La propriété des eaux non-courantes : eaux de pluie et eaux de source

==> Absence de délimitation générale de la propriété verticale

La délimitation horizontale de la propriété procède d’une opération que l’on appelle le bornage. À la différence toutefois de la délimitation verticale opérée par l’article 552 du Code civil, le bornage d’un fonds n’a pas pour effet de faire présumer la propriété.

En effet, le bornage a seulement « pour objet de fixer définitivement les limites séparatives de deux propriétés contigües et d’assurer, par la plantation de pierres bornes, le maintien des limites ainsi déterminées » (Cass. 3e civ., 11 déc. 1901).

C’est là une grande différence avec l’article 552 du Code civil qui, tout en délimitant la propriété verticale d’un immeuble, présume le propriétaire du sol, propriétaire du dessus et du dessous.

Aussi, le Code civil ne comporte aucune règle qui définit de façon générale, l’objet de la propriété horizontale.

S’il est des règles qui intéressent cette dimension de la propriété immobilière, elles se focalisent sur l’appropriation d’un objet pour le moins spécifique : l’eau.

==> Régimes des eaux

Une application stricte de l’article 544 du Code civil devrait conduire à considérer que le propriétaire du sol est investi du droit de jouir de toutes les utilités de sa chose au nombre desquelles figure l’exploitation de l’eau présente sur son fonds ou en bordure qui finalement s’analyse en l’accessoire de celui-ci.

Néanmoins, l’eau n’est pas n’importe quelle chose. Ainsi que le rappelle l’adage « et quidem naturali iure communia sunt omnium haec : aer et aqua profluens et mare et per hoc litora maris », ce qui signifie « et par droit naturel sont le bien commun de tous : l’air, l’eau s’écoulant, la mer et, pour cela, les rivages de la mer »

L’eau est a priori une chose commune de sorte que, en application de l’article 714 du Code civil, elle n’appartient à personne et son usage est commun à tous.

À cet égard, l’article L. 210-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de la loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques prévoit que « l’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général. ».

L’eau, dont l’une des caractéristiques physiques réside dans l’extrême mobilité à l’état liquide, est un objet ou un milieu difficilement cernable par le droit.

Au fil de son cycle immuable et sans cesse recommencé, elle tombe en pluie, ruisselle, rejoint les nappes souterraines ou les cours d’eau, bref emprunte ou traverse successivement différents lieux eux-mêmes soumis à un droit de propriété.

Par commodité, car le législateur n’a pas su s’y prendre autrement, c’est par le prisme des droits de propriété attachés aux divers lieux empruntés qu’a été défini le régime juridique des différentes catégories d’eaux : les eaux ne sont pas traitées par le Code civil comme une ressource en tant que telle ou comme un milieu mais plutôt comme l’accessoire du fonds que leur cours borde ou traverse.

La question qui immédiatement se pose est de savoir si, lorsqu’elle transite par un fonds privé, elle peut faire l’objet d’une appropriation, à tout le moins concourt-elle à la délimitation de la propriété immobilière ?

À l’examen, selon qu’elle est au repos ou en mouvement, l’eau entretient un rapport différent avec le droit de propriété.

Lorsque l’eau est immobile, son régime juridique est attrait par le régime de propriété du lieu qui l’accueille.

Lorsque, en revanche, elle ruisselle d’une propriété à une autre, le droit de propriété ne peut plus appréhender un fluide qui ne fait que passer et prend, en étroite relation avec la propriété des lieux traversés, la forme atténuée d’un droit d’usage – relatif – ou d’une servitude de « passage ».

En simplifiant à l’extrême, le régime juridique de l’eau s’articule donc autour de la distinction entre les eaux courantes (qui forment un cours d’eau) et les eaux non-courantes (dont l’écoulement n’est pas suffisamment important pour former un cours d’eau).

Nous nous focaliserons ici sur les eaux non-courantes.

Les eaux non-courantes sont celles dont le ruissellement ne forme pas un cours d’eau. Pour mémoire, en application de l’article L. 215-7-1, al. 1er du Code de l’environnement prévoit que « constitue un cours d’eau un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année. »

Les eaux non-courantes sont donc celles qui ont vocation à demeurer au repos ou dont l’écoulement n’est pas suffisamment intense et ordonné pour former un cours d’eau.

Au nombre des eaux non-courantes on distingue classiquement les eaux pluviales des eaux de source.

I) Les eaux pluviales

Aucune disposition du code civil dans sa version de 1804 ne traitait de la question de la propriété de l’eau de pluie. L’importance pratique de cette question a cependant nourri une importante jurisprudence dictée par le principe simple selon lequel chacun a la pleine propriété des eaux de pluie qui tombent sur son fonds.

Les eaux pluviales ont, en effet, toujours été considérées comme des res nullius (choses sans maître), ce qui implique qu’elles peuvent faire l’objet d’appropriation privative.

Cette construction jurisprudentielle a été reprise par la loi du 8 avril 1898 sur le régime des eaux, qui est à l’origine de la rédaction précitée et toujours en vigueur de l’article 641 du Code civil.

Mais si cette loi consacre la jurisprudence attribuant la pleine propriété des eaux de pluie au propriétaire du fonds, elle précise immédiatement que cette eau retrouve le droit commun dès lors qu’elle sort du terrain et que, si elle bénéficie d’une servitude naturelle d’écoulement, l’usage qui en est fait ne doit pas l’aggraver.

==> Principe

L’article 641, al. 1er du Code civil prévoit en ce sens que « tout propriétaire a le droit d’user et de disposer des eaux pluviales qui tombent sur son fonds. »

Il ressort de cette disposition que le propriétaire du sol peut se réserver l’usage des eaux pluviales qui tombent sur son fonds.

Cette réservation privative n’implique pas, à la lecture du texte, qu’il les rende à la sortie de son fonds à l’instar des eaux courantes.

Il est donc livre de les capter, d’en faire usage pour irriguer sa propriété sans jamais les restituer pour l’usage des fonds inférieurs.

Lorsque les eaux pluviales s’écoulent sur les fonds inférieurs, les propriétaires de ces fonds sont, à leur tour, en droit d’en faire usage, celles-ci demeurant des res nullius tant qu’elles n’ont pas été captées.

Il a été jugé qu’il en allait de même des eaux pluviales qui proviennent de la voie publique, elles peuvent être appropriées par voie d’occupation par les propriétaires des fonds privés inférieurs (V. en ce sens Cass. civ. 13 janv. 1891)

==> Limites

L’article 641, al. 2e du Code civil prévoit que « si l’usage de ces eaux ou la direction qui leur est donnée aggrave la servitude naturelle d’écoulement établie par l’article 640, une indemnité est due au propriétaire du fonds inférieur. »

Il s’infère de cette disposition que l’usage des eaux pluviales par un propriétaire privé ne peut jamais aggraver la servitude d’écoulement qui pèse sur les fonds inférieurs.

Cette règle est une application particulière de l’article 663, al. 3e qui dispose que « le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur. »

L’obligation mise à la charge du propriétaire du fonds dominant doit être comprise comme lui interdisant d’affecter l’écoulement naturel des eaux en déversant, par exemple, des eaux usées ou ménagères.

Dès lors que l’intervention du propriétaire du fonds dominant modifie l’écoulement des eaux, il y a aggravation de la charge qui pèse sur le fonds servant.

Or cette aggravation est constitutive d’une faute susceptible de donner lieu à une indemnisation du préjudice causé (V. en ce sens Cass. req. 7 janv. 1895).

Le propriétaire du fonds servant peut encore contraindre, sous astreinte, le propriétaire du fonds supérieur à réaliser des travaux afin que cesse l’écoulement anormal des eaux.

II) Les eaux de sources

Le droit de propriété sur les eaux de source figure à l’article 641 du code civil dès sa version de 1804 : « celui qui a une source dans son fonds, peut en user à sa volonté ». Ce texte conférait ainsi un droit de propriété absolu au propriétaire du sol sur les sources.

La loi du 8 avril 1898 a déplacé cette règle au premier alinéa 2 de l’article 642 en ajoutant la précision suivante : « dans les limites et pour les besoins de son héritage. »

L’appropriation privative d’une source par le propriétaire du sol n’est, de la sorte, pas sans limite. L’exploitation d’une source ne saurait préjudicier aux propriétaires des fonds inférieurs, ni porter atteinte à l’intérêt général.

==> Principe

L’article 642, al. 1er du Code civil dispose que « celui qui a une source dans son fonds peut toujours user des eaux à sa volonté dans les limites et pour les besoins de son héritage. »

Cette disposition confère ainsi un droit de propriété au propriétaire d’un fonds sur lequel une source jaillit.

Il peut être retiré de cet usage toutes les utilités que procure la source. Il est, à cet égard, indifférent qu’il s’agisse d’une source dont le jaillissement dans le fonds soit naturel ou procède de sondages et de travaux souterrains.

Respectant le caractère absolu du droit du propriétaire du sol sur les eaux de source, la jurisprudence a, en effet, étendu ce droit d’usage aux eaux souterraines, c’est-à-dire aux eaux n’ayant pas encore émergé à la surface selon un raisonnement parfaitement vertical : le propriétaire du fonds possède l’eau de source de ce fonds, une eau nécessairement issue du dessous.

Le droit de propriété de la source s’étend donc aux eaux souterraines, ce qui contraste singulièrement avec l’étendue limitée des droits sur l’eau courante.

Les rédacteurs du code, et leurs inspirateurs romains, n’avaient sans doute pas envisagé, à une époque où l’état des techniques ne permettait ni de forer profondément dans le sol ni d’en extraire de grands volumes, la postérité de cette question.

Si le caractère absolu de ce droit emporte le droit du propriétaire du sol d’intercepter les veines d’eaux souterraines, il ne s’exerce, néanmoins, qu’à hauteur de ce que ce propriétaire peut capter et ce dernier n’a droit à aucune indemnité si la source se tarit par suite de travaux effectués sur un fonds voisin.

Aussi, selon la jurisprudence, le propriétaire du fonds sur lequel elle jaillit peut aveugler la source, la détruire, la détourner, la vendre ou la donner.

Un maire ne peut pas, pour cette raison, ouvrir à certains habitants d’une commune l’usage d’un puits privé (CE, 8 juillet 1936, Millot)

==> Limites

Le droit de propriété conféré au propriétaire du sol sur les sources qui jaillissent dans son fonds est assorti de plusieurs restrictions.

  • Le respect des droits des propriétaires des fonds inférieurs
    • L’article 642, al. 2e du Code civil prévoit que « le propriétaire d’une source ne peut plus en user au préjudice des propriétaires des fonds inférieurs qui, depuis plus de trente ans, ont fait et terminé, sur le fonds où jaillit la source, des ouvrages apparents et permanents destinés à utiliser les eaux ou à en faciliter le passage dans leur propriété.»
    • Il résulte de cette disposition que lorsque les propriétaires des fonds inférieurs ont engagé des travaux pour capter l’eau de la source qui jaillit sur le fonds supérieur, il est fait interdiction à ce dernier de modifier les conditions d’écoulement de l’eau telle sorte que cette modification aurait pour effet de causer un préjudice au fonds inférieur.
    • Encore faut-il néanmoins, pour que la règle s’applique, que
      • D’une part, un délai de trente ans se soit écoulé
      • D’autre part, que les travaux aient été engagés et achevés par les propriétaires du fonds inférieur, par son auteur ou pour son compte
    • Aussi, le non-usage trentenaire de la source par les propriétaires du fonds dans lequel elle jaillit ne suffit pas à prescrire ( req. 17 oct. 1899).
  • L’alimentation en eau des villages ou hameaux
    • Le législateur de 1804, sans doute conscient des réalités de la vie rurale avant l’arrivée de canalisations d’eau potable dans les campagnes, a ménagé une priorité pour l’alimentation humaine en eau potable
    • Ainsi, selon l’article 642, al. 3e du Code civil dispose-t-il que le propriétaire du fonds dans lequel jaillit la source peut « ne peut pas non plus en user de manière à enlever aux habitants d’une commune, village ou hameau, l’eau qui leur est nécessaire ».
    • Il s’agit là d’une véritable servitude légale instituée en considération de l’intérêt général.
    • Ce droit dont sont titulaires les habitants voisins demeure néanmoins relatif, puisque ce même article le circonscrit immédiatement : « mais si les habitants n’en ont pas acquis ou prescrit l’usage, le propriétaire peut réclamer une indemnité, laquelle est réglée par experts».
    • Le maître du fonds conserve en tout état de cause la propriété de l’excédent d’eau de source non utilisé par les habitants.
    • Par ailleurs, le texte ne s’applique qu’aux seules eaux courantes et non aux réserves d’eau telles que les citernes, marres, lacs ou étangs.
    • Aussi, est-il nécessaire que la source forme, à la sortie du fonds, un cours d’eau de telle sorte qu’elle puisse être à la portée des habitants.
    • Autrement dit, si la source n’est accessible que sur le fonds dans lequel elle jaillit, l’article 642 est inapplicable, celui-ci n’obligeant aucunement le propriétaire à consentir un droit de passage sur son fonds (V. en ce sens 1ère civ. 22 nov. 1955).
    • Quant aux bénéficiaires de la servitude, il ne peut s’agit que d’un groupement d’habitants réunis en village ou en hameau.
    • Un habitant isolé ne saurait se prévaloir de la servitude instituée par le texte
    • Au surplus, les habitants du village ou du hameau doivent justifier de la nécessité pour eux de faire usage de l’eau de source, faute de quoi ils ne peuvent pas se prévaloir de la servitude.
    • Par nécessité, il faut entendre un besoin pour leur personne ou pour les animaux. L’irrigation de leur fonds n’est pas un motif suffisant pour se prévaloir de la servitude légale.
  • Source formant un cours d’eau
    • L’article 643 du Code civil prévoit que « si, dès la sortie du fonds où elles surgissent, les eaux de source forment un cours d’eau offrant le caractère d’eaux publiques et courantes, le propriétaire ne peut les détourner de leurs cours naturels au préjudice des usagers inférieurs.»
    • Il ressort de cette disposition que lorsque la source forme un cours d’eau à la sortie du fonds d’où elle jaillit, s’opère alors un basculement sur le régime juridique des eaux courantes.
    • Encore faut-il que soit établie l’existence d’un cours d’eau qui se définit comme un « un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année. »
    • Lorsque cette condition est remplie, alors le droit dont est titulaire le propriétaire s’analyse non plus en droit de propriété sur la source mais en un droit d’usage.
    • S’il peut se servir des eaux de la source notamment à des fins d’irrigation de son terrain, il lui est, en revanche, fait interdiction d’aveugler la source, de la détruire, de la détourner, de la vendre ou encore de la donner.
    • Il est autorisé à faire usage de la source dans la limite des droits des propriétaires des fonds inférieurs desquels il ne peut exiger aucune indemnité et auxquels il ne doit causer aucun préjudice.
    • Ces derniers n’ont, d’ailleurs, pas à justifier à l’instar des habitants d’un hameau ou d’un village d’une quelconque nécessité pour se prévaloir du droit de faire usage des eaux de la source.
  • Restrictions particulières
    • Aux restrictions posées par le Code civil quant au droit de propriété exercé sur une source qui jaillit dans un fonds privé, s’ajoutent des restrictions spécifiques qui tiennent, par exemple, à l’exploitation des eaux minérales lesquelles peuvent faire l’objet d’une déclaration d’intérêt public par l’État.
    • Il faut encore compter sur les règles qui visent à assurer la préservation des eaux de source, à leur répartition, à la prévention de la pénurie et à la lutte contre la pollution.

La propriété des eaux courantes : cours d’eau domaniaux et cours d’eau non-domaniaux

==> Absence de délimitation générale de la propriété verticale

La délimitation horizontale de la propriété procède d’une opération que l’on appelle le bornage. À la différence toutefois de la délimitation verticale opérée par l’article 552 du Code civil, le bornage d’un fonds n’a pas pour effet de faire présumer la propriété.

En effet, le bornage a seulement « pour objet de fixer définitivement les limites séparatives de deux propriétés contigües et d’assurer, par la plantation de pierres bornes, le maintien des limites ainsi déterminées » (Cass. 3e civ., 11 déc. 1901).

C’est là une grande différence avec l’article 552 du Code civil qui, tout en délimitant la propriété verticale d’un immeuble, présume le propriétaire du sol, propriétaire du dessus et du dessous.

Aussi, le Code civil ne comporte aucune règle qui définit de façon générale, l’objet de la propriété horizontale.

S’il est des règles qui intéressent cette dimension de la propriété immobilière, elles se focalisent sur l’appropriation d’un objet pour le moins spécifique : l’eau.

==> Régimes des eaux

Une application stricte de l’article 544 du Code civil devrait conduire à considérer que le propriétaire du sol est investi du droit de jouir de toutes les utilités de sa chose au nombre desquelles figure l’exploitation de l’eau présente sur son fonds ou en bordure qui finalement s’analyse en l’accessoire de celui-ci.

Néanmoins, l’eau n’est pas n’importe quelle chose. Ainsi que le rappelle l’adage « et quidem naturali iure communia sunt omnium haec : aer et aqua profluens et mare et per hoc litora maris », ce qui signifie « et par droit naturel sont le bien commun de tous : l’air, l’eau s’écoulant, la mer et, pour cela, les rivages de la mer »

L’eau est a priori une chose commune de sorte que, en application de l’article 714 du Code civil, elle n’appartient à personne et son usage est commun à tous.

À cet égard, l’article L. 210-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de la loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques prévoit que « l’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général. ».

L’eau, dont l’une des caractéristiques physiques réside dans l’extrême mobilité à l’état liquide, est un objet ou un milieu difficilement cernable par le droit.

Au fil de son cycle immuable et sans cesse recommencé, elle tombe en pluie, ruisselle, rejoint les nappes souterraines ou les cours d’eau, bref emprunte ou traverse successivement différents lieux eux-mêmes soumis à un droit de propriété.

Par commodité, car le législateur n’a pas su s’y prendre autrement, c’est par le prisme des droits de propriété attachés aux divers lieux empruntés qu’a été défini le régime juridique des différentes catégories d’eaux : les eaux ne sont pas traitées par le Code civil comme une ressource en tant que telle ou comme un milieu mais plutôt comme l’accessoire du fonds que leur cours borde ou traverse.

La question qui immédiatement se pose est de savoir si, lorsqu’elle transite par un fonds privé, elle peut faire l’objet d’une appropriation, à tout le moins concourt-elle à la délimitation de la propriété immobilière ?

À l’examen, selon qu’elle est au repos ou en mouvement, l’eau entretient un rapport différent avec le droit de propriété.

Lorsque l’eau est immobile, son régime juridique est attrait par le régime de propriété du lieu qui l’accueille.

Lorsque, en revanche, elle ruisselle d’une propriété à une autre, le droit de propriété ne peut plus appréhender un fluide qui ne fait que passer et prend, en étroite relation avec la propriété des lieux traversés, la forme atténuée d’un droit d’usage – relatif – ou d’une servitude de « passage ».

En simplifiant à l’extrême, le régime juridique de l’eau s’articule donc autour de la distinction entre les eaux courantes (qui forment un cours d’eau) et les eaux non-courantes (dont l’écoulement n’est pas suffisamment important pour former un cours d’eau).

Nous nous focaliserons ici sur les eaux courantes.

Les eaux courantes sont celles dont le ruissellement forme un cours d’eau. À cet égard, l’article L. 215-7-1, al. 1er du Code de l’environnement prévoit que « constitue un cours d’eau un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année. »

L’alinéa 2 précise que l’écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales.

Classiquement, on distingue les cours d’eau domaniaux des cours d’eau non domaniaux. Jusqu’en 2006, le critère de distinction tenait au caractère navigable et flottable du cours.

  • Les cours d’eau navigables et flottables (pouvant être parcourus par des bateaux ou transporter des trains de bois) étaient qualifiés de domaniaux : ils relevaient du domaine public
  • Les cours d’eau ni navigable, ni flottables étaient qualifiés de non domaniaux : ils étaient susceptibles d’appropriation privée

L’ordonnance n°2006-460 du 21 avril 2006 qui a réformé, en profondeur, le droit domanial a modifié le critère de la domanialité des cours d’eau.

Désormais, ce critère tient, non plus à leur caractère navigable et flottable, mais à leur classement dans le domaine public d’une personne publique.

I) Les cours d’eau domaniaux

==> La propriété du lit

Lorsqu’un cours d’eau est qualifié de domanial il relève du domaine public ce qui implique que son lit, ses rives est insusceptible d’appropriation.

En substance, le domaine public correspond au lit mineur du cours d’eau. Le lit mineur s’arrête au niveau le plus haut que peut atteindre l’eau avant débordement. C’est donc la rive la plus basse qui fixe la limite de propriété.

Lorsqu’un cours d’eau domaniale traverse ou borde un fonds privé, celui-ci est assujetti à un certain nombre de servitudes.

Au compte parmi elles, les servitudes de passage qui correspondent à des bandes de terrain le long de la rivière qui appartiennent au propriétaire riverain mais que le riverain doit laisser libre d’accès pour le passage, des services de police de l’eau et de sécurité, du personnel gestionnaire du cours d’eau chargé de l’entretien, des pêcheurs et des piétons.

Par ailleurs, il existe des servitudes de halage et de marchepied où l’on ne peut planter d’arbres à moins de 9,75 m de la berge côté chemin de halage (s’il existe), et 3,25 m de l’autre côté.

Sur les voies non navigables, il n’existe que la servitude de marchepied.

Quant à l’occupation à titre privé du domaine public, elle nécessite une autorisation de la personne publique propriétaire, laquelle sera délivrée par l’adoption d’un arrêté d’occupation temporaire. Cet arrêté est à demander aux services gestionnaires du domaine.

De même, les droits de pêche et de chasse sont délivrés par les services gestionnaires du domaine.

==> L’usage des eaux

Les personnes publiques propriétaires des cours d’eau domaniaux ne sont pas soumises aux mêmes restrictions d’usage que les riverains, en particulier celles posées à l’alinéa 2e de l’article 644 qui prévoit que « celui dont cette eau traverse l’héritage peut même en user dans l’intervalle qu’elle y parcourt, mais à la charge de la rendre, à la sortie de ses fonds, à son cours ordinaire ».

L’État y échappe dans la mesure où il agit dans l’intérêt général. La loi des 12-20 août 1790 a ainsi chargé l’administration de « diriger, autant qu’il serait possible, les eaux vers un but d’utilité générale d’après les principes de l’irrigation ».

Cet intérêt général est également sauvegardé par la protection accordée au domaine : dès l’ordonnance sur les eaux et forêts d’août 1669 (Titre XXVII, articles 42 et 43), le roi a interdit de faire aucune construction dans les fleuves et rivières navigables.

Cette disposition a été reprise par un arrêté du Directoire exécutif du 19 ventôse an VI, puis l’article 40 de la loi de 1898 a figé cette règle en prévoyant que : « aucun travail ne peut être exécuté et aucune prise d’eau ne peut être pratiquée dans les fleuves et rivières navigables ou flottables sans autorisation de l’administration ».

Cette disposition figure aujourd’hui à l’article L. 2124-8 du code général de la propriété des personnes publiques.

Autrement dit, le droit d’usage de l’eau appartient, sur les cours d’eau domaniaux, aux personnes publiques propriétaires, et les personnes intéressées, n’y ayant aucun droit, qui souhaitent en prélever ne peuvent le faire qu’en vertu d’une autorisation précaire et révocable, assortie du paiement d’une redevance.

Et si l’article 10 de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 (articles L. 214-1 et s. du code de l’environnement) a ultérieurement institué un régime général d’autorisation et de déclaration des prélèvements en eau, également applicable à l’ensemble des cours d’eau, cette police de l’eau ne préjuge en rien du droit d’accès à l’eau de ces cours d’eau qui demeure réglé par les droits de propriété sous-jacents.

II) Les cours d’eau non domaniaux

À la différence des cours d’eau domaniaux qui relèvent du domaine public, les cours d’eau non domaniaux sont susceptibles de faire l’objet d’un droit de propriété par une personne privée.

À cet égard, leur appropriation est régie par les articles 644 et 645 du Code civil et les articles L. 215-1 à L. 215-18 du Code de l’environnement

Le dispositif mis en place vise à encadrer, d’une part, l’appropriation du lit du cours d’eau et, d’autre part, l’usage de ses eaux.

==> La propriété du lit 

  • Délimitation de la propriété
    • Principe
      • L’article L. 215-2, al. 1er du Code de l’environnement prévoit que le lit des cours d’eau non domaniaux appartient aux propriétaires des deux rives.
      • L’alinéa 2 précise que si les deux rives appartiennent à des propriétaires différents, chacun d’eux a la propriété de la moitié du lit, suivant une ligne que l’on suppose tracée au milieu du cours d’eau, sauf titre ou prescription contraire.
      • La ligne séparative des deux fonds se situe ainsi, non pas au niveau des rives du cours d’eau, mais au niveau de la ligne médiane qui le sépare en deux.
      • Cette délimitation n’est toutefois pas définitive : elle peut être aménagée entre les propriétaires entre eux ou être modifiée sous l’effet de la prescription acquisitive
    • Tempéraments
      • L’attribution de la propriété du cours d’eau non domanial aux propriétaires riverains est assortie de deux tempéraments
        • Premier tempérament
          • En application de l’article L. 215-9 du Code de l’environnement le propriétaire riverain d’un cours d’eau non domanial ne peut exécuter des travaux au-dessus de ce cours d’eau ou le joignant qu’à la condition de ne pas préjudicier à l’écoulement et de ne causer aucun dommage aux propriétés voisines.
          • Le droit du propriétaire riverain sur le cours d’eau est ainsi, de fait, limité.
          • Il ne peut notamment pas faire obstacle à son écoulement.
          • Par ailleurs, les propriétaires ou fermiers de moulins et usines, même autorisés ou ayant une existence légale, sont garants des dommages causés aux chemins et aux propriétés ( L. 215-11 C. env.)
        • Second tempérament
          • L’article L. 215-13 du Code de l’environnement dispose que la dérivation des eaux d’un cours d’eau non domanial, d’une source ou d’eaux souterraines, entreprise dans un but d’intérêt général par une collectivité publique ou son concessionnaire, par une association syndicale ou par tout autre établissement public, est autorisée par un acte déclarant d’utilité publique les travaux.
          • L’article L. 215-10 précise que les autorisations ou permissions accordées pour l’établissement d’ouvrages ou d’usines sur les cours d’eaux non domaniaux peuvent être révoquées ou modifiées sans indemnité de la part de l’État exerçant ses pouvoirs de police dans les cas suivants :
            • Dans l’intérêt de la salubrité publique, et notamment lorsque cette révocation ou cette modification est nécessaire à l’alimentation en eau potable de centres habités ou en est la conséquence ;
            • Pour prévenir ou faire cesser les inondations ;
            • Dans les cas de la réglementation générale prévue à l’article L. 215-8 ;
            • Lorsqu’elles concernent les ouvrages établissant ou réglant le plan d’eau ou les établissements ou usines qui, à dater du 30 mars 1993, n’auront pas été entretenus depuis plus de vingt ans ; toute collectivité publique ou tout établissement public intéressé peut, en cas de défaillance du permissionnaire ou du titulaire de l’autorisation, et à sa place, après mise en demeure par le préfet, exécuter les travaux qui sont la conséquence de la révocation ou de la modification de la permission ou de l’autorisation, et poursuivre, à l’encontre du permissionnaire ou du titulaire de l’autorisation, le remboursement de ces travaux ;
  • Changement de lit
    • L’article L. 215-4 du Code de l’environnement dispose que lorsqu’un cours d’eau non domanial abandonne naturellement son lit, les propriétaires des fonds sur lesquels le nouveau lit s’établit sont tenus de souffrir le passage des eaux sans indemnité.
    • Toutefois, ils peuvent, dans l’année qui suit le changement de lit, prendre les mesures nécessaires pour rétablir l’ancien cours des eaux.
    • Les propriétaires riverains du lit abandonné jouissent de la même faculté et peuvent, dans l’année et dans les mêmes conditions poursuivre l’exécution des travaux nécessaires au rétablissement du cours primitif.
    • À l’expiration de ce délai le nouveau lit appartient pour moitié aux propriétaires riverains et le lit abandonné aux propriétaires anciennement riverains.
  • Droits et obligations des propriétaires riverains
    • Le droit de propriété conféré aux propriétaires d’un fonds qui est traversé ou bordé par un cours d’eau non domanial emporte plusieurs conséquences :
      • Droit de construire des ouvrages
        • Le propriétaire riverain d’un cours d’eau est autorisé à construire un ouvrage à partir de la ligne médiane du cours d’eau, dès lors que les travaux effectués au-dessus du cours d’eau ne portent pas préjudice à l’écoulement naturel des eaux et ne causent aucun dommage aux propriétés voisines.
        • L’ouvrage peut ainsi être édifié afin de faire obstacle à toute navigation sur le cours d’eau
      • Droit d’extraire des produits
        • L’article L. 215-2, al. 3e du Code de l’environnement prévoit que chaque riverain a le droit de prendre, dans la partie du lit qui lui appartient, tous les produits naturels et d’en extraire de la vase, du sable et des pierres, à la condition de ne pas modifier le régime des eaux et d’en exécuter l’entretien conformément à l’article L. 215-14.
        • Toutefois, sont et demeurent réservés les droits acquis par les riverains ou autres intéressés sur les parties des cours d’eau qui servent de voie d’exploitation pour la desserte de leurs fonds.
      • Obligation d’entretien
        • L’article L. 215-14 du Code de l’environnement prévoit que le propriétaire riverain est tenu à un entretien régulier du cours d’eau en contrepartie de sa qualité de propriétaire du lit et des berges et du droit d’usage de l’eau y afférent.
        • L’entretien régulier a pour objectif de maintenir le cours d’eau dans son profil d’équilibre, de permettre l’écoulement naturel des eaux et de contribuer à son bon état écologique, notamment par enlèvement des embâcles, débris et atterrissements, flottants ou non, par élagage ou recépage de la végétation des rives. La végétation de la ripisylve doit être préservée et entretenue (l’enlèvement des bois morts et des arbres menaçant de tomber dans le cours d’eau est possible).
        • Aussi, la collectivité n’a pas vocation à se substituer au propriétaire riverain.
        • Toutefois, dans quelques cas (ampleur des travaux à entreprendre et intérêt pour le milieu aquatique), les collectivités territoriales et les syndicats mixtes peuvent prendre en charge les travaux en rivière sur des terrains privés dans le cadre d’une procédure de déclaration d’intérêt général (DIG).
        • Ces collectivités peuvent ou non demander la participation financière des riverains et bénéficiaires de l’opération. En cas de participation financière des particuliers, le projet de DIG est soumis à enquête publique.
        • Dans tous les cas, la procédure de DIG s’articule avec celle au titre de la législation sur l’eau.

==> L’usage des eaux

À la différence du lit du cours d’eau qui, dès lors qu’il ne relève pas du domaine public, peut faire l’objet d’un droit de propriété, tel n’est pas le cas des eaux qui s’écoulent dans ce lit, lesquelles sont des res communes.

À ce titre, elles sont insusceptibles d’appropriation. En application de l’article 714 du Code civil leur usage est commun à tous.

Cela signifie, en théorie, que quiconque est titulaire d’un droit d’usage des eaux courantes y compris de celles qui s’écoulent dans un cours d’eau non domanial.

Reste que lorsque le lit de ce cours d’eau fait l’objet d’une réservation privative, se pose la question de l’exercice du droit d’usage par les tiers.

Par hypothèse, sauf à ce que ces derniers empruntent une voie publique pour accéder au cours d’eau, ils ne peuvent pas contraindre un propriétaire riverain de leur ouvrir un passage.

Aussi, dans l’hypothèse où le cours d’eau ne comporte aucun accès public, le droit d’usage dont sont titulaires les tiers ne sera que théorique.

Pour les propriétaires riverains en revanche, ce droit d’usage est bien effectif. La question qui immédiatement se pose est alors de savoir quelle est l’étendue de ce droit d’usage sur les eaux courantes dont est titulaire le propriétaire riverain d’un cours d’eau non domanial.

  • Octroi d’un droit d’usage aux propriétaires riverains
    • L’article L. 215-1 du Code de l’environnement prévoit que « les riverains n’ont le droit d’user de l’eau courante qui borde ou qui traverse leurs héritages que dans les limites déterminées par la loi. Ils sont tenus de se conformer, dans l’exercice de ce droit, aux dispositions des règlements et des autorisations émanant de l’administration. »
    • Ainsi, les propriétaires d’un fonds qui est traversé ou bordé par un cours d’eau non domanial sont titulaires d’un droit d’usage des eaux courantes
    • Cette règle n’est autre qu’une reprise de l’article 644 du Code civil qui dispose que « celui dont la propriété borde une eau courante, autre que celle qui est déclarée dépendance du domaine public par l’article 538 au titre ” De la distinction des biens “, peut s’en servir à son passage pour l’irrigation de ses propriétés.»
    • Ce droit d’usage des eaux courantes est également qualifié de droit de riveraineté.
    • Ce droit de riveraineté n’est pans sans interpeller sur sa nature.
    • En effet, si ce droit d’usage ne s’analyse pas en un droit de propriété dans la mesure où son objet, les eaux courantes, est insusceptible d’appropriation, il demeure néanmoins cessible ce qui implique qu’il possède une véritable valeur économique.
    • Des auteurs soutiennent que le droit de riveraineté serait « un droit réel qui ne s’éteint pas par le non-usage, mais peut disparaître par l’effet d’une prescription acquisitive accomplie au profit d’un tiers »[1].
  • Contenu du droit d’usage des propriétaires riverains
    • Le contenu du droit d’usage des propriétaires riverains diffère selon que son titulaire exerce un droit de propriété sur la totalité du lit du cours d’eau, ou sur seulement la moitié.
      • Le titulaire du droit d’usage est propriétaire de la totalité du lit du cours d’eau
        • Tout d’abord, dans cette hypothèse, le propriétaire riverain peut se servir d’une eau courante à son passage pour l’irrigation de son terrain ( 644, al. 1er C. civ.)
        • Ensuite, lorsque le cours d’eau traverse son fond, il peut user de l’eau courante dans l’intervalle qu’elle y parcourt, mais à la charge de la rendre, à la sortie de ses fonds, à son cours ordinaire ( 644, al. 2e C. civ.)
        • Il s’infère de cette règle que le propriétaire riverain est notamment autorisé à modifier le cours du cours d’eau en le divisant, en créant une sinuosité ou un étang.
        • Seule obligation qui s’impose à lui : rendre l’eau à son cours ordinaire à la sortie du fonds.
        • La quantité d’eau restituée doit être équivalente à celle utilisée, étant précisé qu’il doit s’agir d’une eau de même qualité.
        • En somme, le propriétaire riverain peut faire avec l’eau courante qui traverse son fonds tout ce qui ne nuit pas aux héritages inférieurs.
      • Le titulaire du droit d’usage est propriétaire de la moitié du lit du cours d’eau
        • Dans cette hypothèse, le droit d’usage dont est titulaire le propriétaire riverain est, par hypothèse, limité puisque son droit de propriété ne s’exerce pas sur la totalité du lit du cours d’eau.
        • Aussi, lui est-il interdit de détourner ou de modifier son cours, sauf accord avec le riverain avec lequel il partage la moitié du lit.
        • Le seul droit qu’il peut exercer discrétionnairement est celui de se servir de l’eau courante à son passage, notamment pour l’irrigation de son fonds.
  • Limites au droit d’usage des propriétaires riverains
    • Le droit d’usage dont est titulaire le propriétaire riverain n’est pas sans limite.
    • De façon générale, l’usage qu’il fait de l’eau courante qu’il prélève sur son passage ne doit pas nuire aux fonds inférieurs.
    • Il en résulte qu’il doit, à la sortie de son héritage, nécessairement la rendre, dans la même quantité et dans la même qualité, à son cours ordinaire, quel que soit l’usage qui en est fait.
    • Il ne saurait, dans ces conditions, garder pour lui la totalité de l’eau pour l’irrigation de son seul fonds ( req. 17 janv. 1888).
    • Il ne saurait, par ailleurs, rendre l’eau prélevée impropre à son usage pour les héritages inférieurs.
    • En application de l’article L. 215-1 du Code de l’environnement, le propriétaire riverain ne saurait enfin contrevenir aux dispositions des règlements et des autorisations émanant de l’administration.
  • Règles de prévention des conflits d’usage
    • L’article 645 du Code civil dispose que « s’il s’élève une contestation entre les propriétaires auxquels ces eaux peuvent être utiles, les tribunaux, en prononçant, doivent concilier l’intérêt de l’agriculture avec le respect dû à la propriété ; et, dans tous les cas, les règlements particuliers et locaux sur le cours et l’usage des eaux doivent être observés. »
    • La règle ainsi posée vise à prévenir les conflits entre propriétaires riverains ou avec une personne morale de droit public.
    • Pour ce faire, le texte édicte deux consignes qui doivent être suivies par le juge saisi d’un litige
      • Première consigne
        • À l’examen, l’article 645 s’efforce de prévenir en particulier les conflits d’usage que la mention de l’irrigation pourrait susciter à l’intérieur du monde agricole ou avec lui.
        • Aussi, commande-t-il au juge de chercher à toujours mettre en balance les intérêts du propriétaire riverain avec l’intérêt de l’agriculture qui est présenté comme se confondant presque avec l’intérêt général.
        • D’aucuns avancent que cette balance des intérêts doit également être effectuée avec les intérêts industriels qui, s’ils n’ont pas été envisagés en 1804, méritent aujourd’hui tout autant d’attention que l’intérêt de l’agriculture.
      • Seconde consigne
        • La seconde consigne adressée au juge par l’article 645 du Code civil tient à l’observation des règlements particuliers et locaux sur le cours et l’usage des eaux.
          • S’agissant des règlements particuliers
            • Il s’agit de ceux qui procèdent de la conclusion d’une convention, de la constitution d’une servitude ou encore de la prescription acquisitive
            • Lorsque le juge constate l’existence d’un tel règlement, il doit chercher à résoudre le conflit en s’y référant.
          • S’agissant des règlements locaux
            • Il s’agit de ceux édictés par l’autorité administrative qui, en application de l’article L. 215-7 du Code de l’environnement, est chargée de la conservation et de la police des cours d’eau non domaniaux.
            • À cet égard, elle prend toutes dispositions pour assurer le libre cours des eaux et en particulier pour assurer leur préservation, la sécurité et la bonne répartition des eaux courantes.
            • L’article L. 215-8 précise que « le régime général de ces cours d’eau est fixé, s’il y a lieu, de manière à concilier les intérêts des diverses catégories d’utilisateurs de leurs eaux avec le respect dû à la propriété et aux droits et usages antérieurement établis, après enquête d’utilité publique, par arrêté du ministre dont relève le cours d’eau ou la section du cours d’eau. »

La délimitation de la propriété : la propriété horizontale (eaux courantes et non-courantes)

Pour mémoire, l’article 546 du Code civil prévoit que « la propriété d’une chose soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement soit naturellement, soit artificiellement. »

Ainsi, l’assiette du droit de propriété immobilière s’étend à tout ce qui s’unit et s’incorpore à un immeuble.

À cet égard, l’article 552 du Code civil précise que « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous ».

Il résulte de cette disposition que la propriété immobilière doit être envisagée tout autant verticalement qu’horizontalement.

Nous nous focaliserons ici sur la propriété horizontale.

==> Absence de délimitation générale de la propriété verticale

La délimitation horizontale de la propriété procède d’une opération que l’on appelle le bornage. À la différence toutefois de la délimitation verticale opérée par l’article 552 du Code civil, le bornage d’un fonds n’a pas pour effet de faire présumer la propriété.

En effet, le bornage a seulement « pour objet de fixer définitivement les limites séparatives de deux propriétés contigües et d’assurer, par la plantation de pierres bornes, le maintien des limites ainsi déterminées » (Cass. 3e civ., 11 déc. 1901).

C’est là une grande différence avec l’article 552 du Code civil qui, tout en délimitant la propriété verticale d’un immeuble, présume le propriétaire du sol, propriétaire du dessus et du dessous.

Aussi, le Code civil ne comporte aucune règle qui définit de façon générale, l’objet de la propriété horizontale.

S’il est des règles qui intéressent cette dimension de la propriété immobilière, elles se focalisent sur l’appropriation d’un objet pour le moins spécifique : l’eau.

==> Régimes des eaux

Une application stricte de l’article 544 du Code civil devrait conduire à considérer que le propriétaire du sol est investi du droit de jouir de toutes les utilités de sa chose au nombre desquelles figure l’exploitation de l’eau présente sur son fonds ou en bordure qui finalement s’analyse en l’accessoire de celui-ci.

Néanmoins, l’eau n’est pas n’importe quelle chose. Ainsi que le rappelle l’adage « et quidem naturali iure communia sunt omnium haec : aer et aqua profluens et mare et per hoc litora maris », ce qui signifie « et par droit naturel sont le bien commun de tous : l’air, l’eau s’écoulant, la mer et, pour cela, les rivages de la mer »

L’eau est a priori une chose commune de sorte que, en application de l’article 714 du Code civil, elle n’appartient à personne et son usage est commun à tous.

À cet égard, l’article L. 210-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de la loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques prévoit que « l’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général. ».

L’eau, dont l’une des caractéristiques physiques réside dans l’extrême mobilité à l’état liquide, est un objet ou un milieu difficilement cernable par le droit.

Au fil de son cycle immuable et sans cesse recommencé, elle tombe en pluie, ruisselle, rejoint les nappes souterraines ou les cours d’eau, bref emprunte ou traverse successivement différents lieux eux-mêmes soumis à un droit de propriété.

Par commodité, car le législateur n’a pas su s’y prendre autrement, c’est par le prisme des droits de propriété attachés aux divers lieux empruntés qu’a été défini le régime juridique des différentes catégories d’eaux : les eaux ne sont pas traitées par le Code civil comme une ressource en tant que telle ou comme un milieu mais plutôt comme l’accessoire du fonds que leur cours borde ou traverse.

La question qui immédiatement se pose est de savoir si, lorsqu’elle transite par un fonds privé, elle peut faire l’objet d’une appropriation, à tout le moins concourt-elle à la délimitation de la propriété immobilière ?

À l’examen, selon qu’elle est au repos ou en mouvement, l’eau entretient un rapport différent avec le droit de propriété.

Lorsque l’eau est immobile, son régime juridique est attrait par le régime de propriété du lieu qui l’accueille.

Lorsque, en revanche, elle ruisselle d’une propriété à une autre, le droit de propriété ne peut plus appréhender un fluide qui ne fait que passer et prend, en étroite relation avec la propriété des lieux traversés, la forme atténuée d’un droit d’usage – relatif – ou d’une servitude de « passage ».

En simplifiant à l’extrême, le régime juridique de l’eau s’articule donc autour de la distinction entre les eaux courantes (qui forment un cours d’eau) et les eaux non-courantes (dont l’écoulement n’est pas suffisamment important pour former un cours d’eau).

I) Les eaux courantes

Les eaux courantes sont celles dont le ruissellement forme un cours d’eau. À cet égard, l’article L. 215-7-1, al. 1er du Code de l’environnement prévoit que « constitue un cours d’eau un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année. »

L’alinéa 2 précise que l’écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales.

Classiquement, on distingue les cours d’eau domaniaux des cours d’eau non domaniaux. Jusqu’en 2006, le critère de distinction tenait au caractère navigable et flottable du cours.

  • Les cours d’eau navigables et flottables (pouvant être parcourus par des bateaux ou transporter des trains de bois) étaient qualifiés de domaniaux : ils relevaient du domaine public
  • Les cours d’eau ni navigable, ni flottables étaient qualifiés de non domaniaux : ils étaient susceptibles d’appropriation privée

L’ordonnance n°2006-460 du 21 avril 2006 qui a réformé, en profondeur, le droit domanial a modifié le critère de la domanialité des cours d’eau.

Désormais, ce critère tient, non plus à leur caractère navigable et flottable, mais à leur classement dans le domaine public d’une personne publique.

A) Les cours d’eau domaniaux

==> La propriété du lit

Lorsqu’un cours d’eau est qualifié de domanial il relève du domaine public ce qui implique que son lit, ses rives est insusceptible d’appropriation.

En substance, le domaine public correspond au lit mineur du cours d’eau. Le lit mineur s’arrête au niveau le plus haut que peut atteindre l’eau avant débordement. C’est donc la rive la plus basse qui fixe la limite de propriété.

Lorsqu’un cours d’eau domaniale traverse ou borde un fonds privé, celui-ci est assujetti à un certain nombre de servitudes.

Au compte parmi elles, les servitudes de passage qui correspondent à des bandes de terrain le long de la rivière qui appartiennent au propriétaire riverain mais que le riverain doit laisser libre d’accès pour le passage, des services de police de l’eau et de sécurité, du personnel gestionnaire du cours d’eau chargé de l’entretien, des pêcheurs et des piétons.

Par ailleurs, il existe des servitudes de halage et de marchepied où l’on ne peut planter d’arbres à moins de 9,75 m de la berge côté chemin de halage (s’il existe), et 3,25 m de l’autre côté.

Sur les voies non navigables, il n’existe que la servitude de marchepied.

Quant à l’occupation à titre privé du domaine public, elle nécessite une autorisation de la personne publique propriétaire, laquelle sera délivrée par l’adoption d’un arrêté d’occupation temporaire. Cet arrêté est à demander aux services gestionnaires du domaine.

De même, les droits de pêche et de chasse sont délivrés par les services gestionnaires du domaine.

==> L’usage des eaux

Les personnes publiques propriétaires des cours d’eau domaniaux ne sont pas soumises aux mêmes restrictions d’usage que les riverains, en particulier celles posées à l’alinéa 2e de l’article 644 qui prévoit que « celui dont cette eau traverse l’héritage peut même en user dans l’intervalle qu’elle y parcourt, mais à la charge de la rendre, à la sortie de ses fonds, à son cours ordinaire ».

L’État y échappe dans la mesure où il agit dans l’intérêt général. La loi des 12-20 août 1790 a ainsi chargé l’administration de « diriger, autant qu’il serait possible, les eaux vers un but d’utilité générale d’après les principes de l’irrigation ».

Cet intérêt général est également sauvegardé par la protection accordée au domaine : dès l’ordonnance sur les eaux et forêts d’août 1669 (Titre XXVII, articles 42 et 43), le roi a interdit de faire aucune construction dans les fleuves et rivières navigables.

Cette disposition a été reprise par un arrêté du Directoire exécutif du 19 ventôse an VI, puis l’article 40 de la loi de 1898 a figé cette règle en prévoyant que : « aucun travail ne peut être exécuté et aucune prise d’eau ne peut être pratiquée dans les fleuves et rivières navigables ou flottables sans autorisation de l’administration ».

Cette disposition figure aujourd’hui à l’article L. 2124-8 du code général de la propriété des personnes publiques.

Autrement dit, le droit d’usage de l’eau appartient, sur les cours d’eau domaniaux, aux personnes publiques propriétaires, et les personnes intéressées, n’y ayant aucun droit, qui souhaitent en prélever ne peuvent le faire qu’en vertu d’une autorisation précaire et révocable, assortie du paiement d’une redevance.

Et si l’article 10 de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 (articles L. 214-1 et s. du code de l’environnement) a ultérieurement institué un régime général d’autorisation et de déclaration des prélèvements en eau, également applicable à l’ensemble des cours d’eau, cette police de l’eau ne préjuge en rien du droit d’accès à l’eau de ces cours d’eau qui demeure réglé par les droits de propriété sous-jacents.

B) Les cours d’eau non domaniaux

À la différence des cours d’eau domaniaux qui relèvent du domaine public, les cours d’eau non domaniaux sont susceptibles de faire l’objet d’un droit de propriété par une personne privée.

À cet égard, leur appropriation est régie par les articles 644 et 645 du Code civil et les articles L. 215-1 à L. 215-18 du Code de l’environnement

Le dispositif mis en place vise à encadrer, d’une part, l’appropriation du lit du cours d’eau et, d’autre part, l’usage de ses eaux.

==> La propriété du lit 

  • Délimitation de la propriété
    • Principe
      • L’article L. 215-2, al. 1er du Code de l’environnement prévoit que le lit des cours d’eau non domaniaux appartient aux propriétaires des deux rives.
      • L’alinéa 2 précise que si les deux rives appartiennent à des propriétaires différents, chacun d’eux a la propriété de la moitié du lit, suivant une ligne que l’on suppose tracée au milieu du cours d’eau, sauf titre ou prescription contraire.
      • La ligne séparative des deux fonds se situe ainsi, non pas au niveau des rives du cours d’eau, mais au niveau de la ligne médiane qui le sépare en deux.
      • Cette délimitation n’est toutefois pas définitive : elle peut être aménagée entre les propriétaires entre eux ou être modifiée sous l’effet de la prescription acquisitive
    • Tempéraments
      • L’attribution de la propriété du cours d’eau non domanial aux propriétaires riverains est assortie de deux tempéraments
        • Premier tempérament
          • En application de l’article L. 215-9 du Code de l’environnement le propriétaire riverain d’un cours d’eau non domanial ne peut exécuter des travaux au-dessus de ce cours d’eau ou le joignant qu’à la condition de ne pas préjudicier à l’écoulement et de ne causer aucun dommage aux propriétés voisines.
          • Le droit du propriétaire riverain sur le cours d’eau est ainsi, de fait, limité.
          • Il ne peut notamment pas faire obstacle à son écoulement.
          • Par ailleurs, les propriétaires ou fermiers de moulins et usines, même autorisés ou ayant une existence légale, sont garants des dommages causés aux chemins et aux propriétés ( L. 215-11 C. env.)
        • Second tempérament
          • L’article L. 215-13 du Code de l’environnement dispose que la dérivation des eaux d’un cours d’eau non domanial, d’une source ou d’eaux souterraines, entreprise dans un but d’intérêt général par une collectivité publique ou son concessionnaire, par une association syndicale ou par tout autre établissement public, est autorisée par un acte déclarant d’utilité publique les travaux.
          • L’article L. 215-10 précise que les autorisations ou permissions accordées pour l’établissement d’ouvrages ou d’usines sur les cours d’eaux non domaniaux peuvent être révoquées ou modifiées sans indemnité de la part de l’État exerçant ses pouvoirs de police dans les cas suivants :
            • Dans l’intérêt de la salubrité publique, et notamment lorsque cette révocation ou cette modification est nécessaire à l’alimentation en eau potable de centres habités ou en est la conséquence ;
            • Pour prévenir ou faire cesser les inondations ;
            • Dans les cas de la réglementation générale prévue à l’article L. 215-8 ;
            • Lorsqu’elles concernent les ouvrages établissant ou réglant le plan d’eau ou les établissements ou usines qui, à dater du 30 mars 1993, n’auront pas été entretenus depuis plus de vingt ans ; toute collectivité publique ou tout établissement public intéressé peut, en cas de défaillance du permissionnaire ou du titulaire de l’autorisation, et à sa place, après mise en demeure par le préfet, exécuter les travaux qui sont la conséquence de la révocation ou de la modification de la permission ou de l’autorisation, et poursuivre, à l’encontre du permissionnaire ou du titulaire de l’autorisation, le remboursement de ces travaux ;
  • Changement de lit
    • L’article L. 215-4 du Code de l’environnement dispose que lorsqu’un cours d’eau non domanial abandonne naturellement son lit, les propriétaires des fonds sur lesquels le nouveau lit s’établit sont tenus de souffrir le passage des eaux sans indemnité.
    • Toutefois, ils peuvent, dans l’année qui suit le changement de lit, prendre les mesures nécessaires pour rétablir l’ancien cours des eaux.
    • Les propriétaires riverains du lit abandonné jouissent de la même faculté et peuvent, dans l’année et dans les mêmes conditions poursuivre l’exécution des travaux nécessaires au rétablissement du cours primitif.
    • À l’expiration de ce délai le nouveau lit appartient pour moitié aux propriétaires riverains et le lit abandonné aux propriétaires anciennement riverains.
  • Droits et obligations des propriétaires riverains
    • Le droit de propriété conféré aux propriétaires d’un fonds qui est traversé ou bordé par un cours d’eau non domanial emporte plusieurs conséquences :
      • Droit de construire des ouvrages
        • Le propriétaire riverain d’un cours d’eau est autorisé à construire un ouvrage à partir de la ligne médiane du cours d’eau, dès lors que les travaux effectués au-dessus du cours d’eau ne portent pas préjudice à l’écoulement naturel des eaux et ne causent aucun dommage aux propriétés voisines.
        • L’ouvrage peut ainsi être édifié afin de faire obstacle à toute navigation sur le cours d’eau
      • Droit d’extraire des produits
        • L’article L. 215-2, al. 3e du Code de l’environnement prévoit que chaque riverain a le droit de prendre, dans la partie du lit qui lui appartient, tous les produits naturels et d’en extraire de la vase, du sable et des pierres, à la condition de ne pas modifier le régime des eaux et d’en exécuter l’entretien conformément à l’article L. 215-14.
        • Toutefois, sont et demeurent réservés les droits acquis par les riverains ou autres intéressés sur les parties des cours d’eau qui servent de voie d’exploitation pour la desserte de leurs fonds.
      • Obligation d’entretien
        • L’article L. 215-14 du Code de l’environnement prévoit que le propriétaire riverain est tenu à un entretien régulier du cours d’eau en contrepartie de sa qualité de propriétaire du lit et des berges et du droit d’usage de l’eau y afférent.
        • L’entretien régulier a pour objectif de maintenir le cours d’eau dans son profil d’équilibre, de permettre l’écoulement naturel des eaux et de contribuer à son bon état écologique, notamment par enlèvement des embâcles, débris et atterrissements, flottants ou non, par élagage ou recépage de la végétation des rives. La végétation de la ripisylve doit être préservée et entretenue (l’enlèvement des bois morts et des arbres menaçant de tomber dans le cours d’eau est possible).
        • Aussi, la collectivité n’a pas vocation à se substituer au propriétaire riverain.
        • Toutefois, dans quelques cas (ampleur des travaux à entreprendre et intérêt pour le milieu aquatique), les collectivités territoriales et les syndicats mixtes peuvent prendre en charge les travaux en rivière sur des terrains privés dans le cadre d’une procédure de déclaration d’intérêt général (DIG).
        • Ces collectivités peuvent ou non demander la participation financière des riverains et bénéficiaires de l’opération. En cas de participation financière des particuliers, le projet de DIG est soumis à enquête publique.
        • Dans tous les cas, la procédure de DIG s’articule avec celle au titre de la législation sur l’eau.

==> L’usage des eaux

À la différence du lit du cours d’eau qui, dès lors qu’il ne relève pas du domaine public, peut faire l’objet d’un droit de propriété, tel n’est pas le cas des eaux qui s’écoulent dans ce lit, lesquelles sont des res communes.

À ce titre, elles sont insusceptibles d’appropriation. En application de l’article 714 du Code civil leur usage est commun à tous.

Cela signifie, en théorie, que quiconque est titulaire d’un droit d’usage des eaux courantes y compris de celles qui s’écoulent dans un cours d’eau non domanial.

Reste que lorsque le lit de ce cours d’eau fait l’objet d’une réservation privative, se pose la question de l’exercice du droit d’usage par les tiers.

Par hypothèse, sauf à ce que ces derniers empruntent une voie publique pour accéder au cours d’eau, ils ne peuvent pas contraindre un propriétaire riverain de leur ouvrir un passage.

Aussi, dans l’hypothèse où le cours d’eau ne comporte aucun accès public, le droit d’usage dont sont titulaires les tiers ne sera que théorique.

Pour les propriétaires riverains en revanche, ce droit d’usage est bien effectif. La question qui immédiatement se pose est alors de savoir quelle est l’étendue de ce droit d’usage sur les eaux courantes dont est titulaire le propriétaire riverain d’un cours d’eau non domanial.

  • Octroi d’un droit d’usage aux propriétaires riverains
    • L’article L. 215-1 du Code de l’environnement prévoit que « les riverains n’ont le droit d’user de l’eau courante qui borde ou qui traverse leurs héritages que dans les limites déterminées par la loi. Ils sont tenus de se conformer, dans l’exercice de ce droit, aux dispositions des règlements et des autorisations émanant de l’administration. »
    • Ainsi, les propriétaires d’un fonds qui est traversé ou bordé par un cours d’eau non domanial sont titulaires d’un droit d’usage des eaux courantes
    • Cette règle n’est autre qu’une reprise de l’article 644 du Code civil qui dispose que « celui dont la propriété borde une eau courante, autre que celle qui est déclarée dépendance du domaine public par l’article 538 au titre ” De la distinction des biens “, peut s’en servir à son passage pour l’irrigation de ses propriétés.»
    • Ce droit d’usage des eaux courantes est également qualifié de droit de riveraineté.
    • Ce droit de riveraineté n’est pans sans interpeller sur sa nature.
    • En effet, si ce droit d’usage ne s’analyse pas en un droit de propriété dans la mesure où son objet, les eaux courantes, est insusceptible d’appropriation, il demeure néanmoins cessible ce qui implique qu’il possède une véritable valeur économique.
    • Des auteurs soutiennent que le droit de riveraineté serait « un droit réel qui ne s’éteint pas par le non-usage, mais peut disparaître par l’effet d’une prescription acquisitive accomplie au profit d’un tiers »[1].

  • Contenu du droit d’usage des propriétaires riverains
    • Le contenu du droit d’usage des propriétaires riverains diffère selon que son titulaire exerce un droit de propriété sur la totalité du lit du cours d’eau, ou sur seulement la moitié.
      • Le titulaire du droit d’usage est propriétaire de la totalité du lit du cours d’eau
        • Tout d’abord, dans cette hypothèse, le propriétaire riverain peut se servir d’une eau courante à son passage pour l’irrigation de son terrain ( 644, al. 1er C. civ.)
        • Ensuite, lorsque le cours d’eau traverse son fond, il peut user de l’eau courante dans l’intervalle qu’elle y parcourt, mais à la charge de la rendre, à la sortie de ses fonds, à son cours ordinaire ( 644, al. 2e C. civ.)
        • Il s’infère de cette règle que le propriétaire riverain est notamment autorisé à modifier le cours du cours d’eau en le divisant, en créant une sinuosité ou un étang.
        • Seule obligation qui s’impose à lui : rendre l’eau à son cours ordinaire à la sortie du fonds.
        • La quantité d’eau restituée doit être équivalente à celle utilisée, étant précisé qu’il doit s’agir d’une eau de même qualité.
        • En somme, le propriétaire riverain peut faire avec l’eau courante qui traverse son fonds tout ce qui ne nuit pas aux héritages inférieurs.
      • Le titulaire du droit d’usage est propriétaire de la moitié du lit du cours d’eau
        • Dans cette hypothèse, le droit d’usage dont est titulaire le propriétaire riverain est, par hypothèse, limité puisque son droit de propriété ne s’exerce pas sur la totalité du lit du cours d’eau.
        • Aussi, lui est-il interdit de détourner ou de modifier son cours, sauf accord avec le riverain avec lequel il partage la moitié du lit.
        • Le seul droit qu’il peut exercer discrétionnairement est celui de se servir de l’eau courante à son passage, notamment pour l’irrigation de son fonds.
  • Limites au droit d’usage des propriétaires riverains
    • Le droit d’usage dont est titulaire le propriétaire riverain n’est pas sans limite.
    • De façon générale, l’usage qu’il fait de l’eau courante qu’il prélève sur son passage ne doit pas nuire aux fonds inférieurs.
    • Il en résulte qu’il doit, à la sortie de son héritage, nécessairement la rendre, dans la même quantité et dans la même qualité, à son cours ordinaire, quel que soit l’usage qui en est fait.
    • Il ne saurait, dans ces conditions, garder pour lui la totalité de l’eau pour l’irrigation de son seul fonds ( req. 17 janv. 1888).
    • Il ne saurait, par ailleurs, rendre l’eau prélevée impropre à son usage pour les héritages inférieurs.
    • En application de l’article L. 215-1 du Code de l’environnement, le propriétaire riverain ne saurait enfin contrevenir aux dispositions des règlements et des autorisations émanant de l’administration.
  • Règles de prévention des conflits d’usage
    • L’article 645 du Code civil dispose que « s’il s’élève une contestation entre les propriétaires auxquels ces eaux peuvent être utiles, les tribunaux, en prononçant, doivent concilier l’intérêt de l’agriculture avec le respect dû à la propriété ; et, dans tous les cas, les règlements particuliers et locaux sur le cours et l’usage des eaux doivent être observés. »
    • La règle ainsi posée vise à prévenir les conflits entre propriétaires riverains ou avec une personne morale de droit public.
    • Pour ce faire, le texte édicte deux consignes qui doivent être suivies par le juge saisi d’un litige
      • Première consigne
        • À l’examen, l’article 645 s’efforce de prévenir en particulier les conflits d’usage que la mention de l’irrigation pourrait susciter à l’intérieur du monde agricole ou avec lui.
        • Aussi, commande-t-il au juge de chercher à toujours mettre en balance les intérêts du propriétaire riverain avec l’intérêt de l’agriculture qui est présenté comme se confondant presque avec l’intérêt général.
        • D’aucuns avancent que cette balance des intérêts doit également être effectuée avec les intérêts industriels qui, s’ils n’ont pas été envisagés en 1804, méritent aujourd’hui tout autant d’attention que l’intérêt de l’agriculture.
      • Seconde consigne
        • La seconde consigne adressée au juge par l’article 645 du Code civil tient à l’observation des règlements particuliers et locaux sur le cours et l’usage des eaux.
          • S’agissant des règlements particuliers
            • Il s’agit de ceux qui procèdent de la conclusion d’une convention, de la constitution d’une servitude ou encore de la prescription acquisitive
            • Lorsque le juge constate l’existence d’un tel règlement, il doit chercher à résoudre le conflit en s’y référant.
          • S’agissant des règlements locaux
            • Il s’agit de ceux édictés par l’autorité administrative qui, en application de l’article L. 215-7 du Code de l’environnement, est chargée de la conservation et de la police des cours d’eau non domaniaux.
            • À cet égard, elle prend toutes dispositions pour assurer le libre cours des eaux et en particulier pour assurer leur préservation, la sécurité et la bonne répartition des eaux courantes.
            • L’article L. 215-8 précise que « le régime général de ces cours d’eau est fixé, s’il y a lieu, de manière à concilier les intérêts des diverses catégories d’utilisateurs de leurs eaux avec le respect dû à la propriété et aux droits et usages antérieurement établis, après enquête d’utilité publique, par arrêté du ministre dont relève le cours d’eau ou la section du cours d’eau. »

II) Les eaux non-courantes

Les eaux non-courantes sont celles dont le ruissellement ne forme pas un cours d’eau. Pour mémoire, en application de l’article L. 215-7-1, al. 1er du Code de l’environnement prévoit que « constitue un cours d’eau un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année. »

Les eaux non-courantes sont donc celles qui ont vocation à demeurer au repos ou dont l’écoulement n’est pas suffisamment intense et ordonné pour former un cours d’eau.

Au nombre des eaux non-courantes on distingue classiquement les eaux pluviales des eaux de source.

A) Les eaux pluviales

Aucune disposition du code civil dans sa version de 1804 ne traitait de la question de la propriété de l’eau de pluie. L’importance pratique de cette question a cependant nourri une importante jurisprudence dictée par le principe simple selon lequel chacun a la pleine propriété des eaux de pluie qui tombent sur son fonds.

Les eaux pluviales ont, en effet, toujours été considérées comme des res nullius (choses sans maître), ce qui implique qu’elles peuvent faire l’objet d’appropriation privative.

Cette construction jurisprudentielle a été reprise par la loi du 8 avril 1898 sur le régime des eaux, qui est à l’origine de la rédaction précitée et toujours en vigueur de l’article 641 du Code civil.

Mais si cette loi consacre la jurisprudence attribuant la pleine propriété des eaux de pluie au propriétaire du fonds, elle précise immédiatement que cette eau retrouve le droit commun dès lors qu’elle sort du terrain et que, si elle bénéficie d’une servitude naturelle d’écoulement, l’usage qui en est fait ne doit pas l’aggraver.

==> Principe

L’article 641, al. 1er du Code civil prévoit en ce sens que « tout propriétaire a le droit d’user et de disposer des eaux pluviales qui tombent sur son fonds. »

Il ressort de cette disposition que le propriétaire du sol peut se réserver l’usage des eaux pluviales qui tombent sur son fonds.

Cette réservation privative n’implique pas, à la lecture du texte, qu’il les rende à la sortie de son fonds à l’instar des eaux courantes.

Il est donc livre de les capter, d’en faire usage pour irriguer sa propriété sans jamais les restituer pour l’usage des fonds inférieurs.

Lorsque les eaux pluviales s’écoulent sur les fonds inférieurs, les propriétaires de ces fonds sont, à leur tour, en droit d’en faire usage, celles-ci demeurant des res nullius tant qu’elles n’ont pas été captées.

Il a été jugé qu’il en allait de même des eaux pluviales qui proviennent de la voie publique, elles peuvent être appropriées par voie d’occupation par les propriétaires des fonds privés inférieurs (V. en ce sens Cass. civ. 13 janv. 1891)

==> Limites

L’article 641, al. 2e du Code civil prévoit que « si l’usage de ces eaux ou la direction qui leur est donnée aggrave la servitude naturelle d’écoulement établie par l’article 640, une indemnité est due au propriétaire du fonds inférieur. »

Il s’infère de cette disposition que l’usage des eaux pluviales par un propriétaire privé ne peut jamais aggraver la servitude d’écoulement qui pèse sur les fonds inférieurs.

Cette règle est une application particulière de l’article 663, al. 3e qui dispose que « le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur. »

L’obligation mise à la charge du propriétaire du fonds dominant doit être comprise comme lui interdisant d’affecter l’écoulement naturel des eaux en déversant, par exemple, des eaux usées ou ménagères.

Dès lors que l’intervention du propriétaire du fonds dominant modifie l’écoulement des eaux, il y a aggravation de la charge qui pèse sur le fonds servant.

Or cette aggravation est constitutive d’une faute susceptible de donner lieu à une indemnisation du préjudice causé (V. en ce sens Cass. req. 7 janv. 1895).

Le propriétaire du fonds servant peut encore contraindre, sous astreinte, le propriétaire du fonds supérieur à réaliser des travaux afin que cesse l’écoulement anormal des eaux.

B) Les eaux de sources

Le droit de propriété sur les eaux de source figure à l’article 641 du code civil dès sa version de 1804 : « celui qui a une source dans son fonds, peut en user à sa volonté ». Ce texte conférait ainsi un droit de propriété absolu au propriétaire du sol sur les sources.

La loi du 8 avril 1898 a déplacé cette règle au premier alinéa 2 de l’article 642 en ajoutant la précision suivante : « dans les limites et pour les besoins de son héritage. »

L’appropriation privative d’une source par le propriétaire du sol n’est, de la sorte, pas sans limite. L’exploitation d’une source ne saurait préjudicier aux propriétaires des fonds inférieurs, ni porter atteinte à l’intérêt général.

==> Principe

L’article 642, al. 1er du Code civil dispose que « celui qui a une source dans son fonds peut toujours user des eaux à sa volonté dans les limites et pour les besoins de son héritage. »

Cette disposition confère ainsi un droit de propriété au propriétaire d’un fonds sur lequel une source jaillit.

Il peut être retiré de cet usage toutes les utilités que procure la source. Il est, à cet égard, indifférent qu’il s’agisse d’une source dont le jaillissement dans le fonds soit naturel ou procède de sondages et de travaux souterrains.

Respectant le caractère absolu du droit du propriétaire du sol sur les eaux de source, la jurisprudence a, en effet, étendu ce droit d’usage aux eaux souterraines, c’est-à-dire aux eaux n’ayant pas encore émergé à la surface selon un raisonnement parfaitement vertical : le propriétaire du fonds possède l’eau de source de ce fonds, une eau nécessairement issue du dessous.

Le droit de propriété de la source s’étend donc aux eaux souterraines, ce qui contraste singulièrement avec l’étendue limitée des droits sur l’eau courante.

Les rédacteurs du code, et leurs inspirateurs romains, n’avaient sans doute pas envisagé, à une époque où l’état des techniques ne permettait ni de forer profondément dans le sol ni d’en extraire de grands volumes, la postérité de cette question.

Si le caractère absolu de ce droit emporte le droit du propriétaire du sol d’intercepter les veines d’eaux souterraines, il ne s’exerce, néanmoins, qu’à hauteur de ce que ce propriétaire peut capter et ce dernier n’a droit à aucune indemnité si la source se tarit par suite de travaux effectués sur un fonds voisin.

Aussi, selon la jurisprudence, le propriétaire du fonds sur lequel elle jaillit peut aveugler la source, la détruire, la détourner, la vendre ou la donner.

Un maire ne peut pas, pour cette raison, ouvrir à certains habitants d’une commune l’usage d’un puits privé (CE, 8 juillet 1936, Millot)

==> Limites

Le droit de propriété conféré au propriétaire du sol sur les sources qui jaillissent dans son fonds est assorti de plusieurs restrictions.

  • Le respect des droits des propriétaires des fonds inférieurs
    • L’article 642, al. 2e du Code civil prévoit que « le propriétaire d’une source ne peut plus en user au préjudice des propriétaires des fonds inférieurs qui, depuis plus de trente ans, ont fait et terminé, sur le fonds où jaillit la source, des ouvrages apparents et permanents destinés à utiliser les eaux ou à en faciliter le passage dans leur propriété.»
    • Il résulte de cette disposition que lorsque les propriétaires des fonds inférieurs ont engagé des travaux pour capter l’eau de la source qui jaillit sur le fonds supérieur, il est fait interdiction à ce dernier de modifier les conditions d’écoulement de l’eau telle sorte que cette modification aurait pour effet de causer un préjudice au fonds inférieur.
    • Encore faut-il néanmoins, pour que la règle s’applique, que
      • D’une part, un délai de trente ans se soit écoulé
      • D’autre part, que les travaux aient été engagés et achevés par les propriétaires du fonds inférieur, par son auteur ou pour son compte
    • Aussi, le non-usage trentenaire de la source par les propriétaires du fonds dans lequel elle jaillit ne suffit pas à prescrire ( req. 17 oct. 1899).
  • L’alimentation en eau des villages ou hameaux
    • Le législateur de 1804, sans doute conscient des réalités de la vie rurale avant l’arrivée de canalisations d’eau potable dans les campagnes, a ménagé une priorité pour l’alimentation humaine en eau potable
    • Ainsi, selon l’article 642, al. 3e du Code civil dispose-t-il que le propriétaire du fonds dans lequel jaillit la source peut « ne peut pas non plus en user de manière à enlever aux habitants d’une commune, village ou hameau, l’eau qui leur est nécessaire ».
    • Il s’agit là d’une véritable servitude légale instituée en considération de l’intérêt général.
    • Ce droit dont sont titulaires les habitants voisins demeure néanmoins relatif, puisque ce même article le circonscrit immédiatement : « mais si les habitants n’en ont pas acquis ou prescrit l’usage, le propriétaire peut réclamer une indemnité, laquelle est réglée par experts».
    • Le maître du fonds conserve en tout état de cause la propriété de l’excédent d’eau de source non utilisé par les habitants.
    • Par ailleurs, le texte ne s’applique qu’aux seules eaux courantes et non aux réserves d’eau telles que les citernes, marres, lacs ou étangs.
    • Aussi, est-il nécessaire que la source forme, à la sortie du fonds, un cours d’eau de telle sorte qu’elle puisse être à la portée des habitants.
    • Autrement dit, si la source n’est accessible que sur le fonds dans lequel elle jaillit, l’article 642 est inapplicable, celui-ci n’obligeant aucunement le propriétaire à consentir un droit de passage sur son fonds (V. en ce sens 1ère civ. 22 nov. 1955).
    • Quant aux bénéficiaires de la servitude, il ne peut s’agit que d’un groupement d’habitants réunis en village ou en hameau.
    • Un habitant isolé ne saurait se prévaloir de la servitude instituée par le texte
    • Au surplus, les habitants du village ou du hameau doivent justifier de la nécessité pour eux de faire usage de l’eau de source, faute de quoi ils ne peuvent pas se prévaloir de la servitude.
    • Par nécessité, il faut entendre un besoin pour leur personne ou pour les animaux. L’irrigation de leur fonds n’est pas un motif suffisant pour se prévaloir de la servitude légale.
  • Source formant un cours d’eau
    • L’article 643 du Code civil prévoit que « si, dès la sortie du fonds où elles surgissent, les eaux de source forment un cours d’eau offrant le caractère d’eaux publiques et courantes, le propriétaire ne peut les détourner de leurs cours naturels au préjudice des usagers inférieurs.»
    • Il ressort de cette disposition que lorsque la source forme un cours d’eau à la sortie du fonds d’où elle jaillit, s’opère alors un basculement sur le régime juridique des eaux courantes.
    • Encore faut-il que soit établie l’existence d’un cours d’eau qui se définit comme un « un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année. »
    • Lorsque cette condition est remplie, alors le droit dont est titulaire le propriétaire s’analyse non plus en droit de propriété sur la source mais en un droit d’usage.
    • S’il peut se servir des eaux de la source notamment à des fins d’irrigation de son terrain, il lui est, en revanche, fait interdiction d’aveugler la source, de la détruire, de la détourner, de la vendre ou encore de la donner.
    • Il est autorisé à faire usage de la source dans la limite des droits des propriétaires des fonds inférieurs desquels il ne peut exiger aucune indemnité et auxquels il ne doit causer aucun préjudice.
    • Ces derniers n’ont, d’ailleurs, pas à justifier à l’instar des habitants d’un hameau ou d’un village d’une quelconque nécessité pour se prévaloir du droit de faire usage des eaux de la source.
  • Restrictions particulières
    • Aux restrictions posées par le Code civil quant au droit de propriété exercé sur une source qui jaillit dans un fonds privé, s’ajoutent des restrictions spécifiques qui tiennent, par exemple, à l’exploitation des eaux minérales lesquelles peuvent faire l’objet d’une déclaration d’intérêt public par l’État.
    • Il faut encore compter sur les règles qui visent à assurer la préservation des eaux de source, à leur répartition, à la prévention de la pénurie et à la lutte contre la pollution.

[1] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les biens, éd. Dalloz, 2007, n°233, p. 203.

La délimitation de la propriété: la propriété verticale (dessus et dessous)

==> Vue générale

L’accession immobilière correspond à l’hypothèse où une chose mobilière ou immobilière est incorporée à un immeuble, de telle sorte qu’une union se crée entre les deux biens qui en formeront plus qu’un seul et même bien.

À l’examen, outre son objet, les immeubles, l’accession immobilière se distingue de l’accession mobilière en ce qu’elle remplit deux fonctions.

En effet, l’accession immobilière n’est pas seulement un mode d’acquisition de la propriété, elle vise également à en fixer les limites.

Avant de résoudre un conflit de propriétés, ce qui est la fonction première de l’accession, encore faut-il être en mesure de délimiter les assiettes des droits qui s’affrontent, ne serait-ce que pour identifier celle qui correspond au principal et emporte, par voie de conséquence, la propriété du bien accessoire.

Lorsque les propriétés en conflits portent sur des biens meubles, la délimitation de l’assiette des droits de chaque propriétaire ne soulève aucune difficulté dans la mesure où elle embrasse les contours physiques du bien qui, par nature, sont finis.

Lorsque, en revanche, il s’agit de délimiter l’assiette de la propriété d’un bien immobilier, l’exercice est tout autre. La propriété d’un immeuble est assise sur le sol. Or non seulement celui-ci peut s’étendre sans fin, mais encore il doit être appréhendé tant de long en large (surface) que de haut en bas (dessus et dessous).

Aussi, la délimitation de l’assiette de la propriété immobilière est loin d’être aussi évidente qu’en matière mobilière où ce sont les contours physiques de la chose qui fixent l’assiette des droits de son propriétaire.

Afin de surmonter cette difficulté de la délimitation de la propriété immobilière, qui est un préalable nécessaire, à la résolution des conflits de propriétés, les rédacteurs du Code civil ont posé des règles aux articles 552 et 552.

Si ces règles introduisent la section consacrée à l’accession immobilière, elles y sont en réalité étrangères.

En effet, elles visent à définir, non pas un mode d’acquisition de la propriété, mais l’assiette du droit du propriétaire d’un immeuble.

La résolution des conflits de propriétés en matière immobilière est, quant à elle, envisagée aux articles suivants (art. 554 à 564 C. civ.) qui donc intéressent le mode d’acquisition de la propriété que constitue l’accession.

Nous nous focaliserons ici sur la délimitation de la propriété immobilière.

==> Propriété verticale et propriété horizontale

Pour mémoire, l’article 546 du Code civil prévoit que « la propriété d’une chose soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement soit naturellement, soit artificiellement. »

Ainsi, l’assiette du droit de propriété immobilière s’étend à tout ce qui s’unit et s’incorpore à un immeuble.

À cet égard, l’article 552 du Code civil précise que « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous ».

Il résulte de cette disposition que la propriété immobilière doit être envisagée tout autant verticalement qu’horizontalement.

S’agissant de la propriété verticale, elle procède des articles 552 et 553 du Code civil, lesquels remplissent des fonctions différentes, mais complémentaires.

Tandis que l’article 552 pose une règle de réservation de la propriété en désignant le propriétaire du sol également propriétaire du dessus et du dessous, l’article 553 instaure une présomption aux termes de laquelle les constructions et plantations sont réputées avoir été réalisés et appartenir au propriétaire du sol sur lequel elles sont établies.

I) Règle de délimitation de l’objet de la propriété verticale

A) Contenu de la règle

  1. La propriété du dessus

==> Principe

En application de l’article 552, al. 1er du Code civil, la propriété du sol emporte donc la propriété du « dessus ».

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « dessus » ou surfonds. En première intention, le terme employé par le texte suggère que l’assiette du droit de propriété s’étend à tout ce qui surplombe le sol et plus précisément à tout ce qui se dresse sur la ligne d’aplomb.

Est-ce à dire que la propriété immobilière comprend l’atmosphère et se prolonge dans l’espace de façon infinie ?

À l’examen, il n’en est rien, ne serait-ce que parce que le droit du propriétaire du sol se heurte à des droits concurrents au nombre desquels figurent notamment les servitudes ou encore le droit pour un aéronef de survoler les propriétés privées.

À cela s’ajoute l’impossibilité pour le propriétaire de revendiquer la propriété de l’air situé au-dessus de son fonds qui est une chose commune, soit insusceptible d’appropriation.

Au vrai, sur le plan géométrique la propriété du dessus porte sur le volume compris entre les perpendiculaires élevées sur la ligne séparative du sol.

Quant à la limite supérieure de la propriété du surfonds, elle se déduit de l’alinéa 2 de l’article 522 du Code civil.

Cette disposition prévoit, en effet, que « le propriétaire peut faire au-dessus toutes les plantations et constructions qu’il juge à propos, sauf les exceptions établies au titre ” Des servitudes ou services fonciers ” »

Il s’infère de ce texte que la propriété du dessus comporte deux aspects : l’un positif et l’autre négatif.

  • Positivement
    • Il faut comprendre l’article 552 du Code civil, non pas comme conférant au propriétaire du sol un droit de propriété sur le dessus qui s’étendrait à l’infini dans le ciel et l’espace, mais plutôt comme lui conférant le droit d’occuper le volume prenant assise sur son terrain en y élevant des plantations et des constructions.
    • Cette disposition autorise, autrement dit, le propriétaire à utiliser l’espace situé au-dessus de son fonds pour planter où bâtir.
    • Ce dernier sera, par voie de conséquence, réputé acquérir toutes les constructions et plantations faites sur son terrain.
  • Négativement
    • Le propriétaire du sol peut interdire autrui d’élever une plantation ou une construction qui empiéterait sur son terrain ou qui s’étendrait au-dessus de sa parcelle, quand bien même cet empiétement serait insignifiant et ne lui causerait aucun préjudice.
    • À cet égard, en application de l’article 673 du Code civil il peut contraindre le propriétaire du fonds voisin à couper les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux qui s’avancent au-delà de la ligne séparative.
    • La jurisprudence a également admis que le propriétaire pouvait s’opposer à l’installation de câbles aériens qui seraient suspendus au-dessus de son terrain ( req. 6 mars 1934).
    • Il en va également pour les flèches de grue qui survoleraient des fonds privés sans avoir obtenu, au préalable, l’autorisation de leurs propriétaires respectifs (V. en ce sen CA Aix-en-Provence, 19 déc. 1979).

Au bilan, la propriété du sol confère au propriétaire, tout autant le droit de planter et de bâtir sur son terrain que le droit d’interdire l’élévation de toute chose qui aurait une emprise sur un fonds voisin et qui s’étendrait au-dessus de sa parcelle.

Ce droit octroyé au propriétaire du sol sur le dessus n’est toutefois pas sans limite, ainsi que le précise l’article 552, al. 2e in fine du Code civil ainsi que les lois particulières qui régissent l’exploitation de l’espace aérien et qui intéressent plus généralement l’intérêt général.

==> Limites

Si le propriétaire du sol est propriétaire du dessus et plus précisément de toutes les plantations et constructions qui sont élevées sur son terrain, ce droit de propriété qui lui est conféré n’est pas sans limites.

L’article 552, al. 2e in fine du Code civil prévoit, en effet, que la règle posée est assortie d’exceptions qui tiennent aux « servitudes ou services fonciers ».

Au fil du temps la liste de ces exceptions n’a eu de cesse de s’accroître, de sorte qu’elles comportent désormais de nombreuses restrictions au droit de propriété

  • Les servitudes
    • Elles se définissent comme des droits réels en vertu desquels une personne est autorisée à tirer de la chose d’autrui une certaine utilité.
    • Les servitudes peuvent être légales ou résulter du fait de l’homme.
    • Elles peuvent notamment consister à interdire un propriétaire à construire sur son fonds, à tout le moins à en limiter le droit ( 674 C. civ.)
    • Il est également des servitudes qui interdisent d’élever des plantations en deçà d’une certaine distance de la ligne séparative ( 671 C. civ.)
    • D’autres encore sont relatives aux ouvertures des bâtiments dont la percée est encadrée par les articles 675 à 680 du Code civil.
  • Les règles d’urbanisme
    • De nombreuses règles d’urbanismes, qualifiées également de servitudes administratives, restreignent le droit du propriétaire du sol d’édifier des constructions sur son terrain pour des raisons tenant à l’intérêt général.
    • Le plan local d’urbanisme (PLU) peut ainsi prévoit un coefficient d’occupation des sols qui consiste en un ratio entre la surface qui peut être construite et celle du sol sur lequel l’édifice doit être élevé.
    • Les propriétaires doivent encore se conformer à la réglementation de l’occupation et de l’utilisation de l’espace urbain (affectation des sols ; destination, implantation, volume, aspect extérieur et desserte des constructions).
    • D’autres dispositions peuvent encore imposer l’observation de règles destinées à assurer l’hygiène et la sécurité des bâtiments ainsi que leur accessibilité.
    • Enfin, il est certaines règles de droit public qui interdisent purement et simplement d’édifier des constructions en raison, par exemple, de la contiguïté du fonds avec le domaine public, car bordent une catégorie particulière de voie routière ou avoisine une base militaire ou un aéroport.
    • Toutes ces règles sont autant de restrictions au droit de propriété dont est investi le propriétaire du sol. Elles sont d’autant plus fortes que les sujétions et pertes financières qu’elles occasionnent ne sont pas, en principe, indemnisables.
  • Le trafic aérien
    • Le développement du trafic aérien a conduit le législateur à consacrer un principe de libre circulation des aéronefs par la loi du 31 mai 1924 relative à la navigation aérienne.
    • Aussi, afin de concilier ce principe avec le droit de propriété dont est investi le propriétaire du sol sur le dessus a été inséré un article L. 6211-3 dans le Code des transports qui prévoit que « le droit pour un aéronef de survoler les propriétés privées ne peut s’exercer dans des conditions telles qu’il entraverait l’exercice du droit du propriétaire. »
    • Il ressort de cette disposition que, si le propriétaire ne peut pas s’opposer au survol de son fonds, il ne doit pas, en contrepartie, être troublé dans la jouissance de sa propriété.
    • C’est la raison pour laquelle l’exploitant de l’aéronef doit évaluer, avant le survol d’un fonds privé, si son trajet n’est pas de nature à « entraver l’exercice du droit du propriétaire», par exemple en cas de vol à très basse hauteur.
    • Il lui appartient également de s’assurer que ce survol d’une propriété privée ne porte pas atteinte à la vie privée, laquelle atteinte est sanctionnée à l’article 226-1 du Code pénal par une peine d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende.
  • Le transport d’énergie
    • Le développement de l’électricité ayant rendu nécessaire l’adoption d’un régime législatif permettant d’obtenir plus aisément un droit d’appui et de passage sur les propriétés privées, le législateur de 1906 a fait le choix d’instituer un régime de servitude administrative pour les ouvrages de transport et de distribution de l’électricité, subordonné à une déclaration d’utilité publique (DUP).
    • Cette déclaration d’utilité publique confère au concessionnaire le droit de grever, à son profit, les propriétés privées de servitudes :
      • D’ancrage et de supports pour conducteurs aériens d’électricité, soit à l’extérieur des murs ou façades donnant sur la voie publique, soit sur les toits et terrasses des bâtiments à condition qu’on puisse y accéder par l’extérieur
      • De passage des conducteurs d’électricité au-dessus des propriétés privées
      • D’établissement de canalisations souterraines ou de supports pour conducteurs aériens, sur des terrains privés non bâtis, qui ne sont pas fermés de murs ou autres clôtures équivalents
      • D’abattage des arbres et branches d’arbres qui gênent la pose des conducteurs aériens d’électricité ou sont susceptibles, en cas de chute ou mouvement, de causer des courts-circuits ou des avaries aux ouvrages
  • L’exploitation du réseau de télécommunications
    • À l’instar du développement du transport de l’énergie, l’installation d’un réseau de télécommunication a justifié l’admission de restrictions au droit de propriété dont est investi le propriétaire du sol sur le dessus.
    • L’article L. 45-9 du Code des postes et communications électroniques prévoit en ce sens que « les exploitants de réseaux ouverts au public bénéficient d’un droit de passage, sur le domaine public routier et dans les réseaux publics relevant du domaine public routier et non routier, à l’exception des réseaux et infrastructures de communications électroniques, et de servitudes sur les propriétés privées »
    • L’article L. 48 précise que ces servitudes sont instituées en vue de permettre l’installation et l’exploitation des équipements du réseau, y compris les équipements des réseaux à très haut débit fixes et mobiles notamment « au-dessus des propriétés privées dans la mesure où l’exploitant se borne à utiliser l’installation d’un tiers bénéficiant de servitudes sans compromettre, le cas échéant, la mission propre de service public confiée à ce tiers. »
    • Cette servitude légale d’utilité privée ne bénéficie qu’aux opérateurs de télécommunications. Sa mise en œuvre est relativement longue et lourde en raison de la nécessité de préserver les droits légitimes des propriétaires, constitutionnellement garantis.
    • C’est pourquoi la mise en œuvre de la procédure est subordonnée à une autorisation délivrée par le Maire, au nom de l’État (article R. 20-48 du code des postes et des télécommunications), après que les propriétaires ou en cas de copropriété, le syndicat représenté par le syndic, ont été informés des motifs qui justifient l’installation d’une servitude et le choix de son emplacement, et mis à même, dans un délai qui ne peut être inférieur à trois mois, de présenter leurs observations sur le projet. Les travaux ne peuvent commencer avant l’expiration de ce délai.

Au bilan, il apparaît que les restrictions au droit de propriété du dessus sont nombreuses, de sorte que finalement le volume sur lequel porte ce droit est limité en hauteur, tout autant par l’intérêt du propriétaire (trouble de jouissance) que par l’intérêt général lorsqu’il s’exprime dans le cadre d’une servitude d’utilité publique.

2. La propriété du dessous

==> Principe

Pour mémoire, l’article 552, al. 1er du Code civil prévoit que « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous. »

Que doit-on entendre par-dessous, appelé encore tréfonds ? Le texte ne le dit pas. Toutefois, parce que la terre est ronde, à la différence du surfonds, le tréfonds correspond nécessairement à un volume fini dont la limite est située au niveau du noyau terrestre.

Plus précisément, il s’agit d’un volume conique qui s’étend de la surface du fonds au centre de la terre délimité par des lignes convergentes.

Un auteur résume les prérogatives dont est investi le propriétaire du sol en écrivant que « la terre étant ronde, on peut […] imaginer que chacun est propriétaire d’une sorte de cône partant du centre de la terre pour aller vers les confins de l’atmosphère terrestre »[1].

Les limites de la propriété du dessous sont ainsi bien plus marquées que celles qui définissent la propriété du dessus.

À cet égard, l’alinéa 3 de l’article 552 du Code civil précise que le propriétaire du sol « peut faire au-dessous toutes les constructions et fouilles qu’il jugera à propos, et tirer de ces fouilles tous les produits qu’elles peuvent fournir, sauf les modifications résultant des lois et règlements relatifs aux mines, et des lois et règlements de police. »

Comme pour le surfonds, la propriété du tréfonds comporte un aspect positif et un aspect négatif.

  • Positivement
    • Tout d’abord, le droit du propriétaire d’un fonds comprend tous les éléments qui composent et constituent le sous-sol.
    • Aussi, ce droit s’étend à toutes les cavités, sources, minerais, gisements et plus généralement à tout ce qui s’y trouve incorporé.
    • À cet égard, la Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 29 février 1984 que lorsque des parcelles forment deux sols distincts situés à des niveaux différents et séparés par une falaise infranchissable, une source dont le point d’émergence est situé à l’intérieur du surplomb de la falaise, donc nécessairement sous la parcelle dont elle dépend appartient au fonds inférieur et ne peut se rattacher au sous-sol du fonds supérieur ( 3e civ. 29 févr. 1984, n°83-10040).
    • Ensuite, le droit de propriété du sol autorise le propriétaire à réaliser « toutes les constructions et fouilles qu’il jugera à propos, et tirer de ces fouilles tous les produits qu’elles peuvent fournir».
    • Il est ainsi permis à ce dernier d’occuper le sous-sol en édifiant des constructions et à acquérir la propriété de toutes les choses qu’il découvrirait dans le cadre de fouilles.
    • À cet égard, le droit du propriétaire de fouiller son sous-sol est entier.
    • Cette prérogative n’est toutefois pas sans limite dans la mesure où le propriétaire devra notamment se conformer aux règles qui encadrent les découvertes archéologiques et l’exploitation de certains gisements qualifiés de mines au sens du Code minier.
  • Négativement
    • Le propriétaire du sol peut s’opposer à toutes les atteintes portées par les tiers à son sous-sol, ce sans qu’il lui soit besoin de justifier d’un quelconque préjudice.
    • Dès lors que le propriétaire constate un empiétement sur sa propriété, aussi minime soit-il, il peut demander la démolition de l’ouvrage qui déborde sur son fonds.
    • Dans un arrêt du 8 novembre 1978, la Cour de cassation a, par exemple, admis que le propriétaire d’un terrain était fondé à solliciter la démolition de la construction élevée sur le fonds voisin, avoir relevé que cette construction était implantée sur la limite séparant la parcelle du fonds contigu et que les fondations de ce pavillon dépassaient cette limite et constituaient ainsi une emprise sur la propriété voisine ( 3e civ. 8 nov. 1978, n°77-13563).
    • Lorsqu’il s’agit de racines, ronces ou brindilles qui avancent sur un fonds voisin, l’article 673 du Code civil autorise le propriétaire de ce fonds à « les couper lui-même à la limite de la ligne séparative».
    • Ainsi, est-il autorisé à se faire justice lui-même.
    • Des auteurs avancent que ce pouvoir « s’explique pratiquement par le fait que le propriétaire du terrain peut, en creusant, couper involontairement des racines et ne saurait se le voir reprocher».[2]
    • Dans un arrêt du 6 avril 1965 la Cour de cassation a précisé que « le législateur n’a pas entendu, par les dispositions de l’article 673 du code civil, restreindre le droit à réparation du dommage réalise, mais, au contraire, assurer une protection plus efficace en instituant des mesures de prévention au profit des voisins» ( 1ère civ. 6 avr. 1965, n°61-11025).
    • Dans le même sens, le propriétaire est également en droit de demander la suppression câbles et canalisations souterraines qui traverseraient son fonds et qui auraient été posées sans son autorisation.

==> Limites

Le droit du propriétaire du sol sur le tréfonds n’est pans sans limites, ainsi que le précise le dernier alinéa de l’article 552 du Code civil.

Si, en effet, cette disposition autorise le propriétaire du tréfonds à s’approprier tous les produits qu’il est susceptible de trouver dans le cadre de fouilles, c’est sous des « modifications résultant des lois et règlements relatifs aux mines, et des lois et règlements de police. »

Les limites au droit de propriété du propriétaire du tréfonds tiennent notamment à la réglementation des fouilles archéologiques et à l’exploitation des ressources minières.

  • S’agissant des fouilles archéologiques
    • L’article L. 531-1 du Code du patrimoine prévoit que « nul ne peut effectuer sur un terrain lui appartenant ou appartenant à autrui des fouilles ou des sondages à l’effet de recherches de monuments ou d’objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie, sans en avoir au préalable obtenu l’autorisation. »
    • La demande d’autorisation doit être adressée à l’autorité administrative ; elle indique l’endroit exact, la portée générale et la durée approximative des travaux à entreprendre.
    • À cet égard, l’article L. 531-2 précise que lorsque les fouilles doivent être réalisées sur un terrain n’appartenant pas à l’auteur de la demande d’autorisation, celui-ci doit joindre à sa demande le consentement écrit du propriétaire du terrain et, s’il y a lieu, de tout autre ayant droit.
    • En dehors des fouilles réalisées par le propriétaire du terrain, celles-ci peuvent lui être imposées par l’État.
    • L’article L. 531-9 du Code du patrimoine prévoit en ce sens que « l’État est autorisé à procéder d’office à l’exécution de fouilles ou de sondages pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie sur les terrains ne lui appartenant pas, à l’exception toutefois des terrains attenant à des immeubles bâtis et clos de murs ou de clôtures équivalentes.»
    • À défaut d’accord amiable avec le propriétaire, l’exécution des fouilles ou sondages est déclarée d’utilité publique par décision de l’autorité administrative, qui autorise l’occupation temporaire des terrains.
    • Cette occupation est ordonnée par une décision de l’autorité administrative qui détermine l’étendue des terrains à occuper ainsi que la date et la durée probable de l’occupation. La durée peut être prolongée, en cas de nécessité, par de nouveaux arrêtés sans pouvoir en aucun cas excéder cinq années.
    • S’agissant des objets découverts dans le cadre de fouilles archéologiques, l’article L. 541-4 du Code du patrimoine exclut expressément l’application de l’article 552 du Code civil et de l’article 716 du même code relatif à l’appropriation des trésors.
    • Aussi prévoit-il, par dérogation à ces dispositions que les biens archéologiques mobiliers mis au jour à la suite d’opérations de fouilles archéologiques ou de découvertes fortuites réalisées sur des terrains dont la propriété a été acquise après la date d’entrée en vigueur de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine « sont présumés appartenir à l’État dès leur mise au jour au cours d’une opération archéologique et, en cas de découverte fortuite, à compter de la reconnaissance de l’intérêt scientifique justifiant leur conservation.»
    • À cet égard, dans l’hypothèse d’une découverte fortuite, l’État dispose d’un délai de 5 ans pour apprécier l’intérêt scientifique justifiant la conservation de l’objet trouvé, faute de quoi sa propriété est attribuée selon les principes énoncés à l’article 716 du Code civil (il appartient pour moitié à celui qui l’a découvert, et pour l’autre moitié au propriétaire du fonds.)
    • S’agissant des biens archéologiques immobiliers, ils « appartiennent à l’État dès leur mise au jour à la suite d’opérations archéologiques ou en cas de découverte fortuite» à la condition d’avoir été « mis au jour à la suite d’opérations archéologiques ou de découvertes fortuites réalisées sur des terrains dont la propriété a été acquise après la publication de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l’archéologie préventive. »
    • Pour ces biens, l’État verse alors au propriétaire du fonds où est situé le bien une indemnité destinée à compenser le dommage qui peut lui être occasionné pour accéder audit bien. À défaut d’accord amiable sur le montant de l’indemnité, celle-ci est fixée par le juge judiciaire.
    • En outre, lorsque le bien est découvert fortuitement et qu’il donne lieu à une exploitation, la personne qui assure cette exploitation verse à l’inventeur une indemnité forfaitaire ou, à défaut, intéresse ce dernier au résultat de l’exploitation du bien. L’indemnité forfaitaire et l’intéressement sont calculés en relation avec l’intérêt archéologique de la découverte.
  • S’agissant de l’exploitation des ressources minières
    • L’exploitation des ressources minières est strictement encadrée par les textes.
    • À cet égard, l’article L. 111-1 du Code minier dresse une liste des ressources que relèvent du régime légal des mines au nombre desquelles figurent un certain nombre de gîtes renfermés dans le sein de la terre ou existant à la surface connue pour contenir les substances minérales ou fossiles (hydrocarbures, combustibles fossiles, sels de sodium et de potassium à l’état solide ou en dissolution, fer, cobalt, nickel, chrome, manganèse, vanadium, titane, mercure, argent, or, platine etc.)
    • Pour toutes ces ressources, l’article L. 131-1 du Code minier dispose que « les mines ne peuvent être exploitées qu’en vertu d’une concession ou par l’État.»
    • Cette règle s’applique également au propriétaire du sous-sol dans lequel est située la mine.
    • Aussi, en application de l’article L. 132-2 du Code minier, nul ne peut obtenir une concession de mines s’il ne possède les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux d’exploitation et assumer les obligations mentionnées dans des décrets pris pour préserver les intérêts déterminés par la loi
    • La concession est accordée par décret en Conseil d’État sous réserve de l’engagement pris par le demandeur de respecter des conditions générales complétées, le cas échéant, par des conditions spécifiques faisant l’objet d’un cahier des charges.

B) Portée de la règle

==> Une présomption réfragable

Les règles énoncées à l’article 552 du Code civil qui visent à délimiter la propriété immobilière verticale ne bénéficient qu’au seul propriétaire du sol.

L’attribution de la propriété du dessus et du dessous à ce dernier n’est toutefois qu’une présomption réfragable, soit qui peut être renversée par la preuve contraire.

Dans un arrêt du 26 mai 1992 la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la présomption de propriété du dessous au profit du propriétaire du sol n’est susceptible d’être combattue que par la preuve contraire résultant d’un titre ou de la prescription » (Cass. 26 mai 1992, n°90-22145).

Aussi, est-il admis qu’une partie du tréfonds ou du surfonds puisse faire l’objet d’une acquisition particulière et, soit, par conséquent, détachée de la propriété du sol (V. en ce sens Cass. civ. 14 nov. 1888).

Il est ainsi parfaitement possible de revendiquer la propriété d’une cave située dans le tréfonds d’une parcelle dont on n’est pas propriétaire.

La Cour de cassation l’a rappelé dans un arrêt du 15 mai 2015. Dans cette affaire il était question d’un couple d’époux qui étaient propriétaires d’une parcelle dans le tréfonds de laquelle se trouvait une cave. Celle-ci était toutefois accessible de plain-pied uniquement par le jardin appartenant aux propriétaires du fonds voisin.

Consécutivement à la vente de ce fonds qui offrait un accès à la cave, les propriétaires du terrain situé au-dessus ont revendiqué la propriété de cette dernière estimant que leur ancien voisin (le vendeur) n’était titulaire que d’un simple droit d’usage sur cette cave qui s’était éteint lors de la vente du fonds aux nouveaux propriétaires.

Par un arrêt du 30 septembre 2013, la Cour d’appel de Grenoble a débouté les propriétaires qui revendiquaient la propriété de la cave au motif que bien que cette dernière soit située dans le sous-sol de leur terrain, avait fait l’objet d’une acquisition par titre par les propriétaires du fonds voisin.

La troisième chambre civile a validé cette décision, considérant que la cour d’appel, qui avait confronté les divers titres produits aux débats, en a souverainement déduit que propriétaires du fonds voisin avaient rapporté la preuve de l’acquisition de la preuve litigieuse (Cass. 3e civ. 13 mai 2015, n°13-27342 et 14-15678).

La présomption de propriété dont bénéficie le propriétaire du sol s’applique tout autant aux éléments qui composent le dessous que ceux qui s’élèvent sur le dessus.

C’est la raison pour laquelle il est également admis qu’un tiers puisse être propriétaire d’une construction implantée sur le terrain d’un autre propriétaire (Cass. 3e civ. 7 oct. 1998, n°96-18748).

==> Des modes de preuve limités

La présomption instituée à la faveur du propriétaire du sol, si elle est réfragable, n’est pas une présomption simple.

En effet, celui qui cherche à combattre cette présomption ne peut le faire qu’en produisant un titre ou en se prévalant de la prescription acquisitive.

La Cour de cassation l’a rappelé dans son arrêt du 13 mai 2015 en affirmant que « la présomption de propriété du dessous au profit des demandeurs, propriétaires du sol n’était susceptible d’être combattue que par la preuve contraire résultant d’un titre, quel qu’en soit le titulaire, ou de la prescription acquisitive » (Cass. 3e civ. 13 mai 2015, n°13-27342 et 14-15678).

Cass. 3e civ. 13 mai 2015
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 30 septembre 2013), que les consorts X... sont propriétaires d'un immeuble édifié sur une parcelle cadastrée A436 ; que dans le tréfonds de cette parcelle se trouve une cave accessible de plain-pied uniquement par le jardin voisin, cadastré A435, appartenant aux consorts Y... Z... qui l'ont acquis en 2007 de M. A... ; qu'estimant que ce dernier était titulaire d'un simple droit d'usage sur cette cave qui s'était éteint lors de la vente aux consorts Y... Z..., les consorts X... ont assigné leurs voisins et M. A... pour voir déclarer éteint le droit d'usage de ce dernier et constater l'occupation sans droit ni titre de la cave par les consorts Y... Z... ;

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de déclarer les consorts Y... Z... propriétaires de la cave litigieuse, alors, selon le moyen, que la présomption de propriété du dessous au profit du propriétaire du sol n'est susceptible d'être combattue que par la preuve contraire résultant d'un titre ou de prescription acquisitive ; que celui qui se prétend propriétaire du dessous doit établir non seulement que celui-ci n'appartient pas au propriétaire du dessus, mais qu'il en est lui-même propriétaire, soit pour l'avoir prescrit par lui-même ou par ses auteurs, soit pour en avoir acquis la propriété en vertu d'un titre translatif auquel il est partie ou auquel était partie l'un de ses auteurs ; que la cour d'appel a attribué aux consorts Y... Z... la propriété de la cave litigieuse située sous l'immeuble des consorts X... en se fondant exclusivement sur les titres des consorts X... ou de leurs auteurs, auxquels n'étaient parties ni les consorts Y... Z... ni leurs propres auteurs ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 552 du code civil ;

Mais attendu que la présomption de propriété du dessous au profit des consorts X..., propriétaires du sol n'est susceptible d'être combattue que par la preuve contraire résultant d'un titre, quel qu'en soit le titulaire, ou de la prescription acquisitive ; que la cour d'appel, qui a confronté les divers titres produits aux débats, en a souverainement déduit que les consorts Y... Z... étaient propriétaires de la cave litigieuse ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Les modes de preuve admis pour neutraliser la présomption posée par l’article 552 du Code civil sont, de la sorte, limités.

Il en résulte que les juges ne sont pas tenus de « rechercher si les circonstances de fait invoquées étaient de nature à apporter la preuve contraire par simples présomptions » (V. en ce sens Cass. 3e civ. 9 févr. 1982).

Cette restriction des modes de preuve est critiquée par une de la doctrine qui rappelle que la preuve de la propriété d’un immeuble, pris dans son intégralité, se fait par tout moyen (Cass. 1ère civ. 11 janv. 2000, n°97-15406).

Aussi, apparaît-il difficilement compréhensible que la preuve de la propriété d’une division de l’immeuble (tréfonds ou surfonds) ne puisse être rapportée qu’au moyen d’un titre ou de la prescription acquisitive.

L’argument est fort. Il n’a toutefois pas emporté la conviction de la Cour de cassation. La raison en est que cette restriction des modes de preuves se justifie, selon les auteurs, par la volonté de la haute juridiction de maintenir comme exceptionnelle la situation de division d’un immeuble.

Cette situation, pour le moins singulière, est en effet, est un terreau fertile pour le développement de contentieux entre propriétaires.

Dès lors, afin de limiter les actions en revendication, il est préférable que la preuve de la propriété d’une division d’immeuble ne puisse être rapportée que lorsque le demandeur dispose d’éléments sérieux, tels qu’un titre ou l’expiration du délai de la prescription acquisitive.

Si les juges du fond pouvaient retenir n’importe quelle circonstance de fait pour admettre qu’il soit fait échec à la présomption de propriété posée à l’article 552 du Code civil, cela aurait pour effet de fragiliser considérablement le droit de propriété du propriétaire du sol sur le dessus et le dessous, car pouvant être remis en cause sur la base de simples présomptions de fait.

Dans ces conditions, la solution adoptée par la Cour de cassation nous paraît raisonnable, car guidée, au fond, par le souci de préserver la paix sociale.

II) Règle de prévention des conflits de propriété verticale

==> Articulation entre les articles 552 et 553

L’article 553 du Code civil prévoit que « toutes constructions, plantations et ouvrages sur un terrain ou dans l’intérieur sont présumés faits par le propriétaire à ses frais et lui appartenir, si le contraire n’est prouvé ; sans préjudice de la propriété qu’un tiers pourrait avoir acquise ou pourrait acquérir par prescription soit d’un souterrain sous le bâtiment d’autrui, soit de toute autre partie du bâtiment. »

Il ressort de cette disposition que tout ce qui est élevé sur un terrain ou édifié dans le tréfonds est réputé avoir été réalisé par le propriétaire du sol et, par voie de conséquence, lui appartenir.

Si, de prime abord, cette disposition interroge sur son utilité en ce qu’elle peut apparaître comme une redite de l’article 552 du Code civil, à l’examen il n’en est rien.

En effet, les deux dispositions remplissent des fonctions complémentaires qui ne se chevauchent pas :

  • L’article 552 vise à définir l’objet de la propriété immobilière en présument le propriétaire du sol, propriétaire du dessus et du dessous
  • L’article 553 vise, quant à lui, non pas à délimiter l’objet de la propriété immobilière, mais à prévenir la survenance d’un conflit entre propriétaires résultant de l’incorporation à un fonds d’un bien appartenant à autrui.

La combinaison de ces deux dispositions a manifestement pour effet de conférer au propriétaire du sol une maîtrise totale de l’immeuble en ce que non seulement il est présumé être propriétaire du dessus et du dessous mais encore il est réputé avoir édifié tout ce qui est implanté sur son fonds.

==> Fonction probatoire de l’article 553

S’agissant, spécifiquement, de l’article 553 du Code civil, cette disposition envisage l’hypothèse où la propriété d’un bien incorporé dans le sous-sol ou élevé en surface serait contestée au propriétaire du sol.

Deux situations sont susceptibles de se présenter :

  • Soit le propriétaire du sol a réalisé un ouvrage en incorporant à son fonds les biens d’autrui
  • Soit un tiers a réalisé un ouvrage incorporé au fonds du propriétaire du sol parce qu’il en avait la jouissance, en vertu d’un droit personnel (bail), d’un droit réel (usufruit) ou encore qu’il était occupant sans droit ni titre

Afin de résoudre ce conflit de propriétés, deux approches peuvent être adoptées :

  • Première approche
    • Elle consiste à faire une application stricte de la règle de l’accession ce qui aurait pour effet de désigner de façon systématique le propriétaire du sol comme étant le propriétaire de l’ouvrage réalisé, peu importe que la construction procède de l’intervention d’un tiers
    • Cette approche présente l’avantage de la simplicité, en ce qu’elle fait d’emblée échec à toute action en revendication.
    • L’inconvénient, c’est qu’elle peut s’avérer pour le moins sévère sinon injuste pour le tiers muni d’un titre qui, bien qu’il soit l’auteur de l’ouvrage réalisé, ne pourra pas échapper à une expropriation.
  • Seconde approche
    • Elle consiste à positionner le conflit de propriétés sur le terrain probatoire en posant une présomption qui désigne le propriétaire du sol comme l’auteur des ouvrages réalisés sur son fonds, mais qui peut être combattue par la preuve contraire.
    • Cette approche autorise ainsi les tiers à contester la propriété de la chose incorporée au fonds du propriétaire du sol et donc à faire valoir ses droits sur le bien revendiqué.
    • Faute de preuve suffisante, c’est la règle de l’accession qui a vocation à s’appliquer, d’où il s’ensuit la désignation du propriétaire du sol comme étant le propriétaire de l’ouvrage implanté sur son fonds

À l’examen, les rédacteurs du Code civil ont opté pour la seconde approche, l’article 553 instituant au profit du propriétaire du sol une présomption réfragable, soit qui peut être combattue par la preuve contraire.

==> Fonctionnement de la présomption posée par l’article 553

La règle énoncée à l’article 553 du Code civil institue une présomption à double détente :

  • Première détente: toutes les constructions élevées sur un fonds sont présumées avoir été réalisées par le propriétaire de ce fonds à ses frais.
  • Seconde détente: faute de preuve contraire, l’ouvrage implanté sur le fonds est réputé appartenir au propriétaire du sol.

Il peut être observé que le texte ne rattache nullement ici la propriété de la construction à la qualité de propriétaire du sol, ce qui reviendrait à faire application de la règle de l’accession.

Il se limite seulement à énoncer que l’incorporation d’un ouvrage à un fonds fait présumer que cet ouvrage a été réalisé par le propriétaire du sol.

Aussi, l’article 553 ne déduit la qualité de propriétaire de la construction, non pas de la qualité de propriétaire du sol, mais de la qualité de maître d’ouvrage.

Cette subtilité n’est pas sans importance, dans la mesure où elle offre la possibilité à quiconque de revendiquer la propriété d’un ouvrage élevé sur le fonds d’autrui.

Pour ce faire, il est néanmoins nécessaire de combattre la présomption posée par le texte à laquelle il peut être fait échec par tout moyen.

Dans un arrêt du 7 novembre 1978, la Cour de cassation a ainsi admis que la preuve de la propriété d’un ouvrage élevé sur le terrain d’autrui était rapportée du seul fait que le revendicant était parvenu à démontrer que le bien revendiqué a été construit pour son propre compte, sur ses plans et en partie de ses mains, sans aucune intervention du propriétaire du sol, et qu’il justifiait, par des factures établies à son nom et payées par lui, avoir assumé seul la charge du coût de la construction (Cass. 3e civ. 7 nov. 1978, n°77-13045).

Il ressort de la jurisprudence que pour faire échec à la présomption posée à l’article 553 il y a lieu de prouver :

  • D’une part, que le tiers agi dans son propre intérêt et non pour le compte du propriétaire du sol ou d’autrui
  • D’autre part, que le tiers a agi à ses frais, soit que c’est lui qui a personnellement supporté le coût de la construction

Lorsque la preuve de la réalisation de l’ouvrage par un tiers est rapportée, il n’en acquiert pas pour autant la propriété.

En effet, cette preuve a seulement pour effet de faire échec à l’attribution, par présomption, de la propriété de la construction au propriétaire du sol.

Elle ne pourra toutefois pas faire obstacle à l’application de la règle de fond énoncée à l’article 555 du Code civil qui désigne, par voie d’accession, le propriétaire du sol comme le propriétaire de toutes les plantations, constructions et ouvrages élevés sur son fonds.

L’union des biens est inévitable : si elle ne se fait pas sur le terrain probatoire, elle se fera sous l’effet de la règle de l’accession.

Mais alors, puisque l’attribution de l’ouvrage au propriétaire du sol est inévitable, immédiatement la question se pose de l’intérêt de l’article 553 du Code civil ?

Pourquoi ouvrir la possibilité aux tiers de contester, sur le fondement de l’article 553, la propriété de l’ouvrage élevé sur le fonds d’autrui si, in fine, elle sera systématiquement attribuée au propriétaire du sol ?

L’intérêt pour le tiers de se placer sur le terrain probatoire, c’est que, une fois démontré que c’est lui qui a endossé la qualité de maître d’ouvrage et non le propriétaire du sol, il sera fondé, au titre de cette qualité, à réclamer dans le cadre de l’application de la règle de l’accession à percevoir une indemnité.

Si, en revanche, le tiers ne parvient pas à faire échec à la présomption posée par l’article 553 du Code civil, aucune indemnité ne lui sera due. L’ouvrage sera réputé appartenir au propriétaire du sol sans qu’il y ait lieu de mobiliser la règle de l’accession et d’exiger de ce dernier la fourniture des contreparties pécuniaires qui y sont attachées.

Pour cette raison, le tiers a donc tout intérêt à se placer sur le terrain probatoire, faute de quoi il ne sera pas indemnisé.

[1] W. Dross, « L’immeuble dans l’avant-projet de réforme du droit des biens », in L’immeuble et le droit privé, Lamy, coll. Axe Droit, 2012

[2] F. Rerré et Ph. Simler, Droit civil – Les Biens, éd. Dalloz, 2004, n°291, p239.

L’accession immobilière naturelle : la modification du lit d’un cours d’eau

L’accession est dite naturelle lorsque l’incorporation de la chose ne procède pas du fait de l’homme, en ce sens qu’il n’est pas intervenu dans le processus d’union des biens.

Cette incorporation est qui donc est le résultat d’un phénomène naturel peut avoir pour objet tout autant un meuble qu’un immeuble.

Nous nous focaliserons ici sur l’incorporation des immeubles

L’accession immobilière ne procède pas seulement de l’incorporation d’un meuble, elle peut également résulter de l’union de plusieurs immeubles.

Le phénomène naturel susceptible de conduire à ce résultat n’est autre que le mouvement de l’eau qui sous l’effet des événements climatiques peut donner lieu à la création de nouveaux biens, à tout le moins à une redéfinition de l’assiette de la propriété.

Création d’un îlot, abandon par un cours d’eau de son lit, apparition d’alluvions et de relais sont autant de phénomènes qui sont envisagés par le Code civil dans le cadre de l’accession immobilière.

Ces phénomènes ont en commun de conduire à des situations d’extension ou de réduction de l’assiette de la propriété d’un fonds.

La question qui a lors se pose est de savoir à qui profite ou préjudicie les mouvements de l’eau qui modifient la configuration des terrains et, par voie de conséquence, les limites de voisinage.

Pour le déterminer, il convient de se reporter aux articles 556 à 563 du Code civil qui distinguent plusieurs phénomènes, dont la modification du lit d’un cours d’eau.

Le Code civil envisage deux sortes de modifications dont est susceptible de faire l’objet un cours d’eau : la formation d’un nouveau bras et l’abandon de son lit

  • Formation d’un nouveau bras
    • L’article 562 du Code civil prévoit que « si un cours d’eau, en se formant un bras nouveau, coupe et embrasse le champ d’un propriétaire riverain, et en fait une île, ce propriétaire conserve la propriété de son champ, encore que l’île se soit formée dans un cours d’eau domanial. »
    • Il ressort de cette disposition que la formation d’un nouveau bras est sans incidence sur la limite de propriété du cours d’eau, à tout le moins lorsqu’il est domanial.
    • Lorsque, en revanche, il s’agit d’un cours d’eau domanial la propriété du propriétaire du fonds traversé par le nouveau bras s’en trouve diminuée d’autant.
  • Abandon de son lit
    • Dans l’hypothèse où un cours d’eau abandonne son lit, il y a lieu de distinguer selon que celui-ci présente un caractère domanial ou non.
      • Les cours d’eaux domaniaux
        • L’article 563 du Code civil dispose que « si un cours d’eau domanial forme un nouveau cours en abandonnant son ancien lit, les propriétaires riverains peuvent acquérir la propriété de cet ancien lit, chacun en droit soi, jusqu’à une ligne qu’on suppose tracée au milieu du cours d’eau.»
        • Il ressort de cette disposition que l’ancien lit d’un cours d’eau tombe dans le domaine privé de la personne publique ce qui implique qu’il peut faire l’objet d’une aliénation ou qu’il peut être acquis par usucapion.
        • Lorsqu’il est aliéné, l’alinéa 1er in fine de l’article 563 du Code civil précise que « le prix de l’ancien lit est fixé par des experts nommés par le président du tribunal de la situation des lieux, à la requête de l’autorité compétente. »
        • À cet égard, il peut être observé que l’aliénation de l’ancien lit du cours d’eau ne constitue, en aucun cas, une faculté laissée à la discrétion : il s’agit d’une véritable obligation mise à sa charge.
        • L’alinéa 2e du texte prévoit en ce sens que « à défaut par les propriétaires riverains de déclarer, dans les trois mois de la notification qui leur sera faite par l’autorité compétente, l’intention de faire l’acquisition aux prix fixés par les experts, il est procédé à l’aliénation de l’ancien lit selon les règles qui président aux aliénations du domaine des personnes publiques. »
        • S’agissant du prix payé par les acquéreurs privés du nouveau lit, il vise à indemniser les propriétaires des fonds sur lesquels le nouveau lit du cours d’eau s’est établi, ce qui a pour conséquence, de diminuer l’assiette de leur propriété.
        • Cet objectif a été érigé en règle énoncée à l’article 533, al. 3e du Code civil qui prévoit que « le prix provenant de la vente est distribué aux propriétaires des fonds occupés par le nouveau cours à titre d’indemnité, dans la proportion de la valeur du terrain enlevé à chacun d’eux. »
      • Les cours d’eau non-domaniaux
        • L’article L. 215-4 du Code de l’environnement dispose que lorsqu’un cours d’eau non domanial abandonne naturellement son lit, les propriétaires des fonds sur lesquels le nouveau lit s’établit sont tenus de souffrir le passage des eaux sans indemnité.
        • Toutefois, ils peuvent, dans l’année qui suit le changement de lit, prendre les mesures nécessaires pour rétablir l’ancien cours des eaux.
        • Les propriétaires riverains du lit abandonné jouissent de la même faculté et peuvent, dans l’année et dans les mêmes conditions poursuivre l’exécution des travaux nécessaires au rétablissement du cours primitif.
        • À l’expiration de ce délai le nouveau lit appartient pour moitié aux propriétaires riverains et le lit abandonné aux propriétaires anciennement riverains.

L’accession immobilière naturelle : le sort des îles, îlots et atterrissements

L’accession est dite naturelle lorsque l’incorporation de la chose ne procède pas du fait de l’homme, en ce sens qu’il n’est pas intervenu dans le processus d’union des biens.

Cette incorporation est qui donc est le résultat d’un phénomène naturel peut avoir pour objet tout autant un meuble qu’un immeuble.

Nous nous focaliserons ici sur l’incorporation des immeubles

L’accession immobilière ne procède pas seulement de l’incorporation d’un meuble, elle peut également résulter de l’union de plusieurs immeubles.

Le phénomène naturel susceptible de conduire à ce résultat n’est autre que le mouvement de l’eau qui sous l’effet des événements climatiques peut donner lieu à la création de nouveaux biens, à tout le moins à une redéfinition de l’assiette de la propriété.

Création d’un îlot, abandon par un cours d’eau de son lit, apparition d’alluvions et de relais sont autant de phénomènes qui sont envisagés par le Code civil dans le cadre de l’accession immobilière.

Ces phénomènes ont en commun de conduire à des situations d’extension ou de réduction de l’assiette de la propriété d’un fonds.

La question qui a lors se pose est de savoir à qui profite ou préjudicie les mouvements de l’eau qui modifient la configuration des terrains et, par voie de conséquence, les limites de voisinage.

Pour le déterminer, il convient de se reporter aux articles 556 à 563 du Code civil qui distinguent plusieurs phénomènes, dont la constitution d’îles, îlots et atterrissements qui se forment dans le lit d’un cours d’eau.

==> Notion

L’île et l’îlot sont des étendues de terre entièrement entourés d’eau, émergeant dans un océan, une mer, un lac ou un cours d’eau.

La distinction entre l’île et l’îlot tient uniquement à leur superficie, étant précisé que la formation des deux procède, non pas d’une accumulation de matière, mais d’une baisse définitive du niveau des eaux.

À cet égard, pour être qualifiée d’île ou d’îlot l’étendue de terre qui émerge doit se situer au milieu du cours d’eau, faute de quoi il s’agit plutôt d’une alluvion.

Ils s’en distinguent encore, en ce qu’il est indifférent qu’ils se forment successivement et imperceptiblement. L’apparition de l’île ou de l’îlot peut parfaitement être brusquement.

Elle ne doit toutefois pas résulter de l’enlèvement par une force subite d’une « partie considérable et reconnaissable d’un champ riverain », auquel cas elle endosserait plutôt la qualification d’avulsion et, épouserait, par voie de conséquence, son régime juridique.

==> Régime

Il ressort de la combinaison des articles 560 et 561 du Code civil qu’il y a lieu de distinguer selon que le cours d’eau dans le lit duquel l’île ou l’îlot se forme est domanial ou non.

  • S’agissant des cours d’eau domaniaux
    • L’article 560 du Code civil prévoit que « les îles, îlots, atterrissements, qui se forment dans le lit des cours d’eau domaniaux, appartiennent à la personne publique propriétaire du domaine concerné, en l’absence de titre ou de prescription contraire. »
    • La raison en est que l’étendue de terre qui émerge dans le cours d’eau n’est autre qu’une partie de son lit.
    • Or le lit d’un cours d’eau domanial appartient à l’état.
    • Depuis l’adoption de l’ordonnance n°2006-460 du 21 avril 2006 qui a réformé, en profondeur, le droit domanial a modifié le critère de la domanialité des cours d’eau, les îles et îlots ne relèvent toutefois pas du domaine public de la personne publique mais de son domaine privé, raison pour laquelle ils peuvent être aliénés ou acquis par prescription.
    • Dans un arrêt du 29 février 1968, la Cour de cassation a précisé que « si le propriétaire perd ses prérogatives sur les îles ou îlots qui, submergés par suite d’un phénomène naturel, font partie du domaine public, il retrouve son droit lorsque les terres cessent d’appartenir au domaine public parce qu’elles ont émergé à nouveau naturellement par suite de travaux régulièrement autorisés qu’il aurait lui-même accomplis» ( 3e civ. 29 févr. 1968).
  • S’agissant des cours d’eau non domaniaux
    • L’article 561 du Code civil prévoit que « les îles et atterrissements qui se forment dans les cours d’eau non domaniaux, appartiennent aux propriétaires riverains du côté où l’île s’est formée»
    • La solution est conforme à la règle qui attribue à chaque propriétaire riverain la moitié du lit du cours d’eau ( L. 215-2, al. 2e C. env.).
    • La Cour de cassation a néanmoins précisé dans un arrêt du 10 mars 1953 que la règle ainsi énoncée « ne concerne que les îles de formation récente, dont la propriété demeure encore incertaine, et non des îles de formation ancienne figurant déjà au cadastre sous un numéro déterminé» ( 3e civ. 10 mars 1953).
    • Dans le droit fil de cette règle l’article 561 précise que « si l’île n’est pas formée d’un seul côté, elle appartient aux propriétaires riverains des deux côtés, à partir de la ligne qu’on suppose tracée au milieu du cours d’eau. »
    • Encore faut-il que cette ligne constitue la limite de propriété des deux fonds riverains ce qui n’est qu’une simple présomption.
    • Un propriétaire est, dans ces conditions, parfaitement fondé à revendiquer la propriété de l’île tout entière, s’il parvient à établir que, en réalité, le lit du cours d’eau lui appartient dans son intégralité.
    • En définitive, la règle est que la propriété de l’île ou de d’îlot, suit, en toute circonstance, la propriété du lit du cours d’eau.

L’accession immobilière naturelle : le sort des alluvions et relais

L’accession est dite naturelle lorsque l’incorporation de la chose ne procède pas du fait de l’homme, en ce sens qu’il n’est pas intervenu dans le processus d’union des biens.

Cette incorporation est qui donc est le résultat d’un phénomène naturel peut avoir pour objet tout autant un meuble qu’un immeuble.

Nous nous focaliserons ici sur l’incorporation des immeubles

L’accession immobilière ne procède pas seulement de l’incorporation d’un meuble, elle peut également résulter de l’union de plusieurs immeubles.

Le phénomène naturel susceptible de conduire à ce résultat n’est autre que le mouvement de l’eau qui sous l’effet des événements climatiques peut donner lieu à la création de nouveaux biens, à tout le moins à une redéfinition de l’assiette de la propriété.

Création d’un îlot, abandon par un cours d’eau de son lit, apparition d’alluvions et de relais sont autant de phénomènes qui sont envisagés par le Code civil dans le cadre de l’accession immobilière.

Ces phénomènes ont en commun de conduire à des situations d’extension ou de réduction de l’assiette de la propriété d’un fonds.

La question qui a lors se pose est de savoir à qui profite ou préjudicie les mouvements de l’eau qui modifient la configuration des terrains et, par voie de conséquence, les limites de voisinage.

Pour le déterminer, il convient de se reporter aux articles 556 à 563 du Code civil qui distinguent plusieurs phénomènes, dont la constitution d’alluvions et relais.

Les articles 556 à 558 envisagent le sort des alluvions et des relais qui conduisent tous deux à un accroissement de l’assiette de la propriété d’un fonds.

Les articles 556 à 558 envisagent le sort des alluvions et des relais qui conduisent tous deux à un accroissement de l’assiette de la propriété d’un fonds.

==> Notion

  • Les alluvions
    • Ils sont définis à l’article 556 du Code civil comme « les atterrissements et accroissements qui se forment successivement et imperceptiblement aux fonds riverains d’un cours d’eau s’appellent ” alluvion “. »
    • Concrètement, il s’agit de terrains qui se forment sous l’effet de dépôts argileux ou sableux émergé qu’ont laissé des eaux par des sédimentations successives.
    • Les alluvions s’observent dans le lit du cours d’eau et plus précisément sur ses rives où elles s’accumulent.
    • L’alluvion se distingue de l’île en ce qu’elle est attachée à la rive, soit sans être enfermée par des bras d’eau.
  • Les relais
    • Les relais se forment, selon l’article 557 du Code civil, par « l’eau courante qui se retire insensiblement de l’une de ses rives en se portant sur l’autre»
    • À la différence de l’alluvion dont la formation n’a, en principe, aucune incidence sur la situation de la rive opposée, le relais, qui résultent d’un retrait des eaux sur une rive du cours d’eau s’accompagne d’une montée des eaux sur l’autre rive.
    • Le relais opère ainsi un accroissement du terrain que l’eau abandonne et une diminution du terrain que cette même eau recouvre.

==> Régime

Les alluvions et relais sont sensiblement soumis au même régime : ils appartiennent au propriétaire du fonds auquel ils sont attachés.

Au vrai, l’appropriation des alluvions et relais ne s’opère par voie d’accession que dans l’hypothèse où le cours d’eau présente un caractère domanial.

Lorsqu’il s’agit d’un cours d’eau non domanial, en application de l’article L. 215-2 du Code de l’environnement, chaque propriétaire riverain a d’ores et déjà la propriété de la moitié du lit, suivant une ligne que l’on suppose tracée au milieu du cours d’eau, sauf titre ou prescription contraire.

On ne saurait, dans ces conditions, considérer que la propriété de l’alluvion ou du relais résulte de la mise en œuvre de la règle de l’accession.

L’application de cette règle ne vaut que pour les cours d’eau domaniaux qui sont la propriété d’une personne publique.

  • S’agissant de l’alluvion
    • Principe
      • L’article 556, al. 2 prévoit que « l’alluvion profite au propriétaire riverain, qu’il s’agisse d’un cours d’eau domanial ou non ; à la charge, dans le premier cas, de laisser le marchepied ou chemin de halage, conformément aux règlements. »
      • Il ressort de cette disposition que la propriété de l’alluvion est attribuée au propriétaire riverain.
      • Il est, à cet égard, indifférent que le cours d’eau relève du domaine public.
      • Si tel est le cas, le propriétaire du fonds devra seulement se conformer aux servitudes légales de marchepied et de halage.
      • Ces servitudes sont régies aux articles L. 2131-2 à L. 2131-6 du Code de la propriété des personnes publiques
        • S’agissant de la servitude de marchepied: les propriétés riveraines d’un cours d’eau ou d’un lac domanial sont grevées sur chaque rive d’une servitude de 3,25 mètres, dite servitude de marchepied. Cette servitude interdit, dans cette bande de 3,25 mètres, aux propriétaires riverains de planter des arbres ou de se clore par des haies ou autrement.
        • S’agissant de la servitude de halage: elle concerne les cours d’eau domaniaux où il existe un chemin de halage ou d’exploitation présentant un intérêt pour le service de la navigation. La servitude grève les propriétés dans un espace de 7,80 mètres de largeur le long des bords desdits cours d’eau domaniaux, ainsi que sur les îles où il en est besoin. Les propriétaires riverains ne peuvent planter des arbres ni se clore par des haies ou autrement qu’à une distance de 9,75 mètres sur les bords où il existe un chemin de halage ou d’exploitation.
    • Conditions
      • Plusieurs conditions doivent être réunies pour que le propriétaire du fonds riverain acquière la propriété des alluvions
      • Tout d’abord, en application de l’article L. 2111-13 du Code général de la propriété des personnes publiques, la formation de l’alluvion doit avoir une origine naturelle.
      • Autrement dit, elle ne doit pas résulter d’une intervention humaine
      • Ensuite, l’alluvion doit s’être formée « successivement et imperceptiblement»
      • Cela signifie qu’elle ne doit pas être apparue brutalement consécutivement, par exemple, à la survenance d’un orage ou d’une tempête
      • L’alluvion doit s’être formée progressivement sur une durée suffisamment longue pour que cette formation puisse échapper aux sens
      • Enfin, la propriété de l’alluvion ne peut être revendiquée que par le propriétaire de la rive sur laquelle elle se forme.
      • Si le fonds est séparé de la rive par une voie appartenant à un tiers, la règle de l’accession ne pourra pas jouer, à tout le moins pas pour le propriétaire du terrain non directement rattaché à la rive.
    • Exceptions
      • L’article 558, al. 1er du Code civil prévoit que « l’alluvion n’a pas lieu à l’égard des lacs et étangs, dont le propriétaire conserve toujours le terrain que l’eau couvre quand elle est à la hauteur de la décharge de l’étang, encore que le volume de l’eau vienne à diminuer. »
      • Ainsi, lorsqu’il s’agit d’un lac ou d’un étang, en cas de formation d’alluvion, les limites de propriété des fonds riverains ne sont pas affectées par les mouvements de l’eau qui demeurent exceptionnels
      • Il est indifférent que la formation de l’alluvion résulte d’un phénomène naturel et imperceptible.
      • Les limites de la propriété correspondent au terrain couvert par l’étang lorsque l’eau est à la hauteur de la décharge de l’étang, peu important les variations de l’eau.
      • L’alinéa 2 de l’article 558 précise que « réciproquement, le propriétaire de l’étang n’acquiert aucun droit sur les terres riveraines que son eau vient à couvrir dans des crues extraordinaires. »
      • La règle posée par ce texte n’est qu’une présomption simple qui souffre de la preuve contraire.
  • S’agissant des relais
    • Principe
      • L’article 557, in fine prévoit que « le propriétaire de la rive découverte profite de l’alluvion, sans que le riverain du côté opposé y puisse venir réclamer le terrain qu’il a perdu.»
      • Ainsi, tandis que l’assiette de la propriété du terrain qui profite du relais s’accroît, celle du fonds de la rive opposée diminue.
    • Exception
      • L’article 557, al. 2e pose une exception à la règle pour les relais de mer qui sont sans incidence sur l’assiette du droit de propriété des propriétaires riverains.
      • La raison en est que, en application de l’article L. 2111-4 du Code général de la propriété des personnes publiques les relais de mer relèvent du domaine public.
      • Or celui-ci est inaliénable ; il ne saurait, en conséquence, être agrégé à une propriété privée.
      • À l’inverse, les avancées de la mer sur les terrains privés ont pour effet de les intégrer dans le domaine public, sans que les propriétaires puissent solliciter une indemnité.

L’accession immobilière naturelle : le sort des avulsions

L’accession est dite naturelle lorsque l’incorporation de la chose ne procède pas du fait de l’homme, en ce sens qu’il n’est pas intervenu dans le processus d’union des biens.

Cette incorporation est qui donc est le résultat d’un phénomène naturel peut avoir pour objet tout autant un meuble qu’un immeuble.

Nous nous focaliserons ici sur l’incorporation des immeubles

L’accession immobilière ne procède pas seulement de l’incorporation d’un meuble, elle peut également résulter de l’union de plusieurs immeubles.

Le phénomène naturel susceptible de conduire à ce résultat n’est autre que le mouvement de l’eau qui sous l’effet des événements climatiques peut donner lieu à la création de nouveaux biens, à tout le moins à une redéfinition de l’assiette de la propriété.

Création d’un îlot, abandon par un cours d’eau de son lit, apparition d’alluvions et de relais sont autant de phénomènes qui sont envisagés par le Code civil dans le cadre de l’accession immobilière.

Ces phénomènes ont en commun de conduire à des situations d’extension ou de réduction de l’assiette de la propriété d’un fonds.

La question qui a lors se pose est de savoir à qui profite ou préjudicie les mouvements de l’eau qui modifient la configuration des terrains et, par voie de conséquence, les limites de voisinage.

Pour le déterminer, il convient de se reporter aux articles 556 à 563 du Code civil qui distinguent plusieurs phénomènes, dont la constitution d’avulsions.

==> Notion

L’avulsion est un phénomène envisagé par l’article 559 du Code civil qui la définit comme l’éventualité où « un cours d’eau, domanial ou non, enlève par une force subite une partie considérable et reconnaissable d’un champ riverain, et la porte vers un champ inférieur ou sur la rive opposée ».

L’avulsion correspond, en somme, à un détachement d’une portion d’un terrain qui se déporte vers un autre fonds inférieur ou opposé.

L’avulsion se distingue de l’alluvion en ce qu’il s’agit un phénomène perceptible et qui mobilise une grande quantité de matière.

==> Conditions

Plusieurs conditions sont requises par l’article 559 du Code civil pour que le phénomène d’avulsion soit établi.

Tout d’abord, le texte exige qu’il y ait un enlèvement de matière, soit d’une portion de terrain.

Ensuite, cet enlèvement doit procéder d’une « force subie », c’est-à-dire par un mouvement instantané, ce qui range l’avulsion parmi les événements exceptionnels. Il faut, en effet, que le terrain se déplace assez fortement lié, dans toutes ses parties par les racines qui le pénètrent et par la végétation qui le couvre, ou par la nature même des terres qui le composent, pour qu’il puisse céder au courant sans se dissoudre.

Enfin, il faut que la portion du terrain au moment où elle se détache soit d’une importance sensible ; quelques mottes de gazon ou quelques touffes étant insuffisant à caractériser l’avulsion. Si, en effet, les parties enlevées, ne sont pas « considérables » ni « reconnaissables » c’est-à-dire d’une importance de nature à être appréciée l’action en revendication ne pourra pas prospérer

==> Régime

L’article 559 du Code civil prévoit que le propriétaire de la partie enlevée du terrain « peut réclamer sa propriété ».

Il s’agit là d’un véritable droit de revendication qui est conféré à ce dernier, prérogative qui s’analyse en une sorte de droit de suite.

Le texte enferme toutefois l’exercice de ce droit dans le délai d’un an à compter de la survenance de l’événement. Il s’agit ici d’un délai, non pas de prescription, mais préfixe qui ne peut donc souffrir aucune interruption, ni suspension.

À défaut de former sa demande dans l’année, le propriétaire de l’avulsion « n’y sera plus recevable ».

À cet égard, il peut être observé que le droit conféré au propriétaire de revendiquer la propriété de la portion de terre qui s’est détachée de son terrain n’est qu’une simple faculté. Aucune obligation ne pèse sur lui de reprendre son bien. Il peut d’ailleurs être souligné qu’aucune indemnité n’est due au propriétaire du fonds sur lequel l’avulsion a échoué.

En pratique, parce que la reprise de son bien suppose la réalisation de travaux coûteux, le propriétaire n’exercera pas d’action en revendication.

Le texte précise enfin que l’action en revendication est forclose à l’expiration d’un délai d’un an « à moins que le propriétaire du champ auquel la partie enlevée a été unie, n’eût pas encore pris possession de celle-ci. »

Autrement dit, tant que le propriétaire du fonds sur lequel l’avulsion s’est déposée n’en a pas pris possession, l’action en revendication peut être exercée, y compris lorsque le délai de forclusion a expiré.

L’accession immobilière naturelle : le sort des animaux

L’accession est dite naturelle lorsque l’incorporation de la chose ne procède pas du fait de l’homme, en ce sens qu’il n’est pas intervenu dans le processus d’union des biens.

Cette incorporation est qui donc est le résultat d’un phénomène naturel peut avoir pour objet tout autant un meuble qu’un immeuble.

Nous nous focaliserons ici sur l’incorporation des meubles et plus précisément des animaux.

Lorsqu’un bien meuble s’incorpore à un immeuble, en application de la règle de l’accession énoncée à l’article 546 du Code civil, il devient la propriété du propriétaire de l’immeuble, étant précisé que les meubles sont toujours regardés comme les accessoires, tandis que les immeubles représentent le principal.

Aussi, le propriétaire d’un meuble ne saurait acquérir par voie d’accession la propriété d’un immeuble en cas d’union des deux biens.

Par principe, tous les biens meubles étaient susceptibles de faire l’objet d’une acquisition par voie d’accession immobilière, raison pour laquelle les rédacteurs du Code civil ne se sont pas employés à dresser la liste de ceux relevant du domaine d’application de la règle de l’accession.

Ils se sont néanmoins arrêtés sur une catégorie spécifique de choses mobilières dont l’appropriation par voie d’accession était potentiellement source de litige.

Ces choses qui ont retenu l’attention du législateur ne sont autres que les animaux susceptibles de s’établir momentanément sur un fonds puis de changer de territoire.

Afin de prévenir toute difficulté quant à la désignation du propriétaire de ces animaux, l’article 564 du Code civil prévoit que « les pigeons, lapins, poissons, qui passent dans un autre colombier, garenne ou plan d’eau visé aux articles L. 431-6 et L. 431-7 du code de l’environnement appartiennent au propriétaire de ces derniers, pourvu qu’ils n’y aient point été attirés par fraude et artifice. »

Certains animaux deviennent ainsi l’accessoire du fonds sur lequel ils se sont établis. Le texte exige néanmoins qu’un certain nombre de conditions soient réunies :

  • Des animaux semi-sauvages
    • Principe
      • Seuls les animaux semi-sauvages peuvent faire l’objet d’une acquisition par le propriétaire du fonds sur lequel ils sont établis.
      • Par semi-sauvage, il faut entendre les animaux qui évoluent sur un même territoire, soit qui, en quelque sorte, sont sédentaires.
      • Les animaux sauvages ne se fixent, quant à eux, sur aucun territoire déterminé (le gibier par exemple), raison pour laquelle ils sont insusceptibles de faire l’objet d’une appropriation par voie d’accession.
      • Il s’agit de res nullius (choses sans maître) qui ne peuvent être appropriés que par occupation.
      • S’agissant des animaux semi-sauvages, si le texte vise les pigeons, lapins, poissons, qui passent dans un autre colombier, garenne ou plan d’eau, la liste n’est nullement limitative.
      • Ce qui importe, c’est que l’animal ait des habitudes sédentaires, ce qui sera le cas de ceux qui évoluent dans un enclos ou encore des abeilles qui habitent une ruche.
    • Exceptions
      • Les animaux domestiques
        • Les animaux domestiques sont ceux qui ont fait l’objet d’une domestication et qui demeure la propriété de leur maître quand bien même ils s’échapperaient.
        • Aussi, sont-ils susceptibles de faire l’objet d’une action en revendication en cas d’appropriation par autrui.
        • Une action pénale peut également être exercée en cas de soustraction frauduleuse de l’animal à son propriétaire.
      • Les animaux de basse-cour
        • L’article L. 211-4, I du Code rural et de la pêche maritime dispose que « les volailles et autres animaux de basse-cour qui s’enfuient dans les propriétés voisines ne cessent pas d’appartenir à leur maître quoi qu’il les ait perdus de vue. »
        • Ce texte précise que « néanmoins, celui-ci ne peut plus les réclamer un mois après la déclaration qui doit être faite à la mairie par les personnes chez lesquelles ces animaux se sont enfuis. »
        • L’action en revendication est ainsi enfermée dans un délai très court, puisque le propriétaire de l’animal de basse-cour doit agir dans le délai d’un mois, sauf à ce qu’il s’agisse d’un vol.
  • L’absence de captation par fraude et artifice
    • L’article 564 du Code civil prévoit que lorsque l’animal semi-sauvage qui s’est établi sur un fonds a été attiré par « fraude et artifice» le jeu de l’accession est neutralisé.
    • Il en résulte que le propriétaire du fonds qui aura usé de moyens frauduleux pour capter les animaux qui étaient établis sur le fonds voisin ne pourra pas se prévaloir de leur acquisition.
    • Ces derniers seront réputés n’avoir jamais changé de propriétaire, les juges du fond disposant, en la matière, d’un pouvoir souverain d’appréciation.

L’accession immobilière naturelle : régime juridique

L’accession immobilière correspond à l’hypothèse où une chose mobilière ou immobilière est incorporée à un immeuble, de telle sorte qu’une union se crée entre les deux biens qui en formeront plus qu’un seul et même bien.

À l’examen, outre son objet, les immeubles, l’accession immobilière se distingue de l’accession mobilière en ce qu’elle remplit deux fonctions.

En effet, l’accession immobilière n’est pas seulement un mode d’acquisition de la propriété, elle vise également à en fixer les limites.

Avant de résoudre un conflit de propriétés, ce qui est la fonction première de l’accession, encore faut-il être en mesure de délimiter les assiettes des droits qui s’affrontent, ne serait-ce que pour identifier celle qui correspond au principal et emporte, par voie de conséquence, la propriété du bien accessoire.

Lorsque les propriétés en conflits portent sur des biens meubles, la délimitation de l’assiette des droits de chaque propriétaire ne soulève aucune difficulté dans la mesure où elle embrasse les contours physiques du bien qui, par nature, sont finis.

Lorsque, en revanche, il s’agit de délimiter l’assiette de la propriété d’un bien immobilier, l’exercice est tout autre. La propriété d’un immeuble est assise sur le sol. Or non seulement celui-ci peut s’étendre sans fin, mais encore il doit être appréhendé tant de long en large (surface) que de haut en bas (dessus et dessous).

Aussi, la délimitation de l’assiette de la propriété immobilière est loin d’être aussi évidente qu’en matière mobilière où ce sont les contours physiques de la chose qui fixent l’assiette des droits de son propriétaire.

Afin de surmonter cette difficulté de la délimitation de la propriété immobilière, qui est un préalable nécessaire, à la résolution des conflits de propriétés, les rédacteurs du Code civil ont posé des règles aux articles 552 et 552.

Si ces règles introduisent la section consacrée à l’accession immobilière, elles y sont en réalité étrangères.

En effet, elles visent à définir, non pas un mode d’acquisition de la propriété, mais l’assiette du droit du propriétaire d’un immeuble.

La résolution des conflits de propriétés en matière immobilière est, quant à elle, envisagée aux articles suivants (art. 554 à 564 C. civ.) qui donc intéressent le mode d’acquisition de la propriété que constitue l’accession.

A cet égard, le Code civil distingue selon que l’accession immobilière est le résultat d’un phénomène naturel ou selon qu’elle procède de l’intervention de la main de l’homme.

Nous nous focaliserons ici sur l’accession naturelle.

L’accession est dite naturelle lorsque l’incorporation de la chose ne procède pas du fait de l’homme, en ce sens qu’il n’est pas intervenu dans le processus d’union des biens.

Cette incorporation est qui donc est le résultat d’un phénomène naturel peut avoir pour objet tout autant un meuble qu’un immeuble.

I) L’incorporation d’un meuble

Lorsqu’un bien meuble s’incorpore à un immeuble, en application de la règle de l’accession énoncée à l’article 546 du Code civil, il devient la propriété du propriétaire de l’immeuble, étant précisé que les meubles sont toujours regardés comme les accessoires, tandis que les immeubles représentent le principal.

Aussi, le propriétaire d’un meuble ne saurait acquérir par voie d’accession la propriété d’un immeuble en cas d’union des deux biens.

Par principe, tous les biens meubles étaient susceptibles de faire l’objet d’une acquisition par voie d’accession immobilière, raison pour laquelle les rédacteurs du Code civil ne se sont pas employés à dresser la liste de ceux relevant du domaine d’application de la règle de l’accession.

Ils se sont néanmoins arrêtés sur une catégorie spécifique de choses mobilières dont l’appropriation par voie d’accession était potentiellement source de litige.

Ces choses qui ont retenu l’attention du législateur ne sont autres que les animaux susceptibles de s’établir momentanément sur un fonds puis de changer de territoire.

Afin de prévenir toute difficulté quant à la désignation du propriétaire de ces animaux, l’article 564 du Code civil prévoit que « les pigeons, lapins, poissons, qui passent dans un autre colombier, garenne ou plan d’eau visé aux articles L. 431-6 et L. 431-7 du code de l’environnement appartiennent au propriétaire de ces derniers, pourvu qu’ils n’y aient point été attirés par fraude et artifice. »

Certains animaux deviennent ainsi l’accessoire du fonds sur lequel ils se sont établis. Le texte exige néanmoins qu’un certain nombre de conditions soient réunies :

  • Des animaux semi-sauvages
    • Principe
      • Seuls les animaux semi-sauvages peuvent faire l’objet d’une acquisition par le propriétaire du fonds sur lequel ils sont établis.
      • Par semi-sauvage, il faut entendre les animaux qui évoluent sur un même territoire, soit qui, en quelque sorte, sont sédentaires.
      • Les animaux sauvages ne se fixent, quant à eux, sur aucun territoire déterminé (le gibier par exemple), raison pour laquelle ils sont insusceptibles de faire l’objet d’une appropriation par voie d’accession.
      • Il s’agit de res nullius (choses sans maître) qui ne peuvent être appropriés que par occupation.
      • S’agissant des animaux semi-sauvages, si le texte vise les pigeons, lapins, poissons, qui passent dans un autre colombier, garenne ou plan d’eau, la liste n’est nullement limitative.
      • Ce qui importe, c’est que l’animal ait des habitudes sédentaires, ce qui sera le cas de ceux qui évoluent dans un enclos ou encore des abeilles qui habitent une ruche.
    • Exceptions
      • Les animaux domestiques
        • Les animaux domestiques sont ceux qui ont fait l’objet d’une domestication et qui demeure la propriété de leur maître quand bien même ils s’échapperaient.
        • Aussi, sont-ils susceptibles de faire l’objet d’une action en revendication en cas d’appropriation par autrui.
        • Une action pénale peut également être exercée en cas de soustraction frauduleuse de l’animal à son propriétaire.
      • Les animaux de basse-cour
        • L’article L. 211-4, I du Code rural et de la pêche maritime dispose que « les volailles et autres animaux de basse-cour qui s’enfuient dans les propriétés voisines ne cessent pas d’appartenir à leur maître quoi qu’il les ait perdus de vue. »
        • Ce texte précise que « néanmoins, celui-ci ne peut plus les réclamer un mois après la déclaration qui doit être faite à la mairie par les personnes chez lesquelles ces animaux se sont enfuis. »
        • L’action en revendication est ainsi enfermée dans un délai très court, puisque le propriétaire de l’animal de basse-cour doit agir dans le délai d’un mois, sauf à ce qu’il s’agisse d’un vol.
  • L’absence de captation par fraude et artifice
    • L’article 564 du Code civil prévoit que lorsque l’animal semi-sauvage qui s’est établi sur un fonds a été attiré par « fraude et artifice» le jeu de l’accession est neutralisé.
    • Il en résulte que le propriétaire du fonds qui aura usé de moyens frauduleux pour capter les animaux qui étaient établis sur le fonds voisin ne pourra pas se prévaloir de leur acquisition.
    • Ces derniers seront réputés n’avoir jamais changé de propriétaire, les juges du fond disposant, en la matière, d’un pouvoir souverain d’appréciation.

II) L’incorporation d’un immeuble

L’accession immobilière ne procède pas seulement de l’incorporation d’un meuble, elle peut également résulter de l’union de plusieurs immeubles.

Le phénomène naturel susceptible de conduire à ce résultat n’est autre que le mouvement de l’eau qui sous l’effet des événements climatiques peut donner lieu à la création de nouveaux biens, à tout le moins à une redéfinition de l’assiette de la propriété.

Création d’un îlot, abandon par un cours d’eau de son lit, apparition d’alluvions et de relais sont autant de phénomènes qui sont envisagés par le Code civil dans le cadre de l’accession immobilière.

Ces phénomènes ont en commun de conduire à des situations d’extension ou de réduction de l’assiette de la propriété d’un fonds.

La question qui a lors se pose est de savoir à qui profite ou préjudicie les mouvements de l’eau qui modifient la configuration des terrains et, par voie de conséquence, les limites de voisinage.

Pour le déterminer, il convient de se reporter aux articles 556 à 563 du Code civil qui distinguent plusieurs phénomènes.

A) Sort des alluvions et relais

Les articles 556 à 558 envisagent le sort des alluvions et des relais qui conduisent tous deux à un accroissement de l’assiette de la propriété d’un fonds.

==> Notion

  • Les alluvions
    • Ils sont définis à l’article 556 du Code civil comme « les atterrissements et accroissements qui se forment successivement et imperceptiblement aux fonds riverains d’un cours d’eau s’appellent ” alluvion “. »
    • Concrètement, il s’agit de terrains qui se forment sous l’effet de dépôts argileux ou sableux émergé qu’ont laissé des eaux par des sédimentations successives.
    • Les alluvions s’observent dans le lit du cours d’eau et plus précisément sur ses rives où elles s’accumulent.
    • L’alluvion se distingue de l’île en ce qu’elle est attachée à la rive, soit sans être enfermée par des bras d’eau.
  • Les relais
    • Les relais se forment, selon l’article 557 du Code civil, par « l’eau courante qui se retire insensiblement de l’une de ses rives en se portant sur l’autre»
    • À la différence de l’alluvion dont la formation n’a, en principe, aucune incidence sur la situation de la rive opposée, le relais, qui résultent d’un retrait des eaux sur une rive du cours d’eau s’accompagne d’une montée des eaux sur l’autre rive.
    • Le relais opère ainsi un accroissement du terrain que l’eau abandonne et une diminution du terrain que cette même eau recouvre.

==> Régime

Les alluvions et relais sont sensiblement soumis au même régime : ils appartiennent au propriétaire du fonds auquel ils sont attachés.

Au vrai, l’appropriation des alluvions et relais ne s’opère par voie d’accession que dans l’hypothèse où le cours d’eau présente un caractère domanial.

Lorsqu’il s’agit d’un cours d’eau non domanial, en application de l’article L. 215-2 du Code de l’environnement, chaque propriétaire riverain a d’ores et déjà la propriété de la moitié du lit, suivant une ligne que l’on suppose tracée au milieu du cours d’eau, sauf titre ou prescription contraire.

On ne saurait, dans ces conditions, considérer que la propriété de l’alluvion ou du relais résulte de la mise en œuvre de la règle de l’accession.

L’application de cette règle ne vaut que pour les cours d’eau domaniaux qui sont la propriété d’une personne publique.

  • S’agissant de l’alluvion
    • Principe
      • L’article 556, al. 2 prévoit que « l’alluvion profite au propriétaire riverain, qu’il s’agisse d’un cours d’eau domanial ou non ; à la charge, dans le premier cas, de laisser le marchepied ou chemin de halage, conformément aux règlements. »
      • Il ressort de cette disposition que la propriété de l’alluvion est attribuée au propriétaire riverain.
      • Il est, à cet égard, indifférent que le cours d’eau relève du domaine public.
      • Si tel est le cas, le propriétaire du fonds devra seulement se conformer aux servitudes légales de marchepied et de halage.
      • Ces servitudes sont régies aux articles L. 2131-2 à L. 2131-6 du Code de la propriété des personnes publiques
        • S’agissant de la servitude de marchepied: les propriétés riveraines d’un cours d’eau ou d’un lac domanial sont grevées sur chaque rive d’une servitude de 3,25 mètres, dite servitude de marchepied. Cette servitude interdit, dans cette bande de 3,25 mètres, aux propriétaires riverains de planter des arbres ou de se clore par des haies ou autrement.
        • S’agissant de la servitude de halage: elle concerne les cours d’eau domaniaux où il existe un chemin de halage ou d’exploitation présentant un intérêt pour le service de la navigation. La servitude grève les propriétés dans un espace de 7,80 mètres de largeur le long des bords desdits cours d’eau domaniaux, ainsi que sur les îles où il en est besoin. Les propriétaires riverains ne peuvent planter des arbres ni se clore par des haies ou autrement qu’à une distance de 9,75 mètres sur les bords où il existe un chemin de halage ou d’exploitation.
    • Conditions
      • Plusieurs conditions doivent être réunies pour que le propriétaire du fonds riverain acquière la propriété des alluvions
      • Tout d’abord, en application de l’article L. 2111-13 du Code général de la propriété des personnes publiques, la formation de l’alluvion doit avoir une origine naturelle.
      • Autrement dit, elle ne doit pas résulter d’une intervention humaine
      • Ensuite, l’alluvion doit s’être formée « successivement et imperceptiblement»
      • Cela signifie qu’elle ne doit pas être apparue brutalement consécutivement, par exemple, à la survenance d’un orage ou d’une tempête
      • L’alluvion doit s’être formée progressivement sur une durée suffisamment longue pour que cette formation puisse échapper aux sens
      • Enfin, la propriété de l’alluvion ne peut être revendiquée que par le propriétaire de la rive sur laquelle elle se forme.
      • Si le fonds est séparé de la rive par une voie appartenant à un tiers, la règle de l’accession ne pourra pas jouer, à tout le moins pas pour le propriétaire du terrain non directement rattaché à la rive.
    • Exceptions
      • L’article 558, al. 1er du Code civil prévoit que « l’alluvion n’a pas lieu à l’égard des lacs et étangs, dont le propriétaire conserve toujours le terrain que l’eau couvre quand elle est à la hauteur de la décharge de l’étang, encore que le volume de l’eau vienne à diminuer. »
      • Ainsi, lorsqu’il s’agit d’un lac ou d’un étang, en cas de formation d’alluvion, les limites de propriété des fonds riverains ne sont pas affectées par les mouvements de l’eau qui demeurent exceptionnels
      • Il est indifférent que la formation de l’alluvion résulte d’un phénomène naturel et imperceptible.
      • Les limites de la propriété correspondent au terrain couvert par l’étang lorsque l’eau est à la hauteur de la décharge de l’étang, peu important les variations de l’eau.
      • L’alinéa 2 de l’article 558 précise que « réciproquement, le propriétaire de l’étang n’acquiert aucun droit sur les terres riveraines que son eau vient à couvrir dans des crues extraordinaires. »
      • La règle posée par ce texte n’est qu’une présomption simple qui souffre de la preuve contraire.
  • S’agissant des relais
    • Principe
      • L’article 557, in fine prévoit que « le propriétaire de la rive découverte profite de l’alluvion, sans que le riverain du côté opposé y puisse venir réclamer le terrain qu’il a perdu.»
      • Ainsi, tandis que l’assiette de la propriété du terrain qui profite du relais s’accroît, celle du fonds de la rive opposée diminue.
    • Exception
      • L’article 557, al. 2e pose une exception à la règle pour les relais de mer qui sont sans incidence sur l’assiette du droit de propriété des propriétaires riverains.
      • La raison en est que, en application de l’article L. 2111-4 du Code général de la propriété des personnes publiques les relais de mer relèvent du domaine public.
      • Or celui-ci est inaliénable ; il ne saurait, en conséquence, être agrégé à une propriété privée.
      • À l’inverse, les avancées de la mer sur les terrains privés ont pour effet de les intégrer dans le domaine public, sans que les propriétaires puissent solliciter une indemnité.

B) Sort des avulsions

==> Notion

L’avulsion est un phénomène envisagé par l’article 559 du Code civil qui la définit comme l’éventualité où « un cours d’eau, domanial ou non, enlève par une force subite une partie considérable et reconnaissable d’un champ riverain, et la porte vers un champ inférieur ou sur la rive opposée ».

L’avulsion correspond, en somme, à un détachement d’une portion d’un terrain qui se déporte vers un autre fonds inférieur ou opposé.

L’avulsion se distingue de l’alluvion en ce qu’il s’agit un phénomène perceptible et qui mobilise une grande quantité de matière.

==> Conditions

Plusieurs conditions sont requises par l’article 559 du Code civil pour que le phénomène d’avulsion soit établi.

Tout d’abord, le texte exige qu’il y ait un enlèvement de matière, soit d’une portion de terrain.

Ensuite, cet enlèvement doit procéder d’une « force subie », c’est-à-dire par un mouvement instantané, ce qui range l’avulsion parmi les événements exceptionnels. Il faut, en effet, que le terrain se déplace assez fortement lié, dans toutes ses parties par les racines qui le pénètrent et par la végétation qui le couvre, ou par la nature même des terres qui le composent, pour qu’il puisse céder au courant sans se dissoudre.

Enfin, il faut que la portion du terrain au moment où elle se détache soit d’une importance sensible ; quelques mottes de gazon ou quelques touffes étant insuffisant à caractériser l’avulsion. Si, en effet, les parties enlevées, ne sont pas « considérables » ni « reconnaissables » c’est-à-dire d’une importance de nature à être appréciée l’action en revendication ne pourra pas prospérer

==> Régime

L’article 559 du Code civil prévoit que le propriétaire de la partie enlevée du terrain « peut réclamer sa propriété ».

Il s’agit là d’un véritable droit de revendication qui est conféré à ce dernier, prérogative qui s’analyse en une sorte de droit de suite.

Le texte enferme toutefois l’exercice de ce droit dans le délai d’un an à compter de la survenance de l’événement. Il s’agit ici d’un délai, non pas de prescription, mais préfixe qui ne peut donc souffrir aucune interruption, ni suspension.

À défaut de former sa demande dans l’année, le propriétaire de l’avulsion « n’y sera plus recevable ».

À cet égard, il peut être observé que le droit conféré au propriétaire de revendiquer la propriété de la portion de terre qui s’est détachée de son terrain n’est qu’une simple faculté. Aucune obligation ne pèse sur lui de reprendre son bien. Il peut d’ailleurs être souligné qu’aucune indemnité n’est due au propriétaire du fonds sur lequel l’avulsion a échoué.

En pratique, parce que la reprise de son bien suppose la réalisation de travaux coûteux, le propriétaire n’exercera pas d’action en revendication.

Le texte précise enfin que l’action en revendication est forclose à l’expiration d’un délai d’un an « à moins que le propriétaire du champ auquel la partie enlevée a été unie, n’eût pas encore pris possession de celle-ci. »

Autrement dit, tant que le propriétaire du fonds sur lequel l’avulsion s’est déposée n’en a pas pris possession, l’action en revendication peut être exercée, y compris lorsque le délai de forclusion a expiré.

C) Sort des îles, îlots et atterrissements qui se forment dans le lit d’un cours d’eau

Les rédacteurs ont envisagé le sort des îles, îlots et atterrissements qui se forment dans le lit d’un cours d’eau.

==> Notion

L’île et l’îlot sont des étendues de terre entièrement entourés d’eau, émergeant dans un océan, une mer, un lac ou un cours d’eau.

La distinction entre l’île et l’îlot tient uniquement à leur superficie, étant précisé que la formation des deux procède, non pas d’une accumulation de matière, mais d’une baisse définitive du niveau des eaux.

À cet égard, pour être qualifiée d’île ou d’îlot l’étendue de terre qui émerge doit se situer au milieu du cours d’eau, faute de quoi il s’agit plutôt d’une alluvion.

Ils s’en distinguent encore, en ce qu’il est indifférent qu’ils se forment successivement et imperceptiblement. L’apparition de l’île ou de l’îlot peut parfaitement être brusquement.

Elle ne doit toutefois pas résulter de l’enlèvement par une force subite d’une « partie considérable et reconnaissable d’un champ riverain », auquel cas elle endosserait plutôt la qualification d’avulsion et, épouserait, par voie de conséquence, son régime juridique.

==> Régime

Il ressort de la combinaison des articles 560 et 561 du Code civil qu’il y a lieu de distinguer selon que le cours d’eau dans le lit duquel l’île ou l’îlot se forme est domanial ou non.

  • S’agissant des cours d’eau domaniaux
    • L’article 560 du Code civil prévoit que « les îles, îlots, atterrissements, qui se forment dans le lit des cours d’eau domaniaux, appartiennent à la personne publique propriétaire du domaine concerné, en l’absence de titre ou de prescription contraire. »
    • La raison en est que l’étendue de terre qui émerge dans le cours d’eau n’est autre qu’une partie de son lit.
    • Or le lit d’un cours d’eau domanial appartient à l’état.
    • Depuis l’adoption de l’ordonnance n°2006-460 du 21 avril 2006 qui a réformé, en profondeur, le droit domanial a modifié le critère de la domanialité des cours d’eau, les îles et îlots ne relèvent toutefois pas du domaine public de la personne publique mais de son domaine privé, raison pour laquelle ils peuvent être aliénés ou acquis par prescription.
    • Dans un arrêt du 29 février 1968, la Cour de cassation a précisé que « si le propriétaire perd ses prérogatives sur les îles ou îlots qui, submergés par suite d’un phénomène naturel, font partie du domaine public, il retrouve son droit lorsque les terres cessent d’appartenir au domaine public parce qu’elles ont émergé à nouveau naturellement par suite de travaux régulièrement autorisés qu’il aurait lui-même accomplis» ( 3e civ. 29 févr. 1968).
  • S’agissant des cours d’eau non domaniaux
    • L’article 561 du Code civil prévoit que « les îles et atterrissements qui se forment dans les cours d’eau non domaniaux, appartiennent aux propriétaires riverains du côté où l’île s’est formée»
    • La solution est conforme à la règle qui attribue à chaque propriétaire riverain la moitié du lit du cours d’eau ( L. 215-2, al. 2e C. env.).
    • La Cour de cassation a néanmoins précisé dans un arrêt du 10 mars 1953 que la règle ainsi énoncée « ne concerne que les îles de formation récente, dont la propriété demeure encore incertaine, et non des îles de formation ancienne figurant déjà au cadastre sous un numéro déterminé» ( 3e civ. 10 mars 1953).
    • Dans le droit fil de cette règle l’article 561 précise que « si l’île n’est pas formée d’un seul côté, elle appartient aux propriétaires riverains des deux côtés, à partir de la ligne qu’on suppose tracée au milieu du cours d’eau. »
    • Encore faut-il que cette ligne constitue la limite de propriété des deux fonds riverains ce qui n’est qu’une simple présomption.
    • Un propriétaire est, dans ces conditions, parfaitement fondé à revendiquer la propriété de l’île tout entière, s’il parvient à établir que, en réalité, le lit du cours d’eau lui appartient dans son intégralité.
    • En définitive, la règle est que la propriété de l’île ou de d’îlot, suit, en toute circonstance, la propriété du lit du cours d’eau.

D) Modification du lit d’un cours d’eau

Le Code civil envisage deux sortes de modifications dont est susceptible de faire l’objet un cours d’eau : la formation d’un nouveau bras et l’abandon de son lit

  • Formation d’un nouveau bras
    • L’article 562 du Code civil prévoit que « si un cours d’eau, en se formant un bras nouveau, coupe et embrasse le champ d’un propriétaire riverain, et en fait une île, ce propriétaire conserve la propriété de son champ, encore que l’île se soit formée dans un cours d’eau domanial. »
    • Il ressort de cette disposition que la formation d’un nouveau bras est sans incidence sur la limite de propriété du cours d’eau, à tout le moins lorsqu’il est domanial.
    • Lorsque, en revanche, il s’agit d’un cours d’eau domanial la propriété du propriétaire du fonds traversé par le nouveau bras s’en trouve diminuée d’autant.
  • Abandon de son lit
    • Dans l’hypothèse où un cours d’eau abandonne son lit, il y a lieu de distinguer selon que celui-ci présente un caractère domanial ou non.
      • Les cours d’eaux domaniaux
        • L’article 563 du Code civil dispose que « si un cours d’eau domanial forme un nouveau cours en abandonnant son ancien lit, les propriétaires riverains peuvent acquérir la propriété de cet ancien lit, chacun en droit soi, jusqu’à une ligne qu’on suppose tracée au milieu du cours d’eau.»
        • Il ressort de cette disposition que l’ancien lit d’un cours d’eau tombe dans le domaine privé de la personne publique ce qui implique qu’il peut faire l’objet d’une aliénation ou qu’il peut être acquis par usucapion.
        • Lorsqu’il est aliéné, l’alinéa 1er in fine de l’article 563 du Code civil précise que « le prix de l’ancien lit est fixé par des experts nommés par le président du tribunal de la situation des lieux, à la requête de l’autorité compétente. »
        • À cet égard, il peut être observé que l’aliénation de l’ancien lit du cours d’eau ne constitue, en aucun cas, une faculté laissée à la discrétion : il s’agit d’une véritable obligation mise à sa charge.
        • L’alinéa 2e du texte prévoit en ce sens que « à défaut par les propriétaires riverains de déclarer, dans les trois mois de la notification qui leur sera faite par l’autorité compétente, l’intention de faire l’acquisition aux prix fixés par les experts, il est procédé à l’aliénation de l’ancien lit selon les règles qui président aux aliénations du domaine des personnes publiques. »
        • S’agissant du prix payé par les acquéreurs privés du nouveau lit, il vise à indemniser les propriétaires des fonds sur lesquels le nouveau lit du cours d’eau s’est établi, ce qui a pour conséquence, de diminuer l’assiette de leur propriété.
        • Cet objectif a été érigé en règle énoncée à l’article 533, al. 3e du Code civil qui prévoit que « le prix provenant de la vente est distribué aux propriétaires des fonds occupés par le nouveau cours à titre d’indemnité, dans la proportion de la valeur du terrain enlevé à chacun d’eux. »
      • Les cours d’eau non-domaniaux
        • L’article L. 215-4 du Code de l’environnement dispose que lorsqu’un cours d’eau non domanial abandonne naturellement son lit, les propriétaires des fonds sur lesquels le nouveau lit s’établit sont tenus de souffrir le passage des eaux sans indemnité.
        • Toutefois, ils peuvent, dans l’année qui suit le changement de lit, prendre les mesures nécessaires pour rétablir l’ancien cours des eaux.
        • Les propriétaires riverains du lit abandonné jouissent de la même faculté et peuvent, dans l’année et dans les mêmes conditions poursuivre l’exécution des travaux nécessaires au rétablissement du cours primitif.
        • À l’expiration de ce délai le nouveau lit appartient pour moitié aux propriétaires riverains et le lit abandonné aux propriétaires anciennement riverains.