La nullité du contrat : régime juridique

I) Vue générale

A) Notion

Aux termes du nouvel article 1178 du Code civil introduit par l’ordonnance du 10 février 2016, « un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. ».

Par « nul », il faut comprendre, poursuit cette disposition, qu’il « est censé n’avoir jamais existé. »

Il ressort de cette définition générale de la nullité qu’elle présente deux caractères principaux :

  • Elle sanctionne les conditions de formation de l’acte irrégulier
  • Elle anéantit l’acte qu’elle frappe rétroactivement

B) Nullité et notions voisines

1. Nullité et caducité

?Défaillance

La caducité et la nullité ne viseraient donc pas à sanctionner les mêmes défaillances.

  • La nullité
    • Elle sanctionne le non-respect d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation.
  • La caducité
    • Elle s’identifie à l’état d’un acte régulièrement formé initialement, mais qui, en raison de la survenance d’une circonstance postérieure, perdrait un élément essentiel à son existence.

?Volonté des parties

Pour être acquise, la caducité doit résulter de la survenant d’un événement indépendant de la volonté des parties.

Admettre le contraire reviendrait à conférer indirectement aux parties un droit de rupture unilatérale du contrat.

?Effets

  • La nullité
    • Elle est, en principe, assortie d’un effet rétroactif.
    • L’acte est donc anéanti, tant pour ses effets futurs que pour ses effets passés.
  • La caducité
    • Selon les termes de l’article 1187 du Code civil, elle met simplement fin au contrat, de sort qu’elle n’opère que pour l’avenir.
    • Les parties pourront toujours solliciter des restitutions.

2. Nullité et résolution

?Défaillance

Comme la caducité, la résolution ne vise à pas sanctionner la même défaillance que la nullité.

  • La nullité
    • Elle sanctionne le non-respect d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation.
  • La résolution
    • Elle sanctionne une irrégularité qui procède de la survenance d’une circonstance postérieure à la formation.
    • Cette irrégularité consiste
      • Soit en une inexécution
      • Soit en la non-réalisation d’une condition

Tandis que la nullité intervient au moment de la formation du contrat, la résolution ne peut survenir qu’au cours de son exécution.

?Effets

  • Principe
    • La nullité et la résolution produisent les mêmes effets : elles sont toutes les deux assorties d’un effet rétroactif.
  • Exception
    • En matière de contrat à exécution successive, il ressort de l’article 1229, al. 3 du Code civil que « lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation. »
    • Autrement dit, contrairement à la résolution, la résiliation anéantit le contrat seulement pour l’avenir.
    • Elle ne produit aucun effet rétroactif.

3. Nullité et rescision

?Défaillance

  • La nullité
    • Elle sanctionne le non-respect d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation.
  • La rescision
    • Elle sanctionne la lésion qui affecte certains contrats au moment de leur formation.
    • Par lésion, il faut entendre le préjudice subi par l’une des parties au moment de la conclusion du contrat, du fait d’un déséquilibre existant entre les prestations.

?Effets

Tant la nullité que la rescision sont assorties d’un effet rétroactif. Le contrat est anéanti, tant pour ses effets futurs que pour ses effets passés

4. Nullité et inopposabilité

?Défaillance

Tant la nullité que l’inopposabilité résultent du non-respect d’une condition de formation du contrat.

L’inopposabilité résultera, le plus souvent, du non-accomplissement d’une formalité de publicité.

?Effets

  • La nullité
    • Elle anéantit l’acte qu’elle frappe, tant pour ses effets futurs que pour ses effets passés.
  • L’inopposabilité
    • Contrairement à la nullité, elle n’a pas pour effet d’anéantir l’acte : il demeure valable entre les parties
    • L’inopposabilité a seulement pour effet de rendre l’acte inefficace pour les tiers.

5. Nullité et inexistence

?Défaillance

  • La nullité
    • Elle sanctionne le non-respect d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation.
  • L’inexistence
    • Si l’inexistence se rapproche de la nullité en ce qu’elle consiste en la sanction prononcée à l’encontre d’un acte dont l’un des éléments constitutifs essentiels à sa formation fait défaut.
    • Elle s’en distingue, en ce qu’elle intervient lorsque la défaillance qui atteint l’une des conditions de validité de l’acte porte sur son processus de formation.
    • Autrement dit, tandis qu’en matière de nullité l’échange des consentements a eu lieu, tel n’est pas le cas en matière d’inexistence.
    • Aussi, l’inexistence vient-elle précisément sanctionner l’absence de rencontre des volontés.
    • Dans un arrêt du 5 mars 1991, la Cour de cassation a approuvé en ce sens une Cour d’appel qui, après avoir relevé qu’aucun échange de consentement n’était intervenu entre les parties, a estimé qu’il n’y avait pas pu y avoir de contrat elles (Cass. 1ère civ., 5 mars 1991, n°89-17.167).
    • Conformément à cette jurisprudence, l’erreur obstacle devrait donc, en toute logique, être sanctionnée par l’inexistence, comme le soutiennent certains auteurs et non par la nullité.

?Effets

  • La nullité
    • Dans l’hypothèse, où le non-respect d’une condition de validité du contrat est sanctionné par la nullité, celui qui entend contester l’acte dispose d’un délai de 5 ans pour agir.
    • Conformément à l’article 2224 du Code civil, le point de départ de ce délai de prescription court à compter « du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »
    • Il s’agira, le plus souvent, du jour de la conclusion du contrat.
  • L’inexistence
    • Dans l’hypothèse toutefois où la sanction prononcée est l’inexistence de l’acte, le contrat n’a jamais été formé puisque les volontés ne se sont pas rencontrées.
    • Il en résulte que les parties à l’acte inexistant ne sauraient se prévaloir d’aucun droit, sinon de celui de faire constater l’inexistence.
    • Aussi, l’exercice de l’action en inexistence n’est-il subordonné à l’observation d’un quelconque délai de prescription.
    • L’intérêt de la sanction de l’inexistence ne tient pas seulement à l’absence de prescription de l’action.
    • Elle réside également dans l’impossibilité pour les parties de confirmer l’acte.
    • On ne saurait, en effet, confirmer la validité d’un acte qui n’a jamais existé.

C) La summa divisio des nullités

Traditionnellement, on distingue deux catégories de nullités :

  • Les nullités relatives
  • Les nullités absolues

La question qui immédiatement se pose est alors se savoir quel critère retenir pour les distinguer. Sur cette question, deux théories se sont opposées : l’une dite classique et l’autre moderne

?La théorie classique

Selon cette théorie, née au XIXe siècle, le critère de distinction entre les nullités relatives et les nullités absolues serait purement anthropomorphique.

Autrement dit, le contrat pourrait être comparé à un être vivant, lequel est composé d’organes.

Or ces organes peuvent, soit faire défaut, ce qui serait synonyme de mort, soit être défectueux, ce qui s’apparenterait à une maladie.

Selon la doctrine de cette époque, il en irait de même pour le contrat qui est susceptible d’être frappé par différents maux d’une plus ou moins grande gravité.

En l’absence d’une condition d’existence (consentement, objet, cause) l’acte serait mort-né : il encourrait la nullité absolue

Lorsque les conditions d’existence seraient réunies mais que l’une d’elles serait viciée, l’acte serait seulement malade : il encourrait la nullité relative

Cette théorie n’a pas convaincu les auteurs modernes qui lui ont reproché l’artifice de la comparaison.

?La théorie moderne

La théorie classique des nullités a été vivement critiquée, notamment par Japiot et Gaudemet.

Selon ces auteurs, le critère de distinction entre la nullité relative et la nullité absolue réside, non pas dans la gravité du mal qui affecte l’acte, mais dans la finalité poursuivie par la règle sanctionnée par la nullité.

Ainsi, selon cette théorie :

  • La nullité absolue viserait à assurer la sauvegarde de l’intérêt général, ce qui justifierait qu’elle puisse être invoquée par quiconque à un intérêt à agir
  • La nullité relative viserait à assurer la sauvegarde d’un intérêt privé, ce qui justifierait qu’elle ne puisse être invoquée que par la personne protégée par la règle transgressée

S’il est indéniable que le critère de distinction proposé par la doctrine moderne est d’application plus aisé que le critère anthropomorphique, il n’en demeure pas moins, dans certains cas, difficile à mettre en œuvre.

Qui plus est, il ressort de la jurisprudence que les tribunaux n’ont absolument pas renoncé au premier critère.

Il est, en effet, constant en jurisprudence que les vices de forme ou l’absence d’objet sont sanctionnés par une nullité absolue, alors même que ces conditions de validité de l’acte visent à protéger moins l’intérêt général, que l’intérêt des cocontractants.

Aussi, cela témoigne-t-il, sans aucun doute, de l’existence d’une certaine corrélation entre la gravité du mal qui affecte l’acte et la sanction appliquée.

À l’occasion de la réforme des obligations, le législateur n’est pas resté étranger à ce débat.

On peut lire dans le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016 qu’il a entendu consacrer « ce qu’il est convenu d’appeler la théorie moderne des nullités »

Cette volonté du législateur de trancher le débat relatif au critère de distinction entre la nullité absolue et la nullité relative, s’est traduite par l’introduction d’un nouvel article 1179 dans le Code civil.

Cette disposition prévoit désormais que la nullité est :

  • Absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général.
  • Relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé.

Aussi, est-ce toujours autour de cette distinction que s’articule le régime juridique de l’action en nullité (I)

Que la nullité soit absolue ou relative, cela n’aura toutefois aucune répercussion sur les effets de la nullité (II)

II) L’action en nullité

A) Les titulaires de l’action en nullité

Afin de déterminer qui a qualité à agir en annulation d’un acte, il convient de déterminer si la sanction de la règle transgressée est une nullité absolue ou relative.

1. L’invocation de la nullité absolue

?Principe : indifférence de la qualité à agir

Aux termes du nouvel article 1180 du Code civil « la nullité absolue peut être demandée par toute personne justifiant d’un intérêt, ainsi que par le ministère public. »

Cela signifie que le périmètre de l’action s’étend au-delà de la sphère des parties.

L’étendue de ce périmètre se justifie par la nature de la transgression qui est sanctionnée.

L’atteinte est portée, en pareil cas, à une règle protectrice de l’intérêt général. Potentiellement ce sont donc tous les sujets droits qui sont visés par cette atteinte.

Dans ces conditions, il n’est pas illégitime d’admettre qu’ils puissent agir en nullité de l’acte qu’il leur fait grief aux fins d’assurer la sauvegarde de leurs intérêts.

?Condition : exigence d’un intérêt à agir

Si, en matière de nullité absolue, l’article 1180 du Code civil ne restreint pas le nombre de personnes qui ont qualité à agir, il n’en subordonne pas moins l’exercice de l’action à l’existence d’un intérêt.

Pour invoquer la nullité absolue d’un acte cela suppose, autrement dit, d’être en mesure de justifier :

  • En premier lieu
    • d’un intérêt légitime au sens de l’article 31 du Code de procédure civile, soit d’un intérêt qui entretient un lien suffisamment étroit avec la cause de nullité.
  • En second lieu
    • d’un intérêt direct ce qui pose la question de la faculté pour les associations et autres groupements de défense des intérêts collectifs d’agir en nullité.
    • Dans un arrêt du 22 janvier 2014, cela n’a toutefois pas empêché la Cour de cassation de reconnaître à un syndicat son intérêt à agir en nullité d’un acte (Cass. 1ère civ. 22 janv. 2014, n°13-12.675).

?Les personnes qui ont un intérêt à agir

  • Les parties
    • De par leur engagement à l’acte, les parties ont, en toutes circonstances, intérêt à soulever une cause de nullité absolue.
    • Elles y sont intéressées au premier chef.
    • Cette faculté leur est offerte, quand bien même le contractant qui solliciterait la nullité serait à l’origine du vice qui affecte l’acte.
    • La raison en est que l’adage nemo auditur n’est applicable aux effets de l’action engagée et non à ses causes.
  • Les créanciers
    • Les créanciers peuvent justifier d’un intérêt à agir s’ils démontrent que l’acte conclu par leur débiteur leur cause un préjudice.
    • Dans le cas, contraire l’action en nullité leur sera fermée
  • Les tiers
    • La possibilité pour un tiers d’agir en nullité semble extrêmement restreinte.
    • Par définition, le tiers est insusceptible d’être atteint par les effets de l’acte.
    • Dans ces conditions, il ne semble pas pouvoir être en mesure de justifier d’un intérêt à agir, sauf à envisager que l’exécution de l’acte lui cause préjudice
  • Le ministère public
    • La possibilité pour le ministère public d’agir en nullité absolue de l’acte est expressément prévue par l’article 1180 du Code civil.
    • Son action n’est subordonnée, a priori, au respect d’aucune condition en particulier.
    • En pratique toutefois
      • d’une part, son intervention sera subsidiaire
      • d’autre part, il ne soulèvera que les causes de nullité relatives à l’illicéité du contenu de l’acte

2. L’invocation de la nullité relative

?Restriction des personnes ayant qualité à agir

Aux termes de l’article 1181 du Code civil « la nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger. »

Ainsi, la loi restreint-elle le cercle des personnes ayant qualité à agir en nullité relative d’un acte. Cette disposition est d’ordre public. Il ne saurait, en conséquence, y être dérogé par convention contraire.

?Les personnes ayant qualité à agir

  • Les contractants
    • La règle dont la violation est sanctionnée par une nullité relative vise, le plus souvent, à protéger les contractants
    • Mécaniquement, c’est donc l’une des parties au contrat qui sera seule titulaire de l’action en nullité
    • Il en ira ainsi en matière :
      • de vices du consentement
      • de lésion (lorsqu’elle est reconnue)
      • d’incapacité
    • Il peut être observé que l’action en nullité ne pourra être exercée que par la partie victime de la violation de la règle sanctionnée par une nullité relative
    • Son cocontractant sera, en conséquence, privé du droit d’agir, quand bien même il justifierait d’un intérêt.
  • Les représentants légaux
    • En ce qu’ils agissent au nom et pour le compte de la personne protégée, les représentants légaux peuvent exercer l’action en nullité (tuteur, curateur etc.).
  • Les ayants cause
    • Lorsque les droits de la personne protégée sont transmis à un ayant cause, celui-ci devient titulaire des actions attachées à ces droits, dont l’action en nullité qui dès lors, pourra être exercée par lui.
  • Les créanciers
    • Si, par principe, les créanciers n’auront pas qualité à agir pour exercer directement l’action en nullité lorsque ladite nullité est relative, ils pourront néanmoins agir par voie d’action oblique.
    • L’article 1341-1 du Code civil prévoit en ce sens que « lorsque la carence du débiteur dans l’exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier, celui-ci peut les exercer pour le compte de son débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement rattachés à sa personne. »

B) Les pouvoirs du juge

?Principe : la nullité judiciaire

  • Le monopole du juge
    • En principe, seul le juge est investi du pouvoir de prononcer la nullité du contrat.
    • L’article 1178 du Code civil dispose que « la nullité doit être prononcée par le juge ».
    • Cette règle se justifie par la présomption de validité qui pèse sur les conventions.
    • Cette présomption a été instituée aux fins d’assurer la sécurité des actes juridiques.
    • Il sera par conséquent nécessaire pour celui qui agit en nullité d’un acte de saisir la juridiction compétente, avant d’entreprendre toute rupture de la relation contractuelle.
    • Aussi, appartiendra-t-il au juge une fois saisi
      • D’abord de vérifier les conditions de validité de l’acte
      • Ensuite de constater sa nullité si établie
      • Enfin de prononcer sur les effets de la nullité
    • Quid néanmoins dans l’hypothèse où, au cours d’une instance, le juge relève une nullité, mais qu’elle n’a pas été soulevée par les parties ?
    • C’est toute la question de l’office du juge.
  • L’office du juge
    • Le juge peut-il relever d’office la nullité d’un acte ?
    • Les textes sont silencieux sur cette question.
    • Tout au plus, l’article 12 du Code de procédure civil prévoit que « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. »
    • Toutefois, il ressort de la jurisprudence (Cass. 1ère civ. 22 mai 1985, n°84-10.572) que le juge dispose de cette faculté à la condition qu’il fonde sa décision
      • D’une part sur des faits inclus dans les débats (art. 7 CPC)
      • D’autre part que ces faits aient été débattus contradictoirement par les parties (art. 16 CPC)
    • La jurisprudence n’opère aucune distinction, selon que la nullité est absolue ou relative.

?Exception : la nullité conventionnelle

Si, en principe, la nullité d’un acte ne produit d’effets qu’à la condition d’être prononcée par le juge, l’article 1178 du Code civil prévoit que cette règle est écartée lorsque les parties constatent la nullité « d’un commun accord ».

Cette faculté qu’ont les parties à tirer, elles-mêmes, les conséquences de la nullité d’un acte résulte du principe du mutus dissens.

Autrement dit, ce que les contractants ont consenti à faire, ils doivent pouvoir le défaire au moyen de cette même volonté.

Cette conception du pouvoir dont sont titulaires les parties, consacrée par le législateur à l’occasion de la réforme des obligations, participe de sa volonté, d’une part, de leur conférer une plus grande autonomie, mais encore de désengorger les tribunaux.

En matière fiscale néanmoins, il peut être observé que les parties n’auront pas la possibilité d’opposer au Trésor public la nullité amiable.

L’article 1961, al. 2 du CGI dispose en ce sens que « en cas de rescision d’un contrat pour cause de lésion, ou d’annulation d’une vente pour cause de vices cachés et, au surplus, dans tous les cas où il y a lieu à annulation, les impositions visées au premier alinéa perçues sur l’acte annulé, résolu ou rescindé ne sont restituables que si l’annulation, la résolution ou la rescision a été prononcée par un jugement ou un arrêt passé en force de chose jugée. »

C) La prescription de l’action en nullité

Afin d’envisager la question de la prescription, il convient de distinguer selon que la nullité est invoquée par voie d’action ou par voie d’exception.

Tandis que dans le premier cas, le délai de prescription est de 5 ans, dans le second il est perpétuel.

1. L’invocation de la nullité par voie d’action

On dit de la nullité qu’elle est invoquée par voie d’action, lorsque celui qui soulève ce moyen est le demandeur à l’instance.

?Le délai de prescription

Lorsque la nullité est invoquée par voie d’action l’article 2224 du Code civil dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans ».

Antérieurement à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, le délai de prescription de l’action en nullité était différent que la nullité était absolue ou relative :

  • Lorsque la nullité était absolue, le délai de prescription était de 30 ans
  • Lorsque la nullité était relative, le délai de prescription était de 5 ans

Désormais, il n’y a plus lieu de distinguer selon que la nullité est absolue ou relative.

Dans les deux cas, le délai de prescription de l’action en nullité est de 5 ans.

?Le point de départ du délai

  • La fixation du point de départ du délai
    • Aux termes de l’article 2224 du Code civil le délai de prescription de l’action en nullité court « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »
    • Cela signifie donc que tant que le titulaire de l’action en nullité n’a pas connaissance de la cause de nullité qui affecte l’acte, le délai de prescription ne court pas ; son point de départ est reporté
    • En matière de vices du consentement, l’article 1144 précise que le délai de l’action en nullité ne court
      • D’une part, en cas d’erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts
      • D’autre part, en cas de violence, que du jour où elle a cessé.
  • Le report du point de départ du délai
    • L’article 2232, al. 2 du Code civil pose une limite au report du point de départ du délai de prescription de l’action en nullité.
    • Cette disposition prévoit, en effet, que « le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. »
    • Ainsi, le point de départ de la prescription ne peut être reporté que dans la limite de 20 ans à compter du jour de la conclusion de l’acte.

?L’invocation de la prescription

  • Les parties
    • Aux termes de l’article 2248 du Code civil, les parties ont la faculté de soulever la nullité d’un acte en première instance et en appel.
    • La voie leur est fermée en cas de pourvoi en cassation.
  • Le juge
    • L’article 2247 interdit au juge de « suppléer d’office le moyen résultant de la prescription ».
    • Autrement dit, il revient aux parties d’invoquer la prescription de l’action en nullité.
    • À défaut, elle sera sans effet.

2. L’invocation de la nullité par voie d’exception

On dit que la nullité est invoquée par voie d’exception lorsque celui qui la soulève est le défendeur à l’instance.

Ce dernier est conduit à soulever la nullité de l’acte dans le cadre du débat contradictoire qui va s’instaurer avec le demandeur dont ce dernier est à l’initiative, puisque auteur de l’acte introductif d’instance.

?Le principe de perpétuité de l’exception de nullité

Lorsque la nullité est soulevée par voie d’action, le délai de prescription est très différent de celui imparti à celui qui agit par voie d’action.

Aux termes de l’article 1185 du Code civil « l’exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n’a reçu aucune exécution. »

Il ressort de cette disposition que l’exception de nullité est perpétuelle.

Cette règle n’est autre que la traduction de l’adage quae temporalia ad agendum perpetua sunt ad excipiendum, soit les actions sont temporaires, les exceptions perpétuelles

Concrètement, cela signifie que, tandis que le demandeur peut se voir opposer la prescription de son action en nullité pendant un délai de 5 ans, le défendeur pourra toujours invoquer la nullité de l’acte pour échapper à son exécution.

Cette règle a été instituée afin d’empêcher que le créancier d’une obligation n’attende la prescription de l’action pour solliciter l’exécution de l’acte sans que le débiteur ne puisse lui opposer la nullité dont il serait frappé.

?Les conditions à la perpétuité de l’exception de nullité

Pour que l’exception de nullité soit perpétuelle, trois conditions doivent être réunies

  • Première condition
    • Conformément à un arrêt rendu par la Cour de cassation le 1er décembre 1998 « l’exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte juridique qui n’a pas encore été exécuté » (Cass. 1ère civ. 1er déc. 1998, n°96-17.761)
    • Autrement dit, l’exception de nullité doit être soulevée par le défendeur pour faire obstacle à une demande d’exécution de l’acte
    • Dans le cas contraire, l’exception en nullité ne pourra pas être opposée au demandeur dans l’hypothèse où l’action serait prescrite.
  • Deuxième condition
    • Il ressort de l’article 1185 du Code civil, que l’exception de nullité est applicable à la condition que l’acte n’ai reçu aucune exécution.
    • Cette solution avait été adoptée par la Cour de cassation dans un arrêt du 4 mai 2012 (Cass. 1ère civ. 4 mai 2012, n°10-25.558)
    • Dans cette décision, elle a affirmé que « la règle selon laquelle l’exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte qui n’a pas encore été exécuté »
    • Cette règle a été complétée par la jurisprudence dont il ressort que peu importe :
      • Que le contrat n’ait été exécuté que partiellement (Cass. 1ère civ. 1er déc. 1998)
      • Que la nullité invoquée soit absolue ou relative (Cass. 1ère civ. 24 avr. 2013).
      • Que le commencement d’exécution ait porté sur d’autres obligations que celle arguée de nullité (Cass. 1ère civ. 13 mai 2004).
  • Troisième condition
    • Bien que l’article 1185 ne le précise pas, l’exception de nullité n’est perpétuelle qu’à la condition qu’elle soit invoquée aux fins d’obtenir le rejet des prétentions de la partie adverse
    • Dans l’hypothèse où elle serait soulevée au soutien d’une autre demande, elle devrait alors être requalifiée en demande reconventionnelle au sens de l’article 64 du Code de procédure civil.
    • Aussi, se retrouverait-elle à la portée de la prescription qui, si elle n’affecte jamais l’exception, frappe toujours l’action.
    • Or une demande reconventionnelle s’apparente à une action, en ce sens qu’elle consiste pour son auteur à « être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée » (art. 30 CPC).

III) L’étendue de la nullité

Longtemps, la question s’est posée de savoir si la nullité ne devait avoir que pour effet d’anéantir l’acte qu’elle affecte dans son ensemble ou si elle pouvait ne porter que sur certaines clauses.

Lorsque le contrat est privé d’objet ou que le consentement d’une partie à l’acte fait défaut ou est vicié, cette question ne soulève pas de difficultés.

Mais quid dans l’hypothèse où seule une stipulation est illicite ?

Dans certains cas, le législateur surmonte cette difficulté en prévoyant une sanction spéciale, qui tend à se développer de plus en plus : le réputé non écrit.

En pareil cas, seule la clause entachée d’irrégularité est anéantie, tandis que le contrat est quant à lui maintenu.

Exemple :

  • L’article 1170 dispose que « toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. »
  • L’article 1171 prévoit encore que « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. »

En dehors de textes spécifiques, quelle solution adopter en cas d’irrégularité d’une stipulation contractuelle ?

A) Droit antérieur

Avant la réforme des obligations, le Code civil ne comportait aucune disposition de portée générale régissant l’étendue de la nullité.

Tout au plus, on a pu voir dans la combinaison des articles 900 et 1172 une distinction à opérer s’agissant de l’étendue de la nullité entre les actes à titre gratuit et les actes à titre onéreux.

  • Les actes à titre gratuit
    • L’article 900 du Code civil prévoit que « dans toute disposition entre vifs ou testamentaire, les conditions impossibles, celles qui sont contraires aux lois ou aux mœurs, seront réputées non écrites »
    • Pour les actes à titre gratuit, la nullité pourrait donc n’être que partielle en cas d’illicéité d’une clause.
  • Les actes à titre onéreux
    • L’ancien article 1172 prévoyait que « toute condition d’une chose impossible, ou contraire aux bonnes mœurs, ou prohibée par la loi est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend »
    • Sur le fondement de cette disposition les auteurs estimaient que, pour les actes à titre onéreux, l’illicéité d’une stipulation contractuelle entachait l’acte dans son ensemble de sorte que la nullité ne pouvait être totale.

Manifestement, la jurisprudence a très largement dépassé ce clivage.

Les tribunaux ont préféré s’appuyer sur le critère du caractère déterminant de la clause dans l’esprit des parties (Voir en sens notamment Cass. 3e civ., 24 juin 1971, n°70-11.730)

Aussi, la détermination de l’étendue de la nullité supposait-elle de distinguer deux situations :

  • Lorsque la clause présente un caractère « impulsif et déterminant », soit est essentielle, son illicéité affecte l’acte dans son entier
    • La nullité est donc totale
  • Lorsque la clause illicite ne présente aucun caractère « impulsif et déterminant », soit est accessoire, elle est seulement réputée non-écrite
    • La nullité est donc partielle

Jugeant le Code civil « lacunaire » sur la question de l’étendue de la nullité, à l’occasion de la réforme des obligations, le législateur a consacré la théorie de la nullité partielle, reprenant le critère subjectif institué par la jurisprudence.

B) Réforme des obligations

Le législateur n’a pas seulement consacré la théorie de la nullité partielle, il en également profité pour clarifier le système instauré par la jurisprudence.

Pour ce faire, il a envisagé deux sortes de maintien du contrat :

?Le maintien de principe

Aux termes de l’article 1184, al. 1er du Code civil, « lorsque la cause de nullité n’affecte qu’une ou plusieurs clauses du contrat, elle n’emporte nullité de l’acte tout entier que si cette ou ces clauses ont constitué un élément déterminant de l’engagement des parties ou de l’une d’elles. »

Il ressort de cette disposition que quand bien même un acte est affecté par une cause de nullité, il peut être sauvé.

Le juge dispose, en effet, de la faculté de ne prononcer qu’une nullité partielle de l’acte.

Cela suppose toutefois que deux conditions soient remplies :

  • L’illicéité affecte une ou plusieurs clauses de l’acte
  • La stipulation desdites clauses ne doit pas avoir été déterminante de l’engagement des parties

Si ces deux conditions sont remplies, les clauses affectées par la cause de nullité seront réputées non-écrites

?Le maintien d’exception

Le législateur a prévu à l’alinéa 2 de l’article 1184 du Code civil deux hypothèses de maintien du contrat, quand bien même les conditions exigées à l’alinéa 1er ne seraient pas remplies.

Peu importe donc que la stipulation de la clause illicite ait été ou non déterminante de l’engagement des parties.

Le contrat sera, en tout état de cause maintenu.

  • Première hypothèse
    • Le contrat est maintenu lorsque la loi répute la clause non écrite
    • Ainsi, la règle spéciale déroge à la règle générale.
  • Seconde hypothèse
    • Le contrat est maintenu lorsque la finalité de la règle méconnue exige son maintien
    • Cette hypothèse se rencontrera lorsque le maintien du contrat est regardé comme une sanction pour celui contre qui la nullité partielle est prononcée.

IV) Les effets de la nullité

Plusieurs effets sont attachés à la nullité d’un acte. Il convient de distinguer les effets de la nullité à l’égard des parties des effets à l’égard des tiers

A) Les effets de la nullité à l’égard des parties

À l’égard des parties, il ressort de l’article 178 du Code civil que les effets de la nullité sont au nombre de trois.

?L’effet rétroactif de la nullité

Le principal effet de la nullité c’est la rétroactivité. Par rétroactivité il faut entendre que l’acte est censé n’avoir jamais existé.

Cela signifie, autrement dit, que le contrat est anéanti, tant pour ses effets futurs que pour ses effets passés.

Dans l’hypothèse où l’acte a reçu un commencement d’exécution, voire a été exécuté totalement, l’annulation du contrat suppose de revenir à la situation antérieure, soit au statu quo ante.

Pour ce faire, il conviendra alors de procéder à des restitutions.

?Les restitutions

Conséquence de l’effet rétroactif de la nullité, l’obligation de restitution qui échoit aux parties consiste pour ces dernières à rendre à l’autre ce qu’elle a reçu.

Les restitutions qui résultent de la nullité d’un acte sont régies aux articles 1352 à 1352-9 du Code civil.

L’objectif poursuivi par les restitutions est de remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient antérieurement à la conclusion du contrat.

Cet objectif se révélera toutefois, dans bien des cas, difficile à atteindre, notamment lorsque la restitution portera sur une chose consomptible, périssable ou encore qui a fait l’objet de dégradation. Quid encore de la restitution des fruits procurés par la chose restituée ?

Toutes ces questions sont traitées dans un chapitre propre aux restitutions, destiné à unifier la matière et à s’appliquer à toutes formes de restitutions, qu’elles soient consécutives à l’annulation, la résolution, la caducité ou encore la répétition de l’indu.

?L’octroi de dommages et intérêts

Aux termes de l’article 1178, al. 4 du Code civil « indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle. »

Ainsi, la partie qui obtient la nullité d’un acte peut se voir octroyer, si elle justifie d’un préjudice, des dommages et intérêts. Elle ne pourra engager la responsabilité de son cocontractant que sur le terrain de la responsabilité délictuelle puisque l’acte est censé n’avoir jamais existé.

Dans un arrêt du 9 juillet 2004, la Chambre mixte a, toutefois, eu l’occasion de préciser que « la partie de bonne foi au contrat de vente annulé peut seule demander la condamnation de la partie fautive à réparer le préjudice qu’elle a subi en raison de la conclusion du contrat annulé » (Cass. ch. Mixte, 9 juill. 2004, n°02-16.302).

B) Les effets de la nullité à l’égard des tiers

?Principe

Dans la mesure où l’acte annulé est censé n’avoir jamais existé, il ne devrait en toute logique produire aucun effet à l’égard des tiers.

Toute prérogative octroyée à un tiers et qui a sa source dans le contrat annulé devrait normalement être anéantie.

Exemple :

  • Envisageons l’hypothèse où A vend un bien à B et que B le revend à C.
  • L’annulation du contrat entre A et B devrait avoir pour effet de priver C de la propriété du bien dont il est le sous-acquéreur.
  • Dans la mesure où B n’a, en raison de l’annulation du contrat, jamais été propriétaire du bien, il n’a pu valablement en transmettre la propriété à C.
  • Cette règle est exprimée par l’adage nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet : nul ne peut transmettre plus de droits qu’il n’en a.

?Correctifs

De toute évidence, la règle nemo plus juris porte atteinte à la sécurité juridique puisque l’annulation d’un acte est susceptible de remettre en cause nombre de situations juridiques constituées dans le lignage de cet acte.

Cette situation est d’autant plus injuste lorsque le tiers est de bonne foi, soit lorsqu’il ignorait la cause de nullité qui affectait l’acte initial.

C’est la raison pour laquelle, de nombreux correctifs ont été institués pour atténuer l’effet de la nullité d’un acte à l’égard des tiers.

  • La possession mobilière de bonne foi : aux termes de l’article 2276 du Code civil « en fait de meubles, la possession vaut titre »
    • Lorsqu’il est de bonne foi, le possesseur d’un bien meuble est considéré comme le propriétaire de la chose par le simple effet de la possession.
    • Dans notre exemple, C est présumé être le propriétaire du bien qui lui a été vendu par B, quand bien même le contrat conclu entre ce dernier et A est nul.
  • La prescription acquisitive immobilière
    • Après l’écoulement d’un certain temps, le possesseur d’un immeuble est considéré comme son propriétaire
    • Son droit de propriété est alors insusceptible d’être atteinte par la nullité du contrat
    • Le délai est de 10 pour le possesseur de bonne foi et de trente ans lorsqu’il est de mauvaise foi (art. 2272 C. civ.)
    • Il peut être observé que l’article 2274 prévoit que, en matière de prescription acquisitive, « la bonne foi est toujours présumée, et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver. »

V) Le remède à la nullité

Le vice qui affecte la validité d’un acte n’est pas sans remède. Il est possible de sauver l’acte de la nullité, en se prévalant de sa confirmation.

A) Notion de confirmation

Par confirmation, il faut entendre, selon l’article 1182 du Code civil « l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce »

Il s’agit, autrement dit, de la manifestation de volonté par laquelle le titulaire de l’action en nullité renonce à agir et, par un nouveau consentement, valide rétroactivement l’acte.

B) Distinctions

La confirmation doit principalement être distinguée de la régularisation et de la réfection de l’acte

  • Confirmation et régularisation
    • La régularisation consiste à valider un acte initialement nul en le purgeant du vice qui l’affecte.
    • À la différence de la confirmation, la régularisation de l’acte est opposable erga omnes
    • Tel n’est pas le cas de la confirmation qui ne produit d’effet qu’à l’égard du titulaire de l’action en nullité, lequel renonce simplement à son droit de critiquer l’acte.
    • C’est la raison pour laquelle la régularisation de l’acte est envisageable, tant en matière de nullité relative qu’en matière de nullité absolue.
    • Pour être efficace, elle doit néanmoins être permise par la loi.
    • Tel est, par exemple le cas en matière de rescision de la vente pour cause de lésion.
    • L’article 1681 du Code civil prévoit en ce sens que « dans le cas où l’action en rescision est admise, l’acquéreur a le choix ou de rendre la chose en retirant le prix qu’il en a payé, ou de garder le fonds en payant le supplément du juste prix, sous la déduction du dixième du prix total. »
  • Confirmation et réfection
    • La réfection consiste pour les parties d’un acte affecté par une cause de nullité à conclure un nouvel accord, semblable à celui qui avait donné naissance au contrat initial, mais expurgé de toute irrégularité.
    • Contrairement à la confirmation ou à la régularisation, la réfection ne produit aucun effet rétroactif.
    • Cette dernière s’apparente à la conclusion d’un nouveau contrat qui produit ses effets au jour de sa formation.
    • La réfection du contrat sera par exemple nécessaire lorsqu’une donation n’aura pas été effectuée en la forme authentique.
    • L’article 931-1 du Code civil prévoit, en effet, que « en cas de vice de forme, une donation entre vifs ne peut faire l’objet d’une confirmation. Elle doit être refaite en la forme légale. »

C) Domaine de la confirmation

Conformément aux articles 1180 et 1181 la confirmation ne peut être sollicitée qu’en matière de nullité relative.

Lorsque l’acte est affecté par une cause de nullité absolue, il ne peut pas être confirmé (art. 1180, al. 2e C. civ.).

Cette règle est logique : la confirmation de l’acte par une partie au contrat n’a pour effet que d’éteindre son propre droit de critique. Or l’action en nullité absolue appartient à tout intéressé.

D’où la limitation du domaine de la confirmation aux seules causes de nullité relative, dont l’invocation relève du monopole que d’une seule personne.

D) Conditions de la confirmation

Plusieurs conditions doivent être réunies pour que la confirmation sauve l’acte affecté par un vice de la nullité :

?Indifférence de l’expression de la confirmation

  • La confirmation expresse
    • Lorsque la confirmation est expresse, l’acte qui l’exprime doit mentionner l’objet de l’obligation et le vice affectant le contrat (art. 1182, al. 1er C. civ.)
    • Cette exigence vise à s’assurer que celui qui renonce à son droit à la critique de l’acte, a conscience, de l’existence d’une cause de nullité de l’acte.
  • La confirmation tacite
    • Bien que le Code n’envisage pas nommément la confirmation tacite de l’acte nul, il ne l’exclut pas.
    • L’article 1182, al. 3e du Code civil prévoit en ce sens que « l’exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation »
    • Ainsi, la seule exécution du contrat par la partie titulaire de l’action en nullité relative s’apparente à une confirmation, à la condition toutefois qu’elle ait conscience du vice qui affecte l’acte.

?L’exigence de postériorité de la confirmation

Conformément à l’article 1182, al. 2e du Code civil « la confirmation ne peut intervenir qu’après la conclusion du contrat. »

L’alinéa 3 précise que « en cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu’après que la violence a cessé. »

La solution retenue par le législateur est logique.

Elle se justifie par la nécessité d’empêcher que la victime du vice ne renonce prématurément à l’action en nullité.

Surtout, il est nécessaire que cette dernière ne soit plus sous l’emprise de son cocontractant ce qui est susceptible d’être le cas tant que le contrat n’a pas été conclu.

D’où l’exigence de postériorité de la confirmation à la conclusion de l’acte.

E) Effets de la confirmation

Aux termes de l’article 1182, al. 4e du Code civil « la confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers. »

Cela signifie que la confirmation d’un acte fait obstacle à ce que son auteur, après avoir renoncé à son droit de critiquer l’acte, soit exerce une action en nullité, soit oppose une exception tirée de l’existence d’une irrégularité.

Une fois confirmé, l’acte ne pourra donc plus être remis en cause. La confirmation de l’acte est alors opposable à l’égard de tous, sauf à ce que d’autres personnes soient titulaires de l’action en nullité relative.

Dans cette dernière hypothèse, pour que l’acte soit définitivement confirmé, tous ceux susceptibles d’agir en nullité devront avoir renoncé à leur droit de critiquer l’acte.

F) Action interrogatoire

?Principe

Parce que le contrat qui est affecté par une cause de nullité peut être anéanti à tout moment, la partie contre laquelle une action en nullité est susceptible d’être diligentée se retrouve dans une situation pour le moins précaire.

Tant que la nullité n’est pas prononcée l’acte est efficace. Il demeure toutefois sous la menace d’un anéantissement rétroactif.

Cette situation est susceptible de perdurer aussi longtemps que l’action en nullité n’est pas prescrite.

Aussi afin de ne pas laisser la partie qui subit cette situation dans l’incertitude, le législateur lui a conféré la faculté de contraindre le titulaire de l’action à nullité à se prononcer sur le maintien de l’acte.

Le nouvel article 1183 du Code civil prévoit en ce sens que « une partie peut demander par écrit à celle qui pourrait se prévaloir de la nullité soit de confirmer le contrat soit d’agir en nullité dans un délai de six mois à peine de forclusion. »

Cette disposition a, de la sorte, instauré une action interrogatoire au bénéfice de celui qui souhaite savoir si le titulaire de l’action en nullité entend réclamer l’anéantissement du contrat.

L’exercice de cette action est subordonné à la satisfaction d’un certain nombre de conditions.

?Conditions

  • Premièrement, l’action interrogatoire n’appartient qu’aux seules parties au contrat.
  • Deuxièmement, pour que l’action interrogatoire puisse être exercée, la cause de nullité doit avoir cessé
  • Troisièmement, l’exercice de l’action interrogatoire doit être formalisé par un écrit
  • Quatrièmement, l’écrit doit mentionner les conséquences de l’absence de réaction du titulaire de l’action en nullité en cas d’interpellation

?Effets

L’exercice de l’action interrogatoire a pour effet de contraindre le titulaire de l’action en nullité de se prononcer sur le maintien du contrat.

Si dans un délai de 6 mois ce dernier n’a pas opté, le contrat est réputé confirmé.

Les effets de la nullité: rétroactivité, restitutions et dommages et intérêts

Plusieurs effets sont attachés à la nullité d’un acte. Il convient de distinguer les effets de la nullité à l’égard des parties des effets à l’égard des tiers

I) Les effets de la nullité à l’égard des parties

À l’égard des parties, il ressort de l’article 178 du Code civil que les effets de la nullité sont au nombre de trois.

?L’effet rétroactif de la nullité

Le principal effet de la nullité c’est la rétroactivité. Par rétroactivité il faut entendre que l’acte est censé n’avoir jamais existé.

Cela signifie, autrement dit, que le contrat est anéanti, tant pour ses effets futurs que pour ses effets passés.

Dans l’hypothèse où l’acte a reçu un commencement d’exécution, voire a été exécuté totalement, l’annulation du contrat suppose de revenir à la situation antérieure, soit au statu quo ante.

Pour ce faire, il conviendra alors de procéder à des restitutions.

?Les restitutions

Conséquence de l’effet rétroactif de la nullité, l’obligation de restitution qui échoit aux parties consiste pour ces dernières à rendre à l’autre ce qu’elle a reçu.

Les restitutions qui résultent de la nullité d’un acte sont régies aux articles 1352 à 1352-9 du Code civil.

L’objectif poursuivi par les restitutions est de remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient antérieurement à la conclusion du contrat.

Cet objectif se révélera toutefois, dans bien des cas, difficile à atteindre, notamment lorsque la restitution portera sur une chose consomptible, périssable ou encore qui a fait l’objet de dégradation. Quid encore de la restitution des fruits procurés par la chose restituée ?

Toutes ces questions sont traitées dans un chapitre propre aux restitutions, destiné à unifier la matière et à s’appliquer à toutes formes de restitutions, qu’elles soient consécutives à l’annulation, la résolution, la caducité ou encore la répétition de l’indu.

?L’octroi de dommages et intérêts

Aux termes de l’article 1178, al. 4 du Code civil « indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle. »

Ainsi, la partie qui obtient la nullité d’un acte peut se voir octroyer, si elle justifie d’un préjudice, des dommages et intérêts. Elle ne pourra engager la responsabilité de son cocontractant que sur le terrain de la responsabilité délictuelle puisque l’acte est censé n’avoir jamais existé.

Dans un arrêt du 9 juillet 2004, la Chambre mixte a, toutefois, eu l’occasion de préciser que « la partie de bonne foi au contrat de vente annulé peut seule demander la condamnation de la partie fautive à réparer le préjudice qu’elle a subi en raison de la conclusion du contrat annulé » (Cass. ch. Mixte, 9 juill. 2004, n°02-16.302).

II) Les effets de la nullité à l’égard des tiers

?Principe

Dans la mesure où l’acte annulé est censé n’avoir jamais existé, il ne devrait en toute logique produire aucun effet à l’égard des tiers.

Toute prérogative octroyée à un tiers et qui a sa source dans le contrat annulé devrait normalement être anéantie.

Exemple :

  • Envisageons l’hypothèse où A vend un bien à B et que B le revend à C.
  • L’annulation du contrat entre A et B devrait avoir pour effet de priver C de la propriété du bien dont il est le sous-acquéreur.
  • Dans la mesure où B n’a, en raison de l’annulation du contrat, jamais été propriétaire du bien, il n’a pu valablement en transmettre la propriété à C.
  • Cette règle est exprimée par l’adage nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet : nul ne peut transmettre plus de droits qu’il n’en a.

?Correctifs

De toute évidence, la règle nemo plus juris porte atteinte à la sécurité juridique puisque l’annulation d’un acte est susceptible de remettre en cause nombre de situations juridiques constituées dans le lignage de cet acte.

Cette situation est d’autant plus injuste lorsque le tiers est de bonne foi, soit lorsqu’il ignorait la cause de nullité qui affectait l’acte initial.

C’est la raison pour laquelle, de nombreux correctifs ont été institués pour atténuer l’effet de la nullité d’un acte à l’égard des tiers.

  • La possession mobilière de bonne foi : aux termes de l’article 2276 du Code civil « en fait de meubles, la possession vaut titre »
    • Lorsqu’il est de bonne foi, le possesseur d’un bien meuble est considéré comme le propriétaire de la chose par le simple effet de la possession.
    • Dans notre exemple, C est présumé être le propriétaire du bien qui lui a été vendu par B, quand bien même le contrat conclu entre ce dernier et A est nul.
  • La prescription acquisitive immobilière
    • Après l’écoulement d’un certain temps, le possesseur d’un immeuble est considéré comme son propriétaire
    • Son droit de propriété est alors insusceptible d’être atteinte par la nullité du contrat
    • Le délai est de 10 pour le possesseur de bonne foi et de trente ans lorsqu’il est de mauvaise foi (art. 2272 C. civ.)
    • Il peut être observé que l’article 2274 prévoit que, en matière de prescription acquisitive, « la bonne foi est toujours présumée, et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver. »

L’étendue de la nullité: nullité partielle et nullité totale

Longtemps, la question s’est posée de savoir si la nullité ne devait avoir que pour effet d’anéantir l’acte qu’elle affecte dans son ensemble ou si elle pouvait ne porter que sur certaines clauses.

Lorsque le contrat est privé d’objet ou que le consentement d’une partie à l’acte fait défaut ou est vicié, cette question ne soulève pas de difficultés.

Mais quid dans l’hypothèse où seule une stipulation est illicite ?

Dans certains cas, le législateur surmonte cette difficulté en prévoyant une sanction spéciale, qui tend à se développer de plus en plus : le réputé non écrit.

En pareil cas, seule la clause entachée d’irrégularité est anéantie, tandis que le contrat est quant à lui maintenu.

Exemple :

  • L’article 1170 dispose que « toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. »
  • L’article 1171 prévoit encore que « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. »

En dehors de textes spécifiques, quelle solution adopter en cas d’irrégularité d’une stipulation contractuelle ?

I) Droit antérieur

Avant la réforme des obligations, le Code civil ne comportait aucune disposition de portée générale régissant l’étendue de la nullité.

Tout au plus, on a pu voir dans la combinaison des articles 900 et 1172 une distinction à opérer s’agissant de l’étendue de la nullité entre les actes à titre gratuit et les actes à titre onéreux.

  • Les actes à titre gratuit
    • L’article 900 du Code civil prévoit que « dans toute disposition entre vifs ou testamentaire, les conditions impossibles, celles qui sont contraires aux lois ou aux mœurs, seront réputées non écrites »
    • Pour les actes à titre gratuit, la nullité pourrait donc n’être que partielle en cas d’illicéité d’une clause.
  • Les actes à titre onéreux
    • L’ancien article 1172 prévoyait que « toute condition d’une chose impossible, ou contraire aux bonnes mœurs, ou prohibée par la loi est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend »
    • Sur le fondement de cette disposition les auteurs estimaient que, pour les actes à titre onéreux, l’illicéité d’une stipulation contractuelle entachait l’acte dans son ensemble de sorte que la nullité ne pouvait être totale.

Manifestement, la jurisprudence a très largement dépassé ce clivage.

Les tribunaux ont préféré s’appuyer sur le critère du caractère déterminant de la clause dans l’esprit des parties (Voir en sens notamment Cass. 3e civ., 24 juin 1971, n°70-11.730)

Aussi, la détermination de l’étendue de la nullité supposait-elle de distinguer deux situations :

  • Lorsque la clause présente un caractère « impulsif et déterminant », soit est essentielle, son illicéité affecte l’acte dans son entier
    • La nullité est donc totale
  • Lorsque la clause illicite ne présente aucun caractère « impulsif et déterminant », soit est accessoire, elle est seulement réputée non-écrite
    • La nullité est donc partielle

Jugeant le Code civil « lacunaire » sur la question de l’étendue de la nullité, à l’occasion de la réforme des obligations, le législateur a consacré la théorie de la nullité partielle, reprenant le critère subjectif institué par la jurisprudence.

II) Réforme des obligations

Le législateur n’a pas seulement consacré la théorie de la nullité partielle, il en également profité pour clarifier le système instauré par la jurisprudence.

Pour ce faire, il a envisagé deux sortes de maintien du contrat :

?Le maintien de principe

Aux termes de l’article 1184, al. 1er du Code civil, « lorsque la cause de nullité n’affecte qu’une ou plusieurs clauses du contrat, elle n’emporte nullité de l’acte tout entier que si cette ou ces clauses ont constitué un élément déterminant de l’engagement des parties ou de l’une d’elles. »

Il ressort de cette disposition que quand bien même un acte est affecté par une cause de nullité, il peut être sauvé.

Le juge dispose, en effet, de la faculté de ne prononcer qu’une nullité partielle de l’acte.

Cela suppose toutefois que deux conditions soient remplies :

  • L’illicéité affecte une ou plusieurs clauses de l’acte
  • La stipulation desdites clauses ne doit pas avoir été déterminante de l’engagement des parties

Si ces deux conditions sont remplies, les clauses affectées par la cause de nullité seront réputées non-écrites

?Le maintien d’exception

Le législateur a prévu à l’alinéa 2 de l’article 1184 du Code civil deux hypothèses de maintien du contrat, quand bien même les conditions exigées à l’alinéa 1er ne seraient pas remplies.

Peu importe donc que la stipulation de la clause illicite ait été ou non déterminante de l’engagement des parties.

Le contrat sera, en tout état de cause maintenu.

  • Première hypothèse
    • Le contrat est maintenu lorsque la loi répute la clause non écrite
    • Ainsi, la règle spéciale déroge à la règle générale.
  • Seconde hypothèse
    • Le contrat est maintenu lorsque la finalité de la règle méconnue exige son maintien
    • Cette hypothèse se rencontrera lorsque le maintien du contrat est regardé comme une sanction pour celui contre qui la nullité partielle est prononcée.

Prescription de l’action en nullité et exception de nullité

Afin d’envisager la question de la prescription, il convient de distinguer selon que la nullité est invoquée par voie d’action ou par voie d’exception.

Tandis que dans le premier cas, le délai de prescription est de 5 ans, dans le second il est perpétuel.

1. L’invocation de la nullité par voie d’action

On dit de la nullité qu’elle est invoquée par voie d’action, lorsque celui qui soulève ce moyen est le demandeur à l’instance.

?Le délai de prescription

Lorsque la nullité est invoquée par voie d’action l’article 2224 du Code civil dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans ».

Antérieurement à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, le délai de prescription de l’action en nullité était différent que la nullité était absolue ou relative :

  • Lorsque la nullité était absolue, le délai de prescription était de 30 ans
  • Lorsque la nullité était relative, le délai de prescription était de 5 ans

Désormais, il n’y a plus lieu de distinguer selon que la nullité est absolue ou relative.

Dans les deux cas, le délai de prescription de l’action en nullité est de 5 ans.

?Le point de départ du délai

  • La fixation du point de départ du délai
    • Aux termes de l’article 2224 du Code civil le délai de prescription de l’action en nullité court « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »
    • Cela signifie donc que tant que le titulaire de l’action en nullité n’a pas connaissance de la cause de nullité qui affecte l’acte, le délai de prescription ne court pas ; son point de départ est reporté
    • En matière de vices du consentement, l’article 1144 précise que le délai de l’action en nullité ne court
      • D’une part, en cas d’erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts
      • D’autre part, en cas de violence, que du jour où elle a cessé.
  • Le report du point de départ du délai
    • L’article 2232, al. 2 du Code civil pose une limite au report du point de départ du délai de prescription de l’action en nullité.
    • Cette disposition prévoit, en effet, que « le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. »
    • Ainsi, le point de départ de la prescription ne peut être reporté que dans la limite de 20 ans à compter du jour de la conclusion de l’acte.

?L’invocation de la prescription

  • Les parties
    • Aux termes de l’article 2248 du Code civil, les parties ont la faculté de soulever la nullité d’un acte en première instance et en appel.
    • La voie leur est fermée en cas de pourvoi en cassation.
  • Le juge
    • L’article 2247 interdit au juge de « suppléer d’office le moyen résultant de la prescription ».
    • Autrement dit, il revient aux parties d’invoquer la prescription de l’action en nullité.
    • À défaut, elle sera sans effet.

2. L’invocation de la nullité par voie d’exception

On dit que la nullité est invoquée par voie d’exception lorsque celui qui la soulève est le défendeur à l’instance.

Ce dernier est conduit à soulever la nullité de l’acte dans le cadre du débat contradictoire qui va s’instaurer avec le demandeur dont ce dernier est à l’initiative, puisque auteur de l’acte introductif d’instance.

?Le principe de perpétuité de l’exception de nullité

Lorsque la nullité est soulevée par voie d’action, le délai de prescription est très différent de celui imparti à celui qui agit par voie d’action.

Aux termes de l’article 1185 du Code civil « l’exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n’a reçu aucune exécution. »

Il ressort de cette disposition que l’exception de nullité est perpétuelle.

Cette règle n’est autre que la traduction de l’adage quae temporalia ad agendum perpetua sunt ad excipiendum, soit les actions sont temporaires, les exceptions perpétuelles

Concrètement, cela signifie que, tandis que le demandeur peut se voir opposer la prescription de son action en nullité pendant un délai de 5 ans, le défendeur pourra toujours invoquer la nullité de l’acte pour échapper à son exécution.

Cette règle a été instituée afin d’empêcher que le créancier d’une obligation n’attende la prescription de l’action pour solliciter l’exécution de l’acte sans que le débiteur ne puisse lui opposer la nullité dont il serait frappé.

?Les conditions à la perpétuité de l’exception de nullité

Pour que l’exception de nullité soit perpétuelle, trois conditions doivent être réunies

  • Première condition
    • Conformément à un arrêt rendu par la Cour de cassation le 1er décembre 1998 « l’exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte juridique qui n’a pas encore été exécuté » (Cass. 1ère civ. 1er déc. 1998, n°96-17.761)
    • Autrement dit, l’exception de nullité doit être soulevée par le défendeur pour faire obstacle à une demande d’exécution de l’acte
    • Dans le cas contraire, l’exception en nullité ne pourra pas être opposée au demandeur dans l’hypothèse où l’action serait prescrite.
  • Deuxième condition
    • Il ressort de l’article 1185 du Code civil, que l’exception de nullité est applicable à la condition que l’acte n’ai reçu aucune exécution.
    • Cette solution avait été adoptée par la Cour de cassation dans un arrêt du 4 mai 2012 (Cass. 1ère civ. 4 mai 2012, n°10-25.558)
    • Dans cette décision, elle a affirmé que « la règle selon laquelle l’exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte qui n’a pas encore été exécuté »
    • Cette règle a été complétée par la jurisprudence dont il ressort que peu importe :
      • Que le contrat n’ait été exécuté que partiellement (Cass. 1ère civ. 1er déc. 1998)
      • Que la nullité invoquée soit absolue ou relative (Cass. 1ère civ. 24 avr. 2013).
      • Que le commencement d’exécution ait porté sur d’autres obligations que celle arguée de nullité (Cass. 1ère civ. 13 mai 2004).
  • Troisième condition
    • Bien que l’article 1185 ne le précise pas, l’exception de nullité n’est perpétuelle qu’à la condition qu’elle soit invoquée aux fins d’obtenir le rejet des prétentions de la partie adverse
    • Dans l’hypothèse où elle serait soulevée au soutien d’une autre demande, elle devrait alors être requalifiée en demande reconventionnelle au sens de l’article 64 du Code de procédure civil.
    • Aussi, se retrouverait-elle à la portée de la prescription qui, si elle n’affecte jamais l’exception, frappe toujours l’action.
    • Or une demande reconventionnelle s’apparente à une action, en ce sens qu’elle consiste pour son auteur à « être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée » (art. 30 CPC).

Le critère de la distinction entre nullité relative et nullité absolue

Traditionnellement, on distingue deux catégories de nullités :

  • Les nullités relatives
  • Les nullités absolues

La question qui immédiatement se pose est alors se savoir quel critère retenir pour les distinguer. Sur cette question, deux théories se sont opposées : l’une dite classique et l’autre moderne

?La théorie classique

Selon cette théorie, née au XIXe siècle, le critère de distinction entre les nullités relatives et les nullités absolues serait purement anthropomorphique.

Autrement dit, le contrat pourrait être comparé à un être vivant, lequel est composé d’organes.

Or ces organes peuvent, soit faire défaut, ce qui serait synonyme de mort, soit être défectueux, ce qui s’apparenterait à une maladie.

Selon la doctrine de cette époque, il en irait de même pour le contrat qui est susceptible d’être frappé par différents maux d’une plus ou moins grande gravité.

En l’absence d’une condition d’existence (consentement, objet, cause) l’acte serait mort-né : il encourrait la nullité absolue

Lorsque les conditions d’existence seraient réunies mais que l’une d’elles serait viciée, l’acte serait seulement malade : il encourrait la nullité relative

Cette théorie n’a pas convaincu les auteurs modernes qui lui ont reproché l’artifice de la comparaison.

?La théorie moderne

La théorie classique des nullités a été vivement critiquée, notamment par Japiot et Gaudemet.

Selon ces auteurs, le critère de distinction entre la nullité relative et la nullité absolue réside, non pas dans la gravité du mal qui affecte l’acte, mais dans la finalité poursuivie par la règle sanctionnée par la nullité.

Ainsi, selon cette théorie :

  • La nullité absolue viserait à assurer la sauvegarde de l’intérêt général, ce qui justifierait qu’elle puisse être invoquée par quiconque à un intérêt à agir
  • La nullité relative viserait à assurer la sauvegarde d’un intérêt privé, ce qui justifierait qu’elle ne puisse être invoquée que par la personne protégée par la règle transgressée

S’il est indéniable que le critère de distinction proposé par la doctrine moderne est d’application plus aisé que le critère anthropomorphique, il n’en demeure pas moins, dans certains cas, difficile à mettre en œuvre.

Qui plus est, il ressort de la jurisprudence que les tribunaux n’ont absolument pas renoncé au premier critère.

Il est, en effet, constant en jurisprudence que les vices de forme ou l’absence d’objet sont sanctionnés par une nullité absolue, alors même que ces conditions de validité de l’acte visent à protéger moins l’intérêt général, que l’intérêt des cocontractants.

Aussi, cela témoigne-t-il, sans aucun doute, de l’existence d’une certaine corrélation entre la gravité du mal qui affecte l’acte et la sanction appliquée.

À l’occasion de la réforme des obligations, le législateur n’est pas resté étranger à ce débat.

On peut lire dans le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016 qu’il a entendu consacrer « ce qu’il est convenu d’appeler la théorie moderne des nullités »

Cette volonté du législateur de trancher le débat relatif au critère de distinction entre la nullité absolue et la nullité relative, s’est traduite par l’introduction d’un nouvel article 1179 dans le Code civil.

Cette disposition prévoit désormais que la nullité est :

  • Absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général.
  • Relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé.

 

L’obligation plurale

Le rapport d’obligation ne se limite pas à la création d’un lien entre un sujet actif (le créancier) et un sujet passif (le débiteur.)

  • D’une part, il peut arriver que l’obligation ait une pluralité d’objets
    • Dans cette configuration, l’obligation sera :
      • Soit cumulative
      • Soit alternative
      • Soit facultative
  • D’autre part, il est des obligations qui auront une pluralité de sujets
    • Dans cette configuration, l’obligation sera :
      • Soit conjointe
      • Soit solidaire
      • Soit indivisible

I) L’obligation plurale par ses objets

Il existe trois sortes d’obligations plurales par leurs objets :

  • L’obligation cumulative
  • L’obligation alternative
  • L’obligation facultative

A) L’obligation cumulative

Aux termes du nouvel article 1306 du Code civil « l’obligation est cumulative lorsqu’elle a pour objet plusieurs prestations et que seule l’exécution de la totalité de celles-ci libère le débiteur. »

Ainsi, l’obligation cumulative, qualifiée également d’obligation conjonctive, est celle dont l’objet consiste en l’exécution de plusieurs prestations.

Exemple : le débiteur s’engage envers le créancier à acquérir plusieurs biens ou à accomplir plusieurs tâches

Le rapport d’obligation ne sera éteint qu’à la condition que toutes les prestations promises aient été réalisées.

L’article 1306 prévoit en ce sens que « seule l’exécution de la totalité [des prestations] libère le débiteur. »

L’obligation cumulative se distingue ainsi de l’obligation alternative qui ne suppose pas l’accomplissement de toutes les prestations pour être éteinte.

B) L’obligation alternative

?Définition

Aux termes de l’article 1307 du Code civil « l’obligation est alternative lorsqu’elle a pour objet plusieurs prestations et que l’exécution de l’une d’elles libère le débiteur. »

L’obligation alternative, forme d’obligation disjonctive, est donc celle en vertu de laquelle le débiteur promet plusieurs prestations (au moins deux), mais dont il est libéré par l’exécution de seulement l’une d’entre elles.

Exemple : le débiteur s’engage à céder soit un immeuble, soit un fonds de commerce

Il ressort de la définition de l’obligation alternative que le législateur a entendu étendre son champ d’application

?Champ d’application

  • Droit antérieur
    • Sous l’empire du droit antérieur, la qualification d’obligation alternative était subordonnée à la réunion de deux conditions
      • d’une part, l’obligation devrait avoir pour objet la fourniture de prestations strictement interchangeables
      • d’autre part, les engagements du débiteur devaient être équivalents
    • Cette double exigence se déduisait de l’ancien article 1189 du code civil qui disposait que « le débiteur d’une obligation alternative est libéré par la délivrance de l’une des deux choses qui étaient comprises dans l’obligation. »
    • La nouvelle définition de l’obligation alternative a, manifestement, abandonné ces exigences ce qui a eu pour conséquence d’étendre son champ d’application.
  • Droit positif
    • Plusieurs enseignements peuvent être tirés de la définition de l’obligation alternative
      • Indifférence de la source de l’obligation
        • Pour être qualifiée d’alternative, le législateur ne distingue pas selon que l’obligation est d’origine légale, contractuelle ou délictuelle
        • Ainsi, toutes les obligations peuvent être alternatives, peu importe leur source
      • Indifférence de la nature des prestations
        • Peu importe que les prestations promises soient de nature différente
        • Elles peuvent consister tant en la délivrance d’une chose qu’en l’exécution d’une prestation en nature ou en un versement d’une somme d’argent
      • Indifférence de la valeur des prestations
        • Il est également indifférent que les prestations convenues ne soient pas de même valeur
        • L’exécution de la prestation dont la valeur est la plus faible de toutes aura, en tout état de cause, pour effet d’éteindre le rapport d’obligation
    • En conclusion, lorsque l’obligation est alternative toutes les prestations promises sont placées sur un même plan
    • Dès lors qu’il n’y a aucun ordre de priorité entre les prestations promises, l’obligation peut être qualifiée d’alternative

?L’option

L’existence d’une option est consubstantielle de l’obligation alternative. Lorsqu’elle est alternative, se posent alors inévitablement deux questions :

– à qui appartient l’exercice de l’option ?

– l’exercice de l’option est-il irrévocable ?

  • Le titulaire de l’option
    • Principe : le débiteur
      • La question qui se pose ici est de savoir qui a le pouvoir de décider laquelle des prestations sera finalement exécutée aux fins d’éteindre le rapport d’obligation ?
      • L’article 1307-1 du Code civil prévoit que « le choix entre les prestations appartient au débiteur »
      • L’instauration de ce principe n’est pas une nouveauté
      • L’ancien article 1190 disposait que « le choix appartient au débiteur, s’il n’a pas été expressément accordé au créancier. »
    • Exception : le créancier
      • Si l’obligation alternative comporte cette particularité de s’éteindre sous l’effet de l’accomplissement de l’une des prestations convenues, on peut en déduire qu’elle devrait prospérer – en théorie – tant que le débiteur n’a pas opté
      • Afin dissuader ce dernier d’échapper à ses obligations en ne formulant aucun choix, le législateur a anticipé cette possibilité
      • Aussi, l’article 1307-2, al. 2e du Code civil prévoit-il que « si le choix n’est pas exercé dans le temps convenu ou dans un délai raisonnable, l’autre partie peut, après mise en demeure, exercer ce choix ou résoudre le contrat »
      • Lorsque dès lors le débiteur n’opte pas pour l’une des prestations prévues au contrat, le créancier peut
        • Soit exercer l’option en lieu et place du débiteur
        • Soit solliciter la résolution du contrat
      • Le débiteur est de la sorte déposséder de son droit d’opter : l’exécution du contrat, voire son anéantissement dépend du choix du seul créancier.
  • Les effets de l’option
    • L’article 1307-1, al.3e du Code civil dispose que « le choix exercé est définitif et fait perdre à l’obligation son caractère alternatif. »
    • Le choix du débiteur est donc irrévocable.
    • Cette règle avait été posée par la Cour de cassation dans un arrêt du 3 juin 1966 (Cass. 3e civ. 3 juin 1966).
    • Cela signifie donc que le débiteur ne pourra se libérer qu’en exécutant la prestation pour laquelle il a opté.
    • Peu importe qu’il exécute les autres prestations initialement prévues au contrat
    • Seule l’exécution de l’obligation choisie aura pour effet d’éteindre le rapport d’obligation

?L’impossibilité d’exécution d’une ou plusieurs prestations

Comme en 1804, lors de la réforme des obligations le législateur a cherché à envisager la question de l’impossibilité d’exécution d’une ou plusieurs prestations sur lesquelles porte l’obligation alternative.

L’impossibilité d’exécution est envisagée sous deux angles différents :

  • L’impossibilité procède de la force majeure
    • Il convient de distinguer selon que la force majeure affecte ou non toutes les prestations qui font l’objet de l’obligation alternative
      • Si la force majeure affecte seulement l’une des prestations convenues
        • Il ressort de la combinaison des articles 1307-3 et 1307-4 du Code civil que le rapport d’obligation subsiste
        • Il échoit au débiteur de fournir la prestation dont l’exécution est toujours possible
      • Si, en revanche, la force majeure affecte toutes les prestations convenues
        • Dans cette hypothèse, l’article 1307-5 prévoit que le rapport d’obligation est éteint
        • Le débiteur est, autrement, dit libéré de son obligation.
  • L’instant de la survenance de l’impossibilité
    • Deux hypothèses doivent ici être envisagées
      • L’impossibilité survient avant que le débiteur ait formulé son choix
        • Aux termes de l’article 1307-3 du Code civil, le débiteur qui n’a pas fait connaître son choix doit, si l’une des prestations devient impossible, exécuter l’une des autres
        • Ainsi, tant que le débiteur n’a pas formulé son choix, l’impossibilité ne saurait avoir pour effet d’éteindre le rapport d’obligation sauf à ce qu’elle fasse obstacle à l’exécution de toutes les prestations.
        • Il en va de même pour le créancier dans l’hypothèse où l’exercice de l’option lui appartiendrait (art. 1307-4 C. civ.)
      • L’impossibilité survient après que le débiteur a formulé son choix
        • L’article 1307-3 du Code civil dispose que « si elle procède d’un cas de force moajeure, l’impossibilité d’exécuter la prestation choisie libère le débiteur. »
        • Ainsi, lorsque l’impossibilité affecte la prestation sur laquelle le débiteur a porté son choix, cela a pour effet d’éteindre le rapport d’obligation.

C) L’obligation facultative

?Notion

En vertu de l’article 1308 du Code civil « l’obligation est facultative lorsqu’elle a pour objet une certaine prestation mais que le débiteur a la faculté, pour se libérer, d’en fournir une autre. »

À l’instar de l’obligation alternative, l’obligation alternative appartient à la catégorie des obligations disjonctives, en ce sens que l’extinction du rapport d’obligation ne dépend pas de l’exécution cumulative de toutes les prestations susceptibles d’être fournies par le débiteur.

L’exécution d’une seule prestation par ce dernier suffit à le libérer pour le tout.

À la différence de l’obligation alternative, l’obligation facultative ne comporte toutefois qu’un seul objet : la prestation que le débiteur s’est engagé à fournir (la prestation principale) mais qu’il peut, s’il le souhaite, substituer par une autre prestation (la prestation subsidiaire ou accessoire).

La stipulation d’une obligation facultative offre, en quelque sorte, au débiteur la possibilité de se libérer au moyen d’une dation en paiement

?Régime

Il ressort de la définition de l’obligation facultative que les prestations ne sont pas placées sur un même pied d’égalité : il convient de distinguer la prestation principale de la prestation subsidiaire.

La subsistance du rapport d’obligation dépend de la seule exécution de la prestation principale.

La question qui s’est alors rapidement posée a été de savoir ce qu’il advenait de la prestation subsidiaire dans l’hypothèse où l’exécution de la prestation principale devenait impossible :

Si l’on applique la solution retenue en matière d’obligation alternative, il faudrait considérer que le débiteur ne pourra se libérer qu’en exécutant l’obligation subsidiaire.

Telle n’est cependant pas la solution qui a été adoptée par le législateur.

L’article 1308 dispose, en effet, que « l’obligation facultative est éteinte si l’exécution de la prestation initialement convenue devient impossible pour cause de force majeure. »

La prestation principale apparaît, de la sorte, déconnectée de la prestation subsidiaire. Cela s’explique par le fait que l’obligation facultative ne comporte qu’un seul objet : la prestation principale.

Aussi, dès lors que l’exécution de cette prestation devient impossible, l’objet de l’obligation disparaît, d’où il s’ensuit une extinction du rapport d’obligation.

II) L’obligation plurale par ses sujets

S’il n’est pas rare que l’obligation comporte plusieurs objets, elle peut aussi avoir plusieurs sujets.

Lorsque l’obligation est plurale par ses sujets, deux situations peuvent se rencontrer :

  • Soit l’obligation est divise ou conjointe, ce qui signifie qu’elle se divise en autant de créances et de dettes qu’il y a de créanciers et de débiteur ;
    • La conséquence en est que :
      • d’une part, chaque créancier ne peut réclamer au débiteur que sa part dans la créance
      • d’autre part, chaque débiteur n’est tenu envers le créancier que de sa part dans la dette.
  • Soit l’obligation est indivise ou solidaire, ce qui signifie que chaque créancier ou débiteur est titulaire de la totalité de la dette ou de la créance
    • Il en résulte que :
      • d’une part, chaque créancier peut réclamer à n’importe quel débiteur le paiement de la totalité de la créance
      • d’autre part, chaque débiteur est tenu du tout envers n’importe quel créancier

Tandis que la division de l’obligation est le principe, la solidarité a été envisagée par les rédacteurs du Code civil comme l’exception. Lors de la réforme du droit des obligations le législateur contemporain n’est pas revenu sur cette règle.

A) Les obligations conjointes : le principe de division

?Le principe de division

Dans sa configuration la plus simple, l’obligation ne comporte que deux sujets : un créancier et un débiteur.

Néanmoins, il est des situations où l’obligation comportera plusieurs sujets.

Le rapport d’obligation existera alors :

  • Tantôt entre un créancier et plusieurs débiteurs

  • Tantôt entre plusieurs créanciers et un débiteur

Dans l’hypothèse où l’obligation comporte plusieurs sujets, le principe instauré par le législateur est la division de l’obligation en autant de rapports indépendants qu’il existe de créanciers ou de débiteurs.

L’article 1309 du Code civil dispose en ce sens que « l’obligation qui lie plusieurs créanciers ou débiteurs se divise de plein droit entre eux ». L’obligation est dite conjointe.

La conséquence attachée par l’article 1309, al. 2 du Code civil à cette configuration de l’obligation est double :

  • Chacun des créanciers n’a droit qu’à sa part de la créance commune
    • Cela signifie que chaque créancier ne pourra réclamer au débiteur que la part de la dette due personnellement par celui-ci
    • Pour obtenir le paiement complet de sa créance, le créancier devra, en conséquence, diviser ses poursuites envers chaque débiteur pris individuellement.
  • Chacun des débiteurs n’est tenu que de sa part de la dette commune
    • Cela signifie que chaque débiteur n’est obligé qu’à concurrence de sa part dans la dette
    • Le débiteur sera donc libéré de son obligation dès qu’il aura exécuté la part de son obligation

?Le domaine de la division

L’article 1309 du Code civil ne distingue pas selon la source de l’obligation. Aussi, la division opère indifféremment selon que l’obligation est de nature contractuelle, délictuelle ou légale.

Le seul critère posé par le législateur consiste, semble-t-il, en l’existence d’une pluralité de créanciers ou de débiteurs.

Aussi, le domaine privilégié de la division est, sans aucun doute, le droit des successions : en cas de décès d’un créancier ou d’un débiteur, l’obligation se divise de plein droit en autant de parts qu’il y a d’héritiers.

  

?La division de l’obligation solidaire

Quid dans l’hypothèse de la division d’une obligation solidaire, ce qui se produira notamment lorsque le créancier ou le débiteur décédera ?

  • Doit-on considérer que, dans la mesure où ils acquièrent les mêmes droits et obligations que le de cujus, les héritiers sont solidaires de sorte que le créancier pourra réclamer à chacun d’eux le paiement de la dette pour le tout ?
  • Doit-on considérer, au contraire, que la solidarité ne se propage pas si bien que les héritiers ne seront tenus à la dette qu’à concurrence de leur part ?

L’article 1309 du Code civil apporte une solution à cette question en prévoyant que « la division a lieu également entre leurs successeurs, l’obligation fût-elle solidaire »

Ainsi, les héritiers d’un débiteur solidaire ne sont tenus qu’à proportion de leur part héréditaire. Le créancier ne pourra pas actionner l’un d’eux en paiement pour le tout.

?L’effet de la division

L’article 1309 du Code civil dispose que « si elle n’est pas réglée autrement par la loi ou par le contrat, la division a lieu par parts égales. »

Deux enseignements peuvent être tirés de cette règle :

  • L’obligation se divise équitablement entre ses sujets
  • La loi ou le contrat peut prévoir une division de l’obligation en parts inégales

?Les exceptions au principe de division

L’article 1309, al. 3 institue deux exceptions au principe de division de l’obligation :

  • L’obligation solidaire
  • L’obligation indivisible

Dès lors que l’on se trouve dans l’une de ces situations, la division de l’obligation ne peut plus opérer.

La conséquence en est que :

  • Soit chaque débiteur solidaire sera tenu au tout
  • Soit chaque créancier solidaire pourra réclamer le tout

B) Les obligations au total : exceptions au principe de division

Lorsque l’obligation est insusceptible de faire l’objet d’une division, elle est qualifiée d’obligation au total, en ce sens que, soit le créancier peut réclamer à n’importe quel débiteur le paiement du tout, soit le débiteur peut être libéré du tout en réglant sa dette entre les mains de n’importe quel créancier.

Classiquement, on distingue deux sortes d’obligations au total qui constituent autant d’exceptions au principe de division :

  • L’obligation solidaire
  • L’obligation indivisible

1. L’obligation solidaire

Bien que le Code civil ne connaisse que deux formes de solidarité, la solidarité active et la solidarité passive, la jurisprudence en a ajouté une troisième forme : la solidarité imparfaite plus couramment connue sous le nom d’obligation in solidum.

a. La solidarité active

i. Notion

Il y a solidarité active lorsque plusieurs créanciers sont titulaires d’une créance unique à l’encontre d’un débiteur unique. Il s’ensuit que chacun d’entre eux est en droit d’exiger du débiteur le paiement de la totalité de ce qui est dû.

La solidarité active concerne le domaine bancaire et plus particulièrement le fonctionnement du compte joint.

La convention de compte permet, en effet, à chacun des titulaires de disposer de la totalité du solde.

ii. Source

Le principe étant la division de l’obligation en autant de fractions qu’il y a de créanciers, la solidarité active ne peut être l’exception.

D’où la règle posée à l’article 1310 du Code civil aux termes duquel « la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas. »

La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler cette règle, qui n’est pas nouvelle, notamment dans un arrêt du 16 juin 1992 (Cass. 1ère civ. 16 juin 1992, n°90-18.209).

L’absence de présomption de la solidarité vaut tant pour la solidarité active que pour la solidarité active. Le texte ne distingue pas

iii. Effets

Les effets de la solidarité sont réglés par les articles 1311 et 1312 du Code civil. La lecture de ces dispositions invites à distinguer deux sortes d’effets : l’effet principal de la solidarité et les effets secondaires

?L’effet principal de la solidarité

  • Dans les rapports entre les créanciers et le débiteur
    • Les effets à l’égard des créanciers
      • Le principal effet de la solidarité active est que cette modalité de l’obligation confère à chaque créancier la faculté d’exiger et de recevoir du débiteur le paiement de toute la créance (art. 1311 C. civ.)
      • Le débiteur ne pourra donc pas opposer au créancier le principe de division de la créance, quand bien même son droit ne porte que sur une fraction de ladite créance
    • Les effets à l’égard du débiteur
      • En contrepartie de la possibilité pour chaque créancier de réclamer au débiteur le paiement du tout, le paiement fait à l’un d’eux libère le débiteur à l’égard de tous.
      • Cela signifie donc que les autres créanciers ne pourront pas lui réclamer le paiement de leur part.
      • L’article 1311 du Code civil précise que « le débiteur peut payer l’un ou l’autre des créanciers solidaires tant qu’il n’est pas poursuivi par l’un d’eux. »
      • Deux enseignements peuvent être tirés de cette disposition
        • Premier enseignement
          • Tant que le débiteur n’est pas poursuivi peut valablement se libérer entre les mains de l’un des créanciers solidaires de son choix
          • Le créancier ainsi choisi ne dispose pas de la faculté de refuser le paiement
        • Second enseignement
          • Lorsque le débiteur fait l’objet de poursuites, la faculté pour le débiteur de choisir le créancier entre les mains duquel il va payer cesse.
          • Il ne pourra valablement se libérer qu’entre les mains du créancier poursuivant.
          • À défaut, son paiement ne sera pas libératoire.
  • Dans les rapports entre créanciers
    • Si, envers le débiteur, le principe de division n’opère pas sur la créance, envers les créanciers l’obligation se divise.
    • Il en résulte que les créanciers qui n’ont reçu aucun paiement de la part du débiteur, disposent d’un recours contre celui ou ceux qui ont perçu la totalité de la créance pour obtenir restitution de leur part, déterminée, en l’absence de clause contraire, de manière égale à celle des autres.
    • L’article 1309, al. 2 du Code civil prévoit en ce sens que « chacun des créanciers n’a droit qu’à sa part de la créance commune »
    • L’article 1312 précise que lorsqu’un créancier reçoit paiement du débiteur il « en doit compte aux autres ».
    • De toute évidence, cette solution met en exergue la dangerosité de la solidarité active, dans la mesure où en cas d’insolvabilité ou de mauvaise foi du créancier accipiens, les autres sont susceptibles de se retrouver démunis et privés du bénéfice de leur part dans la créance.

?Les effets secondaires

Les effets secondaires de la solidarité active sont au nombre de deux :

  • Bénéfice de l’acte suspensif ou interruptif de prescription
    • Aux termes de l’article 1313 du Code civil, « tout acte qui interrompt ou suspend la prescription à l’égard de l’un des créanciers solidaires, profite aux autres créanciers. »
    • Cette règle se justifie par la nature de la solidarité qui a pour effet de faire obstacle à la division de l’obligation
    • Aussi, dès lors que la créance est indivisible, il apparaît logique que les événements qui l’affectent se répercutent sur tous ses titulaires qui, à l’égard du débiteur, sont indivisiblement liés.
  • L’effet individuel de la remise de dette
    • L’article 1350-1, al. 2 du Code civil prévoit que « la remise de dette faite par l’un seulement des créanciers solidaires ne libère le débiteur que pour la part de ce créancier. »
    • Cette règle se justifie par la nécessité de ne pas aggraver la situation des autres créanciers, lesquels peuvent ne pas vouloir consentir une remise de dette au débiteur.
    • Il appartient à chacun, pris individuellement, de déterminer du sort de sa part dans la créance.

b. La solidarité passive

b.1 Notion

À l’inverse de la solidarité active, il y a solidarité passive lorsqu’un créancier est titulaire d’une créance à l’encontre de plusieurs débiteurs.

Il s’ensuit que le créancier peut réclamer à chaque débiteur pris individuellement le paiement de la totalité de la dette.

La solidarité passive présente un réel intérêt pour le créancier dans la mesure où elle le prémunit contre une éventuelle insolvabilité de l’un de ses débiteurs.

Aussi, dans cette configuration les codébiteurs sont garants les uns des autres.

b.2 Source

i. Principe

La règle est ici la même qu’en matière de solidarité active

Conformément à l’article 1310 du Code civil « la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas. »

La solidarité passive peut ainsi avoir deux sources distinctes : la loi ou le contrat.

?La source contractuelle

Lorsqu’elle est d’origine contractuelle, la solidarité passive doit être expressément stipulée.

Dans le doute, le juge préférera la qualification d’obligation conjointe.

La Cour de cassation fait preuve d’une extrême rigueur à l’égard des juges du fond qui ne saurait retenir la solidarité lorsque, notamment, elle est tacite (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 19 févr. 1991, n°88-19.136 ; Cass. 1ère civ. 7 nov. 2012, n°11-25.430).

?La source légale

Il est de nombreux textes qui instituent une solidarité passive à la faveur du créancier.

Cette dernière se justifie :

  • Soit par une communauté d’intérêts
    • Co-emprunteurs de la même chose dans le prêt à usage (art. 1887 C.civ.)
    • Époux pour le paiement de l’impôt sur le revenu
    • Époux pour les dettes ménagères (art. 220 C. civ.).
  • Soit par la participation commune à une même responsabilité
    • Parents pour les dommages causés par leurs enfants mineurs habitant avec eux (art. 1242, al. 4 C. civ.)
    • Producteur d’un produit fini et producteur d’une partie composante, pour le dommage causé par le défaut du produit incorporé dans le produit fini
    • Personnes condamnées pour un même crime ou un même délit s’agissant des restitutions et dommages et intérêts (art. 375-2, al. 1 C. pén. et 480-1, al. 1 C. proc. pén).
  • Soit par la nécessité de renforcer le crédit
    • Signataires d’une lettre de change (art. L. 511-44 C. com.)
    • Signataires d’un chèque (art. L. 131-51 C. mon. fin.)
    • Associés d’une société en nom collectif (art. 221-1 C. com.)

ii. Exception

Par exception à la règle de droit commun, en matière commerciale, la solidarité est présumée.

Le principe est donc inversé, ce qui signifie que l’exclusion de la solidarité doit être expressément stipulée.

À défaut, les débiteurs seront présumés solidaires.

Cette solution est ancienne (Cass. Req. 20 oct. 1920) et constante (Cass. com. 5 juin 2012, n° 09-14.501 et 09-66.318).

L’instauration de cette présomption se justifie par le besoin de crédit dont les opérateurs ont besoin dans le cadre de la vie des affaires.

b.3 Effets

Les effets de la solidarité sont régis aux articles 1313 à 1319 du Code civil.

L’appréhension des effets de la solidarité passive suppose de bien distinguer la question de l’obligation à la dette de celle relative à la contribution à la dette.

  • L’obligation à la dette détermine l’étendue du droit de poursuite du créancier à l’encontre de ses débiteurs
    • Dans cette hypothèse sont donc envisagés les rapports entre le créancier et ses débiteurs
  • La contribution à la dette détermine quant à elle l’étendue de la répartition de la dette entre les codébiteurs
    • Dans cette hypothèse sont seulement envisagés les rapports entre débiteurs

i. L’obligation à la dette ou les rapports entre le créancier et les débiteurs

Dans les rapports entre les créanciers et ses débiteurs il convient de distinguer les effets principaux de la solidarité de ses effets secondaires.

?: Les effets principaux de la solidarité

Il convient de distinguer les effets qui participent de l’exécution de l’obligation de ceux qui opèrent sa neutralisation :

?L’exécution de l’obligation : le droit de poursuite

  • L’obligation au total
    • L’une des principales caractéristiques de la solidarité passive est que les débiteurs sont tenus à une même dette, quelle que soit la cause de leur engagement.
    • En raison de cette unicité de la dette qui échappe au principe de division, il en résulte que chacun est obligé à la totalité de la dette.
    • L’article 1313, al. 1er prévoit en ce sens que « la solidarité entre les débiteurs oblige chacun d’eux à toute la dette ».
  • La faculté d’élection du créancier
    • Aux termes de l’article 1313, al. 2e du Code civil, « le créancier peut demander le paiement au débiteur solidaire de son choix. »
    • Le créancier dispose donc de ce que l’on appelle traditionnellement une faculté d’élection.
    • Il peut, en effet, choisir discrétionnairement celui d’entre les codébiteurs auquel il réclamera le paiement, par voie extrajudiciaire ou judiciaire, sans avoir à mettre en cause les autres ou même simplement les avertir.
    • Les codébiteurs, tous placés sur le même plan, ne jouissent d’aucun bénéfice de discussion et bien évidemment d’aucun bénéfice de division.
  • La pluralité de liens d’obligations fonde une pluralité de poursuites
    • Contrairement à la solution ancienne du droit romain fondée sur la litis contestatio, les poursuites engagées contre l’un des débiteurs n’empêchent pas le créancier d’agir contre les autres.
    • L’article 1313, al. 2 dispose que « les poursuites exercées contre l’un des débiteurs solidaires n’empêchent pas le créancier d’en exercer de pareilles contre les autres. »
    • Il appartiendra néanmoins au créancier lorsqu’il diligentera des poursuites ultérieures de déduire du montant de sa demande le paiement partiel précédemment obtenu de l’un des codébiteurs.
  • Unicité de la dette
    • En raison de l’unicité de la dette, qui donc ne fait pas l’objet d’une division, les différents rapports d’obligation sont placés sous la dépendance mutuelle de leur exécution réciproque.
    • La conséquence en est que paiement fait par l’un des débiteurs libère les autres à l’égard du créancier.
    • Cette règle est exprimée à l’article 1313, al. 1er du Code civil.

?La neutralisation de l’obligation : le régime des exceptions

La question qui ici se pose est de savoir si un débiteur peut opposer une exception au créancier.

Par exception, il faut entendre un moyen de défense qui tend à faire échec à un acte en raison d’une irrégularité (causes de nullité, prescription, inexécution, cause d’extinction de la créance etc…)

Le régime des exceptions est traité à l’article 1315 du Code civil.

Lorsque ces exceptions sont fondées, elles emportent disparition de la dette à l’égard de tous les débiteurs.

D’où la possibilité pour chaque débiteur de les invoquer

Quel que soit le débiteur qu’il poursuit, le créancier est, par principe, susceptible de se les voir opposer.

Toutefois, toutes les exceptions ne sont pas opposables au créancier.

Aussi, convient-il de distinguer trois catégories d’exceptions :

  • Les exceptions inhérentes à la dette : le principe d’opposabilité
    • Principe
      • Il s’agit des exceptions communes à tous les codébiteurs.
      • Pour cette catégorie d’exception, la règle est posée à l’article 1315, al. 1er du Code civil qui prévoit que « le débiteur solidaire poursuivi par le créancier peut opposer les exceptions qui sont communes à tous les codébiteurs ».
      • Ainsi, les inhérentes à la dette peuvent toujours être opposées au créancier.
      • Ce principe se justifie par le caractère commun de la dette
      • Les exceptions qui l’affectent se répercutent donc mécaniquement sur chacun des débiteurs.
    • Applications
      • À titre d’exemple d’exceptions inhérentes à la dette, l’article 1315 vise la résolution et la nullité
      • Cas particulier de la nullité
        • S’agissant de cette dernière exception, il y a là une maladresse du législateur, en ce que toutes les causes de nullités ne constituent pas nécessairement des exceptions inhérentes à la dette.
        • Lorsque la nullité trouve sa source dans l’incapacité du débiteur ou dans un vice du consentement, elle s’apparente plutôt à une exception qui lui est personnelle.
        • Elle ne devrait, en conséquence, pouvoir être invoquée que par celui dont elle affecte la validité de l’engagement.
        • Dans ces conditions, peuvent être qualifiées d’exceptions inhérentes à la dette par exemple :
          • Les nullités tenant à l’objet, à la contrepartie ou encore à la forme de l’acte
          • Les exceptions tirées d’un terme ou d’une condition commune à tous les codébiteurs
          • Les causes d’extinction de l’obligation :
            • par disparition de l’objet
              • Paiement
              • Dation en paiement
              • Novation
            • par prescription
            • par remise de dette
            • par perte fortuite de la chose
  • Les exceptions purement personnelles : le principe d’inopposabilité
    • Principe
      • Les exceptions purement personnelles sont celles tirées de l’engagement d’un débiteur indépendamment de l’engagement des autres.
      • Elles ne touchent donc qu’un seul lien obligataire, sans affecter les autres.
      • Pour cette catégorie d’exceptions, il ressort de l’article 1315 du Code civil que seul le débiteur dont l’engagement est frappé de nullité peut opposer l’exception au créancier.
      • Dans la mesure où l’exception n’est pas inhérente à la dette, elle ne produit sur elle aucun effet extinctif, de sorte que les codébiteurs demeurent solidairement tenus.
      • C’est là tout le sens de l’article 1315 lorsqu’il énonce qu’un débiteur « ne peut opposer les exceptions qui sont personnelles à d’autres codébiteurs, telle que l’octroi d’un terme »
    • Applications
      • Au rang des exceptions purement personnelles on compte notamment :
        • Les nullités tenant aux vices du consentement et aux incapacités
        • Les exceptions tirées d’un terme ou d’une condition propre à un débiteur
        • L’extinction de la créance pour défaut de déclaration dans le cadre d’une procédure collective
        • La suspension des poursuites à l’encontre d’un débiteur qui fait l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire
  • Les exceptions simplement personnelles : le principe d’opposabilité partielle
    • Principe
      • Il s’agit des exceptions dont l’invocation produit des effets inégaux selon la personne de celui qui les oppose au créancier
        • S’il s’agit du débiteur personnellement touché par l’exception, son engagement sera affecté pour le tout
        • S’il s’agit du débiteur non personnellement touché par l’exception, son engagement ne sera affecté que partiellement
      • La particularité de ces exceptions est que tandis qu’elles atteignent des liens et libère le débiteur qui en est le sujet passif, elles libèrent également ses codébiteurs mais qu’à concurrence de la part contributive de ce dernier.
      • L’article 1315 prévoit en ce sens que « lorsqu’une exception personnelle à un autre codébiteur éteint la part divise de celui-ci […] il peut s’en prévaloir pour la faire déduire du total de la dette. »
      • En somme, contrairement à l’exception inhérente à la dette qui l’affecte totalement et à l’exception purement personnelle qui ne l’affecte pas du tout, l’exception simplement personnelle n’affecte la dette que partiellement ; d’où ses effets variables, selon le débiteur qui l’invoque.
    • Applications
      • À titre d’exemples d’exceptions simplement personnelles, l’article 1315 vise notamment la compensation et la remise de dette.
      • Sur la compensation
        • Le législateur semble avoir retenu une solution différente de celle appliquée antérieurement à la réforme.
        • L’ancien article 1294, al. 3 du Code civil prévoyait, en effet, que la compensation constituait une exception purement personnelle au débiteur solidaire.
        • La Cour de cassation estimait toutefois que si elle était invoquée par ce dernier, tous les codébiteurs devaient en bénéficier, selon le régime des exceptions inhérentes à la dette.
        • Si, en revanche, il décidait de ne pas formellement l’opposer au créancier, la compensation demeurait sans effet sur le quantum de la dette.
        • En l’état du droit, les termes de l’article 1315 du Code civil invitent à penser que la compensation pourra être invoquée par les codébiteurs de celui titulaire d’une créance réciproque à l’encontre du créancier.
        • La compensation est, en effet, présentée comme une exception simplement personnelle de sorte que l’on est légitimement en droit de penser qu’elle en emprunte le régime.
      • Sur la remise de dette
        • Il s’agit de l’hypothèse où le créancier consent une remise de dette à l’un des codébiteurs, mais réserve ses droits contre les autres.
        • Dans cette situation, l’article 1315 du Code civil contraint le créancier à déduire de ses poursuites contre les codébiteurs la part contributive du bénéficiaire de la remise de dette.
        • Cette règle est spécifiquement exprimée à l’article 1350-1 du Code civil qui dispose que « la remise de dette consentie à l’un des codébiteurs solidaires libère les autres à concurrence de sa part. »

?: Les effets secondaires de la solidarité

Certains effets de la solidarité sont qualifiés de secondaires en raison de leur singularité.

Ils ont en commun de faciliter l’action du créancier car certains actes accomplis à l’encontre de l’un des codébiteurs produisent leurs effets à l’égard de tous les autres.

La cohérence de ces effets secondaires demeure toutefois incertaine dans la mesure où, tout en liant le sort des codébiteurs à l’instar des exceptions inhérentes à la dette, ils ne se rattachent pas aisément à la notion d’unicité de la dette.

Aussi, a-t-on cherché à leur trouver un socle théorique commun.

?Exposé de la théorie de la représentation mutuelle

À partir des effets secondaires les plus caractéristiques, la doctrine du XIXe siècle a cherché à les rassembler autour d’une théorie commune, laquelle a été reprise par la jurisprudence (V. notamment en ce sens Cass. civ. 1er déc. 1885).

Cette tentative de théorisation des effets secondaires de la solidarité a toutefois fait l’objet de vives critiques.

La particularité de ces effets remarquait-on est que les codébiteurs posséderaient une communauté d’intérêts.

En partant de ce postulat, on en a déduit qu’ils avaient respectivement qualité à agir au nom des autres et que, en somme, ils se représentaient mutuellement.

C’est ce que l’on appelle la théorie de la représentation mutuelle.

Le pouvoir de représentation dont seraient dotés les codébiteurs ne serait pas toutefois illimité.

Ces derniers ne sauraient accomplir aucun acte qui aurait pour conséquence d’aggraver la situation des autres.

Ils ne pourraient valablement agir qu’en vue de maintenir ou de réduire l’engagement de tous.

Bien que séduisante, cette thèse n’en est pas moins contestable.

Non seulement elle présente une certaine part d’artifice en ce qu’il est difficile de trouver une communauté d’intérêt dans la situation juridique que constitue la solidarité, surtout la majorité des solutions qu’elle entend recouvrir peuvent également être rattachées à la notion d’unicité de la dette.

?Inventaire des effets secondaires

De tous les effets secondaires énoncés par le Code civil avant la réforme, l’ordonnance du 10 février 2016 n’en reprend qu’un seul : la demande d’intérêts formée contre l’un des codébiteurs.

Est-ce à dire que les autres effets secondaires attachés à la solidarité sont abandonnés ?

On ne saurait être aussi catégorique ; rien ne permet de se prononcer dans un sens un dans l’autre.

Aussi, dans l’attente que la Cour de cassation se prononce, au cas par cas, convient-il d’envisager que tous les effets secondaires attachés à la solidarité antérieurement à la réforme soient conservés :

  • La demande d’intérêts formée contre l’un des codébiteurs
    • L’article 1314 du Code civil prévoit que « la demande d’intérêts formée contre l’un des débiteurs solidaires fait courir les intérêts à l’égard de tous. »
    • De toute évidence, cet effet secondaire vient contredire la théorie de la représentation mutuelle, dans la mesure où il conduit à une aggravation de la situation des codébiteurs.
    • À la vérité, cette règle se justifie, une fois encore, par l’idée de dette unique.
    • Les intérêts étant les accessoires de la dette. Or celle-ci est due par tous.
    • Les intérêts qui commencent à courir ne peuvent donc que suivre le même régime.
  • La mise en demeure adressée à l’un des codébiteurs
    • Lorsqu’une mise en demeure est adressée par le créancier à l’un des codébiteurs, elle les oblige tous à payer le prix
    • Elle fait courir les intérêts moratoires.
    • Toutefois, seul le mis en demeure peut être condamné, s’il ne s’exécute pas, à verser des dommages et intérêts
  • L’interruption de la prescription contre l’un des codébiteurs
    • Lorsqu’un acte interruptif de prescription est accompli par le créancier, il produit ses effets à l’encontre de tous les codébiteurs.
    • L’acte interruptif de prescription peut consister, tant en un acte judiciaire (acte introductif d’instance) qu’en un acte extrajudiciaire (reconnaissance de dette).
  • La transaction entre le créancier et l’un des codébiteurs
    • Dans un arrêt du 3 décembre 1906, la Cour de cassation a estimé que la transaction conclue entre le créancier et l’un des codébiteurs profite aux autres lorsqu’elle leur est favorable (Cass. req. 3 déc. 1906).
  • L’autorité de la chose jugée
    • Dans un arrêt du 28 décembre 1881, la Cour de cassation a estimé que « la chose jugée avec l’un des codébiteurs solidaires est opposable à tous les autres » (Cass. civ. 28 déc. 1881).
    • Cette règle est toutefois écartée dans l’hypothèse où cet effet secondaire de la solidarité conduit à aggraver la situation des codébiteurs.
  • Les voies de recours
    • L’exercice d’une voie de recours par l’un des codébiteurs bénéficie aux autres, de sorte que la décision obtenue en appel pour l’un sera opposable à tous les autres.

ii. La contribution à la dette ou les rapports entre codébiteurs

Une fois le créancier désintéressé, celui à qui il a été demandé régler la totalité de la dette, à tout le moins plus que sa part, dispose d’un recours contre ses codébiteurs.

Ce recours intéresse le stade de la contribution à la dette. Plus globalement, il s’agit de déterminer, après avoir surmonté le stade de l’obligation à la dette, l’étendue de la répartition de la dette entre les codébiteurs

Plusieurs règles ont été adoptées aux fins de régler cette question de la répartition du poids de la dette.

?Le rétablissement du principe de division

Au stade de la contribution à la dette, il ressort de l’article 1317 du Code civil que la solidarité ne joue plus.

L’obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs.

Le débiteur qui donc a payé le créancier ne peut pas actionner en paiement l’un de ses codébiteurs pour le montant de la dette restant dû.

Celui qui a payé au-delà de sa part dispose d’un recours contre les autres à proportion de leur propre part

?La répartition de la dette entre codébiteurs

  • Principe
    • L’article 1317 prévoit que « entre eux, les codébiteurs solidaires ne contribuent à la dette que chacun pour sa part. »
    • La division se fait, en principe, par parts égales
    • Cette clé de répartition n’est toutefois pas absolue.
    • Dans plusieurs cas, il peut, en effet, être dérogé au principe de répartition à parts égales de la dette.
  • Exceptions
    • La solidarité est fondée sur une responsabilité commune
      • Dans cette hypothèse, le juge peut moduler la contribution des codébiteurs, en fonction du degré des fautes respectives s’il s’agit d’une solidarité fondée sur une responsabilité commune.
    • La stipulation d’une clause de répartition
      • Les parties peuvent elles-mêmes prévoir une répartition inégale dans le contrat
    • L’insolvabilité d’un codébiteur
      • L’article 1317 dispose que dans l’hypothèse où l’un des codébiteurs « est insolvable, sa part se répartit, par contribution, entre les codébiteurs solvables, y compris celui qui a fait le paiement et celui qui a bénéficié d’une remise de solidarité. »
      • La part est donc répartie entre tous les codébiteurs encore solvables.
      • Cette solution s’apparente à une sorte de solidarité horizontale et subsidiaire qui s’adjoindrait à la solidarité verticale jouant dans les rapports avec le créancier.
    • La dette a été contractée dans l’intérêt d’un seul débiteur
      • L’article 1318 prévoit que « si la dette procède d’une affaire qui ne concerne que l’un des codébiteurs solidaires, celui-ci est seul tenu de la dette à l’égard des autres
      • Cela signifie donc que dans l’hypothèse où un seul des codébiteurs est intéressé à l’opération, il doit supporter le poids définitif de la dette.
      • Il en résulte deux conséquences :
        • Si le débiteur intéressé à l’opération a seul été actionné en paiement par le créancier, il ne dispose d’aucun recours contre ses codébiteurs.
        • Inversement si les codébiteurs non intéressés à l’opération ont été actionnés en paiement par le créancier, ils disposent d’un recours contre celui concerné par la dette

?Le recours du codébiteur solvens

Il dispose d’un double recours contre ses codébiteurs :

  • Une action personnelle
    • Cette action est fondée sur l’article 1317, al. 2 du Code civil.
    • Sur le plan théorique, les auteurs invoquent les notions de mandat et de gestion d’affaires pour la justifier.
    • L’action personnelle qui ne peut être exercée qu’à titre chirographaire permet de réclamer aux codébiteurs les intérêts des sommes versées au créancier à compter du jour du paiement.
  • Une action subrogatoire
    • Cette action est fondée sur l’article 1346 du Code civil qui prévoit que « la subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette. »
    • Le mécanisme de la subrogation, qui joue de plein droit dès le paiement effectué, présente l’avantage d’investir le codébiteur solvens de tous les droits et actions du créancier.
    • Aussi, cela lui permet-il de jouir, notamment, des sûretés et garanties attachés à la créance initiale.

b.4 L’extinction de la solidarité passive

La solidarité prend fin dans trois cas distincts :

  • Le paiement
    • C’est la cause d’extinction normale de la solidarité
    • Si le paiement réalise l’exécution intégrale de l’obligation, la dette disparaît.
    • La solidarité n’a donc plus de raison d’être.
  • Le décès d’un codébiteur
    • En l’absence d’une clause d’indivisibilité complétant la solidarité, le décès de l’un des codébiteurs produit une division de la part du codébiteur dans la dette entre ses héritiers.
    • Aussi, le créancier, ne pourra pas les actionner en paiement pour le tout.
    • La solidarité jouera néanmoins toujours entre les autres codébiteurs.
  • La remise de solidarité
    • Le nouvel article 1316 dispose que « le créancier qui reçoit paiement de l’un des codébiteurs solidaires et lui consent une remise de solidarité conserve sa créance contre les autres, déduction faite de la part du débiteur qu’il a déchargé. »
    • Ainsi, lorsque le créancier est réglé par l’un des codébiteurs, il peut lui consentir une remise de solidarité.
    • Cela signifie qu’il n’est plus tenu solidairement à la dette, mais seulement conjointement.
    • La conséquence en est que le créancier ne pourra exiger du bénéficiaire de la remise que le paiement de sa part dans la dette et non du tout.
    • Quant aux autres débiteurs, ils demeurent tenus solidairement de la dette, déduction faite de la part du débiteur qui a été déchargé.

c. L’obligation in solidum

i. Obligation in solidum / obligation solidaire

À l’instar de l’obligation solidaire, l’obligation in solidum appartient également à la catégorie des obligations au total dans la mesure où elle échoit à une pluralité de débiteurs sur lesquels pèse une dette commune envers un même créancier.

À la différence néanmoins de l’obligation solidaire, l’obligation in solidum n’a pas été envisagée par le législateur.

Absente du Code civil, c’est une création purement prétorienne dont la nature juridique est très discutée en doctrine, notamment sur la question de savoir s’il s’agit d’une simple variété de solidarité introduite en droit positif praeter legem (dans le silence de la loi) ou s’il s’agit d’une institution autonome.

En tout état de cause, conformément à l’article 1310 du Code civil (anciennement art. 1202, al.1er), la solidarité ne se présume pas. Le principe, c’est la division de l’obligation en autant de fractions qu’il existe de débiteurs.

Pourquoi, dans ces conditions, avoir institué cette obligation in solidum qui existe indépendamment de la loi et en dehors de toute clause contractuelle ?

La raison réside dans la volonté des tribunaux qui, dans le droit fil du mouvement d’objectivation de la responsabilité civile, n’ont pas souhaité aggraver le sort des victimes en leur imposant de diviser leurs poursuites dans l’hypothèse où plusieurs auteurs seraient à l’origine de leur dommage.

ii. Domaine d’application de l’obligation in solidum

Le domaine d’élection de l’obligation in solidum, c’est bien évidemment la responsabilité civile.

Dans un célèbre arrêt du 4 décembre 1939, la Cour de cassation a considéré, en matière de responsabilité du fait personnel, que « chacun des coauteurs d’un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à la réparation de 1’entier dommage, chacun des fautes ayant concouru à le causer tout entier » (Cass. Req. 4 déc. 1939).

La même solution a été adoptée en matière de responsabilité du fait des choses, soit dans l’hypothèse où plusieurs personnes ont été désignées comme gardiennes de la chose instrument du dommage (Cass. civ. 29 nov. 1948).

La doctrine justifie l’obligation in solidum par l’existence d’un préjudice unique causé à la victime, d’où il résulterait alors une dette unique.

La Cour de cassation résume régulièrement cette idée en affirmant que « chacune des fautes commises avait concouru à la réalisation de l’entier dommage, de sorte que la responsabilité de leurs auteurs devait être retenue in solidum envers la victime de celui-ci » (Cass. com. 19 avr. 2005, n°02-16.676).

La Cour de cassation ne se limite pas à une application de l’obligation solidum aux coauteurs d’un dommage, elle recourt également à cette figure juridique pour faciliter le recours de la victime à l’encontre d’un responsable et de son assureur contre lequel elle dispose d’une action directe.

Bien que cela soit contesté par certains auteurs, les tribunaux recourent enfin à l’obligation in solidum en matière d’obligation alimentaire.

iii. Les effets de l’obligation in solidum

Si l’obligation in solidum produit les mêmes effets principaux que l’obligation solidaire, les effets secondaires attachés à cette dernière sont absents.

?La production d’effets principaux

  • Une obligation au total
    • Pareillement à l’obligation solidaire, l’obligation in solidum est une obligation au total
    • Il en résulte que la victime peut actionner en paiement pour le tout le codébiteur de son choix, sans que lui soit imposée une division de ses poursuites
    • La question connexe du partage de responsabilité entre les coauteurs du dommage n’a aucune incidence au stade de l’obligation à la dette, soit dans les rapports avec le créancier.
    • Cette question n’intervient qu’au stade de la contribution à la dette (V. en ce sens Cass. com. 14 janv. 1997, n°95-10.188 et 95-10.214).
    • S’agissant du paiement effectué par l’un des codébiteurs, il libère les autres.
  • Le régime de l’opposabilité des exceptions
    • Les exceptions opposables au créancier sont, en matière d’obligation in solidum, sensiblement les mêmes qu’en matière de solidarité passive.
    • Il existe, cependant quelques différences comme par exemple :
      • Le désistement d’instance de la victime contre l’un des codébiteurs, ne l’empêche pas d’engager par la suite des poursuites contre les autres.
      • De même si la victime laisse s’écouler le délai de prescription qui courrait au bénéfice d’un codébiteur, elle peut toujours réclamer le tout aux autres.

?L’absence effets secondaires

Les effets secondaires de la solidarité sont ici écartés.

Selon la doctrine, la production d’effets secondaires se justifie par la théorie de la représentation mutuelle.

Or il n’y a pas de communauté d’intérêts en matière d’obligation in solidum.

iv. Les recours entre les codébiteurs

Le codébiteur qui a payé l’intégralité de la dette jouit d’un recours subrogatoire contre les autres.

La question s’est alors posée de savoir si le codébiteur solvens disposait également d’une action personnelle contre le coauteur du dommage.

La jurisprudence a été conduite à trancher cette question dans une espèce où une victime avait renoncé à ses droits contre l’un des codébiteurs.

Impossible donc de se subroger dans des droits dont elle n’était plus titulaire en raison de sa renonciation.

Dans un arrêt du 7 juin 1977, la Cour de cassation a estimé que le codébiteur solvens disposait bien d’une action personnelle contre les coresponsables.

Bien que le fondement de ce recours ait été discuté en doctrine (gestion d’affaires, enrichissement sans cause) le recours personnel est admis, tantôt sur le fondement de la responsabilité délictuelle, tantôt sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Quant à l’étendue du recours, il doit être divisé entre tous les codébiteurs, en ce sens que, entre eux, il n’y point de solidarité.

La détermination de leurs parts contributives se fait en fonction notamment de la gravité des fautes respectives commises par chacun.

2. L’obligation indivisible

a. Notion

L’obligation indivisible est celle qui doit être exécutée dans sa totalité, ce qui, au fond, est la finalité de la plupart des obligations.

Pour n’être exécutée que partiellement, les parties doivent le prévoir. À défaut, l’exécution doit être intégrale.

L’ancien article 1220 du Code civil prévoyait en ce sens que « l’obligation qui est susceptible de division doit être exécutée entre le créancier et le débiteur comme si elle était indivisible. »

À la vérité, la question de l’indivisibilité de l’obligation ne présente un réel un intérêt que lorsqu’elle comporte une pluralité de sujets (débiteurs ou créanciers).

D’où son étude dans la partie consacrée à l’obligation plurale.

b. Source

Aux termes de l’article 1320 du Code civil, l’obligation peut être indivisible « par nature ou par contrat ».

L’obligation indivisible peut résulter de deux sources différentes :

?L’obligation indivisible par nature (objective)

Elle est indivisible parce que son objet est insusceptible de faire l’objet d’une division.

Il en va ainsi, soit parce que l’impossibilité de division est matérielle, soit parce qu’elle est juridique

  • L’indivisibilité matérielle
    • Elle se rencontre toutes les fois que l’obligation ne peut pas être exécutée de manière fractionnée.
    • Il en va ainsi de l’obligation de livrer un corps certain.
  • L’indivisibilité juridique
    • Elle se rencontre lorsque l’obligation porte sur l’accomplissement d’un acte, l’exercice d’un droit, ou encore sur une abstention qui ne peuvent pas être fractionnés.
    • Lorsque, par exemple, un éditeur de logiciels consent une licence d’utilisation à un client, il ne peut pas fractionner l’exécution de son obligation.

?L’obligation indivisible par contrat (subjective)

L’indivisibilité d’une obligation peut avoir pour source la volonté des parties.

Dans cette hypothèse, l’objet de l’obligation est, par nature, divisible.

Toutefois les contractants ont choisi de le rendre indivisible.

La plupart du temps, l’indivisibilité de l’obligation est stipulée en complément de la solidarité afin d’éviter la division de la dette en cas de décès du débiteur.

Aussi, le créancier pourra toujours actionner en paiement l’un des héritiers pour le tout, ce qu’il ne pourrait pas faire si l’obligation n’était que solidaire.

c. Effets

  • Une obligation au total
    • L’obligation indivisible est assortie sensiblement des mêmes effets que l’obligation solidaire.
    • L’article 1320, al. 1er du Code civil de civil dispose notamment que « chacun des créanciers d’une obligation à prestation indivisible […] peut en exiger et en recevoir le paiement intégral »
    • En cas de pluralité de débiteurs, le créancier peut, autrement dit, actionner en paiement n’importe lequel d’entre eux.
    • L’alinéa 2 de l’article 1320 précise que, corrélativement, chacun des débiteurs d’une telle obligation en est tenu pour le tout
    • Surtout, l’alinéa 3 ajoute que « il en va de même pour chacun des successeurs de ces créanciers et débiteurs. »
    • C’est là une différence majeure avec la solidarité, laquelle cesse en cas de décès du débiteur.
    • En matière d’indivisibilité, les héritiers demeurent tenus pour le tout.
    • D’où la stipulation de l’indivisibilité en complément de la solidarité.
  • L’opposabilité des exceptions
    • S’agissant de l’opposabilité des exceptions, dans la mesure où la dette est commune elles peuvent être invoquées par tous les codébiteurs en cas d’indivisibilité.
    • Ainsi, l’interruption ou la suspension du délai de prescription par l’un des créanciers à l’encontre d’un codébiteur produit des effets à l’égard des autres.
  • Les recours
    • L’article 1320 du Code civil prévoit que le débiteur qui a payé l’intégralité de la dette dispose de « recours en contribution contre les autres ».

L’obligation in solidum

Lorsque l’obligation est insusceptible de faire l’objet d’une division, elle est qualifiée d’obligation au total, en ce sens que, soit le créancier peut réclamer à n’importe quel débiteur le paiement du tout, soit le débiteur peut être libéré du tout en réglant sa dette entre les mains de n’importe quel créancier.

Classiquement, on distingue deux sortes d’obligations au total qui constituent autant d’exceptions au principe de division :

  • L’obligation solidaire
  • L’obligation indivisible

Bien que le Code civil ne connaisse que deux formes de solidarité, la solidarité active et la solidarité passive, la jurisprudence en a ajouté une troisième forme : la solidarité imparfaite plus couramment connue sous le nom d’obligation in solidum.

Nous nous focaliserons ici sur cette dernière forme de solidarité.

I) Obligation in solidum / obligation solidaire

À l’instar de l’obligation solidaire, l’obligation in solidum appartient également à la catégorie des obligations au total dans la mesure où elle échoit à une pluralité de débiteurs sur lesquels pèse une dette commune envers un même créancier.

À la différence néanmoins de l’obligation solidaire, l’obligation in solidum n’a pas été envisagée par le législateur.

Absente du Code civil, c’est une création purement prétorienne dont la nature juridique est très discutée en doctrine, notamment sur la question de savoir s’il s’agit d’une simple variété de solidarité introduite en droit positif praeter legem (dans le silence de la loi) ou s’il s’agit d’une institution autonome.

En tout état de cause, conformément à l’article 1310 du Code civil (anciennement art. 1202, al.1er), la solidarité ne se présume pas. Le principe, c’est la division de l’obligation en autant de fractions qu’il existe de débiteurs.

Pourquoi, dans ces conditions, avoir institué cette obligation in solidum qui existe indépendamment de la loi et en dehors de toute clause contractuelle ?

La raison réside dans la volonté des tribunaux qui, dans le droit fil du mouvement d’objectivation de la responsabilité civile, n’ont pas souhaité aggraver le sort des victimes en leur imposant de diviser leurs poursuites dans l’hypothèse où plusieurs auteurs seraient à l’origine de leur dommage.

II) Domaine d’application de l’obligation in solidum

Le domaine d’élection de l’obligation in solidum, c’est bien évidemment la responsabilité civile.

Dans un célèbre arrêt du 4 décembre 1939, la Cour de cassation a considéré, en matière de responsabilité du fait personnel, que « chacun des coauteurs d’un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à la réparation de 1’entier dommage, chacun des fautes ayant concouru à le causer tout entier » (Cass. Req. 4 déc. 1939).

La même solution a été adoptée en matière de responsabilité du fait des choses, soit dans l’hypothèse où plusieurs personnes ont été désignées comme gardiennes de la chose instrument du dommage (Cass. civ. 29 nov. 1948).

La doctrine justifie l’obligation in solidum par l’existence d’un préjudice unique causé à la victime, d’où il résulterait alors une dette unique.

La Cour de cassation résume régulièrement cette idée en affirmant que « chacune des fautes commises avait concouru à la réalisation de l’entier dommage, de sorte que la responsabilité de leurs auteurs devait être retenue in solidum envers la victime de celui-ci » (Cass. com. 19 avr. 2005, n°02-16.676).

La Cour de cassation ne se limite pas à une application de l’obligation solidum aux coauteurs d’un dommage, elle recourt également à cette figure juridique pour faciliter le recours de la victime à l’encontre d’un responsable et de son assureur contre lequel elle dispose d’une action directe.

Bien que cela soit contesté par certains auteurs, les tribunaux recourent enfin à l’obligation in solidum en matière d’obligation alimentaire.

III) Les effets de l’obligation in solidum

Si l’obligation in solidum produit les mêmes effets principaux que l’obligation solidaire, les effets secondaires attachés à cette dernière sont absents.

?La production d’effets principaux

  • Une obligation au total
    • Pareillement à l’obligation solidaire, l’obligation in solidum est une obligation au total
    • Il en résulte que la victime peut actionner en paiement pour le tout le codébiteur de son choix, sans que lui soit imposée une division de ses poursuites
    • La question connexe du partage de responsabilité entre les coauteurs du dommage n’a aucune incidence au stade de l’obligation à la dette, soit dans les rapports avec le créancier.
    • Cette question n’intervient qu’au stade de la contribution à la dette (V. en ce sens Cass. com. 14 janv. 1997, n°95-10.188 et 95-10.214).
    • S’agissant du paiement effectué par l’un des codébiteurs, il libère les autres.
  • Le régime de l’opposabilité des exceptions
    • Les exceptions opposables au créancier sont, en matière d’obligation in solidum, sensiblement les mêmes qu’en matière de solidarité passive.
    • Il existe, cependant quelques différences comme par exemple :
      • Le désistement d’instance de la victime contre l’un des codébiteurs, ne l’empêche pas d’engager par la suite des poursuites contre les autres.
      • De même si la victime laisse s’écouler le délai de prescription qui courrait au bénéfice d’un codébiteur, elle peut toujours réclamer le tout aux autres.

?L’absence effets secondaires

Les effets secondaires de la solidarité sont ici écartés.

Selon la doctrine, la production d’effets secondaires se justifie par la théorie de la représentation mutuelle.

Or il n’y a pas de communauté d’intérêts en matière d’obligation in solidum.

IV) Les recours entre les codébiteurs

Le codébiteur qui a payé l’intégralité de la dette jouit d’un recours subrogatoire contre les autres.

La question s’est alors posée de savoir si le codébiteur solvens disposait également d’une action personnelle contre le coauteur du dommage.

La jurisprudence a été conduite à trancher cette question dans une espèce où une victime avait renoncé à ses droits contre l’un des codébiteurs.

Impossible donc de se subroger dans des droits dont elle n’était plus titulaire en raison de sa renonciation.

Dans un arrêt du 7 juin 1977, la Cour de cassation a estimé que le codébiteur solvens disposait bien d’une action personnelle contre les coresponsables.

Bien que le fondement de ce recours ait été discuté en doctrine (gestion d’affaires, enrichissement sans cause) le recours personnel est admis, tantôt sur le fondement de la responsabilité délictuelle, tantôt sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Quant à l’étendue du recours, il doit être divisé entre tous les codébiteurs, en ce sens que, entre eux, il n’y point de solidarité.

La détermination de leurs parts contributives se fait en fonction notamment de la gravité des fautes respectives commises par chacun.

La solidarité passive

I) Notion

À l’inverse de la solidarité active, il y a solidarité passive lorsqu’un créancier est titulaire d’une créance à l’encontre de plusieurs débiteurs.

Il s’ensuit que le créancier peut réclamer à chaque débiteur pris individuellement le paiement de la totalité de la dette.

La solidarité passive présente un réel intérêt pour le créancier dans la mesure où elle le prémunit contre une éventuelle insolvabilité de l’un de ses débiteurs.

Aussi, dans cette configuration les codébiteurs sont garants les uns des autres.

Schéma 8.JPG

II) Source

A) Principe

La règle est ici la même qu’en matière de solidarité active

Conformément à l’article 1310 du Code civil « la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas. »

La solidarité passive peut ainsi avoir deux sources distinctes : la loi ou le contrat.

  • La source contractuelle
    • Lorsqu’elle est d’origine contractuelle, la solidarité passive doit être expressément stipulée
    • Dans le doute, le juge préférera la qualification d’obligation conjointe
    • La Cour de cassation fait preuve d’une extrême rigueur à l’égard des juges du fond qui ne saurait retenir la solidarité lorsque, notamment, elle est tacite (V. en ce sens 1ère civ. 19 févr. 1991; Cass. 1ère civ. 7 nov. 2012).
  • La source légale
    • Il est de nombreux textes qui instituent une solidarité passive à la faveur du créancier
    • Cette dernière se justifie
      • Soit par une communauté d’intérêts
        • Co-emprunteurs de la même chose dans le prêt à usage (art. 1887 C.civ.)
        • Époux pour le paiement de l’impôt sur le revenu
        • Époux pour les dettes ménagères (art. 220 C. civ.)
      • Soit par la participation commune à une même responsabilité
        • Parents pour les dommages causés par leurs enfants mineurs habitant avec eux (art. 1242, al. 4 C. civ.)
        • Producteur d’un produit fini et producteur d’une partie composante, pour le dommage causé par le défaut du produit incorporé dans le produit fini
        • Personnes condamnées pour un même crime ou un même délit s’agissant des restitutions et dommages et intérêts ( 375-2, al. 1 C. pén. et 480-1, al. 1 C. proc. pén).
      • Soit par la nécessité de renforcer le crédit
        • Signataires d’une lettre de change ( L. 511-44 C. com.)
        • Signataires d’un chèque ( L. 131-51 C. mon. fin.)
        • Associés d’une société en nom collectif ( 221-1 C. com.)

B) Exception

Par exception à la règle de droit commun, en matière commerciale, la solidarité est présumée.

Le principe est donc inversé, ce qui signifie que l’exclusion de la solidarité doit être expressément stipulée.

À défaut, les débiteurs seront présumés solidaires.

Cette solution est ancienne (Cass. Req. 20 oct. 1920) et constante (Cass. com. 5 juin 2012).

L’instauration de cette présomption se justifie par le besoin de crédit dont les opérateurs ont besoin dans le cadre de la vie des affaires.

III) Effets

Les effets de la solidarité sont régis aux articles 1313 à 1319 du Code civil.

L’appréhension des effets de la solidarité passive suppose de bien distinguer la question de l’obligation à la dette de celle relative à la contribution à la dette.

  • L’obligation à la dette détermine l’étendue du droit de poursuite du créancier à l’encontre de ses débiteurs
    • Dans cette hypothèse sont donc envisagés les rapports entre le créancier et ses débiteurs
  • La contribution à la dette détermine quant à elle l’étendue de la répartition de la dette entre les codébiteurs
    • Dans cette hypothèse sont seulement envisagés les rapports entre débiteurs

A) L’obligation à la dette ou les rapports entre le créancier et les débiteurs

Dans les rapports entre les créanciers et ses débiteurs il convient de distinguer les effets principaux de la solidarité de ses effets secondaires.

  1. Les effets principaux de la solidarité

Il convient de distinguer les effets qui participent de l’exécution de l’obligation de ceux qui opèrent sa neutralisation :

==> L’exécution de l’obligation : le droit de poursuite

  • L’obligation au total
    • L’une des principales caractéristiques de la solidarité passive est que les débiteurs sont tenus à une même dette, quelle que soit la cause de leur engagement.
    • En raison de cette unicité de la dette qui échappe au principe de division, il en résulte que chacun est obligé à la totalité de la dette.
    • L’article 1313, al. 1er prévoit en ce sens que « la solidarité entre les débiteurs oblige chacun d’eux à toute la dette»
  • La faculté d’élection du créancier
    • Aux termes de l’article 1313, al. 2e du Code civil, « le créancier peut demander le paiement au débiteur solidaire de son choix. »
    • Le créancier dispose donc de ce que l’on appelle traditionnellement une faculté d’élection.
    • Il peut, en effet, choisir discrétionnairement celui d’entre les codébiteurs auquel il réclamera le paiement, par voie extrajudiciaire ou judiciaire, sans avoir à mettre en cause les autres ou même simplement les avertir.
    • Les codébiteurs, tous placés sur le même plan, ne jouissent d’aucun bénéfice de discussion et bien évidemment d’aucun bénéfice de division.
  • La pluralité de liens d’obligations fonde une pluralité de poursuites
    • Contrairement à la solution ancienne du droit romain fondée sur la litis contestatio, les poursuites engagées contre l’un des débiteurs n’empêchent pas le créancier d’agir contre les autres.
    • L’article 1313, al. 2 dispose que « les poursuites exercées contre l’un des débiteurs solidaires n’empêchent pas le créancier d’en exercer de pareilles contre les autres. »
    • Il appartiendra néanmoins au créancier lorsqu’il diligentera des poursuites ultérieures de déduire du montant de sa demande le paiement partiel précédemment obtenu de l’un des codébiteurs.
  • Unicité de la dette
    • En raison de l’unicité de la dette, qui donc ne fait pas l’objet d’une division, les différents rapports d’obligation sont placés sous la dépendance mutuelle de leur exécution réciproque.
    • La conséquence en est que paiement fait par l’un des débiteurs libère les autres à l’égard du créancier.
    • Cette règle est exprimée à l’article 1313, al. 1er du Code civil.

==> La neutralisation de l’obligation : le régime des exceptions

La question qui ici se pose est de savoir si un débiteur peut opposer une exception au créancier.

Par exception, il faut entendre un moyen de défense qui tend à faire échec à un acte en raison d’une irrégularité (causes de nullité, prescription, inexécution, cause d’extinction de la créance etc…)

Le régime des exceptions est traité à l’article 1315 du Code civil.

Lorsque ces exceptions sont fondées, elles emportent disparition de la dette à l’égard de tous les débiteurs.

D’où la possibilité pour chaque débiteur de les invoquer

Quel que soit le débiteur qu’il poursuit, le créancier est, par principe, susceptible de se les voir opposer.

Toutefois, toutes les exceptions ne sont pas opposables au créancier.

Aussi, convient-il de distinguer trois catégories d’exceptions:

  • Les exceptions inhérentes à la dette : le principe d’opposabilité
    • Principe
      • Il s’agit des exceptions communes à tous les codébiteurs.
      • Pour cette catégorie d’exception, la règle est posée à l’article 1315, al. 1er du Code civil qui prévoit que « le débiteur solidaire poursuivi par le créancier peut opposer les exceptions qui sont communes à tous les codébiteurs».
      • Ainsi, les inhérentes à la dette peuvent toujours être opposées au créancier.
      • Ce principe se justifie par le caractère commun de la dette
      • Les exceptions qui l’affectent se répercutent donc mécaniquement sur chacun des débiteurs.
    • Applications
      • À titre d’exemple d’exceptions inhérentes à la dette, l’article 1315 vise la résolution et la nullité
      • Cas particulier de la nullité
        • S’agissant de cette dernière exception, il y a là une maladresse du législateur, en ce que toutes les causes de nullités ne constituent pas nécessairement des exceptions inhérentes à la dette.
        • Lorsque la nullité trouve sa source dans l’incapacité du débiteur ou dans un vice du consentement, elle s’apparente plutôt à une exception qui lui est personnelle.
        • Elle ne devrait, en conséquence, pouvoir être invoquée que par celui dont elle affecte la validité de l’engagement.
        • Dans ces conditions, peuvent être qualifiées d’exceptions inhérentes à la dette par exemple :
          • Les nullités tenant à l’objet, à la contrepartie ou encore à la forme de l’acte
          • Les exceptions tirées d’un terme ou d’une condition commun à tous les codébiteurs
          • Les causes d’extinction de l’obligation :
            • par disparition de l’objet
              • Paiement
              • Dation en paiement
              • Novation
            • par prescription
            • par remise de dette
            • par perte fortuite de la chose
  • Les exceptions purement personnelles : le principe d’inopposabilité
    • Principe
      • Les exceptions purement personnelles sont celles tirées de l’engagement d’un débiteur indépendamment de l’engagement des autres.
      • Elles ne touchent donc qu’un seul lien obligataire, sans affecter les autres.
      • Pour cette catégorie d’exceptions, il ressort de l’article 1315 du Code civil que seul le débiteur dont l’engagement est frappé de nullité peut opposer l’exception au créancier.
      • Dans la mesure où l’exception n’est pas inhérente à la dette, elle ne produit sur elle aucun effet extinctif, de sorte que les codébiteurs demeurent solidairement tenus.
      • C’est là tout le sens de l’article 1315 lorsqu’il énonce qu’un débiteur « ne peut opposer les exceptions qui sont personnelles à d’autres codébiteurs, telle que l’octroi d’un terme»
    • Applications
      • Au rang des exceptions purement personnelles on compte notamment :
        • Les nullités tenant aux vices du consentement et aux incapacités
        • Les exceptions tirées d’un terme ou d’une condition propre à un débiteur
        • L’extinction de la créance pour défaut de déclaration dans le cadre d’une procédure collective
        • La suspension des poursuites à l’encontre d’un débiteur qui fait l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire
  • Les exceptions simplement personnelles : le principe d’opposabilité partielle
    • Principe
      • Il s’agit des exceptions dont l’invocation produit des effets inégaux selon la personne de celui qui les oppose au créancier
        • S’il s’agit du débiteur personnellement touché par l’exception, son engagement sera affecté pour le tout
        • S’il s’agit du débiteur non personnellement touché par l’exception, son engagement ne sera affecté que partiellement
      • La particularité de ces exceptions est que tandis qu’elles atteignent des liens et libère le débiteur qui en est le sujet passif, elles libèrent également ses codébiteurs mais qu’à concurrence de la part contributive de ce dernier.
      • L’article 1315 prévoit en ce sens que « lorsqu’une exception personnelle à un autre codébiteur éteint la part divise de celui-ci […] il peut s’en prévaloir pour la faire déduire du total de la dette.»
      • En somme, contrairement à l’exception inhérente à la dette qui l’affecte totalement et à l’exception purement personnelle qui ne l’affecte pas du tout, l’exception simplement personnelle n’affecte la dette que partiellement ; d’où ses effets variables, selon le débiteur qui l’invoque.
    • Applications
      • À titre d’exemples d’exceptions simplement personnelles, l’article 1315 vise notamment la compensation et la remise de dette.
      • Sur la compensation
        • Le législateur semble avoir retenu une solution différente de celle appliquée antérieurement à la réforme.
        • L’ancien article 1294, al. 3 du Code civil prévoyait, en effet, que la compensation constituait une exception purement personnelle au débiteur solidaire.
        • La Cour de cassation estimait toutefois que si elle était invoquée par ce dernier, tous les codébiteurs devaient en bénéficier, selon le régime des exceptions inhérentes à la dette.
        • Si, en revanche, il décidait de ne pas formellement l’opposer au créancier, la compensation demeurait sans effet sur le quantum de la dette.
        • En l’état du droit, les termes de l’article 1315 du Code civil invitent à penser que la compensation pourra être invoquée par les codébiteurs de celui titulaire d’une créance réciproque à l’encontre du créancier.
        • La compensation est, en effet, présentée comme une exception simplement personnelle de sorte que l’on est légitimement en droit de penser qu’elle en emprunte le régime.
      • Sur la remise de dette
        • Il s’agit de l’hypothèse où le créancier consent une remise de dette à l’un des codébiteurs, mais réserve ses droits contre les autres.
        • Dans cette situation, l’article 1315 du Code civil contraint le créancier à déduire de ses poursuites contre les codébiteurs la part contributive du bénéficiaire de la remise de dette.
        • Cette règle est spécifiquement exprimée à l’article 1350-1 du Code civil qui dispose que « la remise de dette consentie à l’un des codébiteurs solidaires libère les autres à concurrence de sa part. »

2. Les effets secondaires de la solidarité

Certains effets de la solidarité sont qualifiés de secondaires en raison de leur singularité.

Ils ont en commun de faciliter l’action du créancier car certains actes accomplis à l’encontre de l’un des codébiteurs produisent leurs effets à l’égard de tous les autres.

La cohérence de ces effets secondaires demeure toutefois incertaine dans la mesure où, tout en liant le sort des codébiteurs à l’instar des exceptions inhérentes à la dette, ils ne se rattachent pas aisément à la notion d’unicité de la dette.

Aussi, a-t-on cherché à leur trouver un socle théorique commun.

==> Exposé de la théorie de la représentation mutuelle

À partir des effets secondaires les plus caractéristiques, la doctrine du XIXe siècle a cherché à les rassembler autour d’une théorie commune, laquelle a été reprise par la jurisprudence (V. notamment en ce sens civ. 1er déc. 1885).

Cette tentative de théorisation des effets secondaires de la solidarité a toutefois fait l’objet de vives critiques.

La particularité de ces effets remarquait-on est que les codébiteurs posséderaient une communauté d’intérêts.

En partant de ce postulat, on en a déduit qu’ils avaient respectivement qualité à agir au nom des autres et que, en somme, ils se représentaient mutuellement.

C’est ce que l’on appelle la théorie de la représentation mutuelle.

Le pouvoir de représentation dont seraient dotés les codébiteurs ne serait pas toutefois illimité.

Ces derniers ne sauraient accomplir aucun acte qui aurait pour conséquence d’aggraver la situation des autres.

Ils ne pourraient valablement agir qu’en vue de maintenir ou de réduire l’engagement de tous.

Bien que séduisante, cette thèse n’en est pas moins contestable.

Non seulement elle présente une certaine part d’artifice en ce qu’il est difficile de trouver une communauté d’intérêt dans la situation juridique que constitue la solidarité, surtout la majorité des solutions qu’elle entend recouvrir peuvent également être rattachées à la notion d’unicité de la dette.

==> Inventaire des effets secondaires

De tous les effets secondaires énoncés par le Code civil avant la réforme, l’ordonnance du 10 février 2017 n’en reprend qu’un seul : la demande d’intérêts formée contre l’un des codébiteurs.

Est-ce à dire que les autres effets secondaires attachés à la solidarité sont abandonnés ?

On ne saurait être aussi catégorique ; rien ne permet de se prononcer dans un sens un dans l’autre.

Aussi, dans l’attente que la Cour de cassation se prononce, au cas par cas, convient-il d’envisager que tous les effets secondaires attachés à la solidarité antérieurement à la réforme soient conservés :

  • La demande d’intérêts formée contre l’un des codébiteurs
    • L’article 1314 du Code civil prévoit que « la demande d’intérêts formée contre l’un des débiteurs solidaires fait courir les intérêts à l’égard de tous.»
    • De toute évidence, cet effet secondaire vient contredire la théorie de la représentation mutuelle, dans la mesure où il conduit à une aggravation de la situation des codébiteurs.
    • À la vérité, cette règle se justifie, une fois encore, par l’idée de dette unique.
    • Les intérêts étant les accessoires de la dette. Or celle-ci est due par tous.
    • Les intérêts qui commencent à courir ne peuvent donc que suivre le même régime.
  • La mise en demeure adressée à l’un des codébiteurs
    • Lorsqu’une mise en demeure est adressée par le créancier à l’un des codébiteurs, elle les oblige tous à payer le prix
    • Elle fait courir les intérêts moratoires.
    • Toutefois, seul le mis en demeure peut être condamné, s’il ne s’exécute pas, à verser des dommages et intérêts
  • L’interruption de la prescription contre l’un des codébiteurs
    • Lorsqu’un acte interruptif de prescription est accompli par le créancier, il produit ses effets à l’encontre de tous les codébiteurs.
    • L’acte interruptif de prescription peut consister, tant en un acte judiciaire (acte introductif d’instance) qu’en un acte extrajudiciaire (reconnaissance de dette).
  • La transaction entre le créancier et l’un des codébiteurs
    • Dans un arrêt du 3 décembre 1906, la Cour de cassation a estimé que la transaction conclue entre le créancier et l’un des codébiteurs profite aux autres lorsqu’elle leur est favorable ( req. 3 déc. 1906).
  • L’autorité de la chose jugée
    • Dans un arrêt du 28 décembre 1881, la Cour de cassation a estimé que « la chose jugée avec l’un des codébiteurs solidaires est opposable à tous les autres» ( civ. 28 déc. 1881).
    • Cette règle est toutefois écartée dans l’hypothèse où cet effet secondaire de la solidarité conduit à aggraver la situation des codébiteurs.
  • Les voies de recours
    • L’exercice d’une voie de recours par l’un des codébiteurs bénéficie aux autres, de sorte que la décision obtenue en appel pour l’un sera opposable à tous les autres.

B) La contribution à la dette ou les rapports entre codébiteurs

Une fois le créancier désintéressé, celui à qui il a été demandé régler la totalité de la dette, à tout le moins plus que sa part, dispose d’un recours contre ses codébiteurs.

Ce recours intéresse le stade de la contribution à la dette. Plus globalement, il s’agit de déterminer, après avoir surmonté le stade de l’obligation à la dette, l’étendue de la répartition de la dette entre les codébiteurs

Plusieurs règles ont été adoptées aux fins de régler cette question de la répartition du poids de la dette.

==> Le rétablissement du principe de division

Au stade de la contribution à la dette, il ressort de l’article 1317 du Code civil que la solidarité ne joue plus.

L’obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs.

Le débiteur qui donc a payé le créancier ne peut pas actionner en paiement l’un de ses codébiteurs pour le montant de la dette restant dû.

Celui qui a payé au-delà de sa part dispose d’un recours contre les autres à proportion de leur propre part

==> La répartition de la dette entre codébiteurs

  • Principe
    • L’article 1317 prévoit que « entre eux, les codébiteurs solidaires ne contribuent à la dette que chacun pour sa part. »
    • La division se fait, en principe, par parts égales
    • Cette clé de répartition n’est toutefois pas absolue.
    • Dans plusieurs cas, il peut, en effet, être dérogé au principe de répartition à parts égales de la dette.
  • Exceptions
    • La solidarité est fondée sur une responsabilité commune
      • Dans cette hypothèse, le juge peut moduler la contribution des codébiteurs, en fonction du degré des fautes respectives s’il s’agit d’une solidarité fondée sur une responsabilité commune.
    • La stipulation d’une clause de répartition
      • Les parties peuvent elles-mêmes prévoir une répartition inégale dans le contrat
    • L’insolvabilité d’un codébiteur
      • L’article 1317 dispose que dans l’hypothèse où l’un des codébiteurs « est insolvable, sa part se répartit, par contribution, entre les codébiteurs solvables, y compris celui qui a fait le paiement et celui qui a bénéficié d’une remise de solidarité. »
      • La part est donc répartie entre tous les codébiteurs encore solvables.
      • Cette solution s’apparente à une sorte de solidarité horizontale et subsidiaire qui s’adjoindrait à la solidarité verticale jouant dans les rapports avec le créancier.
    • La dette a été contractée dans l’intérêt d’un seul débiteur
      • L’article 1318 prévoit que « si la dette procède d’une affaire qui ne concerne que l’un des codébiteurs solidaires, celui-ci est seul tenu de la dette à l’égard des autres
      • Cela signifie donc que dans l’hypothèse où un seul des codébiteurs est intéressé à l’opération, il doit supporter le poids définitif de la dette.
      • Il en résulte deux conséquences :
        • Si le débiteur intéressé à l’opération a seul été actionné en paiement par le créancier, il ne dispose d’aucun recours contre ses codébiteurs.
        • Inversement si les codébiteurs non intéressés à l’opération ont été actionnés en paiement par le créancier, ils disposent d’un recours contre celui concerné par la dette

==> Le recours du codébiteur solvens

Il dispose d’un double recours contre ses codébiteurs :

  • Une action personnelle
    • Cette action est fondée sur l’article 1317, al. 2 du Code civil.
    • Sur le plan théorique, les auteurs invoquent les notions de mandat et de gestion d’affaires pour la justifier.
    • L’action personnelle qui ne peut être exercée qu’à titre chirographaire permet de réclamer aux codébiteurs les intérêts des sommes versées au créancier à compter du jour du paiement.
  • Une action subrogatoire
    • Cette action est fondée sur l’article 1346 du Code civil qui prévoit que « la subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette.»
    • Le mécanisme de la subrogation, qui joue de plein droit dès le paiement effectué, présente l’avantage d’investir le codébiteur solvens de tous les droits et actions du créancier.
    • Aussi, cela lui permet-il de jouir, notamment, des sûretés et garanties attachés à la créance initiale.

IV) L’extinction de la solidarité passive

La solidarité prend fin dans trois cas distincts :

  • Le paiement
    • C’est la cause d’extinction normale de la solidarité
    • Si le paiement réalise l’exécution intégrale de l’obligation, la dette disparaît.
    • La solidarité n’a donc plus de raison d’être.
  • Le décès d’un codébiteur
    • En l’absence d’une clause d’indivisibilité complétant la solidarité, le décès de l’un des codébiteurs produit une division de la part du codébiteur dans la dette entre ses héritiers.
    • Aussi, le créancier, ne pourra pas les actionner en paiement pour le tout.
    • La solidarité jouera néanmoins toujours entre les autres codébiteurs.
  • La remise de solidarité
    • Le nouvel article 1316 dispose que « le créancier qui reçoit paiement de l’un des codébiteurs solidaires et lui consent une remise de solidarité conserve sa créance contre les autres, déduction faite de la part du débiteur qu’il a déchargé. »
    • Ainsi, lorsque le créancier est réglé par l’un des codébiteurs, il peut lui consentir une remise de solidarité.
    • Cela signifie qu’il n’est plus tenu solidairement à la dette, mais seulement conjointement.
    • La conséquence en est que le créancier ne pourra exiger du bénéficiaire de la remise que le paiement de sa part dans la dette et non du tout.
    • Quant aux autres débiteurs, ils demeurent tenus solidairement de la dette, déduction faite de la part du débiteur qui a été déchargé.

 

La solidarité active

==> Notion

Il y a solidarité active lorsque plusieurs créanciers sont titulaires d’une créance unique à l’encontre d’un débiteur unique. Il s’ensuit que chacun d’entre eux est en droit d’exiger du débiteur le paiement de la totalité de ce qui est dû.

La solidarité active concerne le domaine bancaire et plus particulièrement le fonctionnement du compte joint.

La convention de compte permet, en effet, à chacun des titulaires de disposer de la totalité du solde.

Schéma 6.JPG

==> Source

Le principe étant la division de l’obligation en autant de fractions qu’il y a de créanciers, la solidarité active ne peut être l’exception.

D’où la règle posée à l’article 1310 du Code civil aux termes duquel « la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas. »

La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler cette règle, qui n’est pas nouvelle, notamment dans un arrêt du 16 juin 1992 (Cass. 1ère civ. 16 juin 1992).

L’absence de présomption de la solidarité vaut tant pour la solidarité active que pour la solidarité active. Le texte ne distingue pas

==> Effets

Les effets de la solidarité sont réglés par les articles 1311 et 1312 du Code civil. La lecture de ces dispositions invites à distinguer deux sortes d’effets : l’effet principal de la solidarité et les effets secondaires

  • L’effet principal de la solidarité
    • Dans les rapports entre les créanciers et le débiteur
      • Les effets à l’égard des créanciers
        • Le principal effet de la solidarité active est que cette modalité de l’obligation confère à chaque créancier la faculté d’exiger et de recevoir du débiteur le paiement de toute la créance ( 1311 C. civ.)
        • Le débiteur ne pourra donc pas opposer au créancier le principe de division de la créance, quand bien même son droit ne porte que sur une fraction de ladite créance
      • Les effets à l’égard du débiteur
        • En contrepartie de la possibilité pour chaque créancier de réclamer au débiteur le paiement du tout, le paiement fait à l’un d’eux libère le débiteur à l’égard de tous.
        • Cela signifie donc que les autres créanciers ne pourront pas lui réclamer le paiement de leur part.
        • L’article 1311 du Code civil précise que « le débiteur peut payer l’un ou l’autre des créanciers solidaires tant qu’il n’est pas poursuivi par l’un d’eux.»
        • Deux enseignements peuvent être tirés de cette disposition
          • Premier enseignement
            • Tant que le débiteur n’est pas poursuivi peut valablement se libérer entre les mains de l’un des créanciers solidaires de son choix
            • Le créancier ainsi choisi ne dispose pas de la faculté de refuser le paiement
          • Second enseignement
            • Lorsque le débiteur fait l’objet de poursuites, la faculté pour le débiteur de choisir le créancier entre les mains duquel il va payer cesse.
            • Il ne pourra valablement se libérer qu’entre les mains du créancier poursuivant.
            • À défaut, son paiement ne sera pas libératoire.
    • Dans les rapports entre créanciers
      • Si, envers le débiteur, le principe de division n’opère pas sur la créance, envers les créanciers l’obligation se divise.
      • Il en résulte que les créanciers qui n’ont reçu aucun paiement de la part du débiteur, disposent d’un recours contre celui ou ceux qui ont perçu la totalité de la créance pour obtenir restitution de leur part, déterminée, en l’absence de clause contraire, de manière égale à celle des autres.
      • L’article 1309, al. 2 du Code civil prévoit en ce sens que « chacun des créanciers n’a droit qu’à sa part de la créance commune»
      • L’article 1312 précise que lorsqu’un créancier reçoit paiement du débiteur il « en doit compte aux autres».
      • De toute évidence, cette solution met en exergue la dangerosité de la solidarité active, dans la mesure où en cas d’insolvabilité ou de mauvaise foi du créancier accipiens, les autres sont susceptibles de se retrouver démunis et privés du bénéfice de leur part dans la créance.
  • Les effets secondaires
    • Les effets secondaires de la solidarité active sont au nombre de deux :
      • Bénéfice de l’acte suspensif ou interruptif de prescription
        • Aux termes de l’article 1313 du Code civil, « tout acte qui interrompt ou suspend la prescription à l’égard de l’un des créanciers solidaires, profite aux autres créanciers. »
        • Cette règle se justifie par la nature de la solidarité qui a pour effet de faire obstacle à la division de l’obligation
        • Aussi, dès lors que la créance est indivisible, il apparaît logique que les événements qui l’affectent se répercutent sur tous ses titulaires qui, à l’égard du débiteur, sont indivisiblement liés.
      • L’effet individuel de la remise de dette
        • L’article 1350-1, al. 2 du Code civil prévoit que « la remise de dette faite par l’un seulement des créanciers solidaires ne libère le débiteur que pour la part de ce créancier.»
        • Cette règle se justifie par la nécessité de ne pas aggraver la situation des autres créanciers, lesquels peuvent ne pas vouloir consentir une remise de dette au débiteur.
        • Il appartient à chacun, pris individuellement, de déterminer du sort de sa part dans la créance.

L’obligation conjointe ou divise

S’il n’est pas rare que l’obligation comporte plusieurs objets, elle peut aussi avoir plusieurs sujets.

Lorsque l’obligation est plurale par ses sujets, deux situations peuvent se rencontrer :

  • Soit l’obligation est divise ou conjointe, ce qui signifie qu’elle se divise en autant de créances et de dettes qu’il y a de créanciers et de débiteur ;
    • La conséquence en est que :
      • d’une part, chaque créancier ne peut réclamer au débiteur que sa part dans la créance
      • d’autre part, chaque débiteur n’est tenu envers le créancier que de sa part dans la dette.
  • Soit l’obligation est indivise ou solidaire, ce qui signifie que chaque créancier ou débiteur est titulaire de la totalité de la dette ou de la créance
    • Il en résulte que :
      • d’une part, chaque créancier peut réclamer à n’importe quel débiteur le paiement de la totalité de la créance
      • d’autre part, chaque débiteur est tenu du tout envers n’importe quel créancier

Tandis que la division de l’obligation est le principe, la solidarité a été envisagée par les rédacteurs du Code civil comme l’exception. Lors de la réforme du droit des obligations le législateur contemporain n’est pas revenu sur cette règle.

Nous nous focaliserons ici sur la division de l’obligation.

?Le principe de division

Dans sa configuration la plus simple, l’obligation ne comporte que deux sujets : un créancier et un débiteur.

Néanmoins, il est des situations où l’obligation comportera plusieurs sujets.

Le rapport d’obligation existera alors :

  • Tantôt entre un créancier et plusieurs débiteurs

  • Tantôt entre plusieurs créanciers et un débiteur

Dans l’hypothèse où l’obligation comporte plusieurs sujets, le principe instauré par le législateur est la division de l’obligation en autant de rapports indépendants qu’il existe de créanciers ou de débiteurs.

L’article 1309 du Code civil dispose en ce sens que « l’obligation qui lie plusieurs créanciers ou débiteurs se divise de plein droit entre eux ». L’obligation est dite conjointe.

La conséquence attachée par l’article 1309, al. 2 du Code civil à cette configuration de l’obligation est double :

  • Chacun des créanciers n’a droit qu’à sa part de la créance commune
    • Cela signifie que chaque créancier ne pourra réclamer au débiteur que la part de la dette due personnellement par celui-ci
    • Pour obtenir le paiement complet de sa créance, le créancier devra, en conséquence, diviser ses poursuites envers chaque débiteur pris individuellement.
  • Chacun des débiteurs n’est tenu que de sa part de la dette commune
    • Cela signifie que chaque débiteur n’est obligé qu’à concurrence de sa part dans la dette
    • Le débiteur sera donc libéré de son obligation dès qu’il aura exécuté la part de son obligation

?Le domaine de la division

L’article 1309 du Code civil ne distingue pas selon la source de l’obligation. Aussi, la division opère indifféremment selon que l’obligation est de nature contractuelle, délictuelle ou légale.

Le seul critère posé par le législateur consiste, semble-t-il, en l’existence d’une pluralité de créanciers ou de débiteurs.

Aussi, le domaine privilégié de la division est, sans aucun doute, le droit des successions : en cas de décès d’un créancier ou d’un débiteur, l’obligation se divise de plein droit en autant de parts qu’il y a d’héritiers.

  

?La division de l’obligation solidaire

Quid dans l’hypothèse de la division d’une obligation solidaire, ce qui se produira notamment lorsque le créancier ou le débiteur décédera ?

  • Doit-on considérer que, dans la mesure où ils acquièrent les mêmes droits et obligations que le de cujus, les héritiers sont solidaires de sorte que le créancier pourra réclamer à chacun d’eux le paiement de la dette pour le tout ?
  • Doit-on considérer, au contraire, que la solidarité ne se propage pas si bien que les héritiers ne seront tenus à la dette qu’à concurrence de leur part ?

L’article 1309 du Code civil apporte une solution à cette question en prévoyant que « la division a lieu également entre leurs successeurs, l’obligation fût-elle solidaire »

Ainsi, les héritiers d’un débiteur solidaire ne sont tenus qu’à proportion de leur part héréditaire. Le créancier ne pourra pas actionner l’un d’eux en paiement pour le tout.

?L’effet de la division

L’article 1309 du Code civil dispose que « si elle n’est pas réglée autrement par la loi ou par le contrat, la division a lieu par parts égales. »

Deux enseignements peuvent être tirés de cette règle :

  • L’obligation se divise équitablement entre ses sujets
  • La loi ou le contrat peut prévoir une division de l’obligation en parts inégales

?Les exceptions au principe de division

L’article 1309, al. 3 institue deux exceptions au principe de division de l’obligation :

  • L’obligation solidaire
  • L’obligation indivisible

Dès lors que l’on se trouve dans l’une de ces situations, la division de l’obligation ne peut plus opérer.

La conséquence en est que :

  • Soit chaque débiteur solidaire sera tenu au tout
  • Soit chaque créancier solidaire pourra réclamer le tout