Le Droit dans tous ses états

LE DROIT DANS TOUS SES ETATS

La délimitation de la propriété: la propriété verticale (dessus et dessous)

==> Vue générale

L’accession immobilière correspond à l’hypothèse où une chose mobilière ou immobilière est incorporée à un immeuble, de telle sorte qu’une union se crée entre les deux biens qui en formeront plus qu’un seul et même bien.

À l’examen, outre son objet, les immeubles, l’accession immobilière se distingue de l’accession mobilière en ce qu’elle remplit deux fonctions.

En effet, l’accession immobilière n’est pas seulement un mode d’acquisition de la propriété, elle vise également à en fixer les limites.

Avant de résoudre un conflit de propriétés, ce qui est la fonction première de l’accession, encore faut-il être en mesure de délimiter les assiettes des droits qui s’affrontent, ne serait-ce que pour identifier celle qui correspond au principal et emporte, par voie de conséquence, la propriété du bien accessoire.

Lorsque les propriétés en conflits portent sur des biens meubles, la délimitation de l’assiette des droits de chaque propriétaire ne soulève aucune difficulté dans la mesure où elle embrasse les contours physiques du bien qui, par nature, sont finis.

Lorsque, en revanche, il s’agit de délimiter l’assiette de la propriété d’un bien immobilier, l’exercice est tout autre. La propriété d’un immeuble est assise sur le sol. Or non seulement celui-ci peut s’étendre sans fin, mais encore il doit être appréhendé tant de long en large (surface) que de haut en bas (dessus et dessous).

Aussi, la délimitation de l’assiette de la propriété immobilière est loin d’être aussi évidente qu’en matière mobilière où ce sont les contours physiques de la chose qui fixent l’assiette des droits de son propriétaire.

Afin de surmonter cette difficulté de la délimitation de la propriété immobilière, qui est un préalable nécessaire, à la résolution des conflits de propriétés, les rédacteurs du Code civil ont posé des règles aux articles 552 et 552.

Si ces règles introduisent la section consacrée à l’accession immobilière, elles y sont en réalité étrangères.

En effet, elles visent à définir, non pas un mode d’acquisition de la propriété, mais l’assiette du droit du propriétaire d’un immeuble.

La résolution des conflits de propriétés en matière immobilière est, quant à elle, envisagée aux articles suivants (art. 554 à 564 C. civ.) qui donc intéressent le mode d’acquisition de la propriété que constitue l’accession.

Nous nous focaliserons ici sur la délimitation de la propriété immobilière.

==> Propriété verticale et propriété horizontale

Pour mémoire, l’article 546 du Code civil prévoit que « la propriété d’une chose soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement soit naturellement, soit artificiellement. »

Ainsi, l’assiette du droit de propriété immobilière s’étend à tout ce qui s’unit et s’incorpore à un immeuble.

À cet égard, l’article 552 du Code civil précise que « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous ».

Il résulte de cette disposition que la propriété immobilière doit être envisagée tout autant verticalement qu’horizontalement.

S’agissant de la propriété verticale, elle procède des articles 552 et 553 du Code civil, lesquels remplissent des fonctions différentes, mais complémentaires.

Tandis que l’article 552 pose une règle de réservation de la propriété en désignant le propriétaire du sol également propriétaire du dessus et du dessous, l’article 553 instaure une présomption aux termes de laquelle les constructions et plantations sont réputées avoir été réalisés et appartenir au propriétaire du sol sur lequel elles sont établies.

I) Règle de délimitation de l’objet de la propriété verticale

A) Contenu de la règle

  1. La propriété du dessus

==> Principe

En application de l’article 552, al. 1er du Code civil, la propriété du sol emporte donc la propriété du « dessus ».

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « dessus » ou surfonds. En première intention, le terme employé par le texte suggère que l’assiette du droit de propriété s’étend à tout ce qui surplombe le sol et plus précisément à tout ce qui se dresse sur la ligne d’aplomb.

Est-ce à dire que la propriété immobilière comprend l’atmosphère et se prolonge dans l’espace de façon infinie ?

À l’examen, il n’en est rien, ne serait-ce que parce que le droit du propriétaire du sol se heurte à des droits concurrents au nombre desquels figurent notamment les servitudes ou encore le droit pour un aéronef de survoler les propriétés privées.

À cela s’ajoute l’impossibilité pour le propriétaire de revendiquer la propriété de l’air situé au-dessus de son fonds qui est une chose commune, soit insusceptible d’appropriation.

Au vrai, sur le plan géométrique la propriété du dessus porte sur le volume compris entre les perpendiculaires élevées sur la ligne séparative du sol.

Quant à la limite supérieure de la propriété du surfonds, elle se déduit de l’alinéa 2 de l’article 522 du Code civil.

Cette disposition prévoit, en effet, que « le propriétaire peut faire au-dessus toutes les plantations et constructions qu’il juge à propos, sauf les exceptions établies au titre ” Des servitudes ou services fonciers ” »

Il s’infère de ce texte que la propriété du dessus comporte deux aspects : l’un positif et l’autre négatif.

  • Positivement
    • Il faut comprendre l’article 552 du Code civil, non pas comme conférant au propriétaire du sol un droit de propriété sur le dessus qui s’étendrait à l’infini dans le ciel et l’espace, mais plutôt comme lui conférant le droit d’occuper le volume prenant assise sur son terrain en y élevant des plantations et des constructions.
    • Cette disposition autorise, autrement dit, le propriétaire à utiliser l’espace situé au-dessus de son fonds pour planter où bâtir.
    • Ce dernier sera, par voie de conséquence, réputé acquérir toutes les constructions et plantations faites sur son terrain.
  • Négativement
    • Le propriétaire du sol peut interdire autrui d’élever une plantation ou une construction qui empiéterait sur son terrain ou qui s’étendrait au-dessus de sa parcelle, quand bien même cet empiétement serait insignifiant et ne lui causerait aucun préjudice.
    • À cet égard, en application de l’article 673 du Code civil il peut contraindre le propriétaire du fonds voisin à couper les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux qui s’avancent au-delà de la ligne séparative.
    • La jurisprudence a également admis que le propriétaire pouvait s’opposer à l’installation de câbles aériens qui seraient suspendus au-dessus de son terrain ( req. 6 mars 1934).
    • Il en va également pour les flèches de grue qui survoleraient des fonds privés sans avoir obtenu, au préalable, l’autorisation de leurs propriétaires respectifs (V. en ce sen CA Aix-en-Provence, 19 déc. 1979).

Au bilan, la propriété du sol confère au propriétaire, tout autant le droit de planter et de bâtir sur son terrain que le droit d’interdire l’élévation de toute chose qui aurait une emprise sur un fonds voisin et qui s’étendrait au-dessus de sa parcelle.

Ce droit octroyé au propriétaire du sol sur le dessus n’est toutefois pas sans limite, ainsi que le précise l’article 552, al. 2e in fine du Code civil ainsi que les lois particulières qui régissent l’exploitation de l’espace aérien et qui intéressent plus généralement l’intérêt général.

==> Limites

Si le propriétaire du sol est propriétaire du dessus et plus précisément de toutes les plantations et constructions qui sont élevées sur son terrain, ce droit de propriété qui lui est conféré n’est pas sans limites.

L’article 552, al. 2e in fine du Code civil prévoit, en effet, que la règle posée est assortie d’exceptions qui tiennent aux « servitudes ou services fonciers ».

Au fil du temps la liste de ces exceptions n’a eu de cesse de s’accroître, de sorte qu’elles comportent désormais de nombreuses restrictions au droit de propriété

  • Les servitudes
    • Elles se définissent comme des droits réels en vertu desquels une personne est autorisée à tirer de la chose d’autrui une certaine utilité.
    • Les servitudes peuvent être légales ou résulter du fait de l’homme.
    • Elles peuvent notamment consister à interdire un propriétaire à construire sur son fonds, à tout le moins à en limiter le droit ( 674 C. civ.)
    • Il est également des servitudes qui interdisent d’élever des plantations en deçà d’une certaine distance de la ligne séparative ( 671 C. civ.)
    • D’autres encore sont relatives aux ouvertures des bâtiments dont la percée est encadrée par les articles 675 à 680 du Code civil.
  • Les règles d’urbanisme
    • De nombreuses règles d’urbanismes, qualifiées également de servitudes administratives, restreignent le droit du propriétaire du sol d’édifier des constructions sur son terrain pour des raisons tenant à l’intérêt général.
    • Le plan local d’urbanisme (PLU) peut ainsi prévoit un coefficient d’occupation des sols qui consiste en un ratio entre la surface qui peut être construite et celle du sol sur lequel l’édifice doit être élevé.
    • Les propriétaires doivent encore se conformer à la réglementation de l’occupation et de l’utilisation de l’espace urbain (affectation des sols ; destination, implantation, volume, aspect extérieur et desserte des constructions).
    • D’autres dispositions peuvent encore imposer l’observation de règles destinées à assurer l’hygiène et la sécurité des bâtiments ainsi que leur accessibilité.
    • Enfin, il est certaines règles de droit public qui interdisent purement et simplement d’édifier des constructions en raison, par exemple, de la contiguïté du fonds avec le domaine public, car bordent une catégorie particulière de voie routière ou avoisine une base militaire ou un aéroport.
    • Toutes ces règles sont autant de restrictions au droit de propriété dont est investi le propriétaire du sol. Elles sont d’autant plus fortes que les sujétions et pertes financières qu’elles occasionnent ne sont pas, en principe, indemnisables.
  • Le trafic aérien
    • Le développement du trafic aérien a conduit le législateur à consacrer un principe de libre circulation des aéronefs par la loi du 31 mai 1924 relative à la navigation aérienne.
    • Aussi, afin de concilier ce principe avec le droit de propriété dont est investi le propriétaire du sol sur le dessus a été inséré un article L. 6211-3 dans le Code des transports qui prévoit que « le droit pour un aéronef de survoler les propriétés privées ne peut s’exercer dans des conditions telles qu’il entraverait l’exercice du droit du propriétaire. »
    • Il ressort de cette disposition que, si le propriétaire ne peut pas s’opposer au survol de son fonds, il ne doit pas, en contrepartie, être troublé dans la jouissance de sa propriété.
    • C’est la raison pour laquelle l’exploitant de l’aéronef doit évaluer, avant le survol d’un fonds privé, si son trajet n’est pas de nature à « entraver l’exercice du droit du propriétaire», par exemple en cas de vol à très basse hauteur.
    • Il lui appartient également de s’assurer que ce survol d’une propriété privée ne porte pas atteinte à la vie privée, laquelle atteinte est sanctionnée à l’article 226-1 du Code pénal par une peine d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende.
  • Le transport d’énergie
    • Le développement de l’électricité ayant rendu nécessaire l’adoption d’un régime législatif permettant d’obtenir plus aisément un droit d’appui et de passage sur les propriétés privées, le législateur de 1906 a fait le choix d’instituer un régime de servitude administrative pour les ouvrages de transport et de distribution de l’électricité, subordonné à une déclaration d’utilité publique (DUP).
    • Cette déclaration d’utilité publique confère au concessionnaire le droit de grever, à son profit, les propriétés privées de servitudes :
      • D’ancrage et de supports pour conducteurs aériens d’électricité, soit à l’extérieur des murs ou façades donnant sur la voie publique, soit sur les toits et terrasses des bâtiments à condition qu’on puisse y accéder par l’extérieur
      • De passage des conducteurs d’électricité au-dessus des propriétés privées
      • D’établissement de canalisations souterraines ou de supports pour conducteurs aériens, sur des terrains privés non bâtis, qui ne sont pas fermés de murs ou autres clôtures équivalents
      • D’abattage des arbres et branches d’arbres qui gênent la pose des conducteurs aériens d’électricité ou sont susceptibles, en cas de chute ou mouvement, de causer des courts-circuits ou des avaries aux ouvrages
  • L’exploitation du réseau de télécommunications
    • À l’instar du développement du transport de l’énergie, l’installation d’un réseau de télécommunication a justifié l’admission de restrictions au droit de propriété dont est investi le propriétaire du sol sur le dessus.
    • L’article L. 45-9 du Code des postes et communications électroniques prévoit en ce sens que « les exploitants de réseaux ouverts au public bénéficient d’un droit de passage, sur le domaine public routier et dans les réseaux publics relevant du domaine public routier et non routier, à l’exception des réseaux et infrastructures de communications électroniques, et de servitudes sur les propriétés privées »
    • L’article L. 48 précise que ces servitudes sont instituées en vue de permettre l’installation et l’exploitation des équipements du réseau, y compris les équipements des réseaux à très haut débit fixes et mobiles notamment « au-dessus des propriétés privées dans la mesure où l’exploitant se borne à utiliser l’installation d’un tiers bénéficiant de servitudes sans compromettre, le cas échéant, la mission propre de service public confiée à ce tiers. »
    • Cette servitude légale d’utilité privée ne bénéficie qu’aux opérateurs de télécommunications. Sa mise en œuvre est relativement longue et lourde en raison de la nécessité de préserver les droits légitimes des propriétaires, constitutionnellement garantis.
    • C’est pourquoi la mise en œuvre de la procédure est subordonnée à une autorisation délivrée par le Maire, au nom de l’État (article R. 20-48 du code des postes et des télécommunications), après que les propriétaires ou en cas de copropriété, le syndicat représenté par le syndic, ont été informés des motifs qui justifient l’installation d’une servitude et le choix de son emplacement, et mis à même, dans un délai qui ne peut être inférieur à trois mois, de présenter leurs observations sur le projet. Les travaux ne peuvent commencer avant l’expiration de ce délai.

Au bilan, il apparaît que les restrictions au droit de propriété du dessus sont nombreuses, de sorte que finalement le volume sur lequel porte ce droit est limité en hauteur, tout autant par l’intérêt du propriétaire (trouble de jouissance) que par l’intérêt général lorsqu’il s’exprime dans le cadre d’une servitude d’utilité publique.

2. La propriété du dessous

==> Principe

Pour mémoire, l’article 552, al. 1er du Code civil prévoit que « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous. »

Que doit-on entendre par-dessous, appelé encore tréfonds ? Le texte ne le dit pas. Toutefois, parce que la terre est ronde, à la différence du surfonds, le tréfonds correspond nécessairement à un volume fini dont la limite est située au niveau du noyau terrestre.

Plus précisément, il s’agit d’un volume conique qui s’étend de la surface du fonds au centre de la terre délimité par des lignes convergentes.

Un auteur résume les prérogatives dont est investi le propriétaire du sol en écrivant que « la terre étant ronde, on peut […] imaginer que chacun est propriétaire d’une sorte de cône partant du centre de la terre pour aller vers les confins de l’atmosphère terrestre »[1].

Les limites de la propriété du dessous sont ainsi bien plus marquées que celles qui définissent la propriété du dessus.

À cet égard, l’alinéa 3 de l’article 552 du Code civil précise que le propriétaire du sol « peut faire au-dessous toutes les constructions et fouilles qu’il jugera à propos, et tirer de ces fouilles tous les produits qu’elles peuvent fournir, sauf les modifications résultant des lois et règlements relatifs aux mines, et des lois et règlements de police. »

Comme pour le surfonds, la propriété du tréfonds comporte un aspect positif et un aspect négatif.

  • Positivement
    • Tout d’abord, le droit du propriétaire d’un fonds comprend tous les éléments qui composent et constituent le sous-sol.
    • Aussi, ce droit s’étend à toutes les cavités, sources, minerais, gisements et plus généralement à tout ce qui s’y trouve incorporé.
    • À cet égard, la Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 29 février 1984 que lorsque des parcelles forment deux sols distincts situés à des niveaux différents et séparés par une falaise infranchissable, une source dont le point d’émergence est situé à l’intérieur du surplomb de la falaise, donc nécessairement sous la parcelle dont elle dépend appartient au fonds inférieur et ne peut se rattacher au sous-sol du fonds supérieur ( 3e civ. 29 févr. 1984, n°83-10040).
    • Ensuite, le droit de propriété du sol autorise le propriétaire à réaliser « toutes les constructions et fouilles qu’il jugera à propos, et tirer de ces fouilles tous les produits qu’elles peuvent fournir».
    • Il est ainsi permis à ce dernier d’occuper le sous-sol en édifiant des constructions et à acquérir la propriété de toutes les choses qu’il découvrirait dans le cadre de fouilles.
    • À cet égard, le droit du propriétaire de fouiller son sous-sol est entier.
    • Cette prérogative n’est toutefois pas sans limite dans la mesure où le propriétaire devra notamment se conformer aux règles qui encadrent les découvertes archéologiques et l’exploitation de certains gisements qualifiés de mines au sens du Code minier.
  • Négativement
    • Le propriétaire du sol peut s’opposer à toutes les atteintes portées par les tiers à son sous-sol, ce sans qu’il lui soit besoin de justifier d’un quelconque préjudice.
    • Dès lors que le propriétaire constate un empiétement sur sa propriété, aussi minime soit-il, il peut demander la démolition de l’ouvrage qui déborde sur son fonds.
    • Dans un arrêt du 8 novembre 1978, la Cour de cassation a, par exemple, admis que le propriétaire d’un terrain était fondé à solliciter la démolition de la construction élevée sur le fonds voisin, avoir relevé que cette construction était implantée sur la limite séparant la parcelle du fonds contigu et que les fondations de ce pavillon dépassaient cette limite et constituaient ainsi une emprise sur la propriété voisine ( 3e civ. 8 nov. 1978, n°77-13563).
    • Lorsqu’il s’agit de racines, ronces ou brindilles qui avancent sur un fonds voisin, l’article 673 du Code civil autorise le propriétaire de ce fonds à « les couper lui-même à la limite de la ligne séparative».
    • Ainsi, est-il autorisé à se faire justice lui-même.
    • Des auteurs avancent que ce pouvoir « s’explique pratiquement par le fait que le propriétaire du terrain peut, en creusant, couper involontairement des racines et ne saurait se le voir reprocher».[2]
    • Dans un arrêt du 6 avril 1965 la Cour de cassation a précisé que « le législateur n’a pas entendu, par les dispositions de l’article 673 du code civil, restreindre le droit à réparation du dommage réalise, mais, au contraire, assurer une protection plus efficace en instituant des mesures de prévention au profit des voisins» ( 1ère civ. 6 avr. 1965, n°61-11025).
    • Dans le même sens, le propriétaire est également en droit de demander la suppression câbles et canalisations souterraines qui traverseraient son fonds et qui auraient été posées sans son autorisation.

==> Limites

Le droit du propriétaire du sol sur le tréfonds n’est pans sans limites, ainsi que le précise le dernier alinéa de l’article 552 du Code civil.

Si, en effet, cette disposition autorise le propriétaire du tréfonds à s’approprier tous les produits qu’il est susceptible de trouver dans le cadre de fouilles, c’est sous des « modifications résultant des lois et règlements relatifs aux mines, et des lois et règlements de police. »

Les limites au droit de propriété du propriétaire du tréfonds tiennent notamment à la réglementation des fouilles archéologiques et à l’exploitation des ressources minières.

  • S’agissant des fouilles archéologiques
    • L’article L. 531-1 du Code du patrimoine prévoit que « nul ne peut effectuer sur un terrain lui appartenant ou appartenant à autrui des fouilles ou des sondages à l’effet de recherches de monuments ou d’objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie, sans en avoir au préalable obtenu l’autorisation. »
    • La demande d’autorisation doit être adressée à l’autorité administrative ; elle indique l’endroit exact, la portée générale et la durée approximative des travaux à entreprendre.
    • À cet égard, l’article L. 531-2 précise que lorsque les fouilles doivent être réalisées sur un terrain n’appartenant pas à l’auteur de la demande d’autorisation, celui-ci doit joindre à sa demande le consentement écrit du propriétaire du terrain et, s’il y a lieu, de tout autre ayant droit.
    • En dehors des fouilles réalisées par le propriétaire du terrain, celles-ci peuvent lui être imposées par l’État.
    • L’article L. 531-9 du Code du patrimoine prévoit en ce sens que « l’État est autorisé à procéder d’office à l’exécution de fouilles ou de sondages pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie sur les terrains ne lui appartenant pas, à l’exception toutefois des terrains attenant à des immeubles bâtis et clos de murs ou de clôtures équivalentes.»
    • À défaut d’accord amiable avec le propriétaire, l’exécution des fouilles ou sondages est déclarée d’utilité publique par décision de l’autorité administrative, qui autorise l’occupation temporaire des terrains.
    • Cette occupation est ordonnée par une décision de l’autorité administrative qui détermine l’étendue des terrains à occuper ainsi que la date et la durée probable de l’occupation. La durée peut être prolongée, en cas de nécessité, par de nouveaux arrêtés sans pouvoir en aucun cas excéder cinq années.
    • S’agissant des objets découverts dans le cadre de fouilles archéologiques, l’article L. 541-4 du Code du patrimoine exclut expressément l’application de l’article 552 du Code civil et de l’article 716 du même code relatif à l’appropriation des trésors.
    • Aussi prévoit-il, par dérogation à ces dispositions que les biens archéologiques mobiliers mis au jour à la suite d’opérations de fouilles archéologiques ou de découvertes fortuites réalisées sur des terrains dont la propriété a été acquise après la date d’entrée en vigueur de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine « sont présumés appartenir à l’État dès leur mise au jour au cours d’une opération archéologique et, en cas de découverte fortuite, à compter de la reconnaissance de l’intérêt scientifique justifiant leur conservation.»
    • À cet égard, dans l’hypothèse d’une découverte fortuite, l’État dispose d’un délai de 5 ans pour apprécier l’intérêt scientifique justifiant la conservation de l’objet trouvé, faute de quoi sa propriété est attribuée selon les principes énoncés à l’article 716 du Code civil (il appartient pour moitié à celui qui l’a découvert, et pour l’autre moitié au propriétaire du fonds.)
    • S’agissant des biens archéologiques immobiliers, ils « appartiennent à l’État dès leur mise au jour à la suite d’opérations archéologiques ou en cas de découverte fortuite» à la condition d’avoir été « mis au jour à la suite d’opérations archéologiques ou de découvertes fortuites réalisées sur des terrains dont la propriété a été acquise après la publication de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l’archéologie préventive. »
    • Pour ces biens, l’État verse alors au propriétaire du fonds où est situé le bien une indemnité destinée à compenser le dommage qui peut lui être occasionné pour accéder audit bien. À défaut d’accord amiable sur le montant de l’indemnité, celle-ci est fixée par le juge judiciaire.
    • En outre, lorsque le bien est découvert fortuitement et qu’il donne lieu à une exploitation, la personne qui assure cette exploitation verse à l’inventeur une indemnité forfaitaire ou, à défaut, intéresse ce dernier au résultat de l’exploitation du bien. L’indemnité forfaitaire et l’intéressement sont calculés en relation avec l’intérêt archéologique de la découverte.
  • S’agissant de l’exploitation des ressources minières
    • L’exploitation des ressources minières est strictement encadrée par les textes.
    • À cet égard, l’article L. 111-1 du Code minier dresse une liste des ressources que relèvent du régime légal des mines au nombre desquelles figurent un certain nombre de gîtes renfermés dans le sein de la terre ou existant à la surface connue pour contenir les substances minérales ou fossiles (hydrocarbures, combustibles fossiles, sels de sodium et de potassium à l’état solide ou en dissolution, fer, cobalt, nickel, chrome, manganèse, vanadium, titane, mercure, argent, or, platine etc.)
    • Pour toutes ces ressources, l’article L. 131-1 du Code minier dispose que « les mines ne peuvent être exploitées qu’en vertu d’une concession ou par l’État.»
    • Cette règle s’applique également au propriétaire du sous-sol dans lequel est située la mine.
    • Aussi, en application de l’article L. 132-2 du Code minier, nul ne peut obtenir une concession de mines s’il ne possède les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux d’exploitation et assumer les obligations mentionnées dans des décrets pris pour préserver les intérêts déterminés par la loi
    • La concession est accordée par décret en Conseil d’État sous réserve de l’engagement pris par le demandeur de respecter des conditions générales complétées, le cas échéant, par des conditions spécifiques faisant l’objet d’un cahier des charges.

B) Portée de la règle

==> Une présomption réfragable

Les règles énoncées à l’article 552 du Code civil qui visent à délimiter la propriété immobilière verticale ne bénéficient qu’au seul propriétaire du sol.

L’attribution de la propriété du dessus et du dessous à ce dernier n’est toutefois qu’une présomption réfragable, soit qui peut être renversée par la preuve contraire.

Dans un arrêt du 26 mai 1992 la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la présomption de propriété du dessous au profit du propriétaire du sol n’est susceptible d’être combattue que par la preuve contraire résultant d’un titre ou de la prescription » (Cass. 26 mai 1992, n°90-22145).

Aussi, est-il admis qu’une partie du tréfonds ou du surfonds puisse faire l’objet d’une acquisition particulière et, soit, par conséquent, détachée de la propriété du sol (V. en ce sens Cass. civ. 14 nov. 1888).

Il est ainsi parfaitement possible de revendiquer la propriété d’une cave située dans le tréfonds d’une parcelle dont on n’est pas propriétaire.

La Cour de cassation l’a rappelé dans un arrêt du 15 mai 2015. Dans cette affaire il était question d’un couple d’époux qui étaient propriétaires d’une parcelle dans le tréfonds de laquelle se trouvait une cave. Celle-ci était toutefois accessible de plain-pied uniquement par le jardin appartenant aux propriétaires du fonds voisin.

Consécutivement à la vente de ce fonds qui offrait un accès à la cave, les propriétaires du terrain situé au-dessus ont revendiqué la propriété de cette dernière estimant que leur ancien voisin (le vendeur) n’était titulaire que d’un simple droit d’usage sur cette cave qui s’était éteint lors de la vente du fonds aux nouveaux propriétaires.

Par un arrêt du 30 septembre 2013, la Cour d’appel de Grenoble a débouté les propriétaires qui revendiquaient la propriété de la cave au motif que bien que cette dernière soit située dans le sous-sol de leur terrain, avait fait l’objet d’une acquisition par titre par les propriétaires du fonds voisin.

La troisième chambre civile a validé cette décision, considérant que la cour d’appel, qui avait confronté les divers titres produits aux débats, en a souverainement déduit que propriétaires du fonds voisin avaient rapporté la preuve de l’acquisition de la preuve litigieuse (Cass. 3e civ. 13 mai 2015, n°13-27342 et 14-15678).

La présomption de propriété dont bénéficie le propriétaire du sol s’applique tout autant aux éléments qui composent le dessous que ceux qui s’élèvent sur le dessus.

C’est la raison pour laquelle il est également admis qu’un tiers puisse être propriétaire d’une construction implantée sur le terrain d’un autre propriétaire (Cass. 3e civ. 7 oct. 1998, n°96-18748).

==> Des modes de preuve limités

La présomption instituée à la faveur du propriétaire du sol, si elle est réfragable, n’est pas une présomption simple.

En effet, celui qui cherche à combattre cette présomption ne peut le faire qu’en produisant un titre ou en se prévalant de la prescription acquisitive.

La Cour de cassation l’a rappelé dans son arrêt du 13 mai 2015 en affirmant que « la présomption de propriété du dessous au profit des demandeurs, propriétaires du sol n’était susceptible d’être combattue que par la preuve contraire résultant d’un titre, quel qu’en soit le titulaire, ou de la prescription acquisitive » (Cass. 3e civ. 13 mai 2015, n°13-27342 et 14-15678).

Cass. 3e civ. 13 mai 2015
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 30 septembre 2013), que les consorts X... sont propriétaires d'un immeuble édifié sur une parcelle cadastrée A436 ; que dans le tréfonds de cette parcelle se trouve une cave accessible de plain-pied uniquement par le jardin voisin, cadastré A435, appartenant aux consorts Y... Z... qui l'ont acquis en 2007 de M. A... ; qu'estimant que ce dernier était titulaire d'un simple droit d'usage sur cette cave qui s'était éteint lors de la vente aux consorts Y... Z..., les consorts X... ont assigné leurs voisins et M. A... pour voir déclarer éteint le droit d'usage de ce dernier et constater l'occupation sans droit ni titre de la cave par les consorts Y... Z... ;

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de déclarer les consorts Y... Z... propriétaires de la cave litigieuse, alors, selon le moyen, que la présomption de propriété du dessous au profit du propriétaire du sol n'est susceptible d'être combattue que par la preuve contraire résultant d'un titre ou de prescription acquisitive ; que celui qui se prétend propriétaire du dessous doit établir non seulement que celui-ci n'appartient pas au propriétaire du dessus, mais qu'il en est lui-même propriétaire, soit pour l'avoir prescrit par lui-même ou par ses auteurs, soit pour en avoir acquis la propriété en vertu d'un titre translatif auquel il est partie ou auquel était partie l'un de ses auteurs ; que la cour d'appel a attribué aux consorts Y... Z... la propriété de la cave litigieuse située sous l'immeuble des consorts X... en se fondant exclusivement sur les titres des consorts X... ou de leurs auteurs, auxquels n'étaient parties ni les consorts Y... Z... ni leurs propres auteurs ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 552 du code civil ;

Mais attendu que la présomption de propriété du dessous au profit des consorts X..., propriétaires du sol n'est susceptible d'être combattue que par la preuve contraire résultant d'un titre, quel qu'en soit le titulaire, ou de la prescription acquisitive ; que la cour d'appel, qui a confronté les divers titres produits aux débats, en a souverainement déduit que les consorts Y... Z... étaient propriétaires de la cave litigieuse ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Les modes de preuve admis pour neutraliser la présomption posée par l’article 552 du Code civil sont, de la sorte, limités.

Il en résulte que les juges ne sont pas tenus de « rechercher si les circonstances de fait invoquées étaient de nature à apporter la preuve contraire par simples présomptions » (V. en ce sens Cass. 3e civ. 9 févr. 1982).

Cette restriction des modes de preuve est critiquée par une de la doctrine qui rappelle que la preuve de la propriété d’un immeuble, pris dans son intégralité, se fait par tout moyen (Cass. 1ère civ. 11 janv. 2000, n°97-15406).

Aussi, apparaît-il difficilement compréhensible que la preuve de la propriété d’une division de l’immeuble (tréfonds ou surfonds) ne puisse être rapportée qu’au moyen d’un titre ou de la prescription acquisitive.

L’argument est fort. Il n’a toutefois pas emporté la conviction de la Cour de cassation. La raison en est que cette restriction des modes de preuves se justifie, selon les auteurs, par la volonté de la haute juridiction de maintenir comme exceptionnelle la situation de division d’un immeuble.

Cette situation, pour le moins singulière, est en effet, est un terreau fertile pour le développement de contentieux entre propriétaires.

Dès lors, afin de limiter les actions en revendication, il est préférable que la preuve de la propriété d’une division d’immeuble ne puisse être rapportée que lorsque le demandeur dispose d’éléments sérieux, tels qu’un titre ou l’expiration du délai de la prescription acquisitive.

Si les juges du fond pouvaient retenir n’importe quelle circonstance de fait pour admettre qu’il soit fait échec à la présomption de propriété posée à l’article 552 du Code civil, cela aurait pour effet de fragiliser considérablement le droit de propriété du propriétaire du sol sur le dessus et le dessous, car pouvant être remis en cause sur la base de simples présomptions de fait.

Dans ces conditions, la solution adoptée par la Cour de cassation nous paraît raisonnable, car guidée, au fond, par le souci de préserver la paix sociale.

II) Règle de prévention des conflits de propriété verticale

==> Articulation entre les articles 552 et 553

L’article 553 du Code civil prévoit que « toutes constructions, plantations et ouvrages sur un terrain ou dans l’intérieur sont présumés faits par le propriétaire à ses frais et lui appartenir, si le contraire n’est prouvé ; sans préjudice de la propriété qu’un tiers pourrait avoir acquise ou pourrait acquérir par prescription soit d’un souterrain sous le bâtiment d’autrui, soit de toute autre partie du bâtiment. »

Il ressort de cette disposition que tout ce qui est élevé sur un terrain ou édifié dans le tréfonds est réputé avoir été réalisé par le propriétaire du sol et, par voie de conséquence, lui appartenir.

Si, de prime abord, cette disposition interroge sur son utilité en ce qu’elle peut apparaître comme une redite de l’article 552 du Code civil, à l’examen il n’en est rien.

En effet, les deux dispositions remplissent des fonctions complémentaires qui ne se chevauchent pas :

  • L’article 552 vise à définir l’objet de la propriété immobilière en présument le propriétaire du sol, propriétaire du dessus et du dessous
  • L’article 553 vise, quant à lui, non pas à délimiter l’objet de la propriété immobilière, mais à prévenir la survenance d’un conflit entre propriétaires résultant de l’incorporation à un fonds d’un bien appartenant à autrui.

La combinaison de ces deux dispositions a manifestement pour effet de conférer au propriétaire du sol une maîtrise totale de l’immeuble en ce que non seulement il est présumé être propriétaire du dessus et du dessous mais encore il est réputé avoir édifié tout ce qui est implanté sur son fonds.

==> Fonction probatoire de l’article 553

S’agissant, spécifiquement, de l’article 553 du Code civil, cette disposition envisage l’hypothèse où la propriété d’un bien incorporé dans le sous-sol ou élevé en surface serait contestée au propriétaire du sol.

Deux situations sont susceptibles de se présenter :

  • Soit le propriétaire du sol a réalisé un ouvrage en incorporant à son fonds les biens d’autrui
  • Soit un tiers a réalisé un ouvrage incorporé au fonds du propriétaire du sol parce qu’il en avait la jouissance, en vertu d’un droit personnel (bail), d’un droit réel (usufruit) ou encore qu’il était occupant sans droit ni titre

Afin de résoudre ce conflit de propriétés, deux approches peuvent être adoptées :

  • Première approche
    • Elle consiste à faire une application stricte de la règle de l’accession ce qui aurait pour effet de désigner de façon systématique le propriétaire du sol comme étant le propriétaire de l’ouvrage réalisé, peu importe que la construction procède de l’intervention d’un tiers
    • Cette approche présente l’avantage de la simplicité, en ce qu’elle fait d’emblée échec à toute action en revendication.
    • L’inconvénient, c’est qu’elle peut s’avérer pour le moins sévère sinon injuste pour le tiers muni d’un titre qui, bien qu’il soit l’auteur de l’ouvrage réalisé, ne pourra pas échapper à une expropriation.
  • Seconde approche
    • Elle consiste à positionner le conflit de propriétés sur le terrain probatoire en posant une présomption qui désigne le propriétaire du sol comme l’auteur des ouvrages réalisés sur son fonds, mais qui peut être combattue par la preuve contraire.
    • Cette approche autorise ainsi les tiers à contester la propriété de la chose incorporée au fonds du propriétaire du sol et donc à faire valoir ses droits sur le bien revendiqué.
    • Faute de preuve suffisante, c’est la règle de l’accession qui a vocation à s’appliquer, d’où il s’ensuit la désignation du propriétaire du sol comme étant le propriétaire de l’ouvrage implanté sur son fonds

À l’examen, les rédacteurs du Code civil ont opté pour la seconde approche, l’article 553 instituant au profit du propriétaire du sol une présomption réfragable, soit qui peut être combattue par la preuve contraire.

==> Fonctionnement de la présomption posée par l’article 553

La règle énoncée à l’article 553 du Code civil institue une présomption à double détente :

  • Première détente: toutes les constructions élevées sur un fonds sont présumées avoir été réalisées par le propriétaire de ce fonds à ses frais.
  • Seconde détente: faute de preuve contraire, l’ouvrage implanté sur le fonds est réputé appartenir au propriétaire du sol.

Il peut être observé que le texte ne rattache nullement ici la propriété de la construction à la qualité de propriétaire du sol, ce qui reviendrait à faire application de la règle de l’accession.

Il se limite seulement à énoncer que l’incorporation d’un ouvrage à un fonds fait présumer que cet ouvrage a été réalisé par le propriétaire du sol.

Aussi, l’article 553 ne déduit la qualité de propriétaire de la construction, non pas de la qualité de propriétaire du sol, mais de la qualité de maître d’ouvrage.

Cette subtilité n’est pas sans importance, dans la mesure où elle offre la possibilité à quiconque de revendiquer la propriété d’un ouvrage élevé sur le fonds d’autrui.

Pour ce faire, il est néanmoins nécessaire de combattre la présomption posée par le texte à laquelle il peut être fait échec par tout moyen.

Dans un arrêt du 7 novembre 1978, la Cour de cassation a ainsi admis que la preuve de la propriété d’un ouvrage élevé sur le terrain d’autrui était rapportée du seul fait que le revendicant était parvenu à démontrer que le bien revendiqué a été construit pour son propre compte, sur ses plans et en partie de ses mains, sans aucune intervention du propriétaire du sol, et qu’il justifiait, par des factures établies à son nom et payées par lui, avoir assumé seul la charge du coût de la construction (Cass. 3e civ. 7 nov. 1978, n°77-13045).

Il ressort de la jurisprudence que pour faire échec à la présomption posée à l’article 553 il y a lieu de prouver :

  • D’une part, que le tiers agi dans son propre intérêt et non pour le compte du propriétaire du sol ou d’autrui
  • D’autre part, que le tiers a agi à ses frais, soit que c’est lui qui a personnellement supporté le coût de la construction

Lorsque la preuve de la réalisation de l’ouvrage par un tiers est rapportée, il n’en acquiert pas pour autant la propriété.

En effet, cette preuve a seulement pour effet de faire échec à l’attribution, par présomption, de la propriété de la construction au propriétaire du sol.

Elle ne pourra toutefois pas faire obstacle à l’application de la règle de fond énoncée à l’article 555 du Code civil qui désigne, par voie d’accession, le propriétaire du sol comme le propriétaire de toutes les plantations, constructions et ouvrages élevés sur son fonds.

L’union des biens est inévitable : si elle ne se fait pas sur le terrain probatoire, elle se fera sous l’effet de la règle de l’accession.

Mais alors, puisque l’attribution de l’ouvrage au propriétaire du sol est inévitable, immédiatement la question se pose de l’intérêt de l’article 553 du Code civil ?

Pourquoi ouvrir la possibilité aux tiers de contester, sur le fondement de l’article 553, la propriété de l’ouvrage élevé sur le fonds d’autrui si, in fine, elle sera systématiquement attribuée au propriétaire du sol ?

L’intérêt pour le tiers de se placer sur le terrain probatoire, c’est que, une fois démontré que c’est lui qui a endossé la qualité de maître d’ouvrage et non le propriétaire du sol, il sera fondé, au titre de cette qualité, à réclamer dans le cadre de l’application de la règle de l’accession à percevoir une indemnité.

Si, en revanche, le tiers ne parvient pas à faire échec à la présomption posée par l’article 553 du Code civil, aucune indemnité ne lui sera due. L’ouvrage sera réputé appartenir au propriétaire du sol sans qu’il y ait lieu de mobiliser la règle de l’accession et d’exiger de ce dernier la fourniture des contreparties pécuniaires qui y sont attachées.

Pour cette raison, le tiers a donc tout intérêt à se placer sur le terrain probatoire, faute de quoi il ne sera pas indemnisé.

[1] W. Dross, « L’immeuble dans l’avant-projet de réforme du droit des biens », in L’immeuble et le droit privé, Lamy, coll. Axe Droit, 2012

[2] F. Rerré et Ph. Simler, Droit civil – Les Biens, éd. Dalloz, 2004, n°291, p239.

1 Comment

  1. J’ai lu avec intérêt votre article. Que se passe-t-il lorsque le propriétaire du terrain terrain à un tiers. Est-ce le tiers qui est responsable des dégâts causés au tréfonds où est-ce quand même le propriétaire.
    Le cas que j’ai à étudier est le suivant.
    Un propriétaire à louer un local commercial un carrossier qui a pollué pendant plus de 50 ans le puisard du lieu qui ne servait que pour l’eau de pluie de la toiture de ce local.
    Je suis en train de me battre pour mon client avec la mairie car je considère que cette pollution a forcément impacter le milieu autour.
    Vous comprendrez que le cône qui constitue la propriété ne peut contenir des eaux polluées qui forcément sont allés sur le tréfonds des voisins.
    Dans ce cas la mairie et donc compétente puisque le code de santé publique et donc applicable.


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