RGPD: le registre des activités de traitement

L’article 30 du RGPD dispose que « chaque responsable du traitement et, le cas échéant, le représentant du responsable du traitement tiennent un registre des activités de traitement effectuées sous leur responsabilité ».

Ce registre participe de la documentation de la conformité. Document de recensement et d’analyse, il doit refléter la réalité des traitements de données personnelles mis en œuvre par le responsable du traitement et permettre d’identifier précisément :

  • Les parties prenantes (représentant, sous-traitants, co-responsables, etc.) qui interviennent dans le traitement des données,
  • Les catégories de données traitées,
  • A quoi servent ces données (ce que qu’on en fait), qui accède aux données et à qui elles sont communiquées,
  • Combien de temps les données collectées sont conservées,
  • Comment elles sont sécurisées.

Au-delà de la réponse à l’obligation prévue par l’article 30 du RGPD, le registre est un outil de pilotage et de démonstration de la conformité au RGPD. Il permet de documenter les traitements de données

I) Les personnes chargées de tenir le registre

Il ressort de l’article 30, 5 du RGPD que l’obligation de tenue d’un registre des activités de traitement ne s’applique pas à toutes les structures.

==> Principe

L’obligation de tenue d’un registre des activités de traitement incombe à toutes les structures qui comportent plus de 250 salariés.

Dès lors que ce seuil est dépassé, le responsable du traitement a l’obligation de constituer ce registre, quand bien même aucun DPD n’a été désigné.

Par ailleurs, l’obligation de tenir un registre s’applique, tant au responsable du traitement, qu’au sous-traitant.

L’article 30, 2 du RGPD énonce en ce sens que chaque sous-traitant et, le cas échéant, le représentant du sous-traitant tiennent un registre de toutes les catégories d’activités de traitement effectuées pour le compte du responsable du traitement.

==>Exception

Par exception à l’obligation qui s’impose au responsable du traitement et au sous-traitant, l’article 30, 5 du RGPD prévoit que l’obligation de tenue d’un registre ne s’applique pas à une entreprise ou à une organisation comptant moins de 250 employés, sauf si :

  • Le traitement qu’elles effectuent est susceptible de comporter un risque pour les droits et des libertés des personnes concernées, s’il n’est pas occasionnel

OU

  • Le traitement porte notamment sur les catégories particulières de données visées à l’article 9, paragraphe 1, ou sur des données à caractère personnel relatives à des condamnations pénales et à des infractions.

II) Le contenu du registre

Avant l’entrée en vigueur du RGPD, la loi Informatique et Libertés imposait aux responsables de traitements de données personnelles, sauf exceptions, d’accomplir des formalités déclaratives auprès de la CNIL.

A cet égard, cette dernière recommande que le registre tenu par le responsable du traitement, en application de la nouvelle réglementation, fasse état, tant des traitements qui avaient donné lieu, avant l’entrée en vigueur du RGPD, à des déclarations préalables que de ceux intervenus après son adoption.

A) Les traitements antérieurs au 25 mai 2018

Pour les traitements intervenus avant le 25 mai 2018, il est possible d’intégrer au registre prévu par les formalités accomplies lors de la déclaration de ces traitements, soit :

  • Les déclarations simplifiées ;
  • Les déclarations ordinaires ;
  • Les déclarations normales ;
  • Les demandes d’avis ;
  • Les demandes d’autorisation ;
  • Les demandes d’autorisation recherches médicales ;
  • Les demandes d’autorisation évaluation de pratiques de soins.

Il peut être observé que les listes qui concernent les formalités accomplies entre 1979 et le 25 mai 2018 par les responsables publics et privés mettant en œuvre des fichiers, dispositifs ou applications traitant des données relatives à des personnes physiques sont mises à disposition pour une durée de 10 ans à compter du 25 mai 2018 : https://www.cnil.fr/fr/les-formalites-prealables-accomplies-aupres-de-la-cnil-avant-le-25-mai-2018

Reste que dans certains cas, le responsable du traitement était dispensé d’accomplir des formalités :

  • Les organismes, publics ou privés, qui avaient désigné un Correspondant Informatique et Libertés (CIL) étaient ainsi dispensés, depuis octobre 2005, d’accomplir certaines formalités (déclarations) auprès de la CNIL.
  • La CNIL avait également dispensé de déclaration certains traitements de données personnelles courants.

D’autres traitements étaient encore dispensés, non pas de déclaration, mais de la publication de l’acte réglementaire qui les autorise :

  • Les données relatives à certains traitements mis en œuvre par l’Etat (article 26 III de la loi Informatique et Libertés en vigueur avant le 25 mai 2018) étaient également dispensées de publication.
  • Les traitements mis en œuvre par des particuliers (ex. : vidéosurveillance de leur habitation dans laquelle interviennent des employés à domicile), susceptibles de comporter des informations relatives à leur vie privée, ne sont pas concernés par cette publication.

Pour ces traitements dispensés de déclaration ou de publication, s’il n’est pas nécessaire d’en faire mention sur le registre des activités, il doit, en revanche, être fait état de l’exemption dont ils bénéficient.

B) Les traitements postérieurs au 25 mai 2018

  1. Le registre du responsable du traitement

L’article 30, 1 du RGPD prévoit que le registre des activités de traitement doit mentionner les informations suivantes :

  • Le nom et les coordonnées du responsable du traitement et, le cas échéant, du responsable conjoint du traitement, du représentant du responsable du traitement et du délégué à la protection des données ;
  • Les finalités du traitement ;
  • Une description des catégories de personnes concernées et des catégories de données à caractère personnel ;
  • Les catégories de destinataires auxquels les données à caractère personnel ont été ou seront communiquées, y compris les destinataires dans des pays tiers ou des organisations internationales ;
  • Le cas échéant, les transferts de données à caractère personnel vers un pays tiers ou à une organisation internationale, y compris l’identification de ce pays tiers ou de cette organisation internationale et les documents attestant de l’existence de garanties appropriées ;
  • Dans la mesure du possible, les délais prévus pour l’effacement des différentes catégories de données ;
  • Dans la mesure du possible, une description générale des mesures de sécurité techniques et organisationnelles mises en œuvre.

2. Le registre du sous-traitant

S’agissant du registre tenu par le sous-traitant, en application de l’article 30, 2 du RGPD il doit comporter :

  • Le nom et les coordonnées du ou des sous-traitants et de chaque responsable du traitement pour le compte duquel le sous-traitant agit ainsi que, le cas échéant, les noms et les coordonnées du représentant du responsable du traitement ou du sous-traitant et celles du délégué à la protection des données ;
  • Les catégories de traitements effectués pour le compte de chaque responsable du traitement (par exemple : pour la catégorie « service d’envoi de messages de prospection », il peut s’agir de la collecte des adresses mails, de l’envoi sécurisé des messages, de la gestion des désabonnements, etc.)
  • Le cas échéant, les transferts de données à caractère personnel vers un pays tiers ou à une organisation internationale, y compris l’identification de ce pays tiers ou de cette organisation internationale et les documents attestant de l’existence de garanties appropriées ;
  • Dans la mesure du possible, une description générale des mesures de sécurité techniques et organisationnelles mises en œuvre.

III) Les modalités de tenue du registre

Compte tenu des informations qui doivent figurer sur le registre, celui-ci doit nécessairement prendre la forme d’un écrit.

L’article 30, 3 prévoit en ce sens que 3 le registre se présente « sous une forme écrite y compris la forme électronique. »

Pour faciliter la tenue de ce registre, la CNIL propose un modèle de registre de base, destiné à répondre aux besoins les plus courants en matière de traitements de données, en particulier des petites structures (TPE-PME, associations, petites collectivités, etc.).

La CNIL recommande, dans la mesure du possible, d’enrichir le registre de mentions complémentaires afin d’en faire un outil plus global de pilotage de la conformité.

Le registre doit être mise à jour régulièrement au gré des évolutions fonctionnelles et techniques des traitements de données.

En pratique, toute modification apportée aux conditions de mise en œuvre de chaque traitement inscrit au registre (nouvelle donnée collectée, allongement de la durée de conservation, nouveau destinataire du traitement, etc.) doit être portée au registre.

IV) La mise à disposition du registre

==> La communication du registre à la CNIL

L’article 30, 4 du RGPD prévoit que le responsable du traitement ou le sous-traitant et, le cas échéant, leur représentant doivent metttre le registre à la disposition de l’autorité de contrôle sur demande.

Elle pourra en particulier l’utiliser dans le cadre de sa mission de contrôle des traitements de données.

==> La communication du registre aux personnes

La CNIL rappelle que selon que le registre est tenu par un organisme public ou privé, sa communication peut être autorisée ou interdite

  • S’agissant des organismes du secteur public
    • Ils sont tenus de communiquer le registre à toute personne qui en fait la demande, car il s’agit d’un document administratif, communicable à tous, au sens du code des relations entre le public et l’administration.
    • Toutefois, le registre communiqué doit être occulté de toute information dont la divulgation pourrait en particulier porter atteinte aux secrets protégés par la loi, et notamment à la sécurité des systèmes d’information.
  • S’agissant des organismes privés
    • Ils ne sont pas tenus de communiquer le registre au public.
    • Néanmoins, ils peuvent, s’ils l’estiment opportun, le communiquer aux personnes qui en font la demande.

L’émergence du droit des données à caractère personnel: de la loi informatique et libertés au RGPD

I) La genèse

==> Noli me tangere

 Si, comme l’a écrit Nietzche, « notre époque se nourrit et vit des moralités du passé », depuis le début du XXe siècle les défenseurs du principe de laïcité n’ont eu de cesse de combattre ces moralités, afin qu’il soit procédé, comme l’a suggéré Georges Ripert, à « l’élimination complète de la force religieuse dans la création du droit »[1].

Il est, pourtant, une partie de cette force créatrice qui n’a pas succombé ; il s’agit de ce par quoi est maintenue la personne humaine au sommet de la pyramide des valeurs. Sans que les juristes y prêtent, pour la plupart, grande attention, le caractère sacré de la personne, est directement issu de la Genèse.

L’homme y est décrit comme une créature suprême, façonnée à l’image de Dieu. Ainsi, le vieil adage juridique Noli me tangere (ne me touche pas) est-il directement tiré de l’Evangile selon Saint Jean[2], le Christ exhortant Marie-Madelaine de ne pas le toucher afin que la croyance en sa résurrection relève de l’ordre de sa seule foi.

Cependant, comme le souligne Bernard Beigner, à la différence de l’interprétation faite par les théologiens, les juristes ont interprété ces paroles « d’une manière aussi libre et aussi peu théologique que l’adage tiré de saint Luc : « Les lis ne filent pas » pour justifier le principe de double masculinité dans la succession royale au trône de France »[3].

C’est la raison pour laquelle noli me tangere a perdu toute signification évangélique et, après avoir servi de fondement au droit romain[4], est désormais repris par notre droit pour justifier la primauté de la personne humaine sur toute autre considération[5].

En outre, en plus de cette erreur d’interprétation, les juristes se sont livrés à un amalgame, en assimilant, durant des siècles, la personne au corps humain[6], si bien que seul l’être charnel bénéficiait d’une protection juridique.

Il a fallu attendre la fin du XIXe siècle pour que « l’éminente dignité humaine en réfère aussi bien à l’animus qu’au corpus »[7]. C’est précisément à cette époque que certaines voix ont commencé à faire valoir, notamment sous l’impulsion de la doctrine germano-suisse, qu’il serait opportun de créer un droit de la personnalité soit, d’étendre la protection juridique conférée par l’adage noli me tangere, à l’être spirituel.

==> La naissance des droits de la personnalité

En France, c’est le professeur Perreau qui, le premier[8], s’est ouvertement prononcé en faveur d’une telle extension, lorsque, dans un article intitulé « Des droits de la personnalité »[9], il émet l’idée de la reconnaissance de droits – subjectifs – extrapatrimoniaux[10].

Dans un premier temps, cette position est pour le moins accueillie fraichement par la doctrine française. Roubier, par exemple, raille cette théorie de faire état de « droits fantômes conçus par des imaginations déréglées »[11]. Nombreux sont, cependant, les auteurs qui, dans un second temps, se sont ravisés, adhérant massivement à la proposition formulée par Perreau trente ans auparavant[12].

Finalement, pour reprendre une expression de Ripert, c’est la lutte « des forces sociales » qui a eu raison des querelles de juristes. Cette lutte s’est manifestée dans le courant des années soixante par une pléiade de décisions jurisprudentielles qui ont ému l’opinion publique.

À cette période, est en train de naître la presse, dite à « scandale », dans laquelle les lecteurs peuvent lire les frasques des différentes célébrités qui animent la vie publique de l’époque. Peu enclines à laisser paraitre au grand jour des évènements qu’elles jugent relever de leur intimité, certaines d’entre elles décident de requérir les services de la justice afin que cessent ces atteintes dont elles font de plus en plus fréquemment l’objet[13].

Malheureusement, les juges ne disposent guère plus que de l’inusable article 1382 du Code civil pour répondre à leurs attentes. Le vide juridique qui existe en la matière, est comparable à celui que l’on rencontre dans un trou noir[14].

Aussi, le législateur décide-t-il d’intervenir afin que ce vide qui, jusqu’alors, était comblé par les rustines du droit de la responsabilité, le soit, désormais, par le droit de la personnalité.

C’est ainsi, que, par une loi du 17 juillet 1970, a été reconnu, à l’article 9 du Code civil, le droit au respect la vie privée[15].

La protection conférée par l’adage noli me tangere à l’être charnel est étendue à l’être spirituel. Au même moment, l’informatique fait une entrée fracassante dans une société en pleine mutation et met rapidement en évidence, les limites de cette nouvelle législation.

==> Le projet SAFARI

 Bien que les textes qui consacrent le droit à la vie privée soient nombreux[16], la notion de « vie privée » n’est définie par aucun d’eux. C’est pourquoi il est revenu aux juges la tâche d’en délimiter les contours. Si, au fil de leurs décisions, ces derniers ont pu affirmer que toutes les informations relatives à la vie privée sont des informations personnelles[17], ils ont également eu l’occasion de souligner que les données à caractère personnel ne relevaient pas toutes de la vie privée[18].

Force est de constater, comme le souligne Guy Braibant, que « la notion d’atteinte à la vie privée ne permet […] pas d’épuiser tous les cas de méconnaissance des droits des personnes auxquels la mise en œuvre de traitements de données à caractère personnel est susceptible de donner lieu »[19].

La question s’est alors posée de savoir si la protection conférée par le droit au respect de la vie privée, était suffisante quant à protéger l’être informationnel dans son ensemble. Une fois encore, ce sont les forces sociales qui se sont illustrées, lorsque, dans un retentissant article publié dans le journal Le Monde, le journaliste Philippe Boucher dénonce le projet SAFARI (Système Automatisé pour les fichiers administratifs et le répertoire des individus)[20].

Ce projet avait ambition de réaliser une interconnexion générale des différents fichiers administratifs à l’aide de l’identification unique de chaque français. Comme le souligne le titre de l’article, la réalisation d’un tel dispositif aurait eu pour conséquence de sonner l’ouverture de « la chasse aux français ».

Le danger qui guettait les administrés était, en somme, qu’un ordinateur central recoupe chacune de leurs données personnelles, sans qu’ils puissent invoquer un quelconque droit à la vie privée pour l’en empêcher.

Ce droit ne peut, en effet, être exercé que s’il est porté atteinte au libre choix d’une personne de ne pas divulguer une information la concernant. Or tel n’est pas ce que prévoit le projet SAFARI. Celui-ci vise, non pas à permettre une immixtion de l’administration dans l’intimité de ses administrés, mais seulement une interconnexion des données qui lui ont volontairement été divulguées.

Dans cette perspective, Adolphe Touffait, procureur général près la Cour de cassation déclare, à l’époque, que « la dynamique du système qui tend à la centralisation des fichiers risque de porter gravement atteinte aux libertés, et même à l’équilibre des pouvoirs politiques »[21].

II) L’autonomisation du droit des données à caractère personnel

==> La loi informatique et libertés

 En réaction au vent de panique créé par le projet SAFARI, le premier ministre décide, immédiatement, de saisir le garde des sceaux afin que soit créée, en urgence, une commission chargée de formuler des propositions « tendant à garantir que le développement de l’informatique dans les secteurs publics, semi-publics et privés, se réalisera dans le respect de la vie privée, des libertés individuelles et des libertés publiques ».

Le défi lancé à la Commission informatique et libertés est de taille. Comme le fait remarquer Bernard Tricot « il est toujours difficile de bâtir une muraille de Chine juridique sur laquelle viendront s’écraser les assauts de l’informatique ».

Par chance, les travaux réalisés par la Commission sont d’une excellente facture, ce qui permet la rédaction d’un remarquable projet de loi.

Déposé en août 1976, ce projet accouche de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Par cette loi, la protection conférée par l’adage noli me tangere est étendue à l’être informationnel dans son entier.

Désormais, c’est la personne humaine réunie dans ses trois composantes qui est protégée par le droit. Comme pour remercier le remarquable travail de la Commission qui avait fort bien œuvré, elle est instituée gardienne de la loi informatique et libertés.

À l’image d’une pierre jetée dans l’eau, l’adoption de cette législation, très innovante, a pour effet immédiat de se propager partout en Europe.

Nombre d’États souhaitent, dans le sillage de la France, protéger leurs ressortissants de l’informatique, qui dorénavant est perçue comme « une dévoreuse d’identité, elle capte l’individu sous toutes ses facettes et porte au grand jour des aspects qu’il souhaiterait conserver secret »[22].

==> La propagation internationale du mouvement de protection de la vie privée

Exception faite des États-Unis qui, pour des considérations essentiellement d’ordre économique, préfèrent fermer les yeux sur les dangers qui menacent l’intimité des citoyens américains, de nombreux pays ont, dès le début des années quatre-vingts, pris des mesures concertées, afin que l’appétit de l’ogre informatique à engloutir des données, s’arrête là où commence le droit des personnes à ne pas abandonner les éléments de leur identité.

La première de ces mesures peut être portée au crédit de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique), qui adopte le 23 septembre 1980 des lignes directrices destinées à régir la protection de la vie privée et les flux transfrontières de données à caractères personnel.

Quatre mois plus tard, cette organisation internationale est suivie par le Conseil de l’Europe qui adopte, le 28 janvier 1981, la convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel[23]. On l’appelle également la convention 108. L’objectif de ce traité est de « garantir sur le territoire de chaque partie, à toute personne physique, quelles que soient sa nationalité ou sa résidence, le respect de ses droits et de ses libertés fondamentales, et notamment de sa vie privée, à l’égard du traitement automatisé de données à caractère personnel la concernant »[24].

Enfin, par une résolution n°45/95 du 14 décembre 1990, l’assemblée générale des Nations Unies[25] apporte une touche d’universalité à ces conventions, dont la portée ne dépasse guère plus les frontières de l’Europe. Pis, seule la convention 108 présente un caractère contraignant[26]. Fort légitimement, on est alors en droit de s’interroger sur l’utilité de proclamer des grands principes, s’il n’existe aucun moyen de les faire appliquer, à plus forte raison lorsqu’il s’agit de garantir des libertés.

Indépendamment de l’impact international provoqué par la loi informatique et libertés, il doit être souligné, comme l’affirme le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 92-316 du 20 janvier 1993, que cette loi participe, avant tout, au système de protection de la liberté personnelle et individuelle[27] ce qui, sans lui conférer une valeur constitutionnelle, « l’enracine en quelque sorte dans le bloc de constitutionnalité qui la vivifie »[28].

==> Le toilettage de la loi informatique et libertés

 La loi informatique et libertés se trouve être à la croisée de nombreuses libertés fondamentales, au-delà même du droit au respect à la vie privée[29].

En témoignent les rapports étroits qu’elle entretient avec le droit bancaire, le droit de la santé, le droit de la consommation, le droit de la communication, le droit de la propriété intellectuelle, ou encore le droit social. Sont ici concernés tous les droits qui appréhendent des secteurs dans lesquels sont collectées et traitées des données à caractère personnel. L’étendue du champ d’application de la loi informatique et libertés apparaît illimitée.

C’est de là qu’est issue la très grande portée de cette loi, laquelle montre une aptitude à se saisir des situations nouvelles créées par les machines. Ces situations « s’étendent à tous les aspects de la vie publique et privée, des activités collectives et individuelles »[30].

Bien que très étendu puisse apparaître le champ d’application de la loi informatique et libertés lors de son adoption, il est, toutefois un évènement qui, assez paradoxalement, va, plus tard, le rendre trop étroit. Quel est cet évènement ? Il s’agit de la naissance de l’internet qui s’est accompagnée, nous l’avons vu, de nouvelles techniques de collectes de données à caractère personnel.

Surtout, ce qui est nouveau, c’est que, une fois collectées, les données peuvent, en quelques clics de souris, circuler d’ordinateur en ordinateur, sans compter que la menace vient désormais, moins de l’administration publique que des agents privés. Naturellement, on ne saurait reprocher au législateur de n’avoir pas anticipé ces phénomènes.

Quoi qu’il en soit, un toilettage de la loi informatique et libertés devient, rapidement, nécessaire. Contrairement, à son élaboration qui s’est faite dans un cadre national, la refonte de cette loi est impulsée par les instances communautaires, qui brandissent – de façon assez discutable – leur compétence quant à connaître de tout ce qui relève de la circulation des marchandises. Or, selon elles, les données à caractère personnel peuvent y être assimilées.

Comment, dès lors, parvenir d’une part, à une harmonisation des législations nationales et, d’autre part, à la libre circulation des données à caractère personnel, tout en garantissant un niveau élevé de protection des libertés individuelles.

 Pour le conseil d’Etat, qui se prononce en assemblée générale, dans un avis du 13 juin 1993, le texte qui va être adopté ne saurait contenir de « dispositions qui conduiraient à priver des principes de valeur constitutionnelle de la protection que leur accorde la loi du 6 janvier 1978 actuellement en vigueur »[31].

De la même manière, dans une résolution de l’assemblée nationale du 25 juin 1993, il est estimé que la Communauté européenne ne peut « justifier son intervention dans la réglementation des traitements des données à caractère personnel qu’à la condition que la réalisation de cet objectif ne nuise pas au haut degré de protection dont doivent bénéficier les personnes physiques à l’égard de ces traitements et encore moins à assimiler ces données à de simples marchandises ».

Fort heureusement, en raison de la grande considération que les instances communautaires portent à la loi informatique et libertés, les recommandations formulées par les autorités françaises, notamment par la CNIL, ont été suivies rigoureusement.

Cela s’est traduit par l’adoption d’une directive, le 24 octobre 1995, qui dispose, dans son dixième considérant, que « […] le rapprochement [des] législations ne doit pas conduire à affaiblir la protection qu’elles assurent mais doit, au contraire, avoir pour objectif de garantir un niveau élevé de protection dans la Communauté »[32]. Par ce texte communautaire est assuré « la protection des libertés et droits fondamentaux des personnes physiques, notamment de leur vie privée, à l’égard du traitement des données à caractère personnel »[33].

En France, il faut attendre près de dix ans pour que cette directive soit transposée. Elle le fut, par une loi du 6 août 2004, qui, sans remplacer la précédente du 6 juillet 1978, a simplement été intégrée à elle.

==> Le RGPD

Une proposition de règlement et une proposition de directive ont été formulées par la Commission européenne le 25 janvier 2012[34], en vue de remplacer respectivement la – déjà obsolète – directive du 24 octobre 1995 et la décision cadre 2008/977/JAI sur la protection des données dans le cadre de la coopération policière et judiciaire[35].

A cet égard, le législateur européen s’est donné pour objectif de renforcer les droits des personnes et le marché intérieur de l’UE, garantir un contrôle accru de l’application de la réglementation, simplifier les transferts internationaux de données à caractère personnel et instaurer des normes mondiales en matière de protection des données.

La France a pris une part très active dans les négociations afin de maintenir et promouvoir son modèle de protection des données qui constitue encore aujourd’hui une référence en Europe et dans le monde.

A l’issue de longues négociations, le Parlement européen et le Conseil ont adopté le « paquet protection des données » le 27 avril 2016, fruit d’un compromis entre les Etats membres de l’Union européenne.

Ce paquet se compose :

  • D’un règlement relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (règlement (UE) 2016/679).
  • D’une directive relative aux traitements mis en œuvre à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales (directive (UE) 2016/680).

Au-delà des exigences propres à la mise en conformité avec le droit européen de la protection des données à caractère personnel, le règlement prévoit plus d’une cinquantaine de marges de manœuvre qui permettent aux Etats membres de préciser certaines dispositions ou d’aller plus loin que ce que prévoit le droit européen.

Certaines de ces marges de manœuvre permettent de maintenir des dispositions déjà existantes dans notre droit national. D’autres, en revanche, peuvent être mises en œuvre afin notamment de prendre en compte l’évolution technologique et sociétale.

Le rapport annuel du Conseil d’Etat de 2014, intitulé « Le numérique et les droits fondamentaux » a souligné la nécessité de repenser la protection des droits fondamentaux afin de mettre le numérique au service des droits individuels et de l’intérêt général.

De même, le rapport d’information déposé par la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République de l’Assemblée nationale a également révélé l’importance des « incidences des nouvelles normes européennes en matière de protection des données personnelles sur la législation française »

Les nouvelles exigences posées par le législateur européen ont été transposées en droit français lors de l’adoption de la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles.

[1] G. Ripert, Les forces créatrices du droit, LGDJ, coll. « reprint », 1998, p. 146.

[2] V. en ce sens G. Cornu, Linguistique juridique, Montchrestien, coll. « Domat », 2005, p. 356 ; H. Roland et L. Boyer, Adages du droit français, Litec, coll. « traités », 3éd., Paris, 1992, n°251, p. 533 ; B. Beignier, Droit de la personnalité, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1992, p. 14-15.

[3] Cité in B. Beignier, op. préc., p. 15.

[4] Ulpien affirmait « dominus membrorum suorum nemo videtur » (nul n’est propriétaire de son corps), Digeste, IX-2-13, cité in B. Beignier, op. préc., p. 76.

[5] Selon R. Andorno, « le système juridique repose sur la base de la distinction radicale personnes-choses, qui est une condition sine qua non, non seulement de l’existence du système, mais du respect dû à la personne humaine » (R. Andorno, « Procréations artificielles, personnes et choses », RRJ, 1992, n°1, pp. 13 s.).

[6] J. Carbonnier, Droit civil. Introduction, Les personnes, La famille, l’enfant, le couple, PUF, coll. « Quadrige manuels », 2004, n°4, p.19.

[7] Bernard Beigner, op. préc., p. 7.

[8] Emile Beaussire par son ouvrage « les principes du droit » publié en 1888 et A. Boistel dans son cours de philosophie du droit en 1889 avaient néanmoins déjà développé la notion de droits innés au nombre desquels figurait le droit au respect de l’individualité.

[9] E.-H. Perreau, « Des droits de la personnalité », RTDCiv, 1909, pp. 501 et s.

[10] Perreaufait, par exemple, référence au dommage moral, à la protection du corps et de l’esprit, à l’honneur ou encore au « droit à la liberté ».

[11] P. Roubier, préface in R. Nerson, Les droits extrapatrimoniaux, LGDJ, 1939.

[12] Sans doute est-ce là le résultat de l’influence de Jean Dabin, qui avance dans son ouvrage relatif aux droits subjectifs, que ces deniers incluent, tant les intérêts juridiquement protégés, que les « droits de liberté ». Dans le droit fil de cette idée Roger Nerson, élève de Roubier, écrit plus tard dans sa thèse qu’« un droit extrapatrimonial est un droit dont la fin est de satisfaire un besoin non économique : besoin souvent moral, parfois d’ordre matériel » (R. Nerson, op. préc., p. 6).

[13] V. en ce sens notamment, Aff. Marlène Dietrich, CA Paris, 16 mars 1955, D. 1955, p. 295 ; Aff. Picasso, CA Paris, 6 juill. 1965, Gaz. Pal. 1966, 1, p. 39 ; Aff. Trintignant, CA Paris, 17 mars 1966, D. 1966, p. 749; Aff. Bardot, TGI Seine, 24 nov. 1965, JCP G 1966, II, 14521, puis CA Paris, 27 févr. 1967 : D. 1967, p. 450, note Foulon-Piganiol.

[14] R. Badinter, « Le droit au respect de la vie privée », JCP G, 1968, I, 2136, n° 12.

[15] Article 9 de la loi n°70-643 du 17 juillet 1970 : « chacun a droit au respect de sa vie privée ».

[16] On peut citer l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, l’article 7 de la Chartes des droits fondamentaux de l’Union Européenne ou encore l’article 1er de la Directive Directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques JO 31 juillet 2002, L. 201, pp. 37-47.

[17] Comme le souligne Emmanuel Derieux « à défaut d’une définition légale précise de la vie privée […], c’est dans la jurisprudence, tant antérieure que postérieure à la loi de 1970 que l’on doit chercher la signification ou l’interprétation de cette notion. […] On considère généralement – encore que cela puisse varier selon les circonstances et l’identité des individus concernés – que relèvent de la vie privée d’une personne : sa vie sentimentale ; ses relations amicales ; sa situation de famille ; ses ressources et moyens d’existence ; ses loisirs […] ; sens opinions politiques ; son appartenance syndicale ou religieuse ; son état de santé ; le mode d’éducation choisi pour ses enfants ; son adresse […] » (E. Derieux, Droit des médias. Droit français, européen et international, LGDL, coll. « Manuel », 2008, n°1803-1804, p. 583).

[18] On pense notamment aux données relatives au patrimoine, à la confession ou encore à la profession.

[19] G. Braibant, Rapport Données personnelles et société de l’information. Transposition en droit français de la directive numéro 95/46, La documentation française, coll. « rapports officiels », 1998, p. 7. V. également sur la notion d’atteinte à la vie privée, B. Beignier, « Vie privée et vie publique », Légipresse, sep. 1995, n°124, pp. 67-74 ; O. d’Antin et L. Brossollet, « Le domaine de la vie privée et sa délimitation jurisprudentielle » Légicom, octobre 1999, n° 20, pp. 9-19 ; J. Curto, « La fin justifie-t-elle les moyens ? De la notion de vie privée et de la preuve déloyale » Revue Lamy Droit Civil, avr. 2012, n°92, pp. 55-56.

[20] Ph. Boucher, « Safari ou la chasse aux Français », Le Monde, 21 mars 1974.

[21] A. Touffait, Discours du 9 avril 1973 devant l’Académie des Sciences morales et politiques, cité in Ph. Boucher, art. préc.

[22] D. Pousson, « L’identité informatisée », in L’identité de la personne humaine. Étude de droit français et de droit comparé, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 373.

[23] Cette convention a été complétée par un amendement adopté le 15 juin 1999, lequel prévoit l’ouverture à la signature de l’Union européenne et par un protocole additionnel relatif aux autorités de contrôle des flux transfrontières de données à caractère personnel.

[24] Article 1er de la convention 108, publiée par le décret n°85-1203 du 15 novembre 1985, JO 20 nov., p. 13436

[25] Résolution 45/95 du 14 décembre 1990 adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies relative aux principes directeurs pour la règlementation des fichiers personnels informatisés.

[26] La convention 108 prend directement sa source dans la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales laquelle est d’application directe. L’arrêt du Conseil d’État du 18 novembre 1992 semble aller en ce sens (CE, 18 nov. 1992, Licra, AJDA 1993, n°3, p. 213, note Letterson).

[27] Décision n° 92-316 DC du 20 janvier 1993, JORF n°18 du 22 janvier 1993 p. 1118.

[28] A. Lucas, J. Devèze, J. Frayssinet, op. cit. note n°100, n°41, p. 28.

[29] Ibid.

[30] P. Laroque, « Informatique et libertés publiques », in Techniques de l’Ingénieur, Fascicules H 8770, éd. Techniques, 1970.

[31] V. en ce sens, Les grands avis du Conseil d’État, Paris, LGDJ, 1997, p. 399, note de B. Stirn.

[32] Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, JO 23 nov. 1995, L. 281, pp. 31-50.

[33] Article 1er, 1° de la directive 95/46/CE.

[34] Communication de la Commission « une approche globale de la protection des données à caractère personnel dans l’Union européenne », 4 novembre 2010, COM(2010)609 final.

[35] Décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 relative à la protection des données à caractère personnel traitées dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, J.O.C.E. L 350 du 30 décembre 2008.

Le divorce par consentement mutuel par acte d’avocat (sans juge): conditions et procédure

==> Ratio legis

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a institué une nouvelle procédure de divorce, aux côtés de celles déjà existantes.

La particularité de cette procédure est qu’elle ne requiert plus l’intervention du juge, mais seulement celle de deux professions réglementées : les avocats et les notaires.

Il s’agit du divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats et déposé au rang des minutes d’un notaire.

Le Conseil national des barreaux avait fait valoir, au soutien de cette réforme, que dans son Livre blanc sur la justice du XXIème siècle, que « le rôle [du juge] est de trancher des contentieux. Or nous parlons de divorce par consentement mutuel, pas de contentieux ».

La création d’une procédure conventionnelle de divorce, placée sous la vigilance des avocats était donc, selon lui, pour le moins opportune.

C’est opinion était, cependant, loin de faire l’unanimité. De nombreuses critiques ont été émises à l’encontre de l’adoption de ce nouveau cas de divorce.

En particulier, des réserves ont été exprimées quant à son application aux couples avec des enfants mineurs, le risque étant que leurs intérêts soient lésés, tout autant que l’époux se trouvant en situation de faiblesse.

Céline Bessière, maître de conférences en sociologie à l’université Paris-Dauphine, a résumé cette idée en soulignant que si les magistrats ne disposent, en pratique, que de peu de temps pour auditionner les époux qui souhaitent divorcer par consentement mutuel, « il arrive qu’ils signalent à une femme qui renonce à une prestation compensatoire qu’elle aurait pu y avoir droit. Ils peuvent aussi mettre en garde les conjoints sur les arrangements complexes ou farfelus susceptibles de nuire à l’intérêt de l’enfant, et ordonner des renvois. Sans ce droit de regard du juge sur les conventions, que se passera-t-il ? ».

==> Divorce par consentement mutuel judiciaire et divorce par consentement mutuel conventionnel

La procédure de divorce par consentement mutuel conventionnel se distingue du divorce par consentement mutuel judiciaire sur trois points.

  • Première différence
    • Il est fait obligation aux deux époux de prendre chacun un avocat.
    • Cette obligation est présentée comme une garantie pour les intéressés.
    • En effet, la partie la plus faible ne pourrait plus escompter que le juge veille à ses intérêts et refuse, comme l’article 232 du code civil lui en fait l’obligation, d’homologuer une convention qui préserve insuffisamment lesdits intérêts ou ceux de ses enfants.
  • Deuxième différence
    • La convention de divorce n’a plus à être homologuée par un juge.
    • Il suffit qu’elle soit signée par les parties, puis contresignée par leurs avocats, avant d’être ensuite déposée par ces derniers au rang des minutes d’un notaire.
    • Ce dépôt confère une date certaine à la convention et force exécutoire, ce qui évite alors à chacun des époux d’avoir à revenir devant le juge pour le faire exécuter en cas d’inexécution de la part de l’autre.
  • Troisième différence
    • La convention de divorce est soumise au respect de plusieurs exigences formelles :
      • des renseignements relatifs aux époux, à leurs enfants et à leurs avocats
      • des mentions relatives à l’accord des époux pour le divorce, les modalités de son règlement, pour tous ses effets, patrimoniaux et extra-patrimoniaux, ainsi qu’à l’état liquidatif éventuel du régime matrimonial.

I) Le principe

Aux termes de l’article 229-1 du Code civil « lorsque les époux s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets, ils constatent, assistés chacun par un avocat, leur accord dans une convention prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par leurs avocats et établi dans les conditions prévues à l’article 1374. »

À l’instar du divorce par consentement mutuel judiciaire, le divorce par consentement mutuel contresigné par un avocat suppose que les époux soient d’accord sur tout.

Plus précisément, ils doivent être d’accord :

  • Sur le principe même de divorcer (rupture du lien conjugal)
  • Sur les effets du divorce (sort des biens et des enfants)

En cas de désaccord des époux sur l’un de ses deux points, ils n’auront d’autre choix que de recourir au juge.

II) Domaine d’application

==> Principe

Lors de l’adoption de la loi du 18 novembre 2016, il ressort des travaux parlementaires que ce nouveau cas de divorce a vocation à se substituer à la majorité des cas de divorce par consentement mutuel.

Plus encore, l’article 229 du Code civil peut désormais être lu comme érigeant au rang de principe le divorce par consentement mutuel conventionnel.

Il s’infère de sa rédaction que, ce n’est que par exception que le recours au Juge est envisagé.

À cet égard, la circulaire du 26 janvier 2017 confirme cette interprétation en indiquant que « le nouveau divorce par consentement mutuel extrajudiciaire n’est pas un divorce optionnel. »

Si donc les époux s’accordent sur le principe de la rupture du lien conjugal et l’ensemble des conséquences du divorce, la voie judiciaire du divorce par consentement mutuel ne leur est, sauf exception, désormais plus ouverte.

La voie du divorce par consentement mutuel judiciaire n’est possible que dans les deux cas d’exclusions énoncés à l’article 229-2 du Code civil.

==> Exclusions

En application de l’article 229-2 du Code civil, le recours au divorce par consentement mutuel conventionnel est expressément exclu dans deux cas :

  • Premier cas
    • Lorsque, l’enfant mineur, informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge, demande son audition par le juge
  • Second cas
    • Lorsque l’un des époux se trouve placé sous tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice.

De toute évidence, ces deux exclusions visent à protéger des personnes irréfragablement présumées comme faibles, dont les intérêts ne doivent pas être lésés.

La garantie instituée par l’article 229-2 du Code civil est toutefois en retrait par rapport à celle conférée par la procédure de divorce par consentement mutuel judiciaire.

Cette dernière prévoit expressément un contrôle du juge sur le sort réservé à l’enfant (et à l’autre conjoint).

L’article 232 du code civil dispose en ce sens que le juge « peut refuser l’homologation et ne pas prononcer le divorce s’il constate que la convention préserve insuffisamment les intérêts des enfants ou de l’un des époux ».

Ce contrôle ne joue, désormais, qu’à la condition que l’enfant ait lui-même demandé à être entendu : d’une protection systématique on est passé à une protection hypothétique, laissant à l’enfant seul le soin de veiller à ses intérêts, pour que le juge soit ensuite en mesure d’en assurer le respect.

Il a été objecté, la faible portée, en pratique, du contrôle du juge, puisque rien n’oblige ensuite les parents à se tenir à la convention homologuée sur le sort des enfants : cette garantie serait donc illusoire.

En toute hypothèse, subordonner la saisine du juge à la demande préalable de l’enfant d’être entendu fait porter sur ses épaules le poids du renoncement à la procédure non judiciaire que souhaitaient ses parents.

En outre se posent la question de l’information de l’enfant et celle de la prise en compte de son souhait, puisqu’il n’entre pas dans le mandat des avocats de veiller aux intérêts du mineur.

==> Les passerelles

  • Du divorce conventionnel vers le divorce judiciaire
    • En vertu de l’article 1148-2 du code de procédure civile, si les époux ne parviennent pas à trouver un accord sur l’ensemble des conséquences du divorce ou si l’un d’eux ne souhaite plus divorcer, le fait d’avoir tenté de régler leur différend par la voie amiable ne les empêche pas de saisir le juge aux fins de divorce contentieux ou de séparation de corps.
  • Du divorce judiciaire vers le divorce conventionnel
    • L’article 247 du code civil prévoit que les époux qui seraient engagés dans une procédure contentieuse peuvent toujours, à tout moment de la procédure, divorcer par consentement mutuel.
    • Dans cette hypothèse, s’il n’y a pas de demande d’audition d’enfant, les parties doivent recourir au divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire. Il appartient aux avocats dans cette hypothèse de solliciter un retrait du rôle ou de se désister de l’instance en cours pour le divorce contentieux.
  • Dispositions transitoires
    • Seules les requêtes en divorce par consentement mutuel déposées avant le 1er janvier 2017 ainsi que les requêtes en passerelle fondées sur l’article 247 ancien et enregistrées avant cette date avec une convention datée et signée par chacun des époux et leur(s) avocat(s) portant règlement complet des effets du divorce, conformément à l’article 1091 du code de procédure civile, sont traitées selon les règles en vigueur avant le 1er janvier 2017.
    • En dehors de ces deux hypothèses, c’est donc uniquement dans le cas prévu à l’article 229-2 du code civil, c’est-à-dire en présence d’une demande d’audition formulée par un enfant du couple, que les époux demandent au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce par consentement mutuel en lui présentant une convention réglant les conséquences de celui-ci.

III) Les conditions

A) Les conditions relatives aux époux

==> La capacité

Aux termes de l’article 229-2 du Code civil « les époux ne peuvent consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats lorsque […] l’un des époux se trouve placé sous l’un des régimes de protection prévus au chapitre II du titre XI du présent livre. »

Ainsi, pour être éligibles au divorce par consentement mutuel conventionnel il faut jouir de sa pleine et entière capacité juridique.

Plus précisément, il ne faut pas que l’un des époux fasse l’objet d’une mesure de protection.

L’article 425 du Code civil prévoit qu’une mesure de protection peut être instituée au bénéfice de « toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté ».

Les mesures de protection sont au nombre de cinq :

  • La sauvegarde de justice
    • L’article 433 du Code civil prévoit que le juge peut placer sous sauvegarde de justice une personne qui a besoin d’une protection juridique temporaire ou d’être représentée pour l’accomplissement de certains actes déterminés.
    • Il s’agit de la mesure de protection la moins légère dans la mesure où la personne placée sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits
  • La curatelle
    • Aux termes de l’article 440 du Code civil, la personne qui, sans être hors d’état d’agir elle-même, a besoin d’être assistée ou contrôlée d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile peut être placée en curatelle.
    • La curatelle n’est prononcée que s’il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante.
    • Il s’agit d’une mesure de protection intermédiaire, en ce sens que la personne placée sous curatelle perd la capacité d’exercer les actes de disposition les plus graves
  • La tutelle
    • L’article 440 du Code civil dispose que la personne qui doit être représentée d’une manière continue dans les actes de la vie civile, peut être placée en tutelle.
    • La tutelle n’est prononcée que s’il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante.
    • Il s’agit de la mesure de protection la plus lourde, car elle prive son bénéficiaire de l’exercice de tous ses droits
  • Le mandat de protection future
    • L’article 477 du Code civil prévoit que toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une habilitation familiale peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter pour le cas où, pour l’une des causes prévues à l’article 425, elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts.
    • À la différence de la sauvegarde de justice, de la curatelle et de la tutelle qui sont prononcées par le Juge, le mandat est conclu par acte notarié ou par acte sous seing privé.
    • Il s’agit donc d’une mesure de protection conventionnelle et non judiciaire
  • L’habilitation familiale
    • Aux termes de l’article 494-1 du Code civil lorsqu’une personne est hors d’état de manifester sa volonté, le juge des tutelles peut habiliter une ou plusieurs personnes choisies parmi ses ascendants ou descendants, frères et sœurs ou, à moins que la communauté de vie ait cessé entre eux, le conjoint, le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité ou le concubin à la représenter ou à passer un ou des actes en son nom.
    • L’habilitation familiale ne peut être ordonnée par le juge qu’en cas de nécessité et lorsqu’il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l’application des règles du droit commun de la représentation, de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux, en particulier celles prévues aux articles 217,219,1426 et 1429, ou par les stipulations du mandat de protection future conclu par l’intéressé.

Au bilan, dès lors que l’un des époux fait l’objet de l’une des mesures de protection précitées, la voie du recours au divorce par consentement mutuel conventionnel est fermée.

Le recours au juge est alors la seule alternative qui s’offre aux époux.

==> Le consentement

  • L’exigence d’un consentement exprès
    • L’article 229-3 du Code civil dispose que « le consentement au divorce et à ses effets ne se présume pas »
    • Cela signifie qu’il ne peut valablement être exprimé qu’au moyen de la conclusion d’une convention.
  • L’observation d’un délai de réflexion
    • L’article 229-4 prévoit que « l’avocat adresse à l’époux qu’il assiste, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, un projet de convention, qui ne peut être signé, à peine de nullité, avant l’expiration d’un délai de réflexion d’une durée de quinze jours à compter de la réception. »
    • Ainsi, est-il interdit aux époux de régulariser la convention de divorce avant l’expiration du délai de réflexion instauré par le législateur
  • Les vices du consentement
    • En contresignant l’acte, l’avocat atteste de par la loi avoir éclairé pleinement la ou les parties qu’il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte.
    • Est-ce à dire que les époux sont à l’abri de voir leur consentement vicié lors de la signature de la convention ?
    • On peut en douter
    • En tout état de cause, la remise en cause de la convention de divorce peut être remise en cause en cas de vice du consentement.
    • La circulaire du 26 janvier 2017 a précisé en ce sens que « l’article 1128 du code civil qui prévoit que « sont nécessaires à la validité du contrat : 1° Le consentement des parties ; 2° Leur capacité de contracter ; 3° Un consentement licite et certain.» est applicable au divorce par consentement mutuel extrajudiciaire.
    • Elle en déduit que la convention de divorce peut donc être attaquée en cas de vice du consentement, de défaut de capacité ou encore de contrariété à l’ordre public.
    • Tel n’est pas le cas de la convention de divorce homologué par le juge qui bénéficie de l’autorité de la chose jugée.
    • Ainsi, une action en nullité, sur le fondement des vices du consentement, pourra être engagée à l’encontre de la convention de divorce contresignée par un avocat.
    • En particulier, les époux pourront invoquer l’article 1143 du Code civil qui, au nombre des cas de violence, vise l’hypothèse où « une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif. »

B) Les conditions relatives aux enfants

Aux termes de l’article 229-2 du Code civil « les époux ne peuvent consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats lorsque […] le mineur, informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge dans les conditions prévues à l’article 388-1, demande son audition par le juge ».

Il ressort de cette disposition que, pour être éligibles au divorce par consentement mutuel conventionnel, les époux doivent, au préalable, avoir consulté leurs enfants mineurs.

Le législateur a prévu que la consultation de l’enfant se fait au moyen d’un formulaire.

  1. Le formulaire informant le mineur de son droit à être entendu

Aux termes de l’article 1144 du Code de procédure civile, « l’information prévue au 1° de l’article 229-2 du code civil prend la forme d’un formulaire destiné à chacun des enfants mineurs, qui mentionne son droit de demander à être entendu dans les conditions de l’article 388-1 du même code ainsi que les conséquences de son choix sur les suites de la procédure. »

Le formulaire d’information poursuit un double objectif :

  • donner aux enfants les informations pratiques pour assurer l’exercice effectif de leur droit
  • permettre aux avocats ainsi qu’au notaire de vérifier l’effectivité de l’information du mineur

==> L’exigence de discernement de l’enfant

Le choix a été fait de ne pas fixer d’âge minimum pour l’information de l’enfant mineur dans le cadre de cette procédure à l’instar de ce qui existe pour les autres procédures le concernant.

Le discernement devra donc faire l’objet d’une appréciation personnelle de la part des parents, prenant en compte plusieurs critères, à savoir, l’âge, la maturité et le degré de compréhension de leur enfant au regard de l’objectif d’information de ce formulaire.

Pour cette raison, le formulaire d’information doit être daté et signé par l’enfant.

En l’absence de discernement, aucun formulaire ne sera remis à l’enfant

L’article 1144-2 du code de procédure civile impose alors aux parents de mentionner dans la convention que l’information prévue au 1° de l’article 229 du code civil n’a pas été donnée en l’absence de discernement de l’enfant mineur concerné.

En ce qui concerne le cas particulier des mineurs dotés de discernement mais incapables physiquement de signer le formulaire, les deux parents signeront le formulaire en précisant que leur enfant est dans l’incapacité physique de le faire.

==> Le contenu du formulaire

Outre la date et la signature, l’enfant complète le formulaire en cochant une case, afin d’indiquer s’il souhaite, ou non, être entendu par le juge.

Les informations relatives à son identité peuvent être remplies par l’enfant lui-même ou par ses parents.

Dès lors, il existe deux hypothèses pour l’enfant capable de discernement :

  • soit il sait lire et le formulaire complète alors l’information dispensée par les parents ;
  • soit il ne sait pas lire et il revient alors à ses parents de le lui lire et de lui expliquer les mentions en termes compréhensibles, en fonction de sa maturité.

La signature du mineur, qui n’est pas prévue à peine de nullité et dont la valeur est analogue à celle apposée sur les règlements scolaires par exemple, n’aura pas de force probante quant à la capacité de discernement de ce dernier, de sorte que cet élément reste, dans ce nouveau dispositif, soumis à l’appréciation du seul juge en cas de demande d’audition.

L’arrêté du 28 décembre 2016 précise que le formulaire remis à l’enfant comporte les champs suivants :

Je m’appelle [prénoms et nom]

Je suis né(e) le [date de naissance]

Je suis informé(e) que j’ai le droit d’être entendu(e), par le juge ou par une personne désignée par lui, pour que mes sentiments soient pris en compte pour l’organisation de mes relations avec mes parents qui souhaitent divorcer.

Je suis informé(e) que j’ai le droit d’être assisté(e) d’un avocat.

Je suis informé(e) que je peux être entendu(e) seul(e), avec un avocat ou une personne de mon choix et qu’il sera rendu compte de cette audition à mes parents.

J’ai compris que, suite à ma demande, un juge sera saisi du divorce de mes parents.

Je souhaite être entendu(e) :

OUI NON

Date

Signature de l’enfant

==> Le rôle de l’avocat

Il appartient à l’avocat de s’assurer que l’ensemble des formulaires d’information destinés aux enfants mineurs capables de discernement sont annexés à la convention lors de la transmission au notaire, ce dernier ne pouvant procéder à ce dépôt, ne serait-ce qu’en l’absence d’un seul formulaire dans le cas d’une fratrie.

Afin d’éviter toute pression sur l’enfant qui demande à être entendu, la procédure prévue par l’article 229-1 du code civil n’est plus possible dès que cette demande est faite dans les conditions de l’article 1148-2 du code de procédure civile, ce qui inclut l’hypothèse où l’enfant reviendrait ensuite sur son souhait d’être entendu pour y renoncer.

2. L’audition du mineur

La voie du divorce par consentement mutuel judiciaire n’est en effet possible qu’en cas de demande d’audition formée par un enfant mineur.

La demande d’audition rouvrira la voie judiciaire du divorce par consentement mutuel quelle que soit la décision du juge sur la demande d’audition.

==> La demande d’audition

  • Le moment de la demande
    • La demande d’audition du mineur peut être formée à tout moment de la procédure jusqu’au dépôt de la convention de divorce au rang des minutes d’un notaire. Dès qu’une telle demande est formée, le divorce ne peut se poursuivre sur le fondement de l’article 229-1 du code civil.
    • Les époux peuvent alors :
      • soit engager une procédure de divorce par consentement mutuel judiciaire dans les conditions visées aux articles 230 à 232 du code civil et 1088 à 1092 du code de procédure civile, la requête devant alors être accompagnée du formulaire de demande d’audition en plus des pièces actuellement exigées à l’article 1091
      • soit introduire une requête contentieuse en divorce.
  • La forme de la demande
    • Lorsque le mineur demande à être auditionné par le Juge, la situation est régie par l’article 1148-2 du code de procédure civile qui renvoie aux articles 1088 à 1092 du même code, soit aux règles procédurales relatives au divorce judiciaire par consentement mutuel.
    • Les époux pourront ainsi faire le choix, dans le cadre du divorce par consentement mutuel judiciaire, d’être assisté par un seul conseil.
    • La requête devant le juge aux affaires familiales comprend à peine d’irrecevabilité outre la convention de divorce et l’état liquidatif ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation.
    • Les époux sont en conséquence convoqués à l’audience devant le juge aux affaires familiales aux fins d’homologation de leur convention de divorce après l’audition du mineur ou refus d’audition par le juge.

==> Le déroulement de l’audition

Le juge peut réaliser lui-même l’audition ou désigner une personne pour y procéder. Le mineur peut être assisté par un avocat, choisi ou spécialement désigné, ou par la personne de son choix.

Le compte-rendu de l’audition est soumis au principe du contradictoire. Tout comme dans les autres procédures, le juge aux affaires familiales peut refuser d’entendre le mineur s’il estime que celui-ci n’est pas capable de discernement. Les motifs du refus doivent être mentionnés dans la décision.

C) Les conditions relatives à la convention

Pour mémoire, l’article 229-1 du Code civil dispose que « lorsque les époux s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets, ils constatent, assistés chacun par un avocat, leur accord dans une convention prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par leurs avocats et établi dans les conditions prévues à l’article 1374. »

Ainsi, la convention de divorce a-t-elle pour fonction de formaliser l’accord des époux sur le principe et les effets du divorce.

Pour valable, la convention doit satisfaire à des conditions de fond et de forme.

  1. Sur le fond

==> Application du droit des contrats

  • Principe
    • En ce que la convention de divorce s’analyse en un contrat, le sous-titre Ier du titre III du Livre III du code civil relatif au contrat lui est, par principe, applicable ( 1100 à 1231-7 C.civ.)
    • En conséquence, la convention doit satisfaire aux conditions de formation du contrat
    • En particulier, l’article 1128 du Code civil lui est applicable.
    • Cette disposition prévoit que sont nécessaires à la validité du contrat :
      • Le consentement des parties
      • Leur capacité de contracter
      • Un consentement licite et certain.
    • La convention de divorce peut donc être attaquée en cas de vice du consentement, de défaut de capacité ou encore de contrariété à l’ordre public.
    • En cas d’inexécution de la convention, le droit des contrats devrait également être applicable à la convention de divorce, à la condition que la mesure sollicitée ne remette pas en cause le principe même du divorce
  • Exception
    • Si le caractère purement conventionnel du divorce par consentement mutuel emprunte au droit des contrats, il s’en détache en raison de son caractère familial.
    • En effet, les dispositions qui sont inconciliables par nature avec le divorce sont inapplicables.
    • Ainsi, sous réserve de l’appréciation des juridictions, une clause résolutoire portant sur le principe du divorce serait déclarée nulle car contraire à l’ordre public.
    • La deuxième hypothèse d’une action en résolution fondée sur l’inexécution suffisamment grave après une notification du créancier au débiteur ne paraît pas non plus être valable dès lors qu’elle remettrait également en cause le principe du divorce.

==> Contenu de la convention

Le contenu du contrat est régi aux articles 1162 à 1171 du Code civil. Ainsi, le contenu de la convention de divorce ne doit pas porter atteinte à ces dispositions.

  • L’exigence d’un contenu licite
    • Aux termes de l’article 1162 du Code civil « le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toute les parties».
    • En matière familiale, la jurisprudence a une appréciation plutôt extensive de l’ordre public.
    • Relèvent notamment de l’ordre public familial :
      • l’autorité parentale (il n’est pas possible de renoncer ou de céder ses droits en dehors des cas prévus par la loi)
      • l’obligation alimentaire (qui est indisponible et non susceptible de renonciation).
    • Ainsi, il appartient à l’avocat de s’assurer que la convention ne comporte pas de clauses qui contreviendraient à l’ordre public.
    • Une clause qui, par exemple, exonérerait un époux de toute responsabilité en cas de non-paiement de la pension alimentaire serait réputée non écrite.
    • Surtout, la convention de divorce ne doit donc pas contenir de clauses fantaisistes qui risqueraient d’entraîner la nullité du contrat.
  • Exclusion du droit des clauses abusives
    • le divorce par acte d’avocat paraît exclu du champ du contrôle des clauses abusives prévu à l’article 1171 du code civil.
    • En effet la prohibition des clauses qui créent « un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat» ne s’applique que dans les contrats d’adhésion.
    • Le contrat d’adhésion est défini à l’article 1110 du code civil comme étant « celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties».
    • La qualification de contrat d’adhésion suppose donc la prédétermination unilatérale de conditions générales par l’une des parties et l’absence de négociation de ces conditions générales par l’autre partie.
    • Or l’intervention d’un avocat auprès de chacune des parties a pour objet de garantir l’effectivité d’une négociation des clauses de la convention de divorce et de la prise en compte des intérêts de chacun des époux.

2. Sur la forme

==> Un acte sous seing privé contresigné

L’article 229-1 du Code civil exige que la convention prenne la forme d’un acte sous seing privé contresigné par l’avocat de chacune des parties.

Qu’est-ce qu’un acte sous seing privé contresigné par un avocat, dit acte d’avocat ?

Cette forme d’acte a été instituée par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées.

Le législateur est parti du constat que de nombreux actes sous seing privé sont conclus sans que les parties, et notamment celles qui souscrivent les obligations les plus lourdes, n’aient reçu le conseil de professionnels du droit.

Cette manière de procéder, de plus en plus répandue en France notamment par l’utilisation de formulaires pré-imprimés ou disponibles sur internet, présente deux risques principaux.

  • Premier risque
    • Il peut arriver que les conséquences de cet acte ne soient pas celles que les parties attendaient :
      • soit parce que le but recherché en commun n’est pas atteint (le bail n’est pas valable par exemple)
      • soit parce que la convention est illicite.
  • Second risque
    • L’une des parties peut être tentée de contester ultérieurement l’existence du contrat ou l’un de ses éléments.
    • Les autres parties se heurtent alors à un problème de preuve.
    • L’assistance d’un avocat est insuffisante pour parer complètement à ces risques : les parties pourront éprouver des difficultés à établir que l’acte est le produit de ses conseils et aucune force probante particulière n’en résultera.

Afin de remédier à ces deux difficultés, le législateur avait bien cherché par le passé à y remédier. Elles étaient toutefois très insuffisantes.

Certes, les parties peuvent s’adresser à un notaire : l’acte authentique reçu par celui-ci engage sa responsabilité et fait foi jusqu’à inscription de faux des faits qu’il y aura énoncés comme les ayant accomplis lui-même ou comme s’étant passés en sa présence.

En outre cet acte bénéficie d’une caractéristique exceptionnelle attachée à la qualité d’officier public du notaire : la force exécutoire.

Cette force exécutoire permet, dans certaines circonstances, d’en assurer la réalisation sans avoir besoin au préalable de recourir à une décision de justice.

Mais, s’il est admis sans difficulté que la force exécutoire ne peut être attachée qu’à l’acte authentique, il a été jugé souhaitable que l’implication d’un avocat dans la réalisation d’un acte juridique emporte des effets plus significatifs que ceux qui lui étaient reconnus jusqu’alors.

Dans une perspective d’accès au droit, de protection de l’acte juridique et de sécurité des individus comme des entreprises, il est apparu au législateur utile d’encourager le recours aux conseils de l’avocat à l’occasion de la négociation, de la rédaction et de la conclusion des actes sous seing privé.

Il a donc été envisagé de permettre aux parties de renforcer la valeur de l’acte sous seing privé qu’elles concluent en demandant à un avocat, pouvant ou non être commun à plusieurs d’entre elles, de le contresigner.

Ce contreseing – qui existe déjà pour le mandat de protection future – entraîne deux conséquences.

  • Première conséquence
    • L’avocat ayant contresigné l’acte est présumé de manière irréfragable avoir examiné cet acte, s’il ne l’a rédigé lui-même, et avoir conseillé son client
    • À ce titre, il assume pleinement la responsabilité qui en découle.
  • Seconde conséquence
    • L’avocat atteste, après vérification de l’identité et de la qualité à agir de son client, que celui-ci a signé l’acte et en connaissance de cause, ce qui empêche celui-ci de contester ultérieurement sa signature
    • L’acte contresigné par un avocat possède alors, entre ceux qui l’ont souscrit et entre leurs héritiers et ayants cause, la même foi que l’acte authentique.

Appliqué au divorce par consentement mutuel, l’acte sous seing privé contresigné par avocat offre à la convention de divorce un cadre juridique adapté et sécurisé.

Il présente, en effet, deux avantages par rapport à un acte sous seing privé classique.

  • D’une part, il confère une force probante renforcée puisqu’il fait pleine foi de l’écriture et de la signature des parties tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayant cause.
  • Ensuite, en contresignant l’acte, l’avocat atteste de par la loi avoir éclairé pleinement la ou les parties qu’il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte.

==> Les mentions

  • Mentions relatives à la civilité des parties
    • L’article 229-3 du Code civil prévoit que la convention comporte expressément, à peine de nullité
      • Les nom, prénoms, profession, résidence, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des époux
      • La date et le lieu de mariage
      • Les mêmes indications, le cas échéant, pour chacun des enfants du couple
  • Mentions relatives aux avocats
    • L’article 229-3 du Code civil prévoit que la convention comporte expressément, à peine de nullité
      • Le nom, l’adresse professionnelle et la structure d’exercice professionnel des avocats chargés d’assister les époux
      • Le barreau auquel ils sont inscrits
  • Mentions relatives au notaire instrumentaire
    • L’article 1144-1 du code de procédure civile ajoute que les époux doivent mentionner le nom du notaire ou de la personne morale titulaire de l’office notarial chargés du dépôt de la convention au rang de ses minutes.
    • Le cas échéant, rien ne s’oppose à ce que ce notaire soit le même que celui qui aura dressé l’acte liquidatif de partage en la forme authentique.
  • Mentions relatives à l’accord des époux
    • L’article 229-3 du Code civil prévoit que la convention comporte expressément, à peine de nullité
      • La mention de l’accord des époux sur la rupture du mariage et sur ses effets dans les termes énoncés par la convention
      • Les modalités du règlement complet des effets du divorce conformément au chapitre III du présent titre, notamment s’il y a lieu au versement d’une prestation compensatoire
      • L’état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière, ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation
  • Mentions relatives à la pension alimentaire et à la prestation compensatoire
    • Compte tenu de l’importance des conséquences de la prévision d’une pension alimentaire ou d’une prestation compensatoire, l’article 1444-4 du Code de procédure civile prévoit que la convention doit contenir les informations des parties sur les modalités de recouvrement, les règles de révision et les sanctions pénales encourues en cas de défaillance.
    • L’article 1144-3 précise que lorsque des biens ou droits, non soumis à la publicité foncière, sont attribués à titre de prestation compensatoire, la convention précise la valeur de ceux-ci.
    • En cas de biens soumis à publicité foncière, un acte authentique devra être rédigé par un notaire.
    • Il peut, en outre, être prévu un paiement direct entre les mains, par exemple, de l’employeur du débiteur de ladite pension ou prestation.
    • Dans ce cas, le débiteur doit indiquer dans la convention le tiers débiteur saisi chargé du paiement
  • Mentions relative à l’information de l’enfant
    • L’article 229-3 du Code civil prévoit que la convention comporte expressément, à peine de nullité
      • La mention que le mineur a été informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge dans les conditions prévues à l’article 388-1 et qu’il ne souhaite pas faire usage de cette faculté.
    • L’article 1144-2 du code de procédure civile précise que la convention doit mentionner, le cas échéant, que le mineur n’a pas reçu l’information relative à son droit d’être entendu par un juge en raison de son absence de discernement, ce qui facilitera les vérifications formelles du notaire devant procéder au dépôt.

En pratique, ces mentions peuvent apparaître dans un paragraphe distinct ou en annexe afin que les informations délivrées soient suffisamment lisibles et identifiables par le créancier (cf. annexe 2 de la présente circulaire).

==> La régularisation de la convention

  • Délai de réflexion
    • L’article 229-4 du code civil fixe un délai de réflexion de quinze jours pour chacun des époux, à compter de la réception de la lettre recommandée contenant le projet de convention, pendant lequel les parties ne peuvent signer la convention.
    • Il appartient donc aux avocats et aux parties de définir une date de rendez-vous de signature qui soit fixée à plus de quinze jours à compter de la réception du dernier courrier recommandé, signé personnellement par chacune des parties. En effet, la signature de l’un des époux ne vaut pas réception de la convention par l’autre ni ne présume celle-ci.
    • Les avocats respectifs des parties doivent donc s’assurer de la signature personnelle de l’époux sur l’avis de réception de la lettre recommandée.
  • La signature et le contreseing
    • La convention est établie selon l’acte d’avocat prévu à l’article 1374 du code civil, qui fait foi de l’écriture et de la signature des parties.
    • En contresignant l’acte, les avocats attestent du consentement libre et éclairé de leur client.
    • L’article 1145 du code de procédure civile précise que la convention doit être signée par les époux et leurs avocats ensemble, ce qui signifie une mise en présence physique des signataires au moment de la signature.
    • En pratique, un rendez-vous commun aux deux époux et aux deux avocats devra être organisé en vue de la signature de la convention.
    • En effet, l’article 1175-1° du code civil exclut la possibilité d’établir et conserver sous forme électronique les actes sous signature privée relatifs aux droits de la famille de sorte qu’en l’absence de dérogation expressément prévue dans la loi du 18 novembre 2016, la signature par la voie électronique de la convention visée à l’article 229-1 du code civil est impossible.
    • La convention et ses annexes doivent être signées en trois exemplaires afin que chaque époux dispose d’un original et qu’un exemplaire soit déposé au rang des minutes du notaire désigné.
    • Lorsque la convention ou ses annexes doivent être soumises à la formalité de l’enregistrement, un quatrième exemplaire original devra être signé pour être transmis aux services fiscaux.
    • En cas de modification de la convention par rapport au projet initial, un nouveau délai de réflexion de quinze jours doit être laissé aux époux à compter de ces modifications, ce qui suppose, si celles-ci interviennent lors d’un rendez-vous de signature, d’organiser une seconde rencontre au moins quinze jours après.
  • Transmission de la convention au notaire
    • L’archivage de la convention étant déjà assuré par son dépôt au rang des minutes d’un notaire, il n’est pas nécessaire d’en prévoir un à la charge des avocats.
    • L’avocat le plus diligent, ou mandaté par les deux parties, transmet la convention de divorce accompagnée de ses annexes au notaire mentionné dans l’acte dans un délai maximum de sept jours suivant la date de la signature de la convention (article 1146 CPC).
    • À défaut de respecter ce délai, il engage sa responsabilité professionnelle.
    • Ce délai est un délai indicatif maximal qui ne constitue pas un délai de rétractation dans la mesure où les époux ont déjà bénéficié d’un délai de réflexion antérieurement à la signature de la convention.
    • Enfin, l’original de la convention devant être transmis, l’envoi ne peut être dématérialisé.
  • Frais d’acte
    • L’article 1144-5 du Code de procédure civile prévoit que la convention règle le sort des frais induits par la procédure de divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocat, déposé au rang des minutes d’un notaire, sous réserve des règles spécifiques en matière d’aide juridictionnelle et qu’à défaut, ils sont partagés par moitié.
    • Ces frais devraient être détaillés pour comprendre, l’ensemble des frais prévisibles (en particulier, les frais de transmission de la convention au notaire et de dépôt, ceux de partage et, le cas échéant, de traduction de la convention).
    • Conformément à l’article 11.3 du règlement intérieur national de la profession d’avocats, les honoraires sont exclus de ces frais puisque l’avocat ne peut percevoir d’honoraires que de son client ou d’un mandataire de celui-ci.

==> L’intervention du notaire

  • La compétence territoriale des notaires
    • Conformément aux termes de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, les notaires ne sont pas assujettis à des règles de compétence internes.
    • En outre, les règles de compétence du règlement CE n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ne concernent que les juridictions appelées à rendre une décision.
    • Or, dans la nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel, les notaires doivent, après un contrôle formel, déposer au rang de leurs minutes la convention constituant l’accord des époux et ils ne rendent de ce fait aucune décision, de sorte qu’ils ne sont pas des juridictions au sens de ce règlement.
    • Par conséquent, les notaires, qui ne sont pas assujettis à des règles de compétence, ont vocation à recevoir tout acte, émanant de parties françaises comme étrangères, qu’elles soient domiciliées en France ou à l’étranger dès lors que le droit français s’applique à leur divorce, sans préjudice des effets que les règles de droit international privé applicables aux parties, à raison de leur nationalité par exemple, pourraient entraîner dans un autre État, en termes de reconnaissance du divorce et de ses conséquences notamment.
    • Enfin, l’article 8 du décret du 28 décembre 2016 a expressément exclu les fonctions notariales des agents consulaires du dispositif.
    • Ces derniers ne peuvent donc procéder au dépôt de la convention de divorce.
  • Le contrôle exercé par le notaire
    • Si le notaire n’a pas à contrôler le contenu ou l’équilibre de la convention, il doit, avant de pouvoir effectuer le dépôt de la convention au rang de ses minutes, vérifier la régularité de celle-ci au regard des dispositions légales ou réglementaires.
    • Pour autant, s’il est porté manifestement atteinte à l’ordre public (une clause qui évincerait les règles d’attribution de l’autorité parentale découlant de la filiation ou une clause de non-remariage par exemple), le notaire, en sa qualité d’officier public, pourra alerter les avocats sur la difficulté.
    • Ni les époux, ni les avocats n’ont en principe à se présenter devant le notaire.
      • Le contrôle du respect du délai de réflexion
        • L’article 229-1 du code civil donne expressément au notaire compétence pour s’assurer que le délai de réflexion de quinze jours entre la rédaction de la convention et la signature prévue à l’article 229-4 du même code a bien été respecté.
        • À cette fin, la convention pourra comporter utilement en annexe la copie des avis de réception des lettres recommandées envoyées à chacune des parties et contenant le projet de convention.
        • Si le délai de réflexion de quinze jours n’a pas été respecté, le notaire ne peut procéder au dépôt de la convention.
      • Le contrôle des exigences formelles
        • Le dernier alinéa de l’article 229-1 du code civil rappelle le rôle du notaire.
        • Celui-ci doit vérifier le respect des exigences prévues aux 1° au 6° de l’article 229-3 du code civil.
        • Si la convention ne contient pas l’ensemble de ces mentions, le notaire doit refuser de procéder à son dépôt.
        • Les époux devront rédiger une nouvelle convention avec les mentions manquantes et respecter le délai de réflexion de quinze jours avant de pouvoir procéder à la signature de celle-ci et de la transmettre au notaire en vue de son dépôt.
  • Le dépôt de la convention au rang des minutes du notaire
    • L’article 1146 du Code de procédure civile prévoit que le notaire dispose d’un délai maximal de quinze jours pour procéder au contrôle susmentionné de la convention et de ses annexes et déposer l’acte au rang de ses minutes.
    • Ce délai ne constituant pas un délai de rétractation, le notaire peut procéder à ce contrôle et au dépôt dès réception des documents.
    • Le dépassement de ce délai ne constitue pas une cause de caducité de la convention mais peut être de nature à engager la responsabilité professionnelle du notaire.
    • Le dépôt de la convention de divorce au rang des minutes du notaire ne confère pas à la convention de divorce la qualité d’acte authentique mais lui donne date certaine et force exécutoire à l’accord des parties et entraîne la dissolution du mariage à cette date.
    • Les effets du divorce entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, prennent effet à la date du dépôt, à moins que la convention n’en dispose autrement (article 262-1 du code civil).
    • Le dépôt au rang des minutes du notaire emporte l’obligation d’assurer la conservation de l’acte pendant une durée de 75 ans et le droit d’en délivrer des copies exécutoires et des copies authentiques.
    • L’article 14 du décret n° 71-942 du 26 novembre 1971, prévoit les conditions de conservation en cas de suppression ou de scission d’un office de notaire, à titre provisoire ou définitif, ce qui permet d’assurer la continuité de la conservation.
    • Le notaire doit délivrer une attestation de dépôt à chacun des époux qui contient, outre ses coordonnées, notamment :
      • la mention du divorce
      • l’identité complète des époux
      • leurs lieu et date de naissance
      • le nom de leurs avocats respectifs et le barreau auquel ils sont inscrits
      • la date de dépôt. U
    • Une attestation est également délivrée, le cas échéant, à l’avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle, à sa demande, afin que celui-ci puisse solliciter le paiement de la contribution de l’État (article 118-3 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991).
    • Cette attestation permettra aux ex-conjoints ou à leurs avocats de faire procéder à la mention du divorce sur les actes de l’état civil et de justifier du divorce auprès des tiers.

==> Publicité : la mention du divorce sur les actes d’état civil

Dès réception de l’attestation de dépôt de la convention de divorce et de ses annexes, les époux ou les avocats doivent en principe transmettre celle-ci à l’officier d’état civil de leur lieu de mariage aux fins de mention du divorce sur l’acte de mariage selon les modalités prévues à l’article 1147 du code de procédure civile.

Le mariage est dissous à la date de l’attestation de dépôt qui lui donne force exécutoire.

Conformément aux dispositions de l’article 49 du code civil, l’officier d’état civil qui a apposé la mention du divorce en marge de l’acte de mariage, transmet un avis à l’officier de l’état civil dépositaire de l’acte de naissance de chacun des époux aux fins de mise à jour de ces actes par la mention de divorce.

Si le mariage a été célébré à l’étranger et en l’absence d’acte de mariage conservé par un officier d’état civil français, la mention du divorce sera portée sur les actes de naissance et à défaut, l’attestation de dépôt sera conservée au répertoire civil annexe détenu au service central d’état civil à Nantes.

Toutefois, si le mariage a été célébré à l’étranger à compter du 1er mars 2007, sa transcription sur les registres de l’état civil français sera nécessaire avant de pouvoir inscrire la mention du divorce sur l’acte de naissance d’un Français.

IV) Les effets

A) Opposabilité de la convention

==> À l’égard des parties

  • Principe
    • L’article 229-1, al. 3 du Code civil prévoit que le dépôt de la convention au rang des minutes du notaire « donne ses effets à la convention en lui conférant date certaine et force exécutoire»
    • Ainsi, ce n’est donc pas la signature de la convention qui la rend opposable entre les parties, mais son dépôt
  • Exception
    • L’article 262-1, al. 1er du Code civil dispose que « la convention ou le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens lorsqu’il est constaté par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire, à la date à laquelle la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce acquiert force exécutoire, à moins que cette convention n’en stipule autrement»
    • Les parties peuvent ainsi décider de modifier la date des effets du divorce, s’agissant de leurs rapports patrimoniaux.
    • Les effets du divorce pourront donc être reportés à une date antérieure au jour du dépôt au rang des minutes du notaire.
    • Ils pourront ainsi faire coïncider la date du divorce avec la date de leur séparation effective.

==> À l’égard des tiers

L’article 262 du Code civil prévoit que le divorce est opposable aux tiers à partir du jour où les formalités de mention en marge des actes d’état civil ont été effectuées.

Tant que cette mesure de publicité n’est pas accomplie par les époux, le divorce leur sera inopposable.

Ils seront donc toujours fondés à se prévaloir du principe de solidarité des dettes ménagères par exemple.

  1. Étendue des effets de la convention

==> Irrévocabilité du principe du divorce

Le caractère conventionnel de la convention de divorce devrait permettre aux époux de révoquer leur accord en cas d’inexécution de leurs obligations respectives.

Toutefois, si ce caractère conventionnel emprunte au droit des contrats, il s’en détache en raison de son caractère familial.

Dès lors, il est des dispositions qui, par nature, sont inconciliables par nature avec le divorce

Ainsi, sous réserve de l’appréciation des juridictions, une clause résolutoire portant sur le principe du divorce devrait être déclarée nulle car contraire à l’ordre public.

De la même manière, l’époux qui engage une action en résolution judiciaire sur le fondement de l’inexécution suffisamment grave après une notification au débiteur devrait être débouté de sa demande.

Dans le cas contraire, une telle action pourrait conduire à remettre en cause le principe du divorce.

Or une fois l’accord des époux scellé, cet accord est irrévocable.

==> Rétractation des époux

Il convient de distinguer selon qu’un seul des époux ou les deux se rétractent.

  • Un seul époux se rétracte
    • Dans l’hypothèse où l’un des époux se rétracterait entre la signature de la convention et son dépôt au rang des minutes, le notaire doit quand même procéder à l’enregistrement de la convention.
    • En effet, la convention de divorce constitue un contrat à terme au sens de l’article 1305 du code civil, qui engage les parties de manière irrévocable, sauf consentement mutuel des parties pour y renoncer ou pour les causes que la loi autorise (article 1193 C. civ.), en l’espèce la demande d’audition de l’enfant (article 229-2 C. civ.).
    • Seuls les effets de la convention, et donc l’exigibilité des obligations de chacun des époux, sont différés jusqu’au dépôt de l’acte au rang des minutes du notaire mais la force obligatoire de la convention s’impose aux parties dès la signature.
    • En conséquence, il est interdit à un seul des époux de “faire blocage” et de bénéficier de ce fait d’une faculté de rétractation non prévue par la loi.
  • Les deux époux se rétractent
    • Lorsque, d’un commun accord, les deux époux renoncent au divorce, ils peuvent révoquer la convention jusqu’au dépôt de celle-ci au rang des minutes du notaire en application de l’article 1193 du code civil.
    • Le notaire doit être informé de la renonciation au divorce par tous moyens, aucune condition de forme n’étant imposée.
    • Dans le cas d’un renoncement à cette voie du divorce par consentement conventionnel, l’article 1148-2, alinéa 2 du code de procédure civile, rappelle que la juridiction est saisie dans les conditions des articles 1106 et 1107 du même code.
    • La convention peut aussi être modifiée entre la signature et le dépôt d’un commun accord entre les époux (article 1193 C. civ.).
    • Dans ce cas, une nouvelle convention devra être rédigée et les avocats devront veiller à informer le notaire de ce changement afin que celui-ci ne procède pas au dépôt. Le délai de réflexion de quinze jours courra à nouveau entre la rédaction du projet et la signature de celui-ci par les parties en présence de leurs avocats.

==> Exécution forcée de la convention

La loi du 18 novembre 2016 a ajouté à la liste des titres exécutoires de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution les accords par lesquels les époux consentent mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresignée par avocats, déposés au rang des minutes d’un notaire selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil.

Les époux peuvent donc solliciter l’exécution forcée de la convention dès lors que celle-ci a été déposée au rang des minutes du notaire.

Dès son dépôt, la convention de divorce a des effets identiques à ceux d’un jugement de divorce.

À cette fin, certaines dispositions ont été modifiées par la loi du 18 novembre 2016, le décret du 28 décembre 2016 et l’article 115 de la loi de finances rectificative pour 2016.

  • Pension alimentaire
    • En application de l’article L. 213-1 du code des procédures civiles d’exécution et de l’article 1er de la loi n° 75-618 du 11 juillet 1975 la convention de divorce permet d’engager une procédure de recouvrement de la pension alimentaire
    • En complément, Le code général des impôts a été modifié pour que les pensions alimentaires et prestations compensatoires fixées par la convention de divorce bénéficient du même régime fiscal que celles fixées par un jugement de divorce
  • Prestations sociales
    • Pour les mêmes raisons, l’article L. 523-1 du code de la sécurité sociale a fait l’objet d’une modification afin de permettre au créancier d’une pension alimentaire fixée par une convention de divorce établie par acte d’avocats ou par un acte authentique de bénéficier de l’allocation de soutien familial ou de l’allocation de soutien familial différentielle.
    • L’article L.581-2 du même code a en conséquence été modifié afin de permettre à la CAF qui a versé cette allocation, au lieu et place du parent débiteur défaillant, de recouvrer les sommes versées.

Toutefois, la convention ne constitue pas un titre permettant d’obtenir l’expulsion de l’époux qui se maintient illégitimement dans le logement dans la mesure où l’article L. 411-1 du code des procédures civiles d’exécution restreint cette possibilité à la production d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation, qui est toujours signé par un juge compte tenu de l’atteinte aux libertés individuelles que constitue cette mesure.

==> La révision de la convention

  • Principe
    • L’article 1193 du Code civil prévoit de façon générale la révision des conventions par consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise.
    • Il en résulte que la convention de divorce par acte sous signature privée contresigné par avocat pourra être révisée d’un commun accord des parties, par simple acte sous seing privé ou par acte sous signature privée contresigné par avocat.
    • L’acte sous seing privé simple ou contresigné par avocat portant révision de la convention n’aura toutefois ni date certaine, ni force exécutoire, sauf à ce que les parties en fassent ultérieurement constater la substance dans un acte authentique pour lui conférer date certaine, en application de l’article 1377 du code civil.
  • Tempéraments
    • En raison de la soumission de la convention de divorce à l’ordre public familial, certaines clauses de la convention ne peuvent être révisées selon le droit commun des contrats.
    • Tel est le cas du principe du divorce en raison de l’indisponibilité de l’état des personnes, ou des clauses portant sur la prestation compensatoire, dont la révision fait l’objet de dispositions spécifiques prévues à l’article 279 du code civil.
    • Les parties pourront toujours solliciter l’homologation de leur nouvel accord portant sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et fixant le montant de la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant devant le juge aux affaires familiales, par requête conjointe, en application des dispositions de l’article 373-2-7 du code civil.
    • Depuis le décret n° 2016-1906 du 28 décembre 2016, le juge peut homologuer cette convention sans audience à moins qu’il n’estime nécessaire d’entendre les parties.
    • Enfin, le juge aux affaires familiales pourra toujours être saisi par les deux parents, ensemble ou séparément sur le fondement de l’article 373-2-13 du code civil, aux fins de statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

==> Le contentieux de l’inexécution de la convention par l’un des ex-époux

En cas d’inexécution par l’un des ex-époux de ses obligations résultant de la convention de divorce ayant force exécutoire, l’autre pourra toujours saisir le tribunal de grande instance de la difficulté.

L’exception d’inexécution prévue à l’article 1209 du code civil ne pourra toutefois être invoquée dès lors qu’elle est contraire à l’intérêt de l’enfant.

Ainsi, le débiteur d’une pension alimentaire due pour l’éducation et l’entretien de l’enfant ne pourra refuser de verser cette contribution au motif que l’enfant ne lui est pas représenté.

La notification des ordonnances du Juge-commissaire à l’initiative d’une partie à la procédure doit intervenir par voie de signification (Cass. com. 24 janv. 2018)

Par un arrêt du 24 janvier 2018, la Chambre commerciale de la Cour de cassation est venue préciser les modalités de notification des ordonnances du Juge-commissaire lorsque ce sont les parties à la procédure qui sont à l’initiative de cette formalité (Cass. com. 24 janv. 2018, n°16-20.197).

  • Faits
    • Le liquidateur d’une société exerce un recours à l’encontre d’une ordonnance du Juge-commissaire rendue le 18 novembre 2014.
    • Cette décision faisait droit à une action en revendication engagée par un créancier de la société placée en liquidation judiciaire.
  • Procédure
    • Saisie du litige, par un arrêt du 12 mai 2016, la Cour d’appel de Lyon déclare irrecevable le recours formé contre la décision du Juge-commissaire.
    • Les juges du fonds relèvent que tandis que le créancier avait notifié l’ordonnance au liquidateur par voie de lettre recommandée le 1er décembre 2014, celui-ci a seulement exercé son recours le 6 janvier 2015, soit au-delà du délai dix 10 jours prévu à l’article R. 621-21, al. 3 du Code de commerce.
    • La Cour d’appel en déduit que le liquidateur était forclos pour contester la décision du Juge-commissaire.
  • Solution
    • Par un arrêt du 24 janvier 2018, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Lyon.
    • Au visa des articles R. 621-21 du code de commerce et 651 du code de procédure civile elle considère que tandis que « selon le premier de ces textes, […] les ordonnances rendues par le juge-commissaire peuvent faire l’objet d’un recours par les mandataires de justice dans les dix jours de la communication qui leur en est faite par le greffe […] en application du second, la notification à l’égard des mandataires de justice peut être faite à l’initiative d’une partie, cette dernière doit procéder par voie de signification».
    • La chambre commerciale en conclut que, dans ces conditions, la notification de l’ordonnance du Juge-commissaire au liquidateur effectuée à l’initiative du créancier revendiquant était irrégulière, car accomplit par voie de lettre recommandée.
    • Or il aurait fallu procéder par voie de signification, conformément à l’article 651, al. 3 du Code de procédure civile.
  • Analyse
    • Pour bien comprendre la décision de la Cour de cassation il convient de se reporter aux deux textes qui fondent sa décision.
    • S’agissant de l’article R. 621-21, al. 3 du Code de commerce, il dispose que « les ordonnances du juge-commissaire sont déposées sans délai au greffe qui les communique aux mandataires de justice et les notifie aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés. »
    • Il ressort de cette disposition que, en principe, c’est au greffe qu’il appartient de notifier les ordonnances rendues par le Juge-commissaire aux parties.
    • En l’espèce, il apparaît que le greffe du Tribunal de commerce saisi n’a pas accompli cette diligence, à tout le moins il a été devancé par le créancier revendiquant.
    • Celui-ci était sans doute animé par la volonté de purger, sans attendre, les voies de recours ouvertes contre l’ordonnance du Juge-commissaire qui faisait droit à sa demande.
    • En effet, l’article R. 621-21, al. 4 du Code de commerce prévoit que les ordonnances du Juge-commissaire « peuvent faire l’objet d’un recours devant le tribunal dans les dix jours de la communication ou de la notification, par déclaration faite contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au greffe.»
    • Le liquidateur disposait donc de dix jours pour interjeter appel à compter de la notification de l’ordonnance.
    • La question qui toutefois se posait en l’espèce était de savoir si la notification de la décision du Juge-commissaire était régulière.
    • Le premier enseignement que le peut tirer de la décision de la Cour de cassation est que le greffe ne dispose pas du monopole de la notification.
    • Les parties peuvent également être à l’initiative de cette formalité.
    • Dans un arrêt du 10 mars 2015 la Cour de cassation a estimé en ce sens « qu’il résulte de l’article 651, alinéa 3, du code de procédure civile qu’est autorisée la notification d’un jugement par voie de signification à l’initiative d’une partie, alors même que la loi la prévoit en la forme ordinaire à la diligence du greffe»
    • La chambre commerciale ajoute que, pour être valable, la notification doit reproduire « de manière très apparente l’article R. 621-21 du code de commerce qui précise le délai du recours et ses modalités» ( com. 10 mars 2015).
    • Une question demeurait néanmoins en suspens : la notification doit-elle nécessairement prendre la forme d’une signification ou peut-elle être intervenir par voie de recommandé comme exigé pour le greffe ?
    • Bien que dans l’arrêt du 10 mars 2015 il était question de signification, la Cour de cassation ne répondait pas vraiment à cette question.
    • Aussi, l’arrêt rendu par la chambre commerciale le 24 janvier 2018 met fin à l’incertitude.
    • Lorsque la notification procède de l’initiale d’une partie à la procédure, elle doit être nécessairement être accomplie par voie de signification.
    • La Cour de cassation justifie sa solution en visant l’article 651, al.3 du Code de procédure civile qui prévoit que « la notification peut toujours être faite par voie de signification alors même que la loi l’aurait prévue sous une autre forme. »
    • Cette disposition doit être combinée avec l’article 680 du même Code qui dispose que « l’acte de notification d’un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d’opposition, d’appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l’une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé ; il indique, en outre, que l’auteur d’un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile et au paiement d’une indemnité à l’autre partie. »
    • En conclusion, deux enseignements peuvent être retirés de la présente décision
      • Premier enseignement
        • la notification des ordonnances du Juge commissaire peut être accomplie à l’initiative d’une partie à la procédure.
        • L’intérêt sera pour elle de purger les voies de recours le plus rapidement possible, voire de pallier la carence du greffe.
      • Second enseignement
        • Lorsque c’est une partie à la procédure qui notifie l’ordonnance du Juge-commissaire elle doit procéder par voie de signification
        • À défaut, le délai d’appel est réputé n’avoir pas commencé à courir

Cass. com. 24 janv. 2018
Sur le moyen relevé d’office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l’article R. 621-21, alinéas 3 et 4, du code de commerce, ensemble l’article 651, alinéa 3, du code de procédure civile ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que les ordonnances rendues par le juge-commissaire peuvent faire l’objet d’un recours par les mandataires de justice dans les dix jours de la communication qui leur en est faite par le greffe ; que si, en application du second, la notification à l’égard des mandataires de justice peut être faite à l’initiative d’une partie, cette dernière doit procéder par voie de signification ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, que le liquidateur judiciaire de la société Indepol environnement a formé un recours contre l’ordonnance rendue par le juge-commissaire le 18 novembre 2014 ayant fait droit à la demande en revendication formée par la société Epicap ;

Attendu que pour déclarer ce recours irrecevable comme tardif, l’arrêt retient que la société Epicap a adressé au liquidateur une lettre recommandée avec demande d’avis de réception le 1er décembre 2014 qui vise l’ordonnance et que le recours du liquidateur a été formé au-delà du délai de dix jours prévu à l’article R. 621-21, alinéa 3, du code de commerce pour avoir été formé le 6 janvier 2015 ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 mai 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Riom ;

TEXTES

Code de procédure civile

Article 651

Les actes sont portés à la connaissance des intéressés par la notification qui leur en est faite.

La notification faite par acte d’huissier de justice est une signification.

La notification peut toujours être faite par voie de signification alors même que la loi l’aurait prévue sous une autre forme.

Article 680

L’acte de notification d’un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d’opposition, d’appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l’une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé ; il indique, en outre, que l’auteur d’un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile et au paiement d’une indemnité à l’autre partie.

Code de commerce

Article R. 621-21

Le juge-commissaire statue par ordonnance sur les demandes, contestations et revendications relevant de sa compétence ainsi que sur les réclamations formulées contre les actes de l’administrateur, du mandataire judiciaire et du commissaire à l’exécution du plan. Le juge-commissaire est saisi par requête ou par déclaration au greffe de la juridiction, sauf s’il en est disposé autrement.

Si le juge-commissaire n’a pas statué dans un délai raisonnable, le tribunal peut être saisi à la demande d’une partie ou du ministère public.

Les ordonnances du juge-commissaire sont déposées sans délai au greffe qui les communique aux mandataires de justice et les notifie aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés. Sur sa demande, elles sont communiquées au ministère public.

Ces ordonnances peuvent faire l’objet d’un recours devant le tribunal dans les dix jours de la communication ou de la notification, par déclaration faite contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au greffe.

Le ministère public peut également saisir le tribunal par requête motivée, dans les dix jours de la communication qui lui est faite de l’ordonnance.

L’examen du recours est fixé à la première audience utile du tribunal, les intéressés et les mandataires de justice étant avisés.