L’accession mobilière par mélange

L’accession mobilière est de loin la forme d’accession la plus rare, dans la mesure où elle ne pourra jouer que dans les hypothèses où, d’une part, la règle « en fait de meuble possession vaut titre » ne pourra pas s’appliquer et, d’autre part, lorsqu’aucune convention n’aura été conclu entre les biens qui ont vocation à s’unir.

  • En fait de meuble possession vaut titre
    • Lorsque, cette règle énoncée à l’article 2276 du Code civil s’applique, elle fait échec à toute action en revendication des biens meubles objets de l’incorporation.
    • En effet, elle fait produire à la possession un effet acquisitif immédiat, de sorte que celui qui a uni la chose d’autrui à la sienne devient, de plein droit, le propriétaire de l’ensemble.
    • Le mécanisme de l’accession s’en trouve dès lors, pour ainsi dire, court-circuité, sinon neutralisé.
    • Encore faut-il néanmoins que l’effet acquisitif de la possession puisse opérer, ce qui suppose, d’une part, qu’elle soit caractérisée dans tous ses éléments constitutifs et, d’autre part, que le possesseur soit de mauvaise foi.
    • À défaut, l’acquisition du bien se fera selon les règles de l’accession
  • La conclusion d’une convention
    • Lorsqu’un contrat est conclu entre les propriétaires des deux choses qui ont vocation à s’unir, l’acquisition du bien qui résulte de cette union s’opère sous l’effet, non pas de l’accession, mais des obligations stipulées par les parties.
    • En effet, l’attribution de la propriété de ce bien nouveau est déterminée par la convention qui tiendra lieu de loi aux contractants.
    • À cet égard, ces derniers sont libres de déroger aux règles de l’accession, lesquelles ne sont que supplétives.
    • À ce titre, elles n’ont vocation à s’appliquer qu’aux situations qui ne sont réglées par aucune convention.
    • Or, en pratique, l’union de deux biens s’inscrira, le plus souvent, dans le cadre de l’exécution d’un contrat

À l’examen, l’accession mobilière ne jouera que dans des hypothèses résiduelles d’incorporation qui ne sont pas réglées par une convention, ni n’entrent en concours avec l’effet acquisitif attaché à la possession.

C’est seulement dans cet espace, qui n’est pas que théorique, mais qui demeure restreint, que les règles énoncées aux articles 565 et suivants du Code civil ont vocation à s’appliquer.

À cet égard, ces dispositions ne règlent que l’incorporation d’un meuble à un autre meuble. Lorsqu’un meuble est incorporé à un immeuble, ce sont les règles de l’accession immobilière qui ont vocation à s’appliquer.

Par ailleurs, l’article 565 du Code civil après avoir énoncé à son alinéa 1er que « le droit d’accession, quand il a pour objet deux choses mobilières appartenant à deux maîtres différents, est entièrement subordonné aux principes de l’équité naturelle » précise en son second alinéa que « les règles suivantes serviront d’exemple au juge pour se déterminer, dans les cas non prévus, suivant les circonstances particulières. »

Il ressort de cette disposition que le législateur autorise le juge à se déterminer en considération des « principes de l’équité naturelle » en dehors des cas d’accession mobilière non envisagés par les articles 567 à 577 du Code civil.

Si lors de l’entrée en vigueur du Code civil, ce renvoi aux « principes de l’équité naturelle » était sans application pratique dans la mesure où toutes les hypothèses d’incorporation de meuble à meuble étaient couvertes par les textes, il est désormais susceptible de présenter un intérêt lorsqu’il s’agit d’envisager une extension de l’accession mobilière aux choses incorporelles.

Il est, en effet, soutenu, par une partie de la doctrine que l’article 565, de par sa généralité, ne distinguerait pas selon que la chose objet de l’incorporation est corporelle ou incorporelle.

Aussi, les biens tels qu’une œuvre de l’esprit, une marque ou encore une créance seraient, selon certains auteurs, susceptibles d’être soumis aux techniques de l’accession mobilière.

En tout état de cause, l’accession opérera différemment selon les formes qu’elle revêtira, tout en étant soumise à un régime juridique commun.

La loi en distingue trois formes d’accession mobilière :

  • L’adjonction
  • Le mélange
  • La spécification

Nous nous focaliserons ici sur l’accession par mélange.

  1. Notion

Le mélange correspond à l’hypothèse où la chose formée procède d’une association de plusieurs matières appartenant à différents propriétaires, mais dont aucune ne peut être regardée comme la matière principale et dont la séparation, une fois combinées, s’avère difficile, sinon impossible.

Pour illustrer cette forme d’accession, Demolombe a écrit que le « blé qui m’appartenait, a été, sans mon consentement, confondu avec le blé de Paul, soit fortuitement, soit par le fait de Paul lui-même ou d’un tiers, ou bien c’est mon vin qui a été mêlé avec son vin ; Ou encore, un lingot, qui était à moi, a été fondu avec le lingot qui appartenait à Paul ».

Le mélange intéresse ainsi tout particulièrement les choses fongibles, soit celles qui ne possèdent pas d’individualité propre, car sont de même espèce et qualité. Une fois confondues, leur séparation n’est pas sans soulever d’inconvénients qui peuvent s’avérer insurmontables.

C’est la raison pour laquelle le Code civil prescrit des règles qui visent à déterminer à quel propriétaire il convient d’attribuer le bien qui résulte des différentes matières mélangées.

2. Règles d’attribution de la propriété

Le régime de l’accession par mélange est fixé aux articles 573 et 574 du Code civil. Il s’articule autour d’un principe qui est assorti d’une exception.

==> Principe

L’article 573 alinéa 1er du Code civil prévoit que « lorsqu’une chose a été formée par le mélange de plusieurs matières appartenant à différents propriétaires, mais dont aucune ne peut être regardée comme la matière principale, si les matières peuvent être séparées, celui à l’insu duquel les matières ont été mélangées peut en demander la division. »

Il ressort de cette disposition qu’il y a lieu de distinguer selon qu’il est ou non possible d’identifier parmi les matières qui ont été mélangées laquelle peut être regardée comme l’élément principal du bien nouvellement créé.

  • L’une des matières mélangées peut être regardée comme l’élément principal de la chose formée
    • Bien que l’article 573 ne le dise pas expressément, dans cette hypothèse, c’est au propriétaire de l’élément principal qui a concouru à la formation du bien nouvellement créée qui en acquiert, seul, la propriété à l’exclusion de tous les autres propriétaires.
    • Encore faudra-t-il être en mesure d’identifier l’élément principal de la chose formée.
    • Pour le déterminer, il conviendra de se reporter aux règles de conflit énoncées aux articles 567 et 569 du Code civil
    • Pour rappel :
      • La première règle de conflit, énoncée à l’article 567 prévoit que « est réputée partie principale celle à laquelle l’autre n’a été unie que pour l’usage, l’ornement ou le complément de la première. »
      • La seconde règle de conflit, qui a vocation à s’appliquer faute d’être en mesure de déterminer quel élément est affecté au service de l’autre, prévoit que « si de deux choses unies pour former un seul tout, l’une ne peut point être regardée comme l’accessoire de l’autre, celle-là est réputée principale qui est la plus considérable en valeur, ou en volume, si les valeurs sont à peu près égales. »
    • Une fois l’élément principal de la chose formée identifié, c’est donc à son propriétaire que la propriété du bien créé est attribuée
  • Aucune des matières mélangées ne peut être regardée comme l’élément principal de la chose formée
    • Dans cette hypothèse, l’article 573 du Code civil distingue deux situations
      • Première situation : les matières mélangées peuvent être séparées
        • Dans cette hypothèse, l’article 573, al. 1er prévoit que celui à l’insu duquel les matières ont été mélangées peut en demander la division.
        • Il ressort de cette règle qu’un propriétaire peut demander le partage en nature de la chose issu du mélange à la double condition :
          • D’une part, que le mélange soit intervenu à son insu, soit sans qu’il y ait consenti, ni même que l’opération ait été portée à sa connaissance
          • D’autre part, que le bien revendiqué soit séparable de la chose formée par le mélange, sans que cela occasionne des inconvénients pour les autres biens
        • Lorsque ces deux conditions – cumulatives – sont réunies, le propriétaire à l’insu duquel le mélange a été réalisé dispose alors d’une option.
        • Il peut, en effet, solliciter :
          • Soit un partage en nature de la chose nouvellement créée, en application de l’alinéa 1er de l’article 573 du Code civil
          • Soit un partage en valeur de la chose issue du mélange, en application de l’article 575 qui prévoit que lorsque la chose reste en commun entre les propriétaires des matières dont elle a été formée, elle doit être licitée au profit commun.
        • Cette option est envisagée à l’article 576 qui s’applique à toutes les formes d’accession mobilière et qui prévoit que « dans tous les cas où le propriétaire dont la matière a été employée, à son insu, à former une chose d’une autre espèce peut réclamer la propriété de cette chose, il a le choix de demander la restitution de sa matière en même nature, quantité, poids, mesure et bonté, ou sa valeur estimée à la date de la restitution. »
        • Reste que cette option n’existe, en matière d’accession par mélange, que dans l’hypothèse où les éléments du bien nouvellement créé peuvent être séparés sans inconvénient.
        • Dans le cas contraire, il y aura lieu de faire application du second alinéa de l’article 573 du Code civil.
      • Seconde situation : les matières ne peuvent plus être séparées sans inconvénient
        • Dans cette hypothèse, l’article 573, al. 2e prévoit que les propriétaires des différents biens qui ont été mélangées acquièrent en commun la propriété du bien nouvellement créé dans la proportion de la quantité, de la qualité et de la valeur des matières appartenant à chacun d’eux.
        • Ainsi, le texte instaure une indivision entre les propriétaires des différents biens qui ont concouru, par leur mélange, à la création du nouveau bien.
        • La mise en place de cette indivision interviendra lorsqu’il sera impossible de séparer, sans inconvénient, les matières qui ont été confondues.
        • Il ne faut pas, autrement dit, que l’opération de séparation soit de nature à occasionner un dommage à l’un des éléments qui compose le nouveau bien.
        • Il est en revanche indifférent que le mélange ait été réalisé à l’insu de l’un des propriétaires.
        • L’indivision a vocation à jouer dès lors que la séparation est impossible.
        • Il ne faudrait pas que celui à l’insu duquel le mélange a été effectué puisse exiger un partage en nature alors même que cette opération ne pourra pas se faire sans inconvénient, en particulier pour les autres biens.
        • Toutefois, parce que nul ne peut être maintenu en division, il pourra toujours être fait application de l’article 575 du Code civil qui autorise un partage en valeur par voie de licitation du bien indivis.

==> Exception

Répondant à la même logique que l’article 568 applicable à l’accession par adjonction, l’article 574 du Code civil prévoit que « si la matière appartenant à l’un des propriétaires était de beaucoup supérieure à l’autre par la quantité et le prix, en ce cas le propriétaire de la matière supérieure en valeur pourrait réclamer la chose provenue du mélange en remboursant à l’autre la valeur de sa matière, estimée à la date du remboursement. »

Par exception à la règle posée à l’article 573, le propriétaire de la matière « de beaucoup supérieure à l’autre par la quantité et le prix » est donc autorisé, en toute hypothèse, soit indépendamment de la règle de l’accessoire et du caractère ou non sécable du bien issu du mélange, à s’en réserver, pour lui seul, la propriété.

En contrepartie de cette réservation, il devra néanmoins rembourser aux autres propriétaires la valeur de leur matière, estimée à la date du remboursement.

Il n’est ainsi question ici, ni de partage en nature, ni de d’indivision, mais d’une attribution pleine et entière du bien nouvellement créée à un seul des propriétaires.

L’accession mobilière par adjonction

L’accession mobilière est de loin la forme d’accession la plus rare, dans la mesure où elle ne pourra jouer que dans les hypothèses où, d’une part, la règle « en fait de meuble possession vaut titre » ne pourra pas s’appliquer et, d’autre part, lorsqu’aucune convention n’aura été conclu entre les biens qui ont vocation à s’unir.

  • En fait de meuble possession vaut titre
    • Lorsque, cette règle énoncée à l’article 2276 du Code civil s’applique, elle fait échec à toute action en revendication des biens meubles objets de l’incorporation.
    • En effet, elle fait produire à la possession un effet acquisitif immédiat, de sorte que celui qui a uni la chose d’autrui à la sienne devient, de plein droit, le propriétaire de l’ensemble.
    • Le mécanisme de l’accession s’en trouve dès lors, pour ainsi dire, court-circuité, sinon neutralisé.
    • Encore faut-il néanmoins que l’effet acquisitif de la possession puisse opérer, ce qui suppose, d’une part, qu’elle soit caractérisée dans tous ses éléments constitutifs et, d’autre part, que le possesseur soit de mauvaise foi.
    • À défaut, l’acquisition du bien se fera selon les règles de l’accession
  • La conclusion d’une convention
    • Lorsqu’un contrat est conclu entre les propriétaires des deux choses qui ont vocation à s’unir, l’acquisition du bien qui résulte de cette union s’opère sous l’effet, non pas de l’accession, mais des obligations stipulées par les parties.
    • En effet, l’attribution de la propriété de ce bien nouveau est déterminée par la convention qui tiendra lieu de loi aux contractants.
    • À cet égard, ces derniers sont libres de déroger aux règles de l’accession, lesquelles ne sont que supplétives.
    • À ce titre, elles n’ont vocation à s’appliquer qu’aux situations qui ne sont réglées par aucune convention.
    • Or, en pratique, l’union de deux biens s’inscrira, le plus souvent, dans le cadre de l’exécution d’un contrat

À l’examen, l’accession mobilière ne jouera que dans des hypothèses résiduelles d’incorporation qui ne sont pas réglées par une convention, ni n’entrent en concours avec l’effet acquisitif attaché à la possession.

C’est seulement dans cet espace, qui n’est pas que théorique, mais qui demeure restreint, que les règles énoncées aux articles 565 et suivants du Code civil ont vocation à s’appliquer.

À cet égard, ces dispositions ne règlent que l’incorporation d’un meuble à un autre meuble. Lorsqu’un meuble est incorporé à un immeuble, ce sont les règles de l’accession immobilière qui ont vocation à s’appliquer.

Par ailleurs, l’article 565 du Code civil après avoir énoncé à son alinéa 1er que « le droit d’accession, quand il a pour objet deux choses mobilières appartenant à deux maîtres différents, est entièrement subordonné aux principes de l’équité naturelle » précise en son second alinéa que « les règles suivantes serviront d’exemple au juge pour se déterminer, dans les cas non prévus, suivant les circonstances particulières. »

Il ressort de cette disposition que le législateur autorise le juge à se déterminer en considération des « principes de l’équité naturelle » en dehors des cas d’accession mobilière non envisagés par les articles 567 à 577 du Code civil.

Si lors de l’entrée en vigueur du Code civil, ce renvoi aux « principes de l’équité naturelle » était sans application pratique dans la mesure où toutes les hypothèses d’incorporation de meuble à meuble étaient couvertes par les textes, il est désormais susceptible de présenter un intérêt lorsqu’il s’agit d’envisager une extension de l’accession mobilière aux choses incorporelles.

Il est, en effet, soutenu, par une partie de la doctrine que l’article 565, de par sa généralité, ne distinguerait pas selon que la chose objet de l’incorporation est corporelle ou incorporelle.

Aussi, les biens tels qu’une œuvre de l’esprit, une marque ou encore une créance seraient, selon certains auteurs, susceptibles d’être soumis aux techniques de l’accession mobilière.

En tout état de cause, l’accession opérera différemment selon les formes qu’elle revêtira, tout en étant soumise à un régime juridique commun.

La loi en distingue trois formes d’accession mobilière :

  • L’adjonction
  • Le mélange
  • La spécification

Nous nous focaliserons ici sur l’accession par adjonction.

  1. Notion

L’adjonction correspond, selon l’article 566 du Code civil, à l’hypothèse où deux choses appartenant à différents maîtres ont été unies de manière à former un tout, mais restent néanmoins séparables, en sorte que l’une puisse subsister sans l’autre.

Un auteur précise que « le tout créé est davantage que la somme des différents éléments assemblés, car il tire avantage non seulement de chacune des deux substances ainsi unies, mais aussi de l’effet spécifique de la réunion »[1].

L’adjonction se produit lorsque, par exemple, un tableau est associé à un cadre, un téléphone mobile est protégé par un étui ou encore une épée est déposée dans son fourreau.

L’ensemble forme un tout qui, par l’effet d’une manœuvre qui ne risque pas d’endommager l’une des deux choses, demeure sécable.

2. Règles d’attribution de la propriété

La question qui se pose ici est de savoir à qui revient la propriété du tout ? Pour le déterminer il convient de se référer aux articles 566 à 569 du Code civil qui fixent le régime de l’adjonction.

==> Le principe de l’accessoire

L’article 566 in fine du Code civil dispose que « le tout appartient au maître de la chose qui forme la partie principale, à la charge de payer à l’autre la valeur, estimée à la date du paiement, de la chose qui a été unie. »

Ainsi, cette disposition s’en remet à la règle de l’accessoire pour déterminer à quel propriétaire des biens objets de l’adjonction revient la propriété du tout.

Pour mémoire, selon cette règle, l’accessoire suit le principal de sorte que c’est le propriétaire du bien constitue ce principal auquel est attribué la propriété de l’ensemble.

Si, a priori, la règle ainsi énoncée est simple, elle se complique lorsqu’il s’agit de déterminer quel bien doit être qualifié de principal et quel bien endosse le statut d’accessoire.

Lorsque l’adjonction consiste à unir un tableau à son cadre, l’exercice ne soulève pas de difficulté particulière.

Quid, en revanche, de l’hypothèse où il s’agit d’unir deux pierres précieuses entre elles ? Est-ce le propriétaire du diamant ou de l’émeraude ?

==> Règles de conflit

Par chance, le Code civil prévoit aux articles 567 et 569 des règles de résolution des conflits qui ont vocation à s’appliquer alternativement

  • Première règle de conflit
    • L’article 567 du Code civil dispose que dispose que « est réputée partie principale celle à laquelle l’autre n’a été unie que pour l’usage, l’ornement ou le complément de la première. »
    • Ainsi, le conflit de qualification entre les deux biens se règle en se référant au rapport d’affectation qui est susceptible d’exister entre eux.
    • C’est le bien qui est affecté au service de l’autre, soit pour l’usage, soit pour l’ornement qui est présumé constituer la partie principale du tout.
    • Il est néanmoins des cas où ce rapport d’affectation n’existe pas, à tout le moins il est difficile de déterminer quel bien est affecté au service de l’autre.
    • S’agissant d’un cadre et d’un tableau, la solution relève de l’évidence.
    • Tel n’est néanmoins pas le cas lorsque les choses que l’on a unies remplissent une fonction équivalente dans le bien nouveau créé.
    • Aussi, afin de résoudre le conflit de qualification y a-t-il lieu, dans cette hypothèse, de se tourner vers la seconde règle de conflit.
  • Seconde règle de conflit
    • L’article 569 du Code civil dispose que « si de deux choses unies pour former un seul tout, l’une ne peut point être regardée comme l’accessoire de l’autre, celle-là est réputée principale qui est la plus considérable en valeur, ou en volume, si les valeurs sont à peu près égales. »
    • Cette disposition permet ainsi de déterminer quel bien peut être qualifié de partie principale du tout lorsque les deux choses que l’on a unies peuvent toutes deux être regardées comme l’accessoire de l’autre.
    • Cette hypothèse se rencontrera lorsque la fonction remplie par chacune d’elle dans le nouveau bien créé est équivalente.
    • Aussi, conviendra-t-il, pour résoudre le conflit, de se référer à deux critères alternatifs :
      • Premier critère : la valeur des biens
        • En cas d’impossibilité de déterminer quel bien est l’accessoire de l’autre, il y a lieu de se référer à leur valeur
        • L’article 569 du Code civil prévoit que c’est celui qui possède la plus grande valeur qui doit être regardée comme la partie principale du tout.
        • La problématique est alors susceptible de se déporter sur l’estimation de la valeur des deux biens que l’on a unis.
        • À l’analyse, cette valeur devrait être appréciée au regard du prix de marché, suivant les techniques d’évaluation communément admises.
        • Si toutefois les valeurs des biens sont équivalentes, le texte invite à faire application d’un critère subsidiaire : le volume de la chose
      • Second critère : le volume des biens
        • L’article 569 du Code civil prévoit que, dans l’hypothèse, où les biens qui ont fait l’objet d’une adjonction possèdent des valeurs qui « sont à peu près égales», il convient de se référer à leur volume.
        • Aussi, est-ce le bien qui a le moins grand volume qui est présumé être l’accessoire de l’autre.
        • Si ce critère présente l’avantage de l’objectivité, sa justification interroge sur les intentions du législateur.
        • Pourquoi est-ce le bien de plus grande taille qui doit l’emporter sur l’autre, alors même qu’ils possèdent des valeurs équivalentes ?
        • Voilà une solution qui n’est pas frappée du sceau de « l’équité naturelle» pourtant mise en avant par l’article 565.

==> Mise en œuvre

  • Principe
    • L’article 566 in fine du Code civil dispose que « le tout appartient au maître de la chose qui forme la partie principale, à la charge de payer à l’autre la valeur, estimée à la date du paiement, de la chose qui a été unie. »
    • Ainsi, la solution retenue ici consiste à attribuer la propriété du nouveau bien créé par adjonction à un seul propriétaire, celui auquel appartient la partie principale du tout.
    • Alors qu’en droit romain le propriétaire de l’accessoire demeurait autorisé, en cas de séparation possible des deux biens, la propriété de son bien, les rédacteurs du Code civil l’ont interdit.
    • En contrepartie, le propriétaire lésé pourra tout au plus obtenir la valeur du bien accessoire et non le bien lui-même.
    • Cette solution n’est pas sans avoir été dénoncée par la doctrine et notamment Demolombe qui a pu écrire que « enfin, mon diamant, mon cadre, ils sont toujours là ! Je les vois, je les montre ! Et puisque d’une part, c’est sans mon consentement qu’ils ont été unis à un autre meuble ; puisque, d’autre part, ils peuvent en être séparés, on ne voit pas pourquoi je serais privé ainsi, malgré moi et par le fait d’un autre, de ma propriété sur un objet auquel je puis tenir par des motifs particuliers, indépendamment de sa valeur intrinsèque»
    • Le législateur a sans doute préféré sacrifier l’intérêt individuel du propriétaire du bien accessoire à la faveur de la logique économique qui commande une préservation de la valeur du bien nouvellement créé.
  • Exception
    • L’article 568 du Code civil prévoit que « néanmoins, quand la chose unie est beaucoup plus précieuse que la chose principale, et quand elle a été employée à l’insu du propriétaire, celui-ci peut demander que la chose unie soit séparée pour lui être rendue, même quand il pourrait en résulter quelque dégradation de la chose à laquelle elle a été jointe.»
    • Ainsi, cette disposition pose une exception au principe d’attribution de la propriété du bien créé au propriétaire du bien principal.
    • Lorsque, en effet, d’une part, le bien accessoire est plus précieux que le bien principal et, d’autre part, lorsque l’adjonction des deux biens est intervenue à l’insu du propriétaire lésé, le texte lui confère le droit de solliciter la restitution de son bien, ce quand bien même la séparation des deux biens aurait pour conséquence de les endommager.

L’accession mobilière: régime juridique

L’accession par incorporation correspond à l’hypothèse où le propriétaire d’une chose acquiert la propriété de tout ce qui s’unit et s’incorpore à cette chose.

Les biens n’ont pas une conformation définitive. Ils sont susceptibles de se transformer notamment par l’adjonction à eux d’un autre bien. Dès lors que cette union se réalise, il y a lieu de considérer que l’un des deux biens a disparu par incorporation à l’autre bien.

Alors que l’occupation permet d’acquérir un bien qui n’a pas de propriétaire et que l’accession par production rend, en principe, propriétaire celui qui était propriétaire du bien source, l’accession par incorporation présente cette particularité d’opérer éventuellement un changement de propriétaire.

Cette forme accession est, en effet, susceptible de conduire à une acquisition dérivée, en ce sens que la chose incorporée peut avoir appartenu à un premier propriétaire qui est alors privé de son droit par le jeu l’incorporation. Le bien incorporé avant un propriétaire et il l’a perdu sous l’effet matériel de l’incorporation.

Les règles qui régissent l’accession par incorporation sont régies aux articles 551 et suivants du Code civil. À l’examen, ces règles diffèrent selon que l’incorporation intéresse des meubles ou des immeubles, d’où la nécessité de les envisager séparément.

Nous nous focaliserons ici sur l’accession mobilière.

==> Domaine

L’accession mobilière est de loin la forme d’accession la plus rare, dans la mesure où elle ne pourra jouer que dans les hypothèses où, d’une part, la règle « en fait de meuble possession vaut titre » ne pourra pas s’appliquer et, d’autre part, lorsqu’aucune convention n’aura été conclu entre les biens qui ont vocation à s’unir.

  • En fait de meuble possession vaut titre
    • Lorsque, cette règle énoncée à l’article 2276 du Code civil s’applique, elle fait échec à toute action en revendication des biens meubles objets de l’incorporation.
    • En effet, elle fait produire à la possession un effet acquisitif immédiat, de sorte que celui qui a uni la chose d’autrui à la sienne devient, de plein droit, le propriétaire de l’ensemble.
    • Le mécanisme de l’accession s’en trouve dès lors, pour ainsi dire, court-circuité, sinon neutralisé.
    • Encore faut-il néanmoins que l’effet acquisitif de la possession puisse opérer, ce qui suppose, d’une part, qu’elle soit caractérisée dans tous ses éléments constitutifs et, d’autre part, que le possesseur soit de mauvaise foi.
    • À défaut, l’acquisition du bien se fera selon les règles de l’accession
  • La conclusion d’une convention
    • Lorsqu’un contrat est conclu entre les propriétaires des deux choses qui ont vocation à s’unir, l’acquisition du bien qui résulte de cette union s’opère sous l’effet, non pas de l’accession, mais des obligations stipulées par les parties.
    • En effet, l’attribution de la propriété de ce bien nouveau est déterminée par la convention qui tiendra lieu de loi aux contractants.
    • À cet égard, ces derniers sont libres de déroger aux règles de l’accession, lesquelles ne sont que supplétives.
    • À ce titre, elles n’ont vocation à s’appliquer qu’aux situations qui ne sont réglées par aucune convention.
    • Or, en pratique, l’union de deux biens s’inscrira, le plus souvent, dans le cadre de l’exécution d’un contrat

À l’examen, l’accession mobilière ne jouera que dans des hypothèses résiduelles d’incorporation qui ne sont pas réglées par une convention, ni n’entrent en concours avec l’effet acquisitif attaché à la possession.

C’est seulement dans cet espace, qui n’est pas que théorique, mais qui demeure restreint, que les règles énoncées aux articles 565 et suivants du Code civil ont vocation à s’appliquer.

À cet égard, ces dispositions ne règlent que l’incorporation d’un meuble à un autre meuble. Lorsqu’un meuble est incorporé à un immeuble, ce sont les règles de l’accession immobilière qui ont vocation à s’appliquer.

Par ailleurs, l’article 565 du Code civil après avoir énoncé à son alinéa 1er que « le droit d’accession, quand il a pour objet deux choses mobilières appartenant à deux maîtres différents, est entièrement subordonné aux principes de l’équité naturelle » précise en son second alinéa que « les règles suivantes serviront d’exemple au juge pour se déterminer, dans les cas non prévus, suivant les circonstances particulières. »

Il ressort de cette disposition que le législateur autorise le juge à se déterminer en considération des « principes de l’équité naturelle » en dehors des cas d’accession mobilière non envisagés par les articles 567 à 577 du Code civil.

Si lors de l’entrée en vigueur du Code civil, ce renvoi aux « principes de l’équité naturelle » était sans application pratique dans la mesure où toutes les hypothèses d’incorporation de meuble à meuble étaient couvertes par les textes, il est désormais susceptible de présenter un intérêt lorsqu’il s’agit d’envisager une extension de l’accession mobilière aux choses incorporelles.

Il est, en effet, soutenu, par une partie de la doctrine que l’article 565, de par sa généralité, ne distinguerait pas selon que la chose objet de l’incorporation est corporelle ou incorporelle.

Aussi, les biens tels qu’une œuvre de l’esprit, une marque ou encore une créance seraient, selon certains auteurs, susceptibles d’être soumis aux techniques de l’accession mobilière.

En tout état de cause, l’accession opérera différemment selon les formes qu’elle revêtira, tout en étant soumise à un régime juridique commun.

I) Les formes d’accession mobilières

La loi en distingue trois formes d’accession mobilière :

  • L’adjonction
  • Le mélange
  • La spécification

A) L’adjonction

  1. Notion

L’adjonction correspond, selon l’article 566 du Code civil, à l’hypothèse où deux choses appartenant à différents maîtres ont été unies de manière à former un tout, mais restent néanmoins séparables, en sorte que l’une puisse subsister sans l’autre.

Un auteur précise que « le tout créé est davantage que la somme des différents éléments assemblés, car il tire avantage non seulement de chacune des deux substances ainsi unies, mais aussi de l’effet spécifique de la réunion »[1].

L’adjonction se produit lorsque, par exemple, un tableau est associé à un cadre, un téléphone mobile est protégé par un étui ou encore une épée est déposée dans son fourreau.

L’ensemble forme un tout qui, par l’effet d’une manœuvre qui ne risque pas d’endommager l’une des deux choses, demeure sécable.

2. Règles d’attribution de la propriété

La question qui se pose ici est de savoir à qui revient la propriété du tout ? Pour le déterminer il convient de se référer aux articles 566 à 569 du Code civil qui fixent le régime de l’adjonction.

==> Le principe de l’accessoire

L’article 566 in fine du Code civil dispose que « le tout appartient au maître de la chose qui forme la partie principale, à la charge de payer à l’autre la valeur, estimée à la date du paiement, de la chose qui a été unie. »

Ainsi, cette disposition s’en remet à la règle de l’accessoire pour déterminer à quel propriétaire des biens objets de l’adjonction revient la propriété du tout.

Pour mémoire, selon cette règle, l’accessoire suit le principal de sorte que c’est le propriétaire du bien constitue ce principal auquel est attribué la propriété de l’ensemble.

Si, a priori, la règle ainsi énoncée est simple, elle se complique lorsqu’il s’agit de déterminer quel bien doit être qualifié de principal et quel bien endosse le statut d’accessoire.

Lorsque l’adjonction consiste à unir un tableau à son cadre, l’exercice ne soulève pas de difficulté particulière.

Quid, en revanche, de l’hypothèse où il s’agit d’unir deux pierres précieuses entre elles ? Est-ce le propriétaire du diamant ou de l’émeraude ?

==> Règles de conflit

Par chance, le Code civil prévoit aux articles 567 et 569 des règles de résolution des conflits qui ont vocation à s’appliquer alternativement

  • Première règle de conflit
    • L’article 567 du Code civil dispose que dispose que « est réputée partie principale celle à laquelle l’autre n’a été unie que pour l’usage, l’ornement ou le complément de la première. »
    • Ainsi, le conflit de qualification entre les deux biens se règle en se référant au rapport d’affectation qui est susceptible d’exister entre eux.
    • C’est le bien qui est affecté au service de l’autre, soit pour l’usage, soit pour l’ornement qui est présumé constituer la partie principale du tout.
    • Il est néanmoins des cas où ce rapport d’affectation n’existe pas, à tout le moins il est difficile de déterminer quel bien est affecté au service de l’autre.
    • S’agissant d’un cadre et d’un tableau, la solution relève de l’évidence.
    • Tel n’est néanmoins pas le cas lorsque les choses que l’on a unies remplissent une fonction équivalente dans le bien nouveau créé.
    • Aussi, afin de résoudre le conflit de qualification y a-t-il lieu, dans cette hypothèse, de se tourner vers la seconde règle de conflit.
  • Seconde règle de conflit
    • L’article 569 du Code civil dispose que « si de deux choses unies pour former un seul tout, l’une ne peut point être regardée comme l’accessoire de l’autre, celle-là est réputée principale qui est la plus considérable en valeur, ou en volume, si les valeurs sont à peu près égales. »
    • Cette disposition permet ainsi de déterminer quel bien peut être qualifié de partie principale du tout lorsque les deux choses que l’on a unies peuvent toutes deux être regardées comme l’accessoire de l’autre.
    • Cette hypothèse se rencontrera lorsque la fonction remplie par chacune d’elle dans le nouveau bien créé est équivalente.
    • Aussi, conviendra-t-il, pour résoudre le conflit, de se référer à deux critères alternatifs :
      • Premier critère : la valeur des biens
        • En cas d’impossibilité de déterminer quel bien est l’accessoire de l’autre, il y a lieu de se référer à leur valeur
        • L’article 569 du Code civil prévoit que c’est celui qui possède la plus grande valeur qui doit être regardée comme la partie principale du tout.
        • La problématique est alors susceptible de se déporter sur l’estimation de la valeur des deux biens que l’on a unis.
        • À l’analyse, cette valeur devrait être appréciée au regard du prix de marché, suivant les techniques d’évaluation communément admises.
        • Si toutefois les valeurs des biens sont équivalentes, le texte invite à faire application d’un critère subsidiaire : le volume de la chose
      • Second critère : le volume des biens
        • L’article 569 du Code civil prévoit que, dans l’hypothèse, où les biens qui ont fait l’objet d’une adjonction possèdent des valeurs qui « sont à peu près égales», il convient de se référer à leur volume.
        • Aussi, est-ce le bien qui a le moins grand volume qui est présumé être l’accessoire de l’autre.
        • Si ce critère présente l’avantage de l’objectivité, sa justification interroge sur les intentions du législateur.
        • Pourquoi est-ce le bien de plus grande taille qui doit l’emporter sur l’autre, alors même qu’ils possèdent des valeurs équivalentes ?
        • Voilà une solution qui n’est pas frappée du sceau de « l’équité naturelle» pourtant mise en avant par l’article 565.

==> Mise en œuvre

  • Principe
    • L’article 566 in fine du Code civil dispose que « le tout appartient au maître de la chose qui forme la partie principale, à la charge de payer à l’autre la valeur, estimée à la date du paiement, de la chose qui a été unie. »
    • Ainsi, la solution retenue ici consiste à attribuer la propriété du nouveau bien créé par adjonction à un seul propriétaire, celui auquel appartient la partie principale du tout.
    • Alors qu’en droit romain le propriétaire de l’accessoire demeurait autorisé, en cas de séparation possible des deux biens, la propriété de son bien, les rédacteurs du Code civil l’ont interdit.
    • En contrepartie, le propriétaire lésé pourra tout au plus obtenir la valeur du bien accessoire et non le bien lui-même.
    • Cette solution n’est pas sans avoir été dénoncée par la doctrine et notamment Demolombe qui a pu écrire que « enfin, mon diamant, mon cadre, ils sont toujours là ! Je les vois, je les montre ! Et puisque d’une part, c’est sans mon consentement qu’ils ont été unis à un autre meuble ; puisque, d’autre part, ils peuvent en être séparés, on ne voit pas pourquoi je serais privé ainsi, malgré moi et par le fait d’un autre, de ma propriété sur un objet auquel je puis tenir par des motifs particuliers, indépendamment de sa valeur intrinsèque»
    • Le législateur a sans doute préféré sacrifier l’intérêt individuel du propriétaire du bien accessoire à la faveur de la logique économique qui commande une préservation de la valeur du bien nouvellement créé.
  • Exception
    • L’article 568 du Code civil prévoit que « néanmoins, quand la chose unie est beaucoup plus précieuse que la chose principale, et quand elle a été employée à l’insu du propriétaire, celui-ci peut demander que la chose unie soit séparée pour lui être rendue, même quand il pourrait en résulter quelque dégradation de la chose à laquelle elle a été jointe.»
    • Ainsi, cette disposition pose une exception au principe d’attribution de la propriété du bien créé au propriétaire du bien principal.
    • Lorsque, en effet, d’une part, le bien accessoire est plus précieux que le bien principal et, d’autre part, lorsque l’adjonction des deux biens est intervenue à l’insu du propriétaire lésé, le texte lui confère le droit de solliciter la restitution de son bien, ce quand bien même la séparation des deux biens aurait pour conséquence de les endommager.

B) La spécification

  1. Notion

La spécification correspond à l’hypothèse de la création d’une chose nouvelle par le travail d’une personne qui a œuvré à partir d’un bien meuble initial qui ne lui appartenait pas.

Pour illustrer cette forme de spécification Demolombe prend l’exemple de l’orfèvre qui, à partir de l’or qu’on lui donne en fait un flambeau. Il y a encore spécification lorsque, à partir d’une pièce de bois, le menuisier en fait une table ou lorsqu’à partir d’un bloc de marbre, le statuaire en fait un apollon.

À la différence de l’adjonction ou du mélange, il ne s’agit pas ici d’unir plusieurs biens qui appartiendraient à des propriétaires différents, mais d’en créer un nouveau à partir d’un bien initial par le travail d’une personne qui n’en est pas le propriétaire.

Aussi, le conflit qui est susceptible de naître de cette situation oppose non pas deux propriétaires qui se disputeraient la propriété du bien formé à partir des choses qu’ils auraient apportées, mais un propriétaire, celui du bien qui a été transformé, et la personne (ouvrier, artisan etc) qui a fourni sa force de travail pour transformer le bien.

Pour résoudre ce conflit, le Code civil a prescrit des règles qui envisagent le cas de la spécification.

Ces règles n’auront toutefois vocation à s’appliquer qu’en dehors de toute relation contractuelle.

Lorsque, en effet, le bien a été créé dans le cadre de l’exécution d’un contrat de travail par exemple, c’est ce contrat qui réglera la question de l’attribution de la propriété. Les règles de l’accession seront automatiquement écartées.

2. Règles d’attribution de la propriété

La question qui se pose ici est de savoir à qui revient la propriété du bien transformé ? Doit-elle revenir à celui qui a fourni la matière ou à celui qui a fourni sa force de travail ?

Le régime de l’accession par spécification est fixé aux articles 570 et 572 du Code civil. Il ressort de la combinaison de ces dispositions qu’il y a lieu de distinguer deux situations :

  • Le travailleur qui a transformé le bien n’a fourni que sa seule force de travail
  • Le travailleur qui a transformé le bien a fourni sa force de travail et de la matière

a) Le travailleur qui a transformé le bien n’a fourni que sa seule force de travail

==> Principe

L’article 570 du Code civil prévoit que « si un artisan ou une personne quelconque a employé une matière qui ne lui appartenait pas à former une chose d’une nouvelle espèce, soit que la matière puisse ou non reprendre sa première forme, celui qui en était le propriétaire a le droit de réclamer la chose qui en a été formée en remboursant le prix de la main-d’œuvre estimée à la date du remboursement. »

Il ressort de cette disposition que c’est au propriétaire de la matière que revient la propriété du bien nouvellement créé à partir de cette dernière.

En contrepartie de cette attribution du bien, il devra indemniser celui qui a fourni son industrie. La raison en est que nul ne peut s’enrichir aux dépens d’autrui, raison pour laquelle il y a lieu de « rembourser le prix de la main-d’œuvre ».

Reste que les rédacteurs du Code civil ont entendu faire prévaloir la matière sur l’industrie. À cet égard, il est indifférent que la chose transformée puisse faire l’objet d’une remise en état sans que cela ne génère des inconvénients.

==> Exception

L’article 571 du Code civil dispose que si « la main-d’œuvre était tellement importante qu’elle surpassât de beaucoup la valeur de la matière employée, l’industrie serait alors réputée la partie principale, et l’ouvrier aurait le droit de retenir la chose travaillée, en remboursant au propriétaire le prix de la matière, estimée à la date du remboursement. »

Ainsi, la propriété du bien transformé peut revenir à celui qui a fourni son industrie à la condition que celle-ci surpasse « de beaucoup » la valeur de la matière employée.

Le texte fait ici application de la règle de l’accessoire en réputant la main œuvre comme la partie principale du bien nouveau lorsque sa création procède moins de la fourniture de la matière que de la fourniture de l’industrie ; encore qu’il est ici exigé l’existence d’une différence importante quant à la part contributive de chaque prestation.

Autrement dit, pour que le travailleur conserve la propriété du bien créé, il est nécessaire que le travail qui a été fourni pour la transformation de la matière soit sans commune mesure avec la valeur de cette dernière.

L’appréciation du rapport main-d’œuvre / valeur de la matière relève du pouvoir d’appréciation du juge du fond qui devront donc déterminer si l’industrie fournir par le travail est tellement importante qu’elle surpasse « de beaucoup » la valeur de la matière employée.

En tout état de cause, lorsque la propriété du bien nouvellement créé revient au travailleur, il lui appartiendra de rembourser au propriétaire le prix de la matière, estimée à la date du remboursement.

Afin de déterminer le prix, il y aura lieu de se référer à celui pratiqué sur le marché au jour du remboursement.

b) Le travailleur qui a transformé le bien a fourni sa force de travail et de la matière

==> Principe

L’article 572 du Code civil prévoit que « lorsqu’une personne a employé en partie la matière qui lui appartenait et en partie celle qui ne lui appartenait pas à former une chose d’une espèce nouvelle, sans que ni l’une ni l’autre des deux matières soit entièrement détruite, mais de manière qu’elles ne puissent pas se séparer sans inconvénient, la chose est commune aux deux propriétaires, en raison, quant à l’un, de la matière qui lui appartenait, quant à l’autre, en raison à la fois et de la matière qui lui appartenait et du prix de sa main-d’œuvre. Le prix de la main-d’œuvre est estimé à la date de la licitation prévue à l’article 575 ».

Ainsi, cette disposition envisage l’hypothèse où le travailleur n’a pas seulement fourni sa force de travail pour la création du bien, il a également apporté de la matière dont il était propriétaire.

La règle posée par l’article 572 instaure une indivision sur le bien nouvellement créé entre le travailleur et le propriétaire qui a apporté une partie de la matière qui a été employée.

La quote-part qui revient à chacun est proportionnelle à la valeur de ce qui a été fourni :

  • Pour le propriétaire, elle correspondra à la valeur de la matière apportée
  • Pour le spécificateur, elle correspondra au prix de sa main-d’œuvre, augmentée du prix de la matière fourni

Toutefois, parce que nul ne peut être maintenu en division, il pourra toujours être fait application de l’article 575 du Code civil qui autorise un partage du bien indivis en valeur par voie de licitation.

Par ailleurs, le principe énoncé par l’article 572 n’a vocation à s’appliquer qu’autant que la situation ne relève pas des autres cas de spécification envisagés aux articles 570 et 571 du Code civil. Lorsque tel sera le cas, il conviendra de combiner ces dispositions.

==> Variantes

Pour Demolombe, afin de déterminer la solution applicable en cas de spécification d’un bien, il y a lieu, en application de 572 du Code civil combiné avec les articles 570 et 571 de distinguer trois hypothèses :

  • Première hypothèse
    • Il s’agit de l’hypothèse où :
      • D’une part, le travailleur a fourni son industrie et une partie de la matière employée pour la création du bien
      • D’autre part, la main-d’œuvre fournie surpasse de beaucoup la valeur de la matière apportée par le travailleur
    • Dans cette situation, il existe un conflit entre l’article 571 qui attribue la propriété du bien au seul travailleur et l’article 572 qui crée une indivision entre ce dernier et le propriétaire
    • À l’examen, les auteurs s’accordent à considérer qu’il y a lieu d’appliquer ici l’article 571 du Code civil.
    • Lorsque, en effet, la main-d’œuvre fournie surpasse de beaucoup la valeur de la matière employée, rien ne justifie que l’on instaure une indivision sur le bien créé parce que le spécificateur a apporté de la matière.
    • Non seulement le travail qu’il a fourni est sans commune mesure avec la valeur de la matière qui a servi à créer le bien, mais encore il en a apporté une partie.
    • Aussi, est-il logique que l’on écarte la règle de l’indivision à la faveur d’une attribution exclusive du bien.
  • Deuxième hypothèse
    • Il s’agit de l’hypothèse où :
      • D’une part, le travailleur a fourni son industrie et une partie de la matière employée pour la création du bien
      • D’autre part, la valeur de la matière fournie par autrui est, en raison de sa qualité ou de sa quantité, de beaucoup supérieur tout à la fois à la matière employée par le spécificateur et à sa main-d’œuvre
    • Dans cette situation, la doctrine suggère de raisonner à partir de la règle énoncée à l’article 574 du Code civil.
    • Cette disposition prévoit « si la matière appartenant à l’un des propriétaires était de beaucoup supérieure à l’autre par la quantité et le prix, en ce cas le propriétaire de la matière supérieure en valeur pourrait réclamer la chose provenue du mélange en remboursant à l’autre la valeur de sa matière, estimée à la date du remboursement. »
    • Appliquée à la spécification, cela signifie que la propriété du bien nouvellement créé doit être attribuée au propriétaire de la matière qui, parce qu’elle est « de beaucoup supérieur», à l’industrie et à la matière qu’il a fournies, peut être regardée comme la chose principale.
    • Or l’accessoire suit toujours (presque) le principal, raison pour laquelle, il n’y a pas lieu, dans cette situation, d’appliquer l’article 572 du Code civil et donc de créer une indivision.
  • Troisième hypothèse
    • Il s’agit de l’hypothèse où la valeur de la matière fournie par autrui est regardée comme équivalente à la valeur de l’industrie fournie par le spécificateur et celle de la matière qu’il a également apportée.
    • Dans cette situation, l’article 572 du Code civil invite à distinguer deux hypothèses :
      • Une séparation des éléments apportés ne peut être effectuée sans inconvénient
        • Dans cette hypothèse, c’est la règle énoncée à l’article 572 du Code civil qui a vocation à s’appliquer
        • Aussi, la propriété du bien nouvellement créé est attribuée en indivision au spécificateur et au propriétaire qui a apporté une partie de la matière qui a été employée
      • Une séparation des éléments apportés peut être effectuée sans inconvénient
        • Dans cette hypothèse, il y a lieu d’écarter l’article 572 dont l’application est subordonnée à l’impossibilité de séparer les éléments respectivement apportés par le spécificateur et par autrui
        • Dès lors afin de déterminer à qui revient la propriété du bien nouvellement créé, il pourrait être raisonné par analogie avec la règle énoncée à l’article 573 du Code civil.
        • Cette disposition prévoit que lorsque des matières appartenant à différents propriétaires ont été mélangées et que ce mélange est intervenu à l’insu de l’un des propriétaires, celui-ci peut solliciter :
          • Soit un partage en nature de la chose nouvellement créée
          • Soit un partage en valeur de la chose issue du mélange
        • Lorsque, toutefois, il n’est pas démontré que ce mélange est intervenu à l’insu d’un propriétaire, seul un partage en valeur pourra être demandé, ce, en application de l’article 575 du Code civil.

C) Le mélange

  1. Notion

Le mélange correspond à l’hypothèse où la chose formée procède d’une association de plusieurs matières appartenant à différents propriétaires, mais dont aucune ne peut être regardée comme la matière principale et dont la séparation, une fois combinées, s’avère difficile, sinon impossible.

Pour illustrer cette forme d’accession, Demolombe a écrit que le « blé qui m’appartenait, a été, sans mon consentement, confondu avec le blé de Paul, soit fortuitement, soit par le fait de Paul lui-même ou d’un tiers, ou bien c’est mon vin qui a été mêlé avec son vin ; Ou encore, un lingot, qui était à moi, a été fondu avec le lingot qui appartenait à Paul ».

Le mélange intéresse ainsi tout particulièrement les choses fongibles, soit celles qui ne possèdent pas d’individualité propre, car sont de même espèce et qualité. Une fois confondues, leur séparation n’est pas sans soulever d’inconvénients qui peuvent s’avérer insurmontables.

C’est la raison pour laquelle le Code civil prescrit des règles qui visent à déterminer à quel propriétaire il convient d’attribuer le bien qui résulte des différentes matières mélangées.

2. Règles d’attribution de la propriété

Le régime de l’accession par mélange est fixé aux articles 573 et 574 du Code civil. Il s’articule autour d’un principe qui est assorti d’une exception.

==> Principe

L’article 573 alinéa 1er du Code civil prévoit que « lorsqu’une chose a été formée par le mélange de plusieurs matières appartenant à différents propriétaires, mais dont aucune ne peut être regardée comme la matière principale, si les matières peuvent être séparées, celui à l’insu duquel les matières ont été mélangées peut en demander la division. »

Il ressort de cette disposition qu’il y a lieu de distinguer selon qu’il est ou non possible d’identifier parmi les matières qui ont été mélangées laquelle peut être regardée comme l’élément principal du bien nouvellement créé.

  • L’une des matières mélangées peut être regardée comme l’élément principal de la chose formée
    • Bien que l’article 573 ne le dise pas expressément, dans cette hypothèse, c’est au propriétaire de l’élément principal qui a concouru à la formation du bien nouvellement créée qui en acquiert, seul, la propriété à l’exclusion de tous les autres propriétaires.
    • Encore faudra-t-il être en mesure d’identifier l’élément principal de la chose formée.
    • Pour le déterminer, il conviendra de se reporter aux règles de conflit énoncées aux articles 567 et 569 du Code civil
    • Pour rappel :
      • La première règle de conflit, énoncée à l’article 567 prévoit que « est réputée partie principale celle à laquelle l’autre n’a été unie que pour l’usage, l’ornement ou le complément de la première. »
      • La seconde règle de conflit, qui a vocation à s’appliquer faute d’être en mesure de déterminer quel élément est affecté au service de l’autre, prévoit que « si de deux choses unies pour former un seul tout, l’une ne peut point être regardée comme l’accessoire de l’autre, celle-là est réputée principale qui est la plus considérable en valeur, ou en volume, si les valeurs sont à peu près égales. »
    • Une fois l’élément principal de la chose formée identifié, c’est donc à son propriétaire que la propriété du bien créé est attribuée
  • Aucune des matières mélangées ne peut être regardée comme l’élément principal de la chose formée
    • Dans cette hypothèse, l’article 573 du Code civil distingue deux situations
      • Première situation : les matières mélangées peuvent être séparées
        • Dans cette hypothèse, l’article 573, al. 1er prévoit que celui à l’insu duquel les matières ont été mélangées peut en demander la division.
        • Il ressort de cette règle qu’un propriétaire peut demander le partage en nature de la chose issu du mélange à la double condition :
          • D’une part, que le mélange soit intervenu à son insu, soit sans qu’il y ait consenti, ni même que l’opération ait été portée à sa connaissance
          • D’autre part, que le bien revendiqué soit séparable de la chose formée par le mélange, sans que cela occasionne des inconvénients pour les autres biens
        • Lorsque ces deux conditions – cumulatives – sont réunies, le propriétaire à l’insu duquel le mélange a été réalisé dispose alors d’une option.
        • Il peut, en effet, solliciter :
          • Soit un partage en nature de la chose nouvellement créée, en application de l’alinéa 1er de l’article 573 du Code civil
          • Soit un partage en valeur de la chose issue du mélange, en application de l’article 575 qui prévoit que lorsque la chose reste en commun entre les propriétaires des matières dont elle a été formée, elle doit être licitée au profit commun.
        • Cette option est envisagée à l’article 576 qui s’applique à toutes les formes d’accession mobilière et qui prévoit que « dans tous les cas où le propriétaire dont la matière a été employée, à son insu, à former une chose d’une autre espèce peut réclamer la propriété de cette chose, il a le choix de demander la restitution de sa matière en même nature, quantité, poids, mesure et bonté, ou sa valeur estimée à la date de la restitution. »
        • Reste que cette option n’existe, en matière d’accession par mélange, que dans l’hypothèse où les éléments du bien nouvellement créé peuvent être séparés sans inconvénient.
        • Dans le cas contraire, il y aura lieu de faire application du second alinéa de l’article 573 du Code civil.
      • Seconde situation : les matières ne peuvent plus être séparées sans inconvénient
        • Dans cette hypothèse, l’article 573, al. 2e prévoit que les propriétaires des différents biens qui ont été mélangées acquièrent en commun la propriété du bien nouvellement créé dans la proportion de la quantité, de la qualité et de la valeur des matières appartenant à chacun d’eux.
        • Ainsi, le texte instaure une indivision entre les propriétaires des différents biens qui ont concouru, par leur mélange, à la création du nouveau bien.
        • La mise en place de cette indivision interviendra lorsqu’il sera impossible de séparer, sans inconvénient, les matières qui ont été confondues.
        • Il ne faut pas, autrement dit, que l’opération de séparation soit de nature à occasionner un dommage à l’un des éléments qui compose le nouveau bien.
        • Il est en revanche indifférent que le mélange ait été réalisé à l’insu de l’un des propriétaires.
        • L’indivision a vocation à jouer dès lors que la séparation est impossible.
        • Il ne faudrait pas que celui à l’insu duquel le mélange a été effectué puisse exiger un partage en nature alors même que cette opération ne pourra pas se faire sans inconvénient, en particulier pour les autres biens.
        • Toutefois, parce que nul ne peut être maintenu en division, il pourra toujours être fait application de l’article 575 du Code civil qui autorise un partage en valeur par voie de licitation du bien indivis.

==> Exception

Répondant à la même logique que l’article 568 applicable à l’accession par adjonction, l’article 574 du Code civil prévoit que « si la matière appartenant à l’un des propriétaires était de beaucoup supérieure à l’autre par la quantité et le prix, en ce cas le propriétaire de la matière supérieure en valeur pourrait réclamer la chose provenue du mélange en remboursant à l’autre la valeur de sa matière, estimée à la date du remboursement. »

Par exception à la règle posée à l’article 573, le propriétaire de la matière « de beaucoup supérieure à l’autre par la quantité et le prix » est donc autorisé, en toute hypothèse, soit indépendamment de la règle de l’accessoire et du caractère ou non sécable du bien issu du mélange, à s’en réserver, pour lui seul, la propriété.

En contrepartie de cette réservation, il devra néanmoins rembourser aux autres propriétaires la valeur de leur matière, estimée à la date du remboursement.

Il n’est ainsi question ici, ni de partage en nature, ni de d’indivision, mais d’une attribution pleine et entière du bien nouvellement créée à un seul des propriétaires.

II) Le régime général de l’accession mobilière

Si l’accession mobilière peut emprunter plusieurs formes au nombre desquelles figurent, l’adjonction, la spécification et le mélange, elle demeure soumise à des règles communes qui s’appliquent en toute hypothèse.

  • L’accession opère de plein droit
    • Ainsi que l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 27 mars 2002, l’accession opère toujours « de plein droit» ( 3e civ. 27 mars 2002, n°00-18201).
    • Il en résulte qu’il n’est pas nécessaire pour que l’accession produise ses effets que le bénéficiaire accomplisse un acte de volonté ou une quelconque démarche.
    • Dès lors que les conditions de l’accession sont réunies, elle confère à ce dernier un droit de propriété sur le bien qui en est l’objet sans que cette opération ne s’apparente à un transfert de propriété.
    • L’accession est un mode d’acquisition originaire de la propriété, de sorte que le droit réel conféré à l’acquéreur est indépendant des droits dont le bien acquis a pu antérieurement faire l’objet.
    • Aussi, quand bien même, on s’apercevrait que le précédent propriétaire ne disposait d’aucun droit sur le bien, en raison par exemple de l’irrégularité de son titre, c’est sans incidence sur le droit dont est titulaire l’acquéreur à titre originaire.
  • L’accession a pour effet d’évincer celui dont l’apport est regardé comme accessoire
    • L’accession n’est autre que l’expression de la règle de l’accessoire.
    • Aussi, la particularité du « droit d’accession est qu’il lui confère à son titulaire un droit de propriété sur les accessoires de la chose.
    • Ces accessoires peuvent consister en des biens meubles (pour l’accession par adjonction et par mélange) ou en un apport en industrie (pour l’accession par spécification).
    • En principe donc, l’accessoire a vocation à suivre le principal, le propriétaire du bien accessoire ou le travailleur étant alors évincés de la propriété du bien nouvellement créé.
    • Cette éviction n’est pas systématique puisque, dans l’hypothèse où l’apport en nature ou en industrie surpasse de beaucoup ce qui devrait être regardé comme la partie principale, alors il y a une inversion du principe.
    • Toutefois, la logique demeure : c’est toujours ce qui représente la part contributive la plus importe qui emporte la propriété du bien créé, ce qui mécaniquement a pour effet d’évincer celui qui n’est pas désigné par la règle de conflit.
  • Celui qui a été évincé doit être indemnisé
    • C’est une constante en matière d’accession : celui qui a été évincé de la propriété du bien convoité doit être indemnisé (V. en ce sens 570, 571, et 574 C. civ.).
    • L’octroi d’une indemnité est justifié par la doctrine par l’application de la règle qui interdit l’enrichissement sans cause.
    • À l’examen, elle est plutôt fondée sur la revendication de la valeur de l’accessoire, raison pour laquelle le propriétaire du bien principal ne peut limiter l’indemnité à la plus-value dont il profite, qu’elle soit subrogée au bien accessoire et que la faute de l’appauvri n’y fasse pas obstacle.
    • Aussi, l’indemnisation correspondra à la valeur de son apport et sera estimée au jour du remboursement.
    • S’agissant de l’évaluation de la valeur bien apporté ou de la main-d’œuvre fournie, il y aura lieu de se référer au prix du marché.
  • L’accession peut parfois conduire à l’instauration d’une indivision
    • Il est des cas où il n’est pas possible de déterminer quel apport, en nature ou en industrie, peut être regardé comme le principal.
    • Tel est le cas lorsque les valeurs des biens apportés ou de l’industrie fournie sont équivalentes.
    • Aussi, la règle de l’accessoire est, en pareille hypothèse, inopérante et, par voie de conséquence, écartée.
    • Afin de sortir de l’impasse, le législateur a posé une règle que l’on retrouve dans toutes les formes d’accession mobilières qui vise à instaurer une indivision sur le bien nouvellement créée.
    • Toutefois, parce que nul ne peut demeurer en indivision, l’article 575 du Code civil, dont la portée est générale, prévoit que « lorsque la chose reste en commun entre les propriétaires des matières dont elle a été formée, elle doit être licitée au profit commun. »
    • Ainsi, chaque propriétaire du bien peut demander à sortir de l’indivision ; il recevra alors sa part en valeur.
    • La règle n’est ici pas d’ordre public, de sorte que rien n’interdit les indivisaires de s’entendre sur des modalités différentes de partage.
    • Par ailleurs, le texte suggère que bien indivis soit vendue par voie de licitation
    • Il ne faut néanmoins interpréter cette formule au sens large, en ce sens qu’il n’est nullement exigé que le bien soit vendu aux enchères : la vente amiable est admise.
  • Celui à l’insu duquel l’union des biens a été réalisée peut demander leur séparation
    • Lorsque l’opération d’union des biens a été réalisée à l’insu de l’un des propriétaires, celui-ci dispose de la faculté de solliciter la restitution de son bien.
    • L’article 576 du Code civil dispose en ce sens que « dans tous les cas où le propriétaire dont la matière a été employée, à son insu, à former une chose d’une autre espèce peut réclamer la propriété de cette chose, il a le choix de demander la restitution de sa matière en même nature, quantité, poids, mesure et bonté, ou sa valeur estimée à la date de la restitution. »
    • L’exercice de cette faculté est toutefois subordonné à la possibilité de séparer les éléments sans inconvénient
    • À défaut, seul un partage en valeur pourra être envisagé
  • L’octroi de dommages et intérêts au propriétaire lésé
    • L’article 577 du Code civil dispose que « ceux qui auront employé des matières appartenant à d’autres, et à leur insu, pourront aussi être condamnés à des dommages et intérêts, s’il y a lieu, sans préjudice des poursuites par voie extraordinaire, si le cas y échet.»
    • Ainsi, des dommages et intérêts peuvent être alloués au propriétaire qui a été lésé en cas d’emploi de son bien à son insu.
    • Le texte précise néanmoins que, pour être applicable, celui qui a employé la matière d’autrui à son insu doit être de mauvaise foi.
    • En effet, les dommages et intérêts dus visent à réparer le préjudice résultant du trouble causé à la propriété de la chose illégitimement utilisée.
    • Ainsi, l’auteur du dommage devra indemniser le propriétaire lésé, non seulement à concurrence de la valeur de son bien, mais encore à hauteur du préjudice subi.
    • L’octroi de dommages et intérêts ne fait pas obstacle à l’exercice d’une action pénale – sur le fondement du vol par exemple – ainsi que le suggère l’article 577 lorsqu’il précise « sans préjudice des poursuites par voie extraordinaire, si le cas y échet».

[1] S. Becquet, Le bien industriel, LDGJ 2005, Bibl. dr. privé, t. 448, n°54

L’accession par incorporation: vue générale

==> Notion

L’accession est envisagée à l’article 712 du Code civil comme un mode d’acquisition originaire de la propriété, tant mobilière, qu’immobilière.

Plus précisément elle est l’expression du principe aux termes duquel « l’accessoire suit le principal » (accessorium sequitur principale).

Les règles qui régissent l’accession visent, en effet, à étendre l’assiette du droit de propriété aux accessoires de la chose qui en est l’objet.

L’article 546 du Code civil dispose en ce sens « la propriété d’une chose soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement soit naturellement, soit artificiellement. »

La particularité du « droit d’accession » dont est investi le propriétaire est qu’il lui confère un droit de propriété sur les accessoires de la chose, sans qu’il lui soit besoin accomplir un acte de volonté ou une prise de possession du bien à l’instar de l’occupation.

Aussi, l’assiette de son droit de propriété a-t-elle vocation à s’étendre à tout ce que produit la chose, à tout ce qui s’unit à elle et à tout ce qui s’y incorpore.

Pour exemple, le propriétaire d’un fonds acquiert automatiquement la propriété de toutes les constructions élevées sur ce fonds, tout autant que lui reviennent les fruits produits par les arbres qui y sont plantés.

==> Formes

L’accession peut prendre deux formes différentes :

  • L’accession par production
    • Cette forme d’accession correspond à l’hypothèse où la propriété de la chose est étendue aux fruits qu’elle produit, en application de l’article 547 du Code civil.
    • L’acquisition de ces fruits est originaire puisqu’ils n’ont appartenu à personne avant leur création.
  • L’accession par union et incorporation
    • Cette forme d’accession correspond à l’hypothèse où le propriétaire acquiert la propriété de tout ce qui s’unit et s’incorpore à la chose.
    • À la différence de l’accession par production, cette accession est susceptible de conduire à une acquisition dérivée, en ce sens que la chose incorporée peut avoir appartenu à un premier propriétaire qui est alors privé de son droit par le jeu l’incorporation

Des auteurs n’hésitent pas à qualifier ces formes d’accession d’« aspects contraires d’un même phénomène »[1].

Au soutien de cette thèse, il est soutenu que tandis que l’accession par production procède d’un phénomène de séparation de l’accessoire du principal (le fruit tombe de l’arbre), l’accession par incorporation repose sur l’union de deux choses (l’ouvrage s’incorpore au fonds)

Aussi, pour la doctrine « la véritable accession » est celle que déclenche l’union de deux biens[2]. En effet, l’accession ne serait pas un mode d’acquisition de la propriété, mais plutôt l’exercice du droit de propriété, lequel confère au propriétaire toutes les utilités de la chose au nombre desquelles figurent notamment la perception des fruits et des produits.

Reste que le Code civil envisage l’accession selon les deux formes ci-dessus énoncées auxquelles il consacre deux chapitres distincts.

S’agissant de l’accession par incorporation, elle correspond à l’hypothèse où le propriétaire d’une chose acquiert la propriété de tout ce qui s’unit et s’incorpore à cette chose.

Les biens n’ont pas une conformation définitive. Ils sont susceptibles de se transformer notamment par l’adjonction à eux d’un autre bien. Dès lors que cette union se réalise, il y a lieu de considérer que l’un des deux biens a disparu par incorporation à l’autre bien.

Alors que l’occupation permet d’acquérir un bien qui n’a pas de propriétaire et que l’accession par production rend, en principe, propriétaire celui qui était propriétaire du bien source, l’accession par incorporation présente cette particularité d’opérer éventuellement un changement de propriétaire.

Cette forme accession est, en effet, susceptible de conduire à une acquisition dérivée, en ce sens que la chose incorporée peut avoir appartenu à un premier propriétaire qui est alors privé de son droit par le jeu l’incorporation. Le bien incorporé avant un propriétaire et il l’a perdu sous l’effet matériel de l’incorporation.

Les règles qui régissent l’accession par incorporation sont régies aux articles 551 et suivants du Code civil. À l’examen, ces règles diffèrent selon que l’incorporation intéresse des meubles ou des immeubles, d’où la nécessité de les envisager séparément.

[1] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les biens, éd. Dalloz, 2007, n°241, p. 207

[2]  Ph. Malaurie et L. Aynès, Les biens. La publicité foncière, Cujas, 4e  éd. 1998 par Ph. Théry n° 440.

L’accession par production ou le sort des fruits produits par la chose

==> Notion

L’accession est envisagée à l’article 712 du Code civil comme un mode d’acquisition originaire de la propriété, tant mobilière, qu’immobilière.

Plus précisément elle est l’expression du principe aux termes duquel « l’accessoire suit le principal » (accessorium sequitur principale).

Les règles qui régissent l’accession visent, en effet, à étendre l’assiette du droit de propriété aux accessoires de la chose qui en est l’objet.

L’article 546 du Code civil dispose en ce sens « la propriété d’une chose soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement soit naturellement, soit artificiellement. »

La particularité du « droit d’accession » dont est investi le propriétaire est qu’il lui confère un droit de propriété sur les accessoires de la chose, sans qu’il lui soit besoin accomplir un acte de volonté ou une prise de possession du bien à l’instar de l’occupation.

Aussi, l’assiette de son droit de propriété a-t-elle vocation à s’étendre à tout ce que produit la chose, à tout ce qui s’unit à elle et à tout ce qui s’y incorpore.

Pour exemple, le propriétaire d’un fonds acquiert automatiquement la propriété de toutes les constructions élevées sur ce fonds, tout autant que lui reviennent les fruits produits par les arbres qui y sont plantés.

==> Formes

L’accession peut prendre deux formes différentes :

  • L’accession par production
    • Cette forme d’accession correspond à l’hypothèse où la propriété de la chose est étendue aux fruits qu’elle produit, en application de l’article 547 du Code civil.
    • L’acquisition de ces fruits est originaire puisqu’ils n’ont appartenu à personne avant leur création.
  • L’accession par union et incorporation
    • Cette forme d’accession correspond à l’hypothèse où le propriétaire acquiert la propriété de tout ce qui s’unit et s’incorpore à la chose.
    • À la différence de l’accession par production, cette accession est susceptible de conduire à une acquisition dérivée, en ce sens que la chose incorporée peut avoir appartenu à un premier propriétaire qui est alors privé de son droit par le jeu l’incorporation

Des auteurs n’hésitent pas à qualifier ces formes d’accession d’« aspects contraires d’un même phénomène »[1].

Au soutien de cette thèse, il est soutenu que tandis que l’accession par production procède d’un phénomène de séparation de l’accessoire du principal (le fruit tombe de l’arbre), l’accession par incorporation repose sur l’union de deux choses (l’ouvrage s’incorpore au fonds)

Aussi, pour la doctrine « la véritable accession » est celle que déclenche l’union de deux biens[2]. En effet, l’accession ne serait pas un mode d’acquisition de la propriété, mais plutôt l’exercice du droit de propriété, lequel confère au propriétaire toutes les utilités de la chose au nombre desquelles figurent notamment la perception des fruits et des produits.

Reste que le Code civil envisage l’accession selon les deux formes ci-dessus énoncées auxquelles il consacre deux chapitres distincts.

Nous nous focaliserons ici sur l’accession par production.

==> Problématique

L’une des exploitations d’un bien peut consister à tirer profit de la création, à partir de celui-ci, d’un nouveau bien. Ainsi, un arbre procure-t-il des fruits, un immeuble donné à bail des loyers et une carrière des pierres.

La question qui a lors se pose est de savoir si tous ces nouveaux biens créés dont tire profit le propriétaire sont appréhendés par le droit de la même manière.

La réponse est non, en raison d’une différence physique qu’il y a lieu de relever entre les différents revenus qu’un bien est susceptible de procurer à son propriétaire.

En effet, il est des cas où la création de biens dérivés supposera de porter atteinte à la substance du bien originaire (extraction de pierre d’une carrière), tandis que dans d’autres cas la substance de ce bien ne sera nullement altérée par la production d’un nouveau bien.

Ce constat a conduit à distinguer les fruits que procure la chose au propriétaire des produits, l’intérêt de la distinction résidant dans le sort qui leur est réservé.

==> Exposé de la distinction entre les fruits et les produits

  • Les fruits
    • Les fruits correspondent à tout ce que la chose produit périodiquement sans altération de sa substance.
    • Tel est le cas des loyers produits par un immeuble loué, des fruits d’un arbre ou encore des bénéfices commerciaux tirés de l’exploitation d’une usine.
    • Classiquement, on distingue trois catégories de fruits :
      • Les fruits naturels
        • L’article 583, al. 1er du Code civil prévoit que « les fruits naturels sont ceux qui sont le produit spontané de la terre. Le produit et le croît des animaux sont aussi des fruits naturels. »
        • Il s’agit autrement dit des fruits produits par la chose spontanément sans le travail de l’homme
        • Exemple : les champignons des prés, les fruits des arbres sauvages
      • Les fruits industriels
        • L’article 583, al. 2e prévoit que « les fruits industriels d’un fonds sont ceux qu’on obtient par la culture. »
        • Il s’agit donc des fruits dont la production procède directement du travail de l’homme.
        • Exemple: les récoltes sur champs, les coupes de bois taillis, bénéfices réalisés par une entreprise
      • Les fruits civils
        • L’article 584 al. 1er prévoit que « les fruits civils sont les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles, les arrérages des rentes. »
        • L’alinéa 2 précise que « les prix des baux à ferme sont aussi rangés dans la classe des fruits civils. »
        • Il s’agit donc des revenus périodiques en argent dus par les tiers auxquels la jouissance de la chose a été concédée
        • Exemple: les loyers d’un immeuble donné à bail ou encore les intérêts d’une somme argent prêtée
      • Pour être un fruit, le bien créé à partir d’un bien originaire, il doit donc remplir deux critères :
        • La périodicité (plus ou moins régulière)
        • La conservation de la substance de la chose dont ils dérivent.
      • Ainsi que l’exprimait le Doyen Carbonnier, « c’est parce qu’il [le fruit] revient périodiquement et qu’il ne diminue pas la substance du capital que le fruit se distingue du produit».
  • Les produits
    • Les produits correspondent à tout ce qui provient de la chose sans périodicité, mais dont la création en altère la substance
    • Tel est le cas des pierres et du minerai que l’on extrait d’une carrière ou d’une mine
    • Ainsi que l’ont fait remarquer des auteurs « quand on perçoit des fruits, on perçoit seulement des revenus, tandis que quand on perçoit les produits d’une chose, on perçoit une fraction du capital, qui se trouve ainsi entamé»[3].
    • Lorsque la perception des revenus tirés de la chose ne procédera pas d’une altération de sa substance, il conviendra de déterminer si cette perception est périodique ou isolée.
    • Tandis que dans le premier, il s’agira de fruits, dans le second, on sera en présence de produits.
    • Ainsi, s’agissant d’une carrière exploitée sans discontinuité, les pierres extraites seront regardées comme des fruits et non comme des produits, la périodicité de la production couvrant l’altération de la substance.
    • Il en va de même pour une forêt qui aurait été aménagée en couples réglées : les arbres abattus quittent leur état de produits pour devenir des fruits.

==> Intérêt de la distinction entre les fruits et les produits

La distinction entre les fruits et les produits n’est pas sans intérêt sur le plan juridique. En effet, alors que les fruits reviennent à celui qui a la jouissance de la chose, soit l’usufruitier, les produits, en ce qu’ils sont une composante du capital, appartiennent au nu-propriétaire.

Quand bien même le propriétaire conserverait la jouissance de la chose, il est des cas où les fruits ne pas lui être réservés, alors que les produits lui reviennent toujours.

En effet, contrairement aux produits qui procèdent d’une altération de la chose, les fruits ont vocation, par nature, à s’en détacher sans en altérer la substance.

Aussi leur attribution peut, en certaines circonstances, s’avérer problématique :

  • Soit parce que leur production aura nécessité l’intervention de tiers qui auront loué leur industrie au propriétaire
  • Soit parce qu’ils auront été perçus par une personne qui se comportera comme leur véritable propriétaire

Il s’agit là, manifestement, de situations où le droit du propriétaire de la chose entre en concours avec les droits de tiers.

La résolution de ces conflits potentiels est envisagée aux articles 547 à 550 du Code civil qui règlent le sort de ce qui est produit par la chose.

Et s’il s’évince de ces dispositions que les fruits reviennent, en principe, au propriétaire de la chose, tel ne sera pas toujours le cas, la règle étant assortie d’un certain nombre d’exceptions.

I) Le principe d’attribution des fruits au propriétaire de la chose

L’accession par production est traitée par le chapitre 1er du titre II consacré au droit de propriété. L’article 547 du Code civil ouvre ce chapitre en prévoyant que « les fruits naturels ou industriels de la terre, les fruits civils, le croît des animaux, appartiennent au propriétaire par droit d’accession. »

Il ressort de cette disposition que les fruits produits par la chose reviennent au propriétaire, quelle que soit leur nature (fruits naturels, fruits industriels et fruits civils).

Ainsi que le défendent les auteurs cette perception des fruits procéderait, non pas du mécanisme de l’accession comme le suggère l’article 547, mais de l’exercice du droit de propriété dont l’un des attributs est le fructus soit le droit de percevoir les fruits de la chose.

La réservation des fruits de la chose par le propriétaire ne serait, autrement dit, qu’une conséquence de son droit de propriété.

Le véritable fondement de la règle serait donc l’article 544 du Code civil qui, pour mémoire, prévoit que « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »

C’est la raison pour laquelle le propriétaire est susceptible d’être privé de la perception des fruits produits par la chose lorsqu’il n’en a plus la jouissance consécutivement à un démembrement de son droit de propriété.

Là n’est pas la seule hypothèse où les fruits seront attribués à une personne autre que le propriétaire de la chose.

II) Les limites au principe d’attribution des fruits au propriétaire de la chose

Il est des cas où le propriétaire de la chose :

  • Soit devra verser une indemnité pour conserver les fruits
  • Soit sera privé purement et simplement privé de son droit de les percevoir

A) La conservation des fruits en contrepartie du versement d’une indemnité

==> Attribution des fruits au propriétaire

L’article 548 du Code civil prévoit que « les fruits produits par la chose n’appartiennent au propriétaire qu’à la charge de rembourser les frais des labours, travaux et semences faits par des tiers et dont la valeur est estimée à la date du remboursement. »

Il ressort de cette disposition que lorsque les fruits produits par la chose sont le résultat de l’industrie fournie par des tiers il leur est dû une indemnité qui vise à éviter que le propriétaire ne s’enrichisse aux dépens d’autrui.

L’idée qui préside à cette règle est que si le propriétaire avait conservé la maîtrise de son bien il aurait été contraint d’engager des frais pour percevoir les fruits produits par la chose.

Aussi, lui attribuer les fruits sans indemniser ceux qui, par leur travail, ont concouru à leur production reviendrait à admettre qu’il puisse s’enrichir sans cause, ce qui serait contraire à l’article 1303 du Code civil.

À l’examen, il existe une règle comparable en matière d’usufruit, l’article 608 du Code civil mettant à la charge de l’usufruitier les charges usufructuaires en contrepartie de la perception des fruits.

S’agissant du principe énoncé à l’article 548, se pose la question de l’évaluation de l’indemnité due par le propriétaire en contrepartie de la conservation des fruits.

==> Versement d’une indemnité

Si le débiteur de l’indemnité est toujours le propriétaire de la chose, le créancier est la personne qui, d’une part, a vocation à restituer les fruits perçus et qui, d’autre part, a exposé des frais ou a concouru, de quelque manière que ce soit, par son industrie notamment à leur production.

À cet égard, la jurisprudence que même le possesseur de mauvaise est autorisé à réclamer le paiement d’une indemnité en contrepartie de la restitution des fruits (V. en ce sens Cass. 3e civ., 5 juill. 1978, n° 77-11157).

S’agissant du montant de cette indemnité, elle comprend tout autant les frais exposés par le tiers pour que la chose produise les fruits, mais encore le prix du travail fourni.

L’évaluation du montant de l’indemnité relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond qui pourront octroyer au tiers une indemnité, tant pour la production de fruits naturels, comme le suggère l’article 548, que pour la production de fruits civils ou industriels, bien que ce texte soit silencieux sur ce point.

L’objectif visé ici est d’éviter que le propriétaire qui conserve le bénéfice des fruits produits par la chose, ne s’enrichisse pas sans contrepartie.

Dans un arrêt du 12 février 2003, la Cour de cassation a précisé que le tiers a droit au remboursement des frais qu’il a exposés pour parvenir à la perception des fruits peu importe que ces frais aient été exposés sans véritable nécessité (Cass. 3e civ., 12 févr. 2003, n° 01-15051).

Aussi, dès lors que les fruits sont restitués au propriétaire une indemnité est due au tiers qui a concouru à leur production.

S’agissant, enfin, de la date d’évaluation de l’indemnité, l’article 548 du Code civil précisé que sa « valeur est estimée à la date du remboursement. »

Ainsi, le juge est invité à se placer, non pas au jour où les frais ont été exposés, mais à la date de leur remboursement, de sorte que le montant de l’indemnité ne correspondra pas nécessairement au montant nominal des dépenses engagées.

B) La conservation des fruits per une personne autre que le propriétaire de la chose

Il est plusieurs situations où les fruits produits par la chose peuvent être conservés par une personne autre que le propriétaire de la chose.

==> Les fruits perçus par le possesseur de bonne foi

L’acquisition des fruits produits par le bien qui se trouve en possession dépend de sa bonne ou mauvaise foi :

  • Le possesseur est de bonne foi
    • L’article 549 du Code civil prévoit que « le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi. »
    • Le possesseur de bonne foi conserve ainsi le bénéfice des fruits du bien, quand bien même il serait tenu de le restituer au verus dominus
    • La bonne foi consiste en l’ignorance par le possesseur de la non-conformité de la situation de fait à la situation de droit.
    • L’article 550 du Code civil prévoit en ce sens que « le possesseur est de bonne foi quand il possède comme propriétaire, en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices»
    • La conséquence en est qu’il « cesse d’être de bonne foi du moment où ces vices lui sont connus».
    • Dans un arrêt du 15 juin 2005, la Cour de cassation a rappelé cette définition en jugeant que « la bonne foi, au regard de l’article 2265 du Code civil, consiste en la croyance de l’acquéreur, au moment de l’acquisition, de tenir la chose du véritable propriétaire».
    • Ainsi, le possesseur de bonne foi est celui qui croit – à tort – être le propriétaire de la chose, alors que le titre en vertu duquel il a acquis le bien est vicié.
    • Compte tenu de la nature psychologique de la bonne foi qui donc se laisse difficilement sonder, le législateur a posé à l’article 2274 du Code civil que « la bonne foi est toujours présumée, et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver.»
  • Le possesseur est de mauvaise foi
    • Dans cette hypothèse, l’article 549 du Code civil prévoit que le possesseur « est tenu de restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique»
    • Le texte précise que si les fruits ne se retrouvent pas en nature dans le patrimoine du possesseur de mauvaise foi, leur valeur est estimée à la date du remboursement.
    • Autrement dit, il appartient à ce dernier de restituer au verus dominus les fruits perçus par équivalent, soit en valeur.
    • Se posera également la question d’une restitution de la valeur de jouissance procurée par la possession de la chose (V. en ce sens Fiche consacrée à la restitution des fruits et de la valeur de jouissance procurés par la chose)

==> Les fruits produits par les plantations et constructions réalisées par un tiers

En principe, lorsque le détendeur régulier d’un fonds (locataire ou fermier) plante des arbres ou édifie des constructions sur ce fonds, en application de la règle de l’accession elles devraient revenir au propriétaire du sol, sauf à ce qu’il y ait renoncé expressément.

Dans un arrêt du 1er décembre 1964 la Cour de cassation a pourtant statué dans le sens contraire en jugeant que « si, en l’absence d’accord des parties, le sort des constructions élevées par le preneur est réglé à l’expiration du bail par l’article 555, alinéas 1 et 2 du code civil, le preneur reste propriétaire, pendant la durée de la location, des constructions qu’il a édifiées sur le terrain du bailleur » (Cass. 1ère civ. 1er déc. 1964).

Aussi, pour la première chambre civile, en cas de conclusion d’une convention aux termes de laquelle le propriétaire autorise son cocontractant à effectuer des constructions ou des plantations sur son fonds, son droit d’accession qui opère, en principe, progressivement à mesure de leur réalisation, sera différé.

Tant que la convention n’a pas expiré, le propriétaire des constructions et des plantations demeure donc, non pas le propriétaire du sol, mais bien le preneur.

La conséquence en est que les fruits générés par ces constructions ou plantations reviennent au seul détenteur du fonds. Tel sera notamment le cas des loyers perçus par le preneur qui aura régulièrement donné à bail les constructions qu’il a édifié sur le terrain qu’il occupe.

==> Les fruits naturels tombés sur le fonds voisin

L’article 673 du Code civil prévoit que « celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Les fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent ».

Ainsi le propriétaire du fonds sur lequel sont établies les plantations perd le droit sur les fruits produits dès lors qu’ils tombent dans le fonds voisin. Cette règle a, en somme, pour effet de neutraliser le jeu de l’accession.

Encore faut-il, néanmoins, que le détachement des fruits de l’arbre soit le résultat d’un phénomène naturel.

Si le détachement des fruits procède d’une cueillette ou d’une action accomplie par le propriétaire du fonds voisin sur la branche de l’arbre, la règle énoncée à l’article 673 n’opère plus.

La raison en est que le propriétaire du fonds voisin est seulement autorisé à couper les racines des plantations qui empiètent sur son terrain. S’agissant, en revanche, des branches qui débordent de la ligne séparative, elles ne peuvent être coupées que par le propriétaire de l’arbre qui, tout au plus, peut y être contraint par le propriétaire du fonds voisin.

En aucun cas ce dernier ne peut toutefois les couper lui-même de sa propre initiative, ce qui l’obligera, en cas de résistance du propriétaire de l’arbre à saisir le juge.

[1] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les biens, éd. Dalloz, 2007, n°241, p. 207

[2]  Ph. Malaurie et L. Aynès, Les biens. La publicité foncière, Cujas, 4e  éd. 1998 par Ph. Théry n° 440.

[3] H., L. et J. Mazeaud, Leçons de droit civil, Paris 1955, t.1, p. 253, n°228.

L’acquisition de la propriété par accession: vue générale

==> Notion

L’accession est envisagée à l’article 712 du Code civil comme un mode d’acquisition originaire de la propriété, tant mobilière, qu’immobilière.

Plus précisément elle est l’expression du principe aux termes duquel « l’accessoire suit le principal » (accessorium sequitur principale).

Les règles qui régissent l’accession visent, en effet, à étendre l’assiette du droit de propriété aux accessoires de la chose qui en est l’objet.

L’article 546 du Code civil dispose en ce sens « la propriété d’une chose soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement soit naturellement, soit artificiellement. »

La particularité du « droit d’accession » dont est investi le propriétaire est qu’il lui confère un droit de propriété sur les accessoires de la chose, sans qu’il lui soit besoin accomplir un acte de volonté ou une prise de possession du bien à l’instar de l’occupation.

Aussi, l’assiette de son droit de propriété a-t-elle vocation à s’étendre à tout ce que produit la chose, à tout ce qui s’unit à elle et à tout ce qui s’y incorpore.

Pour exemple, le propriétaire d’un fonds acquiert automatiquement la propriété de toutes les constructions élevées sur ce fonds, tout autant que lui reviennent les fruits produits par les arbres qui y sont plantés.

==> Formes

L’accession peut prendre deux formes différentes :

  • L’accession par production
    • Cette forme d’accession correspond à l’hypothèse où la propriété de la chose est étendue aux fruits qu’elle produit, en application de l’article 547 du Code civil.
    • L’acquisition de ces fruits est originaire puisqu’ils n’ont appartenu à personne avant leur création.
  • L’accession par union et incorporation
    • Cette forme d’accession correspond à l’hypothèse où le propriétaire acquiert la propriété de tout ce qui s’unit et s’incorpore à la chose.
    • À la différence de l’accession par production, cette accession est susceptible de conduire à une acquisition dérivée, en ce sens que la chose incorporée peut avoir appartenu à un premier propriétaire qui est alors privé de son droit par le jeu l’incorporation

Des auteurs n’hésitent pas à qualifier ces formes d’accession d’« aspects contraires d’un même phénomène »[1].

Au soutien de cette thèse, il est soutenu que tandis que l’accession par production procède d’un phénomène de séparation de l’accessoire du principal (le fruit tombe de l’arbre), l’accession par incorporation repose sur l’union de deux choses (l’ouvrage s’incorpore au fonds)

Aussi, pour la doctrine « la véritable accession » est celle que déclenche l’union de deux biens[2]. En effet, l’accession ne serait pas un mode d’acquisition de la propriété, mais plutôt l’exercice du droit de propriété, lequel confère au propriétaire toutes les utilités de la chose au nombre desquelles figurent notamment la perception des fruits et des produits.

Reste que le Code civil envisage l’accession selon les deux formes ci-dessus énoncées auxquelles il consacre deux chapitres distincts.

[1] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les biens, éd. Dalloz, 2007, n°241, p. 207

[2]  Ph. Malaurie et L. Aynès, Les biens. La publicité foncière, Cujas, 4e  éd. 1998 par Ph. Théry n° 440.

L’occupation des trésors et des épaves

==>Notion

Alors qu’elle n’est pas envisagée par l’article 712 du Code civil, l’occupation est selon des auteurs « le prototype de l’acquisition originaire »[1].

Elle consiste pour une personne à appréhender une chose sans maître, abandonnée ou perdue avec la volonté d’en devenir propriétaire.

De toute évidence, l’occupation se rapproche étroitement du mécanisme de la possession à laquelle la loi attache un effet acquisitif, tantôt immédiat, tantôt différé dans le temps.

En effet, l’occupation comporte deux éléments :

  • Un élément matériel: l’appréhension matérielle de la chose, sa maîtrise physique, qui correspond au corpus
  • Un élément psychologique: la volonté de se comporter comme le propriétaire de la chose qui correspond à l’animus

==> Occupation et possession

Si, en un sens, l’occupation est une forme de possession de la chose, elle s’en distingue en ce qu’elle s’exerce sur une chose non appropriée, alors que la possession porte sur une chose qui fait d’ores et déjà l’objet d’une appropriation.

L’occupant, par l’effet de l’occupation, premier propriétaire si la chose n’a jamais été appropriée, nouveau propriétaire si la chose a été abandonnée ou perdue, ne tient son droit de personne : il n’a donc pas à souffrir des limites du droit de son prédécesseur.

Pour que l’occupation puisse opérer, encore faut-il donc qu’elle porte sur :

  • Soit sur une chose sans maître
  • Soit sur une épave ou un trésor

Nous nous focaliserons ici sur l’occupation des trésors et des épaves.

Il est des choses pour lesquelles existe une incertitude quant à leur appropriation, en ce sens qu’il est difficile de déterminé si elles ont été abandonnées ou si leur propriétaire n’a jamais renoncé à en conserver la propriété : ce sont les trésors et les épaves.

I) Les trésors

Bien qu’ils présentent l’apparence de choses sans maîtres, les trésors s’en distinguent en ce qu’ils sont réputés être appropriés, mais par une personne dont on ignore l’identité.

  1. Éléments constitutifs

L’article 716 du Code civil définit les trésors comme « toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété, et qui est découverte par le pur effet du hasard ».

Il ressort de cette disposition que la notion de trésor comporte plusieurs éléments constitutifs :

  • Un bien meuble
    • Parce que l’article 716 du Code civil vise les choses, le trésor ne peut consister qu’un en bien meuble, ce qui donc exclut de cette catégorie les immeubles.
    • Peu importe qu’il s’agisse d’un immeuble par nature ou par destination, la jurisprudence leur a toujours refusé la qualification de trésor (V. en ce sens req. 13 août 1881)
  • Une chose cachée ou enfouie
    • Le trésor se caractérise également par son enfouissement ou sa dissimulation en un lieu ou dans un objet.
    • Ce qui importe, c’est qu’il ne soit pas déposé sur le sol ou qu’il soit entreposé à la vue de tous.
    • Le trésor doit être dissimulé de telle sorte qu’il se rend difficilement trouvable.
    • Il est indifférent qu’il soit enfermé dans un meuble, tels une boîte, une armoire ou encore un coffre, voire même égaré dans la cavité d’un immeuble.
  • Une chose dissociable du fonds dans lequel elle a été trouvée
    • Dans un arrêt du 5 juillet 2017, la Cour de cassation a précisé que « seules peuvent recevoir cette qualification les choses corporelles matériellement dissociables du fonds dans lequel elles ont été trouvées et, comme telles, susceptibles d’appropriation» ( 1ère civ. 5 juill. 2017, n°16-19340).
    • Ainsi, le trésor ne se conçoit qu’à la condition qu’il se distingue du fonds dans lequel il est enfoui.
    • Exemple: un minerai incorporé dans le sol n’est pas un trésor, dans la mesure où il est indissociable du terrain. À l’inverse, un coffre enterré dans un jardin se distingue du terrain où il est enterré.
  • Une chose découverte fortuitement
    • Pour endosser la qualification de trésor la chose doit avoir été découverte fortuitement soit, selon l’article 716, « par le pur effet du hasard».
    • Tel ne sera pas le cas lorsque la chose aura été trouvée après que le propriétaire d’un terrain a chargé une personne de diligenter des fouilles.
    • Dans un arrêt du 20 novembre 1990, la Cour de cassation a néanmoins précisé que « l’inventeur d’un trésor s’entend de celui qui, par le seul effet du hasard, met le trésor à découvert, serait-il au service d’une entreprise, dès lors que les travaux ayant conduit à la découverte n’ont pas été effectués à cette fin» ( crim. 20 nov. 1990, n°89-80529).
  • L’impossibilité de justifier la propriété de la chose
    • Dernière condition pour qu’une chose trouvée puisse être qualifiée de trésor, il ne doit être possible pour personne de justifier de sa propriété.
    • C’est là une différence fondamentale entre le trésor dont la propriété ne peut pas être prouvée et l’épave dont le propriétaire est susceptible d’être retrouvé.
    • Si le véritable propriétaire de la chose découverte est en mesure de rapporter la preuve de son droit, il pourra agir en revendication et pourra alors solliciter la restitution de la chose sans que l’inventeur ne puisse solliciter aucun dédommagement.
    • Dans un arrêt du 19 novembre 2002 la Cour de cassation a ainsi validé la décision d’une Cour d’appel qui après avoir énoncé que d’une part qu’un trésor est une chose cachée sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété et d’autre part que la preuve de la propriété de biens mobiliers est libre, a retenu souverainement que les vendeurs d’une cuisinière avaient établi la preuve qu’ils étaient propriétaires des lingots d’or se trouvant à l’intérieur et que dès lors ces biens, dont ils justifiaient être propriétaires, ne pouvaient constituer un trésor ( 1ère civ. 19 nov. 2002, n°00-22471).
    • En revanche, dans un arrêt du 25 octobre 1955 la première chambre civile a estimé que le fait que le vendeur d’un immeuble où ont été découvertes des pièces d’or est l’héritier des anciens propriétaires de cet immeuble ne peut, à lui seul, avoir une influence sur la détermination de la propriété des pièces ( 1ère civ. 25 oct. 1955).

2. Attribution du trésor

Une fois que la chose trouvée a endossé la qualification de trésor, il y a lieu de déterminer à qui elle appartient, en particulier si elle était enfouie sur le fonds d’autrui.

==> Identification de l’inventeur

L’inventeur, soit celui qui a vocation à devenir le propriétaire du trésor par occupation, est celui qui est à l’origine de la découverte de la chose enfouie ou dissimulée.

Autrement dit, seul celui qui révèle le trésor peut prétendre endosser la qualité d’inventeur et non celui qui a seulement exécuté des travaux de recherche pour le compte du propriétaire du fonds.

Dans un arrêt du 9 novembre 1948, la Cour d’appel de paris a jugé en ce sens que des ouvriers qui ont découvert des pièces d’or en travaillant au déblaiement des décombres d’un immeuble sinistré peuvent se voir attribuer la qualité d’inventeur, sauf si le propriétaire de la maison peut démontrer avoir lui-même ordonné et dirigé les recherches en vue de la découverte d’un trésor, auquel cas il serait lui-même, à l’exclusion des ouvriers employés au déblaiement, l’inventeur de ce trésor (CA Paris, 9 nov. 1948).

Pour que l’ouvrier puisse revendiquer sa part du trésor, il doit ainsi l’avoir découvert par « pur hasard », soit sans que la découverte procède de fouilles intentionnelles commandées par le propriétaire du fonds, faute de quoi seul ce dernier peut se prévaloir de la qualité d’inventeur.

Par ailleurs, l’acte qui constitue la découverte est, non pas l’appréhension du contenu d’un coffre, mais la mise à jour de ce coffre.

==> Partage du trésor

Une application stricte des règles qui président à l’occupation devrait conduire à conférer la qualité de propriétaire au seul inventeur du trésor à l’exclusion de toute autre personne.

Une solution radicalement opposée pourrait consister à dire que le trésor doit être attribué au propriétaire du fonds dans lequel il était enfoui est fondé à revendiquer dans la mesure où, aux termes du principe de l’accession, « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous. »

À l’examen, aucune de ces deux solutions n’a été retenue par les rédacteurs du Code civil qui ont opté pour une solution intermédiaire.

Il ressort du premier alinéa de l’article 716 du Code civil qu’il y a lieu de distinguer deux situations :

  • Soit l’inventeur du trésor est le propriétaire du terrain dans lequel il était enfoui auquel cas il lui appartient pour la totalité,
  • Soit l’inventeur du trésor est un tiers, auquel cas il devra partager son butin, pour moitié, avec le propriétaire du terrain dans lequel il était enfoui

Reste que le véritable propriétaire du trésor pourra, s’il parvient à rapporter la preuve de son droit, revendiquer la propriété du trésor.

À cet égard, l’article 2227 du Code civil dispose que « le droit de propriété est imprescriptible ».

Cette disposition a conduit la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 6 juin 2018 que « celui qui découvre, par le pur effet du hasard, une chose cachée ou enfouie a nécessairement conscience, au moment de la découverte, qu’il n’est pas le propriétaire de cette chose, et ne peut être considéré comme un possesseur de bonne foi ; que, par suite, il ne saurait se prévaloir des dispositions de l’article 2276 du code civil pour faire échec à l’action en revendication d’une chose ainsi découverte, dont il prétend qu’elle constitue un trésor au sens de l’article 716, alinéa 2, du même code ; que, conformément à l’article 2227 de ce code, une telle action n’est pas susceptible de prescription » (Cass. 1ère civ. 6 juin 2018, n°17-16091).

Il ressort de cette décision que l’action en revendication d’un trésor ne se prescrit jamais, de sorte qu’elle pourra être exercée plusieurs siècles après son enfouissement (V. en ce sens T. civ. Seine, 1er juin 1949 : D. 1949, jurispr. p. 350, note G. Ripert ; JCP G 1949, II, 5211).

==> Cas particulier des trésors archéologiques

L’article L. 531-14 du Code du patrimoine prévoit que « lorsque, par suite de travaux ou d’un fait quelconque, des monuments, des ruines, substructions, mosaïques, éléments de canalisation antique, vestiges d’habitation ou de sépulture anciennes, des inscriptions ou généralement des objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art, l’archéologie ou la numismatique sont mis au jour, l’inventeur de ces vestiges ou objets et le propriétaire de l’immeuble où ils ont été découverts sont tenus d’en faire la déclaration immédiate au maire de la commune, qui doit la transmettre sans délai au préfet. »

Ainsi, l’inventeur d’un trésor archéologique doit en informer immédiatement le maire de la commune, lequel en réfère au préfet qui devra saisir l’autorité administrative compétente.

Cette obligation de déclaration est sans préjudice sur les droits du propriétaire du fonds auquel il est attribué la moitié du trésor.

Dans l’attente, le texte prescrit que le propriétaire de l’immeuble est responsable de la conservation provisoire des monuments, substructions ou vestiges de caractère immobilier découverts sur ses terrains. Le dépositaire des objets assume à leur égard la même responsabilité.

L’autorité administrative peut faire visiter les lieux où les découvertes ont été faites ainsi que les locaux où les objets ont été déposés et prescrire toutes les mesures utiles pour leur conservation.

S’agissant des biens culturels maritimes, l’article L. 532-2 du Code du patrimoine pose que lorsqu’ils sont situés dans le domaine public maritime et lorsque le propriétaire n’est pas susceptible d’être retrouvé ils appartiennent à l’État.

À cet égard, constituent des biens culturels maritimes les gisements, épaves, vestiges ou généralement tout bien présentant un intérêt préhistorique, archéologique ou historique qui sont situés dans le domaine public maritime ou au fond de la mer dans la zone contiguë.

En contrepartie de la découverte d’un bien culturel maritime l’inventeur peut bénéficier d’une récompense (art. L. 532-6 C. patr.)

Le montant de la récompense est fixé par le ministre chargé de la culture, après avis du Conseil national de la recherche archéologique, en fonction de l’intérêt du bien, dans la limite de plafonds définis par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de la culture (art. R. 532-4 C. patr.)

II) Les épaves

  1. Notion

Selon la définition de Gérard Cornu une épave est un « objet perdu ; tout objet mobilier égaré par son propriétaire ».

Plus précisément, deux éléments caractérisent l’épave :

  • Premier élément :
    • L’épave est une chose mobilière qui a été, non pas abandonnée, mais égarée, ce qui n’emporte pas la même conséquence juridique.
    • En effet, le propriétaire d’une épave n’a pas renoncé à son droit de propriété : il a seulement perdu la maîtrise physique de son bien par inadvertance ou par inadvertance (cas fortuit) ou par contrainte (vol)
    • En tout état de cause la dépossession du propriétaire n’est nullement motivée par l’abandon de la chose.
    • Il en résulte que l’épave peut, en principe, faire l’objet d’une revendication
    • A contrario, elle ne peut pas être appropriée par voie d’occupation.
    • L’épave a donc vocation à revenir à son propriétaire, lequel n’est nullement déchu de son droit de propriété, à tout le moins pendant une certaine durée.
    • Si la situation perdure, il conviendra d’y mettre un terme en attribuant la propriété de l’épave à son inventeur.
    • Son acquisition se fera alors par voie d’invention. Il s’agit là d’un mode d’acquisition qui manifestement se rapproche de l’occupation.
  • Second élément
    • Le second élément qui caractérise la qualification d’épave est l’impossibilité de remonter jusqu’à son propriétaire, faute d’élément d’identification.
    • Aussi, lorsqu’il est possible de rattacher un bien à une personne, il ne s’agit pas d’une épave, mais seulement d’une chose perdue.
    • Tel sera le cas d’un navire ou d’un véhicule terrestre à moteur qui arborent une immatriculation.
    • L’alinéa 2 de l’article 717 précise que ce critère n’est pas nécessairement déterminant.
    • Le statut d’épave peut également être endossé par les choses perdues « dont le maître ne se représente pas».
    • Autrement dit, dans l’hypothèse où le propriétaire a pu être identifié, mais qu’il ne s’est pas manifesté après avoir été informé de la découverte de son bien, celui-ci sera assujetti au régime juridique des épaves.

A l’examen, il ressort des éléments constitutifs qui caractérisent l’épave que cette notion se distingue, d’un part, des res derelictae, et, d’autre part, des trésors.

  • Épave et res derelictae
    • Parce que l’épave est seulement perdue, égarée, il ne s’agit pas d’une chose abandonnée (res derelictae) en ce sens que son propriétaire, qui demeure inconnu, n’a pas renoncé à son droit de propriété.
    • Il ne s’agit donc pas d’une chose sans maître (res nullius).
    • Par voie de conséquence, l’épave ne peut pas faire l’objet d’une acquisition par voie d’occupation
  • Épave et trésor
    • Si l’épave a en commun avec le trésor de n’avoir pas de propriétaire connu, elle s’en distingue en deux points :
      • D’une part, l’épave n’est ni enfouie, ni cachée : elle est accessible à la vue de tous
      • D’autre part, le propriétaire qui demeure inconnu, est susceptible de se manifester et de justifier d’un titre de propriété

Parce que l’épave n’est, ni une res nullius, ni un trésor, elle ne peut pas être appropriée par voie d’occupation. Son propriétaire n’a nullement renoncé à son droit de propriété. Il a seulement égaré son bien, de sorte qu’il est susceptible de le revendiquer.

Encore faut-il néanmoins pour ce faire qu’il s’en aperçoive, ce qui ne sera pas toujours le cas. C’est la raison pour laquelle le droit envisage la possibilité pour l’inventeur d’une épave d’en devenir le propriétaire selon un mode d’acquisition assez proche de l’occupation.

2. Régime

Le régime juridique applicable aux épaves diffère selon que le bien est une épave terrestre, maritime ou fluviale.

  • Les épaves terrestres
    • L’article 717, al. 2e du Code civil prévoit que le sort des épaves terrestres est réglé par les lois particulières. A défaut, c’est le droit commun qui s’applique.
      • Droit commun
        • Lorsqu’aucun texte n’encadre le sort d’un bien qui endosse le statut d’épave terrestre, c’est le droit commun qui s’applique.
        • Aussi, une telle épave ne peut faire l’objet d’aucune appropriation par voie d’occupation tant que la prescription acquisitive n’a pu valablement jouer.
        • A cet égard, celui qui trouve un bien dont on ignore qui est le propriétaire doit, conformément aux règlements établis par la plupart des communes, le déposer auprès du service administratif compétent (mairie, commissariat ou bureau dédié).
        • A l’expiration d’un délai d’un an et d’un jour, l’objet a vocation à être restitué à son inventeur qui en deviendra, d’abord, le possesseur, puis à l’expiration du délai d’usucapion le propriétaire.
        • Pendant ce délai, l’épave peut toujours faire l’objet d’une action en revendication exercée par son véritable propriétaire.
        • Il convient d’observer que, ici, à la différence de l’invention d’un trésor, l’invention d’une épave ne produit aucun effet acquisitif.
        • Seul le jeu de la prescription permet à l’inventeur d’acquérir le bien trouvé, étant précisé qu’il est nécessairement regardé comme un possesseur de mauvaise foi, dans la mesure où il sait qu’il s’approprie une chose qui appartient à autrui.
        • Il en résulte que le délai de prescription pour acquérir une épave terrestre est de trente ans.
        • Par exception, lorsqu’il s’agit de revendiquer le bien auprès du sous-acquéreur, lequel est susceptible d’être de bonne foi, car ignorant l’origine de l’épave, le délai de la prescription acquisitive est ramené à trois ans.
        • L’article 2276, al. 2e du Code civil dispose en ce sens que « celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient. »
        • Reste que la mise en œuvre de cette action en revendication contre le sous-acquéreur de bonne foi est subordonnée au remboursement du bien par le versus dominus.
        • C’est le sens de l’article 2277 du Code civil qui dispose que « si le possesseur actuel de la chose volée ou perdue l’a achetée dans une foire ou dans un marché, ou dans une vente publique, ou d’un marchand vendant des choses pareilles, le propriétaire originaire ne peut se la faire rendre qu’en remboursant au possesseur le prix qu’elle lui a coûté».
  • Lois particulières
    • Le sort de certaines épaves terrestres est réglé par des lois particulières.
    • Il en va ainsi :
      • Des effets laissés dans les greffes civils et criminels qui ne sont pas réclamés et qui, à l’expiration d’un certain délai, sont vendu dans le cadre d’une vente aux enchères au profit de l’État.
      • Des effets mobiliers apportés par le voyageur ayant logé chez un aubergiste, hôtelier ou logeur et par lui laissés en gage pour sûreté de sa dette, ou abandonnés au moment de son départ, peuvent être vendus à l’expiration d’un délai de six mois après le départ constaté du voyageur.
      • Des chiens et les chats accueillis dans la fourrière qui après avoir été identifiés par le port d’un collier où figurent le nom et l’adresse de leur maître, doivent être réclamés par leur propriétaire dans un délai franc de huit jours ouvrés, faute de quoi il est considéré comme abandonné et devient la propriété du gestionnaire de la fourrière, qui peut en disposer.
  • Les épaves maritimes
    • L’article 717 du Code civil prévoit que « les droits sur les effets jetés à la mer, sur les objets que la mer rejette, de quelque nature qu’ils puissent être, sur les plantes et herbages qui croissent sur les rivages de la mer, sont aussi réglés par des lois particulières.»
    • Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition :
      • D’une part, par épave maritime il faut entendre tout ce qui provient des naufrages ou de jets de marchandises à la mer lorsque le navire est en péril.
      • D’autre part, le sort des épaves maritimes est, à l’instar des épaves terrestres, réglé par les lois particulières.
    • C’est alors vers la loi du 24 novembre 1961 et le décret d’application du 26 décembre 1961 qu’il y a lieu de se tourner, étant précisé que ces textes ont été codifiés dans le Code des transports.
    • L’article L. 542-1 de ce Code prévoit, tout d’abord, que « l’état d’épave résulte de la non-flottabilité, de l’absence d’équipage à bord et de l’inexistence de mesures de garde et de manœuvre, sauf si cet état résulte d’un abandon volontaire en vue de soustraire frauduleusement le navire, l’engin flottant, les marchandises et cargaisons, l’aéronef ou l’objet à la réglementation douanière.»
    • Ensuite, l’article R. 5142-1 dispose que toute personne qui découvre une épave est tenue, dans la mesure du possible, de la mettre en sûreté, notamment en la plaçant hors des atteintes de la mer.
    • Elle doit, en outre, en faire, dans les quarante-huit heures de la découverte ou de l’arrivée au premier port si l’épave a été trouvée en mer, la déclaration au préfet ou à son représentant.
    • Les épaves sont placées sous la protection et la sauvegarde du préfet qui prend toutes les mesures utiles pour le sauvetage et veille à la conservation des objets sauvés.
    • Par ailleurs, la découverte d’une épave dont le propriétaire est inconnu fait l’objet, par le préfet, d’une publicité sous forme d’affiches ou d’insertion dans la presse.
    • L’article L. 5143-2 du Code des transports précise que lorsque le propriétaire a été mis en demeure de réaliser des opérations de sauvetage ou lorsque l’existence de l’épave remonte à plus de cinq ans, la déchéance des droits du propriétaire peut être prononcée par décision de l’autorité administrative compétente.
    • En tout état de cause, il peut être procédé à la vente de l’épave au profit de l’Etat, soit lorsque le propriétaire ne l’a pas réclamée, soit lorsque le propriétaire a été déchu de ses droits.
    • Le propriétaire dispose d’un délai de trois mois, à compter de la date de publication ou de la notification de la découverte ou du sauvetage de l’épave, pour revendiquer son bien et, si le sauvetage n’a pu être fait, pour déclarer qu’il entend y procéder.
  • Les épaves fluviales
    • Les épaves fluviales sont les biens trouvés ou rejetés dans les cours d’eau navigables.
    • Dans un arrêt du 17 février 1976, la Cour de cassation a affirmé que leur sort était réglé par les dispositions des articles 16 et 17 du titre 31 de l’ordonnance des eaux et forêts d’août 1669.
    • La raison en est précise la première chambre civile que « les cours d’eaux navigables et flottables dont la propriété a été transférée a la nation avec le domaine de la couronne se trouvent intégrés au domaine public de l’État et que le régime des épaves issues de ces cours d’eaux n’a pas été aboli par le décret du 4 aout 1789 et reste en vigueur, l’arrêté du 28 messidor an VI étant relatif au seul régime de la pêche» ( 1ère civ. 17 févr. 1976, n°74-12508).
    • Aussi, en application de cette ordonnance qui est donc toujours en vigueur, les épaves fluviales sont vendues dans le mois de leur découverte.
    • Quant au prix de la vente, il revient à l’État dans le moins de la vente à moins qu’il ne soit réclamé, dans ce délai, par le propriétaire de l’épave.

Les conflits portant sur la propriété des meubles et des immeubles (art. 1198 C. civ.)

Le Code civil n’organise pas seulement le transfert de propriété des biens aliénés par voie de convention, il règle également les cas où plusieurs personnes se disputeraient la qualité de propriétaire d’un bien acquis auprès du même auteur.

Ce conflit de propriétés susceptibles de survenir consécutivement à l’aliénation conventionnelle d’un bien est réglé à l’article 1198 du Code civil.

Cette disposition envisage le conflit des droits d’acquéreurs successifs d’un même meuble en son alinéa 1er, reprenant ainsi l’ancien article 1141, et étend cette règle aux immeubles dans son alinéa second.

==> Le conflit des droits d’acquéreurs concurrents d’un même meuble

L’article 1198, al. 1er du Code civil prévoit que « lorsque deux acquéreurs successifs d’un même meuble corporel tiennent leur droit d’une même personne, celui qui a pris possession de ce meuble en premier est préféré, même si son droit est postérieur, à condition qu’il soit de bonne foi. »

Il ressort de cette disposition que, en cas de conflits de propriétés entre plusieurs acquéreurs, ce n’est pas nécessairement celui qui, le premier en date, a régularisé le contrat translatif de propriété avec le cédant qui est réputé sortir vainqueur de ce conflit.

Le texte désigne plutôt celui qui, le premier, est entré en possession de la chose aliénée. Bien que cette solution puisse apparaître surprenante en ce qu’elle permet de désigner comme acquéreur une personne qui tient son droit d’un cédant qui avait déjà cédé son droit à une autre personne, elle se justifie par l’effet acquisitif de la possession qui, en matière de meuble, est immédiat.

Ainsi, en cas de conflit de propriétés portant sur un bien meuble, c’est le possesseur qui est préféré à tous les autres acquéreurs.

Encore faut-il néanmoins qu’il remplisse deux conditions cumulatives :

  • Première condition : une possession utile
    • Pour se prévaloir de la qualité de possesseur encore faut-il que la possession
      • D’une part, soit caractérisée dans tous ses éléments constitutifs que sont le corpus et l’animus
      • D’autre part, qu’elle ne soit affectée d’aucun vice, ce qui implique qu’elle soit continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque
  • Seconde condition : la bonne foi
    • Pour que la possession d’un bien meuble produise son effet acquisitif, le possesseur doit être de bonne foi
    • Dans la mesure où, en application de l’article 2274, la bonne foi est toujours présumée c’est à ceux qui revendiquent la propriété de la chose de prouver que le possesseur est de mauvaise foi.
    • Pour mémoire, l’article 550 du Code civil dispose que le possesseur est de bonne foi quand il possède comme propriétaire, en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices.
    • La bonne foi s’apprécie ainsi non pas au moment de l’entrée en possession, mais au moment l’acquisition qui procède de l’obtention d’un titre, tel qu’un contrat par exemple.
    • Il appartiendra au demandeur d’établir que le possesseur connaissait, au jour de l’acquisition du bien, les causes d’inefficacité du titre en vertu duquel il est entré en possession.
    • Plus précisément l’auteur de l’action en revendication devra démontrer que le possesseur savait qu’il acquérait le bien a non domino, soit que la personne avec laquelle il traitait n’était pas le verus dominus.

==> Le conflit des droits d’acquéreurs concurrents d’un même immeuble

L’article 1198, al. 2e du Code civil prévoit que « lorsque deux acquéreurs successifs de droits portant sur un même immeuble tiennent leur droit d’une même personne, celui qui a, le premier, publié son titre d’acquisition passé en la forme authentique au fichier immobilier est préféré, même si son droit est postérieur, à condition qu’il soit de bonne foi. »

Il ressort de cette disposition que lorsque plusieurs acquéreurs se disputent la propriété d’un même bien immeuble, c’est la date de publication de l’acte translatif de propriété qui permettra de les départager.

La publicité foncière joue ainsi un rôle d’importance dans la mesure où elle est susceptible de faire échec à l’effet translatif d’un contrat de vente nonobstant sa régularisation antérieure à l’acte publié, en premier, à la conservation des hypothèques.

Ainsi, afin de résoudre un conflit de propriétés entre acquéreurs d’un même bien immobilier, il convient de se reporter, non pas à la date de régularisation de l’acte de vente, mais à sa date de publication aux services de la publicité foncière.

C’est donc celui qui a publié le premier qui sort victorieux de ce conflit, sauf à établir, ainsi que le prévoit l’article 1198, al. 2e du Code civil qu’il était de mauvaise foi au moment de la publication.

Cette précision quant à l’exigence de bonne foi de l’acquéreur a été introduite par le législateur à l’occasion de la réforme du droit des obligations afin de mettre un terme à une jurisprudence de la Cour de cassation qui conférait à la publicité une valeur que de nombreux auteurs jugeaient excessive.

  • Position initiale
    • Dans un arrêt Vallet du 22 mars 1968 la Cour de cassation avait jugé que dans l’hypothèse où le second acquéreur d’un bien immobilier avait connaissance de la régularisation antérieure d’un premier acte de vente portant sur le même bien, il lui était fait défense de se prévaloir des règles de la publicité foncière afin de faire primer son droit ( 3e civ. 22 mars 1968).
    • Autrement dit, en cas de mauvaise foi de l’acquéreur qui, le premier, avait accompli les formalités de publicité foncière, ces formalités étaient inopposables au premier acquéreur.

Cass. 3e civ. 22 mars 1968
Sur le moyen unique pris en ses divers griefs : vu l'article 1382 du code civil, attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt confirmatif attaque que Vallet a acquis un terrain des consorts de x... selon acte sous seing privé du 4 avril 1944, par l'intermédiaire de la société anonyme pétreaux ;
Que, tandis que Vallet réclamait la réitération de la vente par acte authentique, Roncari, administrateur de la société anonyme Patreaux, qui n'ignorait pas la première aliénation, a, par acte notarié du 9 février 1946, transcrit le 4 mai, acquis, pour lui, l'immeuble litigieux ;

Que Vallet, se voyant opposer cette transcription, a demandé qu'il soit dit que la seconde aliénation et sa transcription ayant été le résultat d'un concert frauduleux entre Roncari et le mandataire des vendeurs, lui soient déclarées inopposables ;

Attendu que les juges du fond ont rejeté cette demande, en précisant que si Roncari, qui connaissait les obligations contractées par le vendeur a l'égard de Vallet, parait avoir commis une faute de nature à engager sa responsabilité - il n'en résulte pas pour autant qu'il y ait lieu de prononcer la nullité de la vente de 1946 ;

Qu’en statuant ainsi, sans s'expliquer sur les motifs pour lesquels, constatant la faute de Roncari, et l'immeuble se trouvant encore entre ses mains, elle a écarté le mode d'exécution que constituait l'inopposabilité au premier acquéreur de la seconde vente et qui était réclamé par Vallet, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la seconde branche du moyen ;

Casse et annule l'arrêt rendu entre les parties par la cour d'appel de paris, le 27 janvier 1966 ;

  • Revirement de jurisprudence
    • Dans un arrêt du 12 janvier 2011 la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en affirmant qu’il était indifférent que le second acquéreur ait connaissance de la régularisation antérieure d’un premier acte de vente ( 3e civ. 12 janv. 2011, n°10-10667).
    • Pour la troisième chambre civile, le seul critère permettant de résoudre le conflit de propriétés entre acquéreurs se disputant la propriété d’un même bien, c’est la date de publication de l’acte.
    • Au soutien de sa position elle affirmait « qu’aux termes de l’article 30-1 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, les actes et décisions judiciaires portant ou constatant entre vifs mutation ou constitution de droits réels immobiliers sont, s’ils n’ont pas été publiés, inopposables aux tiers qui, sur le même immeuble ont acquis du même auteur des droits concurrents en vertu d’actes ou de décisions soumis à la même obligation de publicité et publiés»
    • Ainsi, pour la Cour de cassation, quand bien même le second acquéreur connaissait l’existence du premier acte de vente, seule compte la date d’accomplissement des formalités de publicité foncière.

Cass. 3e civ. 12 janv. 2011
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 29 octobre 2009) que suivant promesse sous seing privé du 22 avril 2002, la société civile immobilière Lacanau Clemenceau (la SCI) a vendu un immeuble à Mme X... ; que la réitération de l'acte authentique prévue au plus tard le 30 septembre 2002 n'est pas intervenue et que par assignation du 27 février 2003 Mme X... a fait assigner la venderesse en perfection de la vente ; que par acte authentique du 13 mars 2003, publié à la conservation des hypothèques de Bordeaux le 18 mars 2003, la SCI a vendu le bien aux époux Y... ; que par arrêt du 24 septembre 2007 la cour d'appel de Bordeaux, infirmant le jugement, a dit la vente parfaite au profit de Mme X... ; que le 30 octobre 2007 les époux Y... ont formé tierce opposition à l'arrêt du 24 septembre 2007 contre lequel aucun pourvoi en cassation n'a été formé et que par arrêt du 29 octobre 2009 la cour d'appel de Bordeaux a déclaré les époux Y... recevables en leur tierce opposition et constaté que l'immeuble litigieux était leur propriété ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de déclarer la tierce opposition des époux Y... recevable, alors, selon le moyen :

1°/ que l'ayant cause à titre particulier est représenté par son auteur, pour tous les actes accomplis antérieurement à l'accomplissement de la formalité de la publicité foncière ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a décidé que la tierce opposition formée par M. et Mme Y... était recevable, car leur acte authentique avait été publié le 18 mars 2003, quand l'assignation en régularisation forcée de vente avait été délivrée dès le 27 février 2003, par Mme X... à la société civile immobilière Lacanau Clemenceau, ce dont il résultait que celle-ci avait représenté ses ayants-cause à titre particulier à la procédure, peut important que celle-ci ait abouti à un arrêt du 24 septembre 2007, a violé l'article 583 du code de procédure civile ;

2°/ qu'une tierce opposition n'est recevable que si le tiers concerné s'est trouvé dans l'impossibilité de faire valoir ses droits ; qu'en l'espèce, la cour qui a déclaré recevable la tierce opposition de M. et Mme Y..., sans rechercher si ceux-ci n'étaient pas, depuis le jour de la seconde vente dont ils avaient bénéficié, parfaitement informés de la vente précédemment consentie à Mme X... par la SCI Lacaneau Clemenceau, ainsi que de la procédure judiciaire les opposant et à laquelle ils avaient délibérément choisi de ne pas intervenir, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 583 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel retient à bon droit que si les ayants cause à titre particulier sont considérés comme représentés par leur auteur pour les actes accomplis par celui-ci avant la naissance de leurs droits, lorsqu'un acte est soumis à publicité foncière, la représentation prend fin à compter de l'accomplissement des formalités de publicité foncière ; qu'ayant constaté que les époux Y... avaient publié leur titre à la conservation des hypothèques le 18 mars 2003 et exactement retenu qu'ils n'étaient plus représentés à la date de l'arrêt, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a justement déduit que la tierce opposition formée par les époux Y... était recevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rétracter l'arrêt rendu le 24 septembre 2007, alors, selon le moyen, "que la connaissance, par un second acquéreur, de l'existence d'une première cession constatée par acte sous seing privé non soumis à publicité foncière, lui interdit de tirer avantage des règles de la publicité foncière, que la cour d'appel, qui a rétracté l'arrêt du 24 septembre 2007 constatant le caractère parfait de la vente consentie sous seing privé à Mme X..., en se fondant sur le simple fait que M. et Mme Y... avaient acquis le même immeuble de la société civile immobilière Lacanau Clémenceau par acte authentique du 13 mars 2003, publié dès le 18 mars suivant, sans rechercher si ces seconds acquéreurs n'avaient pas signé leur acte en toute connaissance de l'existence de la première vente intervenue au profit de Mme X..., ce qui les privait du bénéfice des règles de la publicité foncière, a privé sa décision de base légale au regard des articles 28 et 30 du décret du 4 janvier 1955,ensemble l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit qu'aux termes de l'article 30-1 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, les actes et décisions judiciaires portant ou constatant entre vifs mutation ou constitution de droits réels immobiliers sont, s'ils n' ont pas été publiés, inopposables aux tiers qui, sur le même immeuble ont acquis du même auteur des droits concurrents en vertu d'actes ou de décisions soumis à la même obligation de publicité et publiés et constaté que Mme X..., dont les droits étaient nés d'une promesse de vente sous seing privé, ne pouvait justifier d'une publication, la cour d'appel, en rétractant l'arrêt du 24 septembre 2007, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Manifestement, en exigeant que l’acquéreur qui, le premier, a publié l’acte translatif de propriété du bien aliéné soit de bonne foi, le législateur a entendu briser la jurisprudence adoptée par la Cour de cassation en 2011 et renouer avec sa position initiale dégagée dans l’arrêt Vallet.

Aussi, le second acquéreur d’un bien immobilier ne pourra sortir vainqueur d’un conflit de propriétés qu’à la condition qu’il soit de bonne foi, et plus précisément qu’il ignorait la régularisation a antérieure à l’accomplissement des formalités de publicité d’un premier acte de vente.

L’acquisition de la propriété: vue générale

==> Modes d’acquisition

Ainsi que l’a écrit Christian Atias, « le régime des biens n’est pas seulement une gamme de techniques qui organisent à l’état statique, au repos, la répartition de l’utilité des choses entre les personnes. Il ménage aussi des déplacements de valeur : il connaît des phénomènes de passage ».[1]

L’acquisition de la propriété est traitée dans un livre III consacré intitulé « Des différentes manières dont on acquiert la propriété ».

Ce livre est introduit par des dispositions générales qui énoncent les différentes modes d’acquisition.

Il ressort des articles 711 et 712 du Code civil que la propriété des biens s’acquiert et se transmet :

  • Par succession
  • Par donation entre vifs ou testamentaire
  • Par l’effet des obligations.
  • Par accession ou incorporation
  • Par prescription acquisitive

À ces modes d’acquisition de la propriété, il convient d’ajouter :

  • L’occupation
  • Les modes d’acquisition spéciaux (création intellectuelle, mitoyenneté etc.)

==> Classification

À partir de ces dispositions, les auteurs ont élaboré des classifications qui visent à rendre compte de l’articulation qui existe entre les différents modes d’acquisition de la propriété.

La plus répandue est celle qui oppose les modes d’acquisition originaires aux modes d’acquisition dérivés :

  • Présentation de la classification
    • Selon cette classification, il y a lieu de distinguer selon que l’acquisition d’un bien procède d’un transfert de propriété ou selon qu’elle ne résulte d’aucune cession de droits
      • L’acquisition originaire
        • Il s’agit du mode d’acquisition qui confère à l’acquéreur un droit de propriété qu’il ne tient pas d’autrui
        • Le droit dont il est titulaire n’a été exercé par personne et résulte d’un fait juridique.
        • Tel est le cas de l’occupation, de la prescription, de la présomption de propriété ou encore de l’accession
        • Dans cette configuration, l’acquisition de la propriété n’exige pas que l’acquéreur noue un rapport juridique avec une autre personne.
        • L’acquisition n’intéresse que lui et la chose
      • L’acquisition dérivée
        • Il s’agit du mode d’acquisition qui confère à l’acquéreur un droit de propriété par voie de transfert du droit
        • Autrement dit, le bien appartenait, avant le transfert de sa propriété, à une autre personne, de sorte que l’acquéreur détient son droit d’autrui.
        • Ce mode d’acquisition de la propriété procède toujours de l’accomplissement d’un acte juridique, tels qu’un contrat, un échange, un testament, une donation etc.
        • Dans cette configuration, un rapport juridique doit nécessairement se créer pour que l’acquisition emporte transfert de la propriété
  • Intérêt de la classification
    • La classification qui oppose les modes d’acquisition originaires de la propriété aux modes d’acquisition dérivés présente un double intérêt.
      • Premier intérêt
        • Cette classification permet de rendre compte des différents modes de preuve de la propriété
        • Tandis que la propriété acquise selon un mode originaire suppose d’établir un fait juridique (occupation, possession etc.), la propriété acquise selon un mode dérivé implique de rapporter la preuve du titre, voire, en cas de contestation, la chaîne des acquisitions
        • C’est la raison pour laquelle la preuve de la propriété est classiquement présentée comme la probatio diabolica.
        • Cette qualification de preuve du diable vient de ce que pour établir irréfutablement la légitimité du rapport d’appropriation d’un bien, il faudrait être en mesure de remonter la chaîne des transferts successifs de propriété jusqu’au premier propriétaire, preuve que « seul le diable pourrait rapporter».
      • Second intérêt
        • L’autre intérêt présenté par la classification qui oppose les modes d’acquisition originaires à ceux dérivés est qu’elle permet de rendre compte de la situation de dépendance dans laquelle se trouve l’acquéreur à titre dérivé.
        • En effet, celui-ci tient son droit de propriétaires antérieurs, de sorte que s’il est établi que dans la chaîne des acquisitions l’un des transferts de propriété était irrégulier, cette irrégularité est susceptible d’anéantir les transferts de propriété subséquents.
        • L’acquéreur à titre origine n’est, quant à lui, pas exposé à ce risque dans la mesure où il ne tient son droit de propriété de personne.
        • Il ne situe donc pas au bout d’une chaîne d’acquisition qui est susceptible d’être anéantie sous l’effet de la nullité ou de la résolution d’un acte translatif.

[1] Ch. Atias, Droit civil – Les biens, éd. Litec, 2009, n°283, p. 199.

La protection de la servitude: les actions pétitoires et possessoires

I) Les actions pétitoires

Les actions pétitoires sont celles qui visent à établir un droit de propriété ou à nier son existence. Pour les autres droits réels, sont les servitudes, deux types d’actions peuvent être exercées :

  • L’action confessoire qui vise à faire reconnaître l’existence d’une servitude
  • L’action négatoire qui vise à contester l’établissement d’une servitude

==> L’action confessoire

L’action confesseur qui donc vise à obtenir la reconnaissance d’un droit réel, elle appartient, en matière de servitude, au propriétaire du fonds dominant.

Ainsi, celui-ci peut-il saisir le juge aux fins de se voir reconnaître un droit de passage ou encore une servitude non aedificandi (de ne pas bâtir).

En cas de violation de son droit, le titulaire de la servitude est fondé à solliciter la remise en état des lieux qui ne pourra pas lui être refusé par le juge qui dispose, en pareil cas, d’aucune marge de manœuvre.

Il n’aura, dès lors, d’autre choix que d’ordonner la démolition de l’ouvrage irrégulier, sans pouvoir exiger que le propriétaire du fonds dominant ait à justifier d’un quelconque préjudice. La seule constatation de la violation de son droit suffit à déclencher le prononcé de la sanction.

==> L’action négatoire

L’action négatoire est celle qui vise à contester un droit réel et plus précisément, pour les servitudes, à nier, soit leur existence, soit leur assiette ou les modalités d’exercice.

Aussi, appartient-elle au propriétaire du fonds servant qui devra prouver que la servitude qu’il conteste n’est fondée sur aucun titre ou encore que la prescription n’a pas pu jouer.

II) Les actions possessoires

L’article 2278 du Code civil prévoit que « la possession est protégée, sans avoir égard au fond du droit, contre le trouble qui l’affecte ou la menace. »

Si la possession est une situation de fait, elle produit des effets de droits qui justifient que le possesseur bénéficie d’une protection juridique en cas d’atteinte à son droit.

==> Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, la protection de la possession était assurée par les actions possessoires dont était titulaire, en application de l’ancien article 2279 du Code civil, celui qui possédait utilement et le détendeur précaire de la chose.

Cette disposition prévoyait en ce sens que « les actions possessoires sont ouvertes dans les conditions prévues par le code de procédure civile à ceux qui possèdent ou détiennent paisiblement. »

Au nombre des actions possessoires figuraient :

  • La complainte
    • Il s’agit de l’action de droit commun du possessoire, de sorte que tout trouble subi par le possesseur pouvait justifier l’exercice de cette action, à l’exception des troubles sanctionnés par les deux autres actions possessoires.
    • L’exercice de la complainte était conditionné par la caractérisation d’un trouble, par la paisibilité de la possession et par sa durée qui devait être supérieure à un an.
    • Ainsi, les conditions d’exercice de cette action possessoire étaient plutôt souples puisqu’il n’était pas nécessaire de justifier de tous les autres caractères de la possession (continue, publique, non équivoque)
  • La dénonciation de nouvel œuvre
    • Tandis que la complainte avait vocation à mettre fin au trouble subi par le possesseur, la dénonciation de nouvel œuvre visait à prévenir un trouble futur.
    • La décision rendue consistait ainsi à enjoindre l’auteur du trouble de cesser son activité en prévision de l’atteinte à venir à la possession du demandeur
  • L’action en réintégration
    • Cette action était pour le moins particulière dans la mesure où elle permettait d’assurer la protection de la possession qui avait duré moins d’un an.
    • La raison en est que cette action visait à sanctionner les troubles d’une extrême gravité
    • Il s’agit, en effet, de protéger une personne qui a été dépossédée du bien qu’elle occupait paisiblement, soit par violence (expulsion par la force du possesseur), soit par voie de fait (appropriation du bien sans recours à la force)
    • Afin de prévenir la vengeance du possesseur dépouillé, le droit l’autorisait à exercer une action en justice quand bien même il était en possession de la chose depuis moins d’un an

Bien que profondément ancrées dans le droit des biens, depuis 2015, les actions possessoires ne sont plus : elles ont été supprimées par le législateur pour plusieurs raisons :

Tout d’abord, il peut être observé que la protection possessoire ne concernait que les immeubles, ce qui n’était pas sans restreindre son champ d’application.

Par ailleurs, les actions possessoires soulevaient des difficultés, notamment quant à leur distinction avec les actions pétitoires, soit les actions qui visent à établir, non pas la possession ou la détention d’un bien, mais le fond du droit de propriété.

En effet, il était toujours difficile d’exiger du juge qu’il ignore le fond du droit lorsqu’il est saisi au possessoire.

À cela s’ajoutait la règle énoncée à l’ancien article 1265 du Code civil qui posait le principe de non-cumul de l’action possessoire avec l’action pétitoire. Celui qui agissait au fond n’était pas recevable à agir au possessoire et le défendeur au possessoire ne peut agir au fond qu’après avoir mis fin au trouble.

En outre, il est apparu au législateur que les actions en référé étaient préférées aux actions possessoires, rendues trop complexes en raison notamment de ce principe du non-cumul du possessoire et du pétitoire.

Aussi, le groupe de travail sur la réforme du droit des biens, présidé par le professeur Périnet-Marquet, sous l’égide de l’association Henri Capitant, a « dans un but de simplification souhaité la suppression pure et simple des actions possessoires figurant dans le code de procédure civile »

Cette idée a été reprise une première fois par la Cour de cassation, dans son rapport d’activité de 2009. Selon ce rapport « les multiples difficultés nées de l’application de ce principe et de l’efficacité des procédures de référé actuelles permettent légitimement de justifier la suppression suggérée, la protection du trouble causé par une voie de fait relevant des attributions du juge des référés et le tribunal de grande instance statuant au fond sur le litige de propriété proprement dit ».

Un premier pas vers un rapprochement des actions possessoires et pétitoires avait été fait en 2005, lorsque le décret n°2005-460 du 13 mai 2005 relatif aux compétences des juridictions civiles, à la procédure civile et à l’organisation judiciaire a transféré la compétence du juge d’instance en matière d’action possessoire au juge du Tribunal de grande instance qui était déjà investi d’une compétence exclusive en matière d’action pétitoire.

Le législateur a finalement décidé de supprimer les actions possessoires en 2015 du dispositif de protection de la possession.

==> Droit positif

La loi n°2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures a donc abrogé l’ancien article 2279 du Code civil qui envisageait les actions possessoires.

Aussi, désormais, la seule action qui vise à assurer la protection du possesseur contre les troubles dont il est susceptible de faire l’objet est l’action en référé.

En matière de servitude, cette procédure n’est toutefois ouverte qu’aux seules servitudes apparentes et continues, ainsi qu’à celles qui reposent sur un titre.

La raison en est que les servitudes discontinues et non-apparentes ne peuvent pas s’acquérir par prescription, de sorte que leur possession est insusceptible de protection.

Lorsque, en revanche, le possesseur dispose d’un titre, il y a une présomption de titularité de la servitude qui justifie la protection de la possession.

Reste que l’action engagée devra remplir les conditions de recevabilité de l’action en référé qui ne vise pas à trancher le litige au fond, mais seulement à prononcer des mesures provisoires.

Cette procédure est confiée à un juge unique, généralement le président de la juridiction qui rend une ordonnance de référé.

L’article 484 du Code de procédure civile définit l’ordonnance de référé comme « une décision provisoire rendue à la demande d’une partie, l’autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n’est pas saisi du principal le pouvoir d’ordonner immédiatement les mesures nécessaires. »

Il ressort de cette disposition que la procédure de référé présente trois caractéristiques :

  • D’une part, elle conduit au prononcé d’une décision provisoire, en ce sens que le juge des référés ne se prononce pas sur le fond du litige. L’ordonnance rendue en référé n’est donc pas définitive
  • D’autre part, la procédure de référé offre la possibilité à un requérant d’obtenir du Juge toute mesure utile afin de préserver ses droits et intérêts
  • Enfin, la procédure de référé est, à la différence de la procédure sur requête, placée sous le signe du contradictoire, le Juge ne pouvant statuer qu’après avoir entendu les arguments du défendeur

Le juge des référés, juge de l’urgence, juge de l’évidence, juge de l’incontestable, paradoxalement si complexes à saisir, est un juge au sens le plus complet du terme.

Il remplit une fonction sociale essentielle, et sa responsabilité propre est à la mesure du pouvoir qu’il exerce.

Selon les termes de Pierre DRAI, ancien Premier Président de la Cour de cassation « toujours présent et toujours disponible (…) (il fait) en sorte que l’illicite ne s’installe et ne perdure par le seul effet du temps qui s’écoule ou de la procédure qui s’éternise ».

Le référé ne doit cependant pas faire oublier l’intérêt de la procédure à jour fixe qui répond au même souci, mais avec un tout autre aboutissement : le référé a autorité provisoire de chose jugée alors que dans la procédure à jour fixe, le juge rend des décisions dotées de l’autorité de la chose jugée au fond.

En toute hypothèse, avant d’être une technique de traitement rapide aussi bien de l’urgence que de plusieurs cas d’évidence, les référés ont aussi été le moyen de traiter l’urgence née du retard d’une justice lente.

Reste que les fonctions des référés se sont profondément diversifiées. Dans bien des cas, l’ordonnance de référé est rendue en l’absence même d’urgence.

Mieux encore, lorsqu’elle satisfait pleinement le demandeur, il arrive que, provisoire en droit, elle devienne définitive en fait – en l’absence d’instance ultérieure au fond.

En outre, la Cour européenne des droits de l’homme applique désormais au juge du provisoire les garanties du procès équitable de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH, gde ch., arrêt du 15 octobre 2009, Micallef c. Malte, no 17056/06). S’affirme ainsi une véritable juridiction du provisoire.

Le juge des référés est saisi par voie d’assignation. Il instruit l’affaire de manière contradictoire lors d’une audience publique, et rend une décision sous forme d’ordonnance, dont la valeur n’est que provisoire et qui n’est pas dotée au fond de l’autorité de la chose jugée.

L’ordonnance de référé ne tranche donc pas l’entier litige. Elle est cependant exécutoire à titre provisoire.

Le recours au juge des référés, qui n’est qu’un juge du provisoire et de l’urgence, n’est possible que dans un nombre limité de cas :

  • Le référé d’urgence
    • Dans les cas d’urgence, le juge peut prononcer toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence du litige en question. On dit à cette occasion que le juge des référés est le juge de l’évidence, de l’incontestable.
  • Le référé conservatoire
    • Le juge des référés peut également prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite (il peut ainsi, par exemple, suspendre la diffusion d’une publication portant manifestement atteinte à la vie privée d’un individu).
  • Le référé provision
    • Le juge des référés est compétent pour accorder une provision sur une créance qui n’est pas sérieusement contestable.
  • Le référé injonction
    • Le juge des référés peut enjoindre une partie d’exécuter une obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire
  • Le référé probatoire
    • Lorsqu’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de certains faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, le juge peut ordonner des mesures d’instruction, par exemple une expertise.

S’agissant de la protection de la possession, pour exercer une action en référé il conviendra de remplir les conditions de recevabilité propres à chaque action.

S’agissant du référé urgence, l’article 834 du CPC) prévoit que « dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend » (Pour plus de détails V. Fiche sur le référé d’urgence).

S’agissant du référé conservatoire ou remise en état, l’article 835, al. 1er prévoit que « le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite » (Pour plus de détails V. Fiches sur le référé conservatoire et sur le référé remise en état).