Les effets patrimoniaux et personnels du pacs

À l’instar du mariage le pacs produit deux sortes d’effets :

  • Des effets personnels
  • Des effets patrimoniaux

I) Les effets personnels du pacs

A) Les effets positifs

  1. L’obligation de vie commune

L’article 515-4 du Code civil prévoit que « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à une vie commune »

Parce que le pacs est avant tout une union entre deux personnes qui envisagent de vivre ensemble, l’obligation de vie commune est consubstantielle de cette institution.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par vie commune et plus précisément qu’est-ce que cette obligation recoupe.

Dans sa décision du 9 décembre 1999, le Conseil constitutionnel a apporté un élément de réponse en affirmant que « la notion de vie commune ne couvre pas seulement une communauté d’intérêts et ne se limite pas à l’exigence d’une simple cohabitation entre deux personnes ; que la vie commune mentionnée par la loi déférée suppose, outre une résidence commune, une vie de couple qui seule justifie que le législateur ait prévu des causes de nullité du pacte qui, soit reprennent les empêchements à mariage visant à prévenir l’inceste, soit évitent une violation de l’obligation de fidélité découlant du mariage ; qu’en conséquence, sans définir expressément le contenu de la notion de vie commune, le législateur en a déterminé les composantes essentielles ».

Ainsi, pour le Conseil constitutionnel le pacs est bien plus qu’une communauté d’intérêt, telle que peut l’être, par exemple, une société.

L’obligation de vie commune suppose pour les partenaires d’observer trois règles auxquelles ils ne sauraient déroger par convention contraire :

  • Le devoir de cohabitation
    • Le devoir de cohabitation est expressément visé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 décembre 1999.
    • Partager une vie commune c’est, avant tout, cohabiter, soit vivre sous le même toit. Il appartiendra donc aux partenaires de déterminer leur lieu de résidence.
  • Le devoir charnel
    • Le Conseil constitutionnel considère que, plus qu’une communauté d’intérêts, l’obligation de vie commune suppose « une vie de couple»
    • Autrement dit, le pacs n’implique pas seulement une communauté de vie, il invite à une communauté de lit.
    • Aussi, les partenaires s’engagent-ils à avoir des rapports sexuels entre eux.
  • Devoir de fidélité
    • La question s’est posée de savoir si, à l’instar des époux, à qui s’impose un devoir de fidélité, s’il en allait de même pour les partenaires.
    • Trois arguments peuvent être avancés au soutien d’une réponse positive à cette interrogation.
      • En premier lieu, en ce que le pacs est un contrat, les partenaires sont, tenus, comme les contractants à une obligation de loyauté et de bonne foi conformément à l’article 1104 du Code civil.
      • En deuxième lieu, si, comme l’a affirmé le Conseil constitutionnel, l’obligation de communauté de vie suppose une « vie de couple», cela signifie que les partenaires doivent exercer une certaine exclusivité l’un sur l’autre.
      • En troisième lieu, pourquoi le législateur a-t-il institué des d’empêchement qui tiennent au lien de parenté sinon pour prévenir les cas d’inceste, le pacs impliquant nécessairement l’entretien de rapports sexuels.
    • Pour l’heure, on ne recense qu’une seule décision sur l’obligation de fidélité dont serait assorti le pacs.
    • Elle a été rendue par le Président du Tribunal de grande instance de Lille qui a été amené à statuer en référé sur cette question.
    • Dans cette décision il a estimé que, sur le fondement de l’obligation de loyauté rattachée à l’ancien article 1134 du Code civil que l’obligation de vie commune commande de « sanctionner toute forme d’infidélité entre partenaires» (TGI Lille, ord., 5 juin 2002).
    • Bien qu’il ne s’agisse que d’une ordonnance de référé, il est de fortes chances que la Cour de cassation adopte une solution similaire, si elle était amenée à statuer sur cette question.

2. L’obligation d’assistance

L’obligation d’assistance a été introduite par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités.

Cette obligation est prévue à l’article 515-4 du Code civil qui dispose que « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à […] une assistance réciproque ».

Elle implique pour les partenaires de se prêter une aide morale et psychologique. Ils doivent, autrement dit, se soutenir l’un l’autre afin d’affronter ensemble les difficultés de la vie.

3. L’aide matérielle

==> Contenu de l’obligation

Aux termes de l’article 515-4 du Code civil, « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à […] une aide matérielle] ».

Cette disposition précise que «  si les partenaires n’en disposent autrement, l’aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives. »

De toute évidence, il s’agit là d’une transposition de l’article 214 applicable aux époux qui édicte à leur endroit une obligation de contribution aux charges ménagères.

Pour mémoire, cet article dispose que « si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives. »

La règle posée à l’article 515-4 est sensiblement la même, de sorte que les partenaires sont également tenus de contribuer aux charges du ménage à hauteur de leurs facultés respectives.

La question qui alors se pose est de savoir en quoi consiste cette obligation. Deux éléments doivent être envisagés pour le déterminer :

  • Quelles sont les charges du ménage ?
    • Il s’agit de toutes les dépenses qui assurent le fonctionnement du ménage (contrairement aux dépenses d’investissement).
    • Ce sont donc toutes les dépenses d’intérêt commun que fait naître la vie du ménage
    • Les charges du ménage correspondent au train de vie des partenaires
      • Exemples: nourriture, vêtements, loyer, gaz, eau, électricité, internet etc…
  • Quelle est étendue de la contribution des partenaires ?
    • Chaque partenaire doit contribuer aux charges du ménage en proportion de ses facultés.
    • Le conseil constitutionnel a précisé que « dans le silence du pacte, il appartiendra au juge du contrat, en cas de litige, de définir les modalités de cette aide en fonction de la situation respective des partenaires».
      • Exemple: si un partenaire gagne 1000 euros et l’autre 2000 euros alors le second devra contribuer deux fois plus que le premier aux charges du ménage.

==> Sanction de l’obligation

À la différence de l’article 214 du Code civil, l’article 515 ne prévoit pas d’action en contribution en cas de défaillance de l’un des partenaires.

En matière matrimoniale, il est, en effet, prévu que « si l’un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l’autre dans les formes prévues au code de procédure civile. »

Est-ce à dire que les partenaires ne disposeraient d’aucune action pour obliger l’autre à contribuer aux charges du ménage ? On peut en douter.

==> Caractère de l’obligation

On observera que, dans sa décision du 9 décembre 1999, le Conseil constitutionnel a affirmé, s’agissant de l’aide matérielle à laquelle s’obligent les partenaires que « si la libre volonté des partenaires peut s’exprimer dans la détermination des modalités de cette aide, serait nulle toute clause méconnaissant le caractère obligatoire de ladite aide ».

Aussi, cela signifie-t-il que cette obligation est d’ordre public. Si, dès lors, les partenaires peuvent en aménager les modalités, ils ne sauraient la supprimer.

3. Statut fiscal

Les partenaires liés par un PACS sont soumis à une imposition commune pour les revenus dont ils ont disposé pendant l’année de la conclusion du pacte.

Par exception, ils peuvent opter pour l’imposition distincte des revenus dont chacun a personnellement disposé pendant l’année de la conclusion du pacte, ainsi que de la quote-part des revenus communs lui revenant (Art. 6 CGI)

Les partenaires sont solidairement tenus au paiement :

  • de l’impôt sur le revenu lorsqu’ils font l’objet d’une imposition commune
  • de la taxe d’habitation lorsqu’ils vivent sous le même toit ( 1691 bis I CGI)
  • de l’impôt de solidarité sur la fortune ( 1723 ter-00 B CGI).

4. Droit sociaux

Le partenaire pacsé a droit au bénéfice immédiat de l’affiliation à la sécurité sociale de son partenaire, si lui-même ne peut bénéficier de la qualité d’assuré social à un autre titre (art. L. 160-17 C. secu.).

Le partenaire pacsé bénéficie sans aucune condition, et prioritairement sur les descendants et les ascendants, du capital décès de son partenaire dû au titre du régime général de la sécurité sociale (art. L. 361-4 C. secu).

S’agissant du calcul de leurs droits à prestations sociales et familiales, la conclusion d’un PACS a pour effet de modifier l’assiette des revenus pris en considération pour la fixation du droit à allocation, les revenus des deux partenaires étant cumulés pour calculer ces droits.

Par ailleurs, la conclusion d’un PACS emporte automatiquement la suppression de l’allocation de parent isolé.

Enfin, les revenus pris en considération pour la fixation du droit à allocation adulte handicapé (AAH), revenu de solidarité active (RSA), allocation de solidarité spécifique, prime pour l’emploi, et allocation logement, sont ceux des deux partenaires du PACS.

5. Droit au logement

Le partenaire de PACS n’est réputé co-titulaire du bail sur le logement familial que si les partenaires en font conjointement la demande.

Lors du départ du partenaire unique locataire des lieux qui servaient à la résidence commune, l’autre peut bénéficier de la continuation du bail ou, en cas de décès du locataire, du transfert du droit au bail, quand bien même il n’est pas signataire du bail initialement.

Quand le PACS prend fin par décès, le partenaire survivant bénéficie d’un droit de jouissance gratuite du domicile commun ainsi que du mobilier le garnissant pendant l’année qui suit le décès, à condition qu’il l’ait occupé de façon effective et à titre d’habitation principale à l’époque du décès (art. 515-6 al.3 C. civ.).

B) Les effets négatifs

À la différence du mariage, le pacs ne produit pas un certain nombre d’effets qu’il convient de lister afin de dresser une comparaison.

==> Sur le nom d’usage

  • Le mariage
    • Chacun des époux peut porter, à titre d’usage, le nom de l’autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l’ordre qu’il choisit (article 225-1 du code civil).
    • Il s’agit d’une simple faculté.
  • Le pacs
    • Le PACS ne produit aucun effet sur le nom. Un partenaire ne peut donc pas porter, à titre d’usage, le nom de l’autre membre du couple

==> Sur la filiation

  • Le mariage
    • L’enfant conçu ou né pendant le mariage est présumé avoir pour père le mari de la mère (règle de la « présomption de paternité » – article 312 du code civil).
    • Possibilité pour le couple marié d’adopter à deux (article 343 du code civil) et possibilité pour chacun des membres du couple d’adopter l’enfant du conjoint (articles 345-1 et 360 du code civil).
    • L’assistance médicale à la procréation est ouverte aux couples mariés hétérosexuels.
  • Le pacs
    • Le PACS n’a aucun effet sur l’établissement de la filiation : il n’existe pas de présomption légale à l’égard du partenaire de la mère qui devra procéder à une reconnaissance.
    • Pas de possibilité pour les partenaires d’adopter à deux (article 343 du code civil) ou d’adopter l’enfant du partenaire.
    • L’assistance médicale à la procréation est ouverte aux couples pacsés hétérosexuels.

==> Sur la nationalité

  • Le mariage
    • Si les époux se marient, sans choisir explicitement leur régime matrimonial, sans faire de contrat de mariage, ils sont alors mariés sous un régime posé par la loi : le régime légal de la communauté réduite aux acquêts (article 1400 et s. du code civil).
    • Dans ce régime, les biens dont les époux avaient la propriété avant de se marier leur demeurent propres.
    • En revanche, les biens que les époux acquièrent à titre onéreux (acquêts) pendant le mariage, ainsi que les revenus liés à un bien propre à un époux (loyer d’un immeuble par exemple) et les gains et salaires, sont des biens communs.
  • Le pacs
    • Le PACS n’exerce aucun effet sur la nationalité.
    • Pour obtenir la nationalité française, le partenaire étranger ayant conclu un PACS avec un partenaire français doit déposer une demande de naturalisation (acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique : articles 21-14-1 et suivants du code civil).

II) Les effets patrimoniaux du pacs

L’étude des effets patrimoniaux du pacs suppose de distinguer les rapports des partenaires entre eux de ceux qu’ils entretiennent avec les tiers.

A) Les effets dans les rapports entre partenaires

  1. Principe

==> La répartition des biens

Aux termes de l’article 515-5 du Code civil « Sauf dispositions contraires de la convention visée au troisième alinéa de l’article 515-3, chacun des partenaires conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels ».

Il ressort de ce principe que le législateur a souhaité instituer un régime de séparation de biens entre les partenaires.

Cette volonté a été exprimée, lors de l’adoption de la loi du 23 juin 2006, dans un souci de protection des partenaires qui ignorent souvent que les biens acquis au cours du pacs sont soumis à l’indivision et a jugé préférable de prévoir la séparation des biens, sauf quand les partenaires optent pour l’indivision.

Sous l’empire du droit antérieur à cette réforme, le législateur avait instauré le régime inverse, soit une indivision entre les partenaires.

La loi du 15 novembre 1999 posait, en ce sens, l’existence d’une sorte de communauté de biens réduite aux acquêts.

En simplifiant à l’extrême, il convenait d’opérer une distinction entre les biens acquis avant et après l’enregistrement du pacs.

  • S’agissant des biens acquis avant l’enregistrement du pacs
    • Ils avaient vocation à rester dans le patrimoine personnel des partenaires, à charge pour eux de rapporter la preuve que le bien revendiqué leur appartenait en propre
  • S’agissant des biens acquis après l’enregistrement du pacs
    • Ils étaient réputés indivis, de sorte qu’à la dissolution du pacs, une répartition égalitaire était effectuée entre les concubins

La loi du 23 juin 2006 a abandonné ce régime patrimonial applicable aux partenaires. Désormais, c’est un régime de séparation de biens qui régit leurs rapports patrimoniaux.

Cela signifie que tous les biens acquis par les partenaires avant et après l’enregistrement du pacs leur appartiennent un propre.

Une lecture affinée de l’article 515-4 révèle toutefois qu’il convient de distinguer les meubles dont la propriété est établie de ceux pour lesquels aucun des partenaires ne peut prouver sa qualité de propriétaire

  • S’agissant des biens dont la propriété est établie
    • C’est l’alinéa 1er de l’article 515-4 qui s’applique en pareille hypothèse
    • Ils restent dans le patrimoine personnel du partenaire qui les a acquis
    • Il est indifférent que l’acquisition soit intervenue avant ou après l’enregistrement du pacs
  • S’agissant des biens dont la propriété n’est pas établie
    • L’article 515-5 du Code civil pris en son deuxième alinéa prévoit que :
      • D’une part, chacun des partenaires peut prouver par tous les moyens, tant à l’égard de son partenaire que des tiers, qu’il a la propriété exclusive d’un bien.
      • D’autre part, les biens sur lesquels aucun des partenaires ne peut justifier d’une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié.
    • Il s’évince de cette disposition que, lorsque les biens sont acquis à titre onéreux postérieurement à la conclusion du PACS, ils sont présumés indivis par moitié, sauf déclaration contraire dans la convention initiale.
    • Il en est de même lorsque la date d’acquisition de ces biens ne peut être établie

==> La gestion des biens

L’article 515-5, al. 3 du Code civil dispose que « le partenaire qui détient individuellement un bien meuble est réputé, à l’égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul sur ce bien tout acte d’administration, de jouissance ou de disposition. »

Il ressort de cette disposition que, à l’égard des tiers, les partenaires sont réputés être investis de tous pouvoirs sur les biens du couple.

Toutefois, l’efficacité de cette présomption est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :

  • Le bien doit être détenu individuellement par un partenaire
  • Le tiers doit être de bonne foi, soit ne pas savoir que le bien appartient, en réalité, à l’autre partenaire

Il peut être observé que, à la différence de l’article 222 du Code civil qui, en matière matrimoniale exclut les meubles meublants du champ d’application de cette présomption, pour le pacs elle opère pour tous les meubles sans distinction.

2. Exception

==> Répartition des biens

Si le législateur a institué le régime de la séparation de biens en principe, il a offert la possibilité aux partenaires d’y déroger en concluant une convention d’indivision.

L’article 515-5-1 du Code civil prévoit en ce sens que :

  • D’une part, les partenaires peuvent, dans la convention initiale ou dans une convention modificative, choisir de soumettre au régime de l’indivision les biens qu’ils acquièrent, ensemble ou séparément, à compter de l’enregistrement de ces conventions.
  • D’autre part, ces biens sont alors réputés indivis par moitié, sans recours de l’un des partenaires contre l’autre au titre d’une contribution inégale.

Ce régime d’indivision auquel les partenaires ont la faculté d’adhérer par convention s’articule autour de deux principes :

  • Premier principe
    • L’indivision s’applique aux seuls acquêts, c’est-à-dire aux biens acquis par les partenaires, ensemble ou séparément, après l’enregistrement de leur convention.
    • S’agissant des biens acquis l’enregistrement de la convention d’indivision qui n’est pas nécessairement concomitant à l’enregistrement du pacs, ils demeurent appartenir en propre aux partenaires
  • Second principe
    • Les biens visés par la convention conclue par les partenaires sont réputés indivis pour moitié.
    • Cela signifie qu’en cas de liquidation du pacs la répartition s’opérera à parts égales, sauf à ce qu’une fraction du bien ait été financée par des fonds propres d’un partenaire.
    • Dans cette hypothèse, seule la portion du bien qui constitue un acquêt fera d’un partage par moitié.
      • Exemple:
        • un immeuble est acquis pour 50 % avec les fonds propres d’un partenaire, pour l’autre moitié avec des fonds indivis.
        • Dans cette hypothèse, en cas de partage, le partenaire qui aura financé le bien avec ses fonds propres sera fondé à revendiquer 75% du bien, tandis que l’autre ne percevra que 25% de sa valeur.

L’article 515-5-3 du Code civil précise que la convention d’indivision est réputée conclue pour la durée du pacte civil de solidarité.

Toutefois, lors de la dissolution du pacte, les partenaires peuvent décider qu’elle continue de produire ses effets. Cette décision est soumise aux dispositions des articles 1873-1 à 1873-15 du Code civil.

==> Gestion des biens

À défaut de dispositions contraires dans la convention, chaque partenaire est gérant de l’indivision (article 515-5-3 du code civil).

Les partenaires jouissent d’une gestion concurrente, ce qui signifie que chaque partenaire peut accomplir seul des actes de conservation, d’administration et même de disposition sur les acquêts, sous réserve de certaines exceptions, telles que notamment :

  • Les aliénations à titre gratuit
  • Les aliénations d’immeuble
  • Les aliénations de meubles corporels soumises à publicité
  • Les aliénations de meubles corporels qui ne sont pas difficiles à conserver ou périssables.

Néanmoins, les règles d’administration des acquêts ne sont pas impératives. Les partenaires peuvent prévoir des dispositions contraires (article 515-5-3 al.2 du code civil).

3. Exception à l’exception

En cas de conclusion par les partenaires d’une convention d’indivision, le législateur a prévu qu’un certain nombre de biens échappaient à son champ d’application.

L’article 515-5-2 prévoit que demeurent la propriété exclusive de chaque partenaire :

  1. Les deniers perçus par chacun des partenaires, à quelque titre que ce soit, postérieurement à la conclusion du pacte et non employés à l’acquisition d’un bien ;
  2. Les biens créés et leurs accessoires ;
  3. Les biens à caractère personnel ;
  4. Les biens ou portions de biens acquis au moyen de deniers appartenant à un partenaire antérieurement à l’enregistrement de la convention initiale ou modificative aux termes de laquelle ce régime a été choisi ;
  5. Les biens ou portions de biens acquis au moyen de deniers reçus par donation ou succession ;
  6. Les portions de biens acquises à titre de licitation de tout ou partie d’un bien dont l’un des partenaires était propriétaire au sein d’une indivision successorale ou par suite d’une donation.

Le dernier alinéa de cette disposition précise que l’emploi de deniers tels que définis aux 4° et 5° fait l’objet d’une mention dans l’acte d’acquisition.

L’emploi est un acte qui stipule la provenance des deniers et la volonté de leur propriétaire de les employer pour l’acquisition d’un bien propre.

À défaut d’accomplissement des formalités d’emploi, le bien est réputé indivis par moitié et ne donne lieu qu’à une créance entre partenaires.

B) Les effets dans les rapports des partenaires avec les tiers

  1. Contribution aux dettes et obligation à la dette

Le législateur a institué à l’article 515-4, al. 2e du Code civil un dispositif qui gouverne les rapports entre les partenaires et les tiers.

Cette règle constitue l’un des piliers du régime juridique applicable aux partenaires.

Afin de bien cerner la place qu’elle occupe dans l’édifice élaboré par le législateur en 1999, il convient de la mettre en perspective avec une autre règle : celle édicté à l’alinéa 1er de l’article 515-4 du Code civil.

Tandis que la première porte sur l’obligation à la dette, la seconde est relative à la contribution à la dette.

  • L’obligation à la dette
    • L’obligation à la dette détermine l’étendue du droit de poursuite des tiers, au cours de la vie commune, s’agissant des créances qu’ils détiennent à l’encontre des partenaires.
    • Autrement dit, elle répond à la question de savoir si un tiers peut actionner en paiement le partenaire de celui avec lequel il a contracté et si ou dans quelle mesure.
      • Exemple:
        • Le membre d’un couple pacsé se porte acquéreur d’un véhicule sans avoir obtenu, au préalable, le consentement de son partenaire.
        • La question qui alors se pose est de savoir si, en cas de défaut de paiement de l’acquéreur, le vendeur peut se retourner contre son partenaire, alors même que celui-ci n’a pas donné son consentement à l’opération.
        • Les règles qui régissent l’obligation à la dette répondent à cette question.
    • Ainsi, l’obligation à la dette intéresse les rapports entre les tiers et les partenaires.

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  • La contribution à la dette
    • La contribution à la dette se distingue de l’obligation à la dette en ce qu’elle détermine la part contributive de chaque partenaire dans les charges du ménage
    • Autrement dit, elle répond à la question de savoir dans quelle proportion les partenaires doivent supporter les dépenses exposées dans le cadre du fonctionnement du ménage.
    • L’article 515-4, al. 1er du Code civil prévoit, à cet égard, que la part contributive de chaque partenaire est proportionnelle à leurs facultés respectives.
      • Exemple :
        • Les dépenses de fonctionnement d’un couple pacsé s’élèvent à 1.000 euros
        • L’un des partenaires dispose d’un salaire de 3.000 euros, tandis que le salaire de l’autre est de 1.500 euros
        • Celui qui gagne 3.000 devra contribuer deux fois plus que son partenaire aux charges du ménage.
      • Ainsi, la contribution à la dette intéresse les rapports que les partenaires entretiennent entre eux et non les relations qu’ils nouent avec les tiers.

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En résumé, lorsque le membre d’un couple pacsé est actionné en paiement par un tiers pour le règlement d’une dette contractée par son partenaire, il pourra toujours se retourner contre celui-ci, après avoir désintéressé le créancier, au titre de l’obligation de contribution aux charges du ménage.

Afin de résoudre une problématique relative au règlement d’une dette contractée par l’un des partenaires, il conviendra ainsi toujours de raisonner en deux temps :

  • Premier temps : l’obligation à la dette
    • Le tiers peut-il agir contre le partenaire de celui qui a contracté la dette ?
  • Second temps : la contribution à la dette
    • Le membre du couple pacsé qui a désintéressé le tiers, alors mêmes qu’il n’avait pas contractée la dette, dans quelle proportion peut-il se retourner contre son partenaire ?

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2. Transposition des règles du mariage au pacs

Aux termes de l’article 515-4, al. 2e du Code civil « les partenaires sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante. Toutefois, cette solidarité n’a pas lieu pour les dépenses manifestement excessives. Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux partenaires, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage. »

Cette disposition est une transposition de l’article 220 du Code civil applicable aux époux qui prévoit, sensiblement dans les mêmes termes, que :

« Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement.

 La solidarité n’a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant.

 Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage. »

Le dispositif édicté aux articles 515-4, al. 2e et 220 du Code civil constitue un point de convergence entre le pacs et le mariage.

Cette convergence s’explique par l’objectif poursuivi par ce dispositif, directement issu de la loi du 13 juillet 1965 : assurer l’indépendance des membres du couple dans la vie quotidienne

3. Le contenu du dispositif

Le dispositif institué par le législateur en 1965 à destination des couples mariés, s’articule autour de trois règles qui constituent autant d’étapes dont le franchissement détermine le passage à l’étape suivante.

==> Principe

  • Exposé du principe
    • Aux termes de l’article 515-4, al. 2e du Code civil « les partenaires sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante.
    • La solidarité envisagée par l’article 515-4 du Code civil signifie que les tiers peuvent demander à n’importe quel partenaire de régler la totalité de la dette contractée, seul, par l’autre partenaire.
    • En d’autres termes, l’ensemble des biens des deux partenaires répond de la dette contractée par un seul et chacun des deux époux peut être poursuivi pour la totalité de la dette.
    • Ainsi, le tiers est-il titulaire d’une créance à l’encontre des deux membres du couple, en ce sens qu’il peut indifféremment les actionner en paiement.
    • Cette forme de solidarité, que l’on qualifie de passive, présente un réel intérêt pour le créancier dans la mesure où elle le prémunit contre une éventuelle insolvabilité de l’un de ses débiteurs.
    • Dans cette configuration, les partenaires sont garants l’un de l’autre.

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  • Condition d’application
    • L’article 515-4 du Code civil précise que la solidarité entre partenaires ne s’applique que pour les dettes contractées pour les besoins de la vie courante
    • Ainsi, le principe de solidarité est écarté s’agissant des dépenses non exposées pour les besoins de la vie courante.
    • La notion de « dette contractée pour les besoins de la vie courante» couvre les dépenses de fonctionnement du ménage et plus précisément toutes celles relatives au train de vie des partenaires.
    • Les dépenses de fonctionnement du ménage, s’opposent aux dépenses d’investissement qui, elles, ne donnent pas lieu à la solidarité entre partenaires.
    • Au nombre des dépenses ménagères on compte notamment :
      • Le loyer
      • Les charges locatives
      • Les frais d’habillement
      • L’énergie
      • L’eau
      • Les charges relatives au domicile familial
      • Les frais d’éducation et d’entretien des enfants
    • Sont comprises dans les dépenses exposées pour les besoins de la vie courante toutes celles strictement nécessaires au fonctionnement du ménage.
    • Ainsi, le législateur a-t-il adopté un critère finaliste
    • L’application du principe de solidarité entre partenaires s’apprécie au regard de la finalité de la dépense exposée

==> Exceptions

L’article 515-4, al. 2e du Code civil pose deux exceptions au principe de solidarité des dettes ménagères

  • Les dépenses manifestement excessives
    • L’article 515-4 prévoit que « la solidarité n’a pas lieu […] pour les dépenses manifestement excessives»
    • Toute la question est alors de savoir ce que l’on doit entendre par « dépenses manifestement excessives»
    • Contrairement à l’article 220, l’article 515-4 ne pose aucun critère d’appréciation de cette notion
    • L’article 220, applicable aux couples mariés, précise, en effet, que le caractère manifestement excessif d’une dépense s’apprécie eu égard
      • au train de vie du ménage
      • à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération
      • à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant
    • La différence de rédaction des deux textes est somme toute étonnante.
    • Pourquoi n’avoir pas repris, à la lettre, les termes de l’article 220?
    • Sans doute est-ce là un oubli du législateur, sinon une approximation dans la rédaction de l’article 515-4.
    • En toute hypothèse, il est fort probable que lorsqu’il s’agit d’apprécier le caractère manifestement excessif d’une dépense exposée par un partenaire, le juge se référera aux critères posés à l’article 220 du Code civil.
  • Les achats à tempéraments
    • Il ressort de l’article 515-4, al. 2e du Code civil que la solidarité n’a pas lieu pour les achats à tempérament
    • L’achat à tempérament correspond à l’hypothèse de la vente à crédit
    • Plus précisément, le vendeur consent une facilité de paiement à l’acquéreur qui peut régler en plusieurs fois l’objet du contrat de vente.
    • Le paiement du prix est ainsi étalé sur une période déterminée, le transfert de propriété du bien s’opérant à l’issue de la durée du financement.
    • Compte tenu du caractère particulièrement dangereux d’une telle opération, il est apparu au législateur qu’elle était de nature à inciter les consommateurs à s’endetter outre mesure.
    • Aussi, a-t-il décidé d’exclure les achats à tempéraments du champ de la solidarité, quand bien même la dette aurait été contractée pour les besoins de la vie courante du couple
    • Initialement, cette exception ne figurait pas à l’article 515-4 du Code civil.
    • C’est le législateur qui, à l’occasion de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite loi Lagarde, a entendu préciser l’article 515-4 afin qu’existe un parallélisme avec l’article 220 du Code civil applicable au couple marié.
    • Surtout, l’absence de cette précision revenait à conférer aux tiers, dans le cadre de leurs relations avec les membres d’un couple pacsé, une protection moindre que celle dont ils bénéficient lorsqu’ils contractent avec des époux.
  • Les emprunts
    • À l’instar des achats à tempérament, l’article 515-4 du Code civil exclut également du champ de la solidarité entre partenaires les emprunts.
    • Par emprunt il faut en réalité entendre les opérations de crédit.
    • L’article L. 311-1, 6° du Code de la consommation définit l’opération de crédit comme celle consistant en « un contrat en vertu duquel un prêteur consent ou s’engage à consentir à l’emprunteur un crédit […] sous la forme d’un délai de paiement, d’un prêt, y compris sous forme de découvert ou de toute autre facilité de paiement similaire, à l’exception des contrats conclus en vue de la fourniture d’une prestation continue ou à exécution successive de services ou de biens de même nature et aux termes desquels l’emprunteur en règle le coût par paiements échelonnés pendant toute la durée de la fourniture».
    • Cette exception au principe de solidarité entre partenaires est également un ajout de la loi du 1er juillet 2010.
    • Le législateur a toujours fait montre d’une grande méfiance à l’égard des opérations de crédit, en particulier lorsqu’elles concernent les ménages.
    • Ainsi, peu importe que l’emprunt contracté par un partenaire ait pour objet le financement d’un besoin de la vie courante du couple : l’application du principe de solidarité est hypothèse, sauf à ce qu’il entre dans le champ de l’exception à l’exception

==> Exception à l’exception

L’article 515-4, 2e du Code civil dispose que la solidarité « n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux partenaires, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage. »

Il ressort de cette disposition que, s’agissant des achats à tempérament et des emprunts contractés par les partenaires, la solidarité peut être rétablie dans deux cas :

  • Première situation : le consentement des deux partenaires
    • L’achat à tempérament ou l’emprunt a été conclu avec le consentement des deux partenaires
    • En pareille hypothèse, la solidarité entre partenaires est rétablie
    • Toutefois, elle ne jouera que si la dépense est exposée pour les besoins de la vie courante
    • Il importe peu qu’un seul partenaire soit signataire du contrat, ce qui compte étant que l’autre ait consenti à l’accomplissement de l’acte.
  • Seconde situation : les emprunts modestes
    • Lorsque l’emprunt porte sur des sommes modestes, la solidarité est également rétablie.
    • Toutefois, l’article 515-4 précise que deux conditions cumulatives doivent être emplies
      • L’emprunt doit porter sur des sommes nécessaires à la vie courantes
      • Le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage
    • Il appartient donc aux établissements bancaires de se montrer extrêmement vigilants lorsqu’ils consentiront un emprunt à un couple de partenaires, s’ils souhaitent bénéficier de la solidarité.
    • Sauf à exiger la signature des deux, il leur faudra vérifier la solvabilité du couple et plus spécifiquement porter une attention particulière sur les crédits en cours.

La solidarité passive

I) Notion

À l’inverse de la solidarité active, il y a solidarité passive lorsqu’un créancier est titulaire d’une créance à l’encontre de plusieurs débiteurs.

Il s’ensuit que le créancier peut réclamer à chaque débiteur pris individuellement le paiement de la totalité de la dette.

La solidarité passive présente un réel intérêt pour le créancier dans la mesure où elle le prémunit contre une éventuelle insolvabilité de l’un de ses débiteurs.

Aussi, dans cette configuration les codébiteurs sont garants les uns des autres.

Schéma 8.JPG

II) Source

A) Principe

La règle est ici la même qu’en matière de solidarité active

Conformément à l’article 1310 du Code civil « la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas. »

La solidarité passive peut ainsi avoir deux sources distinctes : la loi ou le contrat.

  • La source contractuelle
    • Lorsqu’elle est d’origine contractuelle, la solidarité passive doit être expressément stipulée
    • Dans le doute, le juge préférera la qualification d’obligation conjointe
    • La Cour de cassation fait preuve d’une extrême rigueur à l’égard des juges du fond qui ne saurait retenir la solidarité lorsque, notamment, elle est tacite (V. en ce sens 1ère civ. 19 févr. 1991; Cass. 1ère civ. 7 nov. 2012).
  • La source légale
    • Il est de nombreux textes qui instituent une solidarité passive à la faveur du créancier
    • Cette dernière se justifie
      • Soit par une communauté d’intérêts
        • Co-emprunteurs de la même chose dans le prêt à usage (art. 1887 C.civ.)
        • Époux pour le paiement de l’impôt sur le revenu
        • Époux pour les dettes ménagères (art. 220 C. civ.)
      • Soit par la participation commune à une même responsabilité
        • Parents pour les dommages causés par leurs enfants mineurs habitant avec eux (art. 1242, al. 4 C. civ.)
        • Producteur d’un produit fini et producteur d’une partie composante, pour le dommage causé par le défaut du produit incorporé dans le produit fini
        • Personnes condamnées pour un même crime ou un même délit s’agissant des restitutions et dommages et intérêts ( 375-2, al. 1 C. pén. et 480-1, al. 1 C. proc. pén).
      • Soit par la nécessité de renforcer le crédit
        • Signataires d’une lettre de change ( L. 511-44 C. com.)
        • Signataires d’un chèque ( L. 131-51 C. mon. fin.)
        • Associés d’une société en nom collectif ( 221-1 C. com.)

B) Exception

Par exception à la règle de droit commun, en matière commerciale, la solidarité est présumée.

Le principe est donc inversé, ce qui signifie que l’exclusion de la solidarité doit être expressément stipulée.

À défaut, les débiteurs seront présumés solidaires.

Cette solution est ancienne (Cass. Req. 20 oct. 1920) et constante (Cass. com. 5 juin 2012).

L’instauration de cette présomption se justifie par le besoin de crédit dont les opérateurs ont besoin dans le cadre de la vie des affaires.

III) Effets

Les effets de la solidarité sont régis aux articles 1313 à 1319 du Code civil.

L’appréhension des effets de la solidarité passive suppose de bien distinguer la question de l’obligation à la dette de celle relative à la contribution à la dette.

  • L’obligation à la dette détermine l’étendue du droit de poursuite du créancier à l’encontre de ses débiteurs
    • Dans cette hypothèse sont donc envisagés les rapports entre le créancier et ses débiteurs
  • La contribution à la dette détermine quant à elle l’étendue de la répartition de la dette entre les codébiteurs
    • Dans cette hypothèse sont seulement envisagés les rapports entre débiteurs

A) L’obligation à la dette ou les rapports entre le créancier et les débiteurs

Dans les rapports entre les créanciers et ses débiteurs il convient de distinguer les effets principaux de la solidarité de ses effets secondaires.

  1. Les effets principaux de la solidarité

Il convient de distinguer les effets qui participent de l’exécution de l’obligation de ceux qui opèrent sa neutralisation :

==> L’exécution de l’obligation : le droit de poursuite

  • L’obligation au total
    • L’une des principales caractéristiques de la solidarité passive est que les débiteurs sont tenus à une même dette, quelle que soit la cause de leur engagement.
    • En raison de cette unicité de la dette qui échappe au principe de division, il en résulte que chacun est obligé à la totalité de la dette.
    • L’article 1313, al. 1er prévoit en ce sens que « la solidarité entre les débiteurs oblige chacun d’eux à toute la dette»
  • La faculté d’élection du créancier
    • Aux termes de l’article 1313, al. 2e du Code civil, « le créancier peut demander le paiement au débiteur solidaire de son choix. »
    • Le créancier dispose donc de ce que l’on appelle traditionnellement une faculté d’élection.
    • Il peut, en effet, choisir discrétionnairement celui d’entre les codébiteurs auquel il réclamera le paiement, par voie extrajudiciaire ou judiciaire, sans avoir à mettre en cause les autres ou même simplement les avertir.
    • Les codébiteurs, tous placés sur le même plan, ne jouissent d’aucun bénéfice de discussion et bien évidemment d’aucun bénéfice de division.
  • La pluralité de liens d’obligations fonde une pluralité de poursuites
    • Contrairement à la solution ancienne du droit romain fondée sur la litis contestatio, les poursuites engagées contre l’un des débiteurs n’empêchent pas le créancier d’agir contre les autres.
    • L’article 1313, al. 2 dispose que « les poursuites exercées contre l’un des débiteurs solidaires n’empêchent pas le créancier d’en exercer de pareilles contre les autres. »
    • Il appartiendra néanmoins au créancier lorsqu’il diligentera des poursuites ultérieures de déduire du montant de sa demande le paiement partiel précédemment obtenu de l’un des codébiteurs.
  • Unicité de la dette
    • En raison de l’unicité de la dette, qui donc ne fait pas l’objet d’une division, les différents rapports d’obligation sont placés sous la dépendance mutuelle de leur exécution réciproque.
    • La conséquence en est que paiement fait par l’un des débiteurs libère les autres à l’égard du créancier.
    • Cette règle est exprimée à l’article 1313, al. 1er du Code civil.

==> La neutralisation de l’obligation : le régime des exceptions

La question qui ici se pose est de savoir si un débiteur peut opposer une exception au créancier.

Par exception, il faut entendre un moyen de défense qui tend à faire échec à un acte en raison d’une irrégularité (causes de nullité, prescription, inexécution, cause d’extinction de la créance etc…)

Le régime des exceptions est traité à l’article 1315 du Code civil.

Lorsque ces exceptions sont fondées, elles emportent disparition de la dette à l’égard de tous les débiteurs.

D’où la possibilité pour chaque débiteur de les invoquer

Quel que soit le débiteur qu’il poursuit, le créancier est, par principe, susceptible de se les voir opposer.

Toutefois, toutes les exceptions ne sont pas opposables au créancier.

Aussi, convient-il de distinguer trois catégories d’exceptions:

  • Les exceptions inhérentes à la dette : le principe d’opposabilité
    • Principe
      • Il s’agit des exceptions communes à tous les codébiteurs.
      • Pour cette catégorie d’exception, la règle est posée à l’article 1315, al. 1er du Code civil qui prévoit que « le débiteur solidaire poursuivi par le créancier peut opposer les exceptions qui sont communes à tous les codébiteurs».
      • Ainsi, les inhérentes à la dette peuvent toujours être opposées au créancier.
      • Ce principe se justifie par le caractère commun de la dette
      • Les exceptions qui l’affectent se répercutent donc mécaniquement sur chacun des débiteurs.
    • Applications
      • À titre d’exemple d’exceptions inhérentes à la dette, l’article 1315 vise la résolution et la nullité
      • Cas particulier de la nullité
        • S’agissant de cette dernière exception, il y a là une maladresse du législateur, en ce que toutes les causes de nullités ne constituent pas nécessairement des exceptions inhérentes à la dette.
        • Lorsque la nullité trouve sa source dans l’incapacité du débiteur ou dans un vice du consentement, elle s’apparente plutôt à une exception qui lui est personnelle.
        • Elle ne devrait, en conséquence, pouvoir être invoquée que par celui dont elle affecte la validité de l’engagement.
        • Dans ces conditions, peuvent être qualifiées d’exceptions inhérentes à la dette par exemple :
          • Les nullités tenant à l’objet, à la contrepartie ou encore à la forme de l’acte
          • Les exceptions tirées d’un terme ou d’une condition commun à tous les codébiteurs
          • Les causes d’extinction de l’obligation :
            • par disparition de l’objet
              • Paiement
              • Dation en paiement
              • Novation
            • par prescription
            • par remise de dette
            • par perte fortuite de la chose
  • Les exceptions purement personnelles : le principe d’inopposabilité
    • Principe
      • Les exceptions purement personnelles sont celles tirées de l’engagement d’un débiteur indépendamment de l’engagement des autres.
      • Elles ne touchent donc qu’un seul lien obligataire, sans affecter les autres.
      • Pour cette catégorie d’exceptions, il ressort de l’article 1315 du Code civil que seul le débiteur dont l’engagement est frappé de nullité peut opposer l’exception au créancier.
      • Dans la mesure où l’exception n’est pas inhérente à la dette, elle ne produit sur elle aucun effet extinctif, de sorte que les codébiteurs demeurent solidairement tenus.
      • C’est là tout le sens de l’article 1315 lorsqu’il énonce qu’un débiteur « ne peut opposer les exceptions qui sont personnelles à d’autres codébiteurs, telle que l’octroi d’un terme»
    • Applications
      • Au rang des exceptions purement personnelles on compte notamment :
        • Les nullités tenant aux vices du consentement et aux incapacités
        • Les exceptions tirées d’un terme ou d’une condition propre à un débiteur
        • L’extinction de la créance pour défaut de déclaration dans le cadre d’une procédure collective
        • La suspension des poursuites à l’encontre d’un débiteur qui fait l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire
  • Les exceptions simplement personnelles : le principe d’opposabilité partielle
    • Principe
      • Il s’agit des exceptions dont l’invocation produit des effets inégaux selon la personne de celui qui les oppose au créancier
        • S’il s’agit du débiteur personnellement touché par l’exception, son engagement sera affecté pour le tout
        • S’il s’agit du débiteur non personnellement touché par l’exception, son engagement ne sera affecté que partiellement
      • La particularité de ces exceptions est que tandis qu’elles atteignent des liens et libère le débiteur qui en est le sujet passif, elles libèrent également ses codébiteurs mais qu’à concurrence de la part contributive de ce dernier.
      • L’article 1315 prévoit en ce sens que « lorsqu’une exception personnelle à un autre codébiteur éteint la part divise de celui-ci […] il peut s’en prévaloir pour la faire déduire du total de la dette.»
      • En somme, contrairement à l’exception inhérente à la dette qui l’affecte totalement et à l’exception purement personnelle qui ne l’affecte pas du tout, l’exception simplement personnelle n’affecte la dette que partiellement ; d’où ses effets variables, selon le débiteur qui l’invoque.
    • Applications
      • À titre d’exemples d’exceptions simplement personnelles, l’article 1315 vise notamment la compensation et la remise de dette.
      • Sur la compensation
        • Le législateur semble avoir retenu une solution différente de celle appliquée antérieurement à la réforme.
        • L’ancien article 1294, al. 3 du Code civil prévoyait, en effet, que la compensation constituait une exception purement personnelle au débiteur solidaire.
        • La Cour de cassation estimait toutefois que si elle était invoquée par ce dernier, tous les codébiteurs devaient en bénéficier, selon le régime des exceptions inhérentes à la dette.
        • Si, en revanche, il décidait de ne pas formellement l’opposer au créancier, la compensation demeurait sans effet sur le quantum de la dette.
        • En l’état du droit, les termes de l’article 1315 du Code civil invitent à penser que la compensation pourra être invoquée par les codébiteurs de celui titulaire d’une créance réciproque à l’encontre du créancier.
        • La compensation est, en effet, présentée comme une exception simplement personnelle de sorte que l’on est légitimement en droit de penser qu’elle en emprunte le régime.
      • Sur la remise de dette
        • Il s’agit de l’hypothèse où le créancier consent une remise de dette à l’un des codébiteurs, mais réserve ses droits contre les autres.
        • Dans cette situation, l’article 1315 du Code civil contraint le créancier à déduire de ses poursuites contre les codébiteurs la part contributive du bénéficiaire de la remise de dette.
        • Cette règle est spécifiquement exprimée à l’article 1350-1 du Code civil qui dispose que « la remise de dette consentie à l’un des codébiteurs solidaires libère les autres à concurrence de sa part. »

2. Les effets secondaires de la solidarité

Certains effets de la solidarité sont qualifiés de secondaires en raison de leur singularité.

Ils ont en commun de faciliter l’action du créancier car certains actes accomplis à l’encontre de l’un des codébiteurs produisent leurs effets à l’égard de tous les autres.

La cohérence de ces effets secondaires demeure toutefois incertaine dans la mesure où, tout en liant le sort des codébiteurs à l’instar des exceptions inhérentes à la dette, ils ne se rattachent pas aisément à la notion d’unicité de la dette.

Aussi, a-t-on cherché à leur trouver un socle théorique commun.

==> Exposé de la théorie de la représentation mutuelle

À partir des effets secondaires les plus caractéristiques, la doctrine du XIXe siècle a cherché à les rassembler autour d’une théorie commune, laquelle a été reprise par la jurisprudence (V. notamment en ce sens civ. 1er déc. 1885).

Cette tentative de théorisation des effets secondaires de la solidarité a toutefois fait l’objet de vives critiques.

La particularité de ces effets remarquait-on est que les codébiteurs posséderaient une communauté d’intérêts.

En partant de ce postulat, on en a déduit qu’ils avaient respectivement qualité à agir au nom des autres et que, en somme, ils se représentaient mutuellement.

C’est ce que l’on appelle la théorie de la représentation mutuelle.

Le pouvoir de représentation dont seraient dotés les codébiteurs ne serait pas toutefois illimité.

Ces derniers ne sauraient accomplir aucun acte qui aurait pour conséquence d’aggraver la situation des autres.

Ils ne pourraient valablement agir qu’en vue de maintenir ou de réduire l’engagement de tous.

Bien que séduisante, cette thèse n’en est pas moins contestable.

Non seulement elle présente une certaine part d’artifice en ce qu’il est difficile de trouver une communauté d’intérêt dans la situation juridique que constitue la solidarité, surtout la majorité des solutions qu’elle entend recouvrir peuvent également être rattachées à la notion d’unicité de la dette.

==> Inventaire des effets secondaires

De tous les effets secondaires énoncés par le Code civil avant la réforme, l’ordonnance du 10 février 2017 n’en reprend qu’un seul : la demande d’intérêts formée contre l’un des codébiteurs.

Est-ce à dire que les autres effets secondaires attachés à la solidarité sont abandonnés ?

On ne saurait être aussi catégorique ; rien ne permet de se prononcer dans un sens un dans l’autre.

Aussi, dans l’attente que la Cour de cassation se prononce, au cas par cas, convient-il d’envisager que tous les effets secondaires attachés à la solidarité antérieurement à la réforme soient conservés :

  • La demande d’intérêts formée contre l’un des codébiteurs
    • L’article 1314 du Code civil prévoit que « la demande d’intérêts formée contre l’un des débiteurs solidaires fait courir les intérêts à l’égard de tous.»
    • De toute évidence, cet effet secondaire vient contredire la théorie de la représentation mutuelle, dans la mesure où il conduit à une aggravation de la situation des codébiteurs.
    • À la vérité, cette règle se justifie, une fois encore, par l’idée de dette unique.
    • Les intérêts étant les accessoires de la dette. Or celle-ci est due par tous.
    • Les intérêts qui commencent à courir ne peuvent donc que suivre le même régime.
  • La mise en demeure adressée à l’un des codébiteurs
    • Lorsqu’une mise en demeure est adressée par le créancier à l’un des codébiteurs, elle les oblige tous à payer le prix
    • Elle fait courir les intérêts moratoires.
    • Toutefois, seul le mis en demeure peut être condamné, s’il ne s’exécute pas, à verser des dommages et intérêts
  • L’interruption de la prescription contre l’un des codébiteurs
    • Lorsqu’un acte interruptif de prescription est accompli par le créancier, il produit ses effets à l’encontre de tous les codébiteurs.
    • L’acte interruptif de prescription peut consister, tant en un acte judiciaire (acte introductif d’instance) qu’en un acte extrajudiciaire (reconnaissance de dette).
  • La transaction entre le créancier et l’un des codébiteurs
    • Dans un arrêt du 3 décembre 1906, la Cour de cassation a estimé que la transaction conclue entre le créancier et l’un des codébiteurs profite aux autres lorsqu’elle leur est favorable ( req. 3 déc. 1906).
  • L’autorité de la chose jugée
    • Dans un arrêt du 28 décembre 1881, la Cour de cassation a estimé que « la chose jugée avec l’un des codébiteurs solidaires est opposable à tous les autres» ( civ. 28 déc. 1881).
    • Cette règle est toutefois écartée dans l’hypothèse où cet effet secondaire de la solidarité conduit à aggraver la situation des codébiteurs.
  • Les voies de recours
    • L’exercice d’une voie de recours par l’un des codébiteurs bénéficie aux autres, de sorte que la décision obtenue en appel pour l’un sera opposable à tous les autres.

B) La contribution à la dette ou les rapports entre codébiteurs

Une fois le créancier désintéressé, celui à qui il a été demandé régler la totalité de la dette, à tout le moins plus que sa part, dispose d’un recours contre ses codébiteurs.

Ce recours intéresse le stade de la contribution à la dette. Plus globalement, il s’agit de déterminer, après avoir surmonté le stade de l’obligation à la dette, l’étendue de la répartition de la dette entre les codébiteurs

Plusieurs règles ont été adoptées aux fins de régler cette question de la répartition du poids de la dette.

==> Le rétablissement du principe de division

Au stade de la contribution à la dette, il ressort de l’article 1317 du Code civil que la solidarité ne joue plus.

L’obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs.

Le débiteur qui donc a payé le créancier ne peut pas actionner en paiement l’un de ses codébiteurs pour le montant de la dette restant dû.

Celui qui a payé au-delà de sa part dispose d’un recours contre les autres à proportion de leur propre part

==> La répartition de la dette entre codébiteurs

  • Principe
    • L’article 1317 prévoit que « entre eux, les codébiteurs solidaires ne contribuent à la dette que chacun pour sa part. »
    • La division se fait, en principe, par parts égales
    • Cette clé de répartition n’est toutefois pas absolue.
    • Dans plusieurs cas, il peut, en effet, être dérogé au principe de répartition à parts égales de la dette.
  • Exceptions
    • La solidarité est fondée sur une responsabilité commune
      • Dans cette hypothèse, le juge peut moduler la contribution des codébiteurs, en fonction du degré des fautes respectives s’il s’agit d’une solidarité fondée sur une responsabilité commune.
    • La stipulation d’une clause de répartition
      • Les parties peuvent elles-mêmes prévoir une répartition inégale dans le contrat
    • L’insolvabilité d’un codébiteur
      • L’article 1317 dispose que dans l’hypothèse où l’un des codébiteurs « est insolvable, sa part se répartit, par contribution, entre les codébiteurs solvables, y compris celui qui a fait le paiement et celui qui a bénéficié d’une remise de solidarité. »
      • La part est donc répartie entre tous les codébiteurs encore solvables.
      • Cette solution s’apparente à une sorte de solidarité horizontale et subsidiaire qui s’adjoindrait à la solidarité verticale jouant dans les rapports avec le créancier.
    • La dette a été contractée dans l’intérêt d’un seul débiteur
      • L’article 1318 prévoit que « si la dette procède d’une affaire qui ne concerne que l’un des codébiteurs solidaires, celui-ci est seul tenu de la dette à l’égard des autres
      • Cela signifie donc que dans l’hypothèse où un seul des codébiteurs est intéressé à l’opération, il doit supporter le poids définitif de la dette.
      • Il en résulte deux conséquences :
        • Si le débiteur intéressé à l’opération a seul été actionné en paiement par le créancier, il ne dispose d’aucun recours contre ses codébiteurs.
        • Inversement si les codébiteurs non intéressés à l’opération ont été actionnés en paiement par le créancier, ils disposent d’un recours contre celui concerné par la dette

==> Le recours du codébiteur solvens

Il dispose d’un double recours contre ses codébiteurs :

  • Une action personnelle
    • Cette action est fondée sur l’article 1317, al. 2 du Code civil.
    • Sur le plan théorique, les auteurs invoquent les notions de mandat et de gestion d’affaires pour la justifier.
    • L’action personnelle qui ne peut être exercée qu’à titre chirographaire permet de réclamer aux codébiteurs les intérêts des sommes versées au créancier à compter du jour du paiement.
  • Une action subrogatoire
    • Cette action est fondée sur l’article 1346 du Code civil qui prévoit que « la subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette.»
    • Le mécanisme de la subrogation, qui joue de plein droit dès le paiement effectué, présente l’avantage d’investir le codébiteur solvens de tous les droits et actions du créancier.
    • Aussi, cela lui permet-il de jouir, notamment, des sûretés et garanties attachés à la créance initiale.

IV) L’extinction de la solidarité passive

La solidarité prend fin dans trois cas distincts :

  • Le paiement
    • C’est la cause d’extinction normale de la solidarité
    • Si le paiement réalise l’exécution intégrale de l’obligation, la dette disparaît.
    • La solidarité n’a donc plus de raison d’être.
  • Le décès d’un codébiteur
    • En l’absence d’une clause d’indivisibilité complétant la solidarité, le décès de l’un des codébiteurs produit une division de la part du codébiteur dans la dette entre ses héritiers.
    • Aussi, le créancier, ne pourra pas les actionner en paiement pour le tout.
    • La solidarité jouera néanmoins toujours entre les autres codébiteurs.
  • La remise de solidarité
    • Le nouvel article 1316 dispose que « le créancier qui reçoit paiement de l’un des codébiteurs solidaires et lui consent une remise de solidarité conserve sa créance contre les autres, déduction faite de la part du débiteur qu’il a déchargé. »
    • Ainsi, lorsque le créancier est réglé par l’un des codébiteurs, il peut lui consentir une remise de solidarité.
    • Cela signifie qu’il n’est plus tenu solidairement à la dette, mais seulement conjointement.
    • La conséquence en est que le créancier ne pourra exiger du bénéficiaire de la remise que le paiement de sa part dans la dette et non du tout.
    • Quant aux autres débiteurs, ils demeurent tenus solidairement de la dette, déduction faite de la part du débiteur qui a été déchargé.

 

De la distinction entre l’obligation à la dette et la contribution aux pertes

Bien que subtile en apparence, la distinction entre l’obligation à la dette et la contribution aux pertes constitue la principale ligne de démarcation entre les les sociétés à risque illimité (SNC, Société civile) et les sociétés à risque limité (SARL, SA, SAS).

Tandis que dans les premières, les associés sont tenus à l’obligation à la dette, sans possibilités pour eux de s’y soustraire ? à tout le moins à l’égard des tiers ? dans les secondes cette obligation n’échoit pas aux associés. Ces derniers sont seulement tenus de contribuer aux pertes.

Ainsi, pour résumer :

  • Dans les sociétés à risque illimité les associés sont tenus à l’obligation à la dette
  • Dans les sociétés à risque limité, les associés ne sont pas tenus à l’obligation à la dette
  • Dans les deux formes de sociétés, les associés sont tenus de contribuer aux pertes

Afin de mieux cerner cette distinction entre l’obligation à la dette et la contribution aux pertes, envisageons chacune de ces obligations prises séparément.

I) L’obligation à la dette

A) Contenu du principe

L’obligation à la dette détermine l’étendue du droit de poursuite des créanciers sociaux, au cours de la vie sociale, quant aux créances qu’ils détiennent à l’encontre de la société.

L’obligation à la dette sociale fait donc naître une créance au profit des tiers contre la société.

Les règles relatives à l’obligation à la dette régissent les rapports entre les créanciers de la société et les associés.

La mise en œuvre du droit de poursuite des créanciers est néanmoins conditionnée par le respect du principe de subsidiarité.

Autrement dit, les créanciers sociaux doivent, d’abord, solliciter le paiement de leur créance auprès de la société, après quoi seulement, en cas d’échec de leurs poursuites, ils sont fondés à diligenter une action en recouvrement contre les associés.

Oblig dette

Ainsi, l’obligation aux dettes sociales ne joue que dans les sociétés à responsabilité illimitée.

Et pour cause, dans les sociétés à risque limité, la société forme un écran parfaitement étanche entre les associés et les créanciers sociaux.

Tel n’est pas le cas pour les sociétés à risque illimité dans lesquelles les associés sont tenus à l’obligation à la dette.

Une distinction doit néanmoins être opérée entre les sociétés civiles et les sociétés commerciales :

  • Dans les sociétés civiles, conformément à l’article 1856 du Code civil, l’obligation à la dette est indéfinie. Il en résulte que les créanciers sociaux doivent diviser leurs poursuites en autant d’actions qu’il y a d’associés.
    • Cela signifie qu’ils sont tenus de réclamer à chaque associé le paiement de sa part dans la dette sociale à proportion de son apport; étant précisé que la contribution de chaque associé peut aller au-delà de son apport initial.
  • Dans les sociétés commerciales, l’obligation à la dette est indéfinie et solidaire (art. L. 221-1 pour les SNC).
    • En d’autres termes, un créancier peut poursuivre un associé en paiement de la dette sociale pour le tout, à charge pour lui d’exercer un recours subrogatoire contre la société ? qui la plupart du temps sera vain ? ou de se retourner contre ses co-associés.
    • Comme dans les sociétés civiles, l’obligation à la dette à laquelle sont tenus les associés est susceptible d’excéder le montant de leur apport initial.

B) Champ d’application

Deux questions se posent :

  • Quels sont les créanciers poursuivants ?
  • Quels sont les associés poursuivis ?

1) Les créanciers poursuivants

Tous les créanciers sociaux sont-ils susceptibles d’exercer des poursuites à l’encontre des associés de la société au titre de l’obligation à la dette ?

La question s’est notamment posée de savoir si l’associé qui a consenti une avance en compte courant à la société était fondé à agir en paiement contre ses co-associés sur le fondement de l’obligation à la dette.

À cette question, la chambre commerciale de la Cour de cassation a répondu par la négative dans un arrêt du 3 mai 2012 (Cass. Com. 3 mai 2012, n° 11-14.844, D. 2012. 1264, obs. A. Lienhard ; RTD com. 2012. 575, obs. M.-H. Monsèrié-BonDocument InterRevues ; Dr. sociétés juill. 2012, n° 119 ; JCP E 2012. 1437, note A. Couret et B. Dondero.)

Le doute était pourtant permis, dans la mesure où l’associé, apporteur en compte courant, est considéré, d’ordinaire, comme un créancier de la société (Cass. req., 21 juill. 1879; Cass. com., 18 nov. 1986, n° 84-13.750).

Partant, si l’associé qui consent des avances en compte courant à la société s’apparente à un créancier de la société, on pouvait légitimement s’attendre à ce qu’il soit fondé à agir, au même titre que les autres créanciers sociaux, contre ses co-associés sur le fondement de l’obligation à la dette.

Tel n’est pas ce qui a été décidé par la Cour de cassation.

Sur quel fondement juridique la Cour de cassation s’appuie-t-elle pour retenir cette solution ?

Manifestement, le Code civil ne semble opérer aucune distinction entre les créanciers sociaux :

  • L’article 1858 prévoit que :
    • « Les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale»
    • Ce texte vise « les créanciers » sans autre précision
  • Quant à l’article 1857, il fait référence, non pas « aux créanciers» de la société, mais aux tiers :
    • « À l’égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l’exigibilité ou au jour de la cessation des paiements.»

À la vérité, ce n’est donc qu’en combinant les 1857 et 1858 du Code civil qu’il semble falloir interpréter la position de la Cour de cassation.

Pour la Cour de cassation

  • Les tiers visés à l’article 1857 peuvent tous être qualifié de créancier
  • Les créanciers de l’article 1858 ne seraient pas tous des tiers

La Cour pose ainsi, par une interprétation combinée des textes en présence, une double condition quant à la mise en œuvre de l’obligation aux dettes sociales des associés.

Pour être fondé à agir contre les associés d’une société sur le fondement de l’obligation à la dette il faut :

  • Être créancier de la société
  • Être tiers de la société

Il en résulte que, l’associé, qui cumule sur une seule tête cette qualité avec celle de prêteur, l’empêche de recevoir la qualification de tiers au sens de l’article 1857 du Code civil.

Aussi, cette qualité d’associé est-elle de nature à faire obstacle à l’exercice d’un recours contre ses coassociés au titre de l’obligation aux dettes.

2) Les associés poursuivis

En principe, l’obligation à la dette est attachée de plein droit à la qualité d’associé.

Ainsi, lorsque les formalités de publicité auront régulièrement été effectuées, un associé ne sera jamais tenu à l’obligation à la dette pour le passif social contracté postérieurement à son retrait de la société, sauf à ce qu’il ait consenti, dans le contrat de cession, une clause de garantie de passif au cessionnaire.

S’agissant, en revanche, des dettes contractées avant le retrait d’un associé, il faut distinguer selon qu’il s’agit d’un associé en nom collectif ou de l’associé d’une société civile

En matière de société en nom collectif, l’associé qui se retire est tenu du passif contracté antérieurement à son départ.

Quant au nouvel associé, l’obligation à la dette à laquelle il est tenu s’étend à toutes les dettes contractées par la société, qu’elles soient nées antérieurement ou postérieurement à son arrivée.

En matière de société civile, l’article 1857 du Code civil prévoit que :

« À l’égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l’exigibilité ou au jour de la cessation des paiements. »

Dans l’hypothèse où l’arrivée d’un associé dans une société civile interviendrait entre la date de cession des paiements et la date d’exigibilité, la Cour de cassation prend en compte la date d’exigibilité de la dette (Cass. com., 13 avr. 2010, n° 07-17.912: JurisData n° 2010-003929 ; Dr. sociétés 2010, comm. 136, note H. Hovasse)

C) Nature de l’obligation à la dette

 La question de la nature de l’obligation à la dette revient à s’interroger sur la qualité des associés dans les sociétés à risque illimité.

Doivent-ils être considérés comme des garants ? Comme des coobligés ? Ou plus simplement comme des débiteurs subsidiaires ?

1) L’associé d’une société à risque illimité peut-il être qualifié de garant ?

Dans un arrêt du 17 janvier 2006, la Cour de cassation rejette la qualification de garant pour l’associé d’une SNC (Cass. 1re civ., 17 janv. 2006, n° 02-16595 : Bull. civ. 2006, I, n° 15, p. 15 ; D. 2007, p. 273, obs. J.-C. Hallouin et E. Lamazerolles ; Dr. soc. 2006, comm. 37, obs. F.-X. Lucas ; RLDC 2006/25, n° 1029, 1re esp., obs. G. Marraud des Grottes ; Banque et Droit mars-avr. 2006, p. 63, 1re esp., obs. F. Jacob ; JCP G 2006, I, 131, n° 2, obs. Ph. Simler).

Dans l’arrêt en l’espèce, l’enjeu portait sur la question de savoir si l’associé d’une SNC pouvait opposer aux créanciers sociaux l’application de l’article 1415 du Code civil.

Pour mémoire, cette disposition relève du régime juridique applicable aux époux mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts :

Elle prévoit que :

« Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n’aient été contractés avec le consentement exprès de l’autre conjoint qui, dans ce cas, n’engage pas ses biens propres. »

L’article 1415 du Code civil pose ainsi une exception au principe.

L’article 1413 du code civil dispose en effet que :

« Le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu’il n’y ait eu fraude de l’époux débiteur et mauvaise foi du créancier, sauf la récompense due à la communauté s’il y a lieu. »

Dans l’arrêt du 17 janvier 2006, il ressort des faits que les biens que le créancier social envisageait de saisir étaient des biens communs.

Si, dès lors, on considérait, comme le soutenait le pourvoi, que l’obligation à la dette à laquelle est tenu l’époux en sa qualité d’associé d’une société à risque illimité s’apparentait à la souscription d’une garantie, alors l’application de l’article 1415 du Code civil devait conduire à exclure les biens, objet de la saisie, du gage des créanciers sociaux.

Pour la Cour de cassation, l’article 1415 du Code civil n’était pas applicable en l’espèce, dans la mesure où l’associé de la SNC ne pouvait pas se prévaloir de la qualité de garant.

Un auteur justifie cette solution en arguant que « s’il est vrai que le contrat de société à risque illimité a en commun avec le cautionnement de donner, éventuellement, naissance à une obligation de payer la dette d’autrui, en revanche, il s’en distingue fondamentalement par son effet spéculatif résultant d’une recherche directe, par la mise en commun de biens ou d’industrie, d’un bénéfice ou d’une économie qui profitera à la communauté et qui justifie que cette dernière en supporte les risques » (F. Bicheron, « L’obligation aux dettes sociales de l’associé d’une société à risque illimité et l’article 1415 du code civil », D., 2006, 2660).

Aussi, cette différence fondamentale qui existe entre le contrat de société et le contrat de cautionnement expliquerait-elle pourquoi dans le premier la communauté doive répondre des dettes nées de ce contrat et que, pour le second, elle échappe au droit de gage général du créancier bénéficiaire de la garantie.

2) L’associé d’une société à risque illimité peut-il être qualifié de coobligé ?

 À cette question, la Cour de cassation répond, là encore, par la négative dans un arrêt du 20 mars 2012 (Cass. com., 20 mars 2012, n° 10-27.340 : JurisData n° 2012-005051 ; Dr. sociétés 2012, comm. 102, note M. Roussille ; Bull. civ. 2012, IV, n° 61 ; D. 2012, p. 874, obs. Lienhard ; Rev. sociétés 2012, p. 577, note Dexant-de Bailliencourt ; Bull. Joly 2012, p. 388, note J.-F. Barbièri).

Il était question dans cet arrêt de savoir si le créancier muni d’un titre exécutoire contre une société à risque illimité était fondé à agir, en cas d’échec de son action, contre les associés au titre de l’obligation à la dette.

La chambre commerciale condamne le raisonnement tenu par les juges du fond qui avait jugé recevable les poursuites diligentées par le créancier social contre les associés sur le fondement du titre exécutoire qu’il détenait contre la société.

Pour la Cour de cassation la solution retenue par les juges du fond revenait à inverser la charge de la preuve.

Pour rappel, l’article 1315 al. 1 du Code civil prévoit que c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver.

Autrement dit, il appartenait au prétendu créancier de la société d’établir l’existence de la dette sociale.

Or, faute de preuve de celle-ci, les associés en nom collectif ne sauraient être tenus en vertu de l’article L. 221-1 du code de commerce.

Pour la Cour de cassation la preuve du caractère social de la créance invoquée ne saurait résulter « du seul titre exécutoire obtenu contre la société », du moment que ce dernier ne vise que la personne morale, non ses associés.

Ainsi, pour la Cour de cassation, dès lors que le titre exécutoire n’est émis que contre la société, il ne vaut pas contre les associés.

Cela s’explique par le fait que les associés ne sont pas les coobligés de la société.

Le principe de subsidiarité qui s’impose aux créanciers sociaux fait obstacle à cette qualification.

Il découle, en effet, de ce principe que les associés et la société ne sont pas tenus à la dette sociale sur le même plan.

S’ils étaient coobligés, alors le titre exécutoire détenu par un créancier social lui permettrait d’agir indistinctement contre la société et les associés.

Tel n’est pas le cas nous dit la Cour de cassation. Pour que le titre exécutoire puisse fonder une exécution forcée contre les associés, cela suppose pour le créancier de prouver le caractère sociale de la créance qu’il invoque.

Or en l’espèce, la Cour d’appel a déduit le caractère social de la créance du seul titre exécutoire.

D’où l’affirmation de la Cour de cassation selon laquelle les juges du fond ont inversé la charge de la preuve.

Au total, il apparaît que l’associé d’une société à risque illimité, n’est ni garant de la société, ni coobligé, il est ce que l’on appelle un débiteur subsidiaire.

3) L’associé d’une société à risque illimité s’apparente à un débiteur subsidiaire

Pour poursuivre les associés d’une société à risque illimité au titre de leur obligation à la dette, les créanciers sociaux doivent respecter le principe de subsidiarité.

Ainsi, l’article L. 221-1 al. 2 du Code de commerce prévoit que :

« les créanciers de la société ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé, qu’après avoir vainement mis en demeure la société par acte extrajudiciaire. »

Pour les sociétés civiles, le principe est énoncé à l’article 1858 du Code civil qui dispose que :

« les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale ».

Le respect du principe de subsidiarité subordonne ainsi les poursuites diligentées contre les associés d’une société à risque illimité à l’engagement, au préalable de poursuites contre la société

Ce n’est pas parce qu’un exercice social fait apparaître des pertes que l’obligation à la dette à laquelle sont tenus les associés doive immédiatement être mise en œuvre.

L’admission de pareille solution reviendrait à augmenter les engagements des associés sans leur consentement. Or cela est prohibé à l’article 18.36 al. 2 du Code civil.

En réalité, l’obligation au passif social ne deviendra effective que lorsque la société ne pourra plus, par ses propres ressources, faire face à ses créanciers, soit, pratiquement, au moment de la liquidation.

S’agissant des modalités de mise en œuvre du principe de subsidiarité une distinction doit être opérée entre les sociétés en nom collectif et les sociétés civiles

Dans les sociétés en nom collectif les créanciers sociaux ne peuvent poursuivre les associés qu’après avoir mis en demeure la société elle-même de payer.

Cette mise en demeure doit s’effectuer par acte extrajudiciaire.

Un peu d’histoire :

Historiquement, toutes les mises en demeure devraient être effectuées par acte extrajudiciaire, quelle que soit la matière concernée

En cela, l’article L. 221-1 du Code de commerce ne constituait à l’époque qu’une répétition du droit commun.

Puis, adoption de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution qui a assoupli le formalisme de la mise en demeure

On a décidé que, dorénavant, une mise en demeure pourrait être faite par une sommation de payer ou par tout autre acte équivalent, telle une « lettre missive »

On retrouve cette solution à l’article 1139 du Code civil :

« Le débiteur est constitué en demeure, soit par une sommation ou par autre acte équivalent, telle une lettre missive lorsqu’il ressort de ses termes une interpellation suffisante soit par l’effet de la convention, lorsqu’elle porte que, sans qu’il soit besoin d’acte et par la seule échéance du terme, le débiteur sera en demeure. »

Il s’agit ainsi du droit commun de la mise en demeure dans la mesure où il figure dans le Code civil et que c’est l’un des rares articles de la loi de 1991 à avoir été codifié.

Quid du sort de l’article L. 221-1 du Code de commerce qui exigeait une mise en demeure par acte extrajudiciaire ?

Il n’a pas été modifié et continue d’exiger un acte extrajudiciaire de sorte qu’il constitue une exception au droit commun.

Qu’est-ce, concrètement, qu’un acte extrajudiciaire ?

Dans le sens commun c’est un acte accompli en dehors d’une procédure ou d’une instance judiciaire. Toutefois, ce n’est pas sens juridique

Dans le sens juridique, c’est un acte accompli par un huissier assermenté. L’acte extrajudiciaire est signifié par exploit d’huissier. C’est-à-dire par remise en personne au débiteur par l’huissier à son domicile ou dans son étude

Pourquoi exiger un acte extrajudiciaire ?

Difficile à justifier.

On peut se demander si cela ne serait pas une compensation accordée aux huissiers en contrepartie de la réforme entreprise par la loi de 1991 qui a porté un coup à leur monopole en réduisant significativement le domaine des actes extrajudiciaire !

Dans les sociétés civiles la situation est plus délicate pour les créanciers sociaux

L’article 1858 prévoit que « les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale »

Ainsi, deux conditions doivent être remplies pour que les associés puissent être mis en cause

  • Le créancier doit avoir d’abord poursuivi la société
    • il faut entendre par là que le créancier, s’il n’a pu obtenir satisfaction par les moyens classiques de la mise en demeure, qui constituent un avertissement, doit avoir tenté une action judiciaire contre la société.
    • Cette démarche aura permis à celle-ci, le cas échéant, de contester le montant de la dette et son caractère social
    • Cela signifie également que l’inefficacité des poursuites contre la société doit, à peine d’irrecevabilité de l’action en paiement, être constatée préalablement à l’engagement des poursuites contre les associés
  • Le résultat de ces poursuites doit avoir été vain
    • Cela signifie qu’il faut que le caractère infructueux des diligences du créancier résulte “non de leur inefficacité ou de leur inutilité intrinsèque, mais de l’insuffisance, révélée par elles, du patrimoine social
    • Ainsi il ne suffit pas que les mesures d’exécutions soient infructueuses, il est nécessaire qu’elles révèlent l’insuffisance de l’actif social pour désintéresser le créancier poursuivant (V. en ce sens Civ. 3ème, 23 avr. 1992, JurisData n° 1992-001195 ; Rev. sociétés 1992, p. 763, note B. Saintourens ; RTD com. 1993, p. 332, obs. E. Alfandari et M. Jeantin ; Dr. sociétés 1992, n° 175, note Th. Bonneau.)

II) La contribution aux pertes

L’obligation de contribution aux pertes qui échoit à chaque associé est posée à l’article 1832 du Code civil qui prévoit que « la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter ».

Le respect de cette exigence est une condition de validité de la société.

L’obligation de contribution aux pertes, pèse sur tous les associés quelle que soit la forme de la société.

À quel moment les associés sont-ils tenus de contribuer aux pertes de la société ?

Contrairement à l’obligation à la dette dont la mise en œuvre s’effectue au cours de la vie sociale, la contribution aux pertes n’apparaît, sauf stipulation contraire, qu’au moment de la liquidation de la société.

En effet, pendant l’exercice social, les associés ne sont jamais tenus de contribuer aux pertes de la société.

Ces pertes sont compensées par les revenus de la société.

Ce n’est que lorsque l’actif disponible de la société ne sera plus en mesure de couvrir son actif disponible (cession des paiements) que l’obligation de contribution aux pertes sera mise en œuvre.

Tant que la société n’est pas en liquidation, seule la société est tenue de supporter la charge de ces pertes.

Quelle est l’étendue de l’obligation de contribution aux pertes ?

  • Dans les sociétés à risque limité l’obligation de contribution aux pertes ne peut excéder le montant des apports
  • Dans les sociétés à risque illimité l’obligation de contribution aux pertes ne connaît aucune limite. La responsabilité des associés peut-être recherchée au-delà de ses apports

En toute hypothèse, chaque associé est tenu de contribuer aux pertes proportionnellement à la part du capital qu’il détient dans la société.

Toutefois, conformément à l’article 1844-1 du Code civil, une répartition inégalitaire est permise, à condition qu’elle ne présente pas de caractère léonin.

Pour mémoire, sont prohibées les clauses :

  • soit qui excluraient totalement du profit ou des pertes un associé
  • soit qui mettraient à la charge de l’un d’eux la totalité des pertes

Il résulte du principe posé à l’article 1832 du Code civil qu’un associé qui aurait payé plus que sa part, dispose d’un recours contre ses coassociés.

C’est la raison pour laquelle on enseigne traditionnellement que la contribution aux pertes intéresse les rapports entre associés.

Bien que cette affirmation ne souffre d’aucune contestation possible, elle est néanmoins incomplète.

Un arrêt rendu en date du 20 septembre 2011 par la chambre commerciale est, en effet, venu rappeler que la question de la contribution aux pertes intéressait également les rapports entre la société et les associés (Cass. com., 20 sept. 2011, n° 10-24.888 : JurisData n° 2011-019356 ; JCP E 2011, 1804, note. R. Mortier ; Dr. sociétés 2011, comm. 12, obs. H. Hovasse ; Bull. Joly Sociétés 2011, p. 902, obs. F.-X. Lucas ; D. 2011, p. 2970, obs. A. Lienhard ; LEDEN 2011-9 p. 5, obs. N. Borga).

La Cour de cassation reconnaît, dans cette décision, compétence au liquidateur d’une société pour exiger des associés leur contribution personnelle au comblement du passif social.

De prime abord, on pourrait être tenté d’approuver le raisonnement de la Cour d’appel qui avait estimé que « ‘article 1832 du Code civil ne vise que la contribution aux pertes, laquelle joue exclusivement dans les rapports internes à la société et est étrangère à l’obligation de payer les dettes et ne peut servir de fondement à l’action en recouvrement du passif social par le liquidateur judiciaire à l’encontre des associés ».

Toutefois, comme le relève très justement la Cour de cassation, afin de fixer la part de chaque associé dans la contribution aux pertes, cela suppose pour le liquidateur de prendre en compte « outre du montant de leurs apports, celui du passif social et du produit de la réalisation des actifs ».

Certes, en agissant contre les associés en comblement du passif social, l’action diligentée par le liquidateur sur le fondement de la contribution aux pertes se chevauche avec les poursuites exercées au titre de l’obligation à la dette.

Toutefois, le liquidateur agit en qualité, non pas de représentant des créanciers, mais d’organe de la société en liquidation.

Lorsque le passif social est supérieur à l’actif de la société, cette dernière est titulaire d’une créance qu’elle détient à l’encontre de chaque associé.

Aussi, la mise en œuvre de l’obligation de contribution aux pertes suppose que le liquidateur ait compétence pour agir contre les associés en comblement du passif social

Dans cette configuration-là, la contribution aux pertes ne concerne donc pas seulement les rapports entre associés, elle intéresse également les rapports entre les associés et la société.

Obliga dette 2