Acte sous signature privée constatant un contrat synallagmatique: l’exigence du double original

En application de l’article 1375 du Code civil, les actes sous signature privée constatant un contrat synallagmatique doivent répondre à l’exigence dite du « double original ». Ce principe est toutefois assorti d’exceptions.

==> Principe

L’article 1375, al. 1er du Code civil prévoit que « l’acte sous signature privée qui constate un contrat synallagmatique ne fait preuve que s’il a été fait en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct »

Cette exigence est usuellement désignée sous l’appellation « formalité du double original ».

La raison en est que les parties à un contrat synallagmatique sont généralement deux.

Si néanmoins elles sont plus nombreuses, alors l’article 1375, al. 1er du Code civil exige que l’instrumentum qui constate le contrat soit établi en autant d’originaux qu’il y a de parties, à la condition qu’il s’agisse d’un contrat synallagmatique.

Pour mémoire, l’article 1106 du Code civil prévoit « un contrat est synallagmatique lorsque les contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres. »

En d’autres termes, il s’agit d’un contrat qui crée des obligations réciproques et interdépendantes à la charge des deux parties. Chaque partie est tout à la fois créancier et débiteur.

Exemples :

  • Le contrat de vente: le vendeur s’engage à livrer la chose promise tandis que l’acheteur s’oblige à payer le prix convenu
  • Le contrat de bail: le bailleur s’engage à assurer la jouissance paisible de la chose louée, tandis que le locataire s’oblige à payer un loyer

Pour que donc l’exigence du double original s’applique, le contrat conclu entre les parties doit nécessairement stipuler des engagements réciproques.

Sont donc exclus du domaine de cette exigence notamment les contrats unilatéraux.

Dans un arrêt du 28 mars 1984, la Cour de cassation a ainsi jugé, s’agissant d’un contrat de prêt, que dans la mesure où il n’impose d’obligation qu’a l’emprunteur et qu’il ne présente pas de caractère synallagmatique rien n’exige qu’il soit établi en autant d’exemplaires que de parties (Cass. 1ère civ. 28 mars 1984, n°82-15.538).

S’agissant de l’objectif poursuivi par l’exigence du double original, à l’analyse elle vise à assurer la sécurité juridique des parties à l’acte.

En effet, en exigeant que chaque partie soit en possession d’un exemplaire original de l’acte, l’objectif recherché est double :

  • Permettre à chacune des parties de prouver les obligations constatées dans l’acte
  • Empêcher que l’acte ne soit falsifié par l’une d’elles

==> Conditions

Il ne suffit pas que l’acte soit établi en autant d’originaux qu’il y a de parties pour que l’exigence du double original soit remplie, il faut encore que deux conditions soient satisfaites :

  • Première condition
    • Bien que l’article 1375 du Code civil ne le prévoit pas expressément, la satisfaction de l’exigence du double original requiert que chaque partie se soit vu remettre un exemplaire original de l’acte.
    • Dans un ancien arrêt rendu par la Cour d’appel de Colmar il a été jugé en ce sens que si tous les exemplaires d’un acte sous signature privée sont demeurés entre les mains d’un seul contractant ils sont insusceptibles de valoir preuve parfaite (CA Colmar, 8 mars 1865).
  • Seconde condition
    • L’article 1375, al. 2e du Code civil prévoit que la formalité du double original n’est remplie qu’à la condition que chaque original remis aux parties mentionne le nombre des originaux qui en ont été faits
    • La jurisprudence a estimé qu’il n’était pas nécessaire que soit indiqué le nombre précis d’exemplaires dressés ; il suffit d’indiquer que l’acte a été établi en autant d’originaux qu’il y a de parties (V. en ce sens CA Angers, 5 juill. 2011, n° 10/00439)

==> Exceptions

L’exigence du double original en présence d’un acte sous signature privée constatant un contrat synallagmatique souffre de trois exceptions :

  • Première exception
    • L’article 1375, al. 1er in fine prévoit que l’exigence du double original joue « à moins que les parties ne soient convenues de remettre à un tiers l’unique exemplaire dressé».
    • Cette règle, issue de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, ne fait que consacrer la jurisprudence qui, très tôt, a jugé qu’il y avait lieu de dispenser les parties de satisfaire à l’exigence de la pluralité d’originaux lorsqu’elles ont choisi de déposer l’acte entre les mains d’un tiers.
    • La raison en est que, dans cette circonstance, toutes les parties sont placées sur un pied d’égalité en ce sens qu’il leur suffira de solliciter le tiers aux fins de se procurer la preuve de l’acte constatant les engagements pris.
    • Aussi, parce que la preuve de l’acte n’est soumise au bon vouloir d’une partie, l’exigence du double original ne présente plus aucun intérêt ; d’où l’exception à la règle reconnue par la jurisprudence, puis consacrée par le législateur.
    • À cet égard, il peut être observé que le texte ne subordonne le dépôt de l’acte entre les mains d’un tiers au respect d’aucune condition particulière.
    • II n’est donc pas nécessaire que le tiers justifie d’une qualité quelconque ou soit un professionnel du droit.
    • Ce qui importe, en revanche c’est :
      • D’une part, que toutes les parties aient donné leur consentement au dépôt de l’acte entre les mains d’un tiers ( Cass. 3e civ. 15 avr. 1992, n°91-14.297).
      • D’autre part, que le dépôt de l’acte soit réel (Cass. 1ère civ. 19 juin 1957)
      • Enfin, que le tiers désigné soit neutre, ce qui signifie qu’il doit agir dans l’intérêt commun des parties, de sorte qu’elles soient placées sur un pied d’égalité
    • Une fois l’acte déposé entre les mains du tiers il devra le produire sur demande de l’une des parties sans opérer de distinction entre elles.
  • Deuxième exception
    • L’article 1375, al. 3e du Code civil prévoit que « celui qui a exécuté le contrat, même partiellement, ne peut opposer le défaut de la pluralité d’originaux ou de la mention de leur nombre. »
    • Il ressort de cette disposition que le non-respect de l’exigence du double original peut être couvert lorsque l’une des parties a exécuté tout ou partie de son obligation.
    • À l’analyse, il s’agit là d’une extension de la règle énoncée par l’ancien article 1325, al. 4e du Code civil qui prévoyait que « le défaut de mention que les originaux ont été faits doubles, triples, etc., ne peut être opposé par celui qui a exécuté de sa part la convention portée dans l’acte. »
    • Sous l’empire du droit antérieur, seul le défaut de mention du nombre d’originaux sur chaque exemplaire de l’acte était ainsi susceptible d’être couvert par l’exécution de la convention.
    • L’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 a étendu la couverture de cette irrégularité à l’absence d’établissement de l’instrumentum en autant d’originaux qu’il y a des parties à l’acte.
    • L’extension du domaine de l’exception à l’exigence du double original avait été déjà été amorcée par la Cour de cassation dans un arrêt du 14 décembre 1983.
    • Aux termes de cette décision, elle avait notamment estimé que lorsqu’une qu’une partie a pleinement exécuté son obligation, l’exigence du double original n’a plus lieu de s’appliquer.
    • La Haute juridiction a justifié cette solution en avançant que dès lors qu’au jour de la rédaction de l’acte sous signature privée litigieux une partie a satisfait à son engagement, elle n’a alors plus aucun droit à faire valoir, puisque remplie de ses droits, de sorte qu’elle n’a plus aucun intérêt à avoir un original en sa possession (Cass. 1ère civ. 14 déc. 1983, n°82-730).
    • Il peut être observé que le législateur est allé plus loin que la jurisprudence en admettant que l’absence de double original puisse être couverte, non seulement par une inexécution totale du contrat, mais également par une inexécution partielle.
    • La question qui alors se pose est de savoir en quoi consiste un acte d’exécution.
    • Autrement dit à partir de quand peut-on considérer qu’une partie a commencé à exécuter son engagement, autorisant ainsi son cocontractant à se prévaloir de l’exception à l’exigence du double original énoncée à l’article 1375, al. 3e du Code civil ?
    • Selon les auteurs, un acte d’exécution consisterait en un acte exprimant la reconnaissance par une partie de la convention et, par voie de conséquence, de son engagement.
    • Tel sera le cas en cas de libération des lieux par les propriétaires d’une maison consécutivement à la vente de cette dernière (Cass. 1ère civ. 14 déc. 1964)
  • Troisième exception
    • L’article 1375, al. 4e du Code civil prévoit que « l’exigence d’une pluralité d’originaux est réputée satisfaite pour les contrats sous forme électronique lorsque l’acte est établi et conservé conformément aux articles 1366 et 1367, et que le procédé permet à chaque partie de disposer d’un exemplaire sur support durable ou d’y avoir accès. »
    • Ainsi, lorsque l’acte sous signature privée est établi au moyen d’un support électronique pour que l’exigence du double original soit remplie, deux conditions doivent être satisfaites :
      • Première condition
        • L’acte doit être conservé et établi selon les modalités énoncées par les articles 1366 et 1367 du Code civil.
        • Cela implique :
          • D’une part, que puisse être dûment identifiée la personne dont l’acte émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité (art. 1366 C. civ.).
          • D’autre part, que la signature électronique utilisée repose sur un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache (art. 1367, al. 2e C. civ.).
      • Seconde condition
        • Le procédé utilisé pour établir l’acte doit permettre à chaque partie de disposer d’un exemplaire sur support durable ou d’y avoir accès à tout moment.
        • Par support durable, il faut entendre, selon l’article liminaire du Code de la consommation « tout instrument permettant au consommateur ou au professionnel de stocker des informations qui lui sont adressées personnellement afin de pouvoir s’y reporter ultérieurement pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et qui permet la reproduction à l’identique des informations stockées».
        • Le considérant 23 de la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs précise que « le support durable devrait permettre au consommateur de stocker les informations aussi longtemps que cela lui est nécessaire pour protéger ses intérêts découlant de sa relation avec le professionnel. Au nombre des supports durables devraient figurer, en particulier, le papier, les clés USB, les CD-Rom, les DVD, les cartes à mémoire ou les disques durs d’ordinateur ainsi que les courriels. »

==> Sanction

Il ressort de l’article 1375, al. 1er du Code civil, que l’établissement d’une pluralité d’originaux est exigé à titre de preuve et non comme condition de validité du contrat synallagmatique constaté dans l’acte.

Aussi, en cas de manquement à cette exigence, l’écrit perd son statut de preuve parfaite, de sorte qu’il ne permet plus de faire la preuve de l’acte sur lequel il porte.

Est-ce à dire qu’il est dépourvu de toute valeur probante ?

Dans un arrêt du 19 février 2013 la Cour de cassation lui a reconnu la valeur de commencement de preuve par écrit.

Elle a jugé en ce sens que « la copie produite ne contenait pas la mention du nombre des originaux qui avaient été faits de la convention synallagmatique et ne pouvait dès lors valoir que comme commencement de preuve par écrit exigeant d’être complété par un élément extrinsèque » (Cass. 1ère civ. 19 févr. 2013, n°11-24.453).

Acte sous signature privée: les conditions de validité

==>Notion

À la différence de l’acte authentique, l’acte sous signature privée ne fait l’objet d’aucune définition textuelle. Le Code civil n’aborde que ses conditions de validité et sa force probante. Aussi, est-ce la doctrine qu’est revenue la tâche de le définir.

Selon Charles Demolombe, l’acte sous signature privée consiste en « un écrit rédigé sans l’intervention d’un officier public, sous la seule signature des parties, à l’effet de constater la preuve d’une obligation ou d’une libération ou de tout autre fait juridique »[1].

La définition de Charles Aubry est plus lapidaire. Pour cet auteur, « les actes sous seing privé sont des actes faits sans l’intervention d’officiers publics, et sous la signature des parties »[2].

Il ressort de ces définitions deux éléments qui caractérisent l’acte sous signature privée :

  • L’absence d’intervention d’un officier public
    • C’est là ce qui distingue fondamentalement l’acte sous signature privée de l’acte authentique : l’acte sous signature privée ne requiert pas l’intervention d’un officier public, ni d’aucun autre professionnel du droit, bien qu’en pratique il soit fréquent qu’il soit rédigé par un avocat.
    • La conséquence en est une force probante moindre que l’acte authentique, en ce sens qu’il fait foi jusqu’à preuve du contraire.
    • Autrement dit, il n’est pas nécessaire de mettre en œuvre la procédure d’inscription en faux pour le contester.
  • La signature des parties à l’acte
    • S’il n’est soumis, en principe, à aucun formalisme particulier, pour produire les effets d’un écrit au sens de l’article 1364 du Code civil, il doit nécessairement être signé par les parties.
    • C’est d’ailleurs cette exigence de signature qui a donné l’appellation d’acte sous signature privée.
    • En effet, le mot signature est issu du latin signum qui signifie littéralement, le signe, la marque, le sceau ou encore l’empreinte.
    • Le terme signature s’est progressivement substitué dans le langage courant au mot « seing », aujourd’hui désuet, qui n’est autre que son doublet, car possédant la même origine étymologique.
    • Pendant longtemps, le mot « seing » est demeuré néanmoins repris par les textes.
    • Il a fallu attendre l’adoption de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 pour qu’il soit remplacé par le terme « signature».
    • Reste que, par habitude, les juristes continuent d’utiliser la formule « acte sous seing privé».
    • À cet égard, il peut être observé que l’adjectif « privé » adossé au mot « signature » rappelle que cette forme d’écrit tire sa valeur juridique de la seule signature des parties et non de la signature d’un officier public.

L’acte sous signature privée est régi aux articles 1372 à 1377 du Code civil. Nous nous focaliserons ici sur ses conditions de validité. 

1. Conditions communes à tous les actes sous signature privée

a. Absence de formalisme

À la différence de l’acte authentique, l’acte sous signature privée, pris en tant qu’instrumentum, n’est soumis, par principe, à aucune condition de forme particulière.

Il ne requiert, ni l’intervention d’un officier public ou d’un quelconque professionnel du droit, ni l’apposition de mentions spécifiques.

La seule condition devant être remplie pour que l’acte sous signature privée produise un effet probatoire, c’est qu’il soit signé par la ou les parties à l’acte.

Dans un arrêt du 27 janvier 1993, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « en dehors des exceptions prévues par la loi, l’acte sous signature privée n’est soumis à aucune autre condition de forme que la signature de ceux qui s’obligent » (Cass. 1ère civ. 27 janv. 1993, n°91-12.115).

Pratiquement, cela signifie qu’il n’est pas exigé que l’acte sous signature privée soit rédigé en français, pourvu qu’il soit intelligible pour les parties (V. en ce sens Cass. 3e civ. 15 déc. 1998, n°97-17.673).

La personne du rédacteur est, par ailleurs, indifférente. L’acte sous signature privée peut très bien avoir été rédigé par un tiers, à la condition qu’il comporte la signature des parties à l’opération qu’il constate (Cass. 1ère civ. 21 févr. 2006, n°04-13.512).

La Cour de cassation rappelle en outre régulièrement que le procédé d’établissement de l’acte sous signature privée est sans incidence sur sa force probante. Il importe donc peu qu’il soit rédigé au crayon (Cass. com. 8 oct. 1996, n°94-17.967), de façon dactylographiée ou sur la base d’une formule prérédigée.

Il est encore admis que l’acte sous signature privée puisse ne pas être écrit en un seul et même contexte. Il peut ainsi résulter d’un échange de courriers.

Tel sera le cas, par exemple, lorsqu’un acquéreur adresse par voie postale une offre d’achat au vendeur qui l’accepte par retour de courrier.

Dès lors qu’une lettre missive est signée de la main de son auteur et qu’elle comporte les éléments requis par engager son signataire, elle peut se voir reconnaître la qualification d’acte sous signature privée (V. en ce sens Cass. req. 11 janv. 1892)

b. L’exigence de signature

La validité de l’acte sous signature privée est subordonnée à la seule apposition de la signature des parties sur l’instrumentum.

À l’analyse, il ne s’agit pas là d’une condition spécifique à l’acte sous signature privée ; elle joue en réalité pour tous les écrits.

Cette exigence résulte, pour rappel, de l’article 1367 du Code civil qui prévoit que la signature est « nécessaire à la perfection d’un acte juridique ».

Pour être précis, la signature est requise pour parfaire, non pas « l’acte juridique », mais « l’écrit » en tant que mode de preuve. La formulation de la règle est maladroite : le législateur confond ici l’instrumentum avec le negocium.

En effet, au sens strict, l’acte juridique c’est le negocium, soit l’opération voulue par son auteur. Or conformément au principe du consensualisme, la perfection du negocium est subordonnée à la seule expression des volontés. La signature n’est donc pas une condition de validité du negocium.

Si la signature est exigée c’est pour permettre d’établir l’existence et le contenu du negocium. C’est la raison pour laquelle elle est requise uniquement pour parfaire l’écrit, soit l’instrumentum constatant le negocium.

Comme souligné par des auteurs, la réforme du droit de la preuve opérée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 « aurait pu être l’occasion de corriger cette inadvertance, en érigeant la signature en condition de perfection de l’écrit, qu’il soit authentique ou sous signature privée, électronique ou papier, plutôt qu’en condition de l’acte juridique »[3].

Le législateur n’a pas saisi cette occasion ; il s’est contenté en 2016 de reprendre dans les mêmes termes la règle énoncée à l’ancien article 1316-4 du Code civil qu’il a transféré à l’article 1367.

Il a néanmoins innové seize ans plus tôt en reconnaissant, lors de l’adoption de la loi n°2000-230 du 13 mars 2000, une équivalence entre la signature manuscrite et la signature électronique.

Cette loi a introduit un article 1316-4, al. 2e dans le Code civil, devenu l’article 1367, al. 2e consécutivement à l’adoption de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qui prévoit que « lorsqu’elle est électronique, [la signature] consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. »

==> Notion de signature

Si désormais l’on s’arrête sur la notion de signature, le développement des nouvelles technologies de l’information l’a placé au centre des préoccupations des juristes.

Le mot signature est issu du latin signum qui signifie littéralement, le signe, la marque, le sceau ou encore l’empreinte.

Le terme signature s’est progressivement substitué dans le langage courant au mot « seing », aujourd’hui désuet, qui n’est autre que son doublet, car possédant la même origine étymologique.

Usuellement, une signature est donc un signe distinctif, une marque personnelle, généralement constituée du prénom et du nom de famille ou de leurs initiales, apposée permettant d’attribuer quelque chose à quelqu’un.

Plus précisément, elle se définit comme une « inscription de son nom, sous une forme particulière et reconnue, ou d’une marque spécifique, apposée par une personne sur un écrit afin d’en attester l’exactitude, d’en approuver le contenu et d’en assumer la responsabilité »[4].

Cette définition n’est manifestement pas très éloignée de celle retenue chez les juristes pour lesquels « il y a lieu d’admettre que constitue une signature valable toute marque personnelle manuscrite permettant d’individualiser son auteur sans nul doute possible et traduisant la volonté non équivoque de celui-ci de consentir à l’acte »[5]

À cet égard, en 1804, le Code civil ne comportait aucune définition de la signature alors que les dispositions qu’il renferme y font fréquemment référence.

Il est, en effet, de nombreux actes dont la validité est conditionnée à la signature de la partie à laquelle l’acte est opposé.

Cependant, il a toujours existé un consensus sur les fonctions de la signature.

Comme souligné par le Conseil d’État dans son rapport intitulé « Internet et les réseaux » rendu le 2 juillet 1998, la signature apposée sur un document est susceptible d’emporter trois types d’effets :

  • Premier effet
    • L’expression par l’auteur de l’acte de son consentement
    • Autrement dit, en apposant sa marque, le signataire entend exprimer sa volonté de consentir à l’opération et plus encore d’en assumer les conséquences juridiques
  • Deuxième effet
    • La signature permet de constituer la preuve de l’acte juridique sur lequel elle est apposée en cas de contestation (valeur juridique ad probationem)
    • L’écrit peut, en effet, être exigé ad probationem, ce qui signifie que l’écrit n’est pas demandé comme élément nécessaire à la perfection de l’acte, mais uniquement pour en établir la réalité et la teneur.
    • Il vaut « pour la preuve » et s’il fait défaut, il n’y a pas pour autant nullité de l’acte, mais simplement difficultés d’en justifier.
    • Pour exemple, dans le cas des écrits qui doivent être établis en double exemplaire, parce qu’ils font naître des obligations à la charge de chaque partie (on peut citer le cas des contrats de bail), l’inobservation de cette obligation n’entraîne pas la nullité de la convention elle-même mais prive seulement l’écrit de sa force probante.
  • Troisième effet
    • La signature est parfois exigée au titre d’un formalisme conditionnant la validité de l’acte (valeur juridique ad validitatem)
    • Aussi, l’écrit peut également être exigé ad validitatem : en l’absence d’écrit, l’opération est frappée de nullité, l’écrit étant requis « pour la solennité », c’est-à-dire qu’il est imposé pour la validité de l’acte.
    • Pour exemple, en matière de prêt à intérêt, l’exigence d’un écrit mentionnant le taux de l’intérêt conventionnel est une condition de validité de la stipulation d’intérêt.

==> Consécration d’une définition

Il a fallu attendre la loi n°2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique pour voir entrer dans le Code civil une définition de la signature.

La consécration légale de la définition de la signature a été rendue nécessaire par la reconnaissance de l’équivalence entre l’écrit électronique et l’écrit papier.

On peut lire en ce sens dans les travaux parlementaires ayant conduit à l’adoption du texte que « la reconnaissance de l’efficacité du document électronique comme mode de preuve serait privée de portée pratique si elle restait subordonnée à l’apposition d’une signature tracée de la main même de son auteur. »

En effet, pour qu’un écrit soit valable, il doit être signé. Or si la notion de signature se conçoit bien pour un écrit papier, il en va tout autrement pour un écrit électronique.

L’écrit électronique se présente sous une forme dématérialisée, de sorte que, par hypothèse, il n’admet pas les procédés traditionnels de signature. Aussi, la condition tenant à la signature de l’écrit devait-elle nécessairement être adaptée.

Pour ce faire, encore fallait-il déterminer les exigences auxquelles le procédé alternatif de signature devait répondre pour conférer à l’écrit électronique la même valeur que l’écrit papier, ce qui supposait de définir au préalable ce que l’on entendait par signature.

Parmi les définitions qui étaient possibles, le législateur a retenu une approche fonctionnelle de la signature.

L’ancien article 1316-4 du Code civil devenu l’article 1367 prévoit que « la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie celui qui l’appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte. »

==> Fonctions de la signature

Il ressort de l’article 1367 du Code civil que la signature est définie par les deux fonctions que lui attribue le législateur :

  • Première fonction : identification de l’auteur de l’acte
    • La signature a pour fonction première d’identifier le signataire, soit celui qui a apposé sa marque personnelle sur l’acte.
    • Il en résulte que pour être valable une signature doit nécessairement présenter un caractère distinctif, sinon originale.
    • En d’autres termes, elle doit permettre de reconnaître avec certitude l’auteur de l’acte.
    • Parce qu’elle est l’empreinte de la personnalité de son auteur, la signature établit un lien singulier entre elle et son auteur.
    • Pour cette raison, une jurisprudence ancienne s’est opposée à ce qu’elle puisse être remplacée par une croix ou un dessin ( req. 8 juill. 1903) ou par l’apposition d’un sceau ou d’empreintes digitales (Cass. civ. 15 mai 1934).
    • Dans un arrêt du 17 février 2004, la Cour de cassation a encore décidé que la simple mention des noms et prénoms de l’auteur de l’acte figurant dans le corps du texte ne pouvait pas être assimilée à une signature (Cass. 1ère civ. 22 juin 2004, n°01-14.031)
    • Elle a toutefois précisé, quatre mois plus tard, que lorsque la mention des noms et prénoms de l’auteur de l’acte figure au bas du document « même si elle ne constitue pas la signature habituelle du testateur » elle peut suffire dès lors « qu’elle ne laisse aucun doute sur l’identité de l’auteur de l’acte ni sur sa volonté d’en approuver les dispositions» ( Cass. 1ère civ. 22 juin 2004, n°01-14.031).
    • Ce qui dès lors importe c’est que la marque apposée sur l’instrumentum soit suffisamment distinctive pour qu’il soit permis de l’associer, sans équivoque, à un signataire déterminé.
  • Seconde fonction : consentement au contenu de l’acte
    • Si la signature doit nécessairement permettre d’identifier son auteur, cette exigence posée par l’article 1367 du Code civil n’est pas suffisante.
    • Pour conférer à l’écrit sa force probante, le texte ajoute que la signature doit manifester le consentement de l’auteur de l’acte aux obligations qui en découlent.
    • Dans un arrêt du 9 mai 2018, la Cour de cassation a précisé qu’une seule signature pouvait suffire à manifester le consentement d’une même personne prise en plusieurs qualités.
    • Pour la Chambre commerciale « la double qualité en laquelle intervient le signataire d’un acte juridique, d’une part à titre personnel et, d’autre part, en qualité de représentant d’un tiers, [n’impose] pas la nécessité d’une double signature comme condition de validité de cet acte» (Cass. com. 9 mai 2018, n°16-28.157).
    • En tout état de cause, il y a lieu d’avoir bien à l’esprit que l’apposition de la signature sur l’instrumentum n’emporte pas consentement à l’acte ; elle constitue seulement une marque de ce consentement.
    • Pratiquement cela signifie que, nonobstant la signature de l’écrit constatant l’engagement pris par le signataire, celui-ci pourra toujours rapporter la preuve de son absence de consentement, à tout le moins du vice dont il a été frappé.
    • Parce que la signature constitue donc la marque de l’adhésion volontaire du signataire à l’ensemble des effets juridiques produits par l’acte, la jurisprudence exige généralement qu’elle se détache du corps du texte pour figurer à la fin du document (Cass. 1ère civ. 22 juin 2004, n°01-14.031).
    • Cela permet d’établir que le signataire a entendu adhérer à l’acte dans son entier et donc qu’elle vient sceller les engagements souscrits par les parties.
    • Par ailleurs, lorsque l’instrumentum comporte plusieurs feuillets, il n’est pas nécessaire qu’ils soient tous signés.
    • En revanche, afin d’établir que le signataire a pris connaissance de toutes les pages du document et éviter par là même qu’une page puisse être ajoutée, il est d’usage d’exiger l’apposition de paraphes sur chacune d’elles, bien qu’il ne s’agisse pas là d’une condition de validité de l’écrit (Cass. com. 5 juin 2007, n°06-11.950).
    • En outre, il doit exister un « lien intellectuel» entre tous les feuillets composant l’instrumentum, un lien de nature à établir qu’ils « forment un seul et même acte » (V. en ce sens Cass. req. 28 mai 1894).
    • Cependant, comme rappelé régulièrement par la Cour de cassation il n’est pas exigé que les mentions « lu et approuvé » et ou « bon pour » précèdent la signature (V. par exemple : Cass. soc. 19 mars 1991, n°87-44.470).
    • Dans une réponse ministérielle formulée le 22 juillet 1993, le Garde des Sceaux a indiqué que « si la formule ” Lu et approuvé “, a l’avantage, en pratique, d’appeler l’attention du signataire d’un acte sous seing privé sur l’importance de son geste, cette mention a toujours été considérée du moins en ce qui concerne les contrats synallagmatiques comme une formule de pure faculté dont l’apposition n’est requise ni pour valider l’acte ni comme élément de preuve et ne saurait a fortiori suppléer l’absence de signature des parties» (Rép. min. du 22 juill. 1993).
    • À cet égard, il s’infère d’un arrêt du 30 octobre 2008 que cette règle s’applique à toutes les mentions.
    • La Première chambre civile a affirmé en ce sens que « en dehors des exceptions prévues par la loi, l’acte sous seing privé n’est soumis à aucune autre condition de forme que la signature de ceux qui s’y obligent» (Cass. 1ère civ. 30 oct. 2008, n°07-20.001).
    • Aussi, ce n’est que si un texte le prévoit expressément que la signature doit être précédée d’une mention manuscrite.
    • Il en va ainsi, par exemple, en matière de cautionnement : l’article 2297 du Code civil prévoit que « à peine de nullité de son engagement, la caution personne physique appose elle-même la mention qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d’un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. »
    • Enfin, il est admis que la mention puisse être apposée sur l’instrumentum à l’avance, soit avant que l’acte ne soit dressé ; c’est ce que l’on appelle donner un « blanc-seing ».
    • Bien que cette pratique expose le signataire au risque de conclure un acte dont le contenu n’est pas fidèle à ce qui avait été convenu avec son cocontractant, elle demeure licite : l’acte établi sous blanc-seing est doté de la même force probante que n’importe quel écrit.
    • Dans un arrêt du 28 février 2006 la Cour de cassation a ainsi jugé « qu’un écrit, même s’il comporte à l’origine un blanc-seing, fait foi des conventions qu’il contient, comme si elles y avaient été inscrites avant la signature, sauf preuve contraire administrée par la partie qui allègue l’abus» (Cass. com. 28 févr. 2006, n°04-17.204).
    • Dans un arrêt du 4 octobre 2005, la Première chambre civile a précisé que c’est à la partie qui invoque un abus de blanc-seing d’en rapporter la preuve (Cass. 1ère civ. 4 oct. 2005, n°03-11.171).

2. Conditions spécifiques à certains actes sous signature privée

a. Conditions spécifiques aux actes constatant un contrat synallagmatique

En application de l’article 1375 du Code civil, les actes sous signature privée constatant un contrat synallagmatique doivent répondre à l’exigence dite du « double original ». Ce principe est toutefois assorti d’exceptions.

==> Principe

L’article 1375, al. 1er du Code civil prévoit que « l’acte sous signature privée qui constate un contrat synallagmatique ne fait preuve que s’il a été fait en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct »

Cette exigence est usuellement désignée sous l’appellation « formalité du double original ».

La raison en est que les parties à un contrat synallagmatique sont généralement deux.

Si néanmoins elles sont plus nombreuses, alors l’article 1375, al. 1er du Code civil exige que l’instrumentum qui constate le contrat soit établi en autant d’originaux qu’il y a de parties, à la condition qu’il s’agisse d’un contrat synallagmatique.

Pour mémoire, l’article 1106 du Code civil prévoit « un contrat est synallagmatique lorsque les contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres. »

En d’autres termes, il s’agit d’un contrat qui crée des obligations réciproques et interdépendantes à la charge des deux parties. Chaque partie est tout à la fois créancier et débiteur.

Exemples :

  • Le contrat de vente: le vendeur s’engage à livrer la chose promise tandis que l’acheteur s’oblige à payer le prix convenu
  • Le contrat de bail: le bailleur s’engage à assurer la jouissance paisible de la chose louée, tandis que le locataire s’oblige à payer un loyer

Pour que donc l’exigence du double original s’applique, le contrat conclu entre les parties doit nécessairement stipuler des engagements réciproques.

Sont donc exclus du domaine de cette exigence notamment les contrats unilatéraux.

Dans un arrêt du 28 mars 1984, la Cour de cassation a ainsi jugé, s’agissant d’un contrat de prêt, que dans la mesure où il n’impose d’obligation qu’a l’emprunteur et qu’il ne présente pas de caractère synallagmatique rien n’exige qu’il soit établi en autant d’exemplaires que de parties (Cass. 1ère civ. 28 mars 1984, n°82-15.538).

S’agissant de l’objectif poursuivi par l’exigence du double original, à l’analyse elle vise à assurer la sécurité juridique des parties à l’acte.

En effet, en exigeant que chaque partie soit en possession d’un exemplaire original de l’acte, l’objectif recherché est double :

  • Permettre à chacune des parties de prouver les obligations constatées dans l’acte
  • Empêcher que l’acte ne soit falsifié par l’une d’elles

==> Conditions

Il ne suffit pas que l’acte soit établi en autant d’originaux qu’il y a de parties pour que l’exigence du double original soit remplie, il faut encore que deux conditions soient satisfaites :

  • Première condition
    • Bien que l’article 1375 du Code civil ne le prévoit pas expressément, la satisfaction de l’exigence du double original requiert que chaque partie se soit vu remettre un exemplaire original de l’acte.
    • Dans un ancien arrêt rendu par la Cour d’appel de Colmar il a été jugé en ce sens que si tous les exemplaires d’un acte sous signature privée sont demeurés entre les mains d’un seul contractant ils sont insusceptibles de valoir preuve parfaite (CA Colmar, 8 mars 1865).
  • Seconde condition
    • L’article 1375, al. 2e du Code civil prévoit que la formalité du double original n’est remplie qu’à la condition que chaque original remis aux parties mentionne le nombre des originaux qui en ont été faits
    • La jurisprudence a estimé qu’il n’était pas nécessaire que soit indiqué le nombre précis d’exemplaires dressés ; il suffit d’indiquer que l’acte a été établi en autant d’originaux qu’il y a de parties (V. en ce sens CA Angers, 5 juill. 2011, n° 10/00439)

==> Exceptions

L’exigence du double original en présence d’un acte sous signature privée constatant un contrat synallagmatique souffre de trois exceptions :

  • Première exception
    • L’article 1375, al. 1er in fine prévoit que l’exigence du double original joue « à moins que les parties ne soient convenues de remettre à un tiers l’unique exemplaire dressé».
    • Cette règle, issue de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, ne fait que consacrer la jurisprudence qui, très tôt, a jugé qu’il y avait lieu de dispenser les parties de satisfaire à l’exigence de la pluralité d’originaux lorsqu’elles ont choisi de déposer l’acte entre les mains d’un tiers.
    • La raison en est que, dans cette circonstance, toutes les parties sont placées sur un pied d’égalité en ce sens qu’il leur suffira de solliciter le tiers aux fins de se procurer la preuve de l’acte constatant les engagements pris.
    • Aussi, parce que la preuve de l’acte n’est soumise au bon vouloir d’une partie, l’exigence du double original ne présente plus aucun intérêt ; d’où l’exception à la règle reconnue par la jurisprudence, puis consacrée par le législateur.
    • À cet égard, il peut être observé que le texte ne subordonne le dépôt de l’acte entre les mains d’un tiers au respect d’aucune condition particulière.
    • II n’est donc pas nécessaire que le tiers justifie d’une qualité quelconque ou soit un professionnel du droit.
    • Ce qui importe, en revanche c’est :
      • D’une part, que toutes les parties aient donné leur consentement au dépôt de l’acte entre les mains d’un tiers ( Cass. 3e civ. 15 avr. 1992, n°91-14.297).
      • D’autre part, que le dépôt de l’acte soit réel ( 1ère civ. 19 juin 1957)
      • Enfin, que le tiers désigné soit neutre, ce qui signifie qu’il doit agir dans l’intérêt commun des parties, de sorte qu’elles soient placées sur un pied d’égalité
    • Une fois l’acte déposé entre les mains du tiers il devra le produire sur demande de l’une des parties sans opérer de distinction entre elles.
  • Deuxième exception
    • L’article 1375, al. 3e du Code civil prévoit que « celui qui a exécuté le contrat, même partiellement, ne peut opposer le défaut de la pluralité d’originaux ou de la mention de leur nombre. »
    • Il ressort de cette disposition que le non-respect de l’exigence du double original peut être couvert lorsque l’une des parties a exécuté tout ou partie de son obligation.
    • À l’analyse, il s’agit là d’une extension de la règle énoncée par l’ancien article 1325, al. 4e du Code civil qui prévoyait que « le défaut de mention que les originaux ont été faits doubles, triples, etc., ne peut être opposé par celui qui a exécuté de sa part la convention portée dans l’acte. »
    • Sous l’empire du droit antérieur, seul le défaut de mention du nombre d’originaux sur chaque exemplaire de l’acte était ainsi susceptible d’être couvert par l’exécution de la convention.
    • L’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 a étendu la couverture de cette irrégularité à l’absence d’établissement de l’instrumentum en autant d’originaux qu’il y a des parties à l’acte.
    • L’extension du domaine de l’exception à l’exigence du double original avait été déjà été amorcée par la Cour de cassation dans un arrêt du 14 décembre 1983.
    • Aux termes de cette décision, elle avait notamment estimé que lorsqu’une qu’une partie a pleinement exécuté son obligation, l’exigence du double original n’a plus lieu de s’appliquer.
    • La Haute juridiction a justifié cette solution en avançant que dès lors qu’au jour de la rédaction de l’acte sous signature privée litigieux une partie a satisfait à son engagement, elle n’a alors plus aucun droit à faire valoir, puisque remplie de ses droits, de sorte qu’elle n’a plus aucun intérêt à avoir un original en sa possession (Cass. 1ère civ. 14 déc. 1983, n°82-730).
    • Il peut être observé que le législateur est allé plus loin que la jurisprudence en admettant que l’absence de double original puisse être couverte, non seulement par une inexécution totale du contrat, mais également par une inexécution partielle.
    • La question qui alors se pose est de savoir en quoi consiste un acte d’exécution.
    • Autrement dit à partir de quand peut-on considérer qu’une partie a commencé à exécuter son engagement, autorisant ainsi son cocontractant à se prévaloir de l’exception à l’exigence du double original énoncée à l’article 1375, al. 3e du Code civil ?
    • Selon les auteurs, un acte d’exécution consisterait en un acte exprimant la reconnaissance par une partie de la convention et, par voie de conséquence, de son engagement.
    • Tel sera le cas en cas de libération des lieux par les propriétaires d’une maison consécutivement à la vente de cette dernière (Cass. 1ère civ. 14 déc. 1964)
  • Troisième exception
    • L’article 1375, al. 4e du Code civil prévoit que « l’exigence d’une pluralité d’originaux est réputée satisfaite pour les contrats sous forme électronique lorsque l’acte est établi et conservé conformément aux articles 1366 et 1367, et que le procédé permet à chaque partie de disposer d’un exemplaire sur support durable ou d’y avoir accès. »
    • Ainsi, lorsque l’acte sous signature privée est établi au moyen d’un support électronique pour que l’exigence du double original soit remplie, deux conditions doivent être satisfaites :
      • Première condition
        • L’acte doit être conservé et établi selon les modalités énoncées par les articles 1366 et 1367 du Code civil.
        • Cela implique :
          • D’une part, que puisse être dûment identifiée la personne dont l’acte émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité (art. 1366 C. civ.).
          • D’autre part, que la signature électronique utilisée repose sur un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache (art. 1367, al. 2e C. civ.).
      • Seconde condition
        • Le procédé utilisé pour établir l’acte doit permettre à chaque partie de disposer d’un exemplaire sur support durable ou d’y avoir accès à tout moment.
        • Par support durable, il faut entendre, selon l’article liminaire du Code de la consommation « tout instrument permettant au consommateur ou au professionnel de stocker des informations qui lui sont adressées personnellement afin de pouvoir s’y reporter ultérieurement pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et qui permet la reproduction à l’identique des informations stockées».
        • Le considérant 23 de la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs précise que « le support durable devrait permettre au consommateur de stocker les informations aussi longtemps que cela lui est nécessaire pour protéger ses intérêts découlant de sa relation avec le professionnel. Au nombre des supports durables devraient figurer, en particulier, le papier, les clés USB, les CD-Rom, les DVD, les cartes à mémoire ou les disques durs d’ordinateur ainsi que les courriels. »

==> Sanction

Il ressort de l’article 1375, al. 1er du Code civil, que l’établissement d’une pluralité d’originaux est exigé à titre de preuve et non comme condition de validité du contrat synallagmatique constaté dans l’acte.

Aussi, en cas de manquement à cette exigence, l’écrit perd son statut de preuve parfaite, de sorte qu’il ne permet plus de faire la preuve de l’acte sur lequel il porte.

Est-ce à dire qu’il est dépourvu de toute valeur probante ?

Dans un arrêt du 19 février 2013 la Cour de cassation lui a reconnu la valeur de commencement de preuve par écrit.

Elle a jugé en ce sens que « la copie produite ne contenait pas la mention du nombre des originaux qui avaient été faits de la convention synallagmatique et ne pouvait dès lors valoir que comme commencement de preuve par écrit exigeant d’être complété par un élément extrinsèque » (Cass. 1ère civ. 19 févr. 2013, n°11-24.453).

b. Conditions spécifiques aux actes constatant un engagement unilatéral

==> Principe

En application de l’article 1376 du Code civil « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres ».

Il ressort de cette disposition que lorsqu’un acte sous signature privée constate un engagement unilatéral de payer une somme d’argent ou de livrer un bien fongible, le débiteur doit reproduire sur l’acte une mention exprimant le montant ou la quantité de l’engagement souscrit.

Cette exigence est appelée couramment formalité de la « mention manuscrite » ou du « bon pour ».

À l’analyse, la règle de preuve énoncée à l’article 1376 du Code civil a été instituée afin de prémunir le débiteur d’une fraude du créancier.

Lorsque, en effet, un acte sous signature privée est régularisé en vue de constater un contrat unilatéral, il n’est établi qu’en un seul exemplaire.

En application de l’article 1375, al. 1er du Code civil, l’exigence du double original ne joue que pour les contrats synallagmatiques.

Tel n’est pas le cas pour les contrats unilatéraux dont l’unique exemplaire est conservé par le seul créancier.

Il est alors en risque que celui-ci modifie le montant de l’engagement de son cocontractant en altérant les termes de l’acte.

Pour l’en dissuader, il a fallu trouver une parade. Cette parade a consisté à exiger, pour les contrats unilatéraux, qu’une mention soit reproduite sur l’acte de la main de celui qui s’oblige exprimant le montant en chiffres et en lettres de son engagement.

Cette formalité a ainsi pour fonction d’empêcher que l’acte ne soit falsifié.

Elle vise, autrement dit, à protéger le débiteur d’éventuels agissements malveillants du créancier.

==> Domaine

Tout d’abord, comme énoncée par l’article 1376 du Code civil, l’exigence du « bon pour » ne s’applique qu’aux seuls actes sous signature privée.

A contrario, cette exigence ne joue, ni pour les actes notariés, ni pour les actes sous signature privée contresignés par avocat :

  • S’agissant des actes notariés
    • L’article 1369, al. 3e du Code civil prévoit que « lorsqu’il est reçu par un notaire, il est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi. »
    • La Cour de cassation a appliqué cette dispense à l’exigence de mention manuscrite dans un arrêt du 2 juillet 1991 aux termes duquel elle a jugé qu’un cautionnement donné dans un acte authentique « n’était pas soumis aux exigences de l’article 1326 du Code civil » (Cass. 1ère civ. 2 juill. 1991, n°90-12.747).
    • Elle a statué dans le même sens dans un arrêt du 13 février 1996 (Cass. 1ère civ. 13 févr. 1996, n°93-21.165).
  • S’agissant des actes sous signature privée contresignés par avocat
    • L’article 1374, al. 3e du Code civil prévoit sensiblement dans les mêmes termes que ceux de l’article 1369, al.3e que l’acte sous signature privée contresigné par avocat « est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi».
    • La raison en est que, à l’instar du notaire, l’avocat est assujetti à un devoir de conseil, ce qui implique notamment qu’il délivre aux parties l’information contenue dans la mention manuscrite prévue par la loi dans certains domaines.
    • Aussi, le législateur a estimé qu’il s’agissait là d’une garantie suffisante, l’intervention de l’avocat étant de nature à garantir que les parties prendront la mesure de leur engagement.

Ensuite, pour que l’exigence énoncée à l’article 1376 du Code civil s’applique il ne suffit pas que l’on soit en présence d’un acte sous signature privée, il faut encore qu’il s’agisse d’un acte « par lequel une seule partie s’engage envers une autre », soit un acte constatant un engagement unilatéral.

Pour mémoire, l’article 1106 du Code civil prévoit qu’un contrat est unilatéral « lorsqu’une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres sans qu’il y ait d’engagement réciproque de celles-ci ».

Le contrat unilatéral se distingue de l’acte unilatéral en ce que, pour être valable, cela suppose l’accord des volontés.

Exemples :

  • Le contrat de prêt : l’obligation principale consiste pour l’emprunteur à restituer les fonds ou la chose prêtée
  • Le contrat de donation : l’obligation principale échoit au seul donateur
  • Le contrat de cautionnement : l’obligation principale consiste pour la caution à garantir la dette du débiteur principal

La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler que les exigences posées par l’article 1376 du Code civil étaient inapplicables aux actes sous signature privée constatant une convention synallagmatique (V. en ce sens Cass. com. 26 juin 1990, n°88-14.444).

Enfin, l’exigence de mention énoncée par l’article 1376 du Code civil ne joue que lorsque l’engagement unilatéral consiste :

  • Soit au paiement d’une somme d’argent, ce qui implique pour le débiteur de payer le créancier au moyen de monnaie
  • Soit à la livraison de choses fongibles, c’est-à-dire de choses qui ne possèdent pas d’individualité propre et qui donc sont « de même quantité et qualité», de sorte qu’elles sont interchangeables (une tonne de blé, des boîtes de dolipranes, des tables produites en série etc.)

Il en résulte que lorsque l’engagement a pour objet la livraison d’un corps certain ou une obligation de faire, l’exigence énoncée par l’article 1376 du Code civil n’a pas lieu de jouer.

Dans un arrêt du 12 février 2003, la Cour de cassation a, par exemple, jugé que « que l’article 1326 du Code civil ne s’applique qu’à une obligation de payer ou de livrer un bien fongible, mais non à une obligation portant sur la bonne exécution d’un contrat de construction » (Cass. 3e civ., 12 févr. 2003, n° 01-11.295).

La Chambre commerciale a statué dans le même sens dans un arrêt du 18 juin 2013 en retenant, au visa des anciens articles 1120 et 1326 (devenu l’article 1376) du Code civil « qu’il résulte du premier de ces textes, que l’engagement de porte-fort constitue un engagement de faire, de sorte que le second ne lui est pas applicable » (Cass. com. 18 juin 2013, n°12-18.890).

==> Mise en œuvre

L’article 1376 du Code civil exige, à titre de preuve, la reproduction sur l’acte sous signature privée constatant un engagement unilatéral d’une mention manuscrite exprimant le montant ou de la quantité de l’engagement « en toutes lettres et en chiffres. »

Deux questions immédiatement se posent : quelle doit être la forme de cette mention et quels éléments doit-elle comporter ?

  • La forme de la mention
    • Sous l’empire du droit antérieur, l’ancien article 1326 du Code civil exigeait que la mention manuscrite devant figurer sur l’acte soit écrite de la main du débiteur de l’obligation.
    • Cette précision excluait, en conséquence, que cette mention puisse être dactylographiée, quand bien même il serait établi qu’elle a été reproduite par celui qui s’engage.
    • Afin de conférer à l’écrit électronique la même valeur que l’écrit papier, il est apparu nécessaire d’aménager l’exigence posée par le texte.
    • Il fallait en effet autoriser que la mention puisse être reproduite sur l’acte, tant au moyen d’un stylo que d’un procédé numérique.
    • C’est la loi n°2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique qui a levé l’obstacle parfaitement identifié par le législateur en substituant la formule « écrite de la main» par « écrite par lui-même ».
    • Par cette substitution, il était désormais admis que la mention exigée par l’ancien article 1326 du Code civil soit reproduite au moyen d’un outil de dactylographie.
    • La Cour de cassation a toutefois précisé dans un arrêt du 13 mars 2008 « que si la mention de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres, écrite par la partie même qui s’engage, n’est plus nécessairement manuscrite, elle doit alors résulter, selon la nature du support, d’un des procédés d’identification conforme aux règles qui gouvernent la signature électronique ou de tout autre procédé permettant de s’assurer que le signataire est le scripteur de ladite mention ».
    • Autrement dit, pour conférer à l’acte sous signature privée la force probante d’un écrit, la preuve doit être rapportée que la mention a bien été reproduite par le signataire, faute de quoi cet acte ne peut tout au plus constituer qu’un simple commencement de preuve par écrit devant être corroboré par une preuve extrinsèque (Cass. 1ère civ. 13 mars 2008, n°06-17.534).
    • À cet égard, en cas de dénégation de son écriture par le débiteur, il appartiendra au juge de procéder, en application des articles 1373 du Code civil et 287 du Code de procédure civile à une vérification d’écriture.
    • S’agissant de l’endroit où la mention doit être apposée sur l’acte, la jurisprudence semble ne pas y accorder d’importance.
    • Dans un arrêt du 23 novembre 1999, la Cour de cassation a admis que la mention puisse figurer sous la signature de la caution, pourvu qu’il soit établi qu’elle émane de cette dernière et qu’elle précise le montant, en toutes lettres et en chiffres, de la somme que celle-ci s’engage à payer (Cass. 1ère civ. 23 nov. 1999, n°96-20.517).
    • Autre exigence de forme posée par l’article 1376 du Code civil, la mention doit exprimer le montant ou la quantité de l’engagement « en chiffres et en lettres», à tout le moins lorsque cet engagement est déterminé.
    • Si la mise en œuvre de cette exigence ne soulève, en soi, aucune difficulté plus délicate est la question de la sanction de l’absence d’indication du montant de l’engagement souscrit en chiffres ou en lettres.
      • L’omission concerne l’indication du montant de l’engagement en chiffres
        • Dans un premier temps, la Cour de cassation a estimé que « l’omission de la mention manuscrite en chiffres exigée par l’article 1326 du Code civil n’a pas pour effet de priver l’écrit de sa force probante dès lors qu’il comporte la mention de la somme en toutes lettres» (Cass. 1ère civ. 22 oct. 2002, n°01-10.472).
        • Dans un second temps, elle est revenue sur sa position en jugeant que l’absence d’indication du montant de l’engagement en chiffres affectait l’acte de telle sorte qu’il « ne pouvait constituer qu’un commencement de preuve par écrit» (Cass. 1ère civ. 21 mars 2006, n°04-18.673).
        • La première chambre civile a réitéré cette solution dans un arrêt du 27 novembre 2013, aux termes duquel elle a affirmé que « faute d’indication, dans la mention manuscrite, du montant en chiffres de la somme, l’acte litigieux, comme tout acte par lequel une partie s’engage unilatéralement envers une autre à lui payer une somme d’argent, ne pouvait constituer qu’un commencement de preuve par écrit» (Cass. 1ère civ. 27 nov. 2013, n°12-18.566).
      • L’omission concerne l’indication du montant de l’engagement en lettres
        • Dans cette hypothèse, la Cour de cassation retient la même solution qu’en cas d’omission du montant de l’engagement en chiffres : l’acte affecté par l’irrégularité ne peut constituer qu’un commencement de preuve par écrit.
        • Dans un arrêt du 6 juillet 2004, la Première chambre civile a jugé en ce sens que « la mention manuscrite apposée sur cet acte par M. X…, si elle comporte le montant en chiffres de l’obligation garantie, n’indique pas ce montant en lettres ; que faute d’une telle indication, impérativement prescrite par les textes susvisés, l’acte litigieux ne constitue pas un acte de cautionnement régulier» (Cass. 1ère civ. 6 juill. 2004, n°02-14.450).
    • Enfin, l’article 1376 du Code civil précise que, en cas de différence entre le montant indiqué en lettres et le montant indiqué en chiffres ,« l’acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres.»
    • Ainsi, c’est l’indication du montant de l’engagement en lettres qui prime sur l’indication en chiffres.
  • Le contenu de la mention
    • L’article 1376 du Code civil prévoit, pour mémoire, que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres».
    • Il ressort de cette disposition que la mention qui doit être apposée sur l’acte sous signature privée doit, pour être valable, exprimer le montant ou la quantité de l’engagement souscrit « en toutes lettres et en chiffres».
    • Dans un arrêt du 16 mars 1999, la Cour de cassation a précisé que l’article 1376 du Code civil « limite l’exigence de la mention manuscrite à la somme ou à la quantité due, sans l’étendre à la nature de la dette, à ses accessoires ou à ses composantes» (Cass. com. 16 mars 1999, n°96-12.653).
    • La première chambre civile a adopté la même position dans un arrêt du 29 octobre 2002, (Cass. 1ère civ. 29 oct. 2002, n°00-15.223).
    • Il n’est donc pas nécessaire que la mention exprime autre chose que le montant ou la quantité de l’engagement pour être valable.
    • En d’autres termes, ce sont, de façon générale, toutes les modalités de l’obligation souscrite qui sont exclues du domaine de la mention.
    • En matière de cautionnement la Cour de cassation a jugé en ce sens qu’il était indifférent que la mention précise la nature de la dette garantie (Cass. 1ère civ. 28 oct. 1991, n°90-13.274) ou si l’engagement contracté était solidaire (Cass. 1ère civ. 31 janv. 1989, n°87-11.204).
    • S’agissant de la formulation de la mention, si elle ne soulève aucune difficulté lorsque le montant de l’engagement est déterminé, quid dans l’hypothèse où ce montant est déterminable, voire indéterminé ?
      • Le montant de l’engagement est déterminable
        • Lorsque le montant de l’engagement souscrit est seulement déterminable, faute de pouvoir indiquer un montant précis, la mention devra exprimer tous les éléments permettant de déterminer le montant de l’engagement (V. en ce sens pour un cautionnement Cass. 1ère civ. 25 mars 1991, n°89-16.653).
      • Le montant de l’engagement est indéterminé
        • Lorsque le montant de l’engagement contracté est indéterminé, la question s’est posée en jurisprudence de savoir comment satisfaire à l’exigence posée par l’article 1376 du Code civil.
        • Cette difficulté a notamment été rencontrée en matière de cautionnement où il est fréquent qu’une caution s’engage à garantir des dettes indéterminées, telles des dettes futures.
        • Dans cette configuration, il est a priori impossible de satisfaire à l’exigence d’indication du montant de l’engagement de caution qui, par hypothèse, est inconnu au jour de l’établissement de l’acte.
        • Dans un arrêt du 3 mars 1970, la Cour de cassation a résolu l’énigme en affirmant que lorsque l’engagement de caution garantit une obligation illimitée, l’article 1376 du Code civil impose l’apposition sur l’acte de cautionnement d’une mention écrite de la main de la caution « exprimant sous une forme quelconque mais de façon explicite, la connaissance de la nature et de l’étendue de l’obligation» (Cass. 1ère civ. 3 mars 1970, n°68-11.240).
        • La première chambre civile a réitéré cette solution dans un arrêt du 22 février 1984 aux termes duquel elle a affirmé, sensiblement dans les mêmes termes, « qu’il résulte de la combinaison des [articles 1326 et 2015 du Code civil] que l’acte juridique constatant un engagement indéterminé doit porter, écrite de la main de la caution, une mention exprimant sous une forme quelconque, mais de façon explicite et non équivoque, la connaissance qu’elle a de la nature et de l’étendue de l’obligation contractée» (Cass. 1ère civ. 22 févr. 1984, n°82-17.077).
        • Ainsi, pour pallier l’absence d’indication du montant d’un engagement unilatéral en chiffres et en lettres telle que prescrite par l’article 1376 du Code civil, est-il nécessaire que la mention apposée sur l’acte par débiteur exprime avec suffisamment de précision l’étendue de son engagement.
        • Aucune formule sacramentelle n’est donc exigée. Les juges devront seulement vérifier si les termes de la mention reproduite sur l’acte sont suffisamment explicites pour que le souscripteur de l’engagement s’oblige en toute connaissance de cause et prenne la mesure de son obligation.
        • Afin d’apprécier le caractère explicite et non équivoque de la mention, la Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 4 mars 1986 qu’il devait « être tenu compte non seulement des termes employés mais également de la qualité, des fonctions et des connaissances de la caution, de ses relations avec le créancier et le débiteur de l’obligation cautionnée, ainsi que de la nature et des caractéristiques de cette dernière» (Cass. 1ère civ. 4 mars 1986, n°84-16.818).
        • Il y a donc lieu de se référer à des éléments extrinsèques pour déterminer sur la mention qui figure sur l’acte sous signature privée constatant un engagement unilatéral exprime « de façon explicite et non équivoque, la connaissance que la caution a de la nature et de l’étendue de l’obligation contractée».
        • Dans un arrêt du 29 octobre 2002, la Cour de cassation a admis que cette appréciation pouvait s’appuyer sur l’analyse de la seule mention, dès lors que celle-ci « est claire dans son libellé et dénuée d’équivoque» (Cass. com. 29 oct. 2002, n°98-21.056).
        • La Haute juridiction a, en revanche, précisé que « la mention ” lu et approuvé ” ne suffisait pas à répondre aux exigences» de l’article 1376 du Code civil (Cass. 28 oct. 1991, n°90-13.274).
        • Enfin, la première chambre civile a précisé dans un arrêt du 9 mai 2001 que « le caractère explicite et non équivoque de la connaissance par la caution de la nature et de l’étendue de son engagement doit s’apprécier au jour de l’acte» (Cass. 1ère civ. 9 mai 2001, n°98-14.760).

==> Portée

Sous l’empire du droit antérieur, la question s’était posée de savoir quelle portée reconnaître à l’exigence de mention manuscrite énoncée par l’ancien article 1326 du Code civil.

Cette question avait donné lieu à un abondant contentieux en matière de cautionnement.

Pour rappel, à l’origine, la formalité du « bon pour » avait pour fonction d’empêcher que l’acte ne soit falsifié. Elle visait, autrement dit, à protéger le débiteur d’éventuels agissements malveillants du créancier.

À cette fin, l’acte constatant l’engagement unilatéral n’avait valeur de preuve qu’à la condition qu’il soit assorti d’une mention manuscrite apposée par la caution.

Nonobstant cette fonction probatoire de la mention manuscrite envisagée initialement par le législateur, à partir des années 1980, la jurisprudence en a fait un instrument de protection du consentement des cautions.

La Cour de cassation a, en effet, érigé l’exigence de mention manuscrite prescrite par l’ancien article 1326 du Code civil en condition de validité du cautionnement.

Aussi, désormais, l’absence de mention manuscrite était sanctionnée, non plus par l’abaissement de la valeur probatoire de l’acte au rang de commencement de preuve par écrit, mais par la nullité pure et simple du cautionnement.

Dans un arrêt du 30 juin 1987, la Première chambre civile a ainsi affirmé « qu’il résulte de la combinaison des articles 1326 et 2015 du Code civil que les exigences relatives à la mention manuscrite ne constituent pas de simples règles de preuve mais ont pour finalité la protection de la caution ».

Elle en déduit que l’aval dont la régularité était contestée, en raison de sa signature en blanc, était bien nul (Cass. 1ère civ. 30 juin 1987, n°85-15.760).

La solution retenue par la Cour de cassation dans cet arrêt a été très critiquée par la doctrine, les auteurs lui reprochant de se détourner de l’esprit des textes.

Au surplus, cette solution revenait à conférer un caractère solennel au cautionnement, ce qu’il n’est pas.

De son côté, la Chambre commerciale a refusé l’évolution jurisprudentielle – que d’aucuns ont qualifiée d’excès de formalisme – opéré par la Première chambre civile en jugeant que le défaut de mention manuscrite ne remettait nullement en cause la validité de l’acte constatant le cautionnement qui donc conservait sa valeur de commencement de preuve par écrit (Cass. com. 6 juin 1985, n°83-15.356).

Finalement, la première chambre civile s’est progressivement ralliée à la chambre commerciale.

Dans une première décision, elle a d’abord jugé que les exigences de signature et de mention manuscrite posées par l’ancien article 1326 du Code civil constituaient des « règles de preuve [qui] ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 15 nov. 1989, n°87-18.003).

Puis, dans une seconde décision, rendue deux ans plus tard, elle en a tiré la conséquence que, « si l’absence de la mention manuscrite exigée par l’article 1326 du Code civil, dans l’acte portant l’engagement de caution […] rendait le cautionnement irrégulier, ledit acte constituait néanmoins un commencement de preuve par écrit pouvant être complété par d’autres éléments » (Cass. 1ère civ. 15 oct. 1991, n°89-21.936).

L’enseignement qu’il y a lieu de retirer de ce revirement de jurisprudence est double :

  • Premier enseignement
    • L’exigence de mention manuscrite n’est plus regardée comme une condition de validité du cautionnement.
    • On revient donc à la position initialement partagée par toutes les chambres de la Cour de cassation : la reproduction de la mention sur l’acte constitue une simple formalité requise ad probationem.
    • Il en résulte que l’irrégularité ou l’absence de cette mention n’est plus sanctionnée par la nullité du cautionnement
  • Second enseignement
    • En cas d’absence ou d’irrégularité de la mention manuscrite, l’acte constatant le cautionnement, qui donc n’est pas nul, vaut commencement de preuve par écrit.
    • Cela signifie que la preuve de l’engagement de caution peut être rapportée au moyen d’éléments extrinsèques, tels que notamment des témoignages ou encore des présomptions.

Aujourd’hui, cette solution retenue par la jurisprudence ne soulève plus de doute. Elle est désormais bien ancrée en droit positif.

À l’occasion du transfert de l’article 1326 du Code civil à l’article 1376 du même Code opéré par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit de la preuve des obligations, le législateur en a profité pour préciser la fonction remplie par la règle énoncée par ce texte.

Si, en effet, l’article 1376 reprend à droit constant l’ancien article 1326, il en modifie légèrement la formulation afin, précise le rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance, de « lever toute ambiguïté sur le caractère des mentions requises, qui ne sont pas des conditions de validité de l’acte unilatéral mais bien des conditions de preuve. »

Cette modification vise, en outre, à éviter les abus de blanc-seing et à faire prendre conscience au signataire de la mesure de son engagement.

Le nouveau texte est rédigé comme suit : « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. »

Dorénavant, l’absence de mention manuscrite sur un acte sous signature privée constatant un engagement unilatéral lui fait donc perdre sa valeur de preuve. Il s’analyse en un simple commencement de preuve par écrit (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 25 mai 2005, n°04-14.695).

Pour pallier cette carence, il appartient au créancier de produire des éléments extrinsèques.

La question qui alors se pose est de savoir quels sont les éléments de preuve complémentaires admis par la jurisprudence.

En droit commun de la preuve, les éléments attendus par le juge doivent permettre de prouver le montant de l’obligation souscrite par le débiteur, lequel est insuffisamment établi par le commencement de preuve par écrit produit.

Dans un arrêt du 24 mai 2017, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « un commencement de preuve par écrit peut être complété par tous moyens de preuve tels que témoignages et présomptions » (Cass. 1ère civ. 24 mai 2017, n°16-14.128).

 

 

[1] Ch. Demolombe, Traité des contrats ou des obligations conventionnelles, t. 6 : Paris 1876, n° 350

[2] Ch Aubry, Cours de droit civil français d’après la méthode de Zachariae, Paris, 1978, rééd. Hachette – BNF, p. 220

[3] G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations, éd. Dalloz, 2018, n°1182, p. 1054.

[4] Définition tirée du Dictionnaire mise en ligne par le Centre Nationale de Ressources Textuelles et Lexicales : https://www.cnrtl.fr/definition/signature

[5] F. Terré, Introduction générale au Droit, Dalloz, 2000, n°522

[6] Scarlett-May Ferrié, « La date des actes sous signature privée (après l’ordonnance du 10 février 2016) », Recueil Dalloz, 2019 p.652

[7] F. Terré, Introduction générale au droit, éd. Dalloz, 2000, n°562, p. 569.

[8] J. Ghestin et G. Goubeaux, Droit civil – Introduction générale, éd. LGDJ, 1990, n°636, p. 608

Acte sous signature privée: notion

==>Notion

À la différence de l’acte authentique, l’acte sous signature privée ne fait l’objet d’aucune définition textuelle. Le Code civil n’aborde que ses conditions de validité et sa force probante. Aussi, est-ce la doctrine qu’est revenue la tâche de le définir.

Selon Charles Demolombe, l’acte sous signature privée consiste en « un écrit rédigé sans l’intervention d’un officier public, sous la seule signature des parties, à l’effet de constater la preuve d’une obligation ou d’une libération ou de tout autre fait juridique »[1].

La définition de Charles Aubry est plus lapidaire. Pour cet auteur, « les actes sous seing privé sont des actes faits sans l’intervention d’officiers publics, et sous la signature des parties »[2].

Il ressort de ces définitions deux éléments qui caractérisent l’acte sous signature privée :

  • L’absence d’intervention d’un officier public
    • C’est là ce qui distingue fondamentalement l’acte sous signature privée de l’acte authentique : l’acte sous signature privée ne requiert pas l’intervention d’un officier public, ni d’aucun autre professionnel du droit, bien qu’en pratique il soit fréquent qu’il soit rédigé par un avocat.
    • La conséquence en est une force probante moindre que l’acte authentique, en ce sens qu’il fait foi jusqu’à preuve du contraire.
    • Autrement dit, il n’est pas nécessaire de mettre en œuvre la procédure d’inscription en faux pour le contester.
  • La signature des parties à l’acte
    • S’il n’est soumis, en principe, à aucun formalisme particulier, pour produire les effets d’un écrit au sens de l’article 1364 du Code civil, il doit nécessairement être signé par les parties.
    • C’est d’ailleurs cette exigence de signature qui a donné l’appellation d’acte sous signature privée.
    • En effet, le mot signature est issu du latin signum qui signifie littéralement, le signe, la marque, le sceau ou encore l’empreinte.
    • Le terme signature s’est progressivement substitué dans le langage courant au mot « seing », aujourd’hui désuet, qui n’est autre que son doublet, car possédant la même origine étymologique.
    • Pendant longtemps, le mot « seing » est demeuré néanmoins repris par les textes.
    • Il a fallu attendre l’adoption de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 pour qu’il soit remplacé par le terme « signature».
    • Reste que, par habitude, les juristes continuent d’utiliser la formule « acte sous seing privé».
    • À cet égard, il peut être observé que l’adjectif « privé » adossé au mot « signature » rappelle que cette forme d’écrit tire sa valeur juridique de la seule signature des parties et non de la signature d’un officier public.

==> L’acte sous signature privée contresigné par avocat

La loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées, a fait entrer dans le Code civil une nouvelle variété d’acte sous signature privée : l’acte sous signature privée contresigné par avocat.

Cette variété particulière d’acte sous signature privée présente la particularité, outre de devoir être contresigné par un avocat, d’être pourvu d’une force probante supérieure à celle conférée à l’acte sous signature privée de droit commun.

En effet, l’acte sous signature privée contresigné par avocat fait pleine foi de l’écriture et de la signature des parties, tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayants cause et atteste de l’origine de l’acte.

En revanche, la force probante attachée à l’acte sous signature privée contresigné par avocat demeure inférieure à celle reconnue à l’acte authentique.

En effet, alors que l’officier public garantit toutes les énonciations de l’acte se rapportant aux faits qu’il a personnellement accomplis ou contestés, l’avocat se limite à garantir les seules signatures, écrites et identité de la partie dont il est le conseil.

À cet égard, la signature et l’écriture des parties ne pourront pas être contestées par la voie ordinaire de la vérification d’écriture.

Il faudra, pour remettre en cause l’acte, recourir à la procédure de faux, définie aux articles 299 à 302 du code de procédure civile, qui est distincte de la procédure d’inscription de faux contre les actes authentiques.

 

[1] Ch. Demolombe, Traité des contrats ou des obligations conventionnelles, t. 6 : Paris 1876, n° 350

[2] Ch Aubry, Cours de droit civil français d’après la méthode de Zachariae, Paris, 1978, rééd. Hachette – BNF, p. 220

L’acte sous signature (seing) privée: régime juridique

==>Notion

À la différence de l’acte authentique, l’acte sous signature privée ne fait l’objet d’aucune définition textuelle. Le Code civil n’aborde que ses conditions de validité et sa force probante. Aussi, est-ce la doctrine qu’est revenue la tâche de le définir.

Selon Charles Demolombe, l’acte sous signature privée consiste en « un écrit rédigé sans l’intervention d’un officier public, sous la seule signature des parties, à l’effet de constater la preuve d’une obligation ou d’une libération ou de tout autre fait juridique »[1].

La définition de Charles Aubry est plus lapidaire. Pour cet auteur, « les actes sous seing privé sont des actes faits sans l’intervention d’officiers publics, et sous la signature des parties »[2].

Il ressort de ces définitions deux éléments qui caractérisent l’acte sous signature privée :

  • L’absence d’intervention d’un officier public
    • C’est là ce qui distingue fondamentalement l’acte sous signature privée de l’acte authentique : l’acte sous signature privée ne requiert pas l’intervention d’un officier public, ni d’aucun autre professionnel du droit, bien qu’en pratique il soit fréquent qu’il soit rédigé par un avocat.
    • La conséquence en est une force probante moindre que l’acte authentique, en ce sens qu’il fait foi jusqu’à preuve du contraire.
    • Autrement dit, il n’est pas nécessaire de mettre en œuvre la procédure d’inscription en faux pour le contester.
  • La signature des parties à l’acte
    • S’il n’est soumis, en principe, à aucun formalisme particulier, pour produire les effets d’un écrit au sens de l’article 1364 du Code civil, il doit nécessairement être signé par les parties.
    • C’est d’ailleurs cette exigence de signature qui a donné l’appellation d’acte sous signature privée.
    • En effet, le mot signature est issu du latin signum qui signifie littéralement, le signe, la marque, le sceau ou encore l’empreinte.
    • Le terme signature s’est progressivement substitué dans le langage courant au mot « seing », aujourd’hui désuet, qui n’est autre que son doublet, car possédant la même origine étymologique.
    • Pendant longtemps, le mot « seing » est demeuré néanmoins repris par les textes.
    • Il a fallu attendre l’adoption de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 pour qu’il soit remplacé par le terme « signature».
    • Reste que, par habitude, les juristes continuent d’utiliser la formule « acte sous seing privé».
    • À cet égard, il peut être observé que l’adjectif « privé » adossé au mot « signature » rappelle que cette forme d’écrit tire sa valeur juridique de la seule signature des parties et non de la signature d’un officier public.

==> L’acte sous signature privée contresigné par avocat

La loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées, a fait entrer dans le Code civil une nouvelle variété d’acte sous signature privée : l’acte sous signature privée contresigné par avocat.

Cette variété particulière d’acte sous signature privée présente la particularité, outre de devoir être contresigné par un avocat, d’être pourvu d’une force probante supérieure à celle conférée à l’acte sous signature privée de droit commun.

En effet, l’acte sous signature privée contresigné par avocat fait pleine foi de l’écriture et de la signature des parties, tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayants cause et atteste de l’origine de l’acte.

En revanche, la force probante attachée à l’acte sous signature privée contresigné par avocat demeure inférieure à celle reconnue à l’acte authentique.

En effet, alors que l’officier public garantit toutes les énonciations de l’acte se rapportant aux faits qu’il a personnellement accomplis ou contestés, l’avocat se limite à garantir les seules signatures, écrites et identité de la partie dont il est le conseil.

À cet égard, la signature et l’écriture des parties ne pourront pas être contestées par la voie ordinaire de la vérification d’écriture.

Il faudra, pour remettre en cause l’acte, recourir à la procédure de faux, définie aux articles 299 à 302 du code de procédure civile, qui est distincte de la procédure d’inscription de faux contre les actes authentiques.

I) L’acte sous signature privée ordinaire

A) Conditions de validité

1. Conditions communes à tous les actes sous signature privée

a. Absence de formalisme

À la différence de l’acte authentique, l’acte sous signature privée, pris en tant qu’instrumentum, n’est soumis, par principe, à aucune condition de forme particulière.

Il ne requiert, ni l’intervention d’un officier public ou d’un quelconque professionnel du droit, ni l’apposition de mentions spécifiques.

La seule condition devant être remplie pour que l’acte sous signature privée produise un effet probatoire, c’est qu’il soit signé par la ou les parties à l’acte.

Dans un arrêt du 27 janvier 1993, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « en dehors des exceptions prévues par la loi, l’acte sous signature privée n’est soumis à aucune autre condition de forme que la signature de ceux qui s’obligent » (Cass. 1ère civ. 27 janv. 1993, n°91-12.115).

Pratiquement, cela signifie qu’il n’est pas exigé que l’acte sous signature privée soit rédigé en français, pourvu qu’il soit intelligible pour les parties (V. en ce sens Cass. 3e civ. 15 déc. 1998, n°97-17.673).

La personne du rédacteur est, par ailleurs, indifférente. L’acte sous signature privée peut très bien avoir été rédigé par un tiers, à la condition qu’il comporte la signature des parties à l’opération qu’il constate (Cass. 1ère civ. 21 févr. 2006, n°04-13.512).

La Cour de cassation rappelle en outre régulièrement que le procédé d’établissement de l’acte sous signature privée est sans incidence sur sa force probante. Il importe donc peu qu’il soit rédigé au crayon (Cass. com. 8 oct. 1996, n°94-17.967), de façon dactylographiée ou sur la base d’une formule prérédigée.

Il est encore admis que l’acte sous signature privée puisse ne pas être écrit en un seul et même contexte. Il peut ainsi résulter d’un échange de courriers.

Tel sera le cas, par exemple, lorsqu’un acquéreur adresse par voie postale une offre d’achat au vendeur qui l’accepte par retour de courrier.

Dès lors qu’une lettre missive est signée de la main de son auteur et qu’elle comporte les éléments requis par engager son signataire, elle peut se voir reconnaître la qualification d’acte sous signature privée (V. en ce sens Cass. req. 11 janv. 1892)

b. L’exigence de signature

La validité de l’acte sous signature privée est subordonnée à la seule apposition de la signature des parties sur l’instrumentum.

À l’analyse, il ne s’agit pas là d’une condition spécifique à l’acte sous signature privée ; elle joue en réalité pour tous les écrits.

Cette exigence résulte, pour rappel, de l’article 1367 du Code civil qui prévoit que la signature est « nécessaire à la perfection d’un acte juridique ».

Pour être précis, la signature est requise pour parfaire, non pas « l’acte juridique », mais « l’écrit » en tant que mode de preuve. La formulation de la règle est maladroite : le législateur confond ici l’instrumentum avec le negocium.

En effet, au sens strict, l’acte juridique c’est le negocium, soit l’opération voulue par son auteur. Or conformément au principe du consensualisme, la perfection du negocium est subordonnée à la seule expression des volontés. La signature n’est donc pas une condition de validité du negocium.

Si la signature est exigée c’est pour permettre d’établir l’existence et le contenu du negocium. C’est la raison pour laquelle elle est requise uniquement pour parfaire l’écrit, soit l’instrumentum constatant le negocium.

Comme souligné par des auteurs, la réforme du droit de la preuve opérée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 « aurait pu être l’occasion de corriger cette inadvertance, en érigeant la signature en condition de perfection de l’écrit, qu’il soit authentique ou sous signature privée, électronique ou papier, plutôt qu’en condition de l’acte juridique »[3].

Le législateur n’a pas saisi cette occasion ; il s’est contenté en 2016 de reprendre dans les mêmes termes la règle énoncée à l’ancien article 1316-4 du Code civil qu’il a transféré à l’article 1367.

Il a néanmoins innové seize ans plus tôt en reconnaissant, lors de l’adoption de la loi n°2000-230 du 13 mars 2000, une équivalence entre la signature manuscrite et la signature électronique.

Cette loi a introduit un article 1316-4, al. 2e dans le Code civil, devenu l’article 1367, al. 2e consécutivement à l’adoption de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qui prévoit que « lorsqu’elle est électronique, [la signature] consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. »

==> Notion de signature

Si désormais l’on s’arrête sur la notion de signature, le développement des nouvelles technologies de l’information l’a placé au centre des préoccupations des juristes.

Le mot signature est issu du latin signum qui signifie littéralement, le signe, la marque, le sceau ou encore l’empreinte.

Le terme signature s’est progressivement substitué dans le langage courant au mot « seing », aujourd’hui désuet, qui n’est autre que son doublet, car possédant la même origine étymologique.

Usuellement, une signature est donc un signe distinctif, une marque personnelle, généralement constituée du prénom et du nom de famille ou de leurs initiales, apposée permettant d’attribuer quelque chose à quelqu’un.

Plus précisément, elle se définit comme une « inscription de son nom, sous une forme particulière et reconnue, ou d’une marque spécifique, apposée par une personne sur un écrit afin d’en attester l’exactitude, d’en approuver le contenu et d’en assumer la responsabilité »[4].

Cette définition n’est manifestement pas très éloignée de celle retenue chez les juristes pour lesquels « il y a lieu d’admettre que constitue une signature valable toute marque personnelle manuscrite permettant d’individualiser son auteur sans nul doute possible et traduisant la volonté non équivoque de celui-ci de consentir à l’acte »[5]

À cet égard, en 1804, le Code civil ne comportait aucune définition de la signature alors que les dispositions qu’il renferme y font fréquemment référence.

Il est, en effet, de nombreux actes dont la validité est conditionnée à la signature de la partie à laquelle l’acte est opposé.

Cependant, il a toujours existé un consensus sur les fonctions de la signature.

Comme souligné par le Conseil d’État dans son rapport intitulé « Internet et les réseaux » rendu le 2 juillet 1998, la signature apposée sur un document est susceptible d’emporter trois types d’effets :

  • Premier effet
    • L’expression par l’auteur de l’acte de son consentement
    • Autrement dit, en apposant sa marque, le signataire entend exprimer sa volonté de consentir à l’opération et plus encore d’en assumer les conséquences juridiques
  • Deuxième effet
    • La signature permet de constituer la preuve de l’acte juridique sur lequel elle est apposée en cas de contestation (valeur juridique ad probationem)
    • L’écrit peut, en effet, être exigé ad probationem, ce qui signifie que l’écrit n’est pas demandé comme élément nécessaire à la perfection de l’acte, mais uniquement pour en établir la réalité et la teneur.
    • Il vaut « pour la preuve » et s’il fait défaut, il n’y a pas pour autant nullité de l’acte, mais simplement difficultés d’en justifier.
    • Pour exemple, dans le cas des écrits qui doivent être établis en double exemplaire, parce qu’ils font naître des obligations à la charge de chaque partie (on peut citer le cas des contrats de bail), l’inobservation de cette obligation n’entraîne pas la nullité de la convention elle-même mais prive seulement l’écrit de sa force probante.
  • Troisième effet
    • La signature est parfois exigée au titre d’un formalisme conditionnant la validité de l’acte (valeur juridique ad validitatem)
    • Aussi, l’écrit peut également être exigé ad validitatem : en l’absence d’écrit, l’opération est frappée de nullité, l’écrit étant requis « pour la solennité », c’est-à-dire qu’il est imposé pour la validité de l’acte.
    • Pour exemple, en matière de prêt à intérêt, l’exigence d’un écrit mentionnant le taux de l’intérêt conventionnel est une condition de validité de la stipulation d’intérêt.

==> Consécration d’une définition

Il a fallu attendre la loi n°2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique pour voir entrer dans le Code civil une définition de la signature.

La consécration légale de la définition de la signature a été rendue nécessaire par la reconnaissance de l’équivalence entre l’écrit électronique et l’écrit papier.

On peut lire en ce sens dans les travaux parlementaires ayant conduit à l’adoption du texte que « la reconnaissance de l’efficacité du document électronique comme mode de preuve serait privée de portée pratique si elle restait subordonnée à l’apposition d’une signature tracée de la main même de son auteur. »

En effet, pour qu’un écrit soit valable, il doit être signé. Or si la notion de signature se conçoit bien pour un écrit papier, il en va tout autrement pour un écrit électronique.

L’écrit électronique se présente sous une forme dématérialisée, de sorte que, par hypothèse, il n’admet pas les procédés traditionnels de signature. Aussi, la condition tenant à la signature de l’écrit devait-elle nécessairement être adaptée.

Pour ce faire, encore fallait-il déterminer les exigences auxquelles le procédé alternatif de signature devait répondre pour conférer à l’écrit électronique la même valeur que l’écrit papier, ce qui supposait de définir au préalable ce que l’on entendait par signature.

Parmi les définitions qui étaient possibles, le législateur a retenu une approche fonctionnelle de la signature.

L’ancien article 1316-4 du Code civil devenu l’article 1367 prévoit que « la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie celui qui l’appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte. »

==> Fonctions de la signature

Il ressort de l’article 1367 du Code civil que la signature est définie par les deux fonctions que lui attribue le législateur :

  • Première fonction : identification de l’auteur de l’acte
    • La signature a pour fonction première d’identifier le signataire, soit celui qui a apposé sa marque personnelle sur l’acte.
    • Il en résulte que pour être valable une signature doit nécessairement présenter un caractère distinctif, sinon originale.
    • En d’autres termes, elle doit permettre de reconnaître avec certitude l’auteur de l’acte.
    • Parce qu’elle est l’empreinte de la personnalité de son auteur, la signature établit un lien singulier entre elle et son auteur.
    • Pour cette raison, une jurisprudence ancienne s’est opposée à ce qu’elle puisse être remplacée par une croix ou un dessin ( req. 8 juill. 1903) ou par l’apposition d’un sceau ou d’empreintes digitales (Cass. civ. 15 mai 1934).
    • Dans un arrêt du 17 février 2004, la Cour de cassation a encore décidé que la simple mention des noms et prénoms de l’auteur de l’acte figurant dans le corps du texte ne pouvait pas être assimilée à une signature (Cass. 1ère civ. 22 juin 2004, n°01-14.031)
    • Elle a toutefois précisé, quatre mois plus tard, que lorsque la mention des noms et prénoms de l’auteur de l’acte figure au bas du document « même si elle ne constitue pas la signature habituelle du testateur » elle peut suffire dès lors « qu’elle ne laisse aucun doute sur l’identité de l’auteur de l’acte ni sur sa volonté d’en approuver les dispositions» ( Cass. 1ère civ. 22 juin 2004, n°01-14.031).
    • Ce qui dès lors importe c’est que la marque apposée sur l’instrumentum soit suffisamment distinctive pour qu’il soit permis de l’associer, sans équivoque, à un signataire déterminé.
  • Seconde fonction : consentement au contenu de l’acte
    • Si la signature doit nécessairement permettre d’identifier son auteur, cette exigence posée par l’article 1367 du Code civil n’est pas suffisante.
    • Pour conférer à l’écrit sa force probante, le texte ajoute que la signature doit manifester le consentement de l’auteur de l’acte aux obligations qui en découlent.
    • Dans un arrêt du 9 mai 2018, la Cour de cassation a précisé qu’une seule signature pouvait suffire à manifester le consentement d’une même personne prise en plusieurs qualités.
    • Pour la Chambre commerciale « la double qualité en laquelle intervient le signataire d’un acte juridique, d’une part à titre personnel et, d’autre part, en qualité de représentant d’un tiers, [n’impose] pas la nécessité d’une double signature comme condition de validité de cet acte» (Cass. com. 9 mai 2018, n°16-28.157).
    • En tout état de cause, il y a lieu d’avoir bien à l’esprit que l’apposition de la signature sur l’instrumentum n’emporte pas consentement à l’acte ; elle constitue seulement une marque de ce consentement.
    • Pratiquement cela signifie que, nonobstant la signature de l’écrit constatant l’engagement pris par le signataire, celui-ci pourra toujours rapporter la preuve de son absence de consentement, à tout le moins du vice dont il a été frappé.
    • Parce que la signature constitue donc la marque de l’adhésion volontaire du signataire à l’ensemble des effets juridiques produits par l’acte, la jurisprudence exige généralement qu’elle se détache du corps du texte pour figurer à la fin du document (Cass. 1ère civ. 22 juin 2004, n°01-14.031).
    • Cela permet d’établir que le signataire a entendu adhérer à l’acte dans son entier et donc qu’elle vient sceller les engagements souscrits par les parties.
    • Par ailleurs, lorsque l’instrumentum comporte plusieurs feuillets, il n’est pas nécessaire qu’ils soient tous signés.
    • En revanche, afin d’établir que le signataire a pris connaissance de toutes les pages du document et éviter par là même qu’une page puisse être ajoutée, il est d’usage d’exiger l’apposition de paraphes sur chacune d’elles, bien qu’il ne s’agisse pas là d’une condition de validité de l’écrit (Cass. com. 5 juin 2007, n°06-11.950).
    • En outre, il doit exister un « lien intellectuel» entre tous les feuillets composant l’instrumentum, un lien de nature à établir qu’ils « forment un seul et même acte » (V. en ce sens Cass. req. 28 mai 1894).
    • Cependant, comme rappelé régulièrement par la Cour de cassation il n’est pas exigé que les mentions « lu et approuvé » et ou « bon pour » précèdent la signature (V. par exemple : Cass. soc. 19 mars 1991, n°87-44.470).
    • Dans une réponse ministérielle formulée le 22 juillet 1993, le Garde des Sceaux a indiqué que « si la formule ” Lu et approuvé “, a l’avantage, en pratique, d’appeler l’attention du signataire d’un acte sous seing privé sur l’importance de son geste, cette mention a toujours été considérée du moins en ce qui concerne les contrats synallagmatiques comme une formule de pure faculté dont l’apposition n’est requise ni pour valider l’acte ni comme élément de preuve et ne saurait a fortiori suppléer l’absence de signature des parties» (Rép. min. du 22 juill. 1993).
    • À cet égard, il s’infère d’un arrêt du 30 octobre 2008 que cette règle s’applique à toutes les mentions.
    • La Première chambre civile a affirmé en ce sens que « en dehors des exceptions prévues par la loi, l’acte sous seing privé n’est soumis à aucune autre condition de forme que la signature de ceux qui s’y obligent» (Cass. 1ère civ. 30 oct. 2008, n°07-20.001).
    • Aussi, ce n’est que si un texte le prévoit expressément que la signature doit être précédée d’une mention manuscrite.
    • Il en va ainsi, par exemple, en matière de cautionnement : l’article 2297 du Code civil prévoit que « à peine de nullité de son engagement, la caution personne physique appose elle-même la mention qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d’un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. »
    • Enfin, il est admis que la mention puisse être apposée sur l’instrumentum à l’avance, soit avant que l’acte ne soit dressé ; c’est ce que l’on appelle donner un « blanc-seing ».
    • Bien que cette pratique expose le signataire au risque de conclure un acte dont le contenu n’est pas fidèle à ce qui avait été convenu avec son cocontractant, elle demeure licite : l’acte établi sous blanc-seing est doté de la même force probante que n’importe quel écrit.
    • Dans un arrêt du 28 février 2006 la Cour de cassation a ainsi jugé « qu’un écrit, même s’il comporte à l’origine un blanc-seing, fait foi des conventions qu’il contient, comme si elles y avaient été inscrites avant la signature, sauf preuve contraire administrée par la partie qui allègue l’abus» (Cass. com. 28 févr. 2006, n°04-17.204).
    • Dans un arrêt du 4 octobre 2005, la Première chambre civile a précisé que c’est à la partie qui invoque un abus de blanc-seing d’en rapporter la preuve (Cass. 1ère civ. 4 oct. 2005, n°03-11.171).

2. Conditions spécifiques à certains actes sous signature privée

a. Conditions spécifiques aux actes constatant un contrat synallagmatique

En application de l’article 1375 du Code civil, les actes sous signature privée constatant un contrat synallagmatique doivent répondre à l’exigence dite du « double original ». Ce principe est toutefois assorti d’exceptions.

==> Principe

L’article 1375, al. 1er du Code civil prévoit que « l’acte sous signature privée qui constate un contrat synallagmatique ne fait preuve que s’il a été fait en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct »

Cette exigence est usuellement désignée sous l’appellation « formalité du double original ».

La raison en est que les parties à un contrat synallagmatique sont généralement deux.

Si néanmoins elles sont plus nombreuses, alors l’article 1375, al. 1er du Code civil exige que l’instrumentum qui constate le contrat soit établi en autant d’originaux qu’il y a de parties, à la condition qu’il s’agisse d’un contrat synallagmatique.

Pour mémoire, l’article 1106 du Code civil prévoit « un contrat est synallagmatique lorsque les contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres. »

En d’autres termes, il s’agit d’un contrat qui crée des obligations réciproques et interdépendantes à la charge des deux parties. Chaque partie est tout à la fois créancier et débiteur.

Exemples :

  • Le contrat de vente: le vendeur s’engage à livrer la chose promise tandis que l’acheteur s’oblige à payer le prix convenu
  • Le contrat de bail: le bailleur s’engage à assurer la jouissance paisible de la chose louée, tandis que le locataire s’oblige à payer un loyer

Pour que donc l’exigence du double original s’applique, le contrat conclu entre les parties doit nécessairement stipuler des engagements réciproques.

Sont donc exclus du domaine de cette exigence notamment les contrats unilatéraux.

Dans un arrêt du 28 mars 1984, la Cour de cassation a ainsi jugé, s’agissant d’un contrat de prêt, que dans la mesure où il n’impose d’obligation qu’a l’emprunteur et qu’il ne présente pas de caractère synallagmatique rien n’exige qu’il soit établi en autant d’exemplaires que de parties (Cass. 1ère civ. 28 mars 1984, n°82-15.538).

S’agissant de l’objectif poursuivi par l’exigence du double original, à l’analyse elle vise à assurer la sécurité juridique des parties à l’acte.

En effet, en exigeant que chaque partie soit en possession d’un exemplaire original de l’acte, l’objectif recherché est double :

  • Permettre à chacune des parties de prouver les obligations constatées dans l’acte
  • Empêcher que l’acte ne soit falsifié par l’une d’elles

==> Conditions

Il ne suffit pas que l’acte soit établi en autant d’originaux qu’il y a de parties pour que l’exigence du double original soit remplie, il faut encore que deux conditions soient satisfaites :

  • Première condition
    • Bien que l’article 1375 du Code civil ne le prévoit pas expressément, la satisfaction de l’exigence du double original requiert que chaque partie se soit vu remettre un exemplaire original de l’acte.
    • Dans un ancien arrêt rendu par la Cour d’appel de Colmar il a été jugé en ce sens que si tous les exemplaires d’un acte sous signature privée sont demeurés entre les mains d’un seul contractant ils sont insusceptibles de valoir preuve parfaite (CA Colmar, 8 mars 1865).
  • Seconde condition
    • L’article 1375, al. 2e du Code civil prévoit que la formalité du double original n’est remplie qu’à la condition que chaque original remis aux parties mentionne le nombre des originaux qui en ont été faits
    • La jurisprudence a estimé qu’il n’était pas nécessaire que soit indiqué le nombre précis d’exemplaires dressés ; il suffit d’indiquer que l’acte a été établi en autant d’originaux qu’il y a de parties (V. en ce sens CA Angers, 5 juill. 2011, n° 10/00439)

==> Exceptions

L’exigence du double original en présence d’un acte sous signature privée constatant un contrat synallagmatique souffre de trois exceptions :

  • Première exception
    • L’article 1375, al. 1er in fine prévoit que l’exigence du double original joue « à moins que les parties ne soient convenues de remettre à un tiers l’unique exemplaire dressé».
    • Cette règle, issue de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, ne fait que consacrer la jurisprudence qui, très tôt, a jugé qu’il y avait lieu de dispenser les parties de satisfaire à l’exigence de la pluralité d’originaux lorsqu’elles ont choisi de déposer l’acte entre les mains d’un tiers.
    • La raison en est que, dans cette circonstance, toutes les parties sont placées sur un pied d’égalité en ce sens qu’il leur suffira de solliciter le tiers aux fins de se procurer la preuve de l’acte constatant les engagements pris.
    • Aussi, parce que la preuve de l’acte n’est soumise au bon vouloir d’une partie, l’exigence du double original ne présente plus aucun intérêt ; d’où l’exception à la règle reconnue par la jurisprudence, puis consacrée par le législateur.
    • À cet égard, il peut être observé que le texte ne subordonne le dépôt de l’acte entre les mains d’un tiers au respect d’aucune condition particulière.
    • II n’est donc pas nécessaire que le tiers justifie d’une qualité quelconque ou soit un professionnel du droit.
    • Ce qui importe, en revanche c’est :
      • D’une part, que toutes les parties aient donné leur consentement au dépôt de l’acte entre les mains d’un tiers ( Cass. 3e civ. 15 avr. 1992, n°91-14.297).
      • D’autre part, que le dépôt de l’acte soit réel ( 1ère civ. 19 juin 1957)
      • Enfin, que le tiers désigné soit neutre, ce qui signifie qu’il doit agir dans l’intérêt commun des parties, de sorte qu’elles soient placées sur un pied d’égalité
    • Une fois l’acte déposé entre les mains du tiers il devra le produire sur demande de l’une des parties sans opérer de distinction entre elles.
  • Deuxième exception
    • L’article 1375, al. 3e du Code civil prévoit que « celui qui a exécuté le contrat, même partiellement, ne peut opposer le défaut de la pluralité d’originaux ou de la mention de leur nombre. »
    • Il ressort de cette disposition que le non-respect de l’exigence du double original peut être couvert lorsque l’une des parties a exécuté tout ou partie de son obligation.
    • À l’analyse, il s’agit là d’une extension de la règle énoncée par l’ancien article 1325, al. 4e du Code civil qui prévoyait que « le défaut de mention que les originaux ont été faits doubles, triples, etc., ne peut être opposé par celui qui a exécuté de sa part la convention portée dans l’acte. »
    • Sous l’empire du droit antérieur, seul le défaut de mention du nombre d’originaux sur chaque exemplaire de l’acte était ainsi susceptible d’être couvert par l’exécution de la convention.
    • L’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 a étendu la couverture de cette irrégularité à l’absence d’établissement de l’instrumentum en autant d’originaux qu’il y a des parties à l’acte.
    • L’extension du domaine de l’exception à l’exigence du double original avait été déjà été amorcée par la Cour de cassation dans un arrêt du 14 décembre 1983.
    • Aux termes de cette décision, elle avait notamment estimé que lorsqu’une qu’une partie a pleinement exécuté son obligation, l’exigence du double original n’a plus lieu de s’appliquer.
    • La Haute juridiction a justifié cette solution en avançant que dès lors qu’au jour de la rédaction de l’acte sous signature privée litigieux une partie a satisfait à son engagement, elle n’a alors plus aucun droit à faire valoir, puisque remplie de ses droits, de sorte qu’elle n’a plus aucun intérêt à avoir un original en sa possession (Cass. 1ère civ. 14 déc. 1983, n°82-730).
    • Il peut être observé que le législateur est allé plus loin que la jurisprudence en admettant que l’absence de double original puisse être couverte, non seulement par une inexécution totale du contrat, mais également par une inexécution partielle.
    • La question qui alors se pose est de savoir en quoi consiste un acte d’exécution.
    • Autrement dit à partir de quand peut-on considérer qu’une partie a commencé à exécuter son engagement, autorisant ainsi son cocontractant à se prévaloir de l’exception à l’exigence du double original énoncée à l’article 1375, al. 3e du Code civil ?
    • Selon les auteurs, un acte d’exécution consisterait en un acte exprimant la reconnaissance par une partie de la convention et, par voie de conséquence, de son engagement.
    • Tel sera le cas en cas de libération des lieux par les propriétaires d’une maison consécutivement à la vente de cette dernière (Cass. 1ère civ. 14 déc. 1964)
  • Troisième exception
    • L’article 1375, al. 4e du Code civil prévoit que « l’exigence d’une pluralité d’originaux est réputée satisfaite pour les contrats sous forme électronique lorsque l’acte est établi et conservé conformément aux articles 1366 et 1367, et que le procédé permet à chaque partie de disposer d’un exemplaire sur support durable ou d’y avoir accès. »
    • Ainsi, lorsque l’acte sous signature privée est établi au moyen d’un support électronique pour que l’exigence du double original soit remplie, deux conditions doivent être satisfaites :
      • Première condition
        • L’acte doit être conservé et établi selon les modalités énoncées par les articles 1366 et 1367 du Code civil.
        • Cela implique :
          • D’une part, que puisse être dûment identifiée la personne dont l’acte émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité (art. 1366 C. civ.).
          • D’autre part, que la signature électronique utilisée repose sur un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache (art. 1367, al. 2e C. civ.).
      • Seconde condition
        • Le procédé utilisé pour établir l’acte doit permettre à chaque partie de disposer d’un exemplaire sur support durable ou d’y avoir accès à tout moment.
        • Par support durable, il faut entendre, selon l’article liminaire du Code de la consommation « tout instrument permettant au consommateur ou au professionnel de stocker des informations qui lui sont adressées personnellement afin de pouvoir s’y reporter ultérieurement pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et qui permet la reproduction à l’identique des informations stockées».
        • Le considérant 23 de la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs précise que « le support durable devrait permettre au consommateur de stocker les informations aussi longtemps que cela lui est nécessaire pour protéger ses intérêts découlant de sa relation avec le professionnel. Au nombre des supports durables devraient figurer, en particulier, le papier, les clés USB, les CD-Rom, les DVD, les cartes à mémoire ou les disques durs d’ordinateur ainsi que les courriels. »

==> Sanction

Il ressort de l’article 1375, al. 1er du Code civil, que l’établissement d’une pluralité d’originaux est exigé à titre de preuve et non comme condition de validité du contrat synallagmatique constaté dans l’acte.

Aussi, en cas de manquement à cette exigence, l’écrit perd son statut de preuve parfaite, de sorte qu’il ne permet plus de faire la preuve de l’acte sur lequel il porte.

Est-ce à dire qu’il est dépourvu de toute valeur probante ?

Dans un arrêt du 19 février 2013 la Cour de cassation lui a reconnu la valeur de commencement de preuve par écrit.

Elle a jugé en ce sens que « la copie produite ne contenait pas la mention du nombre des originaux qui avaient été faits de la convention synallagmatique et ne pouvait dès lors valoir que comme commencement de preuve par écrit exigeant d’être complété par un élément extrinsèque » (Cass. 1ère civ. 19 févr. 2013, n°11-24.453).

b. Conditions spécifiques aux actes constatant un engagement unilatéral

==> Principe

En application de l’article 1376 du Code civil « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres ».

Il ressort de cette disposition que lorsqu’un acte sous signature privée constate un engagement unilatéral de payer une somme d’argent ou de livrer un bien fongible, le débiteur doit reproduire sur l’acte une mention exprimant le montant ou la quantité de l’engagement souscrit.

Cette exigence est appelée couramment formalité de la « mention manuscrite » ou du « bon pour ».

À l’analyse, la règle de preuve énoncée à l’article 1376 du Code civil a été instituée afin de prémunir le débiteur d’une fraude du créancier.

Lorsque, en effet, un acte sous signature privée est régularisé en vue de constater un contrat unilatéral, il n’est établi qu’en un seul exemplaire.

En application de l’article 1375, al. 1er du Code civil, l’exigence du double original ne joue que pour les contrats synallagmatiques.

Tel n’est pas le cas pour les contrats unilatéraux dont l’unique exemplaire est conservé par le seul créancier.

Il est alors en risque que celui-ci modifie le montant de l’engagement de son cocontractant en altérant les termes de l’acte.

Pour l’en dissuader, il a fallu trouver une parade. Cette parade a consisté à exiger, pour les contrats unilatéraux, qu’une mention soit reproduite sur l’acte de la main de celui qui s’oblige exprimant le montant en chiffres et en lettres de son engagement.

Cette formalité a ainsi pour fonction d’empêcher que l’acte ne soit falsifié.

Elle vise, autrement dit, à protéger le débiteur d’éventuels agissements malveillants du créancier.

==> Domaine

Tout d’abord, comme énoncée par l’article 1376 du Code civil, l’exigence du « bon pour » ne s’applique qu’aux seuls actes sous signature privée.

A contrario, cette exigence ne joue, ni pour les actes notariés, ni pour les actes sous signature privée contresignés par avocat :

  • S’agissant des actes notariés
    • L’article 1369, al. 3e du Code civil prévoit que « lorsqu’il est reçu par un notaire, il est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi. »
    • La Cour de cassation a appliqué cette dispense à l’exigence de mention manuscrite dans un arrêt du 2 juillet 1991 aux termes duquel elle a jugé qu’un cautionnement donné dans un acte authentique « n’était pas soumis aux exigences de l’article 1326 du Code civil » (Cass. 1ère civ. 2 juill. 1991, n°90-12.747).
    • Elle a statué dans le même sens dans un arrêt du 13 février 1996 (Cass. 1ère civ. 13 févr. 1996, n°93-21.165).
  • S’agissant des actes sous signature privée contresignés par avocat
    • L’article 1374, al. 3e du Code civil prévoit sensiblement dans les mêmes termes que ceux de l’article 1369, al.3e que l’acte sous signature privée contresigné par avocat « est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi».
    • La raison en est que, à l’instar du notaire, l’avocat est assujetti à un devoir de conseil, ce qui implique notamment qu’il délivre aux parties l’information contenue dans la mention manuscrite prévue par la loi dans certains domaines.
    • Aussi, le législateur a estimé qu’il s’agissait là d’une garantie suffisante, l’intervention de l’avocat étant de nature à garantir que les parties prendront la mesure de leur engagement.

Ensuite, pour que l’exigence énoncée à l’article 1376 du Code civil s’applique il ne suffit pas que l’on soit en présence d’un acte sous signature privée, il faut encore qu’il s’agisse d’un acte « par lequel une seule partie s’engage envers une autre », soit un acte constatant un engagement unilatéral.

Pour mémoire, l’article 1106 du Code civil prévoit qu’un contrat est unilatéral « lorsqu’une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres sans qu’il y ait d’engagement réciproque de celles-ci ».

Le contrat unilatéral se distingue de l’acte unilatéral en ce que, pour être valable, cela suppose l’accord des volontés.

Exemples :

  • Le contrat de prêt : l’obligation principale consiste pour l’emprunteur à restituer les fonds ou la chose prêtée
  • Le contrat de donation : l’obligation principale échoit au seul donateur
  • Le contrat de cautionnement : l’obligation principale consiste pour la caution à garantir la dette du débiteur principal

La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler que les exigences posées par l’article 1376 du Code civil étaient inapplicables aux actes sous signature privée constatant une convention synallagmatique (V. en ce sens Cass. com. 26 juin 1990, n°88-14.444).

Enfin, l’exigence de mention énoncée par l’article 1376 du Code civil ne joue que lorsque l’engagement unilatéral consiste :

  • Soit au paiement d’une somme d’argent, ce qui implique pour le débiteur de payer le créancier au moyen de monnaie
  • Soit à la livraison de choses fongibles, c’est-à-dire de choses qui ne possèdent pas d’individualité propre et qui donc sont « de même quantité et qualité», de sorte qu’elles sont interchangeables (une tonne de blé, des boîtes de dolipranes, des tables produites en série etc.)

Il en résulte que lorsque l’engagement a pour objet la livraison d’un corps certain ou une obligation de faire, l’exigence énoncée par l’article 1376 du Code civil n’a pas lieu de jouer.

Dans un arrêt du 12 février 2003, la Cour de cassation a, par exemple, jugé que « que l’article 1326 du Code civil ne s’applique qu’à une obligation de payer ou de livrer un bien fongible, mais non à une obligation portant sur la bonne exécution d’un contrat de construction » (Cass. 3e civ., 12 févr. 2003, n° 01-11.295).

La Chambre commerciale a statué dans le même sens dans un arrêt du 18 juin 2013 en retenant, au visa des anciens articles 1120 et 1326 (devenu l’article 1376) du Code civil « qu’il résulte du premier de ces textes, que l’engagement de porte-fort constitue un engagement de faire, de sorte que le second ne lui est pas applicable » (Cass. com. 18 juin 2013, n°12-18.890).

==> Mise en œuvre

L’article 1376 du Code civil exige, à titre de preuve, la reproduction sur l’acte sous signature privée constatant un engagement unilatéral d’une mention manuscrite exprimant le montant ou de la quantité de l’engagement « en toutes lettres et en chiffres. »

Deux questions immédiatement se posent : quelle doit être la forme de cette mention et quels éléments doit-elle comporter ?

  • La forme de la mention
    • Sous l’empire du droit antérieur, l’ancien article 1326 du Code civil exigeait que la mention manuscrite devant figurer sur l’acte soit écrite de la main du débiteur de l’obligation.
    • Cette précision excluait, en conséquence, que cette mention puisse être dactylographiée, quand bien même il serait établi qu’elle a été reproduite par celui qui s’engage.
    • Afin de conférer à l’écrit électronique la même valeur que l’écrit papier, il est apparu nécessaire d’aménager l’exigence posée par le texte.
    • Il fallait en effet autoriser que la mention puisse être reproduite sur l’acte, tant au moyen d’un stylo que d’un procédé numérique.
    • C’est la loi n°2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique qui a levé l’obstacle parfaitement identifié par le législateur en substituant la formule « écrite de la main» par « écrite par lui-même ».
    • Par cette substitution, il était désormais admis que la mention exigée par l’ancien article 1326 du Code civil soit reproduite au moyen d’un outil de dactylographie.
    • La Cour de cassation a toutefois précisé dans un arrêt du 13 mars 2008 « que si la mention de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres, écrite par la partie même qui s’engage, n’est plus nécessairement manuscrite, elle doit alors résulter, selon la nature du support, d’un des procédés d’identification conforme aux règles qui gouvernent la signature électronique ou de tout autre procédé permettant de s’assurer que le signataire est le scripteur de ladite mention ».
    • Autrement dit, pour conférer à l’acte sous signature privée la force probante d’un écrit, la preuve doit être rapportée que la mention a bien été reproduite par le signataire, faute de quoi cet acte ne peut tout au plus constituer qu’un simple commencement de preuve par écrit devant être corroboré par une preuve extrinsèque (Cass. 1ère civ. 13 mars 2008, n°06-17.534).
    • À cet égard, en cas de dénégation de son écriture par le débiteur, il appartiendra au juge de procéder, en application des articles 1373 du Code civil et 287 du Code de procédure civile à une vérification d’écriture.
    • S’agissant de l’endroit où la mention doit être apposée sur l’acte, la jurisprudence semble ne pas y accorder d’importance.
    • Dans un arrêt du 23 novembre 1999, la Cour de cassation a admis que la mention puisse figurer sous la signature de la caution, pourvu qu’il soit établi qu’elle émane de cette dernière et qu’elle précise le montant, en toutes lettres et en chiffres, de la somme que celle-ci s’engage à payer (Cass. 1ère civ. 23 nov. 1999, n°96-20.517).
    • Autre exigence de forme posée par l’article 1376 du Code civil, la mention doit exprimer le montant ou la quantité de l’engagement « en chiffres et en lettres», à tout le moins lorsque cet engagement est déterminé.
    • Si la mise en œuvre de cette exigence ne soulève, en soi, aucune difficulté plus délicate est la question de la sanction de l’absence d’indication du montant de l’engagement souscrit en chiffres ou en lettres.
      • L’omission concerne l’indication du montant de l’engagement en chiffres
        • Dans un premier temps, la Cour de cassation a estimé que « l’omission de la mention manuscrite en chiffres exigée par l’article 1326 du Code civil n’a pas pour effet de priver l’écrit de sa force probante dès lors qu’il comporte la mention de la somme en toutes lettres» (Cass. 1ère civ. 22 oct. 2002, n°01-10.472).
        • Dans un second temps, elle est revenue sur sa position en jugeant que l’absence d’indication du montant de l’engagement en chiffres affectait l’acte de telle sorte qu’il « ne pouvait constituer qu’un commencement de preuve par écrit» (Cass. 1ère civ. 21 mars 2006, n°04-18.673).
        • La première chambre civile a réitéré cette solution dans un arrêt du 27 novembre 2013, aux termes duquel elle a affirmé que « faute d’indication, dans la mention manuscrite, du montant en chiffres de la somme, l’acte litigieux, comme tout acte par lequel une partie s’engage unilatéralement envers une autre à lui payer une somme d’argent, ne pouvait constituer qu’un commencement de preuve par écrit» (Cass. 1ère civ. 27 nov. 2013, n°12-18.566).
      • L’omission concerne l’indication du montant de l’engagement en lettres
        • Dans cette hypothèse, la Cour de cassation retient la même solution qu’en cas d’omission du montant de l’engagement en chiffres : l’acte affecté par l’irrégularité ne peut constituer qu’un commencement de preuve par écrit.
        • Dans un arrêt du 6 juillet 2004, la Première chambre civile a jugé en ce sens que « la mention manuscrite apposée sur cet acte par M. X…, si elle comporte le montant en chiffres de l’obligation garantie, n’indique pas ce montant en lettres ; que faute d’une telle indication, impérativement prescrite par les textes susvisés, l’acte litigieux ne constitue pas un acte de cautionnement régulier» (Cass. 1ère civ. 6 juill. 2004, n°02-14.450).
    • Enfin, l’article 1376 du Code civil précise que, en cas de différence entre le montant indiqué en lettres et le montant indiqué en chiffres ,« l’acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres.»
    • Ainsi, c’est l’indication du montant de l’engagement en lettres qui prime sur l’indication en chiffres.
  • Le contenu de la mention
    • L’article 1376 du Code civil prévoit, pour mémoire, que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres».
    • Il ressort de cette disposition que la mention qui doit être apposée sur l’acte sous signature privée doit, pour être valable, exprimer le montant ou la quantité de l’engagement souscrit « en toutes lettres et en chiffres».
    • Dans un arrêt du 16 mars 1999, la Cour de cassation a précisé que l’article 1376 du Code civil « limite l’exigence de la mention manuscrite à la somme ou à la quantité due, sans l’étendre à la nature de la dette, à ses accessoires ou à ses composantes» (Cass. com. 16 mars 1999, n°96-12.653).
    • La première chambre civile a adopté la même position dans un arrêt du 29 octobre 2002, (Cass. 1ère civ. 29 oct. 2002, n°00-15.223).
    • Il n’est donc pas nécessaire que la mention exprime autre chose que le montant ou la quantité de l’engagement pour être valable.
    • En d’autres termes, ce sont, de façon générale, toutes les modalités de l’obligation souscrite qui sont exclues du domaine de la mention.
    • En matière de cautionnement la Cour de cassation a jugé en ce sens qu’il était indifférent que la mention précise la nature de la dette garantie (Cass. 1ère civ. 28 oct. 1991, n°90-13.274) ou si l’engagement contracté était solidaire (Cass. 1ère civ. 31 janv. 1989, n°87-11.204).
    • S’agissant de la formulation de la mention, si elle ne soulève aucune difficulté lorsque le montant de l’engagement est déterminé, quid dans l’hypothèse où ce montant est déterminable, voire indéterminé ?
      • Le montant de l’engagement est déterminable
        • Lorsque le montant de l’engagement souscrit est seulement déterminable, faute de pouvoir indiquer un montant précis, la mention devra exprimer tous les éléments permettant de déterminer le montant de l’engagement (V. en ce sens pour un cautionnement Cass. 1ère civ. 25 mars 1991, n°89-16.653).
      • Le montant de l’engagement est indéterminé
        • Lorsque le montant de l’engagement contracté est indéterminé, la question s’est posée en jurisprudence de savoir comment satisfaire à l’exigence posée par l’article 1376 du Code civil.
        • Cette difficulté a notamment été rencontrée en matière de cautionnement où il est fréquent qu’une caution s’engage à garantir des dettes indéterminées, telles des dettes futures.
        • Dans cette configuration, il est a priori impossible de satisfaire à l’exigence d’indication du montant de l’engagement de caution qui, par hypothèse, est inconnu au jour de l’établissement de l’acte.
        • Dans un arrêt du 3 mars 1970, la Cour de cassation a résolu l’énigme en affirmant que lorsque l’engagement de caution garantit une obligation illimitée, l’article 1376 du Code civil impose l’apposition sur l’acte de cautionnement d’une mention écrite de la main de la caution « exprimant sous une forme quelconque mais de façon explicite, la connaissance de la nature et de l’étendue de l’obligation» (Cass. 1ère civ. 3 mars 1970, n°68-11.240).
        • La première chambre civile a réitéré cette solution dans un arrêt du 22 février 1984 aux termes duquel elle a affirmé, sensiblement dans les mêmes termes, « qu’il résulte de la combinaison des [articles 1326 et 2015 du Code civil] que l’acte juridique constatant un engagement indéterminé doit porter, écrite de la main de la caution, une mention exprimant sous une forme quelconque, mais de façon explicite et non équivoque, la connaissance qu’elle a de la nature et de l’étendue de l’obligation contractée» (Cass. 1ère civ. 22 févr. 1984, n°82-17.077).
        • Ainsi, pour pallier l’absence d’indication du montant d’un engagement unilatéral en chiffres et en lettres telle que prescrite par l’article 1376 du Code civil, est-il nécessaire que la mention apposée sur l’acte par débiteur exprime avec suffisamment de précision l’étendue de son engagement.
        • Aucune formule sacramentelle n’est donc exigée. Les juges devront seulement vérifier si les termes de la mention reproduite sur l’acte sont suffisamment explicites pour que le souscripteur de l’engagement s’oblige en toute connaissance de cause et prenne la mesure de son obligation.
        • Afin d’apprécier le caractère explicite et non équivoque de la mention, la Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 4 mars 1986 qu’il devait « être tenu compte non seulement des termes employés mais également de la qualité, des fonctions et des connaissances de la caution, de ses relations avec le créancier et le débiteur de l’obligation cautionnée, ainsi que de la nature et des caractéristiques de cette dernière» (Cass. 1ère civ. 4 mars 1986, n°84-16.818).
        • Il y a donc lieu de se référer à des éléments extrinsèques pour déterminer sur la mention qui figure sur l’acte sous signature privée constatant un engagement unilatéral exprime « de façon explicite et non équivoque, la connaissance que la caution a de la nature et de l’étendue de l’obligation contractée».
        • Dans un arrêt du 29 octobre 2002, la Cour de cassation a admis que cette appréciation pouvait s’appuyer sur l’analyse de la seule mention, dès lors que celle-ci « est claire dans son libellé et dénuée d’équivoque» (Cass. com. 29 oct. 2002, n°98-21.056).
        • La Haute juridiction a, en revanche, précisé que « la mention ” lu et approuvé ” ne suffisait pas à répondre aux exigences» de l’article 1376 du Code civil (Cass. 28 oct. 1991, n°90-13.274).
        • Enfin, la première chambre civile a précisé dans un arrêt du 9 mai 2001 que « le caractère explicite et non équivoque de la connaissance par la caution de la nature et de l’étendue de son engagement doit s’apprécier au jour de l’acte» (Cass. 1ère civ. 9 mai 2001, n°98-14.760).

==> Portée

Sous l’empire du droit antérieur, la question s’était posée de savoir quelle portée reconnaître à l’exigence de mention manuscrite énoncée par l’ancien article 1326 du Code civil.

Cette question avait donné lieu à un abondant contentieux en matière de cautionnement.

Pour rappel, à l’origine, la formalité du « bon pour » avait pour fonction d’empêcher que l’acte ne soit falsifié. Elle visait, autrement dit, à protéger le débiteur d’éventuels agissements malveillants du créancier.

À cette fin, l’acte constatant l’engagement unilatéral n’avait valeur de preuve qu’à la condition qu’il soit assorti d’une mention manuscrite apposée par la caution.

Nonobstant cette fonction probatoire de la mention manuscrite envisagée initialement par le législateur, à partir des années 1980, la jurisprudence en a fait un instrument de protection du consentement des cautions.

La Cour de cassation a, en effet, érigé l’exigence de mention manuscrite prescrite par l’ancien article 1326 du Code civil en condition de validité du cautionnement.

Aussi, désormais, l’absence de mention manuscrite était sanctionnée, non plus par l’abaissement de la valeur probatoire de l’acte au rang de commencement de preuve par écrit, mais par la nullité pure et simple du cautionnement.

Dans un arrêt du 30 juin 1987, la Première chambre civile a ainsi affirmé « qu’il résulte de la combinaison des articles 1326 et 2015 du Code civil que les exigences relatives à la mention manuscrite ne constituent pas de simples règles de preuve mais ont pour finalité la protection de la caution ».

Elle en déduit que l’aval dont la régularité était contestée, en raison de sa signature en blanc, était bien nul (Cass. 1ère civ. 30 juin 1987, n°85-15.760).

La solution retenue par la Cour de cassation dans cet arrêt a été très critiquée par la doctrine, les auteurs lui reprochant de se détourner de l’esprit des textes.

Au surplus, cette solution revenait à conférer un caractère solennel au cautionnement, ce qu’il n’est pas.

De son côté, la Chambre commerciale a refusé l’évolution jurisprudentielle – que d’aucuns ont qualifiée d’excès de formalisme – opéré par la Première chambre civile en jugeant que le défaut de mention manuscrite ne remettait nullement en cause la validité de l’acte constatant le cautionnement qui donc conservait sa valeur de commencement de preuve par écrit (Cass. com. 6 juin 1985, n°83-15.356).

Finalement, la première chambre civile s’est progressivement ralliée à la chambre commerciale.

Dans une première décision, elle a d’abord jugé que les exigences de signature et de mention manuscrite posées par l’ancien article 1326 du Code civil constituaient des « règles de preuve [qui] ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 15 nov. 1989, n°87-18.003).

Puis, dans une seconde décision, rendue deux ans plus tard, elle en a tiré la conséquence que, « si l’absence de la mention manuscrite exigée par l’article 1326 du Code civil, dans l’acte portant l’engagement de caution […] rendait le cautionnement irrégulier, ledit acte constituait néanmoins un commencement de preuve par écrit pouvant être complété par d’autres éléments » (Cass. 1ère civ. 15 oct. 1991, n°89-21.936).

L’enseignement qu’il y a lieu de retirer de ce revirement de jurisprudence est double :

  • Premier enseignement
    • L’exigence de mention manuscrite n’est plus regardée comme une condition de validité du cautionnement.
    • On revient donc à la position initialement partagée par toutes les chambres de la Cour de cassation : la reproduction de la mention sur l’acte constitue une simple formalité requise ad probationem.
    • Il en résulte que l’irrégularité ou l’absence de cette mention n’est plus sanctionnée par la nullité du cautionnement
  • Second enseignement
    • En cas d’absence ou d’irrégularité de la mention manuscrite, l’acte constatant le cautionnement, qui donc n’est pas nul, vaut commencement de preuve par écrit.
    • Cela signifie que la preuve de l’engagement de caution peut être rapportée au moyen d’éléments extrinsèques, tels que notamment des témoignages ou encore des présomptions.

Aujourd’hui, cette solution retenue par la jurisprudence ne soulève plus de doute. Elle est désormais bien ancrée en droit positif.

À l’occasion du transfert de l’article 1326 du Code civil à l’article 1376 du même Code opéré par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit de la preuve des obligations, le législateur en a profité pour préciser la fonction remplie par la règle énoncée par ce texte.

Si, en effet, l’article 1376 reprend à droit constant l’ancien article 1326, il en modifie légèrement la formulation afin, précise le rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance, de « lever toute ambiguïté sur le caractère des mentions requises, qui ne sont pas des conditions de validité de l’acte unilatéral mais bien des conditions de preuve. »

Cette modification vise, en outre, à éviter les abus de blanc-seing et à faire prendre conscience au signataire de la mesure de son engagement.

Le nouveau texte est rédigé comme suit : « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. »

Dorénavant, l’absence de mention manuscrite sur un acte sous signature privée constatant un engagement unilatéral lui fait donc perdre sa valeur de preuve. Il s’analyse en un simple commencement de preuve par écrit (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 25 mai 2005, n°04-14.695).

Pour pallier cette carence, il appartient au créancier de produire des éléments extrinsèques.

La question qui alors se pose est de savoir quels sont les éléments de preuve complémentaires admis par la jurisprudence.

En droit commun de la preuve, les éléments attendus par le juge doivent permettre de prouver le montant de l’obligation souscrite par le débiteur, lequel est insuffisamment établi par le commencement de preuve par écrit produit.

Dans un arrêt du 24 mai 2017, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « un commencement de preuve par écrit peut être complété par tous moyens de preuve tels que témoignages et présomptions » (Cass. 1ère civ. 24 mai 2017, n°16-14.128).

B) Force probante

1. La vigueur de la force probante de l’acte sous signature privée

L’article 1372 du Code civil prévoit que « l’acte sous signature privée, reconnu par la partie à laquelle on l’oppose ou légalement tenu pour reconnu à son égard, fait foi entre ceux qui l’ont souscrit et à l’égard de leurs héritiers et ayants cause. »

Par la formule « fait foi », il faut comprendre que l’acte sous signature privée fait preuve et plus précisément qu’il produit l’effet juridique d’un écrit au sens de l’article 1364 du Code civil.

Cela signifie, autrement dit, que, en tant que preuve parfaite, l’acte sous signature privée s’impose au juge, en ce sens que le rôle de celui-ci se cantonnera à vérifier que le moyen de preuve qui lui est soumis répond aux exigences légales.

Dans l’affirmative, le juge n’aura d’autre choix que d’admettre que la preuve du fait ou de l’acte allégué est rapportée, peu importe que son intime conviction lui suggère le contraire.

Si l’on s’arrête à cette particularité de l’acte sous signature privée, rien ne le distingue a priori de l’acte authentique.

En effet, l’’article 1371 du Code civil prévoit également, s’agissant de l’acte authentique, qu’il « fait foi ».

Pourtant, il existe bien une différence entre les deux catégories d’actes. La force probante dont est pourvu l’acte authentique lui confère une valeur juridique supérieure à celle reconnue à l’acte sous signature privée.

La raison en est que l’acte authentique « fait foi » de plein droit dès lors que ses conditions d’établissement sont remplies.

Tel n’est pas le cas de l’acte sous signature privée. L’article 1372 du Code civil dispose que pour faire foi, l’acte sous signature privée doit :

  • Soit avoir été reconnu par la partie à laquelle il est opposé
  • Soit être légalement tenu pour reconnu à l’égard de la partie à laquelle il est opposé

Dans l’un ou l’autre cas, « par reconnu », il faut entendre « authentifié ». À cet égard, lorsque l’on oppose traditionnellement l’acte authentique à l’acte sous signature privée, cela ne signifie pas que ce dernier ne pourrait pas également présenter un caractère authentique.

Lorsque l’on dit d’un acte qu’il est authentique, il faut seulement comprendre que l’on tient pour vrai son origine et son contenu.

Aussi, à l’instar de l’acte authentique établi par un officier public, l’acte sous signature privée peut également présenter un caractère authentique. C’est toutefois à la condition, comme précisé par l’article 1372 du Code civil, qu’il soit reconnu comme tel par la partie à laquelle on l’oppose.

Aussi suffira-t-elle à cette dernière de contester l’authenticité de l’acte, en arguant par exemple que la signature apposée sur l’instrumentum a été falsifiée, pour le priver de son effet probatoire.

En pareille hypothèse, c’est à la partie qui s’en prévaut qu’il reviendra de prouver l’authenticité de l’acte. Pour ce faire, elle pourra notamment s’appuyer sur le dispositif institué aux articles 287 et suivants du Code de procédure civile (Cass. 2e civ. 15 juin 1994, n°92-18.241).

Pour mémoire, l’article 287 prévoit que « si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte. »

Si donc l’acte sous signature privée fait foi, en principe, « entre ceux qui l’ont souscrit et à l’égard de leurs héritiers et ayants cause », cet effet probatoire est en réalité précaire puisque devant nécessairement pour jouer être « reconnu par la partie à laquelle on l’oppose ou légalement tenu pour reconnu à son égard ».

C’est là une différence majeure, sinon fondamentale avec l’acte authentique. La force probante de ce dernier n’est conditionnée à aucune reconnaissance, ni vérification préalable. Il tire son authenticité des seules présence de l’officier public et de sa signature apposée sur l’acte.

Pour cette raison, la partie qui se prévaut d’un acte authentique est dispensée de prouver son authenticité, celle-ci étant inhérente à l’acte en lui-même ; elle est autrement dit présumée ; d’où la qualification « d’acte authentique ».

La seule voie ouverte pour remettre en cause cette authenticité n’est autre que la procédure d’inscription en faux.

Tel n’est pas le cas pour l’acte sous signature privée dont la contestation est bien plus facile. Il suffira de rapporter la preuve contraire, ce qui impliquera, soit de produire un autre écrit, soit de procéder à une vérification d’écriture.

2. L’étendue de la force probante de l’acte sous signature privée

L’infériorité de la force probante dont est pourvu l’acte sous signature privée par rapport à celle dont est doté l’acte authentique se manifeste à trois niveaux : son origine, son contenu et sa date.

a. La force probante de l’acte sous signature privée quant à son origine

À la différence de l’acte authentique, l’acte sous signature privée n’est pas dressé par un officier public ; il est établi par les parties elles-mêmes.

À cet égard, il est indifférent que l’acte ait été rédigé par un avocat dans la mesure où celui-ci n’endosse pas la qualité d’officier public.

Par officier public, il faut entendre, pour mémoire, une personne délégataire de la puissance publique de l’État au nom duquel il confère l’authenticité aux actes relevant de sa compétence.

Dans la mesure où l’acte sous signature privée n’a pas été établi par un officier public, il ne saurait faire foi quant à son origine.

Cela signifie concrètement que la partie à laquelle on l’oppose peut dénier en être l’auteur sans qu’il lui soit besoin de mettre en œuvre une procédure d’inscription en faux.

Il lui suffira de solliciter une vérification en écriture conformément à l’article 1373 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « la partie à laquelle on l’oppose peut désavouer son écriture ou sa signature. Les héritiers ou ayants cause d’une partie peuvent pareillement désavouer l’écriture ou la signature de leur auteur, ou déclarer qu’ils ne les connaissent. Dans ces cas, il y a lieu à vérification d’écriture ».

Dans l’hypothèse où la vérification d’écriture confirmerait l’origine de l’acte sous signature privée contesté, celui-ci acquerrait la force probante d’un acte authentique. Il ne pourrait alors être remis en cause que dans le cadre d’une procédure d’inscription en faux.

A contrario, tant que l’origine de l’acte sous signature privée n’est pas contestée par la partie à laquelle on l’oppose, il produit pleinement les effets probatoires que l’on attache à l’écrit.

b. La force probante de l’acte sous signature privée quant à son contenu

Compte tenu de ce que l’acte sous signature privée est établi par les seules parties, les faits qu’il énonce n’ont, par hypothèse, ni été constatés, ni été vérifiés par un officier public.

Il en résulte que la partie à laquelle l’acte est opposé peut les contester sans qu’il lui soit besoin, à encore, de mettre en œuvre la procédure d’inscription en faux.

Elle pourra discuter la véracité des faits énoncés dans l’acte en rapportant la preuve contraire et plus précisément en produisant un autre écrit contredisant ces derniers.

c. La force probante de l’acte sous signature privée quant à sa date

S’agissant de la force probante de l’acte sous signature privée quant à sa date, il convient de distinguer selon que l’on se place dans les rapports entre les parties ou dans les rapports avec les tiers.

i. Dans les rapports entre les parties

Bien que l’article 1377 du Code civil ne le dise pas expressément, dans les rapports entre les parties, la date apposée sur l’acte sous signature privée fait foi.

Toutefois, parce que cette date n’a pas été constatée, ni vérifiée par un officier public à l’instar des faits énoncés dans un acte authentique, elle ne fait foi que jusqu’à preuve du contraire, soit sans qu’il soit besoin pour la partie à laquelle l’acte est opposé de mettre en œuvre la procédure d’inscription en faux.

Pratiquement, il appartiendra à cette dernière de prouver que la date d’accomplissement de l’acte est erronée.

Pour ce faire, il lui faudra produire un écrit en matière civile, tandis que la preuve se fait par tout moyen en matière commerciale.

ii. Dans les rapports avec les tiers

L’article 1377 du Code civil prévoit que « l’acte sous signature privée n’acquiert date certaine à l’égard des tiers que du jour où il a été enregistré, du jour de la mort d’un signataire, ou du jour où sa substance est constatée dans un acte authentique. »

Il ressort de cette disposition que la date figurant sur un acte sous signature privée n’est pourvue, par principe, d’aucune force probante à l’égard des tiers, sauf à acquérir un caractère certain.

==> Principe

En application de l’article 1377 du Code civil, la date apposée par les parties sur un acte sous signature privée ne produit aucun effet probatoire à l’égard des tiers, en ce sens qu’elle ne leur est pas opposable.

La raison en est qu’il est extrêmement aisé pour des parties qui seraient de connivence de falsifier un acte, ce qui peut avoir pour conséquence de nuire aux tiers.

Un auteur souligne en ce sens que « cette défiance envers les parties est compréhensible au regard de l’éventualité qu’elles conviennent de porter sur l’acte une date différente de la date réelle, qu’il s’agisse de l’antidater ou de le postdater »[6].

C’est la raison pour laquelle le législateur a estimé qu’il y avait lieu de ne conférer, par principe, aucune force probante à la date mentionnée dans un acte sous signature privée. Il s’agit là d’une règle qui vise à protéger les tiers contre la fraude éventuelle des parties.

Sous l’empire du droit antérieur, l’ancien article 1328 du Code civil exprimait ce principe de façon plus explicite que l’article 1377 puisqu’il disposait que « les actes sous seing privé n’ont de date contre les tiers que du jour où ils ont été enregistrés, du jour de la mort de celui ou de l’un de ceux qui les ont souscrits, ou du jour où leur substance est constatée dans les actes dressés par des officiers publics, tels que procès-verbaux de scellé ou d’inventaire ».

Il ressortait ainsi clairement de ce texte que faute de remplir les conditions exigées par la loi, l’acte sous signature privée était réputé n’avoir aucune date contre les tiers. C’était le principe du tout ou rien

L’introduction de la notion de date certaine par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 n’est pas sans avoir interrogé sur le maintien de ce principe.

En effet, faut-il comprendre que par opposition à la notion de date certaine, il existerait des dates non certaines qui, parce qu’elles sont reconnues en tant que date pourraient jouer contre les tiers ?

À l’analyse, il n’en est rien ; dans le rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance du 10 février 2016, le législateur a souligné que l’article 1377 avait vocation à reconduire la règle énoncée à l’ancien article 1328 du Code civil, mais en la « modernisant ».

==> Exception

Si, par principe, la date figurant sur un acte sous signature privée n’est pourvue d’aucune force probante à l’égard des tiers, par exception il est admis qu’elle puisse leur être opposable lorsqu’elle répond aux conditions faisant d’elles une date certaine.

La question qui alors se pose est double :

  • Quelles sont les circonstances dans lesquelles la date apposée sur un acte sous signature privée devient certaine
  • Lorsque cet acte acquiert date certaine, à quels tiers est-elle opposable ?

Tandis que la réponse à la première question se trouve dans la loi, la réponse à la seconde question a été apportée par la jurisprudence.

  • Les circonstances d’acquisition de la date certaine
    • Elles sont au nombre de trois :
      • L’enregistrement de l’acte
        • Il s’agira ici de faire enregistrer l’acte auprès des services de l’administration fiscale
        • L’enregistrement de l’acte est alors soumis aux droits d’enregistrement ( 662, 2° CGI) dans les conditions de droit commun.
        • L’acte acquerra date certaine à compter du jour de l’enregistrement, soit postérieurement à son établissement.
      • La mort de l’un des signataires
        • Cette circonstance a pour effet de conférer une date certaine à l’acte, à compter de sa survenance.
        • La règle se justifie pour une raison simple : dès lors que l’acte est valablement signé, il est très probable qu’il existait déjà au jour de la mort de l’un des signataires.
        • Il n’y a donc pas lieu de douter de sa date, à tout le moins à compter du jour du décès de l’un des signataires.
        • Dans un arrêt du 25 octobre 1968, la Cour de cassation a précisé qu’il pouvait s’agir, tant de la mort d’une partie, que de la mort d’un témoin, pourvu que sa signature figure sur l’acte (Cass. 3e civ. 25 oct. 1968).
      • La constatation de la substance de l’acte dans un acte authentique
        • Cette situation correspond à l’hypothèse où le contenu de l’acte sous signature privée est énoncé dans un acte authentique.
        • Parce que cette énonciation est réalisée par un officier public, il est admis que la date de l’acte authentique vaudra date certaine pour l’acte sous signature privée.
    • La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser à plusieurs reprises que la liste des circonstances dans lesquelles un acte sous signature privée acquiert date certaine était limitative (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 4 févr. 1986, n°84-03.038).
  • Les tiers auxquels la date certaine est opposable
    • En application de l’article 1377 du Code civil, si la date figurant sur l’acte fait foi entre les parties, elle est en revanche inopposable aux tiers, sauf à avoir acquis date certaine.
    • La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par tiers.
    • Cette question n’est pas sans avoir donné lieu à un abondant contentieux en jurisprudence.
    • Au sens large, la catégorie des tiers est constituée par toutes les personnes qui ne sont pas parties à l’acte.
    • Selon la formule latine consacrée il s’agit des « penitus extranei» soit les personnes totalement étrangères au contrat.
    • Comme soulevé néanmoins par un auteur, « il n’est pas toujours aisé de distinguer la partie du tiers et il est bien des personnes intermédiaires entre les deux»[7].
    • Aussi, entre les parties à l’acte et les penitus extranei, il est un certain nombre de personnes qui oscillent entre ces deux extrêmes.
    • Tantôt la jurisprudence les assimile à des parties, tantôt elle leur attribue le statut de tiers.
      • Les personnes exclues de la catégorie des tiers
        • Au nombre des personnes qui ne sont pas parties à l’acte mais que la jurisprudence a exclues de la catégorie des tiers, figurent : les héritiers et légataires universels et à titre universel, les créanciers chirographaires ou encore les créanciers saisissants.
          • Les héritiers et légataires universels et à titre universel
            • Il est constant en jurisprudence que les héritiers et légataires universels et à titre universels sont assimilés aux parties elles-mêmes.
            • Dans la mesure où ces derniers ont vocation à recueillir dans leur patrimoine les droits et obligations des parties, la date figurant sur l’acte sous signature privée est assortie de la même force probante à leur égard que celle reconnue à l’égard des contractants eux-mêmes ( Cass. 3e civ. 18 déc. 2002, n°00-19.371).
            • Cette solution est logique : on comprendrait mal qu’un ayant cause universel ou à titre universel puisse se soustraire à la force probante de la date mentionnée sur un acte sous signature privée, alors même qu’ils sont censés continuer la personne de la partie dont ils héritent.
            • À ce titre, ils doivent être soumis aux mêmes effets juridiques que cette dernière.
          • Les créanciers chirographaires
            • Il est admis de longue date en jurisprudence que ne doivent pas non plus être regardés comme des tiers les créanciers chirographaires au motif que leur situation ne serait pas très éloignée de celle des ayants cause universels ou à titre universel en ce sens qu’ils entretiendraient un lien étroit avec le patrimoine de leur débiteur.
            • En effet, ces derniers présentent la particularité d’avoir contracté avec leur débiteur en considération de son seul patrimoine sur lequel ils exercent un droit de gage général.
            • Or ce patrimoine peut connaître des fluctuations résultant notamment des actes sous signature privée passés par le débiteur.
            • En traitant avec lui, malgré la faiblesse de la garantie procurée par le droit de gage général, le créancier chirographaire a donc accepté en quelque sorte le risque lié aux actes accomplis par son débiteur.
            • D’où la position adoptée par la Cour de cassation aux termes de laquelle elle estime que la date apposée sur un acte sous signature privée est opposable aux créanciers chirographaires.
            • Dans un arrêt du 16 mai 1972 la Première chambre civile a jugé en ce sens que « les créanciers chirographaires agissant en cette qualité doivent être considérés comme des ayants-cause universels de leur débiteur et non comme des tiers» (Cass. 1ère civ. 16 mai 1972, n°70-13.553).
          • Les créanciers saisissants
            • La Cour de cassation a eu l’occasion de juger à plusieurs reprises que le créancier pratiquant une saisie attribution devait être assimilé à une partie.
            • La raison en est que, en saisissant une créance entre les mains d’un tiers, au fond, il ne fait qu’exercer un droit en lieu et place de son débiteur (V. en ce sens civ., 11 févr. 1946)
        • À l’analyse, les solutions retenues par la jurisprudence ont été guidées par la finalité de l’ancien article 1328 du Code civil devenu l’article 1377 : la protection des tiers.
        • Comme souligné par des auteurs « le régime protecteur de l’article 1328 se justifie parce que le droit de celui qui l’invoque serait atteint si l’antériorité de l’écrit litigieux était admise»[8].
        • Si donc les règles gouvernant la date certaine ont pour finalité la protection des tiers contre les agissements frauduleux des parties, seules les personnes susceptibles de subir un préjudice peuvent endosser la qualification de tiers et donc se prévaloir de l’inopposabilité de la date figurant sur l’acte sous signature privée.
        • Afin d’identifier les personnes relevant de la catégorie des tiers au sens de l’article 1377 du Code civil, il convient alors de déterminer si le droit qu’elles invoquent leur est propre ou si ce droit entretient un lien de dépendance avec la situation juridique de la partie à l’acte.
        • Toute la question est alors de savoir si le degré d’autonomie du droit invoqué est suffisant.
      • Les personnes relevant de la catégorie des tiers
        • Au nombre des personnes qui relèvent de la catégorie des tiers on compte notamment les ayants cause à titre particulier et les créanciers justifiant d’un droit propre.
          • Les ayants cause à titre particulier
            • Doivent être considérés comme des tiers au sens de l’article 1377 du Code civil les ayants cause à titre particuliers des parties, soient ceux qui ont acquis un ou plusieurs droits déterminés sans être tenus aux dettes qui s’y attachent (Cass. civ., 5 mars 1951).
            • Tel est le cas de l’acheteur, du donataire, du locataire ou encore du cessionnaire.
            • La raison en est que la date apposée sur l’acte sous signature privée est susceptible de leur causer un préjudice, à tout le moins de leur nuire.
            • Ainsi, la date figurant sur un contrat de bail conclu par voie d’acte sous signature privée n’est pas opposable à l’acquéreur du local donné à bail.
          • Les créanciers justifiant d’un droit propre
            • Les créanciers justifiant d’un droit propre endossent le statut de tiers au sens de l’article 1377 du Code civil.
            • Tel est le cas d’un créancier qui exerce l’action paulienne contre une partie à l’acte, dans la mesure où cette action appartient au seul créancier et non au débiteur (art. 1341-2 C. civ.).
            • Dans un arrêt du 23 novembre 2006, la Cour de cassation a également reconnu le statut de tiers au créancier pratiquant une saisie-exécution sur les biens d’une des parties à l’acte ( Cass. 2e civ. 23 nov. 2006, n°05-13.367).
            • Il en résulte que tous les actes accomplis par le débiteur sur les biens saisis seront inopposables au créancier.

==> Limites

La Cour de cassation a jugé à plusieurs reprises que la seule connaissance par le tiers de l’existence de l’acte litigieux le prive de la faculté de se prévaloir de l’inopposabilité de la date apposée sur celui-ci (Cass. 3e civ. 20 juill. 1989, n°88-13.413).

Cette position est logique dans la mesure où l’article 1377 du Code civil vise à protéger les tiers.

Aussi, dès lors que l’acte est connu, cette règle n’a plus lieu de s’appliquer, le tiers pouvant difficilement arguer qu’il ignorait l’éventuelle falsification de la date figurant sur l’acte.

Dans un arrêt du 18 juin 1991, la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui avait reconnu la qualité de tiers à un couple d’époux sans rechercher s’ils n’avaient pas eu connaissance des conditions dans lesquelles l’acte litigieux – au cas particulier un mandat – avait été négocié (Cass. com. 18 juin 1991, n°90-10.755).

C) La contestation de l’acte sous signature privée

Il existe deux voies procédurales pour contester un acte sous signature privée :

  • La procédure de vérification d’écriture
  • La procédure de faux

Tandis que la première voie a pour but de déterminer la paternité de l’écriture ou de la signature figurant sur l’acte sous signature privée contesté, la seconde vise à établir que l’écrit a été falsifié.

1. La procédure de vérification d’écriture

L’article 1373 du Code civil prévoit que « la partie à laquelle on l’oppose peut désavouer son écriture ou sa signature. Les héritiers ou ayants cause d’une partie peuvent pareillement désavouer l’écriture ou la signature de leur auteur, ou déclarer qu’ils ne les connaissent. Dans ces cas, il y a lieu à vérification d’écriture. »

Il ressort de cette disposition que lorsqu’une partie dénie être l’auteur de l’écriture ou de la signature figurant sur un acte sous signature privée, elle dispose de la faculté de provoquer ce que l’on appelle la vérification d’écriture, sans que le juge ne puisse s’y opposer.

Cette procédure, régie aux articles 287 à 298 du Code de procédure civile, peut être engagée dans deux circonstances différentes :

  • Soit lorsqu’une instance est déjà en cours : on parle de vérification d’écriture à titre incident
  • Soit en dehors de toute instance en cours : on parle de vérification d’écriture à titre principal

==> La vérification d’écriture à titre incident

Il sera opté pour la procédure de vérification d’écriture lorsque, dans le cadre d’une instance en déjà cours, une partie contestera l’écriture ou la signature figurant sur l’acte sous signature privée produit à titre de preuve par son contradicteur.

  • Compétence
    • L’article 285 du Code de procédure de civile prévoit que « la vérification des écritures sous seing privé relève de la compétence du juge saisi du principal lorsqu’elle est demandée incidemment.»
    • Immédiatement une question alors se pose : le texte suggère que seul le juge « saisi du principal» serait compétent pour connaître de la procédure de vérification d’écriture.
    • Est-ce à dire que cette procédure ne pourrait pas être mise en œuvre par-devant le juge des référés ?
    • En effet, conformément à l’article 484 du Code de procédure civile le juge des référés « n’est pas saisi du principal», soit au fond ; il a seulement vocation à statuer au provisoire.
    • Dans un arrêt du 21 janvier 1999 la Cour de cassation s’est pourtant prononcée dans le sens contraire.
    • Aux termes de cette décision, elle a affirmé que « le juge des référés peut procéder incidemment à une vérification des écritures sous seing privé dès lors que cette contestation n’est pas sérieuse» (Cass. 2e civ. 21 janv. 1999, n°97-11.107).
    • Selon la doctrine, il faut voir dans la solution retenue par la Deuxième chambre civile, la volonté de cette dernière de prévenir les manœuvres dilatoires, à tout le moins d’y couper court.
    • Il ne faudrait pas qu’une partie formule une demande de vérification d’écriture dans le seul but de faire durer la procédure.
    • Il y a donc lieu de statuer le plus rapidement possible sur pareille demande ; d’où la compétence du juge des référés, lequel pourra donc trancher l’incident sans qu’il soit besoin d’attendre qu’une décision ne soit rendue au fond.
  • Formulation de la demande
    • Il y a lieu de distinguer ici selon que la demande de vérification d’écriture porte sur un écrit papier ou sur un écrit électronique
      • L’écrit papier
        • L’article 287 du Code civil prévoit que « si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte».
        • Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition :
          • Premier enseignement
            • Pour engager la procédure de vérification d’écriture, il suffit à l’une des parties de dénier être l’auteur de l’écriture ou de la signature figurant sur l’acte qui leur est opposé.
            • À la différence de la procédure d’inscription en faux, il n’est pas nécessaire de formuler une demande via un acte déposé au greffe de la juridiction saisie.
          • Second enseignement
            • La seule dénégation par une partie de l’écriture ou de la signature apposées sur l’acte litigieux suffit à contraindre le juge de procéder à la vérification d’écriture.
            • Aussi, ce dernier a-t-il l’obligation de déférer à la demande qui lui est adressée (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 28 nov. 2012, n°10-28.372).
            • Par exception, le juge pourra refuser de procéder à une vérification d’écriture dans deux cas :
              • Soit s’il peut statuer sur l’affaire qui lui est soumise sans tenir compte de l’acte sous signature privée contesté (art. 287, al. 1er CPC)
              • Soit s’il trouve dans la cause des éléments de conviction suffisants (Cass. 2e civ. 4 nov. 2010, n°09-16.702).
      • L’écrit électronique
        • L’article 287, al. 2e du Code de procédure civile précise que « si la dénégation ou le refus de reconnaissance porte sur un écrit ou une signature électroniques, le juge vérifie si les conditions, mises par les articles 1366 et 1367 du Code civil à la validité de l’écrit ou de la signature électroniques, sont satisfaites»
        • Il ressort de cette disposition que lorsque la demande de vérification d’écriture porte sur un écrit électronique, le juge a également l’obligation d’accéder à la demande qui lui est faite.
        • Seulement, l’examen à réaliser sera par hypothèse quelque peu différent, faute d’écriture et de signature manuscrite.
        • Aussi, pour vérifier que la partie à laquelle est opposé l’acte litigieux en est bien l’auteur, il appartiendra au juge de vérifier que les conditions de fiabilité du dispositif utilisé pour établir l’acte sous signature privée électronique litigieux sont bien satisfaites, conformément aux articles 1366 et 1367 du Code civil.
        • À cet égard, l’article 288-1 du CPC précise que « lorsque la signature électronique bénéficie d’une présomption de fiabilité, il appartient au juge de dire si les éléments dont il dispose justifient le renversement de cette présomption».
        • Autrement dit, il appartient au juge de procéder à la vérification de la fiabilité de l’écrit électronique qui lui est soumis y compris dans l’hypothèse où la présomption de fiabilité jouerait, ne serait-ce que pour vérifier si ses conditions de mise en œuvre sont bien réunies.
  • Instruction de la demande
    • L’article 288 du Code de procédure civile prévoit que pour statuer sur la demande qui lui est adressée, il appartient au juge de procéder à la vérification d’écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s’il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer et fait composer, sous sa dictée, des échantillons d’écriture.
    • Le texte précise que dans la détermination des pièces de comparaison, le juge peut retenir tous documents utiles provenant de l’une des parties, qu’ils aient été émis ou non à l’occasion de l’acte litigieux.
    • Par ailleurs, en cas de nécessité, le juge peut ordonner toutes les mesures d’instruction qu’il jugera utiles au nombre desquelles figurent notamment :
      • La comparution personnelle des parties, le cas échéant en présence d’un consultant (art. 291, al. 1er CPC)
      • L’audition de l’auteur prétendu de l’écrit contesté (art. 291, al. 2e CPC).
      • L’audition comme témoins de ceux qui ont vu écrire ou signer l’écrit contesté ou dont l’audition paraît utile à la manifestation de la vérité (art. 293 CPC).
      • Le recours à un technicien, lequel pourra être autorisé par le juge à retirer contre émargement l’écrit contesté et les pièces de comparaison ou à se les faire adresser par le greffier de la juridiction (art. 292 CPC).
      • La comparaison de l’écrit contesté à des documents détenus par des tiers, auquel cas il pourra :
        • D’une part, ordonner, même d’office et à peine d’astreinte, que ces documents soient déposés au greffe de la juridiction en original ou en reproduction (art. 290, al. 1er CPC).
        • D’autre part, prescrire toutes les mesures nécessaires, notamment celles qui sont relatives à la conservation, la consultation, la reproduction, la restitution ou le rétablissement des documents (art. 290, al. 2e CPC)
    • En tout état de cause, le juge doit régler les difficultés d’exécution de la vérification d’écriture notamment quant à la détermination des pièces de comparaison (art. 294, al. 1er CPC).
    • Par ailleurs, l’article 289 du CPC précise que si le juge ne statue pas sur-le-champ, il retient l’écrit à vérifier et les pièces de comparaison ou ordonne leur dépôt au greffe de la juridiction.
  • Décision
    • L’article 294 du CPC prévoit que la décision du juge revêt la forme soit d’une simple mention au dossier ou au registre d’audience, soit, en cas de nécessité, d’une ordonnance ou d’un jugement.
    • S’agissant du contenu de la décision du juge, deux voies sont possibles :
      • La vérification d’écriture permet d’établir que l’écrit litigieux a bien été écrit ou signé par la personne qui l’a dénié
        • Dans cette hypothèse, l’écrit litigieux produira tous ses effets probatoires.
        • La partie qui a dénié être l’auteur de l’écrit soumis à vérification d’écriture peut, en outre, être condamnée à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés (art. 295 CPC).
      • La vérification d’écriture ne permet pas d’établir que l’écrit litigieux a bien été écrit ou signé par la personne qui l’a dénié
        • Dans cette hypothèse, soit si la vérification d’écriture ne permet pas au juge de conclure à la sincérité de l’acte, la partie qui fonde ses prétentions sur cet acte doit en être déboutée (Cass. 1ère civ. 6 juill. 2005, n°02-13.936)
        • À cet égard, régulièrement la Cour de cassation rappelle que c’est à celui qui se prévaut de la sincérité de l’acte sous signature privée contesté de la prouver (Cass. 1ère civ. 2 mars 1999, n°97-13.765).
        • Par exception, en présence d’un écrit électronique bénéficiant de la présomption de fiabilité, c’est à la partie qui conteste la sincérité de l’acte qu’il revient de le prouver.
        • Dans cette situation la charge de la preuve est ainsi inversée.

==> La vérification d’écriture à titre principal

La vérification d’écriture peut être sollicitée à titre principal lorsque la contestation de l’acte sous signature privée litigieux intervient en dehors d’une instance en cours.

Cette procédure est régie aux articles 296 à 298 du Code de procédure civile :

  • Compétence
    • L’article 285 du Code de procédure civile prévoit que la vérification des écritures sous signature privée relève de la compétence du tribunal judiciaire lorsqu’elle est demandée à titre principal.
  • Décision
    • Le Code de procédure civile envisage trois issues différentes à la vérification d’écriture à titre principal selon que le défendeur comparaît ou non
      • Le défendeur ne comparaît pas
        • Principe
          • Dans cette hypothèse, le juge tient l’écrit litigieux pour reconnu par le défendeur (art. 296 CPC)
          • Aussi, produira à l’égard de ce dernier la même force probante qu’un acte authentique.
        • Exception
          • Dans l’hypothèse où le défendeur qui n’a pas été cité à personne ne comparaît pas, il ne peut pas être reconnu tacitement en être l’auteur.
          • Pour le déterminer, il y a lieu de se soumettre aux règles procédurales applicables à la vérification d’écriture à titre incident.
      • Le défendeur comparaît
        • Dans cette hypothèse, deux situations peuvent se rencontrer :
          • Le défendeur reconnaît l’écriture qui lui est présentée
            • Le juge donne alors acte au demandeur (art. 297 CPC)
            • Cela signifie que l’acte sous signature privée est pourvu de sa force probante à l’égard du défendeur
          • Le défendeur ne reconnaît pas l’écriture qui lui est présentée
            • L’article 298 du Code de procédure civile prévoit que si le défendeur dénie ou méconnaît l’écriture, il est procédé comme il est dit aux articles 287 à 295.
            • En d’autres termes, il y a lieu de faire jouer les règles procédurales applicables à la procédure de vérification d’écriture à titre incident.

2. L’incident de faux

À la différence de la vérification d’écriture qui a pour but de vérifier la paternité de l’écriture ou de la signature figurant sur un acte sous signature privée, l’incident de faux vise à établir que l’écrit a été falsifié, à tout le moins qu’il comporte des énonciations qui sont fausses.

La procédure d’incident de faux est régie aux articles 299 à 302 du Code de procédure civile.

==> Notion de faux

La première question qui se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par faux.

Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 441-1 du Code pénale qui prévoit que « constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques. »

Classiquement, la doctrine distingue deux sortes de faux :

  • Le faux matériel
    • Ce type de faux peut se rencontrer, tant dans les actes authentiques, que dans les actes sous signature privée.
    • Il consiste à fabriquer un acte de toutes pièces ou à en altérer un existant en ajoutant, supprimant ou modifiant une énonciation.
    • Ce faux peut être commis, tant par la personne qui se prévaut de l’acte, que par l’officier public lui-même.
  • Le faux intellectuel
    • Ce type de faux est nécessairement le fait de l’officier public, de sorte qu’il ne se rencontre que dans les actes authentiques.
    • Il consiste, en effet, à reproduire dans l’acte des énonciations qui ne sont pas conformes aux faits que l’officier public à personnellement accomplis ou constatés.

Nous nous préoccuperons donc ici que des seuls faux matériels, la qualité du rédacteur d’un acte sous signature privée étant indifférente.

==> Procédure

Le Code de procédure civile distingue la procédure d’incident de faux de la procédure de faux demandé à titre principal.

  • L’incident de faux
    • La procédure d’incident de faux peut être mise en œuvre lorsqu’un écrit sous signature privée produit en cours d’instance est argué faux (art. 299 CPC).
    • Il est alors procédé à l’examen de l’écrit litigieux selon les mêmes règles applicables à la procédure de vérification d’écriture, laquelle est encadrée par les articles 287 à 295 du Code de procédure civile.
    • Il appartiendra alors au demandeur de prouver que l’écrit produit a été falsifié, soit qu’il comporte des suppressions, des additions ou encore des substitutions et plus généralement qu’il a été tout ou partie altéré.
  • Le faux demandé à titre principal
    • La procédure de faux demandé à titre principal peut être mise en œuvre lorsqu’un écrit sous signature privée est argué faux à titre principal, c’est-à-dire en dehors de toute instance en cours (art. 300 CPC).
    • L’introduction de l’instance devra alors se faire par voie d’assignation, laquelle devra :
      • D’une part, indiquer les moyens de faux
      • D’autre part, faire sommation au défendeur de déclarer s’il entend ou non faire usage de l’acte prétendu faux ou falsifié
    • Une fois l’instance engagée, deux situations sont envisagées par le Code de procédure civile :
      • Le défendeur déclare ne pas vouloir se servir de l’écrit argué de faux
        • Dans cette hypothèse, le juge en donne acte au demandeur (art. 301 CPC)
      • Le défendeur ne comparaît pas ou déclare vouloir se servir de l’écrit litigieux
        • Dans cette hypothèse, l’affaire est alors instruite selon les mêmes règles applicables à la vérification d’écriture (art. 302 CPC)

II) L’acte sous signature privée contresigné par avocat

==> Ratio legis

La loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées, a fait entrer dans le Code civil une nouvelle variété d’acte sous signature privée : l’acte sous signature privée contresigné par avocat.

L’adoption de ce texte procède de la volonté du législateur d’encourager le recours à un professionnel du droit pour accroître la sécurité juridique.

Le constat a, en effet, été fait que de nombreux actes sous signature privée étaient conclus par des particuliers sans qu’ils aient reçu le conseil de professionnels du droit sur la nature et les conséquences de leurs engagements.

Aussi, cette pratique présente des risques importants, les effets produits par l’acte conclu pouvant se révéler très différentes de celles recherchées par les parties. L’acte peut être nul, illicite ou encore entraîner la responsabilité civile des signataires.

Par ailleurs, l’une des parties peut contester l’existence du contrat ou l’un de ses éléments, en raison de la valeur probante limitée de l’acte sous signature privée, laquelle peut être combattue par la seule preuve contraire.

À l’inverse, lorsque les parties ont recours à un avocat pour la préparation, la négociation, la rédaction et la conclusion d’actes juridiques, l’intervention de ce professionnel du droit ne confère, a priori, aucune valeur juridique supérieure à l’acte sous signature privée ainsi conclu.

Ce dernier présente la même fragilité que celle de tout acte sous signature privée, alors que la responsabilité civile de l’avocat est proche de celle encourue par un notaire ayant reçu un acte authentique.

Aussi, est-ce pour corriger cette anomalie que le législateur a fait le choix de reconnaître une portée juridique au contreseing par l’avocat de l’acte sous signature privée.

À cet égard, au-delà de ce motif l’objectif visé est double :

  • D’une part, matérialiser (par sa signature) l’engagement par l’avocat de sa responsabilité lorsqu’il intervient dans la rédaction d’un acte
  • D’autre part, de prévenir les contestations ultérieures susceptibles d’intervenir sur l’acte

Parce que l’avocat est responsable des vérifications qu’il accomplit en vue de la rédaction de l’acte, des informations qu’il donne aux parties et des conseils qu’il leur fournit, il est apparu nécessaire de conférer aux actes auxquels il prête son concours une valeur probatoire supplémentaire, ce qui est également de nature à encourager les parties à y recourir plus souvent.

Toutefois, il ressort des travaux parlementaires que la reconnaissance d’effets de droit au contreseing de l’avocat ne devait pas aboutir à affaiblir l’acte authentique.

C’est la raison le législateur a entendu réaffirmer, à travers plusieurs dispositions de la loi du 28 mars 2011, le rôle essentiel de l’acte authentique, notamment en matière immobilière et dans le domaine du droit de la famille.

==> Textes applicables

Lorsque l’acte sous signature privée contresigné par avocat a été créé, le législateur l’a d’abord inséré dans la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Plus précisément, il était régi aux articles 66-3-1 à 66-3-3 de ce texte.

Aussi, est-ce en réalité l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations qui a fait entrer l’acte d’avocat dans le Code civil. Il est régi aujourd’hui par l’article 1374 du Code civil et par l’article 66-3-1 de la loi du 31 décembre 1971 qui est la seule disposition à n’avoir pas été transférée dans le Code civil.

Il ressort de ces dispositions plusieurs spécificités de l’acte sous signature privée contresigné par avocat par rapport à l’acte sous signature privée ordinaire.

Ces spécificités tiennent :

  • D’une part, à la force probante dont il est pourvu
  • D’autre part, à la responsabilité de l’avocat au titre de son devoir de conseil
  • Enfin, à la dispense de mention manuscrite qu’il procure aux parties à l’acte

A) La force probante de l’acte sous signature privée contresigné par avocat

L’article 1374, al. 1er du Code civil prévoit que « l’acte sous signature privée contresigné par les avocats de chacune des parties ou par l’avocat de toutes les parties fait foi de l’écriture et de la signature des parties, tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayants cause. »

Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition :

  • Premier enseignement
    • L’acte d’avocat se distingue de l’acte sous signature privée ordinaire dans la mesure où pour faire foi entre les parties, il n’est pas besoin qu’il ait été « reconnu » par celle à laquelle il est opposé ou « légalement tenu pour reconnu » comme exigé par l’article 1372.
    • Aussi, est-ce l’intervention de l’avocat qui justifie que la valeur probatoire de l’acte ne soit pas conditionnée à une quelconque reconnaissance.
    • C’est parce qu’il est contresigné par un avocat qu’il fait foi de plein droit entre les parties et leurs ayants cause
  • Second enseignement
    • La valeur probatoire renforcée dont est pourvu l’acte d’avocat ne joue pas pour toutes ses composantes.
    • En effet, elle est limitée à la seule origine de l’acte ; elle ne couvre pas son contenu.
    • Autrement dit, en contresignant l’acte, l’avocat atteste seulement l’identité des parties dont il est le conseil ainsi que l’authenticité de leur écriture et de leur signature.
    • Il en résulte une différence de valeur probatoire entre, d’un côté, le contenu de l’acte et, d’un autre côté, l’écriture et la signature figurant sur l’acte
      • S’agissant du contenu de l’acte
        • Celui-ci fait seulement foi de la même manière que l’acte sous signature privée ordinaire.
        • Aussi, le contenu de l’acte peut-il être combattu par la preuve contraire
      • S’agissant de l’écriture et de la signature figurant sur l’acte
        • Parce qu’elles sont certifiées par l’avocat, elles font foi sans qu’il soit besoin qu’elles soient reconnues par la partie à laquelle l’acte est opposé.
        • Autrement dit, en raison des diligences accomplies par l’avocat, et à la différence de l’acte sous signature privée ordinaire, l’acte contresigné par avocat est présumé émaner des parties signataires.
        • En effet, associé à la préparation de l’acte, attentif à sa rédaction et à la vérification de l’identité des parties, l’avocat atteste, par son contreseing, de l’origine de l’acte.
        • La conséquence en est que la signature et l’écriture des parties ne pourront pas être contestées par la voie ordinaire de la vérification d’écriture.
        • La partie qui émet une contestation n’aura d’autre choix que de mettre en œuvre la procédure de faux régie aux articles 299 à 302 du Code de procédure civile.
        • Pour mémoire, les procédures de vérification d’écriture et de faux diffèrent sur deux points essentiels :
          • Premier point
            • Pour que le faux soit caractérisé, cela suppose d’établir que l’écrit litigieux a été volontairement falsifié en vue d’altérer la vérité
            • Aussi, convient-il de démontrer un élément intentionnel, outre l’altération du support
          • Second point
            • Dans le cadre de la procédure de vérification d’écriture, la charge de la preuve pèse sur le demandeur.
            • Tel n’est pas le cas pour la procédure de faux où c’est au défendeur d’établir que l’écrit produit est un faux
        • Nonobstant les divergences qui existent entre la vérification d’écriture et l’incident de faux, ces deux procédures ont un point commun.
        • En effet, conformément à l’article 295 du Code civil, la partie qui, soit prétendait faux l’écrit produit, soit a dénié en être l’auteur, s’expose à être condamnée à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

B) La responsabilité de l’avocat au titre de son devoir de conseil

L’article 66-3-1 de la loi du 31 décembre 1971 prévoit que « en contresignant un acte sous seing privé, l’avocat atteste avoir éclairé pleinement la ou les parties qu’il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte. »

La règle énoncée ici signifie que par son contreseing, l’avocat exprime avoir bien exécuté son obligation d’information et son devoir de conseil, ce qui est de nature à faciliter l’engagement de sa responsabilité au titre de son intervention dans la rédaction de l’acte.

À l’inverse, le contreseing de l’avocat a pour effet de sécuriser l’acte entre les parties, en ce sens qu’il sera plus difficile pour l’une d’elles d’affirmer qu’elle n’avait pas conscience de la portée de son engagement au moment où l’acte a été conclu.

La formulation de la règle énoncée par l’article 66-3-1 de la loi du 31 décembre 1971 n’est pas sans avoir interrogé la doctrine s’agissant de la charge de la preuve.

Faut-il voir dans la signature de l’avocat apposée sur l’acte la preuve de l’exécution de son devoir de conseil ?

Dans l’affirmative cela signifierait que, en cas d’action en responsabilité engagée par une partie au titre d’un manquement par l’avocat à son devoir de conseil ou à son obligation d’information, que la charge de la preuve serait renversée.

Il est, en effet, constant en jurisprudence, que c’est en principe à l’avocat qu’il appartient de prouver qu’il a correctement exécuté son devoir de conseil.

Dans un arrêt du 25 février 2010, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « le rédacteur d’acte, tenu de veiller à assurer l’équilibre de l’ensemble des intérêts en présence et de prendre l’initiative de conseiller les deux parties à la convention sur la portée et les incidences, notamment fiscales, des engagements souscrits de part et d’autre, peu important que son concours ait été sollicité par l’une d’elles, doit rapporter la preuve qu’il a rempli cette obligation à leur égard, quelles que soient leurs compétences personnelles » (Cass. 1ère civ. 25 févr. 2010, n°09-11.591).

La Chambre commerciale a retenu la même solution pour l’obligation d’information en décidant dans un arrêt du 13 octobre 2009, que « l’avocat, conseiller juridique et fiscal, est tenu d’une obligation particulière d’information vis-à-vis de son client, laquelle comporte le devoir de s’informer de l’ensemble des conditions de l’opération pour laquelle son concours est demandé, et qu’il lui incombe de prouver qu’il a exécuté cette obligation » (Cass. com. 13 oct. 2009, n°08-10.430).

Pour les auteurs, les travaux préparatoires de la loi du 28 mars 2011 ne révèlent nullement l’intention du législateur de remettre en cause la solution dégagée par la jurisprudence.

Il y a donc lieu de penser que la signature de l’avocat apposée sur un acte ne devrait pas avoir pour effet de renverser la charge de la preuve s’agissant de la bonne exécution du devoir de conseil. En cette matière, la charge de la preuve pèse toujours sur l’avocat.

C) La dispense de mention manuscrite

L’article 1374, al. 3e du Code civil prévoit que l’acte sous signature privée contresigné par avocat « est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi ».

En matière de cautionnement, par exemple, l’article 2297 du Code civil prévoit que « la caution personne physique appose elle-même la mention qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d’un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. »

Si cette mention est exigée à peine de nullité lorsque l’engagement de caution est régularisé par voie d’acte sous signature privée ordinaire, en application de l’article 1374, al. 3e du Code civil, cette exigence disparaît lorsque l’acte de cautionnement est contresigné par un avocat. Il s’agit là d’une similitude avec l’acte authentique qui est également dispensé de reproduire les mentions manuscrites exigées par la loi (art. 1369, al. 3e C. civ.).

La raison en est que l’avocat, à l’instar du notaire, est assujetti à un devoir de conseil, ce qui implique notamment qu’il délivre aux parties l’information contenue dans la mention manuscrite prévue par la loi dans certains domaines.

Aussi, le législateur a estimé qu’il s’agissait là d’une garantie suffisante, l’intervention de l’avocat étant de nature à garantir que les parties prendront la mesure de leur engagement.

 

 

[1] Ch. Demolombe, Traité des contrats ou des obligations conventionnelles, t. 6 : Paris 1876, n° 350

[2] Ch Aubry, Cours de droit civil français d’après la méthode de Zachariae, Paris, 1978, rééd. Hachette – BNF, p. 220

[3] G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations, éd. Dalloz, 2018, n°1182, p. 1054.

[4] Définition tirée du Dictionnaire mise en ligne par le Centre Nationale de Ressources Textuelles et Lexicales : https://www.cnrtl.fr/definition/signature

[5] F. Terré, Introduction générale au Droit, Dalloz, 2000, n°522

[6] Scarlett-May Ferrié, « La date des actes sous signature privée (après l’ordonnance du 10 février 2016) », Recueil Dalloz, 2019 p.652

[7] F. Terré, Introduction générale au droit, éd. Dalloz, 2000, n°562, p. 569.

[8] J. Ghestin et G. Goubeaux, Droit civil – Introduction générale, éd. LGDJ, 1990, n°636, p. 608

Les caractères du cautionnement: accessoire, consensuel et unilatéral

Le cautionnement est une sûreté personnelle. Par sûreté personnelle il faut entendre, pour mémoire « l’engagement pris envers le créancier par un tiers non tenu à la dette qui dispose d’un recours contre le débiteur principal »[1].

Avant la réforme des sûretés entreprise par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, le cautionnement était défini par l’article 2288 qui prévoyait que « celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ».

Cette définition avait le mérite de mettre en exergue le caractère triangulaire de l’opération de cautionnement. Reste que là n’est pas sa seule spécificité.

Le cautionnement se distingue surtout des autres sûretés en ce que :

  • D’une part, le lien qui unit la caution au créancier est nécessairement conventionnel
  • D’autre part, le cautionnement présente un caractère accessoire marqué
  • En outre, il consiste toujours en un acte unilatéral
  • Enfin, le débiteur principal, soit celui dont la dette est garantie par la caution, est un tiers à l’opération

Attentif aux critiques formulées à l’encontre de l’ancienne définition du cautionnement, le législateur a estimé, à l’occasion de la réforme des sûretés intervenue en 2021, qu’il y avait lieu de la moderniser en rendant compte des caractères essentiels du cautionnement.

Aussi, est-il désormais défini par le nouvel article 2288 du Code civil comme « le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. »

Il s’agit là d’une reprise, mot pour mot, de la proposition de définition formulée par l’avant-projet de réforme du droit des sûretés établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

Cette définition présente l’avantage de faire ressortir, tant les éléments constitutifs du cautionnement, que ses caractères les plus saillants.

Nous nous focaliserons ici sur les caractères de l’opération.

I) Le caractère accessoire du cautionnement

A) Signification du caractère accessoire

Il est de l’essence du cautionnement de présenter un caractère accessoire, en ce sens qu’il est affecté au service de l’obligation principale qu’il garantit.

Par accessoire, il faut comprendre, autrement dit, que le cautionnement suppose l’existence d’une obligation principale à garantir et que son sort est étroitement lié à celui de l’obligation à laquelle il se rattache.

Ainsi que le relève Philippe Simler « le cautionnement est à tous égards directement et étroitement dépendant de cette obligation : son existence et sa validité, son étendue, les conditions de son exécution et de son extinction sont déterminées par ce lien »[5].

La raison en est que l’engagement de la caution se rapporte à la même dette qui pèse sur la tête du débiteur. On dit qu’il y a « unicité de la dette », ce qui est confirmé par l’article 2288 qui prévoit que « la caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur »[6].

Il en résulte que tout ce qui est susceptible d’affecter la dette cautionnée a vocation à se répercuter sur l’obligation de la caution.

À l’analyse, le caractère accessoire du cautionnement n’est affirmé expressément par aucun texte. La réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021 n’a pas procédé au comblement de ce vide que la doctrine appelait pourtant de ses vœux.

L’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant proposait ainsi d’introduire un article 2286-2 du Code civil qui aurait posé un principe général, applicable à toutes les sûretés, selon lequel « sauf disposition ou clause contraire, la sûreté suit la créance garantie ».

Cette proposition n’a finalement pas été retenue, le législateur estimant que le caractère accessoire du cautionnement se dégageait suffisamment clairement d’un certain nombre de dispositions du Code civil.

Il est, en effet, plusieurs textes qui expriment la dépendance de l’engagement de la caution par rapport à l’obligation principale. Les manifestations du caractère accessoire du cautionnement sont multiples.

B) Les manifestations du caractère accessoire

Le caractère accessoire reconnu au cautionnement se dégage donc de plusieurs règles :

1. L’existence du cautionnement

L’article 2293 du Code civil prévoit que « le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable ».

Il ressort de cette disposition que l’existence même du cautionnement dépend de la validité de l’obligation principale.

Autrement dit, la nullité ou l’inexistence de cette obligation a pour effet de rendre caduc le cautionnement.

À cet égard, il peut être observé que cette exigence ne fait pas obstacle au cautionnement d’une dette future, pourvu que cette dette soit déterminable et qu’elle ne soit pas frappée d’inexistence le jour où la caution est appelée en garantie (art. 2292, al. 1er C. civ.).

2. L’étendue du cautionnement

L’article 2296 du Code civil prévoit que « le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ni être contracté sous des conditions plus onéreuses, sous peine d’être réduit à la mesure de l’obligation garantie. »

Il s’infère de cette règle que la caution ne saurait être engagée, ni au-delà du montant de l’obligation principale, ni en des termes plus rigoureux.

La dette cautionnée constitue ainsi le plafond du cautionnement ; la caution ne doit jamais payer plus que ce qui est dû par le débiteur principal.

Rien n’interdit néanmoins, comme énoncé par le second alinéa de l’article 2296 qu’il soit « contracté pour une partie de la dette seulement et sous des conditions moins onéreuses ».

3. L’opposabilité des exceptions

==> Principe

L’article 2298 du Code civil prévoit que « la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l’article 2293. »

Par exception, il faut entendre tout moyen de défense qui tend à faire échec à un acte en raison d’une irrégularité (causes de nullité, prescription, inexécution, cause d’extinction de la créance etc…).

Le principe d’opposabilité des exceptions puise directement son fondement dans le caractère accessoire du cautionnement.

Parce que la caution ne peut être tenue à plus que ce qui est du par le débiteur principal, elle doit être en mesure d’opposer au créancier tous les moyens que pourrait lui opposer le débiteur principal afin de se décharger de son obligation, à tout le moins de la limiter.

Il ne faudrait pas, en effet, que le débiteur principal puisse se libérer de son obligation, tandis que la caution serait contrainte, faute de pouvoir opposer les mêmes moyens de défense que le débiteur au créancier, de le payer.

Ne pas reconnaître à la caution cette faculté, l’exposerait donc à être plus rigoureusement tenue que le débiteur principal.

Or cette situation serait contraire au principe de limitation de l’étendue de l’engagement de caution à celle de l’obligation principale.

D’où le principe d’opposabilité des exceptions institué en matière de cautionnement ; il en est d’ailleurs l’un des principaux marqueurs.

À cet égard, il peut être observé que la réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021 ne s’est pas limitée à réaffirmer ce principe, elle en a renforcé la portée.

Sous l’empire du droit antérieur, une distinction était faite entre les exceptions inhérentes à la dette et celles personnelles au débiteur.

Sous l’empire du droit antérieur, une distinction était faite entre les exceptions inhérentes à la dette et celles personnelles au débiteur.

En substance :

  • Les exceptions inhérentes à la dette sont celles qui affectent son existence, sa validité, son étendue ou encore ses modalités (prescription, nullité, novation, paiement, confusion, compensation, résolution, caducité etc.)
  • Les exceptions personnelles au débiteur sont celles qui affectent l’exercice du droit de poursuite des créanciers en cas de défaillance de celui-ci (incapacité du débiteur, délais de grâce, suspension des poursuites en cas de procédure collective etc.)

Seules les exceptions inhérentes à la dette étaient susceptibles d’être opposées par la caution au débiteur avant la réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021.

Dans un premier temps, la jurisprudence a adopté une approche restrictive de la notion d’exception personnelle en ne retenant de façon constante comme exception inopposable au créancier que celles tirées de l’incapacité du débiteur.

Puis, dans un second temps, elle a opéré un revirement de jurisprudence en élargissant, de façon significative, le domaine des cas d’inopposabilité des exceptions.

Dans un arrêt du 8 juin 2007, la Cour de cassation a ainsi jugé que la caution « n’était pas recevable à invoquer la nullité relative tirée du dol affectant le consentement du débiteur principal et qui, destinée à protéger ce dernier, constituait une exception purement personnelle » (Cass. ch. Mixte, 8 juin 2007, n°03-15.602).

Elle a, par suite, étendu cette solution à toutes les causes de nullité relative (V. en ce sens Cass. com., 13 oct. 2015, n° 14-19.734).

La première chambre civile est allée jusqu’à juger que la prescription biennale prévue à l’article L. 218-2 du code de la consommation ne pouvait être opposée au créancier par la caution en ce qu’elle constituait « une exception purement personnelle au débiteur principal, procédant de sa qualité de consommateur auquel un professionnel a fourni un service » (Cass. 1ère civ. 11 déc. 2019, n°18-16.147).

En restreignant considérablement le domaine des exceptions inhérentes à la dette, il a été reproché à la haute juridiction de déconnecter l’engagement de la caution de l’obligation principale en ce qu’il est de nombreux cas où elle était devenue plus rigoureusement tenue que le débiteur lui-même.

Attentif aux critiques – nombreuses – émises par la doctrine et reprenant la proposition formulée par l’avant-projet de réforme des sûretés, le législateur en a tiré la conséquence qu’il y avait lieu de mettre un terme à l’inflation des cas d’inopposabilité des exceptions.

Par souci de simplicité et de sécurité juridique, il a donc été décidé d’abolir la distinction entre les exceptions inhérentes à la dette et celles personnelles au débiteur.

D’où la formulation du nouvel article 2298 du Code civil qui pose le principe selon lequel la caution peut opposer toutes les exceptions appartenant au débiteur principal, qu’elles soient personnelles à ce dernier ou inhérentes à la dette.

En reconnaissant à la caution le bénéfice des mêmes moyens de défense que ceux dont jouit le débiteur principal, le législateur a ainsi redonné une place centrale au caractère accessoire du cautionnement.

==> Dérogations

Il est seulement deux cas où le principe d’opposabilité des exceptions est écarté :

  • Premier cas
    • L’article 2298 du Code civil prévoit que l’incapacité du débiteur ne peut jamais être opposée par la caution au créancier.
    • Cette règle, qui déroge au caractère accessoire du cautionnement, se justifie par le caractère purement personnel de l’exception au débiteur.
    • Surtout, elle vise à favoriser le crédit des incapables dont les engagements doivent pouvoir être aisément cautionnés.
    • Pour ce faire, il est nécessaire de garantir au créancier qu’il ne risque pas de se voir opposer par la caution l’incapacité de son débiteur
    • D’où la dérogation portée au principe d’opposabilité des exceptions pour les personnes incapables (mineurs ou majeurs).
  • Second cas
    • L’alinéa 2 de l’article 2298 du Code civil prévoit que « la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance, sauf disposition spéciale contraire. »
    • Aussi par dérogation au principe d’opposabilité des exceptions, la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance (les délais de grâce d’origine légale ou judiciaire, suspension des poursuites dans le cadre d’une procédure collective etc.).
    • La raison en est que le cautionnement a précisément pour finalité de couvrir une telle défaillance.
    • L’ordonnance du 15 septembre 2015 est ici venue clarifier le principe qui était pour le moins obscur sous l’empire du droit antérieur.
    • Il est toutefois admis que le droit des procédures collectives ou le droit du surendettement puissent prévoir, dans certains cas, des solutions différentes en fonction des objectifs qui sont les leurs.
    • Tel sera notamment le cas en présence de cautions personnes physiques dirigeantes qui, par exemple, bénéficient de l’arrêt du cours des intérêts et peuvent se prévaloir de l’inopposabilité de la créance non déclarée.

4. La transmission du cautionnement

Parce que le cautionnement présente un caractère accessoire, il suit l’obligation principale.

Il en résulte que, en cas de cession de créance, le cessionnaire se verra également transférer le bénéfice du cautionnement contracté au profit du cédant.

L’article 1321 du Code civil prévoit en ce sens que la cession « s’étend aux accessoires de la créance ».

Par accessoires, il faut comprendre toutes les sûretés attachées à la créance cédée, ce qui inclut les sûretés personnelles et donc le cautionnement.

À cet égard, non seulement la cession de créance emporte transmission du cautionnement au cédant, mais encore, conformément à l’article 1326 du Code civil, elle met à la charge du cessionnaire une obligation de garantir l’existence des accessoires de la créance.

II) Le caractère consensuel  du cautionnement

I) Principe

Il est admis que, conformément au principe du consensualisme, le cautionnement appartient à la catégorie des contrats consensuels.

Pour mémoire le contrat consensuel est celui qui se « forme par le seul échange des consentements quel qu’en soit le mode d’expression ».

Il s’oppose au contrat solennel dont la validité est subordonnée à des formes déterminées par la loi.

À cet égard, des auteurs soulignent que « quand la loi impose une exigence qui pourrait apparaître comme une condition de forme, elle doit être interprétée comme une règle de preuve afin de ne pas altérer le caractère consensuel du contrat »[7].

S’agissant du contrat de cautionnement il est réputé, par principe, formé dès lors que la volonté de la caution de s’engager a rencontré l’acceptation du créancier.

Si donc aucune forme particulière n’est, a priori, requise pour que le cautionnement soit valablement conclu, l’article 2294 du Code civil exige néanmoins qu’il soit « exprès ».

Par exprès, il faut comprendre que l’engagement de la caution doit être établi avec suffisamment de certitude.

Autrement dit, la caution doit avoir manifesté clairement la volonté de s’obliger au profit du créancier.

Cette volonté ne saurait se déduire des circonstances ou être tacite ; elle doit être positivement exprimée.

L’engagement oral de la caution est donc, par principe, pleinement valable, pourvu qu’il ne soit pas équivoque.

Dans un arrêt du 24 avril 1968 la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui avait admis l’existence d’un cautionnement « par de simples présomptions » (Cass. civ. 24 avr. 1968).

S’agissant de l’acceptation du créancier, contrairement à l’engagement de la caution, il n’est pas exigé qu’il soit exprès.

Il est, en effet, admis que la volonté du créancier d’accepter le cautionnement soit tacitement exprimée, soit qu’elle puisse se déduire d’indices ou de son comportement (V. en ce sens Cass. com., 13 nov. 1972).

II) Exceptions

==> L’exception tenant au formalisme exigé à titre de preuve

Parce que le cautionnement relève de la catégorie des contrats unilatéraux, il est soumis aux exigences probatoires énoncées par l’article 1376 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres ».

Appliquée au cautionnement, cette règle signifie que l’acte qui constate l’engagement de caution n’a valeur de preuve qu’à la condition qu’il soit assorti d’une mention manuscrite apposée par la caution.

Si, conformément au principe du consensualisme, il a toujours été admis que cette mention manuscrite était exigée ad probationem, la Cour de cassation a, au cours des années 1980, adopté la position radicalement inverse en jugeant qu’il s’agissait là d’une condition de validité du cautionnement.

Dans un arrêt du 22 février 1984, elle a affirmé en ce sens « qu’il résulte de la combinaison des articles 1326 et 2015 du Code civil que les exigences relatives à la mention manuscrite ne constituent pas de simples règles de preuve mais ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 22 févr. 1984, n°82-17.077).

La première chambre civile a réaffirmé, dans les mêmes termes cette position dans un arrêt du 30 juin 1987 (Cass. 1ère civ. 30 juin 1987, n°85-15.760).

La solution retenue par la Cour de cassation a été très critiquée par la doctrine, les auteurs lui reprochant de se détourner de l’esprit des textes.

Au surplus, cette solution revenait à conférer un caractère solennel au cautionnement, ce qu’il n’est pas.

De son côté, la Chambre commerciale a refusé l’évolution jurisprudentielle – que d’aucuns ont qualifiée d’excès de formalisme – opéré par la Première chambre civile en jugeant que le défaut de mention manuscrite ne remettait nullement en cause la validité de l’acte constatant le cautionnement qui donc conservait sa valeur de commencement de preuve par écrit (Cass. com. 6 juin 1985, n°83-15.356).

Finalement, la première chambre civile s’est progressivement ralliée à la chambre commerciale.

Dans une première décision, elle a d’abord jugé que les exigences de signature et de mention manuscrite posées par l’ancien article 1326 du Code civil (devenu 1376 C. civ.) constituaient des « règles de preuve [qui] ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 15 nov. 1989, n°87-18.003).

Puis, dans une seconde décision rendue deux ans plus tard, elle en a tiré la conséquence que, « si l’absence de la mention manuscrite exigée par l’article 1326 du Code civil, dans l’acte portant l’engagement de caution […] rendait le cautionnement irrégulier, ledit acte constituait néanmoins un commencement de preuve par écrit pouvant être complété par d’autres éléments » et que donc l’engagement de caution n’était pas nul (Cass. 1ère civ. 15 oct. 1991, n°89-21.936).

Si cette solution a eu pour effet de ramener le cautionnement dans le giron des contrats consensuels, cela est sans compter sur les incursions du législateur qui, guidé par la volonté de protéger la caution, a, en parallèle, progressivement institué un formalisme ad validitatem.

==> L’exception tenant aux règles de protection de la caution

Alors que le cautionnement a toujours été envisagé un contrat consensuel, la loi n°89-1010 du 31 décembre 1989, dite Neiertz, est venue semer le doute en soumettant le cautionnement conclu sous seing privé par une personne à l’exigence d’apposition d’une mention manuscrite sur l’acte.

L’ancien article L. 313-7 du Code de la consommation prévoyait en ce sens que la personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution pour l’une des opérations de crédit à la consommation ou de crédit immobilier doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci :

« En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même ».

Cette mention était ainsi exigée ad validitatem, ce qui dès lors faisait conférait au cautionnement une dimension solennelle.

Puis la loi n° 2003-721 du 1er août 2003, dite Dutreil, a étendu l’exigence de reproduction de la mention manuscrite à tous les cautionnements souscrits par une personne physique sous seing privé au profit d’un créancier professionnel, peu importe la nature de l’opération cautionnée.

Depuis l’adoption de cette loi, les auteurs s’accordent à dire que le cautionnement doit désormais être regardé comme un contrat solennel, le législateur ayant érigé le formalisme en principe et reléguer le consensualisme au rang des exceptions.

La réforme opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 n’y a rien changé.

L’exigence de mention manuscrite a été réaffirmée à l’article 2297 du Code civil. La règle s’applique désormais à tous les cautionnements souscrits par des personnes physiques quelle que soit la qualité du créancier (professionnel ou non professionnel)

Seule modification opérée par la réforme : la formule sacramentelle dictée par la loi a été abolie. Désormais, la mention doit simplement exprimer, avec suffisamment de précision, la nature et la portée de l’engagement de la caution.

Au bilan, cette évolution du régime de la mention manuscrite est sans incidence sur le caractère solennel du cautionnement qui a pris le pas sur son caractère consensuel.

III) Le caractère unilatéral  du cautionnement

A) Signification

À l’origine le cautionnement a été envisagé comme ne créant d’obligation qu’à la charge de la seule caution.

S’il s’agit bien d’un contrat, car supposant l’accord des deux parties (caution et créancier), l’obligation qui pèse sur la caution (payer le créancier en cas de défaillance du débiteur) n’est assortie d’aucune contrepartie.

Cette particularité du cautionnement conduit à le classer dans la catégorie des contrats unilatéraux.

Pour mémoire, l’article 1106 du Code civil prévoit qu’un contrat est unilatéral « lorsqu’une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres sans qu’il y ait d’engagement réciproque de celles-ci. »

Le cautionnement répond pleinement à cette définition : seule la caution s’oblige envers le créancier qui doit accepter cet engagement faute de quoi le contrat n’est pas conclu.

À cet égard, si le caractère unilatéral du cautionnement n’est, aujourd’hui, pas contesté, une nuance doit néanmoins être apportée.

En effet, une analyse des textes révèle que l’engagement pris par la caution envers le créancier n’est pas la seule obligation créée par le cautionnement.

Surtout, il apparaît qu’un certain nombre d’obligations ont été mises à la charge du créancier, ce qui dès lors interroge sur le bien-fondé du caractère unilatéral que l’on prête au cautionnement, à tout le moins a pu semer le doute dans les esprits.

Par exemple, il pèse sur le créancier une obligation d’information de la caution sur l’état des remboursements de la dette principale. Il a encore été mis la charge de ce dernier une obligation de proportionnalité et de mise en garde.

Ces obligations – toujours plus nombreuses et rigoureuses – sont le fruit d’une succession de réformes qui ont visé à renforcer la protection de la caution.

La question s’est alors posée est de savoir si la multiplication des obligations qui ont été mises à la charge du créancier n’était pas de nature à priver le cautionnement de son caractère unilatéral.

Pour la doctrine majoritaire il n’en est rien dans la mesure où ces obligations ne constituent, en aucune manière, la contrepartie à l’engagement de la caution.

Un contrat synallagmatique, qui est la figure juridique opposé du contrat unilatéral, présente la particularité de créer des obligations réciproques entre les parties.

Par obligations réciproques, il faut entendre des obligations interdépendantes qui se servent mutuellement de contrepartie (ou de cause).

Tel n’est pas le cas des obligations qui pèsent sur le créancier qui « ne constituent pas l’engagement réciproque de celui qui a souscrit la caution »[8].

Il s’agit là d’obligations purement légales dont la fonction est seulement d’assurer la protection de la caution et non de lui fournir une quelconque contrepartie.

B) Conséquences

La qualification du cautionnement de contrat unilatéral emporte deux conséquences majeures :

  • Première conséquence
    • Parce qu’il présente un caractère unilatéral, le cautionnement n’est pas soumis à l’exigence du « double original ».
    • Cette formalité est réservée aux seuls contrats synallagmatiques.
    • L’article 1375 du Code civil prévoit en ce sens que « l’acte sous signature privée qui constate un contrat synallagmatique ne fait preuve que s’il a été fait en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct, à moins que les parties ne soient convenues de remettre à un tiers l’unique exemplaire dressé.»
    • Aussi, en pratique, le cautionnement ne sera établi qu’en un seul exemplaire, lequel sera conservé presque systématiquement par le créancier.
    • Aucune obligation ne pèse donc sur les établissements de crédit de remettre un exemplaire au client au profit duquel le cautionnement a été souscrit.
  • Seconde conséquence
    • Si le cautionnement n’est pas soumis à l’exigence du double original, il n’échappe pas pour autant à toute formalité probatoire.
    • L’article 1376 du Code civil prévoit, en effet, que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres»
    • Ainsi, pour valoir de preuve, l’acte de cautionnement doit comporter la signature de la caution et la mention manuscrite de la somme garantie en chiffres et en lettres.

C) Tempérament

Si, par nature, le cautionnement relève de la catégorie des contrats unilatéraux, il est des cas où il pourra présenter un caractère synallagmatique.

Il en ira ainsi, la caution s’engagera en contrepartie de la souscription d’obligations par le créancier.

Il pourra ainsi s’agir pour lui de consentir une remise de dette au débiteur, de proroger le terme ou encore de réduire le taux d’intérêt du prêt cautionné.

Dès lors que la caution s’engage en considération de l’engagement pris par le créancier, le cautionnement devient un contrat synallagmatique.

Il en résulte qu’il devra alors être établi en double original, conformément à l’existence posée à l’article 1375 du Code civil.

[1] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[2] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°56, p. 44

[3] G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 7e éd., 2005, p. 249, v. « crédit ».

[4] F. Grua, Les contrats de base de la pratique bancaire, Litec, 2001, n°324.

[5] Ph. Simler, Le cautionnement – Définition, critère distinctif et caractères, Jurisclasseur, art. 2288 à 2320, Fasc. 10

[6] Pour une approche nuancée de cette thèse, V. notamment M. Bourassin et V. Brénmond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, coll. « Sirey », n°145, p. 91

[7] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°74, p.55.

[8] M. Bourassin et V. Brénmond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, coll. « Sirey », n°108, p. 75

La notion de cautionnement: éléments constitutifs et caractères

Le cautionnement est une sûreté personnelle. Par sûreté personnelle il faut entendre, pour mémoire « l’engagement pris envers le créancier par un tiers non tenu à la dette qui dispose d’un recours contre le débiteur principal »[1].

Avant la réforme des sûretés entreprise par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, le cautionnement était défini par l’article 2288 qui prévoyait que « celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ».

Cette définition avait le mérite de mettre en exergue le caractère triangulaire de l’opération de cautionnement. Reste que là n’est pas sa seule spécificité.

Le cautionnement se distingue surtout des autres sûretés en ce que :

  • D’une part, le lien qui unit la caution au créancier est nécessairement conventionnel
  • D’autre part, le cautionnement présente un caractère accessoire marqué
  • En outre, il consiste toujours en un acte unilatéral
  • Enfin, le débiteur principal, soit celui dont la dette est garantie par la caution, est un tiers à l’opération

Attentif aux critiques formulées à l’encontre de l’ancienne définition du cautionnement, le législateur a estimé, à l’occasion de la réforme des sûretés intervenue en 2021, qu’il y avait lieu de la moderniser en rendant compte des caractères essentiels du cautionnement.

Aussi, est-il désormais défini par le nouvel article 2288 du Code civil comme « le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. »

Il s’agit là d’une reprise, mot pour mot, de la proposition de définition formulée par l’avant-projet de réforme du droit des sûretés établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

Cette définition présente l’avantage de faire ressortir, tant les éléments constitutifs de l’opération de cautionnement, que ses caractères les plus saillants.

§1: Les éléments constitutifs de l’opération de cautionnement

Le cautionnement consiste donc en une opération triangulaire à laquelle interviennent trois personnes : un créancier, un débiteur et une caution.

  • Un premier rapport – principal – se noue entre le créancier et le débiteur qui entretiennent entre eux un lien d’obligation
  • Un deuxième rapport – accessoire – se crée entre la caution et le créancier, la première s’engageant contractuellement à payer le second en cas de défaillance du débiteur
  • Un troisième rapport est établi entre la caution et le débiteur. Il se distingue des deux autres en ce qu’il ne consiste pas en un lien d’obligation. Il ne sera mis en jeu qu’en cas de défaillance du débiteur.

Pratiquement, en cas de défaillance du débiteur principal, soit s’il n’exécute pas l’obligation à laquelle il est tenu envers le créancier, ce dernier pourra actionner en paiement la caution au titre de l’engagement accessoire auquel elle a souscrit.

Après avoir désintéressé le créancier, la caution pourra alors se retourner contre le débiteur aux fins d’être remboursée à concurrence de ce qu’elle a payé.

Analysons désormais, un à un, les trois rapports autour desquels s’articule l’opération de cautionnement.

I) Le rapport entre le créancier et le débiteur

Le cautionnement ne se conçoit, pour mémoire, que s’il existe une obligation principale à garantir.

C’est là la raison d’être de n’importe quelle sûreté : conférer au créancier un droit – personnel ou réel – qui lui procure une position le prémunissant du risque de défaillance de son débiteur.

Chez les romains, l’engagement pris au titre d’un cautionnement se confondait avec l’obligation garantie, si bien que la caution et le débiteur étaient solidairement tenus envers le créancier.

Tel n’est plus le cas aujourd’hui. L’engagement souscrit par la caution est distinct de l’obligation principale, bien qu’accessoire à cette dernière.

La question qui alors se pose est de savoir si toutes les obligations sont susceptibles de faire l’objet d’un cautionnement.

Pour le déterminer, il y a lieu de se reporter aux articles 2292 et 2293 du Code civil qui fixent les exigences auxquelles l’obligation cautionnée doit répondre.

  • Une obligation valable
    • La spécificité – sans doute la plus importante – du cautionnement réside dans son caractère accessoire.
    • Par accessoire, il faut comprendre que le cautionnement suppose l’existence d’une obligation principale à garantir et que son sort est étroitement lié à celui de l’obligation à laquelle il se rattache.
    • Pour cette raison, l’article 2293 du Code civil prévoit que « le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable», soit une obligation qui n’est entachée d’aucune irrégularité quant à ses éléments constitutifs.
    • Un contrat qui serait frappé de nullité ne peut donc pas faire l’objet d’un cautionnement. Il s’agit là d’un empêchement dirimant à l’engagement de caution.
    • Par exception à la règle, l’alinéa 2 de l’article 2293 du Code civil prévoit que « celui qui se porte caution d’une personne physique dont il savait qu’elle n’avait pas la capacité de contracter est tenu de son engagement. »
  • Une obligation présente ou future
    • L’article 2292 du Code civil prévoit que « le cautionnement peut garantir une ou plusieurs obligations, présentes ou futures […]. »
    • L’obligation présente est celle qui naît au jour de la souscription du cautionnement, peu importe qu’elle soit ou non exigible à cette même date.
    • S’agissant de l’obligation future, il s’agit de celle dont le fait générateur survient postérieurement à la souscription du cautionnement.
    • Si le cautionnement de dettes futures est admis, encore faut-il que l’obligation cautionnée soit déterminable.
  • Une obligation déterminée déterminable
    • L’article 2292 du Code civil prévoit que « le cautionnement peut garantir une ou plusieurs obligations […] déterminées ou déterminables. »
    • Il ressort de cette disposition que le cautionnement peut avoir pour objet n’importe quelle obligation, pourvu qu’elle soit déterminable.
    • À cet égard, l’article 1163, al. 3e du Code civil prévoit que « la prestation est déterminable lorsqu’elle peut être déduite du contrat ou par référence aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu’un nouvel accord des parties soit nécessaire. »
    • Appliquée au cautionnement, cette règle implique, en substance, que l’acte régularisé par la caution soit suffisamment précis pour que l’on soit en mesure de déterminer l’étendue de son engagement.

Au bilan, il se dégage des articles 2292 et 2293 du Code civil que toutes les obligations sont susceptibles de faire l’objet d’un cautionnement, dès lors qu’elles sont valables et déterminables.

Qu’il s’agisse de leur source ou de leur nature, elles tous deux sont sans incidence sur la potentialité d’une dette être cautionnée.

  • S’agissant de la source de l’obligation cautionnée
    • Si, dans la très grande majorité des cas, les obligations cautionnées résultent de la conclusion d’un contrat, on s’est demandé si les obligations qui trouvent leur source dans un délit ou quasi-délit ne pouvaient pas également faire l’objet d’un cautionnement.
    • Pendant longtemps, la jurisprudence s’est refusé à l’admettre (V. en ce sens 2e civ. 13 déc. 1993).
    • Au soutien de cette position, il a été avancé est que le cautionnement ne pouvait avoir pour objet qu’une obligation valable.
    • Or un délit ou quasi-délit futur présente, par hypothèse, un caractère illicite.
    • D’où le refus de la Cour de cassation de reconnaître la validité d’un cautionnement qui porterait sur une obligation délictuelle.
    • Un revirement a néanmoins été opéré par la Cour de cassation dans un arrêt du 8 octobre 1996.
    • Dans cette décision, la Première chambre civile a jugé que « le cautionnement garantissant le paiement à la victime de créances nées d’un délit ou d’un quasi-délit est licite» (Cass. 1ère 8 oct. 1996, n°94-19.239).
    • Elle a réaffirmé cette solution, en des termes similaires, dans un arrêt du 13 mai 1998 ( 1ère civ. 13 mai 1998, n°96-14.852).
    • Depuis lors, cette position adoptée par la Cour de cassation n’a pas été remise en cause.
  • S’agissant de la nature de l’obligation cautionnée
    • L’obligation cautionnée consiste, en principe, pour le débiteur à payer au créancier une somme d’argent.
    • Dans le silence des textes, rien n’interdit toutefois que le cautionnement ait pour objet une obligation de faire, soit une obligation consistant pour le débiteur à fournir une prestation autre que le transfert d’une somme d’argent.
      • Exemple: le menuisier s’engage, dans le cadre du contrat conclu avec son client, à fabriquer un meuble
    • En cas de défaillance du débiteur, quid de l’exécution de l’obligation de la caution ?
    • En application de l’article 1231-1 du Code civil, les auteurs s’accordent à dire que la caution ne sera nullement tenue de fournir la prestation promise par le débiteur initialement.
    • Elle devra seulement verser au créancier une somme d’argent qui correspond à la valeur de cette prestation.

II) Le rapport entre la caution et le créancier

==> La source du cautionnement : le contrat

Bien que le cautionnement tire sa raison d’être de l’existence d’une obligation principale à garantir, il ne se confond pas avec cette obligation.

Le cautionnement désigne le rapport qui se noue entre, d’un côté, le créancier de l’obligation cautionnée et, d’un autre côté, la personne qui s’oblige à payer en cas de défaillance du débiteur, la caution.

La spécificité du lien qui unit le créancier à la caution réside dans sa nature conventionnelle. Car un cautionnement procède toujours de la conclusion d’un contrat.

C’est là une particularité qui le distingue des sûretés réelles, lesquelles peuvent puiser leur source indifféremment dans la loi, le contrat ou la décision du juge.

Tel n’est pas le cas du cautionnement qui peut certes être imposé par la loi ou par le juge, auquel cas on le qualifiera de légal ou de judiciaire.

Néanmoins, dans ces deux hypothèses, la constitution du cautionnement ne procédera nullement d’une obligation qui pèserait sur un tiers de garantir la dette d’autrui.

Il s’agit seulement pour la loi ou pour le juge de subordonner l’octroi ou le maintien d’un droit à la fourniture par le débiteur d’une caution.

Celui qui donc accepte de se porter caution au profit du débiteur le fera toujours volontairement, sans que la loi ou le juge ne l’y obligent.

Aussi, le cautionnement que l’on qualifie couramment – et par abus de langage – de légal ou judiciaire s’analyse, en réalité, en une sûreté purement conventionnelle puisqu’il sera souscrit dans le cadre de la conclusion d’un contrat entre un tiers (la caution) et le débiteur.

Il en résulte qu’il est soumis, pour une large part, au droit des obligations et plus précisément aux règles qui intéressent la formation, le contenu et l’extinction du contrat.

==> Les parties au contrat de cautionnement

Parce que le cautionnement est un contrat, il est nécessairement le produit de la rencontre des volontés de deux personnes : la caution et le créancier.

  • La caution
    • La caution, désignée parfois sous le qualificatif de fidéjusseur en référence au fidejussor qui endossait le rôle de caution en droit romain, n’est autre que la personne qui s’engage envers le créancier à payer en lieu et place du débiteur en cas de défaillance de celui-ci.
    • En application du principe de l’autonomie de la volonté, une personne ne saurait valablement se porter caution sans y avoir consenti.
    • Aussi, ne peut-on être obligé à un cautionnement contre son gré ou à son insu : la souscription d’un engagement de caution procède toujours d’une démarche volontaire.
    • Par ailleurs, pour être partie à un contrat de cautionnement il faut justifier de la capacité juridique requise, soit disposer de la capacité à contracter, ce qui n’est pas le cas des mineurs ou des majeurs protégés faisant l’objet d’une mesure de tutelle ou de curatelle.
    • Dès lors, en revanche, que la condition tenant à la capacité est remplie, toute personne physique ou morale peut se porter caution.
    • En outre, il est indifférent que la personne qui s’oblige à cautionner la dette d’autrui endosse la qualité de consommateur ou de professionnel.
    • La qualité de la caution a pour seul effet de lui conférer une protection plus ou moins renforcée.
    • C’est ainsi que le cautionnement souscrit par une personne physique au profit d’un créancier professionnel est soumis à un régime juridique particulièrement contraignant.
    • Les exigences applicables sont, à l’inverse, bien moins rigoureuses lorsque le cautionnement est conclu en dehors d’une relation d’affaires.
  • Le créancier
    • Le créancier, qui peut indifféremment être une personne physique ou morale, est le bénéficiaire de l’engagement souscrit par la caution.
    • Dans cette opération triangulaire que constitue le cautionnement, il occupe une position pour le moins privilégiée puisque, tant dans ses rapports avec la caution, que dans ses rapports avec le débiteur principal, il se trouve toujours dans la situation de celui envers qui une prestation est due :
      • Le débiteur doit exécuter la prestation initialement promise
      • La caution doit garantir l’exécution de l’obligation du débiteur
    • S’agissant du cautionnement, la position du créancier est d’autant plus favorable qu’il s’agit d’un contrat unilatéral, en ce sens qu’il ne crée d’obligations qu’à la charge de la seule caution.
    • Dans ces conditions, la qualité du créancier devrait être sans incidence sur le régime applicable : qu’il endosse ou non la qualité de professionnel, le cautionnement souscrit par la caution devrait être soumis aux mêmes exigences.
    • Tel n’est toutefois pas le cas, le législateur ayant, au fil des réformes, mis à la charge des créanciers professionnels et notamment des établissements crédits un certain nombre d’obligations – toujours plus nombreuses – l’objectif recherché étant de conférer une protection à la caution.
    • Cette distinction entre créanciers professionnels et créanciers non-professionnels introduite initialement dans le Code de la consommation a été reprise par l’ordonnance du 15 septembre 2021 portant réforme des sûretés.
    • Elle figure désormais dans le Code civil, corpus au sein duquel toutes les règles régissant le cautionnement ont été rassemblées.

==> La situation du débiteur

Parce que le cautionnement est un contrat, seuls la caution et le créancier endossent la qualité de partie.

Bien que le débiteur soit directement intéressé à l’opération, il y reste néanmoins étranger et doit donc, à ce titre, être regardé comme un tiers.

Aussi, le débiteur est-il insusceptible de fixer les termes du contrat de cautionnement, ni de s’ingérer dans son exécution.

La plupart du temps, l’engagement de caution sera, certes, pris sur la demande du débiteur.

L’article 2288 du Code civil prévoit toutefois expressément qu’un contrat de cautionnement peut être conclu à son insu, soit sans que son accord ait été sollicité, ni qu’il ait été informé.

III) Le rapport entre la caution et le débiteur

À la différence du lien qui unit le créancier au débiteur principal ou le créancier à la caution dont la qualification ne soulève pas de difficulté – il s’agit dans les deux cas d’un contrat – le rapport que la caution entretient avec le débiteur se laisse, quant à lui, plus difficilement saisir.

La raison en est que la nature de ce rapport est susceptible de varier selon les circonstances qui ont conduit à la conclusion du cautionnement.

Deux situations doivent être distinguées :

  • Le cautionnement n’a pas été conclu à la demande du débiteur
  • Le cautionnement a été conclu à la demande du débiteur

A) Le cautionnement n’a pas été conclu à la demande du débiteur

Dans cette hypothèse, le cautionnement a été conclu sans que le débiteur ait donné son accord. Tout au plus, il peut avoir été informé de l’opération. Il n’en est toutefois pas à l’origine.

Faute de rencontre des volontés entre le débiteur et la caution, la qualification de contrat du lien qui les unit doit d’emblée être écartée.

Leur relation présente un caractère purement légal. Aussi, est-elle réduite à sa plus simple expression, soit se limite, en simplifiant à l’extrême, aux seuls recours que la loi confère à la caution contre le débiteur défaillant.

Au nombre de ces recours figurent :

  • Le recours personnel
    • L’article 2308 du Code civil prévoit que « la caution qui a payé tout ou partie de la dette a un recours personnel contre le débiteur tant pour les sommes qu’elle a payées que pour les intérêts et les frais. »
  • Le recours subrogatoire
    • L’article 2309 du Code civil prévoit que « la caution qui a payé tout ou partie de la dette est subrogée dans les droits qu’avait le créancier contre le débiteur.»

Réciproquement, on pourrait imaginer que le débiteur dispose d’un recours contre la caution pour le cas où cette dernière ne déférerait pas à l’appel en garantie du créancier, cette situation étant susceptible de lui causer un préjudice.

Reste que, dans la configuration envisagée ici, l’engagement de caution a été pris indépendamment de la volonté du débiteur.

Dans ces conditions, on voit mal comment celui-ci pourrait se prévaloir d’une obligation qui n’est, ni prévue par la loi, ni ne peut trouver sa source dans un contrat.

D’aucuns soutiennent que lorsque le cautionnement est souscrit à l’insu du débiteur, il s’analyse en une gestion d’affaires, car il répondrait aux critères de l’acte de gestion utile.

Cette qualification, si elle était retenue par le juge, pourrait alors fonder une action du débiteur contre la caution, au titre des obligations qui pèsent sur le gérant d’affaires.

L’article 1301 du Code civil prévoit notamment qu’il « est soumis, dans l’accomplissement des actes juridiques et matériels de sa gestion, à toutes les obligations d’un mandataire. »

L’article 1301-1 précise que le gérant « est tenu d’apporter à la gestion de l’affaire tous les soins d’une personne raisonnable ; il doit poursuivre la gestion jusqu’à ce que le maître de l’affaire ou son successeur soit en mesure d’y pourvoir ».

Si l’on transpose ces règles au cautionnement, cela signifie que l’inexécution de l’engagement pris par la caution envers le créancier serait constitutive d’un manquement aux obligations qui lui échoient en sa qualité de gérant d’affaires.

Aussi, le débiteur serait-il fondé, en tant que maître de l’affaire, à engager la responsabilité de la caution.

Pour l’heure, aucune décision n’a, à notre connaissance, été rendue en ce sens. Par ailleurs, la doctrine est plutôt défavorable à l’application des règles de la gestion d’affaires au rapport caution-débiteur.

Des auteurs affirment en ce sens que la qualification de gestion d’affaires « nécessite une volonté de gérer les affaires d’autrui qui est ici trop ténue ; surtout, elle impliquerait la libération du garant dès l’acceptation de l’opération par le maître de l’affaire (le débiteur), ce qui est inconcevable »[2].

B) Le cautionnement a été conclu à la demande du débiteur

Dans l’hypothèse où le cautionnement a été souscrit par la caution à la demande du débiteur, ce qui correspond à la situation la plus fréquente, il est admis que le rapport qu’ils entretiennent entre eux présente un caractère contractuel.

La raison en est que, dans cette configuration, l’engagement pris par la caution procède d’un accord, tacite ou exprès, conclu avec le débiteur à titre gratuit ou onéreux.

Tel est le cas, par exemple, lorsque le débiteur sollicite un établissement bancaire aux fins qu’il lui fournisse, moyennant rémunération, un service de caution.

Le recours à une caution professionnelle peut être exigé, soit par la loi ou le juge, soit par le prêteur lui-même en contrepartie de l’octroi d’un crédit.

Quels que soit les caractères de l’accord conclu entre le débiteur et la caution, il est le produit d’une rencontre des volontés, en conséquence de quoi il s’analyse en un contrat.

Reste à déterminer la qualification de ce contrat, ce qui n’est pas sans avoir fait l’objet d’une importante controverse.

Plusieurs qualifications ont, en effet, été attribuées par les auteurs à l’accord conclu entre le débiteur et la caution.

Ces qualifications diffèrent néanmoins selon que l’accord initial a donné lieu ou non à la régularisation d’un cautionnement.

==> L’accord intervenu entre le débiteur et la caution a donné lieu à la conclusion d’un cautionnement

  • Le mandat
    • Les auteurs classiques ont d’abord vu dans le lien noué entre le débiteur et la caution un mandat.
    • En sollicitant la caution afin qu’elle garantisse l’exécution de l’obligation principale, le débiteur lui aurait, en effet, donné mandat de s’engager au profit du créancier.
    • A priori, cette approche est parfaitement compatible avec la qualification de mandat, lequel est défini à l’article 1984 du Code civil comme « l’acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom».
    • L’exécution du mandat consistant ainsi à accomplir un acte juridique au nom et pour le compte du mandant, il semble possible d’imaginer que cet acte puisse être un cautionnement.
    • Bien que séduisante, cette analyse est aujourd’hui unanimement réfutée par la doctrine.
    • Le principal argument avancé tient aux effets du mandat qui divergent fondamentalement de ceux attachés au contrat conclu entre le débiteur et la caution.
    • Lorsque dans le cadre de l’exercice de sa mission, le mandataire accompli un acte, il agit au nom et pour le compte du mandant, de sorte qu’il n’est pas engagé personnellement à l’opération.
    • Tel n’est pas le cas de la caution qui, lorsqu’elle conclut un cautionnement au profit du créancier, s’oblige personnellement à l’opération, quand bien même elle agit sur la demande du débiteur.
    • En cas de défaillance de celui-ci, c’est donc bien elle qui sera appelée en garantie et personne d’autre.
    • Pour cette raison, la relation que le débiteur entretient avec la caution ne peut pas s’analyser en un mandat.
  • Le contrat de commission
    • Afin de surmonter l’obstacle tenant aux effets du mandat qui, par nature, est une technique de représentation, des auteurs ont suggéré de qualifier le lien unissant le débiteur à la caution de mandat sans représentation, dont la forme la plus connue est le contrat de commission.
    • Au soutien de cette analyse, il est soutenu que le mandat pourrait avoir pour objet une représentation imparfaite, ce qui correspond à l’hypothèse où le représentant déclare agir pour le compte d’autrui mais contracte en son propre nom ( 1154, al. 2e C. civ.)
    • La conséquence en est qu’il devient seul engagé à l’égard du cocontractant.
    • Celui qui est réputé être partie à l’acte ce n’est donc pas le représenté, comme en matière de représentation parfaite, mais le représentant qui endosse les qualités de créanciers et débiteurs.
    • Appliqué au rapport entretenu entre le débiteur et la caution, la qualification de mandat sans représentation permet d’expliquer pourquoi la caution est seule engagée au contrat de cautionnement.
    • Reste que cette qualification n’est pas totalement satisfaisante, elle présente une faille.
    • En effet, la conclusion d’un mandat de représentation suppose que l’engagement pris par le mandataire, qui donc agit en son nom personnel, soit exactement le même que l’obligation mise à la charge du mandant après le dénouement de l’opération.
    • Tel n’est cependant pas le cas en matière de cautionnement : l’obligation souscrite par la caution est différente de l’obligation qui pèse sur le débiteur.
    • L’engagement de la caution se limite à payer le créancier en cas de défaillance du débiteur, tandis que l’obligation mise à la charge de celui-ci a pour objet la fourniture de la prestation initialement promise.
    • Les deux obligations ne sont pas les mêmes, raison pour laquelle la qualification de mandat sans représentation ne s’applique pas au rapport caution-débiteur.
  • La promesse de cautionnement
    • Autre qualification attribuée à la relation entretenue par la caution avec le débiteur : la promesse de cautionnement.
    • Selon cette thèse, défendue par Franck Steinmetz, la caution endosserait la qualité de promettant, en ce sens qu’elle promettrait au débiteur de s’engager auprès du créancier à garantir l’exécution de l’obligation principale.
    • Là encore, cette proposition de qualification du rapport caution-débiteur n’emporte pas la conviction.
    • En premier lieu, une promesse de contrat a pour objet la conclusion d’un contrat définitif.
    • Par hypothèse, elle est donc conclue entre les mêmes parties que celles qui concluront l’accord final.
    • L’opération de cautionnement ne correspond pas à cette situation : la caution promet au débiteur de s’obliger à titre définitif non pas envers lui ce qui n’aurait pas de sens, mais envers une tierce personne, le créancier.
    • Il n’y a donc pas identité de parties entre la promesse de cautionnement et le contrat de cautionnement stricto sensu.
    • En second lieu, à supposer que l’engagement pris par la caution envers le débiteur s’analyse en une promesse, leurs rapports devraient prendre fin au moment même où le contrat de cautionnement est conclu.
    • Or tel n’est pas le cas. La relation entre le débiteur et la caution se poursuit bel et bien tant que le cautionnement n’est pas éteint.
    • Pour les deux raisons ainsi exposées, la qualification de promesse de contrat doit être écartée.
  • Le contrat de crédit
    • S’il est une qualification du rapport débiteur-caution qui fait l’unanimité : c’est celle de contrat de crédit.
    • En promettant au débiteur de payer le créancier qui le solliciterait, l’opération s’analyse incontestablement en un crédit.
    • Classiquement, on définit le crédit comme l’« opération par laquelle une personne met ou fait mettre une somme d’argent à disposition d’une autre personne en raison de la confiance qu’elle lui fait»[3].
    • Bien que correspondant au sens commun que l’on attache, en première intention, au crédit, cette définition est pour le moins étroite, sinon réductrice des opérations que recouvre en réalité la notion de crédit.
    • En effet, le crédit ne doit pas être confondu avec le prêt d’argent qui ne connaît qu’une seule forme : la mise à disposition de fonds.
    • Tel n’est pas le cas du crédit qui, comme relevé par François Grua, « peut se réaliser de trois manières différentes : soit par la mise à disposition de fonds, soit par l’octroi d’un délai de paiement, soit par un engagement de garantie d’une dette»[4].
    • Cette approche est confirmée par l’article L. 313-1 du Code monétaire et financier qui définit le crédit comme « tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne ou prend, dans l’intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu’un aval, un cautionnement, ou une garantie».
    • Il ressort de cette disposition que la loi envisage donc deux formes de crédit, la première consistant en la mise à disposition temporaire ou future de fonds, la seconde en l’octroi d’une garantie.
    • Le cautionnement, qui est nommément visé par le texte, appartient à la seconde catégorie.
    • Il constitue donc une opération de banque au sens de l’article L. 311-1 du Code monétaire et financier et relève donc, lorsqu’il est pratiqué de façon habituelle, du monopole des établissements bancaires et financiers ( L. 511-5, al. 1er CMF).
    • L’article 511-7 du Code monétaire et financier autorise toutefois une entreprise, « quelle que soit sa nature», dans l’exercice de son activité professionnelle, à consentir à ses contractants des délais ou avances de paiement.
    • En application de cette disposition, il a été admis qu’il pouvait également s’agir pour une entreprise de se porter caution ou sous-caution, y compris à titre habituel, au profit d’un partenaire commercial.

==> L’accord intervenu entre le débiteur et la caution a donné lieu à la conclusion d’un cautionnement

Il est des cas où, alors même que la caution s’est engagée envers le débiteur à le garantir de son obligation souscrite auprès du créancier, aucun cautionnement ne sera finalement régularisé.

Dans cette hypothèse, quelle qualification donner à l’accord conclu entre la caution et le débiteur ?

L’enjeu est ici de faire produire des effets à cet accord et plus encore de déterminer dans quelle mesure la caution est engagée envers le créancier alors même qu’elle n’a conclu aucun cautionnement avec lui, à tout le moins pas directement.

Certains auteurs estiment que, parce que l’accord intervenu entre la caution et le débiteur est pourvu de la force obligatoire attachée à n’importe quel contrat, la conclusion d’un contrat de cautionnement ne serait, au fond, pas indispensable.

Pratiquement, cela permettrait d’admettre qu’une caution puisse s’engager au profit d’un créancier indéterminé.

Au soutien de cette thèse, il a été soutenu que l’accord conclu entre le débiteur et la caution s’analyserait en une stipulation pour autrui.

Pour mémoire, la stipulation pour autrui est un contrat par lequel une partie appelée le stipulant, obtient d’une autre, appelée le promettant, l’engagement qu’elle donnera ou fera, ou ne fera pas quelque chose au profit d’un tiers appelé le bénéficiaire.

Il s’agit, autrement dit, de faire promettre, par voie contractuelle, à une personne qu’elle s’engage à accomplir une prestation au profit d’autrui.

L’une des applications la plus répandue de la stipulation pour autrui est l’assurance-vie. Le souscripteur du contrat d’assurance-vie fait promettre à l’assureur de verser un capital ou une rente, moyennant le paiement de primes, à un bénéficiaire désigné dans le contrat.

À l’instar du cautionnement, la stipulation pour autrui fait naître trois rapports :

  • Rapport stipulant-promettant
    • Parce que l’accord conclu entre le stipulant et le promettant s’analyse en un contrat, le promettant est tenu d’exécuter l’obligation promise à la faveur du bénéficiaire.
    • Ainsi, l’article 1209 du Code civil prévoit que « le stipulant peut lui-même exiger du promettant l’exécution de son engagement envers le bénéficiaire».
  • Rapport promettant-bénéficiaire
    • L’article 1206 du Code civil prévoit que « le bénéficiaire est investi d’un droit direct à la prestation contre le promettant dès la stipulation».
    • Cela signifie que le bénéficiaire peut contraindre le promettant à exécuter l’engagement pris à son profit aux termes de la stipulation, quand bien même il n’est pas partie au contrat.
    • C’est là l’originalité de la stipulation pour autrui, le droit dont est investi le bénéficiaire contre le promettant naît directement dans son patrimoine sans qu’il lui soit transmis par le stipulant.
  • Rapport stipulant-bénéficiaire
    • La stipulation pour autrui fait certes naître un droit direct au profit du bénéficiaire contre le promettant.
    • Ce droit demeure néanmoins précaire tant qu’il n’a pas été accepté par le bénéficiaire.
    • L’article 1206 du Code civil prévoit, en effet que « le stipulant peut librement révoquer la stipulation tant que le bénéficiaire ne l’a pas acceptée.»
    • Ce n’est donc que lorsque le bénéficiaire a accepté la stipulation que le droit stipulé à son profit devient irrévocable.

Il ressort de l’articulation des rapports entretenus par les personnes intéressées à la stipulation pour autrui, que cette opération présente de nombreuses ressemblances avec le cautionnement.

Afin de déterminer s’il y a identité entre les deux, superposons les rapports de l’une et l’autre opération :

  • Tout d’abord, le rapport entre le stipulant et le promettant correspondrait au rapport débiteur-caution
  • Ensuite, le rapport entre le promettant et le bénéficiaire correspondrait quant à lui au rapport caution-créancier
  • Enfin, le rapport entre le stipulant et le bénéficiaire correspondrait au rapport débiteur-créancier

Si donc l’on raisonne par analogie, à supposer que l’opération de cautionnement s’analyse en une stipulation pour autrui, cela signifierait que la caution serait engagée envers le bénéficiaire du seul fait de l’accord conclu avec le débiteur.

Il en résulterait alors deux conséquences :

  • Le créancier pourrait poursuivre la caution, alors même qu’aucun contrat de cautionnement n’a été conclu entre eux
  • Le débiteur pourrait contraindre la caution à exécuter l’engagement pris envers le créancier

Bien que séduisante, l’analogie opérée par une partie de doctrine entre le cautionnement et la stipulation pour autrui ne résiste pas à la critique pour deux raisons principales.

En premier lieu, le cautionnement est un contrat. L’ordonnance du 15 septembre 2021 portant réforme des sûretés n’est pas revenue sur cette spécificité.

Le nouvel article 2288 du Code civil prévoit en ce sens que « le cautionnement est le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. »

Il en résulte qu’il ne peut valablement produire ses effets qu’à la condition qu’il y ait un échange des consentements entre la caution et le débiteur.

L’article 2294 précise, à cet égard, que le cautionnement doit être exprès, ce qui signifie qu’il ne peut pas être présumé.

C’est là une différence majeure avec la stipulation pour autrui dont l’originalité réside précisément dans la création d’un lien d’obligation entre le promettant et le bénéficiaire sans qu’aucun accord ne soit directement intervenu entre eux.

Le promettant est personnellement engagé envers le bénéficiaire du seul fait du contrat conclu avec le stipulant.

Pour cette seule raison, l’analogie entre le cautionnement et la stipulation pour autrui est inopérante.

En second lieu, si, une fois régularisé, le contrat de cautionnement oblige la caution à payer le créancier en cas d’appel en garantie, c’est à la condition que ce dernier préserve les droits et actions dont il est investi à l’égard du débiteur.

L’article 2314 du Code civil prévoit, en effet, que « lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par la faute de celui-ci, s’opérer en sa faveur, la caution est déchargée à concurrence du préjudice qu’elle subit. »

Ainsi, le créancier doit-il prendre toutes les mesures utiles aux fins de ménager ce que l’on appelle le bénéfice de subrogation qui joue, de plein droit, au profit de la caution qui a payé en lieu et place du débiteur.

Pour que le créancier soit en mesure de satisfaire à cette obligation qui lui échoit, encore faut-il ait connaissance de l’engagement pris par la caution envers lui.

Or tel ne sera pas nécessairement le cas si l’on se place dans la configuration de la stipulation pour autrui : aucune obligation n’impose que le bénéficiaire soit informé de l’accord conclu entre le stipulant et le promettant.

Surtout, et c’est là un argument déterminant nous semble-t-il, le principe même de faire peser sur le créancier une obligation en matière de cautionnement – au cas particulier celle de préserver les droits et actions dans lesquels la caution est susceptible de se subroger – est incompatible avec la stipulation pour autrui qui ne peut jamais faire naître d’obligation à la charge du bénéficiaire.

Pour toutes ces raisons, le cautionnement ne saurait s’analyser en une stipulation pour autrui bien qu’il s’agisse là d’opérations dont les économies générales sont proches.

À cet égard, dans un arrêt du 18 décembre 2002, la Cour de cassation a prononcé la nullité d’un cautionnement qui reposait sur une stipulation pour autrui (Cass. 3e civ. 18 déc. 2002, n°99-18.141).

Il s’agissait en l’espèce, du cautionnement conclu entre un établissement bancaire et un entrepreneur principal au profit de ses sous-traitants.

La particularité de cette technique de garantie, qualifiée usuellement de « cautionnement-flotte » réside dans la couverture d’un risque global.

Il s’agit, en effet, pour l’entrepreneur principal de se faire garantir, comme l’article 14 de la loi du 31 décembre 1975 l’y oblige, le paiement de l’ensemble des sous-traitants qui ont vocation à intervenir sur le chantier pendant une période donnée.

Dans le silence des textes sur la forme que doit arborer cette garantie, une pratique s’était instituée consistant pour les établissements bancaires à cautionner de façon générale toutes opérations de sous-traitante présentes et futures, sans que le nom des sous-traitements ne soit expressément visé dans l’acte de cautionnement.

La Cour de cassation a condamné cette pratique au motif que « la caution personnelle et solidaire, garantissant le paiement de toutes les sommes dues par l’entrepreneur principal au sous-traitant en application du sous-traité, doit comporter le nom de ce sous-traitant et le montant du marché garanti, ce qui exclut l’existence d’une stipulation pour autrui ».

Au soutien de sa décision, la troisième chambre civile rappelle que, en application de la loi du 31 décembre 1975, les opérations de sous-traitance doivent être garanties par une caution solidaire, mais également personnelle obtenue par l’entrepreneur auprès d’un établissement bancaire.

Il en résulte que la validité du cautionnement souscrit est subordonnée à la mention du nom du sous-traitant et des sommes garanties dans l’acte.

Par cette décision, la Cour de cassation a ainsi posé un principe de prohibition du cautionnement-flotte.

Dans un arrêt du 20 juin 2012, elle est toutefois revenue sur sa position en admettant qu’il puisse y être recouru pour garantir le paiement des sous-traitants (Cass. 3e civ. 20 juin 2012, n°11-18.463).

La haute juridiction a, en effet, reconnu la validité de cette technique de garantie dès lors que :

  • D’une part, un accord-cadre a été régularisé entre l’entrepreneur principal et l’établissement de crédit
  • D’autre part, cet accord prévoit la notification par l’entrepreneur principal à l’établissement de crédit des contrats de sous-traitance qu’il entend faire garantir et qu’il lui soit délivré en retour par ce dernier, dans les trois jours ouvrés suivant la notification de l’avis, une attestation de cautionnement.

Bien que, par cette décision, la validité du cautionnement-flotte soit désormais admise, les conditions posées par la Cour de cassation excluent toujours la qualification de stipulation pour autrui.

En effet, il n’est certes plus besoin de mentionner le nom du sous-traitant dans l’accord-cadre initial instituant le cautionnement.

Cette exigence resurgit néanmoins à chaque fois que l’entrepreneur principal contracte avec un nouveau sous-traitant. Il s’oblige à notifier le contrat de sous-traitance à la caution.

Cette exigence ne se retrouve pas dans la stipulation pour autrui, le bénéficiaire au profit duquel le promettant s’engage pouvant être une personne indéterminée au moment de la conclusion du contrat à l’origine de la créance (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 7 oct. 1959, n°58-10.056).

Le nouvel article 1205, al. 2e in fine du Code civil prévoit en ce sens que le bénéficiaire « peut être une personne future mais doit être précisément désigné ou pouvoir être déterminé lors de l’exécution de la promesse. »

S’agissant du cautionnement-flotte, la Cour de cassation exige que le sous-traitant, soit désigné dès la formalisation du contrat de sous-traitance, soit avant même que la caution soit appelée à exécuter son engagement ; d’où l’incompatibilité avec la stipulation pour autrui.

§2: Les caractères de l’opération de cautionnement

I) Le caractère accessoire du cautionnement

A) Signification du caractère accessoire

Il est de l’essence du cautionnement de présenter un caractère accessoire, en ce sens qu’il est affecté au service de l’obligation principale qu’il garantit.

Par accessoire, il faut comprendre, autrement dit, que le cautionnement suppose l’existence d’une obligation principale à garantir et que son sort est étroitement lié à celui de l’obligation à laquelle il se rattache.

Ainsi que le relève Philippe Simler « le cautionnement est à tous égards directement et étroitement dépendant de cette obligation : son existence et sa validité, son étendue, les conditions de son exécution et de son extinction sont déterminées par ce lien »[5].

La raison en est que l’engagement de la caution se rapporte à la même dette qui pèse sur la tête du débiteur. On dit qu’il y a « unicité de la dette », ce qui est confirmé par l’article 2288 qui prévoit que « la caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur »[6].

Il en résulte que tout ce qui est susceptible d’affecter la dette cautionnée a vocation à se répercuter sur l’obligation de la caution.

À l’analyse, le caractère accessoire du cautionnement n’est affirmé expressément par aucun texte. La réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021 n’a pas procédé au comblement de ce vide que la doctrine appelait pourtant de ses vœux.

L’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant proposait ainsi d’introduire un article 2286-2 du Code civil qui aurait posé un principe général, applicable à toutes les sûretés, selon lequel « sauf disposition ou clause contraire, la sûreté suit la créance garantie ».

Cette proposition n’a finalement pas été retenue, le législateur estimant que le caractère accessoire du cautionnement se dégageait suffisamment clairement d’un certain nombre de dispositions du Code civil.

Il est, en effet, plusieurs textes qui expriment la dépendance de l’engagement de la caution par rapport à l’obligation principale. Les manifestations du caractère accessoire du cautionnement sont multiples.

B) Les manifestations du caractère accessoire

Le caractère accessoire reconnu au cautionnement se dégage donc de plusieurs règles :

1. L’existence du cautionnement

L’article 2293 du Code civil prévoit que « le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable ».

Il ressort de cette disposition que l’existence même du cautionnement dépend de la validité de l’obligation principale.

Autrement dit, la nullité ou l’inexistence de cette obligation a pour effet de rendre caduc le cautionnement.

À cet égard, il peut être observé que cette exigence ne fait pas obstacle au cautionnement d’une dette future, pourvu que cette dette soit déterminable et qu’elle ne soit pas frappée d’inexistence le jour où la caution est appelée en garantie (art. 2292, al. 1er C. civ.).

2. L’étendue du cautionnement

L’article 2296 du Code civil prévoit que « le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ni être contracté sous des conditions plus onéreuses, sous peine d’être réduit à la mesure de l’obligation garantie. »

Il s’infère de cette règle que la caution ne saurait être engagée, ni au-delà du montant de l’obligation principale, ni en des termes plus rigoureux.

La dette cautionnée constitue ainsi le plafond du cautionnement ; la caution ne doit jamais payer plus que ce qui est dû par le débiteur principal.

Rien n’interdit néanmoins, comme énoncé par le second alinéa de l’article 2296 qu’il soit « contracté pour une partie de la dette seulement et sous des conditions moins onéreuses ».

3. L’opposabilité des exceptions

==> Principe

L’article 2298 du Code civil prévoit que « la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l’article 2293. »

Par exception, il faut entendre tout moyen de défense qui tend à faire échec à un acte en raison d’une irrégularité (causes de nullité, prescription, inexécution, cause d’extinction de la créance etc…).

Le principe d’opposabilité des exceptions puise directement son fondement dans le caractère accessoire du cautionnement.

Parce que la caution ne peut être tenue à plus que ce qui est du par le débiteur principal, elle doit être en mesure d’opposer au créancier tous les moyens que pourrait lui opposer le débiteur principal afin de se décharger de son obligation, à tout le moins de la limiter.

Il ne faudrait pas, en effet, que le débiteur principal puisse se libérer de son obligation, tandis que la caution serait contrainte, faute de pouvoir opposer les mêmes moyens de défense que le débiteur au créancier, de le payer.

Ne pas reconnaître à la caution cette faculté, l’exposerait donc à être plus rigoureusement tenu que le débiteur principal.

Or cette situation serait contraire au principe de limitation de l’étendue de l’engagement de caution à celle de l’obligation principale.

D’où le principe d’opposabilité des exceptions institué en matière de cautionnement ; il en est d’ailleurs l’un des principaux marqueurs.

À cet égard, il peut être observé que la réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021 ne s’est pas limitée à réaffirmer ce principe, elle en a renforcé la portée.

Sous l’empire du droit antérieur, une distinction était faite entre les exceptions inhérentes à la dette et celles personnelles au débiteur.

Sous l’empire du droit antérieur, une distinction était faite entre les exceptions inhérentes à la dette et celles personnelles au débiteur.

En substance :

  • Les exceptions inhérentes à la dette sont celles qui affectent son existence, sa validité, son étendue ou encore ses modalités (prescription, nullité, novation, paiement, confusion, compensation, résolution, caducité etc.)
  • Les exceptions personnelles au débiteur sont celles qui affectent l’exercice du droit de poursuite des créanciers en cas de défaillance de celui-ci (incapacité du débiteur, délais de grâce, suspension des poursuites en cas de procédure collective etc.)

Seules les exceptions inhérentes à la dette étaient susceptibles d’être opposées par la caution au débiteur avant la réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021.

Dans un premier temps, la jurisprudence a adopté une approche restrictive de la notion d’exception personnelle en ne retenant de façon constante comme exception inopposable au créancier que celles tirées de l’incapacité du débiteur.

Puis, dans un second temps, elle a opéré un revirement de jurisprudence en élargissant, de façon significative, le domaine des cas d’inopposabilité des exceptions.

Dans un arrêt du 8 juin 2007, la Cour de cassation a ainsi jugé que la caution « n’était pas recevable à invoquer la nullité relative tirée du dol affectant le consentement du débiteur principal et qui, destinée à protéger ce dernier, constituait une exception purement personnelle » (Cass. ch. Mixte, 8 juin 2007, n°03-15.602).

Elle a, par suite, étendu cette solution à toutes les causes de nullité relative (V. en ce sens Cass. com., 13 oct. 2015, n° 14-19.734).

La première chambre civile est allée jusqu’à juger que la prescription biennale prévue à l’article L. 218-2 du code de la consommation ne pouvait être opposée au créancier par la caution en ce qu’elle constituait « une exception purement personnelle au débiteur principal, procédant de sa qualité de consommateur auquel un professionnel a fourni un service » (Cass. 1ère civ. 11 déc. 2019, n°18-16.147).

En restreignant considérablement le domaine des exceptions inhérentes à la dette, il a été reproché à la haute juridiction de déconnecter l’engagement de la caution de l’obligation principale en ce qu’il est de nombreux cas où elle était devenue plus rigoureusement tenue que le débiteur lui-même.

Attentif aux critiques – nombreuses – émises par la doctrine et reprenant la proposition formulée par l’avant-projet de réforme des sûretés, le législateur en a tiré la conséquence qu’il y avait lieu de mettre un terme à l’inflation des cas d’inopposabilité des exceptions.

Par souci de simplicité et de sécurité juridique, il a donc été décidé d’abolir la distinction entre les exceptions inhérentes à la dette et celles personnelles au débiteur.

D’où la formulation du nouvel article 2298 du Code civil qui pose le principe selon lequel la caution peut opposer toutes les exceptions appartenant au débiteur principal, qu’elles soient personnelles à ce dernier ou inhérentes à la dette.

En reconnaissant à la caution le bénéfice des mêmes moyens de défense que ceux dont jouit le débiteur principal, le législateur a ainsi redonné une place centrale au caractère accessoire du cautionnement.

==> Dérogations

Il est seulement deux cas où le principe d’opposabilité des exceptions est écarté :

  • Premier cas
    • L’article 2298 du Code civil prévoit que l’incapacité du débiteur ne peut jamais être opposée par la caution au créancier.
    • Cette règle, qui déroge au caractère accessoire du cautionnement, se justifie par le caractère purement personnel de l’exception au débiteur.
    • Surtout, elle vise à favoriser le crédit des incapables dont les engagements doivent pouvoir être aisément cautionnés.
    • Pour ce faire, il est nécessaire de garantir au créancier qu’il ne risque pas de se voir opposer par la caution l’incapacité de son débiteur
    • D’où la dérogation portée au principe d’opposabilité des exceptions pour les personnes incapables (mineurs ou majeurs).
  • Second cas
    • L’alinéa 2 de l’article 2298 du Code civil prévoit que « la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance, sauf disposition spéciale contraire. »
    • Aussi par dérogation au principe d’opposabilité des exceptions, la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance (les délais de grâce d’origine légale ou judiciaire, suspension des poursuites dans le cadre d’une procédure collective etc.).
    • La raison en est que le cautionnement a précisément pour finalité de couvrir une telle défaillance.
    • L’ordonnance du 15 septembre 2015 est ici venue clarifier le principe qui était pour le moins obscur sous l’empire du droit antérieur.
    • Il est toutefois admis que le droit des procédures collectives ou le droit du surendettement puissent prévoir, dans certains cas, des solutions différentes en fonction des objectifs qui sont les leurs.
    • Tel sera notamment le cas en présence de cautions personnes physiques dirigeantes qui, par exemple, bénéficient de l’arrêt du cours des intérêts et peuvent se prévaloir de l’inopposabilité de la créance non déclarée.

4. La transmission du cautionnement

Parce que le cautionnement présente un caractère accessoire, il suit l’obligation principale.

Il en résulte que, en cas de cession de créance, le cessionnaire se verra également transférer le bénéfice du cautionnement contracté au profit du cédant.

L’article 1321 du Code civil prévoit en ce sens que la cession « s’étend aux accessoires de la créance ».

Par accessoires, il faut comprendre toutes les sûretés attachées à la créance cédée, ce qui inclut les sûretés personnelles et donc le cautionnement.

À cet égard, non seulement la cession de créance emporte transmission du cautionnement au cédant, mais encore, conformément à l’article 1326 du Code civil, elle met à la charge du cessionnaire une obligation de garantir l’existence des accessoires de la créance.

II) Le caractère consensuel  du cautionnement

I) Principe

Il est admis que, conformément en application du principe du consensualisme, le cautionnement appartient à la catégorie des contrats consensuels.

Pour mémoire le contrat consensuel est celui qui se « forme par le seul échange des consentements quel qu’en soit le mode d’expression ».

Il s’oppose au contrat solennel dont la validité est subordonnée à des formes déterminées par la loi.

À cet égard, des auteurs soulignent que « quand la loi impose une exigence qui pourrait apparaître comme une condition de forme, elle doit être interprétée comme une règle de preuve afin de ne pas altérer le caractère consensuel du contrat »[7].

S’agissant du contrat de cautionnement il est réputé, par principe, formé dès lors que la volonté de la caution de s’engager a rencontré l’acceptation du créancier.

Si donc aucune forme particulière n’est, a priori, requise pour que le cautionnement soit valablement conclu, l’article 2294 du Code civil exige néanmoins qu’il soit « exprès ».

Par exprès, il faut comprendre que l’engagement de la caution doit être établi avec suffisamment de certitude.

Autrement dit, la caution doit avoir manifesté clairement la volonté de s’obliger au profit du créancier.

Cette volonté ne saurait se déduire des circonstances ou être tacite ; elle doit être positivement exprimée.

L’engagement oral de la caution est donc, par principe, pleinement valable, pourvu qu’il ne soit pas équivoque.

Dans un arrêt du 24 avril 1968 la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui avait admis l’existence d’un cautionnement « par de simples présomptions » (Cass. civ. 24 avr. 1968).

S’agissant de l’acceptation du créancier, contrairement à l’engagement de la caution, il n’est pas exigé qu’il soit exprès.

Il est, en effet, admis que la volonté du créancier d’accepter le cautionnement soit tacitement exprimée, soit qu’elle puisse se déduire d’indices ou de son comportement (V. en ce sens Cass. com., 13 nov. 1972).

II) Exceptions

==> L’exception tenant au formalisme exigé à titre de preuve

Parce que le cautionnement relève de la catégorie des contrats unilatéraux, il est soumis aux exigences probatoires énoncées par l’article 1376 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres ».

Appliquée au cautionnement, cette règle signifie que l’acte qui constate l’engagement de caution n’a valeur de preuve qu’à la condition qu’il soit assorti d’une mention manuscrite apposée par la caution.

Si, conformément au principe du consensualisme, il a toujours été admis que cette mention manuscrite était exigée ad probationem, la Cour de cassation a, au cours des années 1980, adopté la position radicalement inverse en jugeant qu’il s’agissait là d’une condition de validité du cautionnement.

Dans un arrêt du 22 février 1984, elle a affirmé en ce sens « qu’il résulte de la combinaison des articles 1326 et 2015 du Code civil que les exigences relatives à la mention manuscrite ne constituent pas de simples règles de preuve mais ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 22 févr. 1984, n°82-17.077).

La première chambre civile a réaffirmé, dans les mêmes termes cette position dans un arrêt du 30 juin 1987 (Cass. 1ère civ. 30 juin 1987, n°85-15.760).

La solution retenue par la Cour de cassation a été très critiquée par la doctrine, les auteurs lui reprochant de se détourner de l’esprit des textes.

Au surplus, cette solution revenait à conférer un caractère solennel au cautionnement, ce qu’il n’est pas.

De son côté, la Chambre commerciale a refusé l’évolution jurisprudentielle – que d’aucuns ont qualifiée d’excès de formalisme – opéré par la Première chambre civile en jugeant que le défaut de mention manuscrite ne remettait nullement en cause la validité de l’acte constatant le cautionnement qui donc conservait sa valeur de commencement de preuve par écrit (Cass. com. 6 juin 1985, n°83-15.356).

Finalement, la première chambre civile s’est progressivement ralliée à la chambre commerciale.

Dans une première décision, elle a d’abord jugé que les exigences de signature et de mention manuscrite posées par l’ancien article 1326 du Code civil (devenu 1376 C. civ.) constituaient des « règles de preuve [qui] ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 15 nov. 1989, n°87-18.003).

Puis, dans une seconde décision rendue deux ans plus tard, elle en a tiré la conséquence que, « si l’absence de la mention manuscrite exigée par l’article 1326 du Code civil, dans l’acte portant l’engagement de caution […] rendait le cautionnement irrégulier, ledit acte constituait néanmoins un commencement de preuve par écrit pouvant être complété par d’autres éléments » et que donc l’engagement de caution n’était pas nul (Cass. 1ère civ. 15 oct. 1991, n°89-21.936).

Si cette solution a eu pour effet de ramener le cautionnement dans le giron des contrats consensuels, cela est sans compter sur les incursions du législateur qui, guidé par la volonté de protéger la caution, a, en parallèle, progressivement institué un formalisme ad validitatem.

==> L’exception tenant aux règles de protection de la caution

Alors que le cautionnement a toujours été envisagé un contrat consensuel, la loi n°89-1010 du 31 décembre 1989, dite Neiertz, est venue semer le doute en soumettant le cautionnement conclu sous seing privé par une personne physique à l’exigence d’apposition d’une mention manuscrite sur l’acte.

L’ancien article L. 313-7 du Code de la consommation prévoyait en ce sens que la personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution pour l’une des opérations de crédit à la consommation ou de crédit immobilier doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci :

« En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même ».

Cette mention était ainsi exigée ad validitatem, ce qui dès lors faisait conférait au cautionnement une dimension solennelle.

Puis la loi n° 2003-721 du 1er août 2003, dite Dutreil, a étendu l’exigence de reproduction de la mention manuscrite à tous les cautionnements souscrits par une personne physique sous seing privé au profit d’un créancier professionnel, peu importe la nature de l’opération cautionnée.

Depuis l’adoption de cette loi, les auteurs s’accordent à dire que le cautionnement doit désormais être regardé comme un contrat solennel, le législateur ayant érigé le formalisme en principe et reléguer le consensualisme au rang des exceptions.

La réforme opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 n’y a rien changé.

L’exigence de mention manuscrite a été réaffirmée à l’article 2297 du Code civil. La règle s’applique désormais à tous les cautionnements souscrits par des personnes physiques quelle que soit la qualité du créancier (professionnel ou non professionnel)

Seule modification opérée par la réforme : la formule sacramentelle dictée par la loi a été abolie. Désormais, la mention doit simplement exprimer, avec suffisamment de précision, la nature et la portée de l’engagement de la caution.

Au bilan, cette évolution du régime de la mention manuscrite est sans incidence sur le caractère solennel du cautionnement qui a pris le pas sur son caractère consensuel.

III) Le caractère unilatéral  du cautionnement

A) Signification

À l’origine le cautionnement a été envisagé comme ne créant d’obligation qu’à la charge de la seule caution.

S’il s’agit bien d’un contrat, car supposant l’accord des deux parties (caution et créancier), l’obligation qui pèse sur la caution (payer le créancier en cas de défaillance du débiteur) n’est assortie d’aucune contrepartie.

Cette particularité du cautionnement conduit à le classer dans la catégorie des contrats unilatéraux.

Pour mémoire, l’article 1106 du Code civil prévoit qu’un contrat est unilatéral « lorsqu’une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres sans qu’il y ait d’engagement réciproque de celles-ci. »

Le cautionnement répond pleinement à cette définition : seule la caution s’oblige envers le créancier qui doit accepter cet engagement faute de quoi le contrat n’est pas conclu.

À cet égard, si le caractère unilatéral du cautionnement n’est, aujourd’hui, pas contesté, une nuance doit néanmoins être apportée.

En effet, une analyse des textes révèle que l’engagement pris par la caution envers le créancier n’est pas la seule obligation créée par le cautionnement.

Surtout, il apparaît qu’un certain nombre d’obligations ont été mises à la charge du créancier, ce qui dès lors interroge sur le bien-fondé du caractère unilatéral que l’on prête au cautionnement, à tout le moins a pu semer le doute dans les esprits.

Par exemple, il pèse sur le créancier une obligation d’information de la caution sur l’état des remboursements de la dette principale. Il a encore été mis la charge de ce dernier une obligation de proportionnalité et de mise en garde.

Ces obligations – toujours plus nombreuses et rigoureuses – sont le fruit d’une succession de réformes qui ont visé à renforcer la protection de la caution.

La question s’est alors posée est de savoir si la multiplication des obligations qui ont été mises à la charge du créancier n’était pas de nature à priver le cautionnement de son caractère unilatéral.

Pour la doctrine majoritaire il n’en est rien dans la mesure où ces obligations ne constituent, en aucune manière, la contrepartie à l’engagement de la caution.

Un contrat synallagmatique, qui est la figure juridique opposé du contrat unilatéral, présente la particularité de créer des obligations réciproques entre les parties.

Par obligations réciproques, il faut entendre des obligations interdépendantes qui se servent mutuellement de contrepartie (ou de cause).

Tel n’est pas le cas des obligations qui pèsent sur le créancier qui « ne constituent pas l’engagement réciproque de celui qui a souscrit la caution »[8].

Il s’agit là d’obligations purement légales dont la fonction est seulement d’assurer la protection de la caution et non de lui fournir une quelconque contrepartie.

B) Conséquences

La qualification du cautionnement de contrat unilatéral emporte deux conséquences majeures :

  • Première conséquence
    • Parce qu’il présente un caractère unilatéral, le cautionnement n’est pas soumis à l’exigence du « double original ».
    • Cette formalité est réservée aux seuls contrats synallagmatiques.
    • L’article 1375 du Code civil prévoit en ce sens que « l’acte sous signature privée qui constate un contrat synallagmatique ne fait preuve que s’il a été fait en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct, à moins que les parties ne soient convenues de remettre à un tiers l’unique exemplaire dressé.»
    • Aussi, en pratique, le cautionnement ne sera établi qu’en un seul exemplaire, lequel sera conservé presque systématiquement par le créancier.
    • Aucune obligation ne pèse donc sur les établissements de crédit de remettre un exemplaire au client au profit duquel le cautionnement a été souscrit.
  • Seconde conséquence
    • Si le cautionnement n’est pas soumis à l’exigence du double original, il n’échappe pas pour autant à toute formalité probatoire.
    • L’article 1376 du Code civil prévoit, en effet, que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres»
    • Ainsi, pour valoir de preuve, l’acte de cautionnement doit comporter la signature de la caution et la mention manuscrite de la somme garantie en chiffres et en lettres.

C) Tempérament

Si, par nature, le cautionnement relève de la catégorie des contrats unilatéraux, il est des cas où il pourra présenter un caractère synallagmatique.

Il en ira ainsi, la caution s’engagera en contrepartie de la souscription d’obligations par le créancier.

Il pourra ainsi s’agir pour lui de consentir une remise de dette au débiteur, de proroger le terme ou encore de réduire le taux d’intérêt du prêt cautionné.

Dès lors que la caution s’engage en considération de l’engagement pris par le créancier, le cautionnement devient un contrat synallagmatique.

Il en résulte qu’il devra alors être établi en double original, conformément à l’existence posée à l’article 1375 du Code civil.

[1] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[2] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°56, p. 44

[3] G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 7e éd., 2005, p. 249, v. « crédit ».

[4] F. Grua, Les contrats de base de la pratique bancaire, Litec, 2001, n°324.

[5] Ph. Simler, Le cautionnement – Définition, critère distinctif et caractères, Jurisclasseur, art. 2288 à 2320, Fasc. 10

[6] Pour une approche nuancée de cette thèse, V. notamment M. Bourassin et V. Brénmond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, coll. « Sirey », n°145, p. 91

[7] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°74, p.55.

[8] M. Bourassin et V. Brénmond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, coll. « Sirey », n°108, p. 75

Le caractère consensuel du cautionnement

Le cautionnement est une sûreté personnelle. Par sûreté personnelle il faut entendre, pour mémoire « l’engagement pris envers le créancier par un tiers non tenu à la dette qui dispose d’un recours contre le débiteur principal »[1].

Avant la réforme des sûretés entreprise par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, le cautionnement était défini par l’article 2288 qui prévoyait que « celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ».

Cette définition avait le mérite de mettre en exergue le caractère triangulaire de l’opération de cautionnement. Reste que là n’est pas sa seule spécificité.

Le cautionnement se distingue surtout des autres sûretés en ce que :

  • D’une part, le lien qui unit la caution au créancier est nécessairement conventionnel
  • D’autre part, le cautionnement présente un caractère accessoire marqué
  • En outre, il consiste toujours en un acte unilatéral
  • Enfin, le débiteur principal, soit celui dont la dette est garantie par la caution, est un tiers à l’opération

Attentif aux critiques formulées à l’encontre de l’ancienne définition du cautionnement, le législateur a estimé, à l’occasion de la réforme des sûretés intervenue en 2021, qu’il y avait lieu de la moderniser en rendant compte des caractères essentiels du cautionnement.

Aussi, est-il désormais défini par le nouvel article 2288 du Code civil comme « le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. »

Il s’agit là d’une reprise, mot pour mot, de la proposition de définition formulée par l’avant-projet de réforme du droit des sûretés établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

Cette définition présente l’avantage de faire ressortir, tant les éléments constitutifs de l’opération de cautionnement, que ses caractères les plus saillants.

Nous nous focaliserons ici sur le caractère consensuel du cautionnement.

I) Principe

Il est admis que, conformément au principe du consensualisme, le cautionnement appartient à la catégorie des contrats consensuels.

Pour mémoire le contrat consensuel est celui qui se « forme par le seul échange des consentements quel qu’en soit le mode d’expression ».

Il s’oppose au contrat solennel dont la validité est subordonnée à des formes déterminées par la loi.

À cet égard, des auteurs soulignent que « quand la loi impose une exigence qui pourrait apparaître comme une condition de forme, elle doit être interprétée comme une règle de preuve afin de ne pas altérer le caractère consensuel du contrat »[1].

S’agissant du contrat de cautionnement il est réputé, par principe, formé dès lors que la volonté de la caution de s’engager a rencontré l’acceptation du créancier.

Si donc aucune forme particulière n’est, a priori, requise pour que le cautionnement soit valablement conclu, l’article 2294 du Code civil exige néanmoins qu’il soit « exprès ».

Par exprès, il faut comprendre que l’engagement de la caution doit être établi avec suffisamment de certitude.

Autrement dit, la caution doit avoir manifesté clairement la volonté de s’obliger au profit du créancier.

Cette volonté ne saurait se déduire des circonstances ou être tacite ; elle doit être positivement exprimée.

L’engagement oral de la caution est donc, par principe, pleinement valable, pourvu qu’il ne soit pas équivoque.

Dans un arrêt du 24 avril 1968 la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui avait admis l’existence d’un cautionnement « par de simples présomptions » (Cass. civ. 24 avr. 1968).

S’agissant de l’acceptation du créancier, contrairement à l’engagement de la caution, il n’est pas exigé qu’il soit exprès.

Il est, en effet, admis que la volonté du créancier d’accepter le cautionnement soit tacitement exprimée, soit qu’elle puisse se déduire d’indices ou de son comportement (V. en ce sens Cass. com., 13 nov. 1972).

II) Exceptions

==> L’exception tenant au formalisme exigé à titre de preuve

Parce que le cautionnement relève de la catégorie des contrats unilatéraux, il est soumis aux exigences probatoires énoncées par l’article 1376 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres ».

Appliquée au cautionnement, cette règle signifie que l’acte qui constate l’engagement de caution n’a valeur de preuve qu’à la condition qu’il soit assorti d’une mention manuscrite apposée par la caution.

Si, conformément au principe du consensualisme, il a toujours été admis que cette mention manuscrite était exigée ad probationem, la Cour de cassation a, au cours des années 1980, adopté la position radicalement inverse en jugeant qu’il s’agissait là d’une condition de validité du cautionnement.

Dans un arrêt du 22 février 1984, elle a affirmé en ce sens « qu’il résulte de la combinaison des articles 1326 et 2015 du Code civil que les exigences relatives à la mention manuscrite ne constituent pas de simples règles de preuve mais ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 22 févr. 1984, n°82-17.077).

La première chambre civile a réaffirmé, dans les mêmes termes cette position dans un arrêt du 30 juin 1987 (Cass. 1ère civ. 30 juin 1987, n°85-15.760).

La solution retenue par la Cour de cassation a été très critiquée par la doctrine, les auteurs lui reprochant de se détourner de l’esprit des textes.

Au surplus, cette solution revenait à conférer un caractère solennel au cautionnement, ce qu’il n’est pas.

De son côté, la Chambre commerciale a refusé l’évolution jurisprudentielle – que d’aucuns ont qualifiée d’excès de formalisme – opéré par la Première chambre civile en jugeant que le défaut de mention manuscrite ne remettait nullement en cause la validité de l’acte constatant le cautionnement qui donc conservait sa valeur de commencement de preuve par écrit (Cass. com. 6 juin 1985, n°83-15.356).

Finalement, la première chambre civile s’est progressivement ralliée à la chambre commerciale.

Dans une première décision, elle a d’abord jugé que les exigences de signature et de mention manuscrite posées par l’ancien article 1326 du Code civil (devenu 1376 C. civ.) constituaient des « règles de preuve [qui] ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 15 nov. 1989, n°87-18.003).

Puis, dans une seconde décision rendue deux ans plus tard, elle en a tiré la conséquence que, « si l’absence de la mention manuscrite exigée par l’article 1326 du Code civil, dans l’acte portant l’engagement de caution […] rendait le cautionnement irrégulier, ledit acte constituait néanmoins un commencement de preuve par écrit pouvant être complété par d’autres éléments » et que donc l’engagement de caution n’était pas nul (Cass. 1ère civ. 15 oct. 1991, n°89-21.936).

Si cette solution a eu pour effet de ramener le cautionnement dans le giron des contrats consensuels, cela est sans compter sur les incursions du législateur qui, guidé par la volonté de protéger la caution, a, en parallèle, progressivement institué un formalisme ad validitatem.

==> L’exception tenant aux règles de protection de la caution

Alors que le cautionnement a toujours été envisagé un contrat consensuel, la loi n°89-1010 du 31 décembre 1989, dite Neiertz, est venue semer le doute en soumettant le cautionnement conclu sous seing privé par une personne physique à l’exigence d’apposition d’une mention manuscrite sur l’acte.

L’ancien article L. 313-7 du Code de la consommation prévoyait en ce sens que la personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution pour l’une des opérations de crédit à la consommation ou de crédit immobilier doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci :

« En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même ».

Cette mention était ainsi exigée ad validitatem, ce qui dès lors faisait conférait au cautionnement une dimension solennelle.

Puis la loi n° 2003-721 du 1er août 2003, dite Dutreil, a étendu l’exigence de reproduction de la mention manuscrite à tous les cautionnements souscrits par une personne physique sous seing privé au profit d’un créancier professionnel, peu importe la nature de l’opération cautionnée.

Depuis l’adoption de cette loi, les auteurs s’accordent à dire que le cautionnement doit désormais être regardé comme un contrat solennel, le législateur ayant érigé le formalisme en principe et reléguer le consensualisme au rang des exceptions.

La réforme opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 n’y a rien changé.

L’exigence de mention manuscrite a été réaffirmée à l’article 2297 du Code civil. La règle s’applique désormais à tous les cautionnements souscrits par des personnes physiques quelle que soit la qualité du créancier (professionnel ou non professionnel)

Seule modification opérée par la réforme : la formule sacramentelle dictée par la loi a été abolie. Désormais, la mention doit simplement exprimer, avec suffisamment de précision, la nature et la portée de l’engagement de la caution.

Au bilan, cette évolution du régime de la mention manuscrite est sans incidence sur le caractère solennel du cautionnement qui a pris le pas sur son caractère consensuel.

[1] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[2] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°74, p.55.

Le caractère unilatéral du cautionnement

Le cautionnement est une sûreté personnelle. Par sûreté personnelle il faut entendre, pour mémoire « l’engagement pris envers le créancier par un tiers non tenu à la dette qui dispose d’un recours contre le débiteur principal »[1].

Avant la réforme des sûretés entreprise par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, le cautionnement était défini par l’article 2288 qui prévoyait que « celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ».

Cette définition avait le mérite de mettre en exergue le caractère triangulaire de l’opération de cautionnement. Reste que là n’est pas sa seule spécificité.

Le cautionnement se distingue surtout des autres sûretés en ce que :

  • D’une part, le lien qui unit la caution au créancier est nécessairement conventionnel
  • D’autre part, le cautionnement présente un caractère accessoire marqué
  • En outre, il consiste toujours en un acte unilatéral
  • Enfin, le débiteur principal, soit celui dont la dette est garantie par la caution, est un tiers à l’opération

Attentif aux critiques formulées à l’encontre de l’ancienne définition du cautionnement, le législateur a estimé, à l’occasion de la réforme des sûretés intervenue en 2021, qu’il y avait lieu de la moderniser en rendant compte des caractères essentiels du cautionnement.

Aussi, est-il désormais défini par le nouvel article 2288 du Code civil comme « le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. »

Il s’agit là d’une reprise, mot pour mot, de la proposition de définition formulée par l’avant-projet de réforme du droit des sûretés établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

Cette définition présente l’avantage de faire ressortir, tant les éléments constitutifs de l’opération de cautionnement, que ses caractères les plus saillants.

Nous nous focaliserons ici sur le caractère unilatéral du cautionnement.

I) Signification

À l’origine le cautionnement a été envisagé comme ne créant d’obligation qu’à la charge de la seule caution.

S’il s’agit bien d’un contrat, car supposant l’accord des deux parties (caution et créancier), l’obligation qui pèse sur la caution (payer le créancier en cas de défaillance du débiteur) n’est assortie d’aucune contrepartie.

Cette particularité du cautionnement conduit à le classer dans la catégorie des contrats unilatéraux.

Pour mémoire, l’article 1106 du Code civil prévoit qu’un contrat est unilatéral « lorsqu’une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres sans qu’il y ait d’engagement réciproque de celles-ci. »

Le cautionnement répond pleinement à cette définition : seule la caution s’oblige envers le créancier qui doit accepter cet engagement faute de quoi le contrat n’est pas conclu.

À cet égard, si le caractère unilatéral du cautionnement n’est, aujourd’hui, pas contesté, une nuance doit néanmoins être apportée.

En effet, une analyse des textes révèle que l’engagement pris par la caution envers le créancier n’est pas la seule obligation créée par le cautionnement.

Surtout, il apparaît qu’un certain nombre d’obligations ont été mises à la charge du créancier, ce qui dès lors interroge sur le bien-fondé du caractère unilatéral que l’on prête au cautionnement, à tout le moins a pu semer le doute dans les esprits.

Par exemple, il pèse sur le créancier une obligation d’information de la caution sur l’état des remboursements de la dette principale. Il a encore été mis la charge de ce dernier une obligation de proportionnalité et de mise en garde.

Ces obligations – toujours plus nombreuses et rigoureuses – sont le fruit d’une succession de réformes qui ont visé à renforcer la protection de la caution.

La question s’est alors posée est de savoir si la multiplication des obligations qui ont été mises à la charge du créancier n’était pas de nature à priver le cautionnement de son caractère unilatéral.

Pour la doctrine majoritaire il n’en est rien dans la mesure où ces obligations ne constituent, en aucune manière, la contrepartie à l’engagement de la caution.

Un contrat synallagmatique, qui est la figure juridique opposé du contrat unilatéral, présente la particularité de créer des obligations réciproques entre les parties.

Par obligations réciproques, il faut entendre des obligations interdépendantes qui se servent mutuellement de contrepartie (ou de cause).

Tel n’est pas le cas des obligations qui pèsent sur le créancier qui « ne constituent pas l’engagement réciproque de celui qui a souscrit la caution »[1].

Il s’agit là d’obligations purement légales dont la fonction est seulement d’assurer la protection de la caution et non de lui fournir une quelconque contrepartie.

II) Conséquences

La qualification du cautionnement de contrat unilatéral emporte deux conséquences majeures :

  • Première conséquence
    • Parce qu’il présente un caractère unilatéral, le cautionnement n’est pas soumis à l’exigence du « double original ».
    • Cette formalité est réservée aux seuls contrats synallagmatiques.
    • L’article 1375 du Code civil prévoit en ce sens que « l’acte sous signature privée qui constate un contrat synallagmatique ne fait preuve que s’il a été fait en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct, à moins que les parties ne soient convenues de remettre à un tiers l’unique exemplaire dressé.»
    • Aussi, en pratique, le cautionnement ne sera établi qu’en un seul exemplaire, lequel sera conservé presque systématiquement par le créancier.
    • Aucune obligation ne pèse donc sur les établissements de crédit de remettre un exemplaire au client au profit duquel le cautionnement a été souscrit.
  • Seconde conséquence
    • Si le cautionnement n’est pas soumis à l’exigence du double original, il n’échappe pas pour autant à toute formalité probatoire.
    • L’article 1376 du Code civil prévoit, en effet, que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres»
    • Ainsi, pour valoir de preuve, l’acte de cautionnement doit comporter la signature de la caution et la mention manuscrite de la somme garantie en chiffres et en lettres.

III) Tempérament

Si, par nature, le cautionnement relève de la catégorie des contrats unilatéraux, il est des cas où il pourra présenter un caractère synallagmatique.

Il en ira ainsi, la caution s’engagera en contrepartie de la souscription d’obligations par le créancier.

Il pourra ainsi s’agir pour lui de consentir une remise de dette au débiteur, de proroger le terme ou encore de réduire le taux d’intérêt du prêt cautionné.

Dès lors que la caution s’engage en considération de l’engagement pris par le créancier, le cautionnement devient un contrat synallagmatique.

Il en résulte qu’il devra alors être établi en double original, conformément à l’existence posée à l’article 1375 du Code civil.

[1] M. Bourassin et V. Brénmond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, coll. « Sirey », n°108, p. 75