestations compensatoires versées sous forme de capital, la loi du 30 juin 2000 a permis au débiteur, ou à ses héritiers, de saisir à tout moment le juge aux fins de statuer sur la substitution d’un capital à la rente (art. 276-4 C. civ.)

  • S’agissant de l’objet de la demande
    • La substitution peut seulement porter sur une partie de la rente viagère, confortant ainsi les possibilités de cumul d’une rente et d’un capital déjà prévues par le dernier alinéa de l’article 276 du code civil.
  • S’agissant des personnes susceptibles de demander la substitution
    • La loi du 26 mai 2004 a maintenu inchangées les conditions dans lesquelles le créancier peut demander cette substitution
    • A également été maintenue la possibilité pour le débiteur de demander cette substitution « à tout moment ».
    • En revanche, la disposition ouvrant cette action aux héritiers du débiteur a été supprimée
    • Aux termes de l’article 280 du code civil, la substitution d’un capital à une rente se fait d’office
    • Par exception, les héritiers peuvent décider ensemble de maintenir les formes et modalités de règlement de la prestation compensatoire qui incombaient à l’époux débiteur, en s’obligeant personnellement au paiement de cette prestation.
      • À peine de nullité, l’accord est constaté par un acte notarié.
      • Il est opposable aux tiers à compter de sa notification à l’époux créancier lorsque celui-ci n’est pas intervenu à l’acte.
    • En outre, lorsque les modalités de règlement de la prestation compensatoire ont été maintenues, les actions prévues au deuxième alinéa de l’article 275 et aux articles 276-3 et 276-4, selon que la prestation compensatoire prend la forme d’un capital ou d’une rente temporaire ou viagère, sont ouvertes aux héritiers du débiteur.
    • Ceux-ci peuvent également se libérer à tout moment du solde du capital indexé lorsque la prestation compensatoire prend la forme prévue au premier alinéa de l’article 275.
  • S’agissant des modalités de substitution du capital à tout ou partie de la rente
    • Conformément à l’article 276-4 du code civil, il peut s’agir du versement d’une somme d’argent, le cas échéant, échelonné sur une durée maximale de huit ans, de l’attribution d’un bien en propriété ou d’un droit d’usage, d’habitation ou d’usufruit.
  • Sur les modalités de calcul de la substitution du capital à tout ou partie de la rente
    • L’article 276-4, al. 1 in fine prévoit que « la substitution s’effectue selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.»
    • L’article 1 du décret n°2004-1157 du 29 octobre 2004 précise que « lors de la substitution totale ou partielle, en application des articles 276-4 et 280 du code civil, d’un capital à une rente fixée par le juge ou par convention à titre de prestation compensatoire, le capital alloué au crédirentier est égal à un montant équivalant à la valeur actuelle probable de l’ensemble des arrérages de la rente, à la date, selon le cas, de la décision du juge opérant cette substitution ou du décès du débiteur. »
    • En toute hypothèse, les parties peuvent toujours s’accorder sur le montant du capital à retenir et présenter une requête au juge aux affaires familiales en vue de l’homologation de leur accord.

VI) La transmission de la prestation compensatoire

La loi du 26 mai 2004 met fin au principe de la transmissibilité de la prestation compensatoire aux héritiers du débiteur, qui ne sont plus en principe tenus personnellement à son paiement.

En conséquence, les anciennes dispositions ont été abrogées à la faveur d’un mécanisme automatique de prélèvement sur la succession et dans la limite de l’actif de celle-ci, déterminé à l’article 280 du Code civil.

Lorsque la prestation compensatoire a fait l’objet d’une convention, les dispositions des articles 280 à 280-2 sont applicables à défaut de clause particulière prévoyant le sort de la prestation en cas de décès du débiteur (art 279 dernier alinéa).

==> Principe : prélèvement de la prestation sur l’actif successoral

L’article 280 du Code civil prévoit que, au décès du débiteur, la prestation compensatoire fait l’objet d’un prélèvement sur l’actif successoral

Si celui-ci est insuffisant, le paiement est supporté par tous les légataires particuliers proportionnellement à leur émolument.

La prestation cesse d’être due au-delà du montant de l’actif, à l’instar d’autres créances soumises au même régime.

La prestation compensatoire constitue ainsi une dette de la succession.

Il convient de rappeler que, lorsque le conjoint survivant obtient une créance d’aliments sur le fondement de l’article 767, il devient un créancier de la succession et entre, en conséquence, en concours avec le créancier de la prestation compensatoire, tous deux étant des créanciers chirographaires.

==> Cas du capital échelonné

Lorsque la prestation a été fixée par le juge sous forme d’un capital échelonné, le solde de ce capital indexé est immédiatement exigible

==> Cas de la rente

Lorsque la prestation compensatoire prenait la forme d’une rente viagère ou temporaire, il lui est substitué un capital immédiatement exigible, après déduction des pensions de réversion versées du chef du conjoint survivant, par application de l’article 280-2 (en l’absence de clause particulière de la convention).

Le caractère immédiatement exigible s’oppose à ce qu’une action en révision soit préalablement intentée par les héritiers du débiteur.

Les modalités de calcul résultent du décret n° 2004-1157 du 29 octobre 2004 pris en application des articles 276-4 et 280 du code civil et fixant les modalités de substitution d’un capital à une rente allouée au titre de la prestation compensatoire.

==> Exception : option des héritiers pour maintenir les modalités de paiement antérieures

Afin de ménager au dispositif toute la souplesse nécessaire, il est prévu un mécanisme d’option permettant aux héritiers de choisir de maintenir les modalités de paiement qui incombaient au débiteur lors de son décès.

  • Régime de l’option
    • L’option, qui n’est pas ouverte au créancier, nécessite l’accord unanime de tous les héritiers, constaté par acte notarié sous peine de nullité.
    • L’accord n’est opposable aux tiers qu’après notification au créancier, lorsque celui-ci n’est pas intervenu à l’acte.
  • Effets de l’option
    • Les héritiers, lorsqu’ils choisissent l’option, sont tenus personnellement au paiement de la prestation.
    • Ils bénéficient alors des mêmes droits que ceux dont bénéficiait le débiteur lui-même en matière de révision ou d’apurement.
    • Ainsi, en présence d’un capital échelonné, les modalités de paiement peuvent faire l’objet d’une révision et chacun peut verser le solde de la fraction de capital indexé qui lui incombe.
    • Lorsque la rente est maintenue, les héritiers s’obligent personnellement au paiement de celle-ci, après déduction des pensions de réversion éventuellement versées du chef du conjoint décédé.
    • En cas de modification ultérieure des droits à réversion ou de perte de ceux-ci, la déduction est maintenue de plein droit, sauf décision contraire du juge saisi par le créancier.
    • Les héritiers peuvent saisir le juge d’une demande en révision de la rente, viagère ou temporaire, sur le fondement de l’article 276-3 ou en substitution d’un capital à la rente, par application de l’article 276-4.

L’obligation conjointe ou divise

S’il n’est pas rare que l’obligation comporte plusieurs objets, elle peut aussi avoir plusieurs sujets.

Lorsque l’obligation est plurale par ses sujets, deux situations peuvent se rencontrer :

  • Soit l’obligation est divise ou conjointe, ce qui signifie qu’elle se divise en autant de créances et de dettes qu’il y a de créanciers et de débiteur ;
    • La conséquence en est que :
      • d’une part, chaque créancier ne peut réclamer au débiteur que sa part dans la créance
      • d’autre part, chaque débiteur n’est tenu envers le créancier que de sa part dans la dette.
  • Soit l’obligation est indivise ou solidaire, ce qui signifie que chaque créancier ou débiteur est titulaire de la totalité de la dette ou de la créance
    • Il en résulte que :
      • d’une part, chaque créancier peut réclamer à n’importe quel débiteur le paiement de la totalité de la créance
      • d’autre part, chaque débiteur est tenu du tout envers n’importe quel créancier

Tandis que la division de l’obligation est le principe, la solidarité a été envisagée par les rédacteurs du Code civil comme l’exception. Lors de la réforme du droit des obligations le législateur contemporain n’est pas revenu sur cette règle.

Nous nous focaliserons ici sur la division de l’obligation.

?Le principe de division

Dans sa configuration la plus simple, l’obligation ne comporte que deux sujets : un créancier et un débiteur.

Néanmoins, il est des situations où l’obligation comportera plusieurs sujets.

Le rapport d’obligation existera alors :

  • Tantôt entre un créancier et plusieurs débiteurs

  • Tantôt entre plusieurs créanciers et un débiteur

Dans l’hypothèse où l’obligation comporte plusieurs sujets, le principe instauré par le législateur est la division de l’obligation en autant de rapports indépendants qu’il existe de créanciers ou de débiteurs.

L’article 1309 du Code civil dispose en ce sens que « l’obligation qui lie plusieurs créanciers ou débiteurs se divise de plein droit entre eux ». L’obligation est dite conjointe.

La conséquence attachée par l’article 1309, al. 2 du Code civil à cette configuration de l’obligation est double :

  • Chacun des créanciers n’a droit qu’à sa part de la créance commune
    • Cela signifie que chaque créancier ne pourra réclamer au débiteur que la part de la dette due personnellement par celui-ci
    • Pour obtenir le paiement complet de sa créance, le créancier devra, en conséquence, diviser ses poursuites envers chaque débiteur pris individuellement.
  • Chacun des débiteurs n’est tenu que de sa part de la dette commune
    • Cela signifie que chaque débiteur n’est obligé qu’à concurrence de sa part dans la dette
    • Le débiteur sera donc libéré de son obligation dès qu’il aura exécuté la part de son obligation

?Le domaine de la division

L’article 1309 du Code civil ne distingue pas selon la source de l’obligation. Aussi, la division opère indifféremment selon que l’obligation est de nature contractuelle, délictuelle ou légale.

Le seul critère posé par le législateur consiste, semble-t-il, en l’existence d’une pluralité de créanciers ou de débiteurs.

Aussi, le domaine privilégié de la division est, sans aucun doute, le droit des successions : en cas de décès d’un créancier ou d’un débiteur, l’obligation se divise de plein droit en autant de parts qu’il y a d’héritiers.

  

?La division de l’obligation solidaire

Quid dans l’hypothèse de la division d’une obligation solidaire, ce qui se produira notamment lorsque le créancier ou le débiteur décédera ?

  • Doit-on considérer que, dans la mesure où ils acquièrent les mêmes droits et obligations que le de cujus, les héritiers sont solidaires de sorte que le créancier pourra réclamer à chacun d’eux le paiement de la dette pour le tout ?
  • Doit-on considérer, au contraire, que la solidarité ne se propage pas si bien que les héritiers ne seront tenus à la dette qu’à concurrence de leur part ?

L’article 1309 du Code civil apporte une solution à cette question en prévoyant que « la division a lieu également entre leurs successeurs, l’obligation fût-elle solidaire »

Ainsi, les héritiers d’un débiteur solidaire ne sont tenus qu’à proportion de leur part héréditaire. Le créancier ne pourra pas actionner l’un d’eux en paiement pour le tout.

?L’effet de la division

L’article 1309 du Code civil dispose que « si elle n’est pas réglée autrement par la loi ou par le contrat, la division a lieu par parts égales. »

Deux enseignements peuvent être tirés de cette règle :

  • L’obligation se divise équitablement entre ses sujets
  • La loi ou le contrat peut prévoir une division de l’obligation en parts inégales

?Les exceptions au principe de division

L’article 1309, al. 3 institue deux exceptions au principe de division de l’obligation :

  • L’obligation solidaire
  • L’obligation indivisible

Dès lors que l’on se trouve dans l’une de ces situations, la division de l’obligation ne peut plus opérer.

La conséquence en est que :

  • Soit chaque débiteur solidaire sera tenu au tout
  • Soit chaque créancier solidaire pourra réclamer le tout