Assurance de dommages : La transmission de la chose assurée

La chose assurée est nécessairement un bien dont l’utilité justifie l’appropriation et l’intégrité commande l’assurance. Étymologiquement, les biens sont des choses qui procurent des utilités à l’homme (les biens sont des choses appropriées). Une fois son utilité perdue, le bien à vocation à être transmis, soit à cause de mort, soit entre vifs. Seulement, en doit commun des obligations, la transmission d’un bien n’entraîne pas nécessairement par elle-même la transmission des contrats afférents, en l’occurrence la transmission du contrat d’assurance.

On doit à l’article 19 de la loi du 13 juillet 1930 dite Godart relative au contrat d’assurance, devenu l’article L. 121-10 C. assur. d’avoir organisé la transmission du contrat d’assurance. Le Code des assurances pose le principe de la continuation de plein droit du contrat en cours, mais réserve le droit pour l’assureur et pour l’acquéreur de résilier la police.

Faute d’être connue des sujets du droit des assurances, cette règle a soulevé des difficultés pratiques en cas d’aliénation d’un véhicule terrestre à moteur. Le vendeur pensait, bien souvent, après la vente, pouvoir reporter l’assurance sur son nouveau véhicule. Et l’acquéreur de se croire obligé de souscrire une nouvelle assurance se retrouvait (à son corps défendant) dans une situation de cumul d’assurances (v. article “Assurance de dommages : Les valeurs garanties).

Réformé, le Code des assurances renferme un régime dérogatoire propre au contrat d’assurance afférent aux véhicules terrestres à moteur (c.assur., art. L. 121-11 sur renvoi de l’art. L. 121-10, al. 6).

1.- Le régime de droit commun

La transmission du contrat d’assurance (a). La faculté de résiliation unilatérale du contrat d’assurance (b).

a.- La transmission du contrat d’assurance

Fondement de la transmission. Le contrat d’assurance étant l’accessoire du bien. Par voie de conséquence : Accessorium sequitur principale !

Conditions de la transmission. Assurance spécifique – L’article L. 121-10 C. assur. est l’une des dispositions générales du Titre 2 consacré aux règles relatives aux assurances de dommages non maritimes. Aussi, la loi autorise-t-elle que soient transmises à l’ayant cause (acquéreur ou héritier) l’assurance de chose afférente au bien dont la propriété est transférée – transfert de la garantie souscrite contre une diminution de l’actif – mais encore l’assurance qui garantit le risque de responsabilité encouru par le propriétaire ou le gardien de la chose (usage, contrôle, direction) – transfert de la garantie souscrite contre une aggravation du passif –.

Prime spécifique – La Cour de cassation s’est employée à resserrer le domaine d’application de l’article L. 121-10 C. assur. Elle considère que « la transmission de plein droit à l’acheteur d’une chose assurée de l’assurance souscrite par le vendeur a pour condition nécessaire que la chose achetée soit la matière d’un risque qui lui est propre, auquel correspond une prime spéciale ou une partie divisible de la prime totale » (Cass. civ.  27 janv. 1948, D. 1949, p. 458, note A. Besson). Autrement dit, l’assurance doit se rapporter de façon spéciale et indépendante à la chose transférée. Cette condition n’est satisfaite que lorsque, d’une part, la chose assurée est individualisée et déterminée précisément dans la police et, d’autre part, lorsque la couverture des risques afférents à cette chose donne lieu au paiement d’une prime spéciale et indépendante. Or, en pratique, la police a fréquemment pour objet plusieurs biens, possiblement individualisés, mais garantis contre le paiement d’une prime globale et forfaitaire. L’assurance étant alors accessoire de l’ensemble des biens, elle ne peut être transmise lorsque l’un seulement des éléments est cédé.

– Contrat en cours – Seule une assurance en vigueur au moment du transfert de propriété est susceptible d’être transmise à l’acquéreur de la chose. Résiliée, la police ne pourra être transmise : nemo plus juris…(personne ne peut transférer à autrui plus de droits qu’il n’en a lui-même). Révoquée (convention révocatoire) par les parties, la police ne pourra pas non plus être transmise : mutuus dissensus. Il en sera ainsi toutes les fois que l’assureur et l’assuré auront convenu avant la cession de reporter l’assurance sur la chose acquise par l’assuré en remplacement du bien qu’il s’apprête à vendre.

Transfert de propriété – On aura garde noter que si le transfère de propriété de la chose assurée devait être annulé ou résolu, la transmission du contrat d’assurance serait rétroactivement anéantie. Le cédant serait considéré comme n’ayant jamais perdu la qualité d’assuré. On voit là une manifestation remarquable de l’effet des nullités sur le temps (dialectique liberté des contractants vs sécurité des contrats).

Effets de la transmission. La transmission du contrat d’assurance est active et passive. Au jour du transfert de propriété, le cessionnaire se substitue à l’ancien propriétaire. Il bénéficie des droits nés du contrat. Il est en l’occurrence créancier de la garantie souscrite par le cédant. On dit qu’il y a transmission active du contrat d’assurance. La cession de créance n’a pas d’effet novatoire (art. 1692 anc. c.civ. : « La vente ou la cession d’une créance comprend les accessoires de la créance au temps du transport, quoi qu’il soit fait sans garantie ») : l’assureur est fondé à opposer à l’assuré substitué les clauses d’exclusions et de déchéances (principe d’opposabilité des exceptions) à la condition sine qua non qu’il en ait informé son cocontractant.

S’il bénéficie des droits nés du contrat, l’assuré substitué est débiteur des obligations contractées. Il doit, énonce l’article L. 121-10 c.assur, « exécuter toutes les obligations dont l’assuré était tenu vis-à-vis de l’assureur en vertu du contrat ». Il doit déclarer toute aggravation du risque (art. L. 113-2, 3°, c.assur.), tout sinistre postérieur à l’acquisition. Il doit payer toutes les primes à échoir (à tout le moins, précise l’article L. 121-10, al. 3 c.assur., à partir du moment où le cédant à informer son assureur par lettre recommandée du changement de propriétaire).

b.- La faculté de résiliation réciproque du contrat d’assurance

La transmission de plein droit du contrat d’assurance en cas d’aliénation de la chose assurée est tempérée par la faculté de résiliation réciproque. Cette faculté entend ménager la liberté contractuelle. Il se peut fort bien que l’assureur et le nouveau propriétaire ne souhaitent pas poursuivre les relations contractuelles. L’article L. 121-10, al. 2 C. com. est un texte supplétif de volonté (voy. par ex. Cass. 2ème civ., 7 oct. 2010, n° 09-16763, Resp. civ. assur., déc. 2010, comm. 331 M. Asselain, « Aliénation de la chose assurée : modalités de résiliation de l’assurance transmise accessoirement à la chose »).

2.- Le régime spécial

La transmission de plein droit du contrat d’assurance en cas d’aliénation de la chose assurée est paralysée toutes les fois que ladite chose est un véhicule terrestre à moteur ou, par extension législative, s’il s’agit d’une cession entre vifs de « navires ou de bateaux de plaisance, quel que soit le mode de déplacement ou de propulsion utilisée » (c.assur., art. L. 121-11).

C’est qu’il existe des circonstances dans lesquelles l’aliénateur peut avoir intérêt à conserver le bénéfice de l’assurance contractée. En pratique, il est fréquent que le vendeur d’un véhicule rachète un nouvel engin et désire en conséquence transférer l’assurance du véhicule vendu au nouveau. Le transfère du contrat de l’article L. 121-10 C. assur. l’interdirait.

En cette occurrence, le contrat est suspendu, qu’il garantisse le patrimoine de l’assuré contre un risque de diminution de l’actif (assurance de choses) ou contre un risque d’aggravation du passif (assurance de responsabilité).

La suspension, qui s’effectue de plein droit – i.e. sans qu’elle ne soit subordonnée à la rédaction d’un avenant ou d’une signification faite par l’assuré à l’assureur (Cass. 1ère civ. 27 avr. 1996, Bull. civ. I, n° 248) – prend effet le lendemain du jour de l’aliénation, à 0 heure (C. assur., art. L. 121-11, al. 1er). Le nouvel acquéreur bénéficie donc de l’assurance toute la journée de son acquisition.

Suspendu, le contrat n’est pas ipso jure résilié. Il importe que les parties ne laissent pas les choses en l’état. L’acheteur peut demander le bénéfice de la garantie promise au contrat afin de couvrir le risque encouru par la chose substituée. La loi énonce que l’accord des parties doit être constaté. Il s’agira en pratique de signer un avenant au contrat. À défaut, les parties seront libres de résilier le contrat. La résiliation opérera dans les 10 jours qui suivent la dénonciation de la police. S’il s’avérait qu’aucune résiliation conventionnelle n’ait été constatée ou que le contrat n’ait plus été exécuté, la résiliation opérerait, de plein droit, à l’expiration d’un délai de 6 mois, à compter de l’aliénation (opération par laquelle celui qui aliène transmet volontairement à autrui la propriété d’une chose).

Assurance de dommages : le cumul d’assurances

Principe indemnitaire. Le contrat d’assurance a pour objet de garantir à l’assuré, en cas de réalisation du risque couvert, la compensation économique du dommage éprouvé. En toute hypothèse, le principe indemnitaire interdit à l’assureur de servir une prestation qui dépasserait le montant de la valeur de la chose assuré au moment du sinistre (C. assur., art. L. 121-1, al. 1er). Le bénéficiaire de l’assurance ne saurait être replacé dans une situation meilleure que celle qui aurait été la sienne si le sinistre ne s’était pas produit. Le texte est d’ordre public. Autrement dit, la valeur assurée ne peut en aucun cas être supérieur à la valeur assurable. Aucune clause de la police ne peut y faire obstacle. Une solution inverse inciterait l’assuré à l’imprudence, voire le conduirait à provoquer le dommage. L’article L. 121-1 C. assur. prohibe l’assurance-risque et la spéculation (voy. l’article : “L’intérêt d’assurance : Notion et fonctions”). Au vrai, la pratique des franchises et des plafonds atteste que l’assureur accepte rarement de couvrir la valeur totale du préjudice souffert. Quant à l’assuré, qui est libre – sauf cas d’assurance obligatoire – de souscrire un contrat d’assurance, il est en droit de ne faire garantir par l’assureur qu’un capital inférieur au montant du dommage susceptible de le frapper. Il est alors en situation dite de sous-assurance (terme issu de la pratique).

Excès d’assurance. Si la valeur assurée se révélait supérieure à la valeur assurable, l’assurance serait dite excessive. Dans le langage courant des assurances, on parle de surassurance (terme générique).

L’excès d’assurance peut résulter de la souscription d’un unique contrat pour une somme supérieure à la valeur du sinistre possible. C’est ce que l’on appelle, la surassurance simple (v. article « Assurance de dommages : la surassurance simple). Il peut également être provoqué par la souscription au profit d’un même assuré de plusieurs contrats garantissant le même risque. C’est ce que l’on appelle les assurances cumulatives.

Cumul d’assurances. Il y a cumul d’assurances, au sens de l’article L. 121-4, al. 1er, C. assur., dès lors qu’une personne est assurée « auprès de plusieurs assureurs, par plusieurs polices, pour un même intérêt et contre un même risque ».

Un pareil cumul résulte, dans la plupart des cas (sauf le cas de figure de l’assuré qui souscrit une assurance pour le même objet auprès de plusieurs assureurs qui garantissent chacun une fraction de la valeur dudit objet) d’un excès d’assurance susceptible de porter atteinte au principe indemnitaire pour peu que le souscripteur entende tirer profit simultanément de l’ensemble des contrats conclus. Obtenant plusieurs indemnisations à l’occasion de la survenance d’un dommage unique, l’intéressé serait injustement enrichi.

Division. Les critères du cumul d’assurances (1). Le régime du cumul d’assurances (2)

1.- Les critères du cumul d’assurances

Pluralité de polices et d’assureurs. L’article L. 121-4 C. assur. pose la condition d’une multiplicité de polices. On ne saurait parler de cumul sans que plusieurs assurances n’aient été souscrites. La loi conditionne également la nullité de la garantie à la multiplicité des assureurs. Pour cause : si les polices, dont les garanties se recoupent, sont stipulées auprès d’un seul assureur, le risque de cumul est des plus hypothétiques. Avisé de l’ensemble des garanties souscrites, l’assureur refusera de les faire jouer au-delà du montant des dommages effectivement soufferts par l’assuré. La situation est comparable à celle qui résulte d’une assurance simple. En l’occurrence, c’est bien plutôt l’article L. 121-3 C. assur. qui doit recevoir application (régime de la surassurance).

Excès d’assurance. L’article L. 121-4 C. assur. n’envisage pas expressément l’excès d’assurance au nombre des critères de l’assurance cumulative. Pourtant, il va sans dire que le régime du cumul est subordonné à cette condition. La somme des indemnités que chacun des assureurs est susceptible de verser doit excéder le montant du dommage possible. Pour mémoire, la réglementation du cumul entend empêcher la violation du principe indemnitaire (v. supra).

L’excès d’assurance permet de distinguer les assurances cumulatives d’autres formes d’assurances multiples. Ainsi, lorsque plusieurs assureurs couvrent ensemble un même risque, ce que l’on appelle la coassurance, chacun garantit une fraction déterminée du sinistre. Intégralement indemnisé, mais sans enrichissement indu ; le principe indemnitaire est sauf. Il en va de même en cas d’assurances dites par lignes, dans lesquelles chacun des assureurs prend en charge un même risque mais ne couvre qu’une tranche déterminée du dommage. Le premier assureur couvre la 1ère tranche du sinistre jusqu’à un certain montant, et le second n’intervient qu’à la condition que le coût du sinistre dépasse le plafond fixé par le 1er contrat.

Simultanéité des garanties. L’excès d’assurances suppose nécessairement l’existence d’un cumul d’assurances. Si l’un des contrats est suspendu (C. assur., art. L. 113-3, al. 2) ou résilié (C. assur., art. L. 113-3, al. 3), le risque d’enrichissement de l’assuré est forcément exclu. Il ne saurait y avoir d’atteinte portée au principe indemnitaire.

Identité de risque. Le cumul d’assurances suppose que les différentes assurances en présence aient pour objet la couverture d’un même risque. C’est l’exemple du chef de famille qui souscrit auprès de plusieurs assureurs, par des contrats distincts, une garantie responsabilité civile pour les dommages causés par ses enfants dans le cadre d’activités de loisir (v. C. assur., art. L. 121-2). Bien souvent, ce risque est garanti par au moins trois contrats souscrits auprès d’assureurs différents : assurance multirisques habitation ou vie privée, assurance scolaire et extrascolaire, assurance de l’activité sportive ou de loisirs concernée. C’est encore l’exemple de l’assurance de responsabilité civile individuelle souscrite par un chasseur et l’assurance de responsabilité civile souscrite par une société de chasse au profit de ses membres.

À noter qu’en l’absence d’identité de risque, les assurances ne sont pas cumulatives, mais alternatives.

Identité d’intérêt. L’identité d’intérêt est une condition expresse d’existence du cumul d’assurances. Dispose d’un tel intérêt, la personne dont le patrimoine est susceptible d’être atteint par la réalisation du risque garanti et qui est susceptible de recueillir l’indemnité due par l’assureur en cas de sinistre.

Identité de souscripteur. L’identité de souscripteur est une condition distincte et autonome de l’identité d’intérêt. Dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 juillet 1982, l’article L. 121-4 C. assur. visait « celui qui s’assure », non pas celui qui est assuré. En droit québécois, l’article 2496 C.civ. dispose que « celui qui, sans fraude, est assuré auprès de plusieurs assureurs, par plusieurs polices, pour un même intérêt et contre un même risque, de telle sorte que le calcul des indemnités qui résulterait de leur exécution indépendante dépasse le montant du préjudice subi, peut se faire indemniser par le ou les assureurs de son choix n’étant tenu que pour le montant auquel il s’est engagé ». Interprété à la lettre, le texte faisait de l’identité du souscripteur une condition d’existence du cumul. La jurisprudence retenait cependant le cumul d’une assurance pour compte et d’une assurance de chose prises contre un même risque et dans l’intérêt d’un unique assuré par deux souscripteurs différents (v. par ex. les comm. sous c.assur. Litec, art. L. 121-3). L’exemple type est celui du transporteur de marchandises qui souscrit, en sus de sa propre assurance de responsabilité, une assurance de biens pour le compte du propriétaire de marchandises, lequel a bien souvent souscrit une assurance pour garantir la perte éventuelle de ses marchandises. Dans sa rédaction actuelle, l’article précité mentionne « celui qui est assuré auprès de plusieurs assureurs ». Par ce changement de formulation, le législateur entendait viser les assurances pour compte et prendre acte de la jurisprudence développée sous l’empire de l’ancien texte. Pourtant, la Cour de cassation affirme depuis lors que les dispositions de l’article L. 121-4 c.assur. ne sont applicables que si un même souscripteur a souscrit auprès de plusieurs assureurs des contrats d’assurance pour un même intérêt et contre un même risque (Cass. 1ère civ., 21 nov. 2000, Bull. civ. I, n° 292, Resp. civ. et assur. 2001, comm. 63 et note 5, H. Groutel – 29 oct. 2002, Bull. civ. I, n° 242, Resp. civ. et assur. 2003, comm.. 57, note H. Groutel – 17 févr. 2005, Resp. civ. et assur. 2005, comm.. 171, note H. Groutel). Exit toute possibilité de cumul entre assurance pour compte et assurance de chose. De ce point de vue, on peut légitimement regretter le risque d’enrichissement du propriétaire encouru, du reste, en raison d’une interprétation extra legem (voire contra legem) de l’article L. 121-4 C. assur. (« celui qui est assuré auprès de plusieurs assureurs (…) »).

2.- Le régime du cumul d’assurances

Obligation de déclaration. L’article L. 121-4, al. 1er, c.assur. oblige l’assuré en situation de cumul d’assurances à « donner immédiatement à chaque assureur connaissance des autres assureurs ». L’assuré doit donc déclarer ses assurances cumulatives multiples, et ce dès la souscription du second contrat, qui fait naître le cumul ou bien dès que le tiers assuré aura pris connaissance de l’existence d’une deuxième assurance souscrite à son profit. Une pareille déclaration a pour objet de prévenir toute atteinte au principe indemnitaire. À certains égards, il va de l’intérêt de l’assuré qui se dispensera du paiement d’une prime excessive (faculté de demander au surplus une réduction proportionnelle des assurances). La loi et les tribunaux n’imposent aucune forme particulière. L’article L. 121-4, al. 2, C.assur. se contente, dans une formule lapidaire, d’exiger que l’assuré, lors de cette communication, fasse connaître le nom de l’assureur avec lequel une autre assurance a été contractée et qu’il indique la somme assurée. Pour des raisons évidentes de preuve, ladite communication doit être adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

En pratique, l’efficacité de cette obligation de déclaration est douteuse : l’omission est fréquente. Tantôt, les assurés ignorent être bénéficiaires d’assurances cumulatives, tantôt les assurés ignorent l’existence de cette obligation. Du reste, l’omission n’est pas sanctionnée. L’assuré n’est pas constitué en faute ; la loi n’édicte à son encontre aucune présomption de mauvaise foi. Mais, en toutes hypothèses, les assurances cumulatives frauduleuses seront sanctionnées.

Assurances cumulatives frauduleuses. Quand plusieurs assurances contre un même risque sont contractées de manière dolosive ou frauduleuse, la nullité est encourue (c.assur., art. L. 121-4, al. 3). En outre, des dommages et intérêts peuvent être réclamés (c.assur., art. L. 121-3, al. 1, in fine).

La fraude consiste pour l’assuré à souscrire plusieurs contrats d’assurance avec l’intention, en cas de réalisation du risque garanti, de percevoir une pluralité d’indemnités. Conformément au droit de la preuve, il appartient à l’assureur de rapporter les faits nécessaires au succès de sa prétention (C. proc. civ., art. 9). Autrement dit, l’assureur doit prouver la mauvaise foi de l’assuré ; la chose est peu aisée. On sait pourtant combien « la preuve est la rançon des droits ». L’absence de déclaration de cumul ne constitue pas ipso facto l’assuré en faute. En pratique, la fraude apparaîtra à l’occasion de la réalisation du risque, lorsque l’assuré, ayant déclaré le sinistre à plusieurs assureurs, tentera de percevoir des indemnités dont le montant cumulé dépasse la valeur du dommage subi.

Conformément au droit commun, le domaine de la nullité est circonscrit. L’article L. 121-4 c.assur. suppose une fraude commise au moment de la conclusion du contrat. La preuve est diabolique : il est fréquent que les éléments de preuve dont dispose l’assureur établissent l’intention malhonnête de l’assuré une fois seulement le sinistre réalisé, et non au jour de la souscription des polices. Du reste, il est possible que l’intention frauduleuse ne naisse dans l’esprit de l’assuré qu’au jour de la réalisation du sinistre, lequel succombe à la tentation de percevoir une indemnité double voire triple, alors qu’il avait souscrit les différents contrats en toute bonne foi. Un dicton : l’occasion fait le larron ! Dans cette hypothèse, c’est la déchéance pour exagération frauduleuse des conséquences du sinistre qu’il convient de faire jouer et non pas la sanction de l’article L. 121-4 c.assur. La déchéance n’étant toutefois pas, à proprement parler, une sanction légale mais conventionnelle, une clause spéciale de la police d’assurance doit encore l’avoir prévue (c.assur., art. L. 112-4).

La sanction de la fraude est la nullité de l’ensemble des assurances cumulatives frauduleusement contractées (c.assur., art. L. 121-4, al. 3). On aura garde de noter que contre la lettre de la loi (c.assur., art. L. 112-4), la jurisprudence décide qu’il est indifférent que la police n’ait pas prévu cette sanction (Cass. 1ère civ., 9 nov. 1981, D. 1983, p. 303, note Cl. Berr et H. Groutel). La sanction est lourde : l’assuré est privé de toute garantie. Le cas échéant, il doit restituer les indemnités perçues à l’occasion d’un précédent sinistre. Le droit à des dommages et intérêts fonde l’assureur à conserver les indemnités perçues en vertu du contrat annulé.

Assurances cumulatives non frauduleuses (ou faute de preuve de l’intention dolosive). Les assurances cumulatives, dont le caractère frauduleux n’est pas avéré, sont valables (c.assur., art. L. 121-4, al. 4). « Le bénéficiaire du contrat peut obtenir l’indemnisation de ses dommages en s’adressant à l’assureur de son choix ». La loi dispose que l’assuré, qui donne avis à l’assureur d’un sinistre de nature à entraîner la garantie de son assureur ( c.assur., art. L. 113-2, 4°), oblige ce dernier à la dette d’indemnité. Autrement dit, l’assureur ne peut pas refuser de payer en opposant à son assuré l’existence des autres contrats. Toute clause, qui subordonnerait la mise en œuvre du contrat qui la contient à l’absence, l’insuffisance ou la défaillance d’une autre assurance, est prohibée (Cass. 1ère civ. 16 juin 1987, Bull. civ. I, n° 193). L’assuré n’est plus obligé de diviser ses poursuites (ce qui était le cas avant la loi du 13 juill. 1982) et d’assigner l’ensemble des assureurs pour obtenir l’indemnisation totale à laquelle il a droit. Par ailleurs, il ne s’agirait pas que l’assuré espérât s’enrichir. Si le cumul ne doit pas lui nuire, il ne doit pas non plus lui profiter. La loi dispose que l’indemnité due par l’assureur à l’assuré ne doit excéder le montant de la garantie promise ni ne doit dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre (C. assur., art. L. 121-1, al. 1 sur renvoi art. L. 121-4, al. 4). En pratique, l’assuré de bonne foi réclame une indemnisation à celui des assureurs qui lui offre la garantie la plus complète. S’il s’avérait que la garantie était insuffisante, il lui serait loisible de se tourner vers un autre assureur de son choix aux fins d’indemnisation complémentaire, dans la limite bien entendu de la valeur déclarée de la chose. Une fois les prestations indemnitaires servies, l’assureur solvens peut se prévaloir de l’existence des autres polices pour ne pas souffrir seul la charge finale de l’indemnisation (c.assur., art. L. 121-4, al. 5). Les recours en contribution étant relativement coûteux, il existe des conventions entre assureurs qui les écartent.

Assurance de dommages : la surassurance simple

Principe indemnitaire. Le contrat d’assurance a pour objet de garantir à l’assuré, en cas de réalisation du risque couvert, la compensation économique du dommage éprouvé. En toute hypothèse, le principe indemnitaire interdit à l’assureur de servir une prestation qui dépasserait le montant de la valeur de la chose assuré au moment du sinistre (C. assur., art. L. 121-1, al. 1er). Le bénéficiaire de l’assurance ne saurait être replacé dans une situation meilleure que celle qui aurait été la sienne si le sinistre ne s’était pas produit. Le texte est d’ordre public. Autrement dit, la valeur assurée ne peut en aucun cas être supérieure à la valeur assurable. Aucune clause de la police ne peut y faire obstacle. Une solution inverse inciterait l’assuré à l’imprudence, voire le conduirait à provoquer le dommage (voy. l’article “L’intérêt d’assurance : Notion et fontions”). L’article L. 121-1 C. assur. prohibe l’assurance-risque et la spéculation. Au vrai, la pratique des franchises et des plafonds atteste que l’assureur accepte rarement de couvrir la valeur totale du préjudice souffert. Quant à l’assuré, qui est libre – sauf cas d’assurance obligatoire – de souscrire un contrat d’assurance, il est en droit de ne faire garantir par l’assureur qu’un capital inférieur au montant du dommage susceptible de le frapper. Il est alors en situation dite de sous-assurance (terme issu de la pratique).

Excès d’assurance. Si la valeur assurée se révélait supérieure à la valeur assurable, l’assurance serait dite excessive. Dans le langage courant des assurances, on parle de “surassurance”. L’excès d’assurance peut résulter de la souscription d’un unique contrat pour une somme supérieure à la valeur du sinistre possible. C’est ce que l’on appelle, la surassurance simple. Il peut également être provoqué par la souscription au profit d’un même assuré de plusieurs contrats garantissant le même risque. C’est ce que l’on appelle les assurances cumulatives (v. article « Assurance de dommages : le cumul d’assurances).

Surassurance simple. Il y a surassurance simple dès lors que l’on est assuré pour une somme supérieure au dommage que l’on peut effectivement subir.

Il résulte de cette définition que la réglementation fixée à l’article L. 121-3 c.assur. ne s’applique qu’aux assurances de dommages. Seuls sont visés les contrats comprenant l’indication d’une valeur assurée et garantissant l’indemnisation de dommages dont il est possible de mesurer par avance le coût maximum (assurances comportant une valeur d’assurance déterminable). Seules les assurances de choses et de responsabilité déterminée tombent sous le coup de l’article précité. Les assurances de responsabilité indéterminée (assurances automobile), qui couvrent des dommages dont le montant ne peut être connu qu’une fois le risque réalisé demeurent exclues du champ d’application de la règle légale.

La surassurance n’est pas ipso jure sanctionnée. L’article L. 121-3, al. 2 C. assur. énonce « s’il n’y a eu ni dol ni fraude, le contrat est valable ». Et le premier alinéa de disposer : « Lorsqu’un contrat d’assurance a été consenti pour une somme supérieure à la valeur de la chose assurée, s’il y a eu dol ou fraude de l’une des parties, l’autre partie peut en demander la nullité et réclamer, en outre, des dommages et intérêts ». Aussi, il importe d’établir la fraude commise par le souscripteur ou par l’assureur : fraus omnia corrumpit.

1.- La surassurance frauduleuse

Il y a dol de la part de l’assuré, lorsqu’il fait garantir une somme excessive dans le seul but d’obtenir, en cas de sinistre, une somme supérieure au dommage réellement subi. La loi sanctionne en l’occurrence l’intention frauduleuse de se procurer un profit illégitime. En pratique, l’assureur n’a aucun intérêt à réclamer la nullité du contrat en l’absence de sinistre. Pour échapper au paiement de l’indemnité, il lui est loisible d’opposer une clause de déchéance pour exagération frauduleuse du dommage.

Il y a fraude de la part de l’assureur lorsqu’il exagère consciemment la valeur assurée en vue d’encaisser des primes plus élevées. L’hypothèse est d’école. En pratique, le montant de la somme assurée est fixé soit unilatéralement par l’assuré (contrat souscrit en valeur déclarée), soit d’un commun accord par les parties (contrat souscrit en valeur agréée).

La nullité a un rôle préventif. Elle dissuade l’assuré de commettre la fraude qui pourrait l’enrichir. En cela, elle participe du principe indemnitaire.

La nullité a un effet curatif. Elle entraîne l’anéantissement rétroactif du contrat. Le retour au statu quo ante implique que l’assureur doit restituer les primes qu’il a reçues et que l’assuré rembourse les indemnités qui lui ont été payées. Et la loi de prévoir que la victime de la fraude peut réclamer en outre des dommages-intérêts (C. assur., art. L. 121-3, al. 1er, in fine).

2.- La surassurance non frauduleuse

La bonne foi se présumant, la surévaluation sera considérée comme non frauduleuse chaque fois que la surévaluation de la valeur du bien assuré (ou du dommage possible) est involontaire, mais aussi lorsque la fraude ou le dol de l’une des parties n’a pu être établi celui qui argue de la nullité du contrat.

L’article L. 121-3, al. 2 C. assur. prévoit que la surassurance non frauduleuse, faite de bonne foi, ne donne lieu qu’à une réduction de l’assurance pour la ramener dans les proportions autorisées par la loi : la valeur assuré est corrigée pour correspondre à la valeur assurable, et le montant des primes est réduit en proportion.

La réduction du contrat peut être demandée par l’une ou l’autre des parties et à tout moment. Avant la survenance du sinistre, l’assureur est peu enclin à la réclamer sauf s’il craint, une fois le dommage réalisé, de ne pas être en mesure de démontrer la surassurance, ce qui le conduirait à verser une indemnité supérieur à la valeur du sinistre. En pratique, c’est bien plutôt l’assuré qui demande une semblable réduction dans l’intention de réduire la prime payée. Inversement en cas de sinistre, la réduction interviendra à l’initiative de l’assureur dans le dessein de servir une indemnité inférieure au montant de la valeur assurée.

La réduction n’a pas d’effet rétroactif. L’assuré ne sera donc pas en droit de réclamer à l’assureur l’excédent de prime versé pendant toute la période où l’assurance était excessive. A l’avenir toutefois, il paiera une prime moindre, c’est-à-dire à la prochaine échéance (C. assur., art. L. 121-3, al. 2).

Assurance de dommages : Les valeurs garanties

Le contrat d’assurance a pour objet de garantir à l’assuré, en cas de réalisation du risque couvert, la compensation économique du dommage éprouvé. En toute hypothèse, le principe indemnitaire interdit à l’assureur de servir une prestation qui dépasserait le montant de la valeur de la chose assuré au moment du sinistre (C. assur., art. L. 121-1, al. 1er). Le bénéficiaire de l’assurance ne saurait être replacé dans une situation meilleure que celle qui aurait été la sienne si le sinistre ne s’était pas produit. Le texte est d’ordre public. Autrement dit, la valeur assurée ne peut en aucun cas être supérieure à la valeur assurable. Aucune clause de la police ne peut y faire obstacle. Pour cause : une solution inverse inciterait l’assuré à l’imprudence, voire le conduirait à provoquer le dommage. L’article L. 121-1 C. assur. prohibe l’assurance-risque et la spéculation. Au vrai, la pratique des franchises et des plafonds atteste que l’assureur accepte rarement de couvrir la valeur totale du préjudice souffert. Quant à l’assuré, qui est libre – sauf cas d’assurance obligatoire – de souscrire un contrat d’assurance, il est en droit de ne faire garantir par l’assureur qu’un capital inférieur au montant du dommage susceptible de le frapper. Il est alors en situation dite de sous-assurance (terme issu de la pratique).

Si d’aventure, la valeur assurée se révélait supérieure à la valeur assurable, l’assurance serait dite excessive. Dans le langage courant des assurances, on parle de surassurance. L’excès d’assurance peut résulter de la souscription d’un unique contrat pour une somme supérieure à la valeur du sinistre possible. C’est ce que l’on appelle, la surassurance simple (1). Il peut également être provoqué par la souscription au profit d’un même assuré de plusieurs contrats garantissant le même risque. C’est ce que l’on appelle les assurances cumulatives (2).

1.- La surassurance simple

Il y a surassurance dès lors que l’on est assuré pour une somme supérieure au dommage que l’on peut effectivement subir.

Il résulte de cette définition que la réglementation fixée à l’article L. 121-3 ne s’applique qu’aux assurances de dommages. Seuls sont visés les contrats comprenant l’indication d’une valeur assurée et garantissant l’indemnisation de dommages dont il est possible de mesurer par avance le coût maximum (assurances comportant une valeur d’assurance déterminable). Seules les assurances de choses et de responsabilité déterminée tombent sous le coup de l’article précité. Les assurances de responsabilité indéterminée (assurances automobile), qui couvrent des dommages dont le montant ne peut être connu qu’une fois le risque réalisé demeurent exclues du champ d’application de la règle légale.

La surassurance n’est pas ipso jure sanctionnée. L’article L. 121-3, al. 2 C. assur. énonce « s’il n’y a eu ni dol ni fraude, le contrat est valable ». Et le premier alinéa de disposer : « Lorsqu’un contrat d’assurance a été consenti pour une somme supérieure à la valeur de la chose assurée, s’il y a eu dol ou fraude de l’une des parties, l’autre partie peut en demander la nullité et réclamer, en outre, des dommages et intérêts ». Aussi, il importe d’établir la fraude commise par le souscripteur ou par l’assureur : fraus omnia corrumpit.

La surassurance frauduleuse

Il y a dol de la part de l’assuré, lorsqu’il fait garantir une somme excessive dans le seul but d’obtenir, en cas de sinistre, une somme supérieure au dommage réellement subi. La loi sanctionne en l’occurrence l’intention frauduleuse de se procurer un profit illégitime. En pratique, l’assureur n’a aucun intérêt à réclamer la nullité du contrat en l’absence de sinistre. Pour échapper au paiement de l’indemnité, il lui est loisible d’opposer une clause de déchéance pour exagération frauduleuse du dommage.

Il y a fraude de la part de l’assureur lorsqu’il exagère consciemment la valeur assurée en vue d’encaisser des primes plus élevées. L’hypothèse est d’école. En pratique, le montant de la somme assurée est fixé soit unilatéralement par l’assuré (contrat souscrit en valeur déclarée), soit d’un commun accord par les parties (contrat souscrit en valeur agréée).

La nullité a un rôle préventif. Elle dissuade l’assuré de commettre la fraude qui pourrait l’enrichir. En cela, elle participe du principe indemnitaire.

La nullité a un effet curatif. Elle entraîne l’anéantissement rétroactif du contrat. Le retour au statu quo ante implique que l’assureur doit restituer les primes qu’il a reçues et que l’assuré rembourse les indemnités qui lui ont été payées. Et la loi de prévoir que la victime de la fraude peut réclamer en outre des dommages-intérêts (C. assur., art. L. 121-3, al. 1er, in fine).

La surassurance non frauduleuse

La bonne foi se présumant, la surévaluation sera considérée comme non frauduleuse chaque fois que la surévaluation de la valeur du bien assuré (ou du dommage possible) est involontaire, mais aussi lorsque la fraude ou le dol de l’une des parties n’a pu être établi(e) par celui qui argue de la nullité du contrat.

L’article L. 121-3, al. 2 C. assur. prévoit que la surassurance non frauduleuse, faite de bonne foi donc, ne donne lieu qu’à une réduction de l’assurance pour la ramener dans les proportions autorisées par la loi : la valeur assuré est corrigée pour correspondre à la valeur assurable, et le montant des primes est réduit en proportion.

La réduction du contrat peut être demandée par l’une ou l’autre des parties et à tout moment. Avant la survenance du sinistre, l’assureur est peu enclin à la réclamer sauf s’il craint, une fois le dommage réalisé, de ne pas être en mesure de démontrer la surassurance, ce qui le conduirait à verser une indemnité supérieure à la valeur du sinistre. En pratique, c’est bien plutôt l’assuré qui demande une semblable réduction dans l’intention de réduire la prime payée. Inversement en cas de sinistre, la réduction interviendra à l’initiative de l’assureur dans le dessein de servir une indemnité inférieure au montant de la valeur assurée.

La réduction n’a pas d’effet rétroactif. L’assuré ne sera donc pas en droit de réclamer à l’assureur l’excédent de prime versé pendant toute la période où l’assurance était excessive. A l’avenir toutefois, il paiera une prime moindre, c’est-à-dire à la prochaine échéance (C. assur., art. L. 121-3, al. 2).

2.- Les assurances cumulatives

Il y a cumul d’assurances, au sens de l’article L. 121-4, al. 1er, C. assur., dès lors qu’une personne est assurée « auprès de plusieurs assureurs, par plusieurs polices, pour un même intérêt et contre un même risque ».

Un pareil cumul résulte, ex eo quod plerumque fit, sauf le cas de l’assuré qui souscrit une assurance pour le même objet auprès de plusieurs assureurs qui garantissent chacun une fraction de la valeur dudit objet, d’un excès d’assurance susceptible de porter atteinte au principe indemnitaire pour peu que le souscripteur entende tirer profit simultanément de l’ensemble des contrats conclus. Obtenant plusieurs indemnisations à l’occasion de la survenance d’un dommage unique, l’intéressé serait injustement enrichi.

Les critères du cumul d’assurances

Pluralité de polices et d’assureurs. L’article L. 121-4 C. assur. pose la condition d’une multiplicité de polices. On ne saurait parler de cumul sans que plusieurs assurances n’aient été souscrites. La loi conditionne également la nullité de la garantie à la multiplicité des assureurs. Pour cause : si les polices, dont les garanties se recoupent, sont stipulées auprès d’un seul assureur, le risque de cumul est des plus hypothétiques. Avisé de l’ensemble des garanties souscrites, l’assureur refusera de les faire jouer au-delà du montant des dommages effectivement soufferts par l’assuré. La situation est comparable à celle qui résulte d’une assurance simple. En l’occurrence, c’est bien plutôt l’article L. 121-3 C. assur. qui doit recevoir application (régime de la surassurance).

Excès d’assurance. L’article L. 121-4 C. assur. n’envisage pas expressément l’excès d’assurance au nombre des critères de l’assurance cumulative. Pourtant, il va sans dire que le régime du cumul est subordonné à cette condition. La somme des indemnités que chacun des assureurs est susceptible de verser doit excéder le montant du dommage possible. Pour mémoire, la réglementation du cumul entend empêcher la violation du principe indemnitaire.

L’excès d’assurance permet de distinguer les assurances cumulatives d’autres formes d’assurances multiples. Ainsi, lorsque plusieurs assureurs couvrent ensemble un même risque, ce que l’on appelle la coassurance, chacun garantit une fraction déterminée du sinistre. Intégralement indemnisé, mais sans enrichissement indu ; le principe indemnitaire est sauf. Il en va de même en cas d’assurances dites par lignes, dans lesquelles chacun des assureurs prend en charge un même risque mais ne couvre qu’une tranche déterminée du dommage. Le premier assureur couvre la 1ère tranche du sinistre jusqu’à un certain montant, et le second n’intervient qu’à la condition que le coût du sinistre dépasse le plafond fixé par le 1er contrat.

Simultanéité des garanties. L’excès d’assurances suppose nécessairement l’existence d’un cumul d’assurances. Si l’un des contrats est suspendu (C. assur., art. L. 113-3, al. 2) ou résilié (C. assur., art. L. 113-3, al. 3), le risque d’enrichissement de l’assuré est forcément exclu. Il ne saurait y avoir d’atteinte portée au principe indemnitaire.

Identité de risque. Le cumul d’assurances suppose que les différentes assurances en présence aient pour objet la couverture d’un même risque. C’est l’exemple du chef de famille qui souscrit auprès de plusieurs assureurs, par des contrats distincts, une garantie responsabilité civile pour les dommages causés par ses enfants dans le cadre d’activités de loisir (v. C. assur., art. L. 121-2). Bien souvent, ce risque est garanti par au moins trois contrats souscrits auprès d’assureurs différents : assurance multirisques habitation ou vie privée, assurance scolaire et extrascolaire, assurance de l’activité sportive ou de loisirs concernée. C’est encore l’exemple de l’assurance de responsabilité civile individuelle souscrite par un chasseur et l’assurance de responsabilité civile souscrite par une société de chasse au profit de ses membres.

À noter qu’en l’absence d’identité de risque, les assurances ne sont pas cumulatives, mais alternatives.

Identité d’intérêt. L’identité d’intérêt est une condition expresse d’existence du cumul d’assurances. Dispose d’un tel intérêt, la personne dont le patrimoine est susceptible d’être atteint par la réalisation du risque garanti et qui est susceptible de recueillir l’indemnité due par l’assureur en cas de sinistre.

Identité de souscripteur. L’identité de souscripteur est une condition distincte et autonome de l’identité d’intérêt. Dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 juillet 1982, l’article L. 121-4 C. assur. visait « celui qui s’assure », non pas celui qui est assuré. En droit québécois, l’article 2496 C.civ. dispose que « celui qui, sans fraude, est assuré auprès de plusieurs assureurs, par plusieurs polices, pour un même intérêt et contre un même risque, de telle sorte que le calcul des indemnités qui résulterait de leur exécution indépendante dépasse le montant du préjudice subi, peut se faire indemniser par le ou les assureurs de son choix n’étant tenu que pour le montant auquel il s’est engagé ». Interprété à la lettre, le texte faisait de l’identité du souscripteur une condition d’existence du cumul. La jurisprudence retenait cependant le cumul d’une assurance pour compte et d’une assurance de chose prises contre un même risque et dans l’intérêt d’un unique assuré par deux souscripteurs différents (v. les comm. sous C. assur. Litec, art. L. 121-3). L’exemple type est celui du transporteur de marchandises qui souscrit, en sus de sa propre assurance de responsabilité, une assurance de biens pour le compte du propriétaire de marchandises, lequel a bien souvent souscrit une assurance pour garantir la perte éventuelle de ses marchandises. Dans sa rédaction actuelle, l’article précité mentionne « celui qui est assuré auprès de plusieurs assureurs ». Par ce changement de formulation, le législateur entendait viser les assurances pour compte et prendre acte de la jurisprudence développée sous l’empire de l’ancien texte. Pourtant, la Cour de cassation affirme depuis lors que les dispositions de l’article L. 121-4 C. assur. ne sont applicables que si un même souscripteur a souscrit auprès de plusieurs assureurs des contrats d’assurance pour un même intérêt et contre un même risque (Cass. 1ère civ., 21 nov. 2000, Bull. civ. I, n° 292, Resp. civ. et assur. 2001, comm. 63 et note 5, H. Groutel – 29 oct. 2002, Bull. civ. I, n° 242, Resp. civ. et assur. 2003, comm.. 57, note H. Groutel – 17 févr. 2005, Resp. civ. et assur. 2005, comm.. 171, note H. Groutel). Exit toute possibilité de cumul entre assurance pour compte et assurance de chose. De ce point de vue, on peut légitimement regretter le risque d’enrichissement du propriétaire encouru, du reste, en raison d’une interprétation extra legem (voire contra legem) de l’article L. 121-4 C. assur. (« celui qui est assuré auprès de plusieurs assureurs (…) »).

Le régime du cumul d’assurances

L’article L. 121-4, al. 1er, C. assur. oblige l’assuré en situation de cumul d’assurances à « donner immédiatement à chaque assureur connaissance des autres assureurs ». L’assuré doit donc déclarer ses assurances cumulatives multiples, et ce dès la souscription du second contrat, qui fait naître le cumul ou bien dès que le tiers assuré aura pris connaissance de l’existence d’une deuxième assurance souscrite à son profit. Une pareille déclaration a pour objet de prévenir toute atteinte au principe indemnitaire. À certains égards, il va de l’intérêt de l’assuré qui se dispensera du paiement d’une prime excessive (faculté de demander au surplus une réduction proportionnelle des assurances). La loi et les tribunaux n’imposent aucune forme particulière. L’article L. 121-4, al. 2, C. assur. se contente, dans une formule lapidaire, d’exiger que l’assuré, lors de cette communication, fasse connaître le nom de l’assureur avec lequel une autre assurance a été contractée et qu’il indique la somme assurée. Pour des raisons évidentes de preuve, ladite communication doit être adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

En pratique, l’efficacité de cette obligation de déclaration est douteuse : l’omission est fréquente. Tantôt, les assurés ignorent être bénéficiaires d’assurances cumulatives, tantôt les assurés ignorent l’existence de cette obligation. Du reste, l’omission n’est pas sanctionnée. L’assuré n’est pas constitué en faute ; la loi n’édicte à son encontre aucune présomption de mauvaise foi. Mais, en toutes hypothèses, les assurances cumulatives frauduleuses seront sanctionnées.

Assurances cumulatives frauduleuses. Quand plusieurs assurances contre un même risque sont contractées de manière dolosive ou frauduleuse, la nullité est encourue (C. assur., art. L. 121-4, al. 3). En outre, des dommages et intérêts peuvent être réclamés (C. assur., art. L. 121-3, al. 1, in fine).

La fraude consiste pour l’assuré à souscrire plusieurs contrats d’assurance avec l’intention, en cas de réalisation du risque garanti, de percevoir une pluralité d’indemnités. Conformément au droit de la preuve, il appartient à l’assureur de rapporter les faits nécessaires au succès de sa prétention (C. proc. civ., art. 9). Autrement dit, l’assureur doit prouver la mauvaise foi de l’assuré ; la chose est peu aisée. Or, « la preuve est la rançon des droits ». L’absence de déclaration de cumul ne constitue pas ipso facto l’assuré en faute. En pratique, la fraude apparaîtra à l’occasion de la réalisation du risque, lorsque l’assuré, ayant déclaré le sinistre à plusieurs assureurs, tentera de percevoir des indemnités dont le montant cumulé dépasse la valeur du dommage subi.

Conformément au droit commun, le domaine de la nullité est circonscrit. L’article L. 121-4 C. assur. suppose une fraude commise au moment de la conclusion du contrat. La preuve est diabolique : il est fréquent que les éléments de preuve dont dispose l’assureur établissent l’intention malhonnête de l’assuré une fois seulement le sinistre réalisé, et non au jour de la souscription des polices. Du reste, il est possible que l’intention frauduleuse ne naisse dans l’esprit de l’assuré qu’au jour de la réalisation du sinistre, lequel succombe à la tentation de percevoir une indemnité double voire triple, alors qu’il avait souscrit les différents contrats en toute bonne foi. Un dicton : l’occasion fait le larron ! Dans cette hypothèse, c’est la déchéance pour exagération frauduleuse des conséquences du sinistre qu’il convient de faire jouer et non pas la sanction de l’article L. 121-4 C. assur. La déchéance n’étant toutefois pas, à proprement parler, une sanction légale mais conventionnelle, une clause spéciale de la police d’assurance doit encore l’avoir prévue (C. assur., art. L. 112-4).

La sanction de la fraude est la nullité de l’ensemble des assurances cumulatives frauduleusement contractées (C. assur., art. L. 121-4, al. 3). On aura garde de noter que contre la lettre de la loi (C. assur., art. L. 112-4), la jurisprudence décide qu’il est indifférent que la police n’ait pas prévu cette sanction (Cass. 1ère civ., 9 nov. 1981, D. 1983, p. 303, note Cl. Berr et H. Groutel). La sanction est lourde : l’assuré est privé de toute garantie ; le cas échéant, il doit restituer les indemnités perçues à l’occasion d’un précédent sinistre. Le droit à des dommages et intérêts fonde l’assureur à conserver les indemnités perçues en vertu du contrat annulé.

Assurances cumulatives non frauduleuses (ou faute de preuve de l’intention dolosive). Les assurances cumulatives, dont le caractère frauduleux n’est pas avéré, sont valables (C. assur., art. L. 121-4, al. 4). « Le bénéficiaire du contrat peut obtenir l’indemnisation de ses dommages en s’adressant à l’assureur de son choix ». La loi dispose que l’assuré, qui donne avis à l’assureur d’un sinistre de nature à entraîner la garantie de son assureur ( C. assur., art. L. 113-2, 4°), oblige ce dernier à la dette d’indemnité. Autrement dit, l’assureur ne peut pas refuser de payer en opposant à son assuré l’existence des autres contrats. Toute clause, qui subordonnerait la mise en œuvre du contrat qui la contient à l’absence, l’insuffisance ou la défaillance d’une autre assurance, est prohibée (Cass. 1ère civ. 16 juin 1987, Bull. civ. I, n° 193). L’assuré n’est plus obligé de diviser ses poursuites (ce qui était le cas avant la loi du 13 juill. 1982) et d’assigner l’ensemble des assureurs pour obtenir l’indemnisation totale à laquelle il a droit. Par ailleurs, il ne s’agirait pas que l’assuré espérât s’enrichir. Si le cumul ne doit pas lui nuire, il ne doit pas non plus lui profiter. La loi dispose que l’indemnité due par l’assureur à l’assuré ne doit excéder le montant de la garantie promise ni ne doit dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre (C. assur., art. L. 121-1, al. 1 sur renvoi art. L. 121-4, al. 4). En pratique, l’assuré de bonne foi réclame une indemnisation à celui des assureurs qui lui offre la garantie la plus complète. S’il s’avérait que la garantie était insuffisante, il lui serait loisible de se tourner vers un autre assureur de son choix aux fins d’indemnisation complémentaire, dans la limite bien entendu de la valeur déclarée de la chose. Une fois les prestations indemnitaires servies, l’assureur solvens peut se prévaloir de l’existence des autres polices pour ne pas souffrir seul la charge finale de l’indemnisation (C. assur., art. L. 121-4, al. 5). Les recours en contribution étant relativement coûteux, il est des conventions entre assureurs qui les écartent.

Assurance de dommages : Les risques couverts

Liberté contractuelle. En droit commun des contrats, le principe de la liberté contractuelle commande de reconnaître aux parties le pouvoir de déterminer comme elles l’entendent le contenu de leur accord (art. 1102 nouv. c.civ.). En droit du contrat d’assurance, les parties sont libres de déterminer l’étendue de l’obligation à la dette. Elles sont libres de fixer l’étendue de la garantie. Mais le législateur de suppléer l’éventuel silence des parties contractantes.

Présomption supplétive de volonté. Sous le titre des obligations de l’assureur et de l’assuré, l’article L. 113-1 C. assur. dispose « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits (événement imprévisible dans son origine – tremblement de terre, accident, etc. – et irrésistible dans ses effets) ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ». Ce faisant, le code énonce une présomption de garantie illimitée. L’assureur, qui a accepté de couvrir un risque, est donc supposé garantir toutes les conséquences pécuniaires attachées à sa réalisation. La présomption est toutefois réfragable. Le texte précité autorise la stipulation d’exclusions formelles et limitées. Dit autrement, les parties déterminent librement les risques qu’elles soumettent à l’assurance. Elles fixent tout aussi librement le montant des capitaux qu’elles veulent garantir.

Liberté contractuelle et demi. Si la liberté contractuelle est sauve, c’est à la condition sine qua non que les parties ne dérogent pas, par une convention particulière aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs (C.civ., art. 6. Voy. aussi 1162 nouv. qui ne renferme plus la notion de bonnes mœurs  jugée désuète). Or, les lois, qui délimitent l’étendue de l’obligation à la dette de l’assureur, sont nombreuses en droit des assurances. En vérité, la fréquence des interventions du législateur dans le contrat est particulièrement élevée dans la matière qui nous occupe. Il n’est que de songer aux nombreux agents économiques contraints par la loi de s’assurer[1]. Entre autres exemples, le principe indemnitaire interdit de s’enrichir à l’occasion d’un dommage que l’on subit. Ce dont il résulte que l’assureur ne peut garantir une valeur supérieure au montant du dommage que l’on est susceptible d’éprouver. L’indemnisation excessive est proscrite. Il en va de même de l’absence d’indemnisation. Un certain nombre de prescriptions légales viennent au secours des victimes d’événements exceptionnels. Les effets des catastrophes naturelles (C. assur., art. L. 125-1, al. 3 – définition) sont nécessairement couverts par l’assurance des risques de catastrophes naturelles (C. assur., art. L. 125-1, al. 1er, domaine). Il en va de même des attentats terroristes dont les effets sont de jure couverts par l’assurance contre les actes de terrorismes (C. assur., art. L. 126-1, al. 1er).

Antisélection. Nonobstant l’obligation faite ponctuellement aux agents économiques de souscrire une assurance de dommages, les parties sont libres de décider les risques garantis, à la condition que ledit risque soit assurable. Or il existe des risques inassurables. Pour mémoire, l’assureur peut refuser une prise en charge du risque encouru par l’offreur lorsque ledit risque est incompatible avec le fonctionnement correct d’une mutualité. Il en va ainsi toutes les fois que le risque menace avec une très forte probabilité de réalisation certaines personnes, alors que sa réalisation est exclue avec certitude pour d’autres (risque d’inondation couvert au profit exclusif des souscripteurs propriétaires d’une maison en zone inondable). De la sorte, seules les personnes fortement exposées vous être candidates à l’assurance, tandis que les autres refuseront de souscrire une assurance faute d’un quelconque intérêt. L’assureur est ainsi victime du phénomène dit d’antisélection. Il ne peut recueillir que les mauvais risques sans pouvoir sélectionner les bons. Aucune compensation n’étant alors possibles, les primes versées sont insuffisantes pour permettre l’indemnisation de sinistres frappant, par définition, un pourcentage trop élevé de la collectivité des assurés.

Tarification actuarielle. L’assureur peut encore refuser sa garantie lorsqu’il est trop difficile d’établir une tarification actuarielle. Le montant de la prime est fonction de la probabilité de survenance de l’événement couvert et du coût moyen des dommages en résultant. Si le risque ne s’est jamais réalisé ou bien s’il ne s’est produit que de façon exceptionnelle, ces deux variables ne peuvent être statistiquement appréciées. En l’absence de données exploitables sur la fréquence du sinistre et sur son importance prévisible, le risque est inassurable ou très difficilement (ex. risque de guerre).

Capacité financière. L’assureur peut enfin refuser sa garantie lorsque la compensation des conséquences du risque encouru par le candidat à l’assurance est telle qu’elle excéderait ses capacités financières. Tels est le cas des guerres, des attentats terroristes ou des catastrophes naturelles.

En résumé, il existe donc des risques impérativement garantis (1) et d’autres risques présumés exclus (2).

1.- Les risques impérativement garantis

Malgré les contorsions de tous ordres du droit des obligations, dans le souci bien compris d’indemniser les victimes de dommages corporels, il reste des circonstances où la victime cherche désespérément la responsabilité d’une personne impliquée dans la production du dommage dont elle est le siège. Autrement dit, il est des circonstances où la théorie de la poche profonde (deep pocket liability) est impuissante à désigner un débiteur de réparation. Démunie, la victime d’une catastrophe naturelle ou technologique, d’une tempête ou d’un attentat dont les auteurs sont anonymes s’est tournée vers l’État.

Avec compassion mais raison, le législateur a organisé l’indemnisation de ces victimes frappées par le coup du mauvais sort en contraignant les assureurs à couvrir les risques précités, à charge pour les candidats à l’assurance de payer la prime afférente.

2.- Les risques présumés exclus

Les dispositions ordinaires qui nous occupent relatives aux assurances de dommages excluent du domaine de la garantie deux types de risques, sous réserve de convention contraire. Sont présumés non couverts par l’assureur les dommages causés à la chose du fait de son vice propre (C. assur., art. L. 121-7) et les dommages résultant d’actes de violence collective (C. assur. 121-8, al. 1er), en l’occurrence la guerre, les émeutes ou les mouvements populaires. On aura garde de noter que, s’agissant des dommages résultant d’émeutes ou des mouvements populaires, il est fréquent que la police d’assurance écarte l’exclusion légale, en insérant une clause expresse de garantie des dommages causés par ce type de troubles intérieurs. En pratique, on trouve une semblable clause dans les contrats multirisques de l’entreprise.

[1] Code des assurances, Livre 2, Assurances obligatoires : les professionnels de santé exerçant à titre libéral (C. assur., art. L. 251-1, C. santé publ., art. L. 1142-2) ; les conducteurs de véhicules terrestres à moteur (C. assur., art. L. 211-1). Voir également la longue liste des assurances obligatoires édictée par le Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, présentée en appendice dans l’édition Dalloz du Code des assurances (liste que l’on retrouvera dans le rapport du Conseil d’État 2005, Responsabilité et socialisation du risque, La documentation française, pp. 341-346. V. égal. C. assur. Litec).

L’intérêt d’assurance : Notion et fonction

L’assureur de dommages est obligé à la dette à la condition que le bénéficiaire du contrat ait un intérêt à la non-réalisation du risque garanti. L’article L. 121-6 C. assur. énonce : « Toute personne ayant intérêt à la conservation d’une chose peut la faire assurer. Tout intérêt direct ou indirect à la non-réalisation d’un risque peut faire l’objet d’une assurance ». Au vu de cet énoncé, l’intérêt est un élément essentiel de l’assurance (v.  not. Magali Provost, La notion d’intérêt d’assurance, préf. F. Leduc, t. 51, LGDJ, 2009 ; F. Leduc in H. Groutel, M. Asselain, F. Leduc, Ph. Pierre, Traité du contrat d’assurance terrestre, LGDJ 2008).

Il est acquis en jurisprudence que, « en l’absence d’intérêt, l’assurance est un pari et encourt la nullité » (Cass. req., 3 janv. 1876, S. 1876, 1, 105).  Au vrai, cette exigence est très ancienne. On la trouve dès le XVe siècle dans les textes régissant l’assurance maritime. Par exemple, les ordonnances de Barcelone de 1435 et 1484 et de Bilbao (1560) prohibent les paris sur les risques d’autrui, en exigeant du souscripteur qu’il affirme sous la foi du serment son titre de propriété sur le navire assuré. En France, l’Ordonnance de la Marine de 1681 (dite Ordonnance de Colbert, http://gallica.bnf.fr/) exige la présence d’un risque réel auquel est exposé le souscripteur ou l’assuré pour compte.

L’exigence d’un intérêt se limite aux assurances de dommages, à tout le moins en droit français (cmp. loi belge du 25 juin 1992). La loi ne subordonne pas la validité des assurances de personnes à la constatation d’un intérêt chez le bénéficiaire de la police d’assurance à la non-réalisation du risque garanti. La légistique (science de la composition des lois ; étude systématique des méthodes de rédaction des textes de loi) l’atteste. D’une part, l’article L. 121-6 C. assur. figure dans un titre du code qui regroupe les règles propres aux assurances de dommages. D’autre part, l’article L. 132-1 C. assur. prévoit que « la vie d’une personne peut être assurés par elle-même ou par un tiers, et l’article L. 132-2 se borne à exiger à peine de nullité le consentement écrit de l’assuré lorsque l’assurance décès est contractée par un tiers.

L’intérêt d’assurance est une condition essentielle à la validité du contrat d’assurance de dommages. Afin d’être à même d’apprécier le rôle de l’intérêt d’assurance, sa fonction (2), il importe de cerner au préalable la notion (1).

1.- La notion d’intérêt d’assurance

Le langage courant définit l’intérêt comme « ce qui importe, ce qui est utile ou avantageux ». L’intérêt ainsi compris, le Code des assurances subordonne la validité du contrat au fait qu’il présente une utilité pour celui qui le souscrit, où à tout le moins pour celui qui est susceptible d’en bénéficier.

L’utilité requise doit être caractérisée, non pas quelconque. Pour mémoire, l’article L. 121-1 C. assur. définit l’assurance de dommages comme un contrat d’indemnité. C’est donc un intérêt à la souscription d’un contrat d’indemnité dont l’objet est de dédommager le bénéficiaire de la prestation de l’assureur d’un préjudice patrimonial subi à raison de la réalisation du risque garanti. En un mot, le contrat doit prémunir l’assuré contre un risque d’appauvrissement. L’intérêt est fondamentalement la cause du contrat d’assurance, non pas l’objet de l’obligation comme paraît le suggérer le texte : à savoir, le but que les parties poursuivent en concluant le contrat, la raison qu’elles ont de le passer, l’intérêt qu’elles cherchent à satisfaire.

« L’intérêt est à la fois la raison de l’assurance, comprise comme le fait d’être exposé à un risque, et le but de l’assurance, entendu comme la recherche d’une protection contre le risque en question »[1].

Le défaut d’intérêt d’assurance peut découler de l’absence de risque préexistant à la conclusion d’un contrat ou de l’inadaptation de l’assurance pour garantir le type de risque encouru.

2.- La fonction de l’intérêt d’assurance

Le rôle de l’intérêt d’assurance est apprécié tant au stade de l’exécution du contrat d’assurance qu’à celui de sa formation. On peut ainsi faire appel à cette notion pour établir une éventuelle situation de surassurance (voy. l’article “La surassurance simple”), pour déceler un cumul d’assurances (voy. l’article “Le cumul d’assurances”) pour identifier le bénéficiaire d’une assurance souscrite pour le compte de qui il appartiendra (s’il ne devait pas être nommé désigné par la police) ou encore calculer le montant maximal de l’indemnité due par l’assureur.

L’article L. 121-6 C. assur. en fait formellement une condition de validité du contrat d’assurance sanctionnée par la nullité. C’est ce qui doit retenir l’attention.

Historiquement, l’exigence d’un intérêt s’explique par une volonté de prohiber le recours à l’assurance en vue d’un pari. L’assurance et le pari sont des contrats aléatoires (art. 1964 c.civ. abrogé depuis le 1er oct. 2016 (ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016). Voy. depuis art. 1108, al. 2, nouv. c.civ.). Par définition, un contrat aléatoire introduit le hasard dans le champ contractuel. Mais de deux façons opposées : tantôt le hasard est ce contre quoi on se protège, tantôt il est ce que le contrat vient défier. Portalis, dans sa présentation au corps législatif du titre du Code civil consacré aux contrats aléatoires, fit observer que « ces contrats sont le produit de nos espérances et de nos craintes. On veut tenter la fortune ou être rassuré contre ses caprices »[2]. Il existe donc deux catégories antithétiques de contrats aléatoires : d’un côté ceux qui organisent la protection de l’une des parties contre les effets (redoutés) du hasard ; de l’autre, ceux qui organisent la soumission volontaire des deux parties aux effets (espérés) du hasard. Chacune à son parangon : le contrat d’assurance (art. 1964 anc. c.civ.) et le contrat de jeu ou de pari (art. 1965 c.civ.).

L’intérêt d’assurance constitue un instrument technique essentiel de distinction entre l’assurance et le pari[3]. Le parieur n’est exposé à aucun risque préexistant dont il redouterait la réalisation. Il souscrit une assurance à son profit dans l’espoir de réaliser un gain, et non en vue d’obtenir une protection contre un risque d’appauvrissement. Au moment de la conclusion du contrat, le parieur n’a pas d’intérêt au contrat, faute pour son patrimoine d’être menacé d’une quelconque événement aléatoire dommageable.

Le législateur, via l’intérêt d’assurance, a entendu moraliser le contrat d’assurance de dommages. Comprenons bien que le parieur a un intérêt non à la conservation de la chose, mais à sa destruction. Il a intérêt à la réalisation d’un sinistre, dont par définition, il n’est pas victime. La perception de son gain est conditionnée par la réalisation du dommage frappant autrui. L’assurance-pari doit encore être condamnée, car elle engendre un risque de provocation frauduleuse des sinistres et, par voie de conséquence, une perturbation des lois de la statistique. Or un événement n’est assurable que s’il est statistiquement maîtrisable. Si d’aventure la probabilité de sa réalisation était trop élevée, l’opération d’assurance perdrait son intérêt économique.

La sanction, prévue par le droit, du défaut d’intérêt fait douter qu’on puisse éradiquer les assurances-paris. En l’état du droit positif, la nullité du contrat oblige l’assureur à restituer les primes qu’il a touchées (retour au statu quo ante). Un parieur peut toujours être tenté par la souscription d’une assurance. Car, de deux choses l’une : soit l’assureur ne relève pas son défaut d’intérêt au moment de la réalisation du sinistre, et le souscripteur perçoit une indemnité à laquelle il n’a pas légitimement droit ; soit l’assureur invoque la nullité, mais il doit restituer et l’opération est en quelque sorte blanche pour le parieur, qui n’a simplement qu’échoué dans sa tentative de gain, sans rien avoir perdu. On pourrait songer, en théorie, à opposer au souscripteur-parieur sa turpitude et faire échec aux restitutions (nemo auditur propriam turpitudinem allegans – nul ne peut être entendu lorsqu’il invoque sa propre turpitude). Mais, en pratique, il y a fort à parier – c’est le cas de le dire – que l’assureur ne pourra pas conserver les primes. Deux choses l’une : soit l’assurance souscrite était de toute évidence un pari, auquel cas il a prêté son concours à la stipulation d’une police irrégulière ; soit l’analyse de l’objet de la garantie ne permet pas d’établir de façon évidente le pari fait par le souscripteur, et la fraude sera bien difficile à établir. La bonne foi est présumée. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’une assurance soit souscrite sans intérêt pour son bénéficiaire. Il en va ainsi toutes les fois que le souscripteur conclut une assurance, dans la croyance erronée qu’il y avait un intérêt, se croyant tantôt à tort propriétaire de la chose assurée, tantôt susceptible d’encourir une responsabilité.

On accordera qu’en toute hypothèse, l’assurance-pari est autrement moins praticable que le casino, la loterie nationale ou les jeux d’argent et de hasard en ligne[4] ! Et que la théorie générale du contrat peut être utilement sollicitée via l’erreur (art. 1129 nouv. c.civ. / art. 1110 anc.) ou la fausse cause (art. 1169 nouv. / art. 1131 anc.).

[1] H. Groutel et alii, n° 1196.
[2] Cité par H. Groutel et alii, n° 131.
[3] Ibid., n° 134.
[4] Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 rel. à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, dont les décrets d’application sont en cours de publication.