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L’accession immobilière naturelle : régime juridique

L’accession immobilière correspond à l’hypothèse où une chose mobilière ou immobilière est incorporée à un immeuble, de telle sorte qu’une union se crée entre les deux biens qui en formeront plus qu’un seul et même bien.

À l’examen, outre son objet, les immeubles, l’accession immobilière se distingue de l’accession mobilière en ce qu’elle remplit deux fonctions.

En effet, l’accession immobilière n’est pas seulement un mode d’acquisition de la propriété, elle vise également à en fixer les limites.

Avant de résoudre un conflit de propriétés, ce qui est la fonction première de l’accession, encore faut-il être en mesure de délimiter les assiettes des droits qui s’affrontent, ne serait-ce que pour identifier celle qui correspond au principal et emporte, par voie de conséquence, la propriété du bien accessoire.

Lorsque les propriétés en conflits portent sur des biens meubles, la délimitation de l’assiette des droits de chaque propriétaire ne soulève aucune difficulté dans la mesure où elle embrasse les contours physiques du bien qui, par nature, sont finis.

Lorsque, en revanche, il s’agit de délimiter l’assiette de la propriété d’un bien immobilier, l’exercice est tout autre. La propriété d’un immeuble est assise sur le sol. Or non seulement celui-ci peut s’étendre sans fin, mais encore il doit être appréhendé tant de long en large (surface) que de haut en bas (dessus et dessous).

Aussi, la délimitation de l’assiette de la propriété immobilière est loin d’être aussi évidente qu’en matière mobilière où ce sont les contours physiques de la chose qui fixent l’assiette des droits de son propriétaire.

Afin de surmonter cette difficulté de la délimitation de la propriété immobilière, qui est un préalable nécessaire, à la résolution des conflits de propriétés, les rédacteurs du Code civil ont posé des règles aux articles 552 et 552.

Si ces règles introduisent la section consacrée à l’accession immobilière, elles y sont en réalité étrangères.

En effet, elles visent à définir, non pas un mode d’acquisition de la propriété, mais l’assiette du droit du propriétaire d’un immeuble.

La résolution des conflits de propriétés en matière immobilière est, quant à elle, envisagée aux articles suivants (art. 554 à 564 C. civ.) qui donc intéressent le mode d’acquisition de la propriété que constitue l’accession.

A cet égard, le Code civil distingue selon que l’accession immobilière est le résultat d’un phénomène naturel ou selon qu’elle procède de l’intervention de la main de l’homme.

Nous nous focaliserons ici sur l’accession naturelle.

L’accession est dite naturelle lorsque l’incorporation de la chose ne procède pas du fait de l’homme, en ce sens qu’il n’est pas intervenu dans le processus d’union des biens.

Cette incorporation est qui donc est le résultat d’un phénomène naturel peut avoir pour objet tout autant un meuble qu’un immeuble.

I) L’incorporation d’un meuble

Lorsqu’un bien meuble s’incorpore à un immeuble, en application de la règle de l’accession énoncée à l’article 546 du Code civil, il devient la propriété du propriétaire de l’immeuble, étant précisé que les meubles sont toujours regardés comme les accessoires, tandis que les immeubles représentent le principal.

Aussi, le propriétaire d’un meuble ne saurait acquérir par voie d’accession la propriété d’un immeuble en cas d’union des deux biens.

Par principe, tous les biens meubles étaient susceptibles de faire l’objet d’une acquisition par voie d’accession immobilière, raison pour laquelle les rédacteurs du Code civil ne se sont pas employés à dresser la liste de ceux relevant du domaine d’application de la règle de l’accession.

Ils se sont néanmoins arrêtés sur une catégorie spécifique de choses mobilières dont l’appropriation par voie d’accession était potentiellement source de litige.

Ces choses qui ont retenu l’attention du législateur ne sont autres que les animaux susceptibles de s’établir momentanément sur un fonds puis de changer de territoire.

Afin de prévenir toute difficulté quant à la désignation du propriétaire de ces animaux, l’article 564 du Code civil prévoit que « les pigeons, lapins, poissons, qui passent dans un autre colombier, garenne ou plan d’eau visé aux articles L. 431-6 et L. 431-7 du code de l’environnement appartiennent au propriétaire de ces derniers, pourvu qu’ils n’y aient point été attirés par fraude et artifice. »

Certains animaux deviennent ainsi l’accessoire du fonds sur lequel ils se sont établis. Le texte exige néanmoins qu’un certain nombre de conditions soient réunies :

  • Des animaux semi-sauvages
    • Principe
      • Seuls les animaux semi-sauvages peuvent faire l’objet d’une acquisition par le propriétaire du fonds sur lequel ils sont établis.
      • Par semi-sauvage, il faut entendre les animaux qui évoluent sur un même territoire, soit qui, en quelque sorte, sont sédentaires.
      • Les animaux sauvages ne se fixent, quant à eux, sur aucun territoire déterminé (le gibier par exemple), raison pour laquelle ils sont insusceptibles de faire l’objet d’une appropriation par voie d’accession.
      • Il s’agit de res nullius (choses sans maître) qui ne peuvent être appropriés que par occupation.
      • S’agissant des animaux semi-sauvages, si le texte vise les pigeons, lapins, poissons, qui passent dans un autre colombier, garenne ou plan d’eau, la liste n’est nullement limitative.
      • Ce qui importe, c’est que l’animal ait des habitudes sédentaires, ce qui sera le cas de ceux qui évoluent dans un enclos ou encore des abeilles qui habitent une ruche.
    • Exceptions
      • Les animaux domestiques
        • Les animaux domestiques sont ceux qui ont fait l’objet d’une domestication et qui demeure la propriété de leur maître quand bien même ils s’échapperaient.
        • Aussi, sont-ils susceptibles de faire l’objet d’une action en revendication en cas d’appropriation par autrui.
        • Une action pénale peut également être exercée en cas de soustraction frauduleuse de l’animal à son propriétaire.
      • Les animaux de basse-cour
        • L’article L. 211-4, I du Code rural et de la pêche maritime dispose que « les volailles et autres animaux de basse-cour qui s’enfuient dans les propriétés voisines ne cessent pas d’appartenir à leur maître quoi qu’il les ait perdus de vue. »
        • Ce texte précise que « néanmoins, celui-ci ne peut plus les réclamer un mois après la déclaration qui doit être faite à la mairie par les personnes chez lesquelles ces animaux se sont enfuis. »
        • L’action en revendication est ainsi enfermée dans un délai très court, puisque le propriétaire de l’animal de basse-cour doit agir dans le délai d’un mois, sauf à ce qu’il s’agisse d’un vol.
  • L’absence de captation par fraude et artifice
    • L’article 564 du Code civil prévoit que lorsque l’animal semi-sauvage qui s’est établi sur un fonds a été attiré par « fraude et artifice» le jeu de l’accession est neutralisé.
    • Il en résulte que le propriétaire du fonds qui aura usé de moyens frauduleux pour capter les animaux qui étaient établis sur le fonds voisin ne pourra pas se prévaloir de leur acquisition.
    • Ces derniers seront réputés n’avoir jamais changé de propriétaire, les juges du fond disposant, en la matière, d’un pouvoir souverain d’appréciation.

II) L’incorporation d’un immeuble

L’accession immobilière ne procède pas seulement de l’incorporation d’un meuble, elle peut également résulter de l’union de plusieurs immeubles.

Le phénomène naturel susceptible de conduire à ce résultat n’est autre que le mouvement de l’eau qui sous l’effet des événements climatiques peut donner lieu à la création de nouveaux biens, à tout le moins à une redéfinition de l’assiette de la propriété.

Création d’un îlot, abandon par un cours d’eau de son lit, apparition d’alluvions et de relais sont autant de phénomènes qui sont envisagés par le Code civil dans le cadre de l’accession immobilière.

Ces phénomènes ont en commun de conduire à des situations d’extension ou de réduction de l’assiette de la propriété d’un fonds.

La question qui a lors se pose est de savoir à qui profite ou préjudicie les mouvements de l’eau qui modifient la configuration des terrains et, par voie de conséquence, les limites de voisinage.

Pour le déterminer, il convient de se reporter aux articles 556 à 563 du Code civil qui distinguent plusieurs phénomènes.

A) Sort des alluvions et relais

Les articles 556 à 558 envisagent le sort des alluvions et des relais qui conduisent tous deux à un accroissement de l’assiette de la propriété d’un fonds.

==> Notion

  • Les alluvions
    • Ils sont définis à l’article 556 du Code civil comme « les atterrissements et accroissements qui se forment successivement et imperceptiblement aux fonds riverains d’un cours d’eau s’appellent ” alluvion “. »
    • Concrètement, il s’agit de terrains qui se forment sous l’effet de dépôts argileux ou sableux émergé qu’ont laissé des eaux par des sédimentations successives.
    • Les alluvions s’observent dans le lit du cours d’eau et plus précisément sur ses rives où elles s’accumulent.
    • L’alluvion se distingue de l’île en ce qu’elle est attachée à la rive, soit sans être enfermée par des bras d’eau.
  • Les relais
    • Les relais se forment, selon l’article 557 du Code civil, par « l’eau courante qui se retire insensiblement de l’une de ses rives en se portant sur l’autre»
    • À la différence de l’alluvion dont la formation n’a, en principe, aucune incidence sur la situation de la rive opposée, le relais, qui résultent d’un retrait des eaux sur une rive du cours d’eau s’accompagne d’une montée des eaux sur l’autre rive.
    • Le relais opère ainsi un accroissement du terrain que l’eau abandonne et une diminution du terrain que cette même eau recouvre.

==> Régime

Les alluvions et relais sont sensiblement soumis au même régime : ils appartiennent au propriétaire du fonds auquel ils sont attachés.

Au vrai, l’appropriation des alluvions et relais ne s’opère par voie d’accession que dans l’hypothèse où le cours d’eau présente un caractère domanial.

Lorsqu’il s’agit d’un cours d’eau non domanial, en application de l’article L. 215-2 du Code de l’environnement, chaque propriétaire riverain a d’ores et déjà la propriété de la moitié du lit, suivant une ligne que l’on suppose tracée au milieu du cours d’eau, sauf titre ou prescription contraire.

On ne saurait, dans ces conditions, considérer que la propriété de l’alluvion ou du relais résulte de la mise en œuvre de la règle de l’accession.

L’application de cette règle ne vaut que pour les cours d’eau domaniaux qui sont la propriété d’une personne publique.

  • S’agissant de l’alluvion
    • Principe
      • L’article 556, al. 2 prévoit que « l’alluvion profite au propriétaire riverain, qu’il s’agisse d’un cours d’eau domanial ou non ; à la charge, dans le premier cas, de laisser le marchepied ou chemin de halage, conformément aux règlements. »
      • Il ressort de cette disposition que la propriété de l’alluvion est attribuée au propriétaire riverain.
      • Il est, à cet égard, indifférent que le cours d’eau relève du domaine public.
      • Si tel est le cas, le propriétaire du fonds devra seulement se conformer aux servitudes légales de marchepied et de halage.
      • Ces servitudes sont régies aux articles L. 2131-2 à L. 2131-6 du Code de la propriété des personnes publiques
        • S’agissant de la servitude de marchepied: les propriétés riveraines d’un cours d’eau ou d’un lac domanial sont grevées sur chaque rive d’une servitude de 3,25 mètres, dite servitude de marchepied. Cette servitude interdit, dans cette bande de 3,25 mètres, aux propriétaires riverains de planter des arbres ou de se clore par des haies ou autrement.
        • S’agissant de la servitude de halage: elle concerne les cours d’eau domaniaux où il existe un chemin de halage ou d’exploitation présentant un intérêt pour le service de la navigation. La servitude grève les propriétés dans un espace de 7,80 mètres de largeur le long des bords desdits cours d’eau domaniaux, ainsi que sur les îles où il en est besoin. Les propriétaires riverains ne peuvent planter des arbres ni se clore par des haies ou autrement qu’à une distance de 9,75 mètres sur les bords où il existe un chemin de halage ou d’exploitation.
    • Conditions
      • Plusieurs conditions doivent être réunies pour que le propriétaire du fonds riverain acquière la propriété des alluvions
      • Tout d’abord, en application de l’article L. 2111-13 du Code général de la propriété des personnes publiques, la formation de l’alluvion doit avoir une origine naturelle.
      • Autrement dit, elle ne doit pas résulter d’une intervention humaine
      • Ensuite, l’alluvion doit s’être formée « successivement et imperceptiblement»
      • Cela signifie qu’elle ne doit pas être apparue brutalement consécutivement, par exemple, à la survenance d’un orage ou d’une tempête
      • L’alluvion doit s’être formée progressivement sur une durée suffisamment longue pour que cette formation puisse échapper aux sens
      • Enfin, la propriété de l’alluvion ne peut être revendiquée que par le propriétaire de la rive sur laquelle elle se forme.
      • Si le fonds est séparé de la rive par une voie appartenant à un tiers, la règle de l’accession ne pourra pas jouer, à tout le moins pas pour le propriétaire du terrain non directement rattaché à la rive.
    • Exceptions
      • L’article 558, al. 1er du Code civil prévoit que « l’alluvion n’a pas lieu à l’égard des lacs et étangs, dont le propriétaire conserve toujours le terrain que l’eau couvre quand elle est à la hauteur de la décharge de l’étang, encore que le volume de l’eau vienne à diminuer. »
      • Ainsi, lorsqu’il s’agit d’un lac ou d’un étang, en cas de formation d’alluvion, les limites de propriété des fonds riverains ne sont pas affectées par les mouvements de l’eau qui demeurent exceptionnels
      • Il est indifférent que la formation de l’alluvion résulte d’un phénomène naturel et imperceptible.
      • Les limites de la propriété correspondent au terrain couvert par l’étang lorsque l’eau est à la hauteur de la décharge de l’étang, peu important les variations de l’eau.
      • L’alinéa 2 de l’article 558 précise que « réciproquement, le propriétaire de l’étang n’acquiert aucun droit sur les terres riveraines que son eau vient à couvrir dans des crues extraordinaires. »
      • La règle posée par ce texte n’est qu’une présomption simple qui souffre de la preuve contraire.
  • S’agissant des relais
    • Principe
      • L’article 557, in fine prévoit que « le propriétaire de la rive découverte profite de l’alluvion, sans que le riverain du côté opposé y puisse venir réclamer le terrain qu’il a perdu.»
      • Ainsi, tandis que l’assiette de la propriété du terrain qui profite du relais s’accroît, celle du fonds de la rive opposée diminue.
    • Exception
      • L’article 557, al. 2e pose une exception à la règle pour les relais de mer qui sont sans incidence sur l’assiette du droit de propriété des propriétaires riverains.
      • La raison en est que, en application de l’article L. 2111-4 du Code général de la propriété des personnes publiques les relais de mer relèvent du domaine public.
      • Or celui-ci est inaliénable ; il ne saurait, en conséquence, être agrégé à une propriété privée.
      • À l’inverse, les avancées de la mer sur les terrains privés ont pour effet de les intégrer dans le domaine public, sans que les propriétaires puissent solliciter une indemnité.

B) Sort des avulsions

==> Notion

L’avulsion est un phénomène envisagé par l’article 559 du Code civil qui la définit comme l’éventualité où « un cours d’eau, domanial ou non, enlève par une force subite une partie considérable et reconnaissable d’un champ riverain, et la porte vers un champ inférieur ou sur la rive opposée ».

L’avulsion correspond, en somme, à un détachement d’une portion d’un terrain qui se déporte vers un autre fonds inférieur ou opposé.

L’avulsion se distingue de l’alluvion en ce qu’il s’agit un phénomène perceptible et qui mobilise une grande quantité de matière.

==> Conditions

Plusieurs conditions sont requises par l’article 559 du Code civil pour que le phénomène d’avulsion soit établi.

Tout d’abord, le texte exige qu’il y ait un enlèvement de matière, soit d’une portion de terrain.

Ensuite, cet enlèvement doit procéder d’une « force subie », c’est-à-dire par un mouvement instantané, ce qui range l’avulsion parmi les événements exceptionnels. Il faut, en effet, que le terrain se déplace assez fortement lié, dans toutes ses parties par les racines qui le pénètrent et par la végétation qui le couvre, ou par la nature même des terres qui le composent, pour qu’il puisse céder au courant sans se dissoudre.

Enfin, il faut que la portion du terrain au moment où elle se détache soit d’une importance sensible ; quelques mottes de gazon ou quelques touffes étant insuffisant à caractériser l’avulsion. Si, en effet, les parties enlevées, ne sont pas « considérables » ni « reconnaissables » c’est-à-dire d’une importance de nature à être appréciée l’action en revendication ne pourra pas prospérer

==> Régime

L’article 559 du Code civil prévoit que le propriétaire de la partie enlevée du terrain « peut réclamer sa propriété ».

Il s’agit là d’un véritable droit de revendication qui est conféré à ce dernier, prérogative qui s’analyse en une sorte de droit de suite.

Le texte enferme toutefois l’exercice de ce droit dans le délai d’un an à compter de la survenance de l’événement. Il s’agit ici d’un délai, non pas de prescription, mais préfixe qui ne peut donc souffrir aucune interruption, ni suspension.

À défaut de former sa demande dans l’année, le propriétaire de l’avulsion « n’y sera plus recevable ».

À cet égard, il peut être observé que le droit conféré au propriétaire de revendiquer la propriété de la portion de terre qui s’est détachée de son terrain n’est qu’une simple faculté. Aucune obligation ne pèse sur lui de reprendre son bien. Il peut d’ailleurs être souligné qu’aucune indemnité n’est due au propriétaire du fonds sur lequel l’avulsion a échoué.

En pratique, parce que la reprise de son bien suppose la réalisation de travaux coûteux, le propriétaire n’exercera pas d’action en revendication.

Le texte précise enfin que l’action en revendication est forclose à l’expiration d’un délai d’un an « à moins que le propriétaire du champ auquel la partie enlevée a été unie, n’eût pas encore pris possession de celle-ci. »

Autrement dit, tant que le propriétaire du fonds sur lequel l’avulsion s’est déposée n’en a pas pris possession, l’action en revendication peut être exercée, y compris lorsque le délai de forclusion a expiré.

C) Sort des îles, îlots et atterrissements qui se forment dans le lit d’un cours d’eau

Les rédacteurs ont envisagé le sort des îles, îlots et atterrissements qui se forment dans le lit d’un cours d’eau.

==> Notion

L’île et l’îlot sont des étendues de terre entièrement entourés d’eau, émergeant dans un océan, une mer, un lac ou un cours d’eau.

La distinction entre l’île et l’îlot tient uniquement à leur superficie, étant précisé que la formation des deux procède, non pas d’une accumulation de matière, mais d’une baisse définitive du niveau des eaux.

À cet égard, pour être qualifiée d’île ou d’îlot l’étendue de terre qui émerge doit se situer au milieu du cours d’eau, faute de quoi il s’agit plutôt d’une alluvion.

Ils s’en distinguent encore, en ce qu’il est indifférent qu’ils se forment successivement et imperceptiblement. L’apparition de l’île ou de l’îlot peut parfaitement être brusquement.

Elle ne doit toutefois pas résulter de l’enlèvement par une force subite d’une « partie considérable et reconnaissable d’un champ riverain », auquel cas elle endosserait plutôt la qualification d’avulsion et, épouserait, par voie de conséquence, son régime juridique.

==> Régime

Il ressort de la combinaison des articles 560 et 561 du Code civil qu’il y a lieu de distinguer selon que le cours d’eau dans le lit duquel l’île ou l’îlot se forme est domanial ou non.

  • S’agissant des cours d’eau domaniaux
    • L’article 560 du Code civil prévoit que « les îles, îlots, atterrissements, qui se forment dans le lit des cours d’eau domaniaux, appartiennent à la personne publique propriétaire du domaine concerné, en l’absence de titre ou de prescription contraire. »
    • La raison en est que l’étendue de terre qui émerge dans le cours d’eau n’est autre qu’une partie de son lit.
    • Or le lit d’un cours d’eau domanial appartient à l’état.
    • Depuis l’adoption de l’ordonnance n°2006-460 du 21 avril 2006 qui a réformé, en profondeur, le droit domanial a modifié le critère de la domanialité des cours d’eau, les îles et îlots ne relèvent toutefois pas du domaine public de la personne publique mais de son domaine privé, raison pour laquelle ils peuvent être aliénés ou acquis par prescription.
    • Dans un arrêt du 29 février 1968, la Cour de cassation a précisé que « si le propriétaire perd ses prérogatives sur les îles ou îlots qui, submergés par suite d’un phénomène naturel, font partie du domaine public, il retrouve son droit lorsque les terres cessent d’appartenir au domaine public parce qu’elles ont émergé à nouveau naturellement par suite de travaux régulièrement autorisés qu’il aurait lui-même accomplis» ( 3e civ. 29 févr. 1968).
  • S’agissant des cours d’eau non domaniaux
    • L’article 561 du Code civil prévoit que « les îles et atterrissements qui se forment dans les cours d’eau non domaniaux, appartiennent aux propriétaires riverains du côté où l’île s’est formée»
    • La solution est conforme à la règle qui attribue à chaque propriétaire riverain la moitié du lit du cours d’eau ( L. 215-2, al. 2e C. env.).
    • La Cour de cassation a néanmoins précisé dans un arrêt du 10 mars 1953 que la règle ainsi énoncée « ne concerne que les îles de formation récente, dont la propriété demeure encore incertaine, et non des îles de formation ancienne figurant déjà au cadastre sous un numéro déterminé» ( 3e civ. 10 mars 1953).
    • Dans le droit fil de cette règle l’article 561 précise que « si l’île n’est pas formée d’un seul côté, elle appartient aux propriétaires riverains des deux côtés, à partir de la ligne qu’on suppose tracée au milieu du cours d’eau. »
    • Encore faut-il que cette ligne constitue la limite de propriété des deux fonds riverains ce qui n’est qu’une simple présomption.
    • Un propriétaire est, dans ces conditions, parfaitement fondé à revendiquer la propriété de l’île tout entière, s’il parvient à établir que, en réalité, le lit du cours d’eau lui appartient dans son intégralité.
    • En définitive, la règle est que la propriété de l’île ou de d’îlot, suit, en toute circonstance, la propriété du lit du cours d’eau.

D) Modification du lit d’un cours d’eau

Le Code civil envisage deux sortes de modifications dont est susceptible de faire l’objet un cours d’eau : la formation d’un nouveau bras et l’abandon de son lit

  • Formation d’un nouveau bras
    • L’article 562 du Code civil prévoit que « si un cours d’eau, en se formant un bras nouveau, coupe et embrasse le champ d’un propriétaire riverain, et en fait une île, ce propriétaire conserve la propriété de son champ, encore que l’île se soit formée dans un cours d’eau domanial. »
    • Il ressort de cette disposition que la formation d’un nouveau bras est sans incidence sur la limite de propriété du cours d’eau, à tout le moins lorsqu’il est domanial.
    • Lorsque, en revanche, il s’agit d’un cours d’eau domanial la propriété du propriétaire du fonds traversé par le nouveau bras s’en trouve diminuée d’autant.
  • Abandon de son lit
    • Dans l’hypothèse où un cours d’eau abandonne son lit, il y a lieu de distinguer selon que celui-ci présente un caractère domanial ou non.
      • Les cours d’eaux domaniaux
        • L’article 563 du Code civil dispose que « si un cours d’eau domanial forme un nouveau cours en abandonnant son ancien lit, les propriétaires riverains peuvent acquérir la propriété de cet ancien lit, chacun en droit soi, jusqu’à une ligne qu’on suppose tracée au milieu du cours d’eau.»
        • Il ressort de cette disposition que l’ancien lit d’un cours d’eau tombe dans le domaine privé de la personne publique ce qui implique qu’il peut faire l’objet d’une aliénation ou qu’il peut être acquis par usucapion.
        • Lorsqu’il est aliéné, l’alinéa 1er in fine de l’article 563 du Code civil précise que « le prix de l’ancien lit est fixé par des experts nommés par le président du tribunal de la situation des lieux, à la requête de l’autorité compétente. »
        • À cet égard, il peut être observé que l’aliénation de l’ancien lit du cours d’eau ne constitue, en aucun cas, une faculté laissée à la discrétion : il s’agit d’une véritable obligation mise à sa charge.
        • L’alinéa 2e du texte prévoit en ce sens que « à défaut par les propriétaires riverains de déclarer, dans les trois mois de la notification qui leur sera faite par l’autorité compétente, l’intention de faire l’acquisition aux prix fixés par les experts, il est procédé à l’aliénation de l’ancien lit selon les règles qui président aux aliénations du domaine des personnes publiques. »
        • S’agissant du prix payé par les acquéreurs privés du nouveau lit, il vise à indemniser les propriétaires des fonds sur lesquels le nouveau lit du cours d’eau s’est établi, ce qui a pour conséquence, de diminuer l’assiette de leur propriété.
        • Cet objectif a été érigé en règle énoncée à l’article 533, al. 3e du Code civil qui prévoit que « le prix provenant de la vente est distribué aux propriétaires des fonds occupés par le nouveau cours à titre d’indemnité, dans la proportion de la valeur du terrain enlevé à chacun d’eux. »
      • Les cours d’eau non-domaniaux
        • L’article L. 215-4 du Code de l’environnement dispose que lorsqu’un cours d’eau non domanial abandonne naturellement son lit, les propriétaires des fonds sur lesquels le nouveau lit s’établit sont tenus de souffrir le passage des eaux sans indemnité.
        • Toutefois, ils peuvent, dans l’année qui suit le changement de lit, prendre les mesures nécessaires pour rétablir l’ancien cours des eaux.
        • Les propriétaires riverains du lit abandonné jouissent de la même faculté et peuvent, dans l’année et dans les mêmes conditions poursuivre l’exécution des travaux nécessaires au rétablissement du cours primitif.
        • À l’expiration de ce délai le nouveau lit appartient pour moitié aux propriétaires riverains et le lit abandonné aux propriétaires anciennement riverains.

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