Les rédacteurs du Code civil ne se sont pas préoccupés de la préparation du contrat de vente pas plus qu’ils n’ont édicté de règles propres à la négociation du contrat (voy. l’article “La vente – la négociation du contrat”). La réforme du droit commun des contrats a été l’occasion de compléter la législation sur ce point. Les articles 1112 à 1112-2 c.civ. disent les règles qui doivent présider à la phase exploratoire de n’importe quel contrat. Les articles 1123 et 1124 c.civ. règlementent désormais le pacte de préférence et la promesse unilatérale de contrat.
Mais revenons à la vente. Les mots “promesse de vente” sont bien employés dans le titre réservé à ce contrat spécial, mais ce n’est qu’à titre incident et sans que le régime ne soit fixé (art. 1589 c.civ.). La pratique a fait émergé des contrats sui generis dont la jurisprudence, au fil des ans, a si finement précisé le régime qu’ils s’apparentent désormais à des contrats nommés. S’ils peuvent être passés en vue de la conclusion d’un contrat de vente, il n’est pas rare qu’ils aménagent la formation d’autres contrats (contrat d’entreprise notamment). Leurs objets exacts diffèrent : il s’agit de s’engager à négocier, à préférer une personne si la décision de contracter est prise, ou à contracter. Ils sont réunis par la doctrine sous les termes « avant-contrats », « contrats préparatoires » ou « contrats préalables ». Qualifications qui ne seront pas reprises par le législateur à l’occasion de la réforme précitée.
L’article 1124, al. 1, c.civ. dispose que « la promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, consent à l’autre, le bénéficiaire, le droit, pendant un certain temps, d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ». Tout est dit : la promesse de vente est donc un contrat. Elle se distingue à cet égard de l’offre, qui est une manifestation de volonté unilatérale destinée à créer (en cas d’acceptation bien entendu) des effets de droit.
Appliquée à la vente, où son usage est fort répandu (notamment en matière immobilière), la promesse émane du vendeur – promesse unilatérale de vente – ou de l’acheteur – promesse unilatérale d’achat.
1.- Les conditions de la promesse unilatérale de vente
La promesse unilatérale doit contenir les éléments essentiels du contrat projeté – la chose et le prix. Dans le cas contraire, il s’agira au mieux d’une invitation à entrer en pourparlers. Les conditions tenant à la capacité et au consentement du promettant sont appréciées au jour de la conclusion de la promesse de vente. Ces mêmes conditions afférentes au bénéficiaire le seront au jour de la levée de l’option.
À la chose et au prix s’ajoute un troisième élément, le terme de la promesse, c’est-à-dire la date à laquelle l’engagement du promettant disparaît. Les parties sont libres de fixer un terme extinctif à l’option, accompagné le cas échéant d’une clause de prorogation (Cass. 3ème civ., 8 sept. 2010, n° 09-13.345, Bull. civ. III, 153). Le terme peut être certain ou incertain. Une fois le terme arrivé à échéance, la promesse est caduque (Cass. com., 19 oct. 1971, n° 70-11.165, Bull. civ. IV, 499).
Dans le silence des parties, la promesse est à durée indéterminée. Le promettant y met fin à tout moment (prohibition des engagements perpétuels oblige), pourvu qu’il ait préalablement mis le bénéficiaire en demeure de lever ou décliner l’option dans un délai raisonnable (Cass. 3ème civ., 24 avr. 1970, n° 68-10.536, Bull. civ. IV, 279). La doctrine majoritaire admet que le bénéfice de la promesse s’éteint par la prescription de 5 années prévue à l’article 2224 c.civ.. Outre le terme extinctif, les parties peuvent convenir d’un terme suspensif d’option, durant lequel le bénéficiaire ne peut exprimer son consentement ni la vente être formée (Cass. com., 30 janv. 1996, n° 94-17.339).
Comme la vente, la promesse de vente est par principe un contrat consensuel. Cependant, pour des raisons fiscales – à savoir éviter la dissimulation d’une partie du prix – l’article 1840-A du Code général des impôts et, à sa suite, l’article 1589-2 c.civ. frappent de nullité la promesse de vente portant sur un dissimmobilier, sur des parts sociales de sociétés immobilières, sur un fonds de commerce ou un droit au bail, dès lors qu’elle n’est pas constatée par un acte authentique ou par un acte sous seing privé enregistré dans les 10 jours de sa conclusion (et non les 10 jours suivant la levée de l’option). La promesse d’achat, quant à elle, n’est soumise à aucune condition de forme.
2.- Les accessoires de la promesse unilatérale de vente
La promesse est rarement nue : les parties incluent une indemnité d’immobilisation, une condition suspensive ou prévoient une clause de substitution. La loi, en outre, réglemente dans certaines circonstances les stipulations accompagnant les promesses d’achat.
L’indemnité d’immobilisation
L’indemnité d’immobilisation est la somme que doit le bénéficiaire de l’option en contrepartie de l’engagement ferme que prend le promettant. Dit autrement, elle est « le prix de l’exclusivité consentie au bénéficiaire de la promesse » (Cass. 1ère civ., 5 déc. 1995, n° 93-19.874, Bull. civ. I, 452). Son insertion dans la promesse modifie la nature de celle-ci : le contrat n’est plus unilatéral, mais synallagmatique. Et si le montant du dédit est tel que, de fait, le bénéficiaire n’a d’autre choix que de lever l’option, la promesse unilatérale se mue en promesse synallagmatique, et donc en contrat parfait (Cass. com., 20 nov. 1962, Bull. civ. IV, 470).
L’indemnité d’immobilisation ne doit pas être confondue avec le dédit qui autorise, en contrepartie de son versement, à se délier de son engagement. Précisément, le bénéficiaire ne s’est engagé à rien. Elle ne constitue pas davantage une clause pénale, laquelle suppose une inexécution. Elle échappe aux dispositions de l’article 1231-5 c.civ. (art. 1152 anc.) autorisant la réfaction par le juge de la clause pénale dont le montant est manifestement excessif ou dérisoire (Cass. 3ème civ., 5 déc. 1984, n° 83-12.895, Bull. civ. III, 208). Rien n’interdit néanmoins aux parties de prévoir que l’indemnité d’immobilisation augmentera à mesure que se prolonge la réflexion du bénéficiaire (Cass. 3ème civ., 5 déc. 1984, préc.). Que le bénéficiaire ne lève pas l’option, et l’indemnité d’immobilisation demeure acquise au promettant. Qu’il la lève, et le montant de l’indemnité s’imputera sur le prix.
La condition suspensive
L’insertion d’une condition suspensive (art. 1304, al. 2 c.civ.) dans une promesse n’est pas rare, notamment dans les ventes immobilières. La loi l’impose même lorsque le futur acheteur prévoit de payer le prix au moyen d’un prêt (art. L. 312-15 et s. c.consom.). Le jeu simultané de la promesse et de la condition ne soulève guère de difficulté, pourvu qu’il soit observé que la condition affecte l’avant-contrat et non le contrat lui-même.
En cas de défaillance de la condition – refus du prêt sans faute de l’emprunteur (art. 1304-3, al. 1 c.civ.) –, la promesse est caduque (art. 1304-6, al. 4 c.civ.). La loi prévoit alors spécialement que l’indemnité d’immobilisation doit être remboursée (art. L. 312-16, al. 2 c.consom.), sauf pour le bénéficiaire à avoir renoncé au bénéfice de la condition dans le délai de l’option (Cass. 3ème civ., 28 avr. 2011, n° 10-15.630). En cas de réalisation de la condition, la promesse – et non le contrat final – est parfaite : le bénéficiaire dispose pleinement de son droit d’option. S’il renonce à la formation du contrat final, il perd l’indemnité d’immobilisation éventuellement stipulée.
Il ne faut pas exclure, enfin, qu’à raison de maladresses rédactionnelles, l’articulation des délais d’option et de réalisation de la condition soit délicate ou impossible (Cass. 3ème civ., 9 févr. 2011, n° 10-14.399).
La clause de substitution
Les parties peuvent convenir que le bénéficiaire de la promesse de vente a la faculté, durant la période d’option, de se substituer un tiers. La nature juridique de l’opération ainsi réalisée est incertaine. La Cour de cassation admet, quoi qu’il en soit, qu’il ne s’agit ni d’une cession de créance soumise à l’article 1321 c.civ. (anc. art. 1690) ni d’une cession de la promesse soumise aux articles 1589-2 et 1840-1 du Code général des impôts (Cass. 3ème civ., 19 mars 1997, n° 95-12.473, Bull. civ. III, n° 68). Il n’en va pas différemment des clauses de substitution glissées dans les promesses synallagmatiques de vente (Cass. 3ème civ., 12 avr. 2012, n° 11-14.279, Bull. civ. III, n° 60).
La substitution a pour effet de permettre à un tiers à la promesse de profiter de celle-ci, mais ne dépouille pas pour autant le bénéficiaire d’origine : en dépit de la substitution, ce dernier peut lever l’option pour son propre compte et, surtout, demeure débiteur de l’éventuelle indemnité d’immobilisation (Cass. 3ème civ., 27 avr. 1998, n° 86-17.337, Bull. civ. III, 83).
Il faut enfin signaler que l’usage des clauses de substitution est cantonné par le législateur, pour des raisons fiscales : est ainsi nulle la cession à titre onéreux de la promesse de vente portant sur un immeuble, lorsque cette cession est consentie par un professionnel de l’immobilier (art. 52, L. n° 93-122, 29 janv. 1993).
Les spécificités légales de la promesse d’achat
Le Code de la construction et de l’habitation (art. L. 271-1 et s.) et le Code civil (art. 1589-1, C. civ.) contiennent plusieurs mesures protectrices de l’acheteur d’un immeuble d’habitation. Le premier instaure, au profit du promettant non professionnel, un délai de rétractation de 7 jours. Le second sanctionne par la nullité la promesse d’achat d’un bien immobilier « pour lequel il est exigé ou reçu de celui qui s’engage un versement, quelle qu’en soit la cause et la forme ».