Protection du logement familial: la notion d ‘acte de disposition au sens de l’article 215, al. 3e du Code civil

L’article 215, al. 3e du Code civil prévoit que « les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. »

Il ressort de cette disposition qu’il est fait interdiction aux époux de disposer seul du logement familial. La question qui alors se pose est de savoir, afin déterminer l’étendue de cette interdiction, ce que l’on doit entendre par “disposer”.

I) Principe

L’article 215, al. 3e du Code civil prévoit que les actes portant sur le logement familial soumis au consentement des deux époux sont les actes de disposition.

La formulation est des plus larges, de sorte que tous les actes qui tendent à aliéner, à titre onéreux ou à titre gratuit, le bien dans lequel le ménage a élu domicile sont d’emblée visés par l’interdiction.

Plus que l’aliénation de la résidence familiale, ce sont, en réalité, tous les actes susceptibles de priver la famille de son logement qui relèvent du domaine d’application de l’article 215, al. 3e du Code civil.

==> Les actes visant à aliéner le logement familial

Au nombre des actes qui ne peuvent être accomplis par un époux seul figurent, au premier chef, la vente ainsi que tous les actes qui en dérivent.

Ainsi, dans un arrêt du 6 avril 1994, la Cour de cassation a admis que la conclusion d’une promesse synallagmatique de vente valant vente, elle constituait un acte de disposition des droits par lequel est assuré le logement de la famille au sens de l’article 215, al. 3e du Code civil peu important que le transfert de propriété ait été reporté au jour de l’acte authentique dès lors que cette stipulation n’avait pas été considérée par les parties comme un élément essentiel à la formation de la vente (Cass. 1ère civ. 6 avr. 1994, n°92-15.000).

Dans un arrêt du 16 juin 1992, elle a encore décidé que la vente avec réserve d’usufruit au profit du seul époux propriétaire vendeur supposait le recueil du consentement de son conjoint (Cass. 1ère civ. 16 juin 1992, n°89-17.305).

De façon générale, sont visés par l’interdiction énoncée à l’article 215, al. 3e du Code civil tous les actes qui opèrent un transfert de propriété du bien, tels que la donation, l’échange ou encore l’apport en société.

Il en va de même pour les actes réalisant un démembrement du droit de propriété conduisant à priver la famille de son logement, tels que la constitution d’un usufruit, d’un droit d’habitation ou encore d’un droit d’usage.

Tel est encore le cas des actes constitutifs de sûretés sur le logement familial (hypothèque) ou sur les meubles meublant (gage).

S’agissant de la constitution d’une hypothèque, la Cour de cassation a pris le soin de préciser dans un arrêt du 4 octobre 1983 que « l’inscription d’hypothèque judiciaire qui n’est que l’exercice d’une prérogative légale accordée au titulaire d’une créance, même chirographaire, n’est pas un acte de disposition par un époux au sens de l’article 215, alinéa 3, du code civil » (Cass. 1ère civ. 4 oct. 1983, n°82-13.781).

Aussi, pour la Première chambre civile, seule l’hypothèque conventionnelle est visée par ce texte.

Dans une décision du 17 décembre 1991, elle a jugé en ce sens, au visa des articles 215, al. 3e et 2124 du Code civil « qu’il résulte du premier de ces textes que le mari ne peut disposer seul des droits par lesquels est assuré le logement de la famille ; qu’aux termes du second, les hypothèques conventionnelles ne peuvent être consenties que par ceux qui ont la capacité d’aliéner les immeubles qu’ils y soumettent » (Cass. 1ère civ. 17 déc. 1991, n°90-11.908).

La simple promesse d’affectation hypothécaire n’est, en revanche, pas soumise à l’exigence du double consentement des époux, dans la mesure où la violation d’une telle promesse donne seulement lieu à l’octroi de dommages et intérêts (Cass. 3e civ. 29 mai 2002, n°99-21.018).

En définitive, il y a donc lieu de distinguer l’aliénation volontaire du logement familial qui suppose le consentement des deux époux, de l’aliénation forcée (judiciaire) qui échappe, quant à elle, à l’application de l’article 215, al. 3e du Code civil.

==> Les actes visant à priver la famille de son logement

Une analyse de la jurisprudence révèle que la Cour de cassation ne s’est pas limitée à inclure dans le giron de l’article 215, al. 3e du Code civil les seuls actes de pure disposition.

Par une interprétation extensive de la règle, elle a jugé qu’étaient également visés par l’exigence double consentement tous les actes privant ou risquant de priver la famille de son logement.

C’est ainsi que la Cour de cassation a admis que la conclusion, par un époux seul, d’un bail au profit d’un tiers pouvait être frappée de nullité dès lors que l’acte accompli était de nature à compromettre la vocation familiale du logement donné en location (Cass. 1ère civ. 16 mai 2000, n°98-13.441).

Au soutien de sa décision, elle affirme qu’il résulte des termes généraux de l’article 215, alinéa 3, du Code civil instituant un régime de protection du logement familial que ce texte vise les actes qui anéantissent ou réduisent les droits réels ou les droits personnels de l’un des conjoints sur le logement de la famille.

Or tel est le cas, poursuit-elle, d’une location puisque conduisant à priver la famille de ses droits de jouissance ou d’occupation du logement familial.

Dans le droit fil de cette solution, la Cour de cassation a considéré que le mandat confié à un agent immobilier de vendre le logement familial exigeait le consentement des deux époux dès lors que l’acte conclu engageait le mandant (Cass. 1ère civ. 13 avr. 1983, n°82-11.121).

Pour elle, cet acte étant susceptible de priver la famille de son logement, rien ne justifie qu’il échappe à l’application de l’article 215, al. 3e du Code civil.

La première chambre civile est allée encore plus loin en jugeant, dans un arrêt du 10 mars 2004, que la résiliation du contrat d’assurance garantissant le logement familial contre d’éventuels sinistres ne pouvait être accomplie par un époux seul et exigeait donc, pour être valable, le consentement du conjoint (Cass. 2e civ. 10 mars 2004, n°02-20.275).

Cette position a pour le moins été froidement accueillie par la doctrine. Pour Isabelle Dauriac, par exemple, la solution retenue fait « le jeu d’une politique peut être à l’excès sécuritaire. Cette application de l’article 215, al. 3e est à ce point déformante qu’elle pourrait transformer l’exception de cogestion – censée éviter que la famille ne soit exposée à la privation de son toit par la seule initiative d’un époux –, en règle de principe applicable à tout acte du seul fait qu’il concerne le logement »[1].

Malgré les critiques, la Cour de cassation a persévéré dans sa position en précisant dans un arrêt du 14 novembre 2006 que la résiliation par un époux, sans le consentement de son conjoint, d’un contrat d’assurance relatif à un bien commun n’encourt la nullité « que dans la seule mesure où ce bien est affecté au logement de la famille en application de l’article 215, alinéa 3, du code civil » (Cass. 1ère civ. 14 nov. 2006, n°05-19.402).

Au bilan, il apparaît que les actes portant sur le logement familial qui requièrent le consentement des deux époux sont moins ceux qui visent à aliéner le bien, que ceux qui ont pour effet de priver la famille de son logement.

C’est là le véritable critère retenu par la jurisprudence pour déterminer si un acte relève ou non du domaine d’application de l’article 215, al. 3e du Code civil.

Reste que la règle ainsi posée n’est pas sans faire l’objet d’un certain nombre d’exceptions.

II) Exceptions

L’interdiction pour les époux d’accomplir seul un acte susceptible de priver la famille de son logement n’est pas absolue. Elle souffre de plusieurs exceptions qui intéressent plusieurs catégories d’actes.

  • Les actes n’opérant pas d’aliénation du logement familial
    • L’interdiction posée par l’article 215, al. 3e du Code civil ne se conçoit qu’en présence d’un acte qui vise à aliéner le logement familial, à tout le moins d’en priver le ménage.
    • C’est la raison pour laquelle les actes qui n’opèrent pas d’aliénation de ce bien ne requièrent pas le consentement des deux époux.
    • Ainsi, une vente assortie d’une clause de réserve d’usufruit au profit du conjoint survivant du vendeur ne semble pas être visée par l’interdiction faite aux époux de disposer seul du logement familial (TGI Paris, 16 déc. 1970).
    • Dans le même sens, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 22 mai 2019, qu’une donation avec réserve d’usufruit au profit de l’époux donateur échappait à l’exigence du double consentement, dès lors que la donation consentie ne portait pas atteinte « à l’usage et à la jouissance du logement familial».
    • À cet égard, la Cour de cassation précise qu’il est indifférent que la donation soit de nature à priver le conjoint survivant du logement de famille au décès du donateur, dans la mesure où la règle édictée à l’article 215, al. 3e du Code civil, « qui procède de l’obligation de communauté de vie des époux, ne protège le logement familial que pendant le mariage» ( 1ère civ. 22 mai 2019, n°18-16.666).
  • Les actes de disposition à cause de mort
    • La question s’est posée en jurisprudence de savoir si les actes de disposition à cause de mort (les testaments) étaient visés par l’article 215, al. 3e du Code civil.
      • Les arguments pour l’application du texte
        • Tout d’abord, il peut être avancé que l’article 215, al. 3 ne distingue pas selon la nature de l’acte accompli par un époux seul, de sorte que l’interdiction viserait indifféremment tous les actes de disposition, peu important qu’ils soient accomplis entre vifs ou à cause de mort.
        • Ensuite, il a été soutenu que le testament attribuant la résidence familiale à un tiers devait nécessairement être soumis au consentement des deux époux dans la mesure où au décès du testateur il aurait pour effet de priver la famille, à commencer par le conjoint survivant, de son logement.
        • Or ce serait là contraire à l’esprit de l’article 215, al. 3 qui a précisément été institué en vue d’assurer un toit au ménage.
      • Les arguments contre l’application du texte
        • En premier lieu, il peut être observé que, exiger d’un époux qu’il obtienne l’autorisation de son conjoint, pour léguer la propriété du logement familial qui lui appartient en propre reviendrait à porter atteinte à la liberté de tester.
        • En second lieu, et c’est là l’argument décisif nous semble-t-il, l’interdiction posée à l’article 215, al. 3e du code civil n’a cours qu’autant que le mariage perdure.
        • Or le décès d’un époux emporte dissolution de l’union matrimoniale et, par voie de conséquence, extinction de tous les droits et obligations qui y sont attachés.
        • Aussi, n’est-il pas illogique de considérer que la protection instituée par l’article 215, al. 3e ne survit pas au décès d’un époux.
    • Finalement, la Cour de cassation a tranché en faveur de l’inapplication de l’interdiction posée par ce texte aux actes de disposition accomplis à cause de mort.
    • Dans un arrêt du 22 octobre 1974, elle a jugé en ce sens que « l’article 215, alinéa 4, du code civil qui protège le logement de la famille […] le mariage ne porte pas atteinte au droit qu’à chaque conjoint de disposer de ses biens à cause de mort» ( 1ère civ. 22 oct. 1974, n°73-12.402).
    • A cet égard, il peut être observé que la portée de cette solution doit être mise en perspective avec la loi du 3 décembre 2001 qui a réformé le droit des successions.
    • Cette loi a notamment institué au profit du conjoint survivant un droit de maintien, à titre gratuit, pendant une durée d’un an, dans le logement de la famille qui était occupé par le couple ( 763 C. civ.) et est titulaire, à l’expiration de ce délai, d’un droit viager d’habitation et d’usage de ce logement à titre onéreux (qui s’impute sur la succession) sauf volonté contraire de l’époux défunt (art. 764 C. civ.).
    • Le conjoint survivant n’est, de la sorte, pas sans protection en cas de legs à un tiers, par son époux, de la résidence familiale. L’esprit de l’article 215, al. 3e est sauf.
  • La demande en partage
    • Dans l’hypothèse où le logement familial est détenu en indivision par les époux, la question s’est posée de savoir si la demande en partage formulée par l’un d’eux tombait sous le coup de l’article 215, al. 3e du Code civil.
    • Cette situation se rencontrera notamment, lorsque les époux seront mariés sous le régime de la séparation de biens.
    • Une demande en partage est constitutive, a priori, d’un acte de disposition de sorte qu’elle devrait être soumise au consentement des deux époux, en particulier, lorsque cette demande est susceptible de conduire à priver la famille de son logement.
    • Dans un arrêt du 4 juillet 1978, la Cour de cassation a pourtant considéré que « nonobstant les dispositions de l’article 215 alinéa 3 du code civil, les époux ont le droit de demander le partage de biens indivis servant au logement de la famille et que ces dispositions doivent, hors le cas de fraude, être considérées comme inopposables aux créanciers sous peine de frapper les biens d’une insaisissabilité contraire à la loi» ( 1ère civ. 4 juill. 1978, n°76-15.253).
    • Dans cette décision, la première chambre civile semble ainsi faire primer l’application de l’article 815 sur le dispositif énoncé à l’article 215, al. 3 du Code civil.
    • Dans un arrêt du 19 octobre 2004, la Cour de cassation est toutefois venue préciser que « les dispositions de l’article 215, alinéa 3, du Code civil ne font pas obstacle à une demande en partage des biens indivis, dès lors que sont préservés les droits sur le logement de la famille» ( 1ère civ. 19 oct. 2004, n°02-13.671).
    • Autrement dit, si la demande en partage peut être formulée par un époux seul, c’est à la condition qu’elle n’ait pas pour effet de priver son conjoint de la jouissance du logement de la famille, ce qui implique que lui soit réservé un droit d’habitation et d’usage de l’immeuble dont la propriété est transférée à un attributaire tiers.
  • L’acte de cautionnement
    • Bien que l’acte de cautionnement ne soit pas constitutif d’un acte de disposition en tant que tel, dans la mesure où il consiste seulement à consentir à un créancier un droit de gage général sur le patrimoine de la caution, sa réalisation est, quant à elle, susceptible de conduire à une aliénation – forcée – des biens dont est propriétaire cette dernière.
    • Or parmi ces biens, est susceptible de figurer le logement familial ; d’où la question qui s’est posée de savoir si l’acte de cautionnement relevait du champ d’application de l’article 215, al. 3e du Code civil.
    • À cette question, il a été répondu par la négative par la Cour de cassation dans un arrêt du 21 juillet 1978, sous réserve qu’aucune fraude ne soit constatée ( 1ère civ. 21 juill. 1978, n°77-10.330).
    • Reste que, dans l’hypothèse où les époux sont mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts et que le logement familial est un bien commun, celui-ci ne pourra être saisi en exécution d’un cautionnement qu’à la condition que le conjoint de l’époux qui a agi seul ait consenti à l’acte.
    • L’article 1415 du Code civil prévoit, en effet, que « chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n’aient été contractés avec le consentement exprès de l’autre conjoint qui, dans ce cas, n’engage pas ses biens propres. »
    • En l’absence de consentement du conjoint, le cautionnement souscrit par un époux ne sera donc exécutoire que sur ses biens propres ainsi que sur ses gains et salaires.
  • Les actes d’exécution forcée accomplis par les créanciers du ménage
    • Principe
      • Il est admis de longue date que l’indisponibilité du logement de la famille au titre de l’article 215, al. 3e du Code civil n’emporte pas l’insaisissabilité de ce bien.
      • Autrement dit, cette disposition ne saurait faire obstacle à la saisie de la résidence familiale pratiquée en exécution d’une dette contractée par un époux seul.
      • Dans un arrêt du 12 octobre 1977, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’article 215, alinéa 3, du code civil, selon lequel les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, n’est pas applicable lorsqu’il s’agit d’une vente forcée poursuivie en vertu de la loi du 13 juillet 1967 sur la liquidation des biens» ( 3e civ. 12 oct. 1977, n°76-12.482).
      • Cette position se justifie en raison de l’objet de la règle posée par ce texte qui se borne à exiger le consentement des deux époux pour les seuls actes volontaires qui visent à aliéner le logement familial.
      • Lorsque l’aliénation est subie, soit lorsqu’elle procède du recouvrement forcé d’une dette contractée par un époux seul, elle échappe à l’application de l’article 215, al. 3e du Code civil.
      • Il s’agit là d’une jurisprudence constante maintenue par la Cour de cassation qui se refuse à étendre le champ d’application aux actes qui certes engagent le patrimoine du ménage, mais qui ne portent pas directement sur les droits qui assurent le logement de la famille.
      • Les cas d’aliénation forcée sont variés : il peut s’agir de la constitution d’une sûreté judiciaire ( 1ère civ. 4 oct. 1983, n°84-14093), d’une vente forcée dans le cadre d’une liquidation judiciaire (Cass. 3e civ. 12 oct. 1977, n°76-12.482) ou encore d’un partage du bien indivis provoqué par les créanciers (Cass. 1ère civ., 3 déc. 1991, n°90-12.469)
      • Ainsi que le relèvent des auteurs « la solution contraire conduirait les créanciers à exiger le consentement des deux époux, ce qui étendrait excessivement le domaine de la cogestion voulue par le législateur»[2].
      • Les juridictions réservent néanmoins le cas de la fraude qui donnerait lieu à un rétablissement de la règle posée à l’article 215, al. 3e du Code civil.
    • Tempérament
      • Par exception au principe de saisissabilité du logement familial dans le cadre du recouvrement d’une dette contractée du chef d’un seul époux, la loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique a institué à la faveur de l’entrepreneur individuel un mécanisme d’insaisissabilité de la résidence principale.
      • En application de l’article L. 526-1 du Code de commerce le dispositif ne bénéficie qu’aux seuls entrepreneurs immatriculés à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante.
      • Il convient ainsi d’opérer une distinction entre les entrepreneurs individuels pour lesquels le texte exige qu’ils soient immatriculés et ceux qui ne sont pas assujettis à cette obligation.
        • Les entrepreneurs assujettis à l’obligation d’immatriculation
          • Les commerçants doivent s’immatriculer au Registre du commerce et des sociétés
          • Les artisans doivent s’immatriculer au Répertoire des métiers
          • Les agents commerciaux doivent s’immatriculer au registre national des agents commerciaux s’il est commercial.
          • Concomitamment à cette immatriculation, l’article L. 526-4 du Code de commerce prévoit que « lors de sa demande d’immatriculation à un registre de publicité légale à caractère professionnel, la personne physique mariée sous un régime de communauté légale ou conventionnelle doit justifier que son conjoint a été informé des conséquences sur les biens communs des dettes contractées dans l’exercice de sa profession. »
        • Les entrepreneurs non assujettis à l’obligation d’immatriculation
          • Les agriculteurs n’ont pas l’obligation de s’immatriculer au registre de l’agriculture pour bénéficier du dispositif d’insaisissabilité
          • Il en va de même pour les professionnels exerçant à titre indépendant, telles que les professions libérales (avocats, architectes, médecins etc.)
      • Au total, le dispositif d’insaisissabilité bénéficie aux entrepreneurs individuels, au régime réel comme au régime des microentreprises, aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée propriétaires de biens immobiliers exerçant une activité commerciale, artisanale, libérale ou agricole, ainsi qu’aux entrepreneurs au régime de la microentreprise et aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL).
      • S’agissant du régime de l’insaisissabilité de la résidence principale, l’article 526-1, al. 1er du Code de commerce dispose que « les droits d’une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne».
      • Il ressort de cette disposition que l’insaisissabilité de la résidence principale est de droit, de sorte qu’elle n’est pas subordonnée à l’accomplissement d’une déclaration.
      • Le texte précise que lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour un usage professionnel, la partie non utilisée pour un usage professionnel est de droit insaisissable, sans qu’un état descriptif de division soit nécessaire.

Couple marié: le domaine de la protection du logement familial (art. 215, al. 3 C. civ.)

L’article 215, al. 3e du Code civil prévoit que « les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. »

Il ressort de cette disposition qu’un époux ne peut disposer seul de la résidence familiale ainsi que des meubles qui y sont attachés. Il ne peut le faire qu’avec le consentement de son conjoint, ce qui, lorsqu’il s’agit de biens propres n’est pas sans porter atteinte à son droit de propriété.

Nous nous focaliserons ici sur le domaine de la protection instituée par l’article 215, al. 3e du Code civil.

I) Le domaine de la protection quant à son objet

L’article 215, al. 3 du Code civil interdit donc les époux de disposer l’un sans l’autre « des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni ».

L’objet de l’interdiction ainsi posée est double :

  • D’une part, elle porte sur la résidence familiale
  • D’autre part, elle s’étend aux meubles meublants qui le garnissent

A) Le logement familial

À l’analyse, l’objet de l’interdiction faite aux époux de disposer seul du logement familial est des plus larges.

L’article 215, al. 3e du Code civil précise, en effet, que cette interdiction porte, non pas sur le bien qui sert de lieu de résidence aux époux, mais sur « les droits par lesquels est assuré le logement de famille ».

Deux questions alors se posent :

  • Première question: que doit-on entendre par logement de famille
  • Seconde question: quels sont les droits visés par l’interdiction formulée par le texte

==> La notion de logement de famille

Ainsi qu’il l’a été exposé précédemment, le logement familial correspond à l’endroit où réside la famille et plus encore du lieu où le ménage, composé des époux et de leurs enfants, s’est établi pour vivre.

Il s’agit, plus précisément de sa résidence principale, soit le lieu où elle vit de façon stable et habituelle.

Les résidences secondaires sont de la sorte exclues du champ d’application de l’interdiction énoncée à l’article 215, al. 3e du Code civil.

Quant au logement de fonction, il jouit d’un statut hybride en ce sens qu’il ne jouit de la protection instituée par le texte qu’autant que l’époux auquel il est attribué conserve ses fonctions. Lorsqu’il les quitte, son conjoint ne peut s’opposer à la restitution du logement.

==> Les droits dont un époux ne peut disposer seul

L’article 215, al. 3e du Code civil prévoit que l’interdiction porte sur « sur « les droits par lesquels est assuré le logement de famille ».

Il est admis, tant par la doctrine, que par la jurisprudence que sont ici visées tous les droits qui confèrent au ménage un titre de jouissance de la résidence familiale.

La Cour de cassation a jugé en ce sens, dans un arrêt du 20 janvier 2004, au visa de l’article 215, al. 3e « que ce texte institue un régime de protection du logement familial visant les droits de toute nature de l’un des conjoints sur le logement de la famille » (Cass. 1ère civ. 20 janv. 2004, n°02-12.130).

Il est donc indifférent qu’il s’agisse de droits réels ou de droits personnels. Au nombre des droits éligibles au dispositif de protection du logement de famille figurent donc :

  • Le droit de propriété
  • Le droit d’usufruit
  • Le droit d’habitation
  • Le droit au bail
  • Le droit au maintien dans les lieux

Dans un arrêt du 14 mars 2018, la Cour de cassation est venue préciser que « si l’article 215, alinéa 3, du code civil, qui a pour objectif la protection du logement familial, subordonne au consentement des deux époux les actes de disposition portant sur les droits par lesquels ce logement est assuré, c’est à la condition, lorsque ces droits appartiennent à une société civile immobilière dont l’un des époux au moins est associé, que celui-ci soit autorisé à occuper le bien en raison d’un droit d’associé ou d’une décision prise à l’unanimité de ceux-ci, dans les conditions prévues aux articles 1853 et 1854 du code civil ».

Aussi, lorsqu’il n’est justifié, poursuit la première chambre civile, d’aucun bail, droit d’habitation ou convention de mise à disposition du logement occupé par le ménage, la protection accordée par l’article 215, al. 3e doit être écartée (Cass. 1ère civ. 14 mars 2018, n°17-16.482).

L’enseignement qui peut manifestement être retiré de cet arrêt est que seuls les droits donnant vocation à la jouissance ou à l’attribution d’un logement sont visés par l’interdiction posée par ce texte.

B) Les meubles meublants

La protection instituée par l’article 215, al. 3e du Code civil ne concerne pas seulement le logement familial, elle porte également sur les meubles meublants qui le garnissent.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par meubles meublants. Pour le déterminer, il y a lieu de se reporter à l’article 534 du Code civil qui en donne une définition.

Cette disposition prévoit, en effet, que les meubles meublants correspondent à ceux « destinés à l’usage et à l’ornement des appartements, comme tapisseries, lits, sièges, glaces, pendules, tables, porcelaines et autres objets de cette nature ».

L’alinéa 2 de l’article 534 précise que, « les tableaux et les statues qui font partie du meuble d’un appartement y sont aussi compris, mais non les collections de tableaux qui peuvent être dans les galeries ou pièces particulières ». Sont ainsi exclus de la qualification de meubles meublants, les biens mobiliers qui constituent une universalité de fait.

L’alinéa 3 du texte ajoute qu’« il en est de même des porcelaines : celles seulement qui font partie de la décoration d’un appartement sont comprises sous la dénomination de “meubles meublants ».

Pour qu’un bien mobilier puisse être qualifié de meuble meublant, encore faut-il qu’il soit toujours présent dans le logement au moment où l’acte litigieux est accompli par un époux seul.

Par ailleurs, il peut être observé que l’interdiction pour les époux de disposer des meubles meublants prime sur la règle énoncée à l’article 222 du Code civil qui prévoit que « si l’un des époux se présente seul pour faire un acte d’administration, de jouissance ou de disposition sur un bien meuble qu’il détient individuellement, il est réputé, à l’égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul cet acte. »

Aussi, en cas de violation par un époux de l’interdiction posée à l’article 215, al. 3e du Code civil, l’acte accompli au mépris de cette interdiction pourrait faire l’objet d’une annulation, nonobstant la bonne foi du tiers.

Cette disposition n’est pas applicable aux meubles meublants visés à l’article 215, alinéa 3, non plus qu’aux meubles corporels dont la nature fait présumer la propriété de l’autre conjoint conformément à l’article 1404.

Cette dérogation à la présomption de pouvoir édictée par l’article 222 est expressément prévue au second alinéa de ce texte.

II) Le domaine de la protection quant aux actes

A) Principe

L’article 215, al. 3e du Code civil prévoit que les actes portant sur le logement familial soumis au consentement des deux époux sont les actes de disposition.

La formulation est des plus larges, de sorte que tous les actes qui tendent à aliéner, à titre onéreux ou à titre gratuit, le bien dans lequel le ménage a élu domicile sont d’emblée visés par l’interdiction.

Plus que l’aliénation de la résidence familiale, ce sont, en réalité, tous les actes susceptibles de priver la famille de son logement qui relèvent du domaine d’application de l’article 215, al. 3e du Code civil.

==> Les actes visant à aliéner le logement familial

Au nombre des actes qui ne peuvent être accomplis par un époux seul figurent, au premier chef, la vente ainsi que tous les actes qui en dérivent.

Ainsi, dans un arrêt du 6 avril 1994, la Cour de cassation a admis que la conclusion d’une promesse synallagmatique de vente valant vente, elle constituait un acte de disposition des droits par lequel est assuré le logement de la famille au sens de l’article 215, al. 3e du Code civil peu important que le transfert de propriété ait été reporté au jour de l’acte authentique dès lors que cette stipulation n’avait pas été considérée par les parties comme un élément essentiel à la formation de la vente (Cass. 1ère civ. 6 avr. 1994, n°92-15.000).

Dans un arrêt du 16 juin 1992, elle a encore décidé que la vente avec réserve d’usufruit au profit du seul époux propriétaire vendeur supposait le recueil du consentement de son conjoint (Cass. 1ère civ. 16 juin 1992, n°89-17.305).

De façon générale, sont visés par l’interdiction énoncée à l’article 215, al. 3e du Code civil tous les actes qui opèrent un transfert de propriété du bien, tels que la donation, l’échange ou encore l’apport en société.

Il en va de même pour les actes réalisant un démembrement du droit de propriété conduisant à priver la famille de son logement, tels que la constitution d’un usufruit, d’un droit d’habitation ou encore d’un droit d’usage.

Tel est encore le cas des actes constitutifs de sûretés sur le logement familial (hypothèque) ou sur les meubles meublant (gage).

S’agissant de la constitution d’une hypothèque, la Cour de cassation a pris le soin de préciser dans un arrêt du 4 octobre 1983 que « l’inscription d’hypothèque judiciaire qui n’est que l’exercice d’une prérogative légale accordée au titulaire d’une créance, même chirographaire, n’est pas un acte de disposition par un époux au sens de l’article 215, alinéa 3, du code civil » (Cass. 1ère civ. 4 oct. 1983, n°82-13.781).

Aussi, pour la Première chambre civile, seule l’hypothèque conventionnelle est visée par ce texte.

Dans une décision du 17 décembre 1991, elle a jugé en ce sens, au visa des articles 215, al. 3e et 2124 du Code civil « qu’il résulte du premier de ces textes que le mari ne peut disposer seul des droits par lesquels est assuré le logement de la famille ; qu’aux termes du second, les hypothèques conventionnelles ne peuvent être consenties que par ceux qui ont la capacité d’aliéner les immeubles qu’ils y soumettent » (Cass. 1ère civ. 17 déc. 1991, n°90-11.908).

La simple promesse d’affectation hypothécaire n’est, en revanche, pas soumise à l’exigence du double consentement des époux, dans la mesure où la violation d’une telle promesse donne seulement lieu à l’octroi de dommages et intérêts (Cass. 3e civ. 29 mai 2002, n°99-21.018).

En définitive, il y a donc lieu de distinguer l’aliénation volontaire du logement familial qui suppose le consentement des deux époux, de l’aliénation forcée (judiciaire) qui échappe, quant à elle, à l’application de l’article 215, al. 3e du Code civil.

==> Les actes visant à priver la famille de son logement

Une analyse de la jurisprudence révèle que la Cour de cassation ne s’est pas limitée à inclure dans le giron de l’article 215, al. 3e du Code civil les seuls actes de pure disposition.

Par une interprétation extensive de la règle, elle a jugé qu’étaient également visés par l’exigence double consentement tous les actes privant ou risquant de priver la famille de son logement.

C’est ainsi que la Cour de cassation a admis que la conclusion, par un époux seul, d’un bail au profit d’un tiers pouvait être frappée de nullité dès lors que l’acte accompli était de nature à compromettre la vocation familiale du logement donné en location (Cass. 1ère civ. 16 mai 2000, n°98-13.441).

Au soutien de sa décision, elle affirme qu’il résulte des termes généraux de l’article 215, alinéa 3, du Code civil instituant un régime de protection du logement familial que ce texte vise les actes qui anéantissent ou réduisent les droits réels ou les droits personnels de l’un des conjoints sur le logement de la famille.

Or tel est le cas, poursuit-elle, d’une location puisque conduisant à priver la famille de ses droits de jouissance ou d’occupation du logement familial.

Dans le droit fil de cette solution, la Cour de cassation a considéré que le mandat confié à un agent immobilier de vendre le logement familial exigeait le consentement des deux époux dès lors que l’acte conclu engageait le mandant (Cass. 1ère civ. 13 avr. 1983, n°82-11.121).

Pour elle, cet acte étant susceptible de priver la famille de son logement, rien ne justifie qu’il échappe à l’application de l’article 215, al. 3e du Code civil.

La première chambre civile est allée encore plus loin en jugeant, dans un arrêt du 10 mars 2004, que la résiliation du contrat d’assurance garantissant le logement familial contre d’éventuels sinistres ne pouvait être accomplie par un époux seul et exigeait donc, pour être valable, le consentement du conjoint (Cass. 2e civ. 10 mars 2004, n°02-20.275).

Cette position a pour le moins été froidement accueillie par la doctrine. Pour Isabelle Dauriac, par exemple, la solution retenue fait « le jeu d’une politique peut être à l’excès sécuritaire. Cette application de l’article 215, al. 3e est à ce point déformante qu’elle pourrait transformer l’exception de cogestion – censée éviter que la famille ne soit exposée à la privation de son toit par la seule initiative d’un époux –, en règle de principe applicable à tout acte du seul fait qu’il concerne le logement »[1].

Malgré les critiques, la Cour de cassation a persévéré dans sa position en précisant dans un arrêt du 14 novembre 2006 que la résiliation par un époux, sans le consentement de son conjoint, d’un contrat d’assurance relatif à un bien commun n’encourt la nullité « que dans la seule mesure où ce bien est affecté au logement de la famille en application de l’article 215, alinéa 3, du code civil » (Cass. 1ère civ. 14 nov. 2006, n°05-19.402).

Au bilan, il apparaît que les actes portant sur le logement familial qui requièrent le consentement des deux époux sont moins ceux qui visent à aliéner le bien, que ceux qui ont pour effet de priver la famille de son logement.

C’est là le véritable critère retenu par la jurisprudence pour déterminer si un acte relève ou non du domaine d’application de l’article 215, al. 3e du Code civil.

Reste que la règle ainsi posée n’est pas sans faire l’objet d’un certain nombre d’exceptions.

B) Exceptions

L’interdiction pour les époux d’accomplir seul un acte susceptible de priver la famille de son logement n’est pas absolue. Elle souffre de plusieurs exceptions qui intéressent plusieurs catégories d’actes.

  • Les actes n’opérant pas d’aliénation du logement familial
    • L’interdiction posée par l’article 215, al. 3e du Code civil ne se conçoit qu’en présence d’un acte qui vise à aliéner le logement familial, à tout le moins d’en priver le ménage.
    • C’est la raison pour laquelle les actes qui n’opèrent pas d’aliénation de ce bien ne requièrent pas le consentement des deux époux.
    • Ainsi, une vente assortie d’une clause de réserve d’usufruit au profit du conjoint survivant du vendeur ne semble pas être visée par l’interdiction faite aux époux de disposer seul du logement familial (TGI Paris, 16 déc. 1970).
    • Dans le même sens, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 22 mai 2019, qu’une donation avec réserve d’usufruit au profit de l’époux donateur échappait à l’exigence du double consentement, dès lors que la donation consentie ne portait pas atteinte « à l’usage et à la jouissance du logement familial».
    • À cet égard, la Cour de cassation précise qu’il est indifférent que la donation soit de nature à priver le conjoint survivant du logement de famille au décès du donateur, dans la mesure où la règle édictée à l’article 215, al. 3e du Code civil, « qui procède de l’obligation de communauté de vie des époux, ne protège le logement familial que pendant le mariage» ( 1ère civ. 22 mai 2019, n°18-16.666).
  • Les actes de disposition à cause de mort
    • La question s’est posée en jurisprudence de savoir si les actes de disposition à cause de mort (les testaments) étaient visés par l’article 215, al. 3e du Code civil.
      • Les arguments pour l’application du texte
        • Tout d’abord, il peut être avancé que l’article 215, al. 3 ne distingue pas selon la nature de l’acte accompli par un époux seul, de sorte que l’interdiction viserait indifféremment tous les actes de disposition, peu important qu’ils soient accomplis entre vifs ou à cause de mort.
        • Ensuite, il a été soutenu que le testament attribuant la résidence familiale à un tiers devait nécessairement être soumis au consentement des deux époux dans la mesure où au décès du testateur il aurait pour effet de priver la famille, à commencer par le conjoint survivant, de son logement.
        • Or ce serait là contraire à l’esprit de l’article 215, al. 3 qui a précisément été institué en vue d’assurer un toit au ménage.
      • Les arguments contre l’application du texte
        • En premier lieu, il peut être observé que, exiger d’un époux qu’il obtienne l’autorisation de son conjoint, pour léguer la propriété du logement familial qui lui appartient en propre reviendrait à porter atteinte à la liberté de tester.
        • En second lieu, et c’est là l’argument décisif nous semble-t-il, l’interdiction posée à l’article 215, al. 3e du code civil n’a cours qu’autant que le mariage perdure.
        • Or le décès d’un époux emporte dissolution de l’union matrimoniale et, par voie de conséquence, extinction de tous les droits et obligations qui y sont attachés.
        • Aussi, n’est-il pas illogique de considérer que la protection instituée par l’article 215, al. 3e ne survit pas au décès d’un époux.
    • Finalement, la Cour de cassation a tranché en faveur de l’inapplication de l’interdiction posée par ce texte aux actes de disposition accomplis à cause de mort.
    • Dans un arrêt du 22 octobre 1974, elle a jugé en ce sens que « l’article 215, alinéa 4, du code civil qui protège le logement de la famille […] le mariage ne porte pas atteinte au droit qu’à chaque conjoint de disposer de ses biens à cause de mort» ( 1ère civ. 22 oct. 1974, n°73-12.402).
    • A cet égard, il peut être observé que la portée de cette solution doit être mise en perspective avec la loi du 3 décembre 2001 qui a réformé le droit des successions.
    • Cette loi a notamment institué au profit du conjoint survivant un droit de maintien, à titre gratuit, pendant une durée d’un an, dans le logement de la famille qui était occupé par le couple ( 763 C. civ.) et est titulaire, à l’expiration de ce délai, d’un droit viager d’habitation et d’usage de ce logement à titre onéreux (qui s’impute sur la succession) sauf volonté contraire de l’époux défunt (art. 764 C. civ.).
    • Le conjoint survivant n’est, de la sorte, pas sans protection en cas de legs à un tiers, par son époux, de la résidence familiale. L’esprit de l’article 215, al. 3e est sauf.
  • La demande en partage
    • Dans l’hypothèse où le logement familial est détenu en indivision par les époux, la question s’est posée de savoir si la demande en partage formulée par l’un d’eux tombait sous le coup de l’article 215, al. 3e du Code civil.
    • Cette situation se rencontrera notamment, lorsque les époux seront mariés sous le régime de la séparation de biens.
    • Une demande en partage est constitutive, a priori, d’un acte de disposition de sorte qu’elle devrait être soumise au consentement des deux époux, en particulier, lorsque cette demande est susceptible de conduire à priver la famille de son logement.
    • Dans un arrêt du 4 juillet 1978, la Cour de cassation a pourtant considéré que « nonobstant les dispositions de l’article 215 alinéa 3 du code civil, les époux ont le droit de demander le partage de biens indivis servant au logement de la famille et que ces dispositions doivent, hors le cas de fraude, être considérées comme inopposables aux créanciers sous peine de frapper les biens d’une insaisissabilité contraire à la loi» ( 1ère civ. 4 juill. 1978, n°76-15.253).
    • Dans cette décision, la première chambre civile semble ainsi faire primer l’application de l’article 815 sur le dispositif énoncé à l’article 215, al. 3 du Code civil.
    • Dans un arrêt du 19 octobre 2004, la Cour de cassation est toutefois venue préciser que « les dispositions de l’article 215, alinéa 3, du Code civil ne font pas obstacle à une demande en partage des biens indivis, dès lors que sont préservés les droits sur le logement de la famille» ( 1ère civ. 19 oct. 2004, n°02-13.671).
    • Autrement dit, si la demande en partage peut être formulée par un époux seul, c’est à la condition qu’elle n’ait pas pour effet de priver son conjoint de la jouissance du logement de la famille, ce qui implique que lui soit réservé un droit d’habitation et d’usage de l’immeuble dont la propriété est transférée à un attributaire tiers.
  • L’acte de cautionnement
    • Bien que l’acte de cautionnement ne soit pas constitutif d’un acte de disposition en tant que tel, dans la mesure où il consiste seulement à consentir à un créancier un droit de gage général sur le patrimoine de la caution, sa réalisation est, quant à elle, susceptible de conduire à une aliénation – forcée – des biens dont est propriétaire cette dernière.
    • Or parmi ces biens, est susceptible de figurer le logement familial ; d’où la question qui s’est posée de savoir si l’acte de cautionnement relevait du champ d’application de l’article 215, al. 3e du Code civil.
    • À cette question, il a été répondu par la négative par la Cour de cassation dans un arrêt du 21 juillet 1978, sous réserve qu’aucune fraude ne soit constatée ( 1ère civ. 21 juill. 1978, n°77-10.330).
    • Reste que, dans l’hypothèse où les époux sont mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts et que le logement familial est un bien commun, celui-ci ne pourra être saisi en exécution d’un cautionnement qu’à la condition que le conjoint de l’époux qui a agi seul ait consenti à l’acte.
    • L’article 1415 du Code civil prévoit, en effet, que « chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n’aient été contractés avec le consentement exprès de l’autre conjoint qui, dans ce cas, n’engage pas ses biens propres. »
    • En l’absence de consentement du conjoint, le cautionnement souscrit par un époux ne sera donc exécutoire que sur ses biens propres ainsi que sur ses gains et salaires.
  • Les actes d’exécution forcée accomplis par les créanciers du ménage
    • Principe
      • Il est admis de longue date que l’indisponibilité du logement de la famille au titre de l’article 215, al. 3e du Code civil n’emporte pas l’insaisissabilité de ce bien.
      • Autrement dit, cette disposition ne saurait faire obstacle à la saisie de la résidence familiale pratiquée en exécution d’une dette contractée par un époux seul.
      • Dans un arrêt du 12 octobre 1977, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’article 215, alinéa 3, du code civil, selon lequel les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, n’est pas applicable lorsqu’il s’agit d’une vente forcée poursuivie en vertu de la loi du 13 juillet 1967 sur la liquidation des biens» ( 3e civ. 12 oct. 1977, n°76-12.482).
      • Cette position se justifie en raison de l’objet de la règle posée par ce texte qui se borne à exiger le consentement des deux époux pour les seuls actes volontaires qui visent à aliéner le logement familial.
      • Lorsque l’aliénation est subie, soit lorsqu’elle procède du recouvrement forcé d’une dette contractée par un époux seul, elle échappe à l’application de l’article 215, al. 3e du Code civil.
      • Il s’agit là d’une jurisprudence constante maintenue par la Cour de cassation qui se refuse à étendre le champ d’application aux actes qui certes engagent le patrimoine du ménage, mais qui ne portent pas directement sur les droits qui assurent le logement de la famille.
      • Les cas d’aliénation forcée sont variés : il peut s’agir de la constitution d’une sûreté judiciaire ( 1ère civ. 4 oct. 1983, n°84-14093), d’une vente forcée dans le cadre d’une liquidation judiciaire (Cass. 3e civ. 12 oct. 1977, n°76-12.482) ou encore d’un partage du bien indivis provoqué par les créanciers (Cass. 1ère civ., 3 déc. 1991, n°90-12.469)
      • Ainsi que le relèvent des auteurs « la solution contraire conduirait les créanciers à exiger le consentement des deux époux, ce qui étendrait excessivement le domaine de la cogestion voulue par le législateur»[2].
      • Les juridictions réservent néanmoins le cas de la fraude qui donnerait lieu à un rétablissement de la règle posée à l’article 215, al. 3e du Code civil.
    • Tempérament
      • Par exception au principe de saisissabilité du logement familial dans le cadre du recouvrement d’une dette contractée du chef d’un seul époux, la loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique a institué à la faveur de l’entrepreneur individuel un mécanisme d’insaisissabilité de la résidence principale.
      • En application de l’article L. 526-1 du Code de commerce le dispositif ne bénéficie qu’aux seuls entrepreneurs immatriculés à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante.
      • Il convient ainsi d’opérer une distinction entre les entrepreneurs individuels pour lesquels le texte exige qu’ils soient immatriculés et ceux qui ne sont pas assujettis à cette obligation.
        • Les entrepreneurs assujettis à l’obligation d’immatriculation
          • Les commerçants doivent s’immatriculer au Registre du commerce et des sociétés
          • Les artisans doivent s’immatriculer au Répertoire des métiers
          • Les agents commerciaux doivent s’immatriculer au registre national des agents commerciaux s’il est commercial.
          • Concomitamment à cette immatriculation, l’article L. 526-4 du Code de commerce prévoit que « lors de sa demande d’immatriculation à un registre de publicité légale à caractère professionnel, la personne physique mariée sous un régime de communauté légale ou conventionnelle doit justifier que son conjoint a été informé des conséquences sur les biens communs des dettes contractées dans l’exercice de sa profession. »
        • Les entrepreneurs non assujettis à l’obligation d’immatriculation
          • Les agriculteurs n’ont pas l’obligation de s’immatriculer au registre de l’agriculture pour bénéficier du dispositif d’insaisissabilité
          • Il en va de même pour les professionnels exerçant à titre indépendant, telles que les professions libérales (avocats, architectes, médecins etc.)
      • Au total, le dispositif d’insaisissabilité bénéficie aux entrepreneurs individuels, au régime réel comme au régime des microentreprises, aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée propriétaires de biens immobiliers exerçant une activité commerciale, artisanale, libérale ou agricole, ainsi qu’aux entrepreneurs au régime de la microentreprise et aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL).
      • S’agissant du régime de l’insaisissabilité de la résidence principale, l’article 526-1, al. 1er du Code de commerce dispose que « les droits d’une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne».
      • Il ressort de cette disposition que l’insaisissabilité de la résidence principale est de droit, de sorte qu’elle n’est pas subordonnée à l’accomplissement d’une déclaration.
      • Le texte précise que lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour un usage professionnel, la partie non utilisée pour un usage professionnel est de droit insaisissable, sans qu’un état descriptif de division soit nécessaire.

III) Le domaine de la protection quant à la durée

Il est admis que la protection du logement familial opère aussi longtemps que le mariage perdure.

Aussi, seule la dissolution de l’union matrimoniale est susceptible de mettre fin à l’interdiction posée à l’article 215, al. 3 du Code civil.

À cet égard, dans un arrêt du 22 mai 2019, la Cour de cassation a affirmé que la règle édictée à l’article 215, al. 3e du Code civil, « qui procède de l’obligation de communauté de vie des époux, ne protège le logement familial que pendant le mariage » (Cass. 1ère civ. 22 mai 2019, n°18-16.666).

La séparation de fait des époux est donc sans incidence sur les effets de cette règle qui ne sont nullement suspendus en pareille circonstance (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 16 mai 2000, n°98-13.141).

Il en va de même s’agissant de la séparation de droit, telle que celle qui intervient dans le cadre d’une procédure de divorce.

La plupart du temps, le juge attribuera temporairement la jouissance du logement familial à l’un des époux pendant toute la durée de l’instance.

Dans un arrêt du 26 janvier 2011, la Cour de cassation a jugé, à cet égard, que « le logement de la famille ne perd pas cette qualité lorsque sa jouissance a été attribuée, à titre provisoire, à l’un des époux pour la durée de l’instance en divorce »

Elle en déduit que, en cas de vente de ce bien par un époux seul sans le consentement de son conjoint alors que la dissolution du mariage n’est pas encore intervenue, est nulle en application de l’article 215, alinéa 3, du code civil (Cass. 1ère civ. 26 janv. 2011, n° 09-13.138).

Dans un arrêt du 30 septembre 2011, elle a toutefois précisé que « l’attribution, à titre provisoire, de la jouissance du domicile conjugal à l’un des époux par le juge du divorce ne fait pas obstacle à une autorisation judiciaire de vente du logement familial à la demande de l’autre époux en application de l’article 217 du code civil » (Cass. 1ère civ. 30 sept. 2009, n°08-13.220).

[1] I. Dauriac, Les régimes matrimoniaux et le pacs, éd. LGDJ, 2010, n°61, p. 47.

[2] J. Flour et Gérard Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand Colin, éd. 2001, n°126, p. 119.

Le choix du logement familial ou l’exercice d’une fonction conjointe des époux (art. 215, al. 2e C. civ.)

Parce que les époux se sont mutuellement obligés à une communauté de vie, ils doivent affecter un lieu à leur résidence familiale. C’est le logement de la famille.

Ce logement de la famille a pour fonction première d’abriter la cellule familiale et plus précisément d’être le point d’ancrage de la vie du ménage. C’est lui qui assure l’unité, la cohésion et la sécurité de la famille. D’une certaine manière, ainsi que l’observe Anne Karm, il la protège des « agressions matérielles et morales extérieures »[1].

Pour toutes ces raisons, le logement familial bénéficie d’un statut particulier, l’objectif recherché par le législateur étant de faire primer l’intérêt de la famille sur des considérations d’ordre purement patrimonial.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par logement de famille, l’enjeu étant de pouvoir déterminer quels sont les lieux éligibles à la protection instituée par la loi.

==> Notion de logement familial

Les textes sont silencieux sur la notion de logement familial. L’article 215 du Code civil, qui régit son statut, ne fournit aucune définition.

Ainsi que le relèvent des auteurs, la notion de logement de la famille « à la différence du domicile, notion de droit […] est une notion concrète qui exprime une donnée de fait »[2].

En substance, il s’agit de l’endroit où réside la famille et plus encore du lieu où le ménage, composé des époux et de leurs enfants, s’est établi pour vivre.

Aussi, le logement familial correspond nécessairement à la résidence principale du ménage, soit le lieu, pour reprendre la formule d’un auteur, « où se concentrent les intérêts moraux et patrimoniaux de la famille »[3].

Pratiquement, il s’agit donc de l’endroit qui est effectivement occupé par le ménage et qui est donc susceptible de changer autant de fois que la famille déménage.

Il s’en déduit que la résidence secondaire ne peut jamais, par hypothèse, endosser la qualification de logement familial au sens de l’article 215, al. 2e du Code civil.

La Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt du 19 octobre 1999, aux termes duquel elle a affirmé « qu’un immeuble qui sert de résidence secondaire aux époux, et non de résidence principale, ne constitue pas le logement familial » (Cass. 1ère civ. 19 oct. 1999, n°97-21.466).

Seule la résidence principale est ainsi éligible à la qualification de logement de la famille.

Quant au logement de fonction, il ressort d’un arrêt du 4 octobre 1983 (Cass. 1ère civ. 4 oct. 1983, n°84-14093), qu’il se voit appliquer d’un statut hybride. Il convient, en effet, de s’attacher à la situation du conjoint qui bénéficie de ce logement :

  • Tant que l’époux exerce ses fonctions, le logement qui lui est attribué au titre de son activité professionnelle endosse le statut de résidence familiale, dès lors que c’est à cet endroit que le ménage vie
    • Il en résulte qu’il lui est fait défense de renoncer à son logement de fonction pour des convenances d’ordre personnel, à tout le moins sans obtenir le consentement de son conjoint.
    • Il lui faudra donc observer les règles énoncées à l’article 215, al. 3e du Code civil.
  • Lorsque, en revanche, l’époux quitte ses fonctions, le logement qui lui est attribué au titre de son activité professionnelle perd son statut de résidence familiale
    • La conséquence en est que le conjoint ne peut pas s’opposer à la restitution de ce logement.
    • La première chambre civile justifie cette position en arguant que l’application du dispositif posé à l’article 215, al. 3e du Code civil serait de nature à porter atteinte à la liberté d’exercice professionnel de l’époux auquel est attribué le logement de fonction.

Enfin, il convient de préciser que le logement de la famille ne se confond pas nécessairement avec la résidence des époux qui peuvent, pour de multiples raisons, vivre séparément.

Dans un arrêt du 22 mars 1972, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « le logement de la famille ne s’identifie pas nécessairement avec le domicile conjugal » (Cass. 1ère civ. 22 mars 1972, n°70-14.049).

Toute la question est alors de savoir quel est le logement familial lorsque les époux ne résident pas au même endroit.

==> Logement familial et séparation des époux

La plupart du temps, tous les membres du ménage vivent sous le même toit, de sorte que l’identification de la résidence familiale ne soulèvera aucune difficulté.

Il est néanmoins des circonstances, de droit ou de fait, susceptibles de conduire les époux à vivre séparément. En pareil cas, la question se pose inévitablement du lieu de situation du logement de la famille.

Pour le déterminer, il y a lieu de distinguer deux situations :

  • Première situation : l’un des époux occupe la résidence dans laquelle le ménage s’était établi avant la séparation du couple
    • Dans cette hypothèse, la Cour de cassation considère que la séparation est sans incidence sur le lieu de la résidence familiale.
    • Ce lieu ne change pas : il demeure celui choisi en commun par les époux avant que la situation de crise ne surgisse (v. en ce sens 1ère civ. 14 nov. 2006, n°05-19.402).
    • Dans un arrêt du 26 janvier 2011, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser en ce sens que « le logement de la famille ne perd pas cette qualité lorsque sa jouissance a été attribuée, à titre provisoire, à l’un des époux pour la durée de l’instance en divorce» ( 1ère civ. 26 janv. 2011, n°09-13.138).
  • Seconde situation : les époux ont tous deux quitter la résidence dans laquelle le ménage s’était établi avant la séparation du couple
    • Dans cette hypothèse, le juge est susceptible de désigner le lieu qu’il considérera comme constituant le logement de la famille en se laissant guider par un faisceau d’indices.
    • Il pourra notamment prendre en compte le lieu de résidence des enfants où encore l’endroit où l’un des époux a décidé d’installer son conjoint.
    • Quid néanmoins lorsqu’aucun élément tangible ne permet de désigner le lieu de situation de la résidence familiale, notamment lorsque les époux n’ont pas d’enfants, à tout le moins à charge ?
    • Doit-on considérer les logements occupés séparément par les époux endossent tous deux la qualification de résidence familiale ou peut-on admettre que le logement de la famille n’a tout bonnement pas survécu à la séparation du ménage ?
    • La doctrine est partagée sur ce point. Quant à la jurisprudence, elle ne s’est pas encore prononcée.

Au total, l’identification du logement familial présente un enjeu majeur, dans la mesure où elle permet de déterminer quelle résidence est protégée par le régime primaire.

À cet égard, ce statut protecteur attaché au logement de la famille repose sur deux dispositifs énoncés aux alinéas 2 et 3 de l’article 215 du Code civil :

  • Le premier dispositif vise à encadrer le choix du logement familial qui ne peut procéder que d’un commun accord des époux
  • Le second dispositif vise quant à lui à protéger le logement familial d’actes accomplis par un époux seul qui porterait atteinte à l’intérêt de la famille

Nous nous focaliserons ici sur le premier dispositif.

I) Principe

L’article 215, al. 2e du Code civil prévoit que « la résidence de la famille est au lieu qu’ils choisissent d’un commun accord. »

Le choix du logement de la famille ne peut ainsi se faire sans le consentement des deux époux, lesquels doivent nécessairement s’entendre sur l’établissement de leur lieu de vie.

Cette règle n’est autre qu’une application particulière du principe général énoncé à l’article 213 du Code civil qui prévoit que « les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. »

Plus qu’un principe de bonne administration de la famille, l’exercice de cette fonction conjointe est un acquis de haute lutte de la femme mariée qui, naguère, demeurait placée sous la férule de son époux.

==> Le choix de la résidence familiale comme prérogative exclusive du mari

Dans sa rédaction initiale, le Code civil reconnaissait au mari une autorité sur son épouse qui devait lui obéir.

Cette puissance maritale était notamment exprimée aux anciens articles 213 et 214 qui disposaient respectivement que :

  • D’une part, « le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari» ( 213 C. civ.)
  • D’autre part, « la femme est obligée d’habiter avec le mari, et de le suivre par-tout où il juge à propos de résider : le mari est obligé de la recevoir, et de lui fournir tout ce qui est nécessaire pour les besoins de la vie, selon ses facultés et son état. » ( 214 C. civ.)

Ainsi, est-il fait obligation à la femme mariée de résider avec son mari, tandis que ce dernier était investi du pouvoir de choisir le lieu où le ménage allait élire domicile.

Cette prérogative conférée au mari quant au choix de la résidence familiale était renforcée par l’article 108 du Code civil qui prévoyait que « la femme mariée n’a point d’autre domicile que celui de son mari. »

La jurisprudence avait néanmoins admis que la femme puisse refuser de suivre son mari lorsque, conformément à l’article 214 du Code civil, il n’était pas en mesure de lui fournir un logement décent et plus généralement « tout ce qui est nécessaire pour les besoins de la vie ».

Puis, par l’adoption de la loi du 18 février 1938 qui a aboli l’incapacité civile de la femme mariée, le législateur a entendu lui reconnaître une action lui permettant, en cas de fixation abusive par le mari de la résidence familial qui conservait son pouvoir, de saisir le juge aux fins d’être autorisée à vivre séparément avec ses enfants.

La loi du 22 décembre 1942 est, par suite, venue préciser la règle en prévoyant que « lorsque la résidence fixée par le mari présente pour la famille des dangers d’ordre physique ou d’ordre moral, la femme peut, par exception, être autorisée à avoir, pour elle et ses enfants, une autre résidence fixée par le juge. »

Le choix du logement de la famille demeurait néanmoins réservé au seul mari qui conservait donc la fonction de chef de famille.

Comme le relèvent des auteurs « de cette qualité il fallait en déduire que, sur le plan moral, le mari assurait la direction du ménage et que, sur le plan juridique, il gardait une certaine prééminence et un pouvoir de décision en ce qui concerne les intérêts communs des époux et de la famille »[4].

==> Le choix de la résidence familiale comme fonction conjointe des époux

Il a fallu attendre la loi du 4 juin 1970 pour que la femme mariée soit associée à l’exercice de la fonction de direction matérielle et morale de la famille qui avait toujours relevé, jusqu’alors, du monopole du mari.

L’égalité dans le cadre de la relation conjugale n’était toutefois pas encore totale. Si l’article 215, al. 2 du Code civil prévoyait que le choix de la résidence familiale devait se faire d’un commun accord entre les époux, il précisait que, en cas de mésentente, c’est au mari qu’il revenait de trancher le désaccord.

À l’analyse, cette prérogative lui a été conférée aux fins, moins de lui consentir une dernière parcelle de prééminence sur la direction de la famille, que pour faire obstacle à l’immixtion du juge dans la vie du ménage.

Le législateur avait, en effet, à l’esprit que, en cas de désaccord des époux quant à la fixation du logement de la famille, il fallait permettre au ménage de sortir de l’impasse.

Aussi, les parlementaires ont-ils considéré, à l’époque, que la moins mauvaise des solutions étaient de confier le sort du ménage au mari, plutôt qu’à un juge qui serait bien en peine de trancher leur désaccord, sauf les cas où la décision prise serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la famille.

Reste que, octroyer au mari le dernier mot pour le choix de la résidence familiale revenait à maintenir la prépondérance maritale, alors même que le mouvement législatif qui s’était enclenché dès le début du XXe siècle tendait à l’instauration d’une égalité dans les rapports conjugaux.

Très vite, cette solution est apparue comme s’inscrivant à contre-courant de l’évolution des mœurs et plus encore comme constituant le dernier obstacle à l’instauration d’une véritable égalité entre l’homme et la femme dans les rapports conjugaux.

Soucieux de libérer définitivement la femme mariée de la tutelle de son mari, le législateur est donc intervenu cinq ans plus tard. Il a adopté la loi du 11 juillet 1975 qui retire au mari le pouvoir de fixer seul le lieu de résidence du ménage en cas de désaccord avec son épouse.

L’article 215, al. 2e du Code civil se borne désormais à énoncer que le choix du logement de la famille doit être fait conjointement par les époux, sans que l’un ne dispose d’une voix prépondérante sur l’autre.

La loi du 11 juillet 1975 a complété ce dispositif en précisant que « le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans qu’il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de la vie. »

Il est ainsi dorénavant admis que les époux puissent disposer de domiciles distincts, ce qui pourra être le cas pour des raisons professionnelles. Obligation leur est néanmoins faite de vivre ensemble dans la résidence familiale qu’ils choisissent en commun.

II) Mise en œuvre

En application de l’article 215 al. 2e du Code civil, le choix de la résidence familiale procède donc d’une décision que les époux doivent nécessairement prendre conjointement.

Ainsi que le relève la doctrine, ce choix porte moins sur un lieu, que sur un cadre de vie en ce sens qu’ils doivent se mettre d’accord sur l’environnement dans lequel ils entendent faire vie commune.

Cet environnement doit notamment offrir à la famille des conditions d’habitation décentes, ainsi qu’une jouissance des lieux fondée sur un titre.

À cet égard, l’accord conclu par les époux est valable aussi longtemps qu’ils s’entendent sur le lieu de vie du ménage.

Reste qu’un désaccord entre eux n’est pas à exclure, désaccord qui ne sera autre que la manifestation d’une situation de crise. En pareil cas, la question se posera de la fixation de la résidence familiale.

Or l’article 215 ne règle plus cette situation comme il le faisait sous l’empire du droit antérieur en réservant au mari le droit d’imposer son choix à son épouse.

Faute de règle de conflits prévue par les textes, il appartiendra donc aux époux, en cas de mésentente, de saisir le juge, seul recours possible pour trancher le litige qui les oppose.

L’exercice d’un tel recours demeure toutefois très théorique. Lorsque, en effet, les époux ne s’entendent pas sur la fixation de la résidence principale, ils en tireront presque toujours la conséquence, soit en mettant fin à leur ménage, soit en vivant séparément.

[1] A. Karm, Mariage – Organisation de la communauté conjugale et familiale – Communauté de résidence, Jurisclasseur, fasc. 30, n°3.

[2] J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand Colin, 2001, n°123, p. 113.

[3] I. Dauriac, Les régimes matrimoniaux, éd. LGDJ, 2010, n°53, p. 42.

[4] F. Terré et D. Fenouillet, Droit civil – La famille, éd. Dalloz, 2011, n°169, p. 148.

Le statut du logement familial: vue générale

Parce que les époux se sont mutuellement obligés à une communauté de vie, ils doivent affecter un lieu à leur résidence familiale. C’est le logement de la famille.

Ce logement de la famille a pour fonction première d’abriter la cellule familiale et plus précisément d’être le point d’ancrage de la vie du ménage. C’est lui qui assure l’unité, la cohésion et la sécurité de la famille. D’une certaine manière, ainsi que l’observe Anne Karm, il la protège des « agressions matérielles et morales extérieures »[1].

Pour toutes ces raisons, le logement familial bénéficie d’un statut particulier, l’objectif recherché par le législateur étant de faire primer l’intérêt de la famille sur des considérations d’ordre purement patrimonial.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par logement de famille, l’enjeu étant de pouvoir déterminer quels sont les lieux éligibles à la protection instituée par la loi.

==> Notion de logement familial

Les textes sont silencieux sur la notion de logement familial. L’article 215 du Code civil, qui régit son statut, ne fournit aucune définition.

Ainsi que le relèvent des auteurs, la notion de logement de la famille « à la différence du domicile, notion de droit […] est une notion concrète qui exprime une donnée de fait »[2].

En substance, il s’agit de l’endroit où réside la famille et plus encore du lieu où le ménage, composé des époux et de leurs enfants, s’est établi pour vivre.

Aussi, le logement familial correspond nécessairement à la résidence principale du ménage, soit le lieu, pour reprendre la formule d’un auteur, « où se concentrent les intérêts moraux et patrimoniaux de la famille »[3].

Pratiquement, il s’agit donc de l’endroit qui est effectivement occupé par le ménage et qui est donc susceptible de changer autant de fois que la famille déménage.

Il s’en déduit que la résidence secondaire ne peut jamais, par hypothèse, endosser la qualification de logement familial au sens de l’article 215, al. 2e du Code civil.

La Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt du 19 octobre 1999, aux termes duquel elle a affirmé « qu’un immeuble qui sert de résidence secondaire aux époux, et non de résidence principale, ne constitue pas le logement familial » (Cass. 1ère civ. 19 oct. 1999, n°97-21.466).

Seule la résidence principale est ainsi éligible à la qualification de logement de la famille.

Quant au logement de fonction, il ressort d’un arrêt du 4 octobre 1983 (Cass. 1ère civ. 4 oct. 1983, n°84-14093), qu’il se voit appliquer d’un statut hybride. Il convient, en effet, de s’attacher à la situation du conjoint qui bénéficie de ce logement :

  • Tant que l’époux exerce ses fonctions, le logement qui lui est attribué au titre de son activité professionnelle endosse le statut de résidence familiale, dès lors que c’est à cet endroit que le ménage vie
    • Il en résulte qu’il lui est fait défense de renoncer à son logement de fonction pour des convenances d’ordre personnel, à tout le moins sans obtenir le consentement de son conjoint.
    • Il lui faudra donc observer les règles énoncées à l’article 215, al. 3e du Code civil.
  • Lorsque, en revanche, l’époux quitte ses fonctions, le logement qui lui est attribué au titre de son activité professionnelle perd son statut de résidence familiale
    • La conséquence en est que le conjoint ne peut pas s’opposer à la restitution de ce logement.
    • La première chambre civile justifie cette position en arguant que l’application du dispositif posé à l’article 215, al. 3e du Code civil serait de nature à porter atteinte à la liberté d’exercice professionnel de l’époux auquel est attribué le logement de fonction.

Enfin, il convient de préciser que le logement de la famille ne se confond pas nécessairement avec la résidence des époux qui peuvent, pour de multiples raisons, vivre séparément.

Dans un arrêt du 22 mars 1972, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « le logement de la famille ne s’identifie pas nécessairement avec le domicile conjugal » (Cass. 1ère civ. 22 mars 1972, n°70-14.049).

Toute la question est alors de savoir quel est le logement familial lorsque les époux ne résident pas au même endroit.

==> Logement familial et séparation des époux

La plupart du temps, tous les membres du ménage vivent sous le même toit, de sorte que l’identification de la résidence familiale ne soulèvera aucune difficulté.

Il est néanmoins des circonstances, de droit ou de fait, susceptibles de conduire les époux à vivre séparément. En pareil cas, la question se pose inévitablement du lieu de situation du logement de la famille.

Pour le déterminer, il y a lieu de distinguer deux situations :

  • Première situation : l’un des époux occupe la résidence dans laquelle le ménage s’était établi avant la séparation du couple
    • Dans cette hypothèse, la Cour de cassation considère que la séparation est sans incidence sur le lieu de la résidence familiale.
    • Ce lieu ne change pas : il demeure celui choisi en commun par les époux avant que la situation de crise ne surgisse (v. en ce sens 1ère civ. 14 nov. 2006, n°05-19.402).
    • Dans un arrêt du 26 janvier 2011, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser en ce sens que « le logement de la famille ne perd pas cette qualité lorsque sa jouissance a été attribuée, à titre provisoire, à l’un des époux pour la durée de l’instance en divorce» ( 1ère civ. 26 janv. 2011, n°09-13.138).
  • Seconde situation : les époux ont tous deux quitter la résidence dans laquelle le ménage s’était établi avant la séparation du couple
    • Dans cette hypothèse, le juge est susceptible de désigner le lieu qu’il considérera comme constituant le logement de la famille en se laissant guider par un faisceau d’indices.
    • Il pourra notamment prendre en compte le lieu de résidence des enfants où encore l’endroit où l’un des époux a décidé d’installer son conjoint.
    • Quid néanmoins lorsqu’aucun élément tangible ne permet de désigner le lieu de situation de la résidence familiale, notamment lorsque les époux n’ont pas d’enfants, à tout le moins à charge ?
    • Doit-on considérer les logements occupés séparément par les époux endossent tous deux la qualification de résidence familiale ou peut-on admettre que le logement de la famille n’a tout bonnement pas survécu à la séparation du ménage ?
    • La doctrine est partagée sur ce point. Quant à la jurisprudence, elle ne s’est pas encore prononcée.

Au total, l’identification du logement familial présente un enjeu majeur, dans la mesure où elle permet de déterminer quelle résidence est protégée par le régime primaire.

À cet égard, ce statut protecteur attaché au logement de la famille repose sur deux dispositifs énoncés aux alinéas 2 et 3 de l’article 215 du Code civil :

  • Le premier dispositif vise à encadrer le choix du logement familial qui ne peut procéder que d’un commun accord des époux
  • Le second dispositif vise quant à lui à protéger le logement familial d’actes accomplis par un époux seul qui porterait atteinte à l’intérêt de la famille

[1] A. Karm, Mariage – Organisation de la communauté conjugale et familiale – Communauté de résidence, Jurisclasseur, fasc. 30, n°3.

[2] J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand Colin, 2001, n°123, p. 113.

[3] I. Dauriac, Les régimes matrimoniaux, éd. LGDJ, 2010, n°53, p. 42.

L’insaisissabilité de la résidence principale et des biens immobiliers non affectés à l’usage professionnel

Parce que la personnalité juridique est indivisible et que le patrimoine est une émanation de cette personnalité, une même personne ne peut, par principe, être titulaire que d’un seul patrimoine. Aussi, parle-t-on, d’unicité ou d’indivisibilité du patrimoine.

  • Positivement, il en résulte que le passif répond du passif et que l’ensemble des dettes sont exécutoires sur l’ensemble des biens, conformément aux articles 2284 et 2285 du Code civil
  • Négativement, il se déduit qu’il est interdit d’isoler certains éléments du patrimoine, pour constituer une universalité distincte du reste du patrimoine

Ainsi, une personne qui affecterait certains biens à l’exercice d’une activité professionnelle n’aurait, par principe, pas pour effet de créer un ensemble de biens et de dettes séparé de son patrimoine personnel, sauf à créer une personne morale ou à accomplir les formalités aux fins de constituer un patrimoine professionnel.

Le principe d’unicité du patrimoine est assorti de plusieurs exceptions qui tiennent :

  • Au régime juridique de la fiducie
  • Au statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée
  • A l’insaisissabilité des biens immobiliers non affectés à l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel
  • Au statut de l’agent des sûretés

Nous nous focaliserons ici sur l’insaisissabilité dont font l’objet certains biens détenus par l’entrepreneur individuel.

I) Principe de l’insaisissabilité

A partir de 2003, le législateur a adopté plusieurs textes qui visent à rendre insaisissable de la résidence principale et plus généralement les biens immobiliers détenus par l’entrepreneur individuel.

Les biens couverts par cette insaisissabilité sont, en effet, exclus du gage général des créanciers, ce qui revient à créer une masse de biens protégée au sein même du patrimoine de l’entrepreneur individuel.

Cette protection patrimoniale dont jouit ce dernier a été organisée par une succession de lois qui, au fil des réformes, ont non seulement assoupli les conditions de l’insaisissabilité de la résidence principale, mais encore ont étendu son assiette aux autres biens immobiliers non affectés à l’activité professionnelle.

  • Première étape : la loi n° 2003-271 du 1er août 2003 sur l’initiative économique avait permis à l’entrepreneur individuel de rendre insaisissables les droits qu’il détient sur l’immeuble lui servant de résidence principale.
  • Deuxième étape: la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, dite loi de modernisation de l’économie (LME) a étendu le bénéfice de l’insaisissabilité aux droits détenus par l’entrepreneur individuel sur tout bien foncier bâti ou non bâti non affecté à un usage professionnel.
  • Troisième étape: la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a limité les effets de la déclaration d’insaisissabilité en prévoyant que celle-ci n’est pas opposable à l’administration fiscale lorsqu’elle relève, à l’encontre du déclarant, soit des manœuvres frauduleuses, soit l’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales au sens de l’article 1729 du code général des impôts.
  • Quatrième étape: la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a rendu, de plein droit, insaisissable la résidence principale de l’entrepreneur individuel

Ainsi, cette dernière loi a-t-elle renforcé la protection de ce dernier qui n’est plus obligé d’accomplir une déclaration pour bénéficier du dispositif d’insaisissabilité.

Reste que cette insaisissabilité, de droit, ne vaut que pour la résidence principale. S’agissant, en effet, des autres biens immobiliers détenus par l’entrepreneur et non affectés à son activité professionnelle, leur insaisissabilité est subordonnée à l’accomplissement d’un acte de déclaration.

II) Domaine

En application de l’article L. 526-1 du Code de commerce le dispositif ne bénéficie qu’aux seuls entrepreneurs immatriculés à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante.

Il convient ainsi d’opérer une distinction entre les entrepreneurs individuels pour lesquels le texte exige qu’ils soient immatriculés et ceux qui ne sont pas assujettis à cette obligation

  • Les entrepreneurs assujettis à l’obligation d’immatriculation
    • Les commerçants doivent s’immatriculer au Registre du commerce et des sociétés
    • Les artisans doivent s’immatriculer au Répertoire des métiers
    • Les agents commerciaux doivent s’immatriculer au registre national des agents commerciaux s’il est commercial.
    • Concomitamment à cette immatriculation, l’article L. 526-4 du Code de commerce prévoit que « lors de sa demande d’immatriculation à un registre de publicité légale à caractère professionnel, la personne physique mariée sous un régime de communauté légale ou conventionnelle doit justifier que son conjoint a été informé des conséquences sur les biens communs des dettes contractées dans l’exercice de sa profession. »
  • Les entrepreneurs non assujettis à l’obligation d’immatriculation
    • Les agriculeurs n’ont pas l’obligation de s’immatriculer au registre de l’agriculture pour bénéficier du dispositif d’insaisissabilité
    • Il en va de même pour les professionnels exerçant à titre indépendant, telles que les professions libérales (avocats, architectes, médecins etc.)

 Au total, le dispositif d’insaisissabilité bénéficie aux entrepreneurs individuels, au régime réel comme au régime des microentreprises, aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée propriétaires de biens immobiliers exerçant une activité commerciale, artisanale, libérale ou agricole, ainsi qu’aux entrepreneurs au régime de la microentreprise et aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL).

III) Régime

Désormais, le régime de l’insaisissabilité des biens immobiliers détenus par l’entrepreneur individuel diffère, selon qu’il s’agit de sa résidence principale ou de ses autres biens immobiliers.

==> L’insaisissabilité de la résidence principale

L’article L. 526-1, al. 1er du Code de commerce dispose désormais en ce sens que « les droits d’une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne ».

Il ressort de cette disposition que l’insaisissabilité de la résidence principale est de droit, de sorte qu’elle n’est pas subordonnée à l’accomplissement d’une déclaration.

Le texte précise que lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour un usage professionnel, la partie non utilisée pour un usage professionnel est de droit insaisissable, sans qu’un état descriptif de division soit nécessaire.

==> L’insaisissabilité des biens immobiliers autres que la résidence principale

L’article L. 526-1, al. 2e du Code de commerce prévoit que « une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, qu’elle n’a pas affecté à son usage professionnel. »

Ainsi, si les biens immobiliers autres que la résidence principale peuvent bénéficier du dispositif de l’insaisissabilité, c’est à la double condition que l’entrepreneur individuel accomplisse, outre les formalités d’immatriculation le cas échéant requises, qu’il accomplisse une déclaration d’insaisissabilité et qu’il procède aux formalités de publication.

  • Sur l’établissement de la déclaration d’insaisissabilité
    • L’article L. 526-2 du Code de commerce précise qu’elle doit être reçue par notaire sous peine de nullité.
    • C’est donc par acte notarié que la déclaration d’insaisissabilité doit être établie
    • En outre, elle doit contenir la description détaillée des biens et l’indication de leur caractère propre, commun ou indivis.
    • Par ailleurs, l’article L. 526-1 du Code de commerce prévoit que lorsque le bien foncier n’est pas utilisé en totalité pour un usage professionnel, la partie non affectée à un usage professionnel ne peut faire l’objet de la déclaration qu’à la condition d’être désignée dans un état descriptif de division.
  • Sur la publicité de la déclaration d’insaisissabilité
    • Une fois établie, la déclaration d’insaisissabilité doit faire l’objet de deux formalités de publicité
      • En premier lieu, elle doit être publiée au fichier immobilier ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier, de sa situation.
      • En second lieu, elle doit :
        • Soit, lorsque la personne est immatriculée dans un registre de publicité légale à caractère professionnel, y être mentionnée.
        • Soit, lorsque la personne n’est pas tenue de s’immatriculer dans un registre de publicité légale, être publié sous la forme d’extrait dans un support habilité à recevoir des annonces légales dans le département dans lequel est exercée l’activité professionnelle pour que cette personne puisse se prévaloir du bénéfice de l’insaisissabilité.

Enfin, il convient d’observer que la déclaration d’insaisissabilité ne peut porter que sur les biens immobiliers non affectés à l’usage professionnel.

Aussi, elle se distingue de la déclaration d’affection du patrimoine du régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, laquelle porte obligatoirement sur les biens, droits, obligations ou sûretés nécessaires à l’exercice de l’activité professionnelle et facultativement sur les biens, droits, obligations ou sûretés utilisés dans ce cadre (cette dernière, permet d’exclure du patrimoine professionnel tous les biens mobiliers et les droits qui ne peuvent être protégés par la déclaration d’insaisissabilité).

Il en résulte que, l’entrepreneur d’une EIRL peut limiter l’étendue de la responsabilité en constituant un patrimoine d’affectation, destiné à l’activité professionnelle, sans constituer de société, étant précisé que les deux déclarations peuvent être cumulées.

IV) Effets

S’agissant de la résidence principale de l’entrepreneur individuel, l’article L. 526-1 du Code de commerce prévoit que l’insaisissabilité, qui est ici de droit, ne produit ses effets qu’à l’encontre des créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne.

Dès lors que la dette est contractée dans le cadre de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel, il bénéficie du dispositif d’insaisissabilité de sa résidence principale. La date de la créance est ici indifférente.

 S’agissant des biens immobiliers autres que la résidence principale, l’article L. 526-1 du Code de commerce prévoit que la déclaration d’insaisissabilité n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, après sa publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant.

Il en résulte que les dettes à caractère professionnel contractées antérieurement à la publication de la déclaration d’insaisissabilité, elles demeurent exécutoires sur l’ensemble des biens immobiliers détenus par l’entrepreneur individuel, y compris sur sa résidence principale.

En toute hypothèse, seules les dettes contractées dans le cadre d’une activité professionnelle autorisent l’entrepreneur individuel à se prévaloir de l’insaisissabilité de ses biens  immobiliers.

En outre, en application de l’article L. 526-1, al. 3 du Code de commerce, l’insaisissabilité n’est jamais opposable à l’administration fiscale lorsque celle-ci relève, à l’encontre de la personne, soit des manœuvres frauduleuses, soit l’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales, au sens de l’article 1729 du code général des impôts.

Par ailleurs, les effets de l’insaisissabilité et ceux de la déclaration subsistent après la dissolution du régime matrimonial lorsque l’entrepreneur est attributaire du bien. Ils subsistent également en cas de décès jusqu’à la liquidation de la succession.

Enfin, en cas de cession des droits immobiliers sur la résidence principale, le prix obtenu demeure insaisissable, sous la condition du remploi dans le délai d’un an des sommes à l’acquisition par l’entrepreneur individuel d’un immeuble où est fixée sa résidence principale.

V) La renonciation

À l’analyse le dispositif d’insaisissabilité mis en place par le législateur peut avoir un impact sur l’accès au crédit, dans la mesure où la résidence principale ne fait plus d’emblée partie du gage de l’ensemble des créanciers.

C’est la raison pour laquelle le législateur a prévu que l’entrepreneur individuel puisse, afin de ne pas limiter ses capacités de financement, d’y renoncer.

==> Principe

L’article L. 526-3 du Code de commerce prévoit que « l’insaisissabilité des droits sur la résidence principale et la déclaration d’insaisissabilité portant sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, non affecté à l’usage professionnel peuvent, à tout moment, faire l’objet d’une renonciation soumise aux conditions de validité et d’opposabilité prévues à l’article L. 526-2 ».

Il ressort de cette disposition que l’insaisissabilité qui protège les biens immobiliers de l’entrepreneur individuel peut, sur sa décision, être levée à la faveur de créanciers avec lesquels il aurait contracté dans le cadre de son activité professionnelle.

Cette faculté de renonciation dont jouit l’entrepreneur individuel peut porter sur tout ou partie des biens.

Elle peut également être faite au bénéfice d’un ou de plusieurs créanciers désignés par l’acte authentique de renonciation.

Afin d’obtenir un prêt, il est donc possible à l’entrepreneur individuel de renoncer au profit d’une banque à l’insaisissabilité de sa résidence principale.

==> Conditions

Tout d’abord, la renonciation au dispositif d’insaisissabilité doit être effectuée au moyen d’un acte notarié à l’instar de la déclaration d’insaisissabilité.

Ensuite, l’article R. 526-2 du Code de commerce prévoir que cette renonciation doit dans un délai d’un mois, faire l’objet d’une demande d’inscription modificative au registre du commerce et des sociétés.

Enfin, lorsque le bénéficiaire de cette renonciation cède sa créance, le cessionnaire peut se prévaloir de celle-ci.

==> Révocation

La renonciation peut néanmoins, à tout moment, être révoquée dans les mêmes conditions de validité et d’opposabilité que celles prévues pour la déclaration d’insaisissabilité.

Il s’agit là d’une faculté qui peut être exercée discrétionnairement par l’entrepreneur individuel, sans que les créanciers puissent former opposition.

Cette révocation n’aura toutefois d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits sont nés postérieurement à sa publication.

Le bail d’habitation : logement meublé

La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme (ALUR) rénové a inséré dans la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs (…) un titre I bis « Des rapports entre bailleurs et locataires dans les logements meublés résidence principale » (art. 25-3 nouv. et s.). Le législateur élargit ainsi le domaine du statut spécial qui se trouve décrit à l’article L. 632-1 du code de la construction et de l’habitation.

Définition.- Un logements meublé, au sens de l’article 25-4 de la loi de 1989, est un logement décent équipé d’un mobilier en nombre et qualité suffisants pour permettre au locataire d’y dormir, manger et vivre convenablement au regard des exigences de la vie courante. Dans un sens approchant, la Cour de cassation décidait que les meubles fournis au locataire devaient assurer un minimum d’habitabilité (v. par ex. Cass. 3ème civ., 29 sept. 1999, n° 97-21602. Plus récemment : Cass. 3ème civ., 17 déc. 2015, n° 14-22754). Un décret précise désormais la listes des éléments que doit comporter ce mobilier (D. n° 2002-120 du 30 janv. 2002 rel. aux caractéristiques du logement décent, art. 3).

Art. 2 

Le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :

1. Il assure le clos et le couvert. Le gros oeuvre du logement et de ses accès est en bon état d’entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d’eau. Les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d’eau dans l’habitation. Pour les logements situés dans les départements d’outre-mer, il peut être tenu compte, pour l’appréciation des conditions relatives à la protection contre les infiltrations d’eau, des conditions climatiques spécifiques à ces départements ;

2. Les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons, sont dans un état conforme à leur usage ;

3. La nature et l’état de conservation et d’entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires ;

4. Les réseaux et branchements d’électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d’eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d’usage et de fonctionnement ;

5. Les dispositifs d’ouverture et de ventilation des logements permettent un renouvellement de l’air adapté aux besoins d’une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements ;

6. Les pièces principales, au sens du troisième alinéa de l’article R. 111-1-1 du code de la construction et de l’habitation, bénéficient d’un éclairement naturel suffisant et d’un ouvrant donnant à l’air libre ou sur un volume vitré donnant à l’air libre.

Article 3

Le logement comporte les éléments d’équipement et de confort suivants :

1. Une installation permettant un chauffage normal, munie des dispositifs d’alimentation en énergie et d’évacuation des produits de combustion et adaptée aux caractéristiques du logement. Pour les logements situés dans les départements d’outre-mer, il peut ne pas être fait application de ces dispositions lorsque les conditions climatiques le justifient ;

2. Une installation d’alimentation en eau potable assurant à l’intérieur du logement la distribution avec une pression et un débit suffisants pour l’utilisation normale de ses locataires ;

3. Des installations d’évacuation des eaux ménagères et des eaux-vannes empêchant le refoulement des odeurs et des effluents et munies de siphon ;

4. Une cuisine ou un coin cuisine aménagé de manière à recevoir un appareil de cuisson et comprenant un évier raccordé à une installation d’alimentation en eau chaude et froide et à une installation d’évacuation des eaux usées ;

5. Une installation sanitaire intérieure au logement comprenant un w.-c., séparé de la cuisine et de la pièce où sont pris les repas, et un équipement pour la toilette corporelle, comportant une baignoire ou une douche, aménagé de manière à garantir l’intimité personnelle, alimenté en eau chaude et froide et muni d’une évacuation des eaux usées. L’installation sanitaire d’un logement d’une seule pièce peut être limitée à un w.-c. extérieur au logement à condition que ce w.-c. soit situé dans le même bâtiment et facilement accessible ;

6. Un réseau électrique permettant l’éclairage suffisant de toutes les pièces et des accès ainsi que le fonctionnement des appareils ménagers courants indispensables à la vie quotidienne.

Dans les logements situés dans les départements d’outre-mer, les dispositions relatives à l’alimentation en eau chaude prévues aux 4 et 5 ci-dessus ne sont pas applicables.

Article 4

Le logement dispose au moins d’une pièce principale ayant soit une surface habitable au moins égale à 9 mètres carrés et une hauteur sous plafond au moins égale à 2,20 mètres, soit un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes.

La surface habitable et le volume habitable sont déterminés conformément aux dispositions des deuxième et troisième alinéas de l’article R. 111-2 du code de la construction et de l’habitation.

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À défaut de ce qui précède, le logement est nu. Dans ce cas de figure, il est soumis aux règles prescrites par la loi de 1989 pour les logements non meublés.

Micro-statut.- En résumé, on peut dire que le législateur a fini par soumettre les parties à un contrat de location en meublé à un minimum de règles impératives auxquelles elles ne peuvent déroger. L’article 25-3 loi 1989 dispose en ce sens que les règles qui s’appliquent dans le cas particulier sont d’ordre public.

Si le logement constitue la résidence principale du preneur à bail, le contrat est nécessairement établi par écrit (art. 25-7, al. 1), sur la base d’un contrat type (Décret n° 2015-587 du 29 mai 2015 relatif aux contrats types de location de logement à usage de résidence principale, annexe), et conclu pour une année au moins (art. 25-7, al.2). Comprenons bien. C’est d’ordre public de protection dont il est question. Toutes les stipulations qui renforceront la position du preneur à bail auront donc vocation à être sanctionnées. À noter que le terme peut être valablement abrégé si le locataire est un étudiant (9 mois). Dans ce dernier cas de figure, le bail n’est pas reconduit tacitement (art. 25-7, al. 2).

Si le bailleur n’entend pas renouveler le contrat le bail, la loi lui impose d’en informer le locataire en respectant un préavis de trois mois et en motivant son refus de renouvellement soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement (en ce cas, on notera que la loi n’accorde aucun droit de préemption au preneur à bail à la différence de ce qui est prévu en cas de location d’un logement non meublé), soit par un motif légitime et sérieux, notamment l’inexécution par le locataire de l’une des obligations lui incombant (art. 25-8).

Règles issues de la loi du 6 juillet 1989.- Le droit de la location meublée n’est pas étranger au droit du bail d’habitation en général. La loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale a calqué les règles de révisions du loyer sur celle de la loi du 6 juillet. 1989 (art. 41 de la loi / art. L. 632-1, al. 3, c. constr. hab.).

Force est de le redire : désireux de lutter contre les abus d’un certain nombre de marchands de sommeil, le législateur s’est employé à mettre en place un micro-statut des locations meublées…