L’accession immobilière naturelle : la modification du lit d’un cours d’eau

L’accession est dite naturelle lorsque l’incorporation de la chose ne procède pas du fait de l’homme, en ce sens qu’il n’est pas intervenu dans le processus d’union des biens.

Cette incorporation est qui donc est le résultat d’un phénomène naturel peut avoir pour objet tout autant un meuble qu’un immeuble.

Nous nous focaliserons ici sur l’incorporation des immeubles

L’accession immobilière ne procède pas seulement de l’incorporation d’un meuble, elle peut également résulter de l’union de plusieurs immeubles.

Le phénomène naturel susceptible de conduire à ce résultat n’est autre que le mouvement de l’eau qui sous l’effet des événements climatiques peut donner lieu à la création de nouveaux biens, à tout le moins à une redéfinition de l’assiette de la propriété.

Création d’un îlot, abandon par un cours d’eau de son lit, apparition d’alluvions et de relais sont autant de phénomènes qui sont envisagés par le Code civil dans le cadre de l’accession immobilière.

Ces phénomènes ont en commun de conduire à des situations d’extension ou de réduction de l’assiette de la propriété d’un fonds.

La question qui a lors se pose est de savoir à qui profite ou préjudicie les mouvements de l’eau qui modifient la configuration des terrains et, par voie de conséquence, les limites de voisinage.

Pour le déterminer, il convient de se reporter aux articles 556 à 563 du Code civil qui distinguent plusieurs phénomènes, dont la modification du lit d’un cours d’eau.

Le Code civil envisage deux sortes de modifications dont est susceptible de faire l’objet un cours d’eau : la formation d’un nouveau bras et l’abandon de son lit

  • Formation d’un nouveau bras
    • L’article 562 du Code civil prévoit que « si un cours d’eau, en se formant un bras nouveau, coupe et embrasse le champ d’un propriétaire riverain, et en fait une île, ce propriétaire conserve la propriété de son champ, encore que l’île se soit formée dans un cours d’eau domanial. »
    • Il ressort de cette disposition que la formation d’un nouveau bras est sans incidence sur la limite de propriété du cours d’eau, à tout le moins lorsqu’il est domanial.
    • Lorsque, en revanche, il s’agit d’un cours d’eau domanial la propriété du propriétaire du fonds traversé par le nouveau bras s’en trouve diminuée d’autant.
  • Abandon de son lit
    • Dans l’hypothèse où un cours d’eau abandonne son lit, il y a lieu de distinguer selon que celui-ci présente un caractère domanial ou non.
      • Les cours d’eaux domaniaux
        • L’article 563 du Code civil dispose que « si un cours d’eau domanial forme un nouveau cours en abandonnant son ancien lit, les propriétaires riverains peuvent acquérir la propriété de cet ancien lit, chacun en droit soi, jusqu’à une ligne qu’on suppose tracée au milieu du cours d’eau.»
        • Il ressort de cette disposition que l’ancien lit d’un cours d’eau tombe dans le domaine privé de la personne publique ce qui implique qu’il peut faire l’objet d’une aliénation ou qu’il peut être acquis par usucapion.
        • Lorsqu’il est aliéné, l’alinéa 1er in fine de l’article 563 du Code civil précise que « le prix de l’ancien lit est fixé par des experts nommés par le président du tribunal de la situation des lieux, à la requête de l’autorité compétente. »
        • À cet égard, il peut être observé que l’aliénation de l’ancien lit du cours d’eau ne constitue, en aucun cas, une faculté laissée à la discrétion : il s’agit d’une véritable obligation mise à sa charge.
        • L’alinéa 2e du texte prévoit en ce sens que « à défaut par les propriétaires riverains de déclarer, dans les trois mois de la notification qui leur sera faite par l’autorité compétente, l’intention de faire l’acquisition aux prix fixés par les experts, il est procédé à l’aliénation de l’ancien lit selon les règles qui président aux aliénations du domaine des personnes publiques. »
        • S’agissant du prix payé par les acquéreurs privés du nouveau lit, il vise à indemniser les propriétaires des fonds sur lesquels le nouveau lit du cours d’eau s’est établi, ce qui a pour conséquence, de diminuer l’assiette de leur propriété.
        • Cet objectif a été érigé en règle énoncée à l’article 533, al. 3e du Code civil qui prévoit que « le prix provenant de la vente est distribué aux propriétaires des fonds occupés par le nouveau cours à titre d’indemnité, dans la proportion de la valeur du terrain enlevé à chacun d’eux. »
      • Les cours d’eau non-domaniaux
        • L’article L. 215-4 du Code de l’environnement dispose que lorsqu’un cours d’eau non domanial abandonne naturellement son lit, les propriétaires des fonds sur lesquels le nouveau lit s’établit sont tenus de souffrir le passage des eaux sans indemnité.
        • Toutefois, ils peuvent, dans l’année qui suit le changement de lit, prendre les mesures nécessaires pour rétablir l’ancien cours des eaux.
        • Les propriétaires riverains du lit abandonné jouissent de la même faculté et peuvent, dans l’année et dans les mêmes conditions poursuivre l’exécution des travaux nécessaires au rétablissement du cours primitif.
        • À l’expiration de ce délai le nouveau lit appartient pour moitié aux propriétaires riverains et le lit abandonné aux propriétaires anciennement riverains.

L’accession immobilière naturelle : le sort des îles, îlots et atterrissements

L’accession est dite naturelle lorsque l’incorporation de la chose ne procède pas du fait de l’homme, en ce sens qu’il n’est pas intervenu dans le processus d’union des biens.

Cette incorporation est qui donc est le résultat d’un phénomène naturel peut avoir pour objet tout autant un meuble qu’un immeuble.

Nous nous focaliserons ici sur l’incorporation des immeubles

L’accession immobilière ne procède pas seulement de l’incorporation d’un meuble, elle peut également résulter de l’union de plusieurs immeubles.

Le phénomène naturel susceptible de conduire à ce résultat n’est autre que le mouvement de l’eau qui sous l’effet des événements climatiques peut donner lieu à la création de nouveaux biens, à tout le moins à une redéfinition de l’assiette de la propriété.

Création d’un îlot, abandon par un cours d’eau de son lit, apparition d’alluvions et de relais sont autant de phénomènes qui sont envisagés par le Code civil dans le cadre de l’accession immobilière.

Ces phénomènes ont en commun de conduire à des situations d’extension ou de réduction de l’assiette de la propriété d’un fonds.

La question qui a lors se pose est de savoir à qui profite ou préjudicie les mouvements de l’eau qui modifient la configuration des terrains et, par voie de conséquence, les limites de voisinage.

Pour le déterminer, il convient de se reporter aux articles 556 à 563 du Code civil qui distinguent plusieurs phénomènes, dont la constitution d’îles, îlots et atterrissements qui se forment dans le lit d’un cours d’eau.

==> Notion

L’île et l’îlot sont des étendues de terre entièrement entourés d’eau, émergeant dans un océan, une mer, un lac ou un cours d’eau.

La distinction entre l’île et l’îlot tient uniquement à leur superficie, étant précisé que la formation des deux procède, non pas d’une accumulation de matière, mais d’une baisse définitive du niveau des eaux.

À cet égard, pour être qualifiée d’île ou d’îlot l’étendue de terre qui émerge doit se situer au milieu du cours d’eau, faute de quoi il s’agit plutôt d’une alluvion.

Ils s’en distinguent encore, en ce qu’il est indifférent qu’ils se forment successivement et imperceptiblement. L’apparition de l’île ou de l’îlot peut parfaitement être brusquement.

Elle ne doit toutefois pas résulter de l’enlèvement par une force subite d’une « partie considérable et reconnaissable d’un champ riverain », auquel cas elle endosserait plutôt la qualification d’avulsion et, épouserait, par voie de conséquence, son régime juridique.

==> Régime

Il ressort de la combinaison des articles 560 et 561 du Code civil qu’il y a lieu de distinguer selon que le cours d’eau dans le lit duquel l’île ou l’îlot se forme est domanial ou non.

  • S’agissant des cours d’eau domaniaux
    • L’article 560 du Code civil prévoit que « les îles, îlots, atterrissements, qui se forment dans le lit des cours d’eau domaniaux, appartiennent à la personne publique propriétaire du domaine concerné, en l’absence de titre ou de prescription contraire. »
    • La raison en est que l’étendue de terre qui émerge dans le cours d’eau n’est autre qu’une partie de son lit.
    • Or le lit d’un cours d’eau domanial appartient à l’état.
    • Depuis l’adoption de l’ordonnance n°2006-460 du 21 avril 2006 qui a réformé, en profondeur, le droit domanial a modifié le critère de la domanialité des cours d’eau, les îles et îlots ne relèvent toutefois pas du domaine public de la personne publique mais de son domaine privé, raison pour laquelle ils peuvent être aliénés ou acquis par prescription.
    • Dans un arrêt du 29 février 1968, la Cour de cassation a précisé que « si le propriétaire perd ses prérogatives sur les îles ou îlots qui, submergés par suite d’un phénomène naturel, font partie du domaine public, il retrouve son droit lorsque les terres cessent d’appartenir au domaine public parce qu’elles ont émergé à nouveau naturellement par suite de travaux régulièrement autorisés qu’il aurait lui-même accomplis» ( 3e civ. 29 févr. 1968).
  • S’agissant des cours d’eau non domaniaux
    • L’article 561 du Code civil prévoit que « les îles et atterrissements qui se forment dans les cours d’eau non domaniaux, appartiennent aux propriétaires riverains du côté où l’île s’est formée»
    • La solution est conforme à la règle qui attribue à chaque propriétaire riverain la moitié du lit du cours d’eau ( L. 215-2, al. 2e C. env.).
    • La Cour de cassation a néanmoins précisé dans un arrêt du 10 mars 1953 que la règle ainsi énoncée « ne concerne que les îles de formation récente, dont la propriété demeure encore incertaine, et non des îles de formation ancienne figurant déjà au cadastre sous un numéro déterminé» ( 3e civ. 10 mars 1953).
    • Dans le droit fil de cette règle l’article 561 précise que « si l’île n’est pas formée d’un seul côté, elle appartient aux propriétaires riverains des deux côtés, à partir de la ligne qu’on suppose tracée au milieu du cours d’eau. »
    • Encore faut-il que cette ligne constitue la limite de propriété des deux fonds riverains ce qui n’est qu’une simple présomption.
    • Un propriétaire est, dans ces conditions, parfaitement fondé à revendiquer la propriété de l’île tout entière, s’il parvient à établir que, en réalité, le lit du cours d’eau lui appartient dans son intégralité.
    • En définitive, la règle est que la propriété de l’île ou de d’îlot, suit, en toute circonstance, la propriété du lit du cours d’eau.

L’accession immobilière naturelle : le sort des alluvions et relais

L’accession est dite naturelle lorsque l’incorporation de la chose ne procède pas du fait de l’homme, en ce sens qu’il n’est pas intervenu dans le processus d’union des biens.

Cette incorporation est qui donc est le résultat d’un phénomène naturel peut avoir pour objet tout autant un meuble qu’un immeuble.

Nous nous focaliserons ici sur l’incorporation des immeubles

L’accession immobilière ne procède pas seulement de l’incorporation d’un meuble, elle peut également résulter de l’union de plusieurs immeubles.

Le phénomène naturel susceptible de conduire à ce résultat n’est autre que le mouvement de l’eau qui sous l’effet des événements climatiques peut donner lieu à la création de nouveaux biens, à tout le moins à une redéfinition de l’assiette de la propriété.

Création d’un îlot, abandon par un cours d’eau de son lit, apparition d’alluvions et de relais sont autant de phénomènes qui sont envisagés par le Code civil dans le cadre de l’accession immobilière.

Ces phénomènes ont en commun de conduire à des situations d’extension ou de réduction de l’assiette de la propriété d’un fonds.

La question qui a lors se pose est de savoir à qui profite ou préjudicie les mouvements de l’eau qui modifient la configuration des terrains et, par voie de conséquence, les limites de voisinage.

Pour le déterminer, il convient de se reporter aux articles 556 à 563 du Code civil qui distinguent plusieurs phénomènes, dont la constitution d’alluvions et relais.

Les articles 556 à 558 envisagent le sort des alluvions et des relais qui conduisent tous deux à un accroissement de l’assiette de la propriété d’un fonds.

Les articles 556 à 558 envisagent le sort des alluvions et des relais qui conduisent tous deux à un accroissement de l’assiette de la propriété d’un fonds.

==> Notion

  • Les alluvions
    • Ils sont définis à l’article 556 du Code civil comme « les atterrissements et accroissements qui se forment successivement et imperceptiblement aux fonds riverains d’un cours d’eau s’appellent ” alluvion “. »
    • Concrètement, il s’agit de terrains qui se forment sous l’effet de dépôts argileux ou sableux émergé qu’ont laissé des eaux par des sédimentations successives.
    • Les alluvions s’observent dans le lit du cours d’eau et plus précisément sur ses rives où elles s’accumulent.
    • L’alluvion se distingue de l’île en ce qu’elle est attachée à la rive, soit sans être enfermée par des bras d’eau.
  • Les relais
    • Les relais se forment, selon l’article 557 du Code civil, par « l’eau courante qui se retire insensiblement de l’une de ses rives en se portant sur l’autre»
    • À la différence de l’alluvion dont la formation n’a, en principe, aucune incidence sur la situation de la rive opposée, le relais, qui résultent d’un retrait des eaux sur une rive du cours d’eau s’accompagne d’une montée des eaux sur l’autre rive.
    • Le relais opère ainsi un accroissement du terrain que l’eau abandonne et une diminution du terrain que cette même eau recouvre.

==> Régime

Les alluvions et relais sont sensiblement soumis au même régime : ils appartiennent au propriétaire du fonds auquel ils sont attachés.

Au vrai, l’appropriation des alluvions et relais ne s’opère par voie d’accession que dans l’hypothèse où le cours d’eau présente un caractère domanial.

Lorsqu’il s’agit d’un cours d’eau non domanial, en application de l’article L. 215-2 du Code de l’environnement, chaque propriétaire riverain a d’ores et déjà la propriété de la moitié du lit, suivant une ligne que l’on suppose tracée au milieu du cours d’eau, sauf titre ou prescription contraire.

On ne saurait, dans ces conditions, considérer que la propriété de l’alluvion ou du relais résulte de la mise en œuvre de la règle de l’accession.

L’application de cette règle ne vaut que pour les cours d’eau domaniaux qui sont la propriété d’une personne publique.

  • S’agissant de l’alluvion
    • Principe
      • L’article 556, al. 2 prévoit que « l’alluvion profite au propriétaire riverain, qu’il s’agisse d’un cours d’eau domanial ou non ; à la charge, dans le premier cas, de laisser le marchepied ou chemin de halage, conformément aux règlements. »
      • Il ressort de cette disposition que la propriété de l’alluvion est attribuée au propriétaire riverain.
      • Il est, à cet égard, indifférent que le cours d’eau relève du domaine public.
      • Si tel est le cas, le propriétaire du fonds devra seulement se conformer aux servitudes légales de marchepied et de halage.
      • Ces servitudes sont régies aux articles L. 2131-2 à L. 2131-6 du Code de la propriété des personnes publiques
        • S’agissant de la servitude de marchepied: les propriétés riveraines d’un cours d’eau ou d’un lac domanial sont grevées sur chaque rive d’une servitude de 3,25 mètres, dite servitude de marchepied. Cette servitude interdit, dans cette bande de 3,25 mètres, aux propriétaires riverains de planter des arbres ou de se clore par des haies ou autrement.
        • S’agissant de la servitude de halage: elle concerne les cours d’eau domaniaux où il existe un chemin de halage ou d’exploitation présentant un intérêt pour le service de la navigation. La servitude grève les propriétés dans un espace de 7,80 mètres de largeur le long des bords desdits cours d’eau domaniaux, ainsi que sur les îles où il en est besoin. Les propriétaires riverains ne peuvent planter des arbres ni se clore par des haies ou autrement qu’à une distance de 9,75 mètres sur les bords où il existe un chemin de halage ou d’exploitation.
    • Conditions
      • Plusieurs conditions doivent être réunies pour que le propriétaire du fonds riverain acquière la propriété des alluvions
      • Tout d’abord, en application de l’article L. 2111-13 du Code général de la propriété des personnes publiques, la formation de l’alluvion doit avoir une origine naturelle.
      • Autrement dit, elle ne doit pas résulter d’une intervention humaine
      • Ensuite, l’alluvion doit s’être formée « successivement et imperceptiblement»
      • Cela signifie qu’elle ne doit pas être apparue brutalement consécutivement, par exemple, à la survenance d’un orage ou d’une tempête
      • L’alluvion doit s’être formée progressivement sur une durée suffisamment longue pour que cette formation puisse échapper aux sens
      • Enfin, la propriété de l’alluvion ne peut être revendiquée que par le propriétaire de la rive sur laquelle elle se forme.
      • Si le fonds est séparé de la rive par une voie appartenant à un tiers, la règle de l’accession ne pourra pas jouer, à tout le moins pas pour le propriétaire du terrain non directement rattaché à la rive.
    • Exceptions
      • L’article 558, al. 1er du Code civil prévoit que « l’alluvion n’a pas lieu à l’égard des lacs et étangs, dont le propriétaire conserve toujours le terrain que l’eau couvre quand elle est à la hauteur de la décharge de l’étang, encore que le volume de l’eau vienne à diminuer. »
      • Ainsi, lorsqu’il s’agit d’un lac ou d’un étang, en cas de formation d’alluvion, les limites de propriété des fonds riverains ne sont pas affectées par les mouvements de l’eau qui demeurent exceptionnels
      • Il est indifférent que la formation de l’alluvion résulte d’un phénomène naturel et imperceptible.
      • Les limites de la propriété correspondent au terrain couvert par l’étang lorsque l’eau est à la hauteur de la décharge de l’étang, peu important les variations de l’eau.
      • L’alinéa 2 de l’article 558 précise que « réciproquement, le propriétaire de l’étang n’acquiert aucun droit sur les terres riveraines que son eau vient à couvrir dans des crues extraordinaires. »
      • La règle posée par ce texte n’est qu’une présomption simple qui souffre de la preuve contraire.
  • S’agissant des relais
    • Principe
      • L’article 557, in fine prévoit que « le propriétaire de la rive découverte profite de l’alluvion, sans que le riverain du côté opposé y puisse venir réclamer le terrain qu’il a perdu.»
      • Ainsi, tandis que l’assiette de la propriété du terrain qui profite du relais s’accroît, celle du fonds de la rive opposée diminue.
    • Exception
      • L’article 557, al. 2e pose une exception à la règle pour les relais de mer qui sont sans incidence sur l’assiette du droit de propriété des propriétaires riverains.
      • La raison en est que, en application de l’article L. 2111-4 du Code général de la propriété des personnes publiques les relais de mer relèvent du domaine public.
      • Or celui-ci est inaliénable ; il ne saurait, en conséquence, être agrégé à une propriété privée.
      • À l’inverse, les avancées de la mer sur les terrains privés ont pour effet de les intégrer dans le domaine public, sans que les propriétaires puissent solliciter une indemnité.

L’accession immobilière naturelle : le sort des animaux

L’accession est dite naturelle lorsque l’incorporation de la chose ne procède pas du fait de l’homme, en ce sens qu’il n’est pas intervenu dans le processus d’union des biens.

Cette incorporation est qui donc est le résultat d’un phénomène naturel peut avoir pour objet tout autant un meuble qu’un immeuble.

Nous nous focaliserons ici sur l’incorporation des meubles et plus précisément des animaux.

Lorsqu’un bien meuble s’incorpore à un immeuble, en application de la règle de l’accession énoncée à l’article 546 du Code civil, il devient la propriété du propriétaire de l’immeuble, étant précisé que les meubles sont toujours regardés comme les accessoires, tandis que les immeubles représentent le principal.

Aussi, le propriétaire d’un meuble ne saurait acquérir par voie d’accession la propriété d’un immeuble en cas d’union des deux biens.

Par principe, tous les biens meubles étaient susceptibles de faire l’objet d’une acquisition par voie d’accession immobilière, raison pour laquelle les rédacteurs du Code civil ne se sont pas employés à dresser la liste de ceux relevant du domaine d’application de la règle de l’accession.

Ils se sont néanmoins arrêtés sur une catégorie spécifique de choses mobilières dont l’appropriation par voie d’accession était potentiellement source de litige.

Ces choses qui ont retenu l’attention du législateur ne sont autres que les animaux susceptibles de s’établir momentanément sur un fonds puis de changer de territoire.

Afin de prévenir toute difficulté quant à la désignation du propriétaire de ces animaux, l’article 564 du Code civil prévoit que « les pigeons, lapins, poissons, qui passent dans un autre colombier, garenne ou plan d’eau visé aux articles L. 431-6 et L. 431-7 du code de l’environnement appartiennent au propriétaire de ces derniers, pourvu qu’ils n’y aient point été attirés par fraude et artifice. »

Certains animaux deviennent ainsi l’accessoire du fonds sur lequel ils se sont établis. Le texte exige néanmoins qu’un certain nombre de conditions soient réunies :

  • Des animaux semi-sauvages
    • Principe
      • Seuls les animaux semi-sauvages peuvent faire l’objet d’une acquisition par le propriétaire du fonds sur lequel ils sont établis.
      • Par semi-sauvage, il faut entendre les animaux qui évoluent sur un même territoire, soit qui, en quelque sorte, sont sédentaires.
      • Les animaux sauvages ne se fixent, quant à eux, sur aucun territoire déterminé (le gibier par exemple), raison pour laquelle ils sont insusceptibles de faire l’objet d’une appropriation par voie d’accession.
      • Il s’agit de res nullius (choses sans maître) qui ne peuvent être appropriés que par occupation.
      • S’agissant des animaux semi-sauvages, si le texte vise les pigeons, lapins, poissons, qui passent dans un autre colombier, garenne ou plan d’eau, la liste n’est nullement limitative.
      • Ce qui importe, c’est que l’animal ait des habitudes sédentaires, ce qui sera le cas de ceux qui évoluent dans un enclos ou encore des abeilles qui habitent une ruche.
    • Exceptions
      • Les animaux domestiques
        • Les animaux domestiques sont ceux qui ont fait l’objet d’une domestication et qui demeure la propriété de leur maître quand bien même ils s’échapperaient.
        • Aussi, sont-ils susceptibles de faire l’objet d’une action en revendication en cas d’appropriation par autrui.
        • Une action pénale peut également être exercée en cas de soustraction frauduleuse de l’animal à son propriétaire.
      • Les animaux de basse-cour
        • L’article L. 211-4, I du Code rural et de la pêche maritime dispose que « les volailles et autres animaux de basse-cour qui s’enfuient dans les propriétés voisines ne cessent pas d’appartenir à leur maître quoi qu’il les ait perdus de vue. »
        • Ce texte précise que « néanmoins, celui-ci ne peut plus les réclamer un mois après la déclaration qui doit être faite à la mairie par les personnes chez lesquelles ces animaux se sont enfuis. »
        • L’action en revendication est ainsi enfermée dans un délai très court, puisque le propriétaire de l’animal de basse-cour doit agir dans le délai d’un mois, sauf à ce qu’il s’agisse d’un vol.
  • L’absence de captation par fraude et artifice
    • L’article 564 du Code civil prévoit que lorsque l’animal semi-sauvage qui s’est établi sur un fonds a été attiré par « fraude et artifice» le jeu de l’accession est neutralisé.
    • Il en résulte que le propriétaire du fonds qui aura usé de moyens frauduleux pour capter les animaux qui étaient établis sur le fonds voisin ne pourra pas se prévaloir de leur acquisition.
    • Ces derniers seront réputés n’avoir jamais changé de propriétaire, les juges du fond disposant, en la matière, d’un pouvoir souverain d’appréciation.

L’accession immobilière naturelle : régime juridique

L’accession immobilière correspond à l’hypothèse où une chose mobilière ou immobilière est incorporée à un immeuble, de telle sorte qu’une union se crée entre les deux biens qui en formeront plus qu’un seul et même bien.

À l’examen, outre son objet, les immeubles, l’accession immobilière se distingue de l’accession mobilière en ce qu’elle remplit deux fonctions.

En effet, l’accession immobilière n’est pas seulement un mode d’acquisition de la propriété, elle vise également à en fixer les limites.

Avant de résoudre un conflit de propriétés, ce qui est la fonction première de l’accession, encore faut-il être en mesure de délimiter les assiettes des droits qui s’affrontent, ne serait-ce que pour identifier celle qui correspond au principal et emporte, par voie de conséquence, la propriété du bien accessoire.

Lorsque les propriétés en conflits portent sur des biens meubles, la délimitation de l’assiette des droits de chaque propriétaire ne soulève aucune difficulté dans la mesure où elle embrasse les contours physiques du bien qui, par nature, sont finis.

Lorsque, en revanche, il s’agit de délimiter l’assiette de la propriété d’un bien immobilier, l’exercice est tout autre. La propriété d’un immeuble est assise sur le sol. Or non seulement celui-ci peut s’étendre sans fin, mais encore il doit être appréhendé tant de long en large (surface) que de haut en bas (dessus et dessous).

Aussi, la délimitation de l’assiette de la propriété immobilière est loin d’être aussi évidente qu’en matière mobilière où ce sont les contours physiques de la chose qui fixent l’assiette des droits de son propriétaire.

Afin de surmonter cette difficulté de la délimitation de la propriété immobilière, qui est un préalable nécessaire, à la résolution des conflits de propriétés, les rédacteurs du Code civil ont posé des règles aux articles 552 et 552.

Si ces règles introduisent la section consacrée à l’accession immobilière, elles y sont en réalité étrangères.

En effet, elles visent à définir, non pas un mode d’acquisition de la propriété, mais l’assiette du droit du propriétaire d’un immeuble.

La résolution des conflits de propriétés en matière immobilière est, quant à elle, envisagée aux articles suivants (art. 554 à 564 C. civ.) qui donc intéressent le mode d’acquisition de la propriété que constitue l’accession.

A cet égard, le Code civil distingue selon que l’accession immobilière est le résultat d’un phénomène naturel ou selon qu’elle procède de l’intervention de la main de l’homme.

Nous nous focaliserons ici sur l’accession naturelle.

L’accession est dite naturelle lorsque l’incorporation de la chose ne procède pas du fait de l’homme, en ce sens qu’il n’est pas intervenu dans le processus d’union des biens.

Cette incorporation est qui donc est le résultat d’un phénomène naturel peut avoir pour objet tout autant un meuble qu’un immeuble.

I) L’incorporation d’un meuble

Lorsqu’un bien meuble s’incorpore à un immeuble, en application de la règle de l’accession énoncée à l’article 546 du Code civil, il devient la propriété du propriétaire de l’immeuble, étant précisé que les meubles sont toujours regardés comme les accessoires, tandis que les immeubles représentent le principal.

Aussi, le propriétaire d’un meuble ne saurait acquérir par voie d’accession la propriété d’un immeuble en cas d’union des deux biens.

Par principe, tous les biens meubles étaient susceptibles de faire l’objet d’une acquisition par voie d’accession immobilière, raison pour laquelle les rédacteurs du Code civil ne se sont pas employés à dresser la liste de ceux relevant du domaine d’application de la règle de l’accession.

Ils se sont néanmoins arrêtés sur une catégorie spécifique de choses mobilières dont l’appropriation par voie d’accession était potentiellement source de litige.

Ces choses qui ont retenu l’attention du législateur ne sont autres que les animaux susceptibles de s’établir momentanément sur un fonds puis de changer de territoire.

Afin de prévenir toute difficulté quant à la désignation du propriétaire de ces animaux, l’article 564 du Code civil prévoit que « les pigeons, lapins, poissons, qui passent dans un autre colombier, garenne ou plan d’eau visé aux articles L. 431-6 et L. 431-7 du code de l’environnement appartiennent au propriétaire de ces derniers, pourvu qu’ils n’y aient point été attirés par fraude et artifice. »

Certains animaux deviennent ainsi l’accessoire du fonds sur lequel ils se sont établis. Le texte exige néanmoins qu’un certain nombre de conditions soient réunies :

  • Des animaux semi-sauvages
    • Principe
      • Seuls les animaux semi-sauvages peuvent faire l’objet d’une acquisition par le propriétaire du fonds sur lequel ils sont établis.
      • Par semi-sauvage, il faut entendre les animaux qui évoluent sur un même territoire, soit qui, en quelque sorte, sont sédentaires.
      • Les animaux sauvages ne se fixent, quant à eux, sur aucun territoire déterminé (le gibier par exemple), raison pour laquelle ils sont insusceptibles de faire l’objet d’une appropriation par voie d’accession.
      • Il s’agit de res nullius (choses sans maître) qui ne peuvent être appropriés que par occupation.
      • S’agissant des animaux semi-sauvages, si le texte vise les pigeons, lapins, poissons, qui passent dans un autre colombier, garenne ou plan d’eau, la liste n’est nullement limitative.
      • Ce qui importe, c’est que l’animal ait des habitudes sédentaires, ce qui sera le cas de ceux qui évoluent dans un enclos ou encore des abeilles qui habitent une ruche.
    • Exceptions
      • Les animaux domestiques
        • Les animaux domestiques sont ceux qui ont fait l’objet d’une domestication et qui demeure la propriété de leur maître quand bien même ils s’échapperaient.
        • Aussi, sont-ils susceptibles de faire l’objet d’une action en revendication en cas d’appropriation par autrui.
        • Une action pénale peut également être exercée en cas de soustraction frauduleuse de l’animal à son propriétaire.
      • Les animaux de basse-cour
        • L’article L. 211-4, I du Code rural et de la pêche maritime dispose que « les volailles et autres animaux de basse-cour qui s’enfuient dans les propriétés voisines ne cessent pas d’appartenir à leur maître quoi qu’il les ait perdus de vue. »
        • Ce texte précise que « néanmoins, celui-ci ne peut plus les réclamer un mois après la déclaration qui doit être faite à la mairie par les personnes chez lesquelles ces animaux se sont enfuis. »
        • L’action en revendication est ainsi enfermée dans un délai très court, puisque le propriétaire de l’animal de basse-cour doit agir dans le délai d’un mois, sauf à ce qu’il s’agisse d’un vol.
  • L’absence de captation par fraude et artifice
    • L’article 564 du Code civil prévoit que lorsque l’animal semi-sauvage qui s’est établi sur un fonds a été attiré par « fraude et artifice» le jeu de l’accession est neutralisé.
    • Il en résulte que le propriétaire du fonds qui aura usé de moyens frauduleux pour capter les animaux qui étaient établis sur le fonds voisin ne pourra pas se prévaloir de leur acquisition.
    • Ces derniers seront réputés n’avoir jamais changé de propriétaire, les juges du fond disposant, en la matière, d’un pouvoir souverain d’appréciation.

II) L’incorporation d’un immeuble

L’accession immobilière ne procède pas seulement de l’incorporation d’un meuble, elle peut également résulter de l’union de plusieurs immeubles.

Le phénomène naturel susceptible de conduire à ce résultat n’est autre que le mouvement de l’eau qui sous l’effet des événements climatiques peut donner lieu à la création de nouveaux biens, à tout le moins à une redéfinition de l’assiette de la propriété.

Création d’un îlot, abandon par un cours d’eau de son lit, apparition d’alluvions et de relais sont autant de phénomènes qui sont envisagés par le Code civil dans le cadre de l’accession immobilière.

Ces phénomènes ont en commun de conduire à des situations d’extension ou de réduction de l’assiette de la propriété d’un fonds.

La question qui a lors se pose est de savoir à qui profite ou préjudicie les mouvements de l’eau qui modifient la configuration des terrains et, par voie de conséquence, les limites de voisinage.

Pour le déterminer, il convient de se reporter aux articles 556 à 563 du Code civil qui distinguent plusieurs phénomènes.

A) Sort des alluvions et relais

Les articles 556 à 558 envisagent le sort des alluvions et des relais qui conduisent tous deux à un accroissement de l’assiette de la propriété d’un fonds.

==> Notion

  • Les alluvions
    • Ils sont définis à l’article 556 du Code civil comme « les atterrissements et accroissements qui se forment successivement et imperceptiblement aux fonds riverains d’un cours d’eau s’appellent ” alluvion “. »
    • Concrètement, il s’agit de terrains qui se forment sous l’effet de dépôts argileux ou sableux émergé qu’ont laissé des eaux par des sédimentations successives.
    • Les alluvions s’observent dans le lit du cours d’eau et plus précisément sur ses rives où elles s’accumulent.
    • L’alluvion se distingue de l’île en ce qu’elle est attachée à la rive, soit sans être enfermée par des bras d’eau.
  • Les relais
    • Les relais se forment, selon l’article 557 du Code civil, par « l’eau courante qui se retire insensiblement de l’une de ses rives en se portant sur l’autre»
    • À la différence de l’alluvion dont la formation n’a, en principe, aucune incidence sur la situation de la rive opposée, le relais, qui résultent d’un retrait des eaux sur une rive du cours d’eau s’accompagne d’une montée des eaux sur l’autre rive.
    • Le relais opère ainsi un accroissement du terrain que l’eau abandonne et une diminution du terrain que cette même eau recouvre.

==> Régime

Les alluvions et relais sont sensiblement soumis au même régime : ils appartiennent au propriétaire du fonds auquel ils sont attachés.

Au vrai, l’appropriation des alluvions et relais ne s’opère par voie d’accession que dans l’hypothèse où le cours d’eau présente un caractère domanial.

Lorsqu’il s’agit d’un cours d’eau non domanial, en application de l’article L. 215-2 du Code de l’environnement, chaque propriétaire riverain a d’ores et déjà la propriété de la moitié du lit, suivant une ligne que l’on suppose tracée au milieu du cours d’eau, sauf titre ou prescription contraire.

On ne saurait, dans ces conditions, considérer que la propriété de l’alluvion ou du relais résulte de la mise en œuvre de la règle de l’accession.

L’application de cette règle ne vaut que pour les cours d’eau domaniaux qui sont la propriété d’une personne publique.

  • S’agissant de l’alluvion
    • Principe
      • L’article 556, al. 2 prévoit que « l’alluvion profite au propriétaire riverain, qu’il s’agisse d’un cours d’eau domanial ou non ; à la charge, dans le premier cas, de laisser le marchepied ou chemin de halage, conformément aux règlements. »
      • Il ressort de cette disposition que la propriété de l’alluvion est attribuée au propriétaire riverain.
      • Il est, à cet égard, indifférent que le cours d’eau relève du domaine public.
      • Si tel est le cas, le propriétaire du fonds devra seulement se conformer aux servitudes légales de marchepied et de halage.
      • Ces servitudes sont régies aux articles L. 2131-2 à L. 2131-6 du Code de la propriété des personnes publiques
        • S’agissant de la servitude de marchepied: les propriétés riveraines d’un cours d’eau ou d’un lac domanial sont grevées sur chaque rive d’une servitude de 3,25 mètres, dite servitude de marchepied. Cette servitude interdit, dans cette bande de 3,25 mètres, aux propriétaires riverains de planter des arbres ou de se clore par des haies ou autrement.
        • S’agissant de la servitude de halage: elle concerne les cours d’eau domaniaux où il existe un chemin de halage ou d’exploitation présentant un intérêt pour le service de la navigation. La servitude grève les propriétés dans un espace de 7,80 mètres de largeur le long des bords desdits cours d’eau domaniaux, ainsi que sur les îles où il en est besoin. Les propriétaires riverains ne peuvent planter des arbres ni se clore par des haies ou autrement qu’à une distance de 9,75 mètres sur les bords où il existe un chemin de halage ou d’exploitation.
    • Conditions
      • Plusieurs conditions doivent être réunies pour que le propriétaire du fonds riverain acquière la propriété des alluvions
      • Tout d’abord, en application de l’article L. 2111-13 du Code général de la propriété des personnes publiques, la formation de l’alluvion doit avoir une origine naturelle.
      • Autrement dit, elle ne doit pas résulter d’une intervention humaine
      • Ensuite, l’alluvion doit s’être formée « successivement et imperceptiblement»
      • Cela signifie qu’elle ne doit pas être apparue brutalement consécutivement, par exemple, à la survenance d’un orage ou d’une tempête
      • L’alluvion doit s’être formée progressivement sur une durée suffisamment longue pour que cette formation puisse échapper aux sens
      • Enfin, la propriété de l’alluvion ne peut être revendiquée que par le propriétaire de la rive sur laquelle elle se forme.
      • Si le fonds est séparé de la rive par une voie appartenant à un tiers, la règle de l’accession ne pourra pas jouer, à tout le moins pas pour le propriétaire du terrain non directement rattaché à la rive.
    • Exceptions
      • L’article 558, al. 1er du Code civil prévoit que « l’alluvion n’a pas lieu à l’égard des lacs et étangs, dont le propriétaire conserve toujours le terrain que l’eau couvre quand elle est à la hauteur de la décharge de l’étang, encore que le volume de l’eau vienne à diminuer. »
      • Ainsi, lorsqu’il s’agit d’un lac ou d’un étang, en cas de formation d’alluvion, les limites de propriété des fonds riverains ne sont pas affectées par les mouvements de l’eau qui demeurent exceptionnels
      • Il est indifférent que la formation de l’alluvion résulte d’un phénomène naturel et imperceptible.
      • Les limites de la propriété correspondent au terrain couvert par l’étang lorsque l’eau est à la hauteur de la décharge de l’étang, peu important les variations de l’eau.
      • L’alinéa 2 de l’article 558 précise que « réciproquement, le propriétaire de l’étang n’acquiert aucun droit sur les terres riveraines que son eau vient à couvrir dans des crues extraordinaires. »
      • La règle posée par ce texte n’est qu’une présomption simple qui souffre de la preuve contraire.
  • S’agissant des relais
    • Principe
      • L’article 557, in fine prévoit que « le propriétaire de la rive découverte profite de l’alluvion, sans que le riverain du côté opposé y puisse venir réclamer le terrain qu’il a perdu.»
      • Ainsi, tandis que l’assiette de la propriété du terrain qui profite du relais s’accroît, celle du fonds de la rive opposée diminue.
    • Exception
      • L’article 557, al. 2e pose une exception à la règle pour les relais de mer qui sont sans incidence sur l’assiette du droit de propriété des propriétaires riverains.
      • La raison en est que, en application de l’article L. 2111-4 du Code général de la propriété des personnes publiques les relais de mer relèvent du domaine public.
      • Or celui-ci est inaliénable ; il ne saurait, en conséquence, être agrégé à une propriété privée.
      • À l’inverse, les avancées de la mer sur les terrains privés ont pour effet de les intégrer dans le domaine public, sans que les propriétaires puissent solliciter une indemnité.

B) Sort des avulsions

==> Notion

L’avulsion est un phénomène envisagé par l’article 559 du Code civil qui la définit comme l’éventualité où « un cours d’eau, domanial ou non, enlève par une force subite une partie considérable et reconnaissable d’un champ riverain, et la porte vers un champ inférieur ou sur la rive opposée ».

L’avulsion correspond, en somme, à un détachement d’une portion d’un terrain qui se déporte vers un autre fonds inférieur ou opposé.

L’avulsion se distingue de l’alluvion en ce qu’il s’agit un phénomène perceptible et qui mobilise une grande quantité de matière.

==> Conditions

Plusieurs conditions sont requises par l’article 559 du Code civil pour que le phénomène d’avulsion soit établi.

Tout d’abord, le texte exige qu’il y ait un enlèvement de matière, soit d’une portion de terrain.

Ensuite, cet enlèvement doit procéder d’une « force subie », c’est-à-dire par un mouvement instantané, ce qui range l’avulsion parmi les événements exceptionnels. Il faut, en effet, que le terrain se déplace assez fortement lié, dans toutes ses parties par les racines qui le pénètrent et par la végétation qui le couvre, ou par la nature même des terres qui le composent, pour qu’il puisse céder au courant sans se dissoudre.

Enfin, il faut que la portion du terrain au moment où elle se détache soit d’une importance sensible ; quelques mottes de gazon ou quelques touffes étant insuffisant à caractériser l’avulsion. Si, en effet, les parties enlevées, ne sont pas « considérables » ni « reconnaissables » c’est-à-dire d’une importance de nature à être appréciée l’action en revendication ne pourra pas prospérer

==> Régime

L’article 559 du Code civil prévoit que le propriétaire de la partie enlevée du terrain « peut réclamer sa propriété ».

Il s’agit là d’un véritable droit de revendication qui est conféré à ce dernier, prérogative qui s’analyse en une sorte de droit de suite.

Le texte enferme toutefois l’exercice de ce droit dans le délai d’un an à compter de la survenance de l’événement. Il s’agit ici d’un délai, non pas de prescription, mais préfixe qui ne peut donc souffrir aucune interruption, ni suspension.

À défaut de former sa demande dans l’année, le propriétaire de l’avulsion « n’y sera plus recevable ».

À cet égard, il peut être observé que le droit conféré au propriétaire de revendiquer la propriété de la portion de terre qui s’est détachée de son terrain n’est qu’une simple faculté. Aucune obligation ne pèse sur lui de reprendre son bien. Il peut d’ailleurs être souligné qu’aucune indemnité n’est due au propriétaire du fonds sur lequel l’avulsion a échoué.

En pratique, parce que la reprise de son bien suppose la réalisation de travaux coûteux, le propriétaire n’exercera pas d’action en revendication.

Le texte précise enfin que l’action en revendication est forclose à l’expiration d’un délai d’un an « à moins que le propriétaire du champ auquel la partie enlevée a été unie, n’eût pas encore pris possession de celle-ci. »

Autrement dit, tant que le propriétaire du fonds sur lequel l’avulsion s’est déposée n’en a pas pris possession, l’action en revendication peut être exercée, y compris lorsque le délai de forclusion a expiré.

C) Sort des îles, îlots et atterrissements qui se forment dans le lit d’un cours d’eau

Les rédacteurs ont envisagé le sort des îles, îlots et atterrissements qui se forment dans le lit d’un cours d’eau.

==> Notion

L’île et l’îlot sont des étendues de terre entièrement entourés d’eau, émergeant dans un océan, une mer, un lac ou un cours d’eau.

La distinction entre l’île et l’îlot tient uniquement à leur superficie, étant précisé que la formation des deux procède, non pas d’une accumulation de matière, mais d’une baisse définitive du niveau des eaux.

À cet égard, pour être qualifiée d’île ou d’îlot l’étendue de terre qui émerge doit se situer au milieu du cours d’eau, faute de quoi il s’agit plutôt d’une alluvion.

Ils s’en distinguent encore, en ce qu’il est indifférent qu’ils se forment successivement et imperceptiblement. L’apparition de l’île ou de l’îlot peut parfaitement être brusquement.

Elle ne doit toutefois pas résulter de l’enlèvement par une force subite d’une « partie considérable et reconnaissable d’un champ riverain », auquel cas elle endosserait plutôt la qualification d’avulsion et, épouserait, par voie de conséquence, son régime juridique.

==> Régime

Il ressort de la combinaison des articles 560 et 561 du Code civil qu’il y a lieu de distinguer selon que le cours d’eau dans le lit duquel l’île ou l’îlot se forme est domanial ou non.

  • S’agissant des cours d’eau domaniaux
    • L’article 560 du Code civil prévoit que « les îles, îlots, atterrissements, qui se forment dans le lit des cours d’eau domaniaux, appartiennent à la personne publique propriétaire du domaine concerné, en l’absence de titre ou de prescription contraire. »
    • La raison en est que l’étendue de terre qui émerge dans le cours d’eau n’est autre qu’une partie de son lit.
    • Or le lit d’un cours d’eau domanial appartient à l’état.
    • Depuis l’adoption de l’ordonnance n°2006-460 du 21 avril 2006 qui a réformé, en profondeur, le droit domanial a modifié le critère de la domanialité des cours d’eau, les îles et îlots ne relèvent toutefois pas du domaine public de la personne publique mais de son domaine privé, raison pour laquelle ils peuvent être aliénés ou acquis par prescription.
    • Dans un arrêt du 29 février 1968, la Cour de cassation a précisé que « si le propriétaire perd ses prérogatives sur les îles ou îlots qui, submergés par suite d’un phénomène naturel, font partie du domaine public, il retrouve son droit lorsque les terres cessent d’appartenir au domaine public parce qu’elles ont émergé à nouveau naturellement par suite de travaux régulièrement autorisés qu’il aurait lui-même accomplis» ( 3e civ. 29 févr. 1968).
  • S’agissant des cours d’eau non domaniaux
    • L’article 561 du Code civil prévoit que « les îles et atterrissements qui se forment dans les cours d’eau non domaniaux, appartiennent aux propriétaires riverains du côté où l’île s’est formée»
    • La solution est conforme à la règle qui attribue à chaque propriétaire riverain la moitié du lit du cours d’eau ( L. 215-2, al. 2e C. env.).
    • La Cour de cassation a néanmoins précisé dans un arrêt du 10 mars 1953 que la règle ainsi énoncée « ne concerne que les îles de formation récente, dont la propriété demeure encore incertaine, et non des îles de formation ancienne figurant déjà au cadastre sous un numéro déterminé» ( 3e civ. 10 mars 1953).
    • Dans le droit fil de cette règle l’article 561 précise que « si l’île n’est pas formée d’un seul côté, elle appartient aux propriétaires riverains des deux côtés, à partir de la ligne qu’on suppose tracée au milieu du cours d’eau. »
    • Encore faut-il que cette ligne constitue la limite de propriété des deux fonds riverains ce qui n’est qu’une simple présomption.
    • Un propriétaire est, dans ces conditions, parfaitement fondé à revendiquer la propriété de l’île tout entière, s’il parvient à établir que, en réalité, le lit du cours d’eau lui appartient dans son intégralité.
    • En définitive, la règle est que la propriété de l’île ou de d’îlot, suit, en toute circonstance, la propriété du lit du cours d’eau.

D) Modification du lit d’un cours d’eau

Le Code civil envisage deux sortes de modifications dont est susceptible de faire l’objet un cours d’eau : la formation d’un nouveau bras et l’abandon de son lit

  • Formation d’un nouveau bras
    • L’article 562 du Code civil prévoit que « si un cours d’eau, en se formant un bras nouveau, coupe et embrasse le champ d’un propriétaire riverain, et en fait une île, ce propriétaire conserve la propriété de son champ, encore que l’île se soit formée dans un cours d’eau domanial. »
    • Il ressort de cette disposition que la formation d’un nouveau bras est sans incidence sur la limite de propriété du cours d’eau, à tout le moins lorsqu’il est domanial.
    • Lorsque, en revanche, il s’agit d’un cours d’eau domanial la propriété du propriétaire du fonds traversé par le nouveau bras s’en trouve diminuée d’autant.
  • Abandon de son lit
    • Dans l’hypothèse où un cours d’eau abandonne son lit, il y a lieu de distinguer selon que celui-ci présente un caractère domanial ou non.
      • Les cours d’eaux domaniaux
        • L’article 563 du Code civil dispose que « si un cours d’eau domanial forme un nouveau cours en abandonnant son ancien lit, les propriétaires riverains peuvent acquérir la propriété de cet ancien lit, chacun en droit soi, jusqu’à une ligne qu’on suppose tracée au milieu du cours d’eau.»
        • Il ressort de cette disposition que l’ancien lit d’un cours d’eau tombe dans le domaine privé de la personne publique ce qui implique qu’il peut faire l’objet d’une aliénation ou qu’il peut être acquis par usucapion.
        • Lorsqu’il est aliéné, l’alinéa 1er in fine de l’article 563 du Code civil précise que « le prix de l’ancien lit est fixé par des experts nommés par le président du tribunal de la situation des lieux, à la requête de l’autorité compétente. »
        • À cet égard, il peut être observé que l’aliénation de l’ancien lit du cours d’eau ne constitue, en aucun cas, une faculté laissée à la discrétion : il s’agit d’une véritable obligation mise à sa charge.
        • L’alinéa 2e du texte prévoit en ce sens que « à défaut par les propriétaires riverains de déclarer, dans les trois mois de la notification qui leur sera faite par l’autorité compétente, l’intention de faire l’acquisition aux prix fixés par les experts, il est procédé à l’aliénation de l’ancien lit selon les règles qui président aux aliénations du domaine des personnes publiques. »
        • S’agissant du prix payé par les acquéreurs privés du nouveau lit, il vise à indemniser les propriétaires des fonds sur lesquels le nouveau lit du cours d’eau s’est établi, ce qui a pour conséquence, de diminuer l’assiette de leur propriété.
        • Cet objectif a été érigé en règle énoncée à l’article 533, al. 3e du Code civil qui prévoit que « le prix provenant de la vente est distribué aux propriétaires des fonds occupés par le nouveau cours à titre d’indemnité, dans la proportion de la valeur du terrain enlevé à chacun d’eux. »
      • Les cours d’eau non-domaniaux
        • L’article L. 215-4 du Code de l’environnement dispose que lorsqu’un cours d’eau non domanial abandonne naturellement son lit, les propriétaires des fonds sur lesquels le nouveau lit s’établit sont tenus de souffrir le passage des eaux sans indemnité.
        • Toutefois, ils peuvent, dans l’année qui suit le changement de lit, prendre les mesures nécessaires pour rétablir l’ancien cours des eaux.
        • Les propriétaires riverains du lit abandonné jouissent de la même faculté et peuvent, dans l’année et dans les mêmes conditions poursuivre l’exécution des travaux nécessaires au rétablissement du cours primitif.
        • À l’expiration de ce délai le nouveau lit appartient pour moitié aux propriétaires riverains et le lit abandonné aux propriétaires anciennement riverains.

L’accession immobilière artificielle : régime juridique

L’accession est dite artificielle lorsque l’incorporation de la chose procède du fait de l’homme, en ce sens qu’il est intervenu dans le processus d’union des biens.

Cette forme d’accession est régie aux articles 554 et 555 du Code civil qui doivent être articulés avec les articles 552 et 553.

==> Délimitation de la propriété et résolution des conflits de propriété

Le mécanisme d’acquisition de la propriété institué par les articles 554 et 555 du Code civil ne peut être compris que s’il est appréhendé à la lumière des articles 552 et 553.

  • L’article 552 vise à définir l’objet de la propriété immobilière en présument le propriétaire du sol, propriétaire du dessus et du dessous
  • L’article 553 vise, quant à lui, non pas à délimiter l’objet de la propriété immobilière, mais à prévenir la survenance d’un conflit entre propriétaires résultant de l’incorporation à un fonds d’un bien appartenant à autrui.

La combinaison de ces deux dispositions a manifestement pour effet de conférer au propriétaire du sol une maîtrise totale de l’immeuble en ce que non seulement il est présumé être propriétaire du dessus et du dessous mais encore il est réputé avoir édifié tout ce qui est implanté sur son fonds.

S’agissant, spécifiquement, de l’article 553 du Code civil, cette disposition envisage l’hypothèse où la propriété d’un bien incorporé dans le sous-sol ou élevé en surface serait contestée au propriétaire du sol.

Deux situations sont susceptibles de se présenter :

  • Soit le propriétaire du sol a réalisé un ouvrage en incorporant à son fonds les biens d’autrui
  • Soit un tiers a réalisé un ouvrage incorporé au fonds du propriétaire du sol parce qu’il en avait la jouissance, en vertu d’un droit personnel (bail), d’un droit réel (usufruit) ou encore qu’il était occupant sans droit ni titre

Afin de résoudre ce conflit de propriétés, deux approches peuvent être adoptées :

  • Première approche
    • Elle consiste à faire une application stricte de la règle de l’accession ce qui aurait pour effet de désigner de façon systématique le propriétaire du sol comme étant le propriétaire de l’ouvrage réalisé, peu importe que la construction procède de l’intervention d’un tiers
    • Cette approche présente l’avantage de la simplicité, en ce qu’elle fait d’emblée échec à toute action en revendication.
    • L’inconvénient, c’est qu’elle peut s’avérer pour le moins sévère sinon injuste pour le tiers muni d’un titre qui, bien qu’il soit l’auteur de l’ouvrage réalisé, ne pourra pas échapper à une expropriation.
  • Seconde approche
    • Elle consiste à positionner le conflit de propriétés sur le terrain probatoire en posant une présomption qui désigne le propriétaire du sol comme l’auteur des ouvrages réalisés sur son fonds, mais qui peut être combattue par la preuve contraire.
    • Cette approche autorise ainsi les tiers à contester la propriété de la chose incorporée au fonds du propriétaire du sol et donc à faire valoir ses droits sur le bien revendiqué.
    • Faute de preuve suffisante, c’est la règle de l’accession qui a vocation à s’appliquer, d’où il s’ensuit la désignation du propriétaire du sol comme étant le propriétaire de l’ouvrage implanté sur son fonds

À l’examen, les rédacteurs du Code civil ont opté pour la seconde approche, l’article 553 instituant au profit du propriétaire du sol une présomption réfragable, soit qui peut être combattue par la preuve contraire.

==> Présomption et accession

La présomption instituée à l’article 553 du Code civil est à double détente :

  • Première détente: toutes les constructions élevées sur un fonds sont présumées avoir été réalisées par le propriétaire de ce fonds à ses frais.
  • Seconde détente: faute de preuve contraire, l’ouvrage implanté sur le fonds est réputé appartenir au propriétaire du sol.

Il peut être observé que le texte ne rattache nullement ici la propriété de la construction à la qualité de propriétaire du sol, ce qui reviendrait à faire application de la règle de l’accession.

Il se limite seulement à énoncer que l’incorporation d’un ouvrage à un fonds fait présumer que cet ouvrage a été réalisé par le propriétaire du sol.

Aussi, l’article 553 ne déduit la qualité de propriétaire de la construction, non pas de la qualité de propriétaire du sol, mais de la qualité de maître d’ouvrage.

Cette subtilité n’est pas sans importance, dans la mesure où elle offre la possibilité à quiconque de revendiquer la propriété d’un ouvrage élevé sur le fonds d’autrui.

Pour ce faire, il est néanmoins nécessaire de combattre la présomption posée par le texte à laquelle il peut être fait échec par tout moyen.

Dans un arrêt du 7 novembre 1978, la Cour de cassation a ainsi admis que la preuve de la propriété d’un ouvrage élevé sur le terrain d’autrui était rapportée du seul fait que le revendicant était parvenu à démontrer que le bien revendiqué a été construit pour son propre compte, sur ses plans et en partie de ses mains, sans aucune intervention du propriétaire du sol, et qu’il justifiait, par des factures établies à son nom et payées par lui, avoir assumé seul la charge du coût de la construction (Cass. 3e civ. 7 nov. 1978, n°77-13045).

Il ressort de la jurisprudence que pour faire échec à la présomption posée à l’article 553 il y a lieu de prouver :

  • D’une part, que le tiers agi dans son propre intérêt et non pour le compte du propriétaire du sol ou d’autrui
  • D’autre part, que le tiers a agi à ses frais, soit que c’est lui qui a personnellement supporté le coût de la construction

Lorsque la preuve de la réalisation de l’ouvrage par un tiers est rapportée, il n’en acquiert pas pour autant la propriété.

En effet, cette preuve a seulement pour effet de faire échec à l’attribution, par présomption, de la propriété de la construction au propriétaire du sol.

Elle ne pourra toutefois pas faire obstacle à l’application de la règle de fond énoncée à l’article 555 du Code civil qui désigne, par voie d’accession, le propriétaire du sol comme le propriétaire de toutes les plantations, constructions et ouvrages élevés sur son fonds.

L’union des biens est inévitable : si elle ne se fait pas sur le terrain probatoire, elle se fera sous l’effet de la règle de l’accession.

Mais alors, puisque l’attribution de l’ouvrage au propriétaire du sol est inévitable, immédiatement la question se pose de l’intérêt de l’article 553 du Code civil ?

Pourquoi ouvrir la possibilité aux tiers de contester, sur le fondement de l’article 553, la propriété de l’ouvrage élevé sur le fonds d’autrui si, in fine, elle sera systématiquement attribuée au propriétaire du sol ?

L’intérêt pour le tiers de se placer sur le terrain probatoire, c’est que, une fois démontré que c’est lui qui a endossé la qualité de maître d’ouvrage et non le propriétaire du sol, il sera fondé, au titre de cette qualité, à réclamer dans le cadre de l’application de la règle de l’accession à percevoir une indemnité.

C’est là qu’interviennent les articles 554 et 555 du Code civil qui, lorsqu’il est fait échec à la présomption posée à l’article 553 du Code civil, opèrent un basculement vers l’application de la règle de l’accession.

D’une présomption de propriété on passe à un mode d’acquisition de la propriété du bien incorporé au fonds.

Cette incorporation peut résulter :

  • Soit de la réalisation de plantations ou de constructions par le propriétaire du sol sur son fonds avec des matériaux qui appartiennent à autrui
  • Soit de la réalisation de plantations ou de constructions par un tiers sur un fonds appartenant à autrui

Les articles 554 et 555 du Code civil envisagent ces deux hypothèses qui, toutes deux, mobilisent la règle de l’accession.

I) La réalisation de plantations ou de constructions par le propriétaire du sol sur son fonds avec des matériaux qui appartiennent à autrui

L’article 554 du Code civil prévoit que « le propriétaire du sol qui a fait des constructions, plantations et ouvrages avec des matériaux qui ne lui appartenaient pas doit en payer la valeur estimée à la date du paiement ; il peut aussi être condamné à des dommages-intérêts, s’il y a lieu : mais le propriétaire des matériaux n’a pas le droit de les enlever. »

Cette disposition envisage donc l’hypothèse où le propriétaire du sol élève des constructions ou plantations sur son fonds avec des matériaux qui ne lui appartiennent pas.

Lorsqu’il est établi qu’il n’est pas propriétaire de ces matériaux, en application de l’article 553 du Code civil, deux règles sont posées par le texte :

  • D’une part, le propriétaire des matériaux incorporés à la construction ou à la plantation ne peut pas faire l’objet d’une action en revendication
  • D’autre part, le propriétaire du sol doit indemniser le propriétaire des matériaux qu’il a utilisés

A) L’interdiction de revendiquer les matériaux au propriétaire du sol

==> Principe

L’article 554 du Code civil prévoit que les matériaux qui ont été incorporés à la construction ou aux plantations élevés sur le fonds ne peuvent pas être revendiqués par leur propriétaire

Ces matériaux appartiennent définitivement au propriétaire du sol qui en acquiert la propriété par voie d’accession, peu important que ce dernier soit de bonne ou de mauvaise foi.

La règle ainsi posée se distingue du principe énoncé à l’article 2276 du Code civil aux termes duquel « en fait de meuble, possession vaut titre »

Alors que l’application de ce principe, suppose un possesseur de bonne foi, l’article 554 fait fi de cette exigence.

C’est là une distinction fondamentale entre la possession et l’accession qui si, toutes deux produisent un effet acquisitif, sont des mécanismes qui ont leur fonctionnement propre.

À cet égard, l’effet acquisitif attaché à l’incorporation visée à l’article 554 du Code civil procède de la neutralisation de l’action en revendication dont devrait être titulaire le propriétaire des matériaux.

Cette neutralisation ne s’opérera qu’autant que les biens incorporés seront indissociables. Dans l’hypothèse où ils pourraient être séparés sans inconvénient du fonds, l’action en revendication pourra toujours être exercée.

Il en va de même lorsque la chose revendiquée est assortie d’une clause de réserve de propriété.

==> Cas particulier de la chose sous réserve de propriété

La question se pose de l’application de l’article 554 du Code civil à la chose sous réserve de propriété, soit qui demeure appartenir au vendeur tant qu’il n’a pas été payé du prix convenu.

Dans cette hypothèse, il y a lieu de distinguer selon que l’action en revendication s’exerce ou non dans le cadre d’une procédure collective.

En cas de procédure collective, l’article 624, al. 3 du Code de commerce prévoit que « la revendication en nature peut s’exercer dans les mêmes conditions sur les biens mobiliers incorporés dans un autre bien lorsque la séparation de ces biens peut être effectuée sans qu’ils en subissent un dommage. »

Dans cette hypothèse, la revendication des matériaux appartenant à autrui est ainsi admise à la condition toutefois que leur séparation du bien dans lequel ils sont incorporés ne soulève aucun inconvénient qui serait insurmontable.

En l’absence de procédure collective, la lecture de l’article 2370 du Code civil suggère qu’il y a lieu d’appliquer la même solution.

Cette disposition prévoit, en effet, que « l’incorporation d’un meuble faisant l’objet d’une réserve de propriété à un autre bien ne fait pas obstacle aux droits du créancier lorsque ces biens peuvent être séparés sans subir de dommage. »

Ainsi, lorsque le bien est sous réserve de propriété, que l’action en revendication soit exercée dans le cadre d’une procédure collective ou en dehors d’une telle procédure, elle est admise dès lors qu’il peut être aisément séparé du fonds auquel il est revendiqué.

La raison en est que la règle de l’accession n’est pas d’ordre public, de sorte qu’il peut y être fait échec par convention contraire.

Or la stipulation d’une clause de réserve de propriété vise précisément à atteindre ce résultat, dans la mesure où le vendeur se réserve la propriété du bien vendu tant qu’il n’a pas été intégralement réglé de son prix.

Il n’y a donc rien d’illogique à admettre que la chose sous réserve de propriété puisse être revendiquée par son propriétaire, alors même qu’elle a été incorporée à un immeuble.

Seule exigence requise par les textes : la possibilité de dissocier les matériaux incorporés sans préjudice pour les biens qui ont été unis.

Le raisonnement à tenir est le même pour la clause insérée dans un contrat d’entreprise qui viserait à écarter la règle de l’accession, l’objectif recherché étant de reporter le transfert de propriété des matériaux fournis par l’entrepreneur au jour du complet règlement du prix.

B) L’obligation d’indemniser le propriétaire des matériaux

La contrepartie de l’interdiction pour le propriétaire des matériaux d’exercer une action en revendication réside dans l’obligation qui pèse sur le propriétaire du sol d’indemniser ce dernier.

L’article 554 du Code civil prévoit que « le propriétaire du sol qui a fait des constructions, plantations et ouvrages avec des matériaux qui ne lui appartenaient pas doit en payer la valeur estimée à la date du paiement ; il peut aussi être condamné à des dommages-intérêts »

Il ressort de cette disposition que l’indemnité versée peut être double :

  • Indemnisation du coût des matériaux
    • La première indemnité due au propriétaire des matériaux vise à le rembourser de leur prix de revient, lequel prix correspond à leur valeur économique estimée au jour du paiement.
    • Le législateur a fait le choix de ne pas retenir la date d’acquisition des matériaux afin de prévenir les effets d’une éventuelle dépréciation monétaire.
    • Par ailleurs, il peut être observé qu’il est ici indifférent que le propriétaire du sol soit de bonne ou mauvaise foi : dans les deux cas pèse sur lui une obligation d’indemniser le propriétaire des matériaux.
  • Indemnisation du préjudice subi
    • Outre le remboursement du prix des matériaux, leur propriétaire peut réclamer au propriétaire du sol une indemnité en réparation du préjudice causé pour leur incorporation fautive.
    • Encore faut-il néanmoins pour que cette action en responsabilité prospère que soit démontrée l’existence d’un préjudice et d’une faute.

II) La réalisation de plantations ou de constructions par un tiers sur un fonds appartenant à autrui

==> Vue générale

Dans le droit fil de l’article 554 du Code civil qui règle les conflits de propriété dans l’hypothèse où le propriétaire du sol aurait élevé une construction ou une plantation avec des matériaux appartenant à autrui, l’article 555 envisage l’hypothèse où l’ouvrage a été élevé sur le fonds appartenant à autrui.

La question qui ici se pose est de savoir comment régler ce conflit de propriété entre le propriétaire du sol dont le fonds fait l’objet d’un empiétement et le constructeur qui a élevé un ouvrage ou des plantations sur le terrain d’autrui.

Une application stricte de l’article 552 du Code civil devrait conduire à l’attribution systématique de la propriété de la construction ou des plantations élevées sur un fonds au propriétaire du sol.

Cette disposition prévoit, en effet, que « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous. »

Reste que, il est des cas où l’auteur de la construction ou de la plantation occupera le fonds en vertu d’un titre. Parfois même ce titre autorisera l’occupant à effectuer des constructions ou des plantations.

L’article 555 du Code civil s’attache à régler cette difficulté susceptible de paralyser le jeu de l’article 552, à tout le moins temporairement, raison pour laquelle on parle, dans certains cas, d’accession différée.

==> Domaine

Il ne suffit pas qu’une construction ou une plantation soit élevée sur le terrain d’autrui pour que l’article 555 du Code civil soit applicable.

Le domaine d’application de cette disposition est, en effet, enfermé dans un certain nombre de limites qui tiennent à la nature de ce qui est élevé sur le fonds d’autrui et aux personnes concernées par l’opération.

  • Le domaine d’application quant à la nature de l’ouvrage
    • Les règles énoncées à l’article 555 du Code civil n’ont vocation à s’appliquer que si des « plantations, constructions et ouvrages» ont été élevés sur un « fonds ».
      • Un fonds
        • Par fonds, il faut entendre un immeuble, soit une chose qui est fixe et qui est attachée au sol.
        • Son en particulier visés les immeubles par nature que sont « les fonds de terre et les bâtiments» ( 518 C. civ.)
      • Des plantations, constructions et ouvrages
        • Seules les notions de constructions et d’ouvrage soulèvent des difficultés.
        • À l’examen, il s’agit de toutes les constructions qui ne s’analysent pas en des améliorations ou des réparations d’un ouvrage existant (V. en ce sens 3e civ. 5 juin 1973).
        • Par amélioration, il faut entendre tous les travaux qui ne se justifient pas par la conservation du bien et qui visent, au contraire, à lui apporter une plus-value.
  • Le domaine d’application quant aux personnes
    • Le bénéficiaire de l’accession
      • L’article 555 du Code civil prévoit que le bénéficiaire de l’accession est, par hypothèse, le propriétaire du fonds conformément à l’article 551 du Code civil.
      • Le propriétaire n’est, toutefois, pas le seul susceptible d’exercer des droits réels sur le sol.
      • Aussi, la question se pose de l’application de l’article 555 lorsque la jouissance du fonds est exercée par le titulaire d’un droit démembré et plus généralement par le titulaire d’un droit réel ?
      • À l’examen, la jurisprudence admet que l’usufruitier ou l’emphytéote puissent se prévaloir du bénéfice de l’article 555.
      • Cette disposition ne profite donc pas au seul propriétaire ainsi que le suggère la lettre du texte
    • Le constructeur
      • Il s’évince des termes de l’article 555 du Code civil que la règle de conflit de propriété n’a vocation à s’appliquer qu’aux seules constructions et plantations « faits par un tiers» sur le fonds d’autrui.
      • Rapidement la question s’est alors posée de savoir ce que recouvrait la notion de tiers : quelles sont les personnes visées par le texte et plus précisément celles qui :
        • Soit, sont assujettis à l’obligation de démolition de l’ouvrage irrégulièrement édifié sur le fonds d’autrui
        • Soit sont créancières d’une indemnité compensatoire visant à réparer le préjudice résultant de leur éviction de l’ouvrage
      • Pendant longtemps, la doctrine a été partagée sur le sens qu’il y avait lieu de donner au mot « tiers » qui donc est employé par l’article 555, al. 1er du Code civil.
      • Certains auteurs soutenaient qu’il s’agissait de toutes les personnes qui n’entretenaient aucun lien droit avec les personnes exerçant un droit réel sur le sol (propriétaire, usufruitier, emphytéote etc.).
      • Pour d’autres, l’existence d’un lien de droit entre le constructeur et le propriétaire du fonds ne constituait nullement un obstacle à l’application de l’article 555, au motif que seule la volonté des parties était déterminante de son application.
      • Pour cette frange de la doctrine, dans la mesure où l’article 555 a seulement une valeur supplétive, les parties peuvent y déroger par voie de convention de contraire, de sorte qu’il y a lieu de se référer, lorsqu’il en existe un, aux seules stipulations contractuelles.
      • Autrement dit, les parties sont libres de régler le sort des constructions et plantations par contrat, lequel contrat s’imposera au juge dont la mission se limitera à apprécier les clauses qui y figurent et dont la clarté et la précision sont exclusives de toute interprétation.
      • La Cour de cassation rappelle régulièrement en ce sens que les règles énoncées à l’article 555 du code civil régissent exclusivement les cas où le constructeur n’est pas avec le propriétaire du sol dans les liens d’un contrat se référant aux ouvrages élevés, de sorte que ce texte est inapplicable lorsque les travaux ont été effectués en vertu d’une convention ou de tout autre acte faisant la loi des parties (V. en ce sens 3e civ. 6 nov. 1970, n°69-11900).

A) Exposé du principe

Afin d’appréhender le mécanisme institué par l’article 555 du Code civil, il convient de partir de l’article 551 du Code civil qui énonce la règle générale.

Cette disposition prévoit, en effet, que « tout ce qui s’unit et s’incorpore à la chose appartient au propriétaire »

Est ainsi énoncé le principe de l’accession qui repose sur des règles de preuve et des règles de fond.

S’agissant des règles de preuves, elles visent à présumer le propriétaire soit comme étant l’auteur des plantations et constructions élevées sur son fonds, soit comme le propriétaire des matériaux qui ont permis de les réaliser.

S’agissant des règles de fond, elles visent à attribuer au propriétaire du sol la propriété de ce qui devrait appartenir à autrui car apporté ou édifié par lui, mais qui s’est incorporé au fonds.

L’article 555 du Code civil appartient à cette seconde catégorie de règle, de sorte qu’il n’a vocation à s’appliquer qu’une fois qu’il est établi :

  • D’une part, que les constructions, plantations et ouvrages ont bien été réalisés par un tiers et non par le propriétaire du sol
  • D’autre part, que les matériaux utilisés appartenaient au constructeur

Ce n’est que lorsque la preuve de ces deux éléments de faits est rapportée que les règles énoncées à l’article 555 du Code civil peuvent être mobilisées.

En substance, cette disposition attribue au propriétaire du sol la propriété des plantations, constructions et ouvrages élevés par un tiers.

Plus précisément, elle prévoit que « lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l’alinéa 4, soit d’en conserver la propriété, soit d’obliger le tiers à les enlever. »

Ce texte vise ainsi à régler un conflit de propriété entre le constructeur et le propriétaire du sol. Pour y parvenir il offre un choix plus ou moins ouvert au second selon que le premier est ou non de mauvaise foi.

  • Lorsque le constructeur est de mauvaise foi, ce choix consiste pour le propriétaire du sol à opter, soit pour la conservation de l’ouvrage ou de la plantation, soit pour sa démolition.
  • Lorsque le constructeur est de bonne foi, le choix du propriétaire du sol se limite à la conservation de l’ouvrage ou de la plantation moyennant, toutefois, le règlement d’une indemnité

==> Le choix de la démolition de l’ouvrage ou de la plantation

  • Principe
    • L’article 555, al. 2e du Code civil prévoit que « si le propriétaire du fonds exige la suppression des constructions, plantations et ouvrages, elle est exécutée aux frais du tiers, sans aucune indemnité pour lui ; le tiers peut, en outre, être condamné à des dommages-intérêts pour le préjudice éventuellement subi par le propriétaire du fonds. »
    • Le propriétaire du sol sur lequel a été élevée une construction ou des plantations peut ainsi exiger la démolition, soit la remise en état de son fonds.
    • Il s’agit autrement dit pour lui de demander à ce qu’il soit mis un terme à une situation illicite, situation en une atteinte portée à son droit de propriété, à tout le moins au droit réel dont il est titulaire.
    • Il s’agit là d’un droit purement discrétionnaire, soit insusceptible de dégénérer en abus de droit.
    • Il en résulte que le propriétaire du fonds est fondé à solliciter la démolition de l’ouvrage alors même que sa présence ne lui cause aucun préjudice, ni aucune gêne d’aucun ordre.
    • Cette faculté dont est investi le propriétaire du sol est, par ailleurs, déconnectée de toute action en responsabilité qu’il serait susceptible d’engager à l’encontre de l’auteur de la construction ou de la plantation.
    • Elle procède donc, non pas de l’exercice d’un droit personnel (une créance d’indemnisation), mais d’un droit réel attaché à sa qualité de propriétaire.
    • En raison de la gravité de la mesure sollicitée, la demande de démolition de l’ouvrage est toutefois enfermée dans des conditions très strictes.
    • En particulier, elle ne pourra être formulée qu’en cas de mauvaise foi établie du constructeur.
  • Condition
    • L’absence de bonne foi
      • L’article 555, al. 4e du Code civil dispose que « si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé qui n’aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression desdits ouvrages, constructions et plantations, mais il aura le choix de rembourser au tiers l’une ou l’autre des sommes visées à l’alinéa précédent.»
      • Il s’infère de cette disposition que lorsque le constructeur est de bonne foi, il est fait interdiction au propriétaire du sol d’exiger la démolition de l’ouvrage ou des plantations.
      • Ce n’est que si la mauvaise foi est établie que ce dernier sera fondé à se prévaloir du bénéfice de l’alinéa 2 de l’article 555, soit à demander la destruction de l’ouvrage édifiée irrégulièrement.
      • La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par bonne foi.
    • La notion de bonne foi
      • En substance la bonne foi s’entend comme la croyance dans laquelle se trouvait le constructeur d’avoir élevé un ouvrage ou des plantations sur un fonds dont il était propriétaire.
      • À cet égard, l’article 555, al. 4e du Code civil invite à raisonner par analogie avec le cas du « tiers évincé qui n’aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits», ce qui implique donc de se tourner vers les règles qui régissent le sort des fruits perçus par une personne autre que le propriétaire de la chose qui les a produits.
      • En application de l’article 549 du Code civil, tandis que la mauvaise foi du possesseur l’oblige à restituer les fruits perçus, la bonne foi l’autorise, au contraire, à les conserver.
      • L’article 550 du Code civil définit le possesseur de bonne foi comme celui qui « possède comme propriétaire, en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices. »
      • Appliqué au constructeur de l’ouvrage édifié sur le terrain d’autrui, cela signifie qu’il serait de bonne foi toutes les fois qu’il est en mesure de justifier d’un titre translatif de propriété et qu’il est établi qu’il n’avait pas connaissance des irrégularités dont il était frappé.
      • À l’examen, c’est le raisonnement adopté par la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 17 novembre 1971 a, par exemple, jugé que « le terme de bonne foi employé par l’alinéa 4 de l’article 555 s’entend par référence à l’article 550 et ne vise que celui qui possède comme propriétaire en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices» ( 3e civ., 17 nov. 1971, n°70-13346).
      • Cette solution a été réaffirmée à plusieurs reprises, notamment dans un arrêt du 14 novembre 2002 rendu par la troisième chambre civile ( 3e civ. 14 nov. 2002, 01-02597) ou encore dans un arrêt du 15 juin 2010 (Cass. 3e civ. 15 juin 2010, n°09-67178).
      • En l’absence de titre translatif de propriété, tel qu’un bail, la Cour de cassation admet que le constructeur puisse être qualifié de bonne foi (V. en ce sens 3e civ. 22 mars 1983).
      • La haute juridiction est allée encore plus loin en considérant, dans plusieurs décisions que, quand bien même le preneur aurait obtenu l’autorisation de construire sur le fonds du bailleur, cette autorisation ne lui conférera pas la qualité de constructeur de bonne foi (V. en ce sens 3e civ. 29 mars 2000, n°98-15734; Cass. 3e civ. 1er juin 2010, n°08-21254).
    • La preuve
      • S’agissant de la preuve de la preuve de la bonne foi, en application de l’article 2274, elle est, en principe, « toujours présumée», de sorte que « c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver ».
      • L’application de cette présomption reviendrait néanmoins à exiger que le propriétaire du sol rapporte la preuve d’un fait négatif, soit que le constructeur n’est muni d’aucun titre translatif de propriété.
      • C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation a opéré un renversement de la charge de la preuve en jugeant qu’il appartenait au constructeur de justifier d’un juste titre ( 3e civ. 8 déc. 1971, n°70-13550).
      • S’il y parvient, le propriétaire du sol devra, pour établir, la mauvaise foi, démontrer que le constructeur ne pouvait pas ignorer les vices qui entachent son titre.
      • Enfin, il peut être précisé que la bonne foi s’apprécie au moment de l’élévation de l’ouvrage ou des plantations et non au moment ou le constructeur se dote d’un titre.
  • Mise en œuvre
    • Principe
      • L’article 555, al. 2e du Code civil prévoit que lorsque le propriétaire du fonds exige la suppression des constructions, plantations et ouvrages, ce qui suppose qu’il soit de mauvaise foi, cette situation emporte deux conséquences :
        • D’une part, la démolition est exécutée aux frais du tiers, sans aucune indemnité pour lui
        • D’autre part, le tiers peut être condamné à des dommages-intérêts pour le préjudice éventuellement subi par le propriétaire du fonds.
      • Ainsi, lorsque le propriétaire du fonds opte pour la démolition de l’ouvrage, non seulement il ne devra verser aucune indemnité au constructeur, mais encore c’est à ce dernier qu’il reviendra de prendre en charge son coût.
      • Le propriétaire du fonds sera fondé en sus, en cas de préjudice causé par la démolition de l’ouvrage, à réclamer l’octroi de dommages et intérêts.
    • Tempéraments
      • Il est des cas où, nonobstant la mauvaise foi du constructeur, le choix de la démolition sera soit, prohibée, soit subordonnée à la satisfaction de conditions supplémentaires.
        • L’obtention d’un permis de démolir
          • Le Code de l’urbanisme subordonne la démolition d’un ouvrage à l’obtention d’un permis de démolir (V. en ce sens R. 421-26 et suivants C. urb).
          • Aussi, l’absence de délivrance de cette autorisation est de nature à paralyser le jeu de l’article 555, al. 2e du Code civil.
        • La démolition des ouvrages publics
          • Lorsque l’ouvrage construit sur le fonds d’autrui relève du domaine public, il appartient, non pas au juge judiciaire de se prononcer sur la démolition, mais au juge d’administratif.
          • Si, le caractère inaliénable, imprescriptible et insaisissable des biens publics n’est pas, en soi, en obstacle au prononcé d’une mesure de démolition, encore faut-il que plusieurs conditions soient réunies.
          • Dans un arrêt du 29 janvier 2003, le Conseil d’État a, en effet, jugé que lorsque le juge administratif est saisi d’une demande d’exécution d’une décision juridictionnelle dont il résulte qu’un ouvrage public a été implanté de façon irrégulière il lui appartient, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l’exécution de cette décision implique qu’il ordonne la démolition de cet ouvrage, de rechercher :
            • D’abord, si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée est possible
            • Ensuite, dans la négative, il lui revient de prendre en considération, d’une part, les inconvénients que la présence de l’ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d’assiette de l’ouvrage, d’autre part, les conséquences de la démolition pour l’intérêt général, et d’apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n’entraîne pas une atteinte excessive à l’intérêt général
          • Ce n’est qu’une fois ces conditions réunies que le Juge administratif est fondé a ordonné la démolition de l’ouvrage public irrégulièrement construit sur un fonds privé.
          • La Cour de cassation a néanmoins précisé que lorsque l’emprise irrégulière était constitutive d’une voie de fait les juridictions de l’ordre judiciaire retrouvaient leur compétence et, par voie de conséquence, la faculté de faire application de l’article 555, al. 2e du Code civil.
          • Dans un arrêt du 12 mai 2009, la troisième chambre civile au jugé en ce sens, au visa de l’article 544 du Code civil, que « si les juridictions de l’ordre judiciaire ne peuvent prescrire aucune mesure de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l’intégrité ou au fonctionnement d’un ouvrage public, il en va autrement dans l’hypothèse où la réalisation de l’ouvrage procède d’un acte qui est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l’autorité administrative et qu’aucune procédure de régularisation appropriée n’a été engagée» ( 3e civ., 12 mai 2009 n°08-12994).
        • La renonciation à la démolition
          • Compte tenu de la gravité de l’acte de démolition, la jurisprudence admet que la renonciation à cette mesure se déduise du comportement du propriétaire du fonds.
          • Tel sera notamment le cas lorsque le bailleur aura, à l’expiration du bail, pris possession des lieux ( 1er civ. 25 janv. 1961).
          • Rien n’interdit, par ailleurs, les parties de stipuler une clause dans le contrat aux termes de laquelle le propriétaire du sol renonce, par anticipation, à exercer sa faculté de renonciation.

==> Le choix de la conservation de l’ouvrage ou de la plantation

  • Principe
    • L’article 555, al. 3e du Code civil prévoit que « si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, plantations et ouvrages, il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d’œuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l’état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages. »
    • Il ressort de cette disposition que le propriétaire du fonds dispose de ma faculté de conserver l’ouvrage ou les plantations qui ont été élevés par le tiers.
    • Contrairement à la faculté démolition qui relève d’un choix purement discrétionnaire, l’étendue de la liberté dont le propriétaire du fonds est investi quant à la conservation de l’ouvrage varie selon que le constructeur est de bonne ou de mauvaise foi.
    • En effet, lorsque ce dernier est de mauvaise foi, le propriétaire du fonds peut indifféremment opter pour la conservation de l’ouvrage.
    • Lorsque, en revanche, le constructeur est de bonne foi, ce choix s’impose à lui dans la mesure où l’alinéa 4 de l’article 555 lui ferme la voie de la démolition lui est fermée.
    • Pour mémoire, cet alinéa prévoit que « si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé qui n’aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression desdits ouvrages, constructions et plantations, mais il aura le choix de rembourser au tiers l’une ou l’autre des sommes visées à l’alinéa précédent. »
    • S’agissant de la faculté de conservation de l’ouvrage proprement dit, elle se traduit donc par l’incorporation définitive du bien d’autrui à l’immeuble qui appartient au propriétaire du sol.
    • Il s’agit là d’une application primaire de la règle de l’accession énoncée à l’article 551 du Code civil qui, pour mémoire, prévoit que « tout ce qui s’unit et s’incorpore à la chose appartient au propriétaire».
    • Selon que l’ouvrage ou les plantations sont élevés dans le cadre de l’exécution d’une convention conclue entre le constructeur et le propriétaire du fonds, l’accession sera immédiate ou différé à la survenance du terme de la convention.
  • Condition
    • À la différence de la démolition qui ne peut être exigée par le propriétaire du fonds qu’à la condition que le constructeur soit de mauvaise foi, la conservation de l’ouvrage peut être sollicitée dans les deux cas.
    • Il est donc indifférent que l’auteur de l’ouvrage soit de bonne ou de mauvaise foi : le bénéficiaire de l’accession peut toujours opter pour sa conservation.
    • Seule contrainte pour le propriétaire du fonds ; l’obligation d’indemniser le constructeur
  • Mise en œuvre
    • L’article 555, al. 3e du Code civil prévoit que lorsque le propriétaire du fonds opte pour la conservation de l’ouvrage, « il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d’œuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l’état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages.»
    • Il s’infère de cette disposition qu’une indemnité est due au constructeur évincé, lequel est seul créancier, ce qui exclut qu’elle soit due au possesseur de l’ouvrage.
    • Quant au débiteur de cette indemnité, il s’agit du propriétaire du sol au moment où l’accession intervient, lequel dispose alors d’un choix quant au calcul de l’indemnité prévue par le texte.
    • Ce choix consiste à rembourser au constructeur :
      • Soit la plus-value que lui procure l’élévation de l’ouvrage sur son fonds
      • Soit le coût de construction de l’ouvrage (main-d’œuvre et matériaux)
    • À cet égard, il est indifférent que le constructeur soit de bonne ou de mauvaise foi : l’indemnité est due dès lorsque le propriétaire du sol opte pour la conservation de l’ouvrage.
    • En outre, la Cour de cassation est venue préciser dans un arrêt du 12 octobre 2011 que « lorsque le constructeur est de bonne foi, l’article 555 du code civil ne prévoit de remboursement qu’à la charge du propriétaire du fonds», de sorte que, en cas de moins-value, ce dernier ne peut se prévaloir d’une indemnité en réparation du préjudice subi par la construction de l’ouvrage ( 3e civ. 12 oct. 2011, n°10-18175), à tout le moins sur le fondement de l’article 555, al. 3e du Code civil.
    • Une indemnité ne peut, en effet, être octroyée, en application de cette disposition, qu’au seul constructeur qui endosse seul la qualité de créancier.
    • Quelle que soit l’option retenue par le propriétaire du fonds, l’estimation de cette indemnité a lieu à la date du remboursement et plus précisément au jour où le juge statue ( 3e civ., 22 févr. 2006, n° 04-19852), ce qui protège ainsi le constructeur de la dépréciation monétaire.
    • En contrepartie, le débiteur de l’indemnité se voit offert la possibilité de choisir son mode de calcul.
    • Il s’agira, en pratique, pour lui d’opter pour celui le plus faible des deux montants obtenus selon ces modes de calcul.
    • En toute hypothèse, le droit d’opter échoit au seul propriétaire du fonds, à l’exclusion du constructeur ou du juge (V. en ce sens 3e civ. 27 juin 2006, n°05-19177).
    • Tout au plus, ce dernier peut être mis en demeure d’exercer son choix dans l’hypothèse où il ne se détermine pas, faute de quoi il pourrait accéder à la demande du constructeur quant aux modalités de calcul de l’indemnité ( 3e civ., 9 déc. 2009, n° 07-18371).
    • Enfin, en cas de non-règlement de l’indemnité due au constructeur, ce dernier dispose d’un droit de rétention qui l’autorise à demeurer dans les lieux tant qu’il n’a pas été dédommagé ( 1ère civ. 10 mai 1957).
    • Ce droit de rétention est conféré, tout autant au constructeur de bonne foi, qu’à celui qui est de mauvaise foi ( 3e civ. 23 avr. 1974).

B) Portée du principe

Les règles énoncées à l’article 555 du Code civil ne sont pas d’ordre public, elles présentent un caractère supplétif. Il en résulte qu’il peut y être dérogé par convention contraire.

Cette convention peut avoir pour effet, soit de différer le mécanisme d’accession, soit de l’écarter purement et simplement

==> L’accession différée

En principe, lorsque le détendeur régulier d’un fonds (locataire ou fermier) plante des arbres ou édifie des constructions sur ce fonds, en application de la règle de l’accession elles devraient revenir au propriétaire du sol, sauf à ce qu’il y ait renoncé expressément.

C’était d’ailleurs la position soutenue par la Cour de cassation jusqu’au milieu du XXe siècle. Dans un arrêt du 20 mars 1939, elle avait, par exemple, jugé que « le propriétaire du sol devient propriétaire immédiatement par le seul fait de leur incorporation, de toutes les constructions élevées par un tiers, que cette règle, d’une portée générale, s’applique notamment au locataire pour les constructions élevées sur le terrain à lui loué » (Cass. req., 20 mars 1939).

Sauf à ce que le propriétaire du sol renonce expressément à son droit d’accession par convention, la jurisprudence considérait donc que l’accession opérait immédiatement, nonobstant la conclusion d’une convention avec le constructeur.

Par un arrêt du 1er décembre 1964 la Cour de cassation a finalement abandonné cette position en jugeant que « si, en l’absence d’accord des parties, le sort des constructions élevées par le preneur est réglé à l’expiration du bail par l’article 555, alinéas 1 et 2 du code civil, le preneur reste propriétaire, pendant la durée de la location, des constructions qu’il a édifiées sur le terrain du bailleur » (Cass. 1ère civ. 1er déc. 1964).

Aussi, pour la première chambre civile, en cas de conclusion d’une convention aux termes de laquelle le propriétaire autorise son cocontractant à effectuer des constructions ou des plantations sur son fonds, son droit d’accession qui opère, en principe, progressivement à mesure de leur réalisation, sera différé.

Tant que la convention n’a pas expiré, le propriétaire des constructions et des plantations demeure donc, non pas le propriétaire du sol, mais bien le preneur.

Il est indifférent que la convention conclue confère au preneur un droit personnel de jouissance ou un droit réel. Ce qui importe c’est qu’elle l’autorise à occuper la partie du fonds sur laquelle sont élevés l’ouvrage ou les plantations et qu’elle ne comporte aucune clause interdisant cette modalité d’exploitation du fonds.

L’accession différée a pour conséquence, outre de reconnaître au preneur ou à l’usufruitier, la propriété des constructions et plantations qu’il a élevés sur le fonds, de l’autoriser à constituer des hypothèques et plus généralement à accomplir sur elles tout acte de disposition qu’il jugera utile.

À l’expiration du droit de jouissance – réel ou personnel – du propriétaire des ouvrages leur propriété reviendra, en tout état de cause, au propriétaire du sol par voie d’accession laquelle a seulement été différé et non écartée.

Une difficulté est susceptible de survenir en cas de prolongation du terme de la jouissance et plus particulièrement lorsque cette prolongation consistera en un renouvellement du bail.

Une application stricte des règles qui encadrent la durée des conventions, devrait conduire à distinguer selon que la convention conclue entre le propriétaire du fonds et le constructeur a fait l’objet d’une prorogation de son terme ou d’un renouvellement.

  • La prorogation du terme
    • Classiquement, la prorogation est définie comme le report du terme extinctif du contrat sous l’effet du commun accord des parties.
    • La prorogation du contrat a pour effet de reporter le terme extinctif du contrat.
    • Autrement dit, la convention initiale conclue par les parties continue à produire ses effets pour l’avenir.
    • Pour être efficace, la prorogation doit avoir été convenue entre les cocontractants avant l’expiration du terme du contrat
    • En toute logique, lorsque la convention conclue entre le propriétaire du fonds et le constructeur a fait l’objet d’une simple prorogation de son terme, l’accession ne devrait pas pouvoir jouer à l’expiration du terme initial : elle devrait être reportée au nouveau terme convenu par les parties.
    • La raison en est que c’est toujours la même convention qui s’applique : la prorogation ne conduit pas à la création d’un nouveau contrat, ce qui la distingue du renouvellement.
  • Le renouvellement du contrat
    • Le renouvellement consiste en la substitution d’un contrat dont le terme est échu par un nouveau contrat identique en toutes ses dispositions.
    • Aux termes de l’article 1214, al. 2 du code civil « le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée. »
    • Autrement dit, le renouvellement d’un contrat opère novation en ce sens que cette opération donne naissance à une nouvelle convention.
    • Quant à la tacite reconduction, elle s’analyse en un renouvellement de contrat qui n’a pas expressément été exprimé par les parties.
    • C’est la raison pour laquelle elle donne lieu à la naissance d’un nouveau contrat et non à une prorogation du terme
    • En cas de renouvellement ou de tacite reconduction du contrat conclu entre le propriétaire du fonds et le constructeur, l’accession opère à l’expiration du terme du premier contrat.
    • Il en résulte que le bailleur devient le propriétaire des constructions et plantations élevées sur son fonds, alors même que le preneur en conserve la jouissance.
    • Bien qu’hésitante sur la question, la Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt du 23 novembre 2017 s’agissant du renouvellement d’un bail rural ( 3e civ. 23 nov. 2017, n°16-16815).
    • En droit, la solution est parfaitement conforme aux règles qui régissent la durée du contrat.
    • En pratique toutefois, elle conduit à une situation pour le moins byzantine en ce qu’elle dépouille le preneur de son droit de propriété sur les constructions qu’il a érigées, alors même qu’il en conserve la jouissance et que, finalement, les rapports entre lui et le propriétaire du sol demeurent, dans les faits, identiques.
    • Ce constat a conduit la Cour de cassation dans certains arrêts à s’émanciper de la logique juridique à la faveur d’une solution empreinte de pragmatisme.
    • Dans un arrêt du 4 avril 2002 elle a par exemple jugé que « en application de l’article 555 du Code civil, le preneur restait propriétaire, pendant la durée de la location, des constructions qu’il avait régulièrement édifiées sur le terrain loué et que la clause d’accession insérée au bail prévoyant que le bailleur deviendrait propriétaire desdites constructions ne pouvait jouer qu’à la fin du bail et à défaut de renouvellement » ( 3e civ., 4 avr. 2002, n° 01-70061).
    • Dans cette décision, la troisième chambre civile estime donc que tant que le preneur conserve des droits sur le fonds donné à bail, il demeure propriétaire des constructions et plantations qu’il a élevées, ce nonobstant le renouvellement du contrat qui le lie au propriétaire du sol.
    • La Cour de cassation est-elle susceptible de renouer avec cette solution à l’avenir ?
    • La décision rendue 23 novembre 2017 suggère qu’elle n’en a, pour l’heure, pas l’intention ( 3e civ. 23 nov. 2017, n°16-16815).

==> L’accession écartée

Tout autant que l’accession peut être différée dans le temps par le jeu d’une convention conclue entre le propriétaire du sol et le constructeur, elle peut également être purement et simplement écartée.

Il s’agira pour le propriétaire du fonds de renoncer à son droit d’accession, ce qui, en somme, revient pour lui à aliéner une portion de son droit de propriété et plus précisément à consentir à l’occupant du sol un droit de superficie.

L’opération ne s’analyse pas ici en un démembrement du droit de propriété, ce qui consisterait à répartir les prérogatives attachées au droit de propriété (usus, fructus et abusus) entre plusieurs titulaires, mais à diviser l’objet même du droit de propriété.

Cette division de l’objet du droit de propriété procède de l’idée que le périmètre de la propriété d’un immeuble s’apparente à un « cône partant du centre de la terre pour aller vers les confins de l’atmosphère terrestre »[1].

Aussi, la division de la propriété immobilière peut être envisagée de deux manières :

  • D’une part, il peut s’agir de diviser l’immeuble à partir du sol en attribuant la propriété du dessous (tréfonds) à un tréfoncier et la propriété de la surface et de tout ce qui s’y trouve attaché à un superficiaire.
  • D’autre part, il peut s’agir de diviser l’immeuble en l’appréhendant comme un volume unique qui peut être découpé en sous-volumes détachés du sol, dont le nombre et la forme ne sont limités que par la configuration matérielle du bien.

S’agissant de la constitution du droit de superficie, il est admis depuis longtemps qu’il a pour effet de faire échec à la règle de l’accession qui n’est pas d’ordre public et qui, par conséquent, peut être aménagée.

Cette constitution qui opère donc une dissociation de l’immeuble, a pour effet d’attribuer la propriété de tout ce qui est élevé sur le sol au superficiaire, le sous-sol appartenant au tréfoncier.

Au fond, la particularité du droit de superficie est que son assiette est amputée du sous-sol, de sorte que coexistent de deux de propriété aux assiettes distinctes.

Ainsi, le droit de superficie procède de cette dissociation, laquelle conduit, comme l’observent des auteurs à « une superposition de droit réels distincts »[2].

C) Cas particulier de l’empiétement

Si l’article 555 du Code civil a vocation à régler un conflit de propriétés qui résulte de l’élévation d’un ouvrage ou de plantation sur un fonds par une personne autre que le propriétaire du sol, la question se pose de son application en cas d’empiétement de la construction sur le fonds voisin.

En la matière, il y a lieu de distinguer selon que l’empiétement est le fait de plantations ou d’un ouvrage

==> Les plantations

L’article 673, al. 1er dispose que « celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. »

L’alinéa 2 poursuit en prévoyant que « si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative. »

Tout d’abord, il ressort de ceux deux premiers alinéas du texte que l’arbre, même planté à distance réglementaire, ne doit pas empiéter sur le fonds voisin.

Dans un arrêt du 2 février 1982, la Cour de cassation a précisé que ce texte « l’article 673 du code civil n’est pas applicable aux fonds séparés par un chemin prive dont l’usage commun par les riverains ne saurait être limite à la circulation et au passage » (Cass. 3e civ. 2 févr. 1982, n°81-12532).

Ensuite, il convient ici de distinguer selon que ce sont les branches de la plantation qui empiètent ou des racines, ronces et brindilles.

  • Les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux
    • Dans cette hypothèse, le propriétaire du fonds sur lequel il est empiété peut « contraindre» le propriétaire du fonds voisin à couper les branches qui empiètent.
    • Le choix des mots est ici important : l’emploi du terme contraindre signifie qu’il est interdit à la victime de l’empiétement de se faire justice elle-même ( Req. 19 janv. 1920)
    • Autrement dit, sauf exécution spontanément, il conviendra de saisir le juge qui aura seul pouvoir de « contraindre» le propriétaire des plantations à couper les branches qui dépassent.
    • Par ailleurs, il convient d’observer que la sanction consiste seulement à couper les branches des arbres qui avancent au-delà de la ligne séparative.
    • En aucun cas, il ne pourra donc être imposé au propriétaire des plantations de les arracher ou de les réduire dès lors qu’elles respectent la distance prescrite à l’article 671 du Code civil.
    • Par ailleurs, la Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 13 juin 2012 que « l’article 673 du code civil n’est pas d’ordre public et qu’il peut y être dérogé».
    • Aussi, a-t-elle validé le rejet par une Cour d’appel d’une demande d’élagage d’un pin parasol établi dans un lotissement après avoir relevé que le règlement « imposait le maintien et la protection des plantations quelles que soient leurs distances aux limites séparatives» ( 3e civ. 13 juin 2012, n°11-18791).
  • Les racines, ronces et brindilles
    • Dans cette hypothèse, l’article 672, al. 2e prévoit que le propriétaire du fonds qui fait l’objet d’un empiétement a le droit de les couper lui-même les racines, ronces et brindilles à la limite de la ligne séparative.
    • Ainsi, est-il autorisé à se faire justice lui-même.
    • Des auteurs avancent que ce pouvoir « s’explique pratiquement par le fait que le propriétaire du terrain peut, en creusant, couper involontairement des racines et ne saurait se le voir reprocher».[3]
    • Dans un arrêt du 6 avril 1965 la Cour de cassation a précisé que « le législateur n’a pas entendu, par les dispositions de l’article 673 du code civil, restreindre le droit à réparation du dommage réalise, mais, au contraire, assurer une protection plus efficace en instituant des mesures de prévention au profit des voisins» ( 1ère civ. 6 avr. 1965, n°61-11025).

Enfin, l’article 673 du Code civil pris en son alinéa 3 dispose que « le droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est imprescriptible. »

Cela signifie que le propriétaire du fonds voisin peut toujours agir, quand bien même les plantations empiéteraient sur son terrain depuis plus de trente ans.

C’est là une différence avec l’article 672 qui pose que lorsque la prescription trentenaire est acquise les plantations qui ne respectent pas la distance requise par rapport à la ligne séparative ne peuvent plus être arrachées ou réduites.

Dans un arrêt du 16 janvier 1991, la Cour de cassation est venue préciser que l’acquisition par un arbre en application de l’article 672 du Code civil du droit d’être maintenu en place et en vie, ne saurait justifier « une restriction au droit imprescriptible du propriétaire, sur le fonds duquel s’étendent les branches des arbres du voisin, de contraindre ce dernier à couper ces branches » (Cass. 3e civ. 16 janv. 1991, n°89-13698).

En outre, dans un arrêt du 17 juillet 1975 la troisième chambre civile a affirmé que « si celui sur la propriété de qui avancent les branches des arbres du voisin, tient de l’article 673 du code civil le droit imprescriptible d’en réclamer l’élagage, le non-exercice de cette faculté, en l’absence de convention expresse, constitue une tolérance qui ne saurait caractériser une servitude dont la charge s’aggraverait avec les années » (Cass. 3e civ. 17 juill. 1975, n°74-11217).

Autrement dit, il ressort de cette décision que l’inaction du propriétaire du fonds sur lequel il est empiété ne saurait avoir pour effet de créer une servitude à sa charge, sauf à ce qu’une convention soit conclue avec le propriétaire du fonds voisin.

==> Les ouvrages

  • Concurrence des articles 555 et 545 du Code civil
    • A la différence des plantations dont l’empiétement sur le fonds voisin est réglé par la loi, lorsqu’il s’agit d’un ouvrage le Code civil est silencieux.
    • Aussi est-ce vers le droit commun qu’il y a lieu de se tourner.
    • Deux dispositions sont alors susceptibles de s’appliquer :
      • L’article 555 du Code civil qui envisage l’hypothèse de la construction d’un ouvrage sur le fonds d’autrui.
      • L’article 545 du Code civil qui protège le propriétaire d’un fonds de tout empiétement sur sa propriété en prévoyant que « nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.»
    • Laquelle de ces deux dispositions s’applique ?
    • Tandis que l’application de l’article 545 du Code civil autoriserait le propriétaire du fonds sur lequel il est empiété à exiger la démolition de l’ouvrage y compris dans l’hypothèse où le constructeur serait de bonne foi, l’application de l’article 555 ne l’autoriserait à solliciter cette mesure qu’en cas de mauvaise foi.
    • L’enjeu est donc d’importance, car selon que l’on applique l’un ou l’autre texte, l’empiétement est sanctionné différemment, à tout le moins lorsque le constructeur est de bonne foi.
  • Évolution de la jurisprudence
    • Dans un premier temps, la Cour de cassation s’est prononcée en visant les deux textes.
    • Dans un arrêt du 22 avril 1823 elle a, par exemple, jugé que « attendu que les dispositions contenues dans ces articles sont un hommage rendu au droit sacré de la propriété, lequel toujours, hors le cas d’utilité publique, doit être d’autant plus scrupuleusement respecté, qu’y porter atteinte, c’est non seulement troubler, mais même ébranler la société dont il est le fondement » ( civ. 22 avr. 1823).
    • Il ressort de cette décision qu’il est, a priori, indifférent que le constructeur soit de bonne ou de mauvaise foi : dès lors que l’empiétement est constaté et établi, le propriétaire du fonds voisin est fondé à solliciter la démolition de l’ouvrage.
    • La solution ainsi retenue suggère que la haute juridiction incline plutôt pour une application de l’article 545 du Code civil, bien qu’elle vise également l’article 555.
    • Plus tard, des décisions révèlent que la Cour de cassation s’est prononcée dans le sens opposé en n’admettant la démolition de l’ouvrage que dans l’hypothèse où il était établi que le constructeur était de mauvaise foi ( 1ère civ., 4 mai 1959)
    • C’est donc plutôt vers une application de l’article 555 du Code civil que sa position tendait, ce qui s’est confirmé notamment dans un arrêt du 8 octobre 1974 aux termes duquel elle a reproché à une Cour d’appel de n’avoir pas recherché « si l’acte de vente du 17 juin 1954, qu’elle avait écarté comme juste titre au sens de l’article 2265 du code civil, ne constituait pas pour l’acquéreur un titre putatif lui permettant d’invoquer la qualité de tiers évincé de bonne foi au sens des articles susvisés» ( 3e civ. 8 oct. 1974, n°73-11036).
    • La solution retenue était manifestement généreuse pour le constructeur qui, lorsqu’il était de bonne foi, échappait à la démolition de l’ouvrage.
    • Pour le propriétaire du fonds sur lequel il était empiété, la position adoptée par la Cour de cassation était en revanche sévère.
    • L’application de l’article 555 conduisait à lui attribuer la propriété de la partie de l’ouvrage débordant sur son terrain.
    • Reste qu’il ne pouvait rien en faire, la propriété d’une portion d’ouvrage étant dénué d’intérêt.
    • Aussi, cela revenait-il en réalité à réduire l’assiette de sa propriété, raison pour laquelle la solution adoptée par la Cour de cassation apparaissait fort injuste.
  • Exclusion de l’application de l’article 555, à la faveur de l’article 545
    • Sensible aux critiques formulées à l’encontre de sa position, la Cour de cassation l’a finalement abandonné, considérant que la seule option qui pouvait être envisagée était la démolition de la portion de l’ouvrage empiétant sur le fonds voisin (V. en ce sens 3e civ. 26 nov. 1975, n°74-12.036).
    • Aussi, en cas d’empiétement de l’ouvrage sur le fonds voisin, seul l’article 545 du Code civil a vocation à s’appliquer ( 3e civ., 10 nov. 2009, n° 08-17526).
    • Il est indifférent que cet empiétement se situe au niveau du sol, du sous-sol ou qu’il soit aérien.
    • Il est encore indifférent que l’empiétement sur le fonds voisin soit insignifiant et qu’il ne cause aucune gêne, ni aucun préjudice.
    • Dans un arrêt du 29 février 1984, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’article 545 du code civil, aux termes duquel nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, doit être appliqué dans toute sa rigueur même si l’empiétement est dû à une erreur commise de bonne foi et même si son importance est minime» ( 3e civ. 29 févr. 1984, n°83-10585).
    • Il peut être observé, par ailleurs, que lorsque l’empiétement sur le fonds voisin est établi, la demande de démolition ne peut jamais dégénérer en abus de droit (V. en ce sens 3e civ. 7 juin 1990, n° 88-16.277).
    • Dans un arrêt du 30 octobre 2013, la Cour de cassation a ainsi validé la décision d’une Cour d’appel qui avait prononcé la démolition d’un ouvrage sollicité par le propriétaire du fonds voisin, laquelle s’inscrivait dans la défense de son droit de propriété contre un empiétement au motif que cette demande « ne pouvait dégénérer en abus et, d’autre part, que la bonne foi des constructeurs au moment de la construction était indifférente, les dispositions de l’article 555 du code civil qui ne concernent que les ouvrages intégralement édifiés sur le terrain d’autrui, ne pouvant recevoir application en l’espèce» ( 3e civ. 30 oct. 2013, n°12-22169 et 12-23546).
  • Imprescriptibilité du droit à la démolition
    • Dans la mesure où le droit de propriété ne se perd pas par le non-usage ( 2227 C. civ.), le droit de démolition de l’ouvrage qui empiète sur son fonds est imprescriptible (V. en ce sens Cass. 3e civ. 5 juin 2002, n°00-16077).
    • Cette imprescriptibilité ne fait toutefois pas obstacle au jeu de la prescription acquisitive qui opérera lorsque la possession sera caractérisée dans tous ses éléments constitutifs et qu’elle ne sera affectée d’aucun vice.
    • À cet égard, il peut être observé que, en matière immobilière, l’article 2272, al. 2e du Code civil prévoit que « celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans. ».
    • Lorsqu’ainsi les conditions posées par ce texte sont remplies, la prescription acquisitive est ramenée à 10 ans en matière de propriété immobilière.

[1] W. Dross, « L’immeuble dans l’avant-projet de réforme du droit des biens », in L’immeuble et le droit privé, Lamy, coll. Axe Droit, 2012

[2] F. Terré et Ph Simler, Droit civil – Les biens, éd. Dalloz, 2007, n°947, p. 818.

[3] F. Rerré et Ph. Simler, Droit civil – Les Biens, éd. Dalloz, 2004, n°291, p239.

L’accession immobilière artificielle : vue générale

L’accession immobilière correspond à l’hypothèse où une chose mobilière ou immobilière est incorporée à un immeuble, de telle sorte qu’une union se crée entre les deux biens qui en formeront plus qu’un seul et même bien.

À l’examen, outre son objet, les immeubles, l’accession immobilière se distingue de l’accession mobilière en ce qu’elle remplit deux fonctions.

En effet, l’accession immobilière n’est pas seulement un mode d’acquisition de la propriété, elle vise également à en fixer les limites.

Avant de résoudre un conflit de propriétés, ce qui est la fonction première de l’accession, encore faut-il être en mesure de délimiter les assiettes des droits qui s’affrontent, ne serait-ce que pour identifier celle qui correspond au principal et emporte, par voie de conséquence, la propriété du bien accessoire.

Lorsque les propriétés en conflits portent sur des biens meubles, la délimitation de l’assiette des droits de chaque propriétaire ne soulève aucune difficulté dans la mesure où elle embrasse les contours physiques du bien qui, par nature, sont finis.

Lorsque, en revanche, il s’agit de délimiter l’assiette de la propriété d’un bien immobilier, l’exercice est tout autre. La propriété d’un immeuble est assise sur le sol. Or non seulement celui-ci peut s’étendre sans fin, mais encore il doit être appréhendé tant de long en large (surface) que de haut en bas (dessus et dessous).

Aussi, la délimitation de l’assiette de la propriété immobilière est loin d’être aussi évidente qu’en matière mobilière où ce sont les contours physiques de la chose qui fixent l’assiette des droits de son propriétaire.

Afin de surmonter cette difficulté de la délimitation de la propriété immobilière, qui est un préalable nécessaire, à la résolution des conflits de propriétés, les rédacteurs du Code civil ont posé des règles aux articles 552 et 552.

Si ces règles introduisent la section consacrée à l’accession immobilière, elles y sont en réalité étrangères.

En effet, elles visent à définir, non pas un mode d’acquisition de la propriété, mais l’assiette du droit du propriétaire d’un immeuble.

La résolution des conflits de propriétés en matière immobilière est, quant à elle, envisagée aux articles suivants (art. 554 à 564 C. civ.) qui donc intéressent le mode d’acquisition de la propriété que constitue l’accession.

A cet égard, le Code civil distingue selon que l’accession immobilière est le résultat d’un phénomène naturel ou selon qu’elle procède de l’intervention de la main de l’homme.

Nous nous focaliserons ici sur l’accession artificielle.

L’accession est dite artificielle lorsque l’incorporation de la chose procède donc du fait de l’homme, en ce sens qu’il est intervenu dans le processus d’union des biens.

Cette forme d’accession est régie aux articles 554 et 555 du Code civil qui doivent être articulés avec les articles 552 et 553.

==> Délimitation de la propriété et résolution des conflits de propriété

Le mécanisme d’acquisition de la propriété institué par les articles 554 et 555 du Code civil ne peut être compris que s’il est appréhendé à la lumière des articles 552 et 553.

  • L’article 552 vise à définir l’objet de la propriété immobilière en présument le propriétaire du sol, propriétaire du dessus et du dessous
  • L’article 553 vise, quant à lui, non pas à délimiter l’objet de la propriété immobilière, mais à prévenir la survenance d’un conflit entre propriétaires résultant de l’incorporation à un fonds d’un bien appartenant à autrui.

La combinaison de ces deux dispositions a manifestement pour effet de conférer au propriétaire du sol une maîtrise totale de l’immeuble en ce que non seulement il est présumé être propriétaire du dessus et du dessous mais encore il est réputé avoir édifié tout ce qui est implanté sur son fonds.

S’agissant, spécifiquement, de l’article 553 du Code civil, cette disposition envisage l’hypothèse où la propriété d’un bien incorporé dans le sous-sol ou élevé en surface serait contestée au propriétaire du sol.

Deux situations sont susceptibles de se présenter :

  • Soit le propriétaire du sol a réalisé un ouvrage en incorporant à son fonds les biens d’autrui
  • Soit un tiers a réalisé un ouvrage incorporé au fonds du propriétaire du sol parce qu’il en avait la jouissance, en vertu d’un droit personnel (bail), d’un droit réel (usufruit) ou encore qu’il était occupant sans droit ni titre

Afin de résoudre ce conflit de propriétés, deux approches peuvent être adoptées :

  • Première approche
    • Elle consiste à faire une application stricte de la règle de l’accession ce qui aurait pour effet de désigner de façon systématique le propriétaire du sol comme étant le propriétaire de l’ouvrage réalisé, peu importe que la construction procède de l’intervention d’un tiers
    • Cette approche présente l’avantage de la simplicité, en ce qu’elle fait d’emblée échec à toute action en revendication.
    • L’inconvénient, c’est qu’elle peut s’avérer pour le moins sévère sinon injuste pour le tiers muni d’un titre qui, bien qu’il soit l’auteur de l’ouvrage réalisé, ne pourra pas échapper à une expropriation.
  • Seconde approche
    • Elle consiste à positionner le conflit de propriétés sur le terrain probatoire en posant une présomption qui désigne le propriétaire du sol comme l’auteur des ouvrages réalisés sur son fonds, mais qui peut être combattue par la preuve contraire.
    • Cette approche autorise ainsi les tiers à contester la propriété de la chose incorporée au fonds du propriétaire du sol et donc à faire valoir ses droits sur le bien revendiqué.
    • Faute de preuve suffisante, c’est la règle de l’accession qui a vocation à s’appliquer, d’où il s’ensuit la désignation du propriétaire du sol comme étant le propriétaire de l’ouvrage implanté sur son fonds

À l’examen, les rédacteurs du Code civil ont opté pour la seconde approche, l’article 553 instituant au profit du propriétaire du sol une présomption réfragable, soit qui peut être combattue par la preuve contraire.

==> Présomption et accession

La présomption instituée à l’article 553 du Code civil est à double détente :

  • Première détente: toutes les constructions élevées sur un fonds sont présumées avoir été réalisées par le propriétaire de ce fonds à ses frais.
  • Seconde détente: faute de preuve contraire, l’ouvrage implanté sur le fonds est réputé appartenir au propriétaire du sol.

Il peut être observé que le texte ne rattache nullement ici la propriété de la construction à la qualité de propriétaire du sol, ce qui reviendrait à faire application de la règle de l’accession.

Il se limite seulement à énoncer que l’incorporation d’un ouvrage à un fonds fait présumer que cet ouvrage a été réalisé par le propriétaire du sol.

Aussi, l’article 553 ne déduit la qualité de propriétaire de la construction, non pas de la qualité de propriétaire du sol, mais de la qualité de maître d’ouvrage.

Cette subtilité n’est pas sans importance, dans la mesure où elle offre la possibilité à quiconque de revendiquer la propriété d’un ouvrage élevé sur le fonds d’autrui.

Pour ce faire, il est néanmoins nécessaire de combattre la présomption posée par le texte à laquelle il peut être fait échec par tout moyen.

Dans un arrêt du 7 novembre 1978, la Cour de cassation a ainsi admis que la preuve de la propriété d’un ouvrage élevé sur le terrain d’autrui était rapportée du seul fait que le revendicant était parvenu à démontrer que le bien revendiqué a été construit pour son propre compte, sur ses plans et en partie de ses mains, sans aucune intervention du propriétaire du sol, et qu’il justifiait, par des factures établies à son nom et payées par lui, avoir assumé seul la charge du coût de la construction (Cass. 3e civ. 7 nov. 1978, n°77-13045).

Il ressort de la jurisprudence que pour faire échec à la présomption posée à l’article 553 il y a lieu de prouver :

  • D’une part, que le tiers agi dans son propre intérêt et non pour le compte du propriétaire du sol ou d’autrui
  • D’autre part, que le tiers a agi à ses frais, soit que c’est lui qui a personnellement supporté le coût de la construction

Lorsque la preuve de la réalisation de l’ouvrage par un tiers est rapportée, il n’en acquiert pas pour autant la propriété.

En effet, cette preuve a seulement pour effet de faire échec à l’attribution, par présomption, de la propriété de la construction au propriétaire du sol.

Elle ne pourra toutefois pas faire obstacle à l’application de la règle de fond énoncée à l’article 555 du Code civil qui désigne, par voie d’accession, le propriétaire du sol comme le propriétaire de toutes les plantations, constructions et ouvrages élevés sur son fonds.

L’union des biens est inévitable : si elle ne se fait pas sur le terrain probatoire, elle se fera sous l’effet de la règle de l’accession.

Mais alors, puisque l’attribution de l’ouvrage au propriétaire du sol est inévitable, immédiatement la question se pose de l’intérêt de l’article 553 du Code civil ?

Pourquoi ouvrir la possibilité aux tiers de contester, sur le fondement de l’article 553, la propriété de l’ouvrage élevé sur le fonds d’autrui si, in fine, elle sera systématiquement attribuée au propriétaire du sol ?

L’intérêt pour le tiers de se placer sur le terrain probatoire, c’est que, une fois démontré que c’est lui qui a endossé la qualité de maître d’ouvrage et non le propriétaire du sol, il sera fondé, au titre de cette qualité, à réclamer dans le cadre de l’application de la règle de l’accession à percevoir une indemnité.

C’est là qu’interviennent les articles 554 et 555 du Code civil qui, lorsqu’il est fait échec à la présomption posée à l’article 553 du Code civil, opèrent un basculement vers l’application de la règle de l’accession.

D’une présomption de propriété on passe à un mode d’acquisition de la propriété du bien incorporé au fonds.

Cette incorporation peut résulter :

  • Soit de la réalisation de plantations ou de constructions par le propriétaire du sol sur son fonds avec des matériaux qui appartiennent à autrui
  • Soit de la réalisation de plantations ou de constructions par un tiers sur un fonds appartenant à autrui

Les articles 554 et 555 du Code civil envisagent ces deux hypothèses qui, toutes deux, mobilisent la règle de l’accession.

Régime général de l’accession mobilière

Si l’accession mobilière peut emprunter plusieurs formes au nombre desquelles figurent, l’adjonction, la spécification et le mélange, elle demeure soumise à des règles communes qui s’appliquent en toute hypothèse.

  • L’accession opère de plein droit
    • Ainsi que l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 27 mars 2002, l’accession opère toujours « de plein droit» ( 3e civ. 27 mars 2002, n°00-18201).
    • Il en résulte qu’il n’est pas nécessaire pour que l’accession produise ses effets que le bénéficiaire accomplisse un acte de volonté ou une quelconque démarche.
    • Dès lors que les conditions de l’accession sont réunies, elle confère à ce dernier un droit de propriété sur le bien qui en est l’objet sans que cette opération ne s’apparente à un transfert de propriété.
    • L’accession est un mode d’acquisition originaire de la propriété, de sorte que le droit réel conféré à l’acquéreur est indépendant des droits dont le bien acquis a pu antérieurement faire l’objet.
    • Aussi, quand bien même, on s’apercevrait que le précédent propriétaire ne disposait d’aucun droit sur le bien, en raison par exemple de l’irrégularité de son titre, c’est sans incidence sur le droit dont est titulaire l’acquéreur à titre originaire.
  • L’accession a pour effet d’évincer celui dont l’apport est regardé comme accessoire
    • L’accession n’est autre que l’expression de la règle de l’accessoire.
    • Aussi, la particularité du « droit d’accession est qu’il lui confère à son titulaire un droit de propriété sur les accessoires de la chose.
    • Ces accessoires peuvent consister en des biens meubles (pour l’accession par adjonction et par mélange) ou en un apport en industrie (pour l’accession par spécification).
    • En principe donc, l’accessoire a vocation à suivre le principal, le propriétaire du bien accessoire ou le travailleur étant alors évincés de la propriété du bien nouvellement créé.
    • Cette éviction n’est pas systématique puisque, dans l’hypothèse où l’apport en nature ou en industrie surpasse de beaucoup ce qui devrait être regardé comme la partie principale, alors il y a une inversion du principe.
    • Toutefois, la logique demeure : c’est toujours ce qui représente la part contributive la plus importe qui emporte la propriété du bien créé, ce qui mécaniquement a pour effet d’évincer celui qui n’est pas désigné par la règle de conflit.
  • Celui qui a été évincé doit être indemnisé
    • C’est une constante en matière d’accession : celui qui a été évincé de la propriété du bien convoité doit être indemnisé (V. en ce sens 570, 571, et 574 C. civ.).
    • L’octroi d’une indemnité est justifié par la doctrine par l’application de la règle qui interdit l’enrichissement sans cause.
    • À l’examen, elle est plutôt fondée sur la revendication de la valeur de l’accessoire, raison pour laquelle le propriétaire du bien principal ne peut limiter l’indemnité à la plus-value dont il profite, qu’elle soit subrogée au bien accessoire et que la faute de l’appauvri n’y fasse pas obstacle.
    • Aussi, l’indemnisation correspondra à la valeur de son apport et sera estimée au jour du remboursement.
    • S’agissant de l’évaluation de la valeur bien apporté ou de la main-d’œuvre fournie, il y aura lieu de se référer au prix du marché.
  • L’accession peut parfois conduire à l’instauration d’une indivision
    • Il est des cas où il n’est pas possible de déterminer quel apport, en nature ou en industrie, peut être regardé comme le principal.
    • Tel est le cas lorsque les valeurs des biens apportés ou de l’industrie fournie sont équivalentes.
    • Aussi, la règle de l’accessoire est, en pareille hypothèse, inopérante et, par voie de conséquence, écartée.
    • Afin de sortir de l’impasse, le législateur a posé une règle que l’on retrouve dans toutes les formes d’accession mobilières qui vise à instaurer une indivision sur le bien nouvellement créée.
    • Toutefois, parce que nul ne peut demeurer en indivision, l’article 575 du Code civil, dont la portée est générale, prévoit que « lorsque la chose reste en commun entre les propriétaires des matières dont elle a été formée, elle doit être licitée au profit commun. »
    • Ainsi, chaque propriétaire du bien peut demander à sortir de l’indivision ; il recevra alors sa part en valeur.
    • La règle n’est ici pas d’ordre public, de sorte que rien n’interdit les indivisaires de s’entendre sur des modalités différentes de partage.
    • Par ailleurs, le texte suggère que bien indivis soit vendue par voie de licitation
    • Il ne faut néanmoins interpréter cette formule au sens large, en ce sens qu’il n’est nullement exigé que le bien soit vendu aux enchères : la vente amiable est admise.
  • Celui à l’insu duquel l’union des biens a été réalisée peut demander leur séparation
    • Lorsque l’opération d’union des biens a été réalisée à l’insu de l’un des propriétaires, celui-ci dispose de la faculté de solliciter la restitution de son bien.
    • L’article 576 du Code civil dispose en ce sens que « dans tous les cas où le propriétaire dont la matière a été employée, à son insu, à former une chose d’une autre espèce peut réclamer la propriété de cette chose, il a le choix de demander la restitution de sa matière en même nature, quantité, poids, mesure et bonté, ou sa valeur estimée à la date de la restitution. »
    • L’exercice de cette faculté est toutefois subordonné à la possibilité de séparer les éléments sans inconvénient
    • À défaut, seul un partage en valeur pourra être envisagé
  • L’octroi de dommages et intérêts au propriétaire lésé
    • L’article 577 du Code civil dispose que « ceux qui auront employé des matières appartenant à d’autres, et à leur insu, pourront aussi être condamnés à des dommages et intérêts, s’il y a lieu, sans préjudice des poursuites par voie extraordinaire, si le cas y échet.»
    • Ainsi, des dommages et intérêts peuvent être alloués au propriétaire qui a été lésé en cas d’emploi de son bien à son insu.
    • Le texte précise néanmoins que, pour être applicable, celui qui a employé la matière d’autrui à son insu doit être de mauvaise foi.
    • En effet, les dommages et intérêts dus visent à réparer le préjudice résultant du trouble causé à la propriété de la chose illégitimement utilisée.
    • Ainsi, l’auteur du dommage devra indemniser le propriétaire lésé, non seulement à concurrence de la valeur de son bien, mais encore à hauteur du préjudice subi.
    • L’octroi de dommages et intérêts ne fait pas obstacle à l’exercice d’une action pénale – sur le fondement du vol par exemple – ainsi que le suggère l’article 577 lorsqu’il précise « sans préjudice des poursuites par voie extraordinaire, si le cas y échet».

L’accession par production ou le sort des fruits produits par la chose

==> Notion

L’accession est envisagée à l’article 712 du Code civil comme un mode d’acquisition originaire de la propriété, tant mobilière, qu’immobilière.

Plus précisément elle est l’expression du principe aux termes duquel « l’accessoire suit le principal » (accessorium sequitur principale).

Les règles qui régissent l’accession visent, en effet, à étendre l’assiette du droit de propriété aux accessoires de la chose qui en est l’objet.

L’article 546 du Code civil dispose en ce sens « la propriété d’une chose soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement soit naturellement, soit artificiellement. »

La particularité du « droit d’accession » dont est investi le propriétaire est qu’il lui confère un droit de propriété sur les accessoires de la chose, sans qu’il lui soit besoin accomplir un acte de volonté ou une prise de possession du bien à l’instar de l’occupation.

Aussi, l’assiette de son droit de propriété a-t-elle vocation à s’étendre à tout ce que produit la chose, à tout ce qui s’unit à elle et à tout ce qui s’y incorpore.

Pour exemple, le propriétaire d’un fonds acquiert automatiquement la propriété de toutes les constructions élevées sur ce fonds, tout autant que lui reviennent les fruits produits par les arbres qui y sont plantés.

==> Formes

L’accession peut prendre deux formes différentes :

  • L’accession par production
    • Cette forme d’accession correspond à l’hypothèse où la propriété de la chose est étendue aux fruits qu’elle produit, en application de l’article 547 du Code civil.
    • L’acquisition de ces fruits est originaire puisqu’ils n’ont appartenu à personne avant leur création.
  • L’accession par union et incorporation
    • Cette forme d’accession correspond à l’hypothèse où le propriétaire acquiert la propriété de tout ce qui s’unit et s’incorpore à la chose.
    • À la différence de l’accession par production, cette accession est susceptible de conduire à une acquisition dérivée, en ce sens que la chose incorporée peut avoir appartenu à un premier propriétaire qui est alors privé de son droit par le jeu l’incorporation

Des auteurs n’hésitent pas à qualifier ces formes d’accession d’« aspects contraires d’un même phénomène »[1].

Au soutien de cette thèse, il est soutenu que tandis que l’accession par production procède d’un phénomène de séparation de l’accessoire du principal (le fruit tombe de l’arbre), l’accession par incorporation repose sur l’union de deux choses (l’ouvrage s’incorpore au fonds)

Aussi, pour la doctrine « la véritable accession » est celle que déclenche l’union de deux biens[2]. En effet, l’accession ne serait pas un mode d’acquisition de la propriété, mais plutôt l’exercice du droit de propriété, lequel confère au propriétaire toutes les utilités de la chose au nombre desquelles figurent notamment la perception des fruits et des produits.

Reste que le Code civil envisage l’accession selon les deux formes ci-dessus énoncées auxquelles il consacre deux chapitres distincts.

Nous nous focaliserons ici sur l’accession par production.

==> Problématique

L’une des exploitations d’un bien peut consister à tirer profit de la création, à partir de celui-ci, d’un nouveau bien. Ainsi, un arbre procure-t-il des fruits, un immeuble donné à bail des loyers et une carrière des pierres.

La question qui a lors se pose est de savoir si tous ces nouveaux biens créés dont tire profit le propriétaire sont appréhendés par le droit de la même manière.

La réponse est non, en raison d’une différence physique qu’il y a lieu de relever entre les différents revenus qu’un bien est susceptible de procurer à son propriétaire.

En effet, il est des cas où la création de biens dérivés supposera de porter atteinte à la substance du bien originaire (extraction de pierre d’une carrière), tandis que dans d’autres cas la substance de ce bien ne sera nullement altérée par la production d’un nouveau bien.

Ce constat a conduit à distinguer les fruits que procure la chose au propriétaire des produits, l’intérêt de la distinction résidant dans le sort qui leur est réservé.

==> Exposé de la distinction entre les fruits et les produits

  • Les fruits
    • Les fruits correspondent à tout ce que la chose produit périodiquement sans altération de sa substance.
    • Tel est le cas des loyers produits par un immeuble loué, des fruits d’un arbre ou encore des bénéfices commerciaux tirés de l’exploitation d’une usine.
    • Classiquement, on distingue trois catégories de fruits :
      • Les fruits naturels
        • L’article 583, al. 1er du Code civil prévoit que « les fruits naturels sont ceux qui sont le produit spontané de la terre. Le produit et le croît des animaux sont aussi des fruits naturels. »
        • Il s’agit autrement dit des fruits produits par la chose spontanément sans le travail de l’homme
        • Exemple : les champignons des prés, les fruits des arbres sauvages
      • Les fruits industriels
        • L’article 583, al. 2e prévoit que « les fruits industriels d’un fonds sont ceux qu’on obtient par la culture. »
        • Il s’agit donc des fruits dont la production procède directement du travail de l’homme.
        • Exemple: les récoltes sur champs, les coupes de bois taillis, bénéfices réalisés par une entreprise
      • Les fruits civils
        • L’article 584 al. 1er prévoit que « les fruits civils sont les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles, les arrérages des rentes. »
        • L’alinéa 2 précise que « les prix des baux à ferme sont aussi rangés dans la classe des fruits civils. »
        • Il s’agit donc des revenus périodiques en argent dus par les tiers auxquels la jouissance de la chose a été concédée
        • Exemple: les loyers d’un immeuble donné à bail ou encore les intérêts d’une somme argent prêtée
      • Pour être un fruit, le bien créé à partir d’un bien originaire, il doit donc remplir deux critères :
        • La périodicité (plus ou moins régulière)
        • La conservation de la substance de la chose dont ils dérivent.
      • Ainsi que l’exprimait le Doyen Carbonnier, « c’est parce qu’il [le fruit] revient périodiquement et qu’il ne diminue pas la substance du capital que le fruit se distingue du produit».
  • Les produits
    • Les produits correspondent à tout ce qui provient de la chose sans périodicité, mais dont la création en altère la substance
    • Tel est le cas des pierres et du minerai que l’on extrait d’une carrière ou d’une mine
    • Ainsi que l’ont fait remarquer des auteurs « quand on perçoit des fruits, on perçoit seulement des revenus, tandis que quand on perçoit les produits d’une chose, on perçoit une fraction du capital, qui se trouve ainsi entamé»[3].
    • Lorsque la perception des revenus tirés de la chose ne procédera pas d’une altération de sa substance, il conviendra de déterminer si cette perception est périodique ou isolée.
    • Tandis que dans le premier, il s’agira de fruits, dans le second, on sera en présence de produits.
    • Ainsi, s’agissant d’une carrière exploitée sans discontinuité, les pierres extraites seront regardées comme des fruits et non comme des produits, la périodicité de la production couvrant l’altération de la substance.
    • Il en va de même pour une forêt qui aurait été aménagée en couples réglées : les arbres abattus quittent leur état de produits pour devenir des fruits.

==> Intérêt de la distinction entre les fruits et les produits

La distinction entre les fruits et les produits n’est pas sans intérêt sur le plan juridique. En effet, alors que les fruits reviennent à celui qui a la jouissance de la chose, soit l’usufruitier, les produits, en ce qu’ils sont une composante du capital, appartiennent au nu-propriétaire.

Quand bien même le propriétaire conserverait la jouissance de la chose, il est des cas où les fruits ne pas lui être réservés, alors que les produits lui reviennent toujours.

En effet, contrairement aux produits qui procèdent d’une altération de la chose, les fruits ont vocation, par nature, à s’en détacher sans en altérer la substance.

Aussi leur attribution peut, en certaines circonstances, s’avérer problématique :

  • Soit parce que leur production aura nécessité l’intervention de tiers qui auront loué leur industrie au propriétaire
  • Soit parce qu’ils auront été perçus par une personne qui se comportera comme leur véritable propriétaire

Il s’agit là, manifestement, de situations où le droit du propriétaire de la chose entre en concours avec les droits de tiers.

La résolution de ces conflits potentiels est envisagée aux articles 547 à 550 du Code civil qui règlent le sort de ce qui est produit par la chose.

Et s’il s’évince de ces dispositions que les fruits reviennent, en principe, au propriétaire de la chose, tel ne sera pas toujours le cas, la règle étant assortie d’un certain nombre d’exceptions.

I) Le principe d’attribution des fruits au propriétaire de la chose

L’accession par production est traitée par le chapitre 1er du titre II consacré au droit de propriété. L’article 547 du Code civil ouvre ce chapitre en prévoyant que « les fruits naturels ou industriels de la terre, les fruits civils, le croît des animaux, appartiennent au propriétaire par droit d’accession. »

Il ressort de cette disposition que les fruits produits par la chose reviennent au propriétaire, quelle que soit leur nature (fruits naturels, fruits industriels et fruits civils).

Ainsi que le défendent les auteurs cette perception des fruits procéderait, non pas du mécanisme de l’accession comme le suggère l’article 547, mais de l’exercice du droit de propriété dont l’un des attributs est le fructus soit le droit de percevoir les fruits de la chose.

La réservation des fruits de la chose par le propriétaire ne serait, autrement dit, qu’une conséquence de son droit de propriété.

Le véritable fondement de la règle serait donc l’article 544 du Code civil qui, pour mémoire, prévoit que « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »

C’est la raison pour laquelle le propriétaire est susceptible d’être privé de la perception des fruits produits par la chose lorsqu’il n’en a plus la jouissance consécutivement à un démembrement de son droit de propriété.

Là n’est pas la seule hypothèse où les fruits seront attribués à une personne autre que le propriétaire de la chose.

II) Les limites au principe d’attribution des fruits au propriétaire de la chose

Il est des cas où le propriétaire de la chose :

  • Soit devra verser une indemnité pour conserver les fruits
  • Soit sera privé purement et simplement privé de son droit de les percevoir

A) La conservation des fruits en contrepartie du versement d’une indemnité

==> Attribution des fruits au propriétaire

L’article 548 du Code civil prévoit que « les fruits produits par la chose n’appartiennent au propriétaire qu’à la charge de rembourser les frais des labours, travaux et semences faits par des tiers et dont la valeur est estimée à la date du remboursement. »

Il ressort de cette disposition que lorsque les fruits produits par la chose sont le résultat de l’industrie fournie par des tiers il leur est dû une indemnité qui vise à éviter que le propriétaire ne s’enrichisse aux dépens d’autrui.

L’idée qui préside à cette règle est que si le propriétaire avait conservé la maîtrise de son bien il aurait été contraint d’engager des frais pour percevoir les fruits produits par la chose.

Aussi, lui attribuer les fruits sans indemniser ceux qui, par leur travail, ont concouru à leur production reviendrait à admettre qu’il puisse s’enrichir sans cause, ce qui serait contraire à l’article 1303 du Code civil.

À l’examen, il existe une règle comparable en matière d’usufruit, l’article 608 du Code civil mettant à la charge de l’usufruitier les charges usufructuaires en contrepartie de la perception des fruits.

S’agissant du principe énoncé à l’article 548, se pose la question de l’évaluation de l’indemnité due par le propriétaire en contrepartie de la conservation des fruits.

==> Versement d’une indemnité

Si le débiteur de l’indemnité est toujours le propriétaire de la chose, le créancier est la personne qui, d’une part, a vocation à restituer les fruits perçus et qui, d’autre part, a exposé des frais ou a concouru, de quelque manière que ce soit, par son industrie notamment à leur production.

À cet égard, la jurisprudence que même le possesseur de mauvaise est autorisé à réclamer le paiement d’une indemnité en contrepartie de la restitution des fruits (V. en ce sens Cass. 3e civ., 5 juill. 1978, n° 77-11157).

S’agissant du montant de cette indemnité, elle comprend tout autant les frais exposés par le tiers pour que la chose produise les fruits, mais encore le prix du travail fourni.

L’évaluation du montant de l’indemnité relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond qui pourront octroyer au tiers une indemnité, tant pour la production de fruits naturels, comme le suggère l’article 548, que pour la production de fruits civils ou industriels, bien que ce texte soit silencieux sur ce point.

L’objectif visé ici est d’éviter que le propriétaire qui conserve le bénéfice des fruits produits par la chose, ne s’enrichisse pas sans contrepartie.

Dans un arrêt du 12 février 2003, la Cour de cassation a précisé que le tiers a droit au remboursement des frais qu’il a exposés pour parvenir à la perception des fruits peu importe que ces frais aient été exposés sans véritable nécessité (Cass. 3e civ., 12 févr. 2003, n° 01-15051).

Aussi, dès lors que les fruits sont restitués au propriétaire une indemnité est due au tiers qui a concouru à leur production.

S’agissant, enfin, de la date d’évaluation de l’indemnité, l’article 548 du Code civil précisé que sa « valeur est estimée à la date du remboursement. »

Ainsi, le juge est invité à se placer, non pas au jour où les frais ont été exposés, mais à la date de leur remboursement, de sorte que le montant de l’indemnité ne correspondra pas nécessairement au montant nominal des dépenses engagées.

B) La conservation des fruits per une personne autre que le propriétaire de la chose

Il est plusieurs situations où les fruits produits par la chose peuvent être conservés par une personne autre que le propriétaire de la chose.

==> Les fruits perçus par le possesseur de bonne foi

L’acquisition des fruits produits par le bien qui se trouve en possession dépend de sa bonne ou mauvaise foi :

  • Le possesseur est de bonne foi
    • L’article 549 du Code civil prévoit que « le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi. »
    • Le possesseur de bonne foi conserve ainsi le bénéfice des fruits du bien, quand bien même il serait tenu de le restituer au verus dominus
    • La bonne foi consiste en l’ignorance par le possesseur de la non-conformité de la situation de fait à la situation de droit.
    • L’article 550 du Code civil prévoit en ce sens que « le possesseur est de bonne foi quand il possède comme propriétaire, en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices»
    • La conséquence en est qu’il « cesse d’être de bonne foi du moment où ces vices lui sont connus».
    • Dans un arrêt du 15 juin 2005, la Cour de cassation a rappelé cette définition en jugeant que « la bonne foi, au regard de l’article 2265 du Code civil, consiste en la croyance de l’acquéreur, au moment de l’acquisition, de tenir la chose du véritable propriétaire».
    • Ainsi, le possesseur de bonne foi est celui qui croit – à tort – être le propriétaire de la chose, alors que le titre en vertu duquel il a acquis le bien est vicié.
    • Compte tenu de la nature psychologique de la bonne foi qui donc se laisse difficilement sonder, le législateur a posé à l’article 2274 du Code civil que « la bonne foi est toujours présumée, et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver.»
  • Le possesseur est de mauvaise foi
    • Dans cette hypothèse, l’article 549 du Code civil prévoit que le possesseur « est tenu de restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique»
    • Le texte précise que si les fruits ne se retrouvent pas en nature dans le patrimoine du possesseur de mauvaise foi, leur valeur est estimée à la date du remboursement.
    • Autrement dit, il appartient à ce dernier de restituer au verus dominus les fruits perçus par équivalent, soit en valeur.
    • Se posera également la question d’une restitution de la valeur de jouissance procurée par la possession de la chose (V. en ce sens Fiche consacrée à la restitution des fruits et de la valeur de jouissance procurés par la chose)

==> Les fruits produits par les plantations et constructions réalisées par un tiers

En principe, lorsque le détendeur régulier d’un fonds (locataire ou fermier) plante des arbres ou édifie des constructions sur ce fonds, en application de la règle de l’accession elles devraient revenir au propriétaire du sol, sauf à ce qu’il y ait renoncé expressément.

Dans un arrêt du 1er décembre 1964 la Cour de cassation a pourtant statué dans le sens contraire en jugeant que « si, en l’absence d’accord des parties, le sort des constructions élevées par le preneur est réglé à l’expiration du bail par l’article 555, alinéas 1 et 2 du code civil, le preneur reste propriétaire, pendant la durée de la location, des constructions qu’il a édifiées sur le terrain du bailleur » (Cass. 1ère civ. 1er déc. 1964).

Aussi, pour la première chambre civile, en cas de conclusion d’une convention aux termes de laquelle le propriétaire autorise son cocontractant à effectuer des constructions ou des plantations sur son fonds, son droit d’accession qui opère, en principe, progressivement à mesure de leur réalisation, sera différé.

Tant que la convention n’a pas expiré, le propriétaire des constructions et des plantations demeure donc, non pas le propriétaire du sol, mais bien le preneur.

La conséquence en est que les fruits générés par ces constructions ou plantations reviennent au seul détenteur du fonds. Tel sera notamment le cas des loyers perçus par le preneur qui aura régulièrement donné à bail les constructions qu’il a édifié sur le terrain qu’il occupe.

==> Les fruits naturels tombés sur le fonds voisin

L’article 673 du Code civil prévoit que « celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Les fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent ».

Ainsi le propriétaire du fonds sur lequel sont établies les plantations perd le droit sur les fruits produits dès lors qu’ils tombent dans le fonds voisin. Cette règle a, en somme, pour effet de neutraliser le jeu de l’accession.

Encore faut-il, néanmoins, que le détachement des fruits de l’arbre soit le résultat d’un phénomène naturel.

Si le détachement des fruits procède d’une cueillette ou d’une action accomplie par le propriétaire du fonds voisin sur la branche de l’arbre, la règle énoncée à l’article 673 n’opère plus.

La raison en est que le propriétaire du fonds voisin est seulement autorisé à couper les racines des plantations qui empiètent sur son terrain. S’agissant, en revanche, des branches qui débordent de la ligne séparative, elles ne peuvent être coupées que par le propriétaire de l’arbre qui, tout au plus, peut y être contraint par le propriétaire du fonds voisin.

En aucun cas ce dernier ne peut toutefois les couper lui-même de sa propre initiative, ce qui l’obligera, en cas de résistance du propriétaire de l’arbre à saisir le juge.

[1] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les biens, éd. Dalloz, 2007, n°241, p. 207

[2]  Ph. Malaurie et L. Aynès, Les biens. La publicité foncière, Cujas, 4e  éd. 1998 par Ph. Théry n° 440.

[3] H., L. et J. Mazeaud, Leçons de droit civil, Paris 1955, t.1, p. 253, n°228.

L’acquisition de la propriété par accession: vue générale

==> Notion

L’accession est envisagée à l’article 712 du Code civil comme un mode d’acquisition originaire de la propriété, tant mobilière, qu’immobilière.

Plus précisément elle est l’expression du principe aux termes duquel « l’accessoire suit le principal » (accessorium sequitur principale).

Les règles qui régissent l’accession visent, en effet, à étendre l’assiette du droit de propriété aux accessoires de la chose qui en est l’objet.

L’article 546 du Code civil dispose en ce sens « la propriété d’une chose soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement soit naturellement, soit artificiellement. »

La particularité du « droit d’accession » dont est investi le propriétaire est qu’il lui confère un droit de propriété sur les accessoires de la chose, sans qu’il lui soit besoin accomplir un acte de volonté ou une prise de possession du bien à l’instar de l’occupation.

Aussi, l’assiette de son droit de propriété a-t-elle vocation à s’étendre à tout ce que produit la chose, à tout ce qui s’unit à elle et à tout ce qui s’y incorpore.

Pour exemple, le propriétaire d’un fonds acquiert automatiquement la propriété de toutes les constructions élevées sur ce fonds, tout autant que lui reviennent les fruits produits par les arbres qui y sont plantés.

==> Formes

L’accession peut prendre deux formes différentes :

  • L’accession par production
    • Cette forme d’accession correspond à l’hypothèse où la propriété de la chose est étendue aux fruits qu’elle produit, en application de l’article 547 du Code civil.
    • L’acquisition de ces fruits est originaire puisqu’ils n’ont appartenu à personne avant leur création.
  • L’accession par union et incorporation
    • Cette forme d’accession correspond à l’hypothèse où le propriétaire acquiert la propriété de tout ce qui s’unit et s’incorpore à la chose.
    • À la différence de l’accession par production, cette accession est susceptible de conduire à une acquisition dérivée, en ce sens que la chose incorporée peut avoir appartenu à un premier propriétaire qui est alors privé de son droit par le jeu l’incorporation

Des auteurs n’hésitent pas à qualifier ces formes d’accession d’« aspects contraires d’un même phénomène »[1].

Au soutien de cette thèse, il est soutenu que tandis que l’accession par production procède d’un phénomène de séparation de l’accessoire du principal (le fruit tombe de l’arbre), l’accession par incorporation repose sur l’union de deux choses (l’ouvrage s’incorpore au fonds)

Aussi, pour la doctrine « la véritable accession » est celle que déclenche l’union de deux biens[2]. En effet, l’accession ne serait pas un mode d’acquisition de la propriété, mais plutôt l’exercice du droit de propriété, lequel confère au propriétaire toutes les utilités de la chose au nombre desquelles figurent notamment la perception des fruits et des produits.

Reste que le Code civil envisage l’accession selon les deux formes ci-dessus énoncées auxquelles il consacre deux chapitres distincts.

[1] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les biens, éd. Dalloz, 2007, n°241, p. 207

[2]  Ph. Malaurie et L. Aynès, Les biens. La publicité foncière, Cujas, 4e  éd. 1998 par Ph. Théry n° 440.