Les prix de transfert – Le principe de pleine concurrence

Article de Vincent Lepaul, Consultant en prix de transfert & Pierre-Olivier Mathieu, Responsable du contrôle de gestion et prix de transfert – Carrefour

Définition.- L’article 9, paragraphe 1 du Modèle de convention fiscale de l’Organisation de coopération et de développement économiques (ci-après « OCDE ») définit le principe de pleine concurrence de la façon suivante : « [Lorsque] les deux entreprises [associées] sont, dans leurs relations commerciales ou financières, liées par des conditions convenues ou imposées, qui diffèrent de celles qui seraient convenues entre des entreprises indépendantes, les bénéfices qui, sans ces conditions, auraient été réalisés par l’une des entreprises, mais n’ont pas pu l’être en fait à cause de ces conditions, peuvent être inclus dans les bénéfices de cette entreprise et imposés en conséquence ».

Dit autrement, le principe de pleine concurrence consiste à déterminer puis à appliquer un prix de marché aux transactions intragroupe.

Prix de marché.- Le prix de marché peut se définir comme étant le prix des biens ou services déterminé par le jeu de l’offre et de la demande dans une situation de concurrence parfaite.

En d’autres termes, dans le contexte des prix de transfert, il s’agit du prix que deux sociétés totalement indépendantes l’une de l’autre (i.e. ne faisant pas partie du même groupe de sociétés ou ne se trouvant pas dans une situation de dépendance économique / contrôle de fait) vont convenir d’un commun accord pour la vente de biens ou de services, dans le respect du droit de la concurrence (i.e. hors entente, etc.).

Étant indépendantes l’une de l’autre, la société acheteuse et la société vendeuse ont des intérêts économiques complètement divergents. L’une souhaite minimiser ses coûts (i.e. l’acheteuse) tandis que l’autre souhaite maximiser ses gains (i.e. la vendeuse). Le prix de marché est donc un juste équilibre entre ces deux intérêts contraires.

Dans ce contexte, il y a une rencontre entre l’offre et la demande dans une situation de pleine concurrence dès lors que :

  • Du côté de la société vendeuse (i.e. l’offre) : si le prix est jugé trop faible par la vendeuse, cette dernière n’acceptera nullement de vendre son bien ou service ; et
  • Du côté de la société acheteuse (i.e. la demande) : si le prix est perçu comme étant trop élevé, l’acheteuse refusera d’acquérir un bien ou service.

Transactions intragroupe.- Il s’agit d’un flux (e.g. vente de produits finis, prestations de services) intervenant entre deux entreprises dites associées ou liées (i.e. faisant partie d’un même groupe de sociétés, ou l’une étant sous la dépendance économique de l’autre). Pour de plus amples informations à ce sujet, veuillez vous référer à cet article introductif.

Mise en œuvre.- En pratique, la mise en œuvre du principe de pleine concurrence suppose (i) de délimiter avec précision les relations commerciales et financières de la transaction intragroupe, puis (ii) de les comparer avec celles qui sont appliquées par des entreprises indépendantes dans des circonstances comparables (OCDE (2017), Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales 2022, Éditions OCDE, Paris, §1.33).

Délimitation de la transaction intragroupe.- Afin de pouvoir identifier les relations commerciales et financières appliquées par des entreprises indépendantes dans des circonstances comparables à la transaction intragroupe, et donc de déterminer un prix de marche, il est préalablement requis de de définir avec précision la transaction intragroupe en jeu.

Plus simplement, pour pouvoir être en mesure de déterminer le prix de marché fixé entre des entreprises indépendantes pour la vente d’un sac de riz d’un kilogramme, cela signifie qu’il faut au préalable avoir observé que la transaction intragroupe consiste en la vente de riz pour une quantité d’un kilogramme.

Ainsi, sans la délimitation précise de la transaction intragroupe, l’on est incapable de déterminer le prix de marché convenu par des entreprises indépendantes dans des conditions « comparables » (comparables à quoi ? À la transaction intragroupe).

La délimitation de la transaction intragroupe repose sur l’identification des cinq caractéristiques économiquement pertinentes (ou “facteurs de comparabilité”) suivantes (((OCDE (2017), Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales 2022, Éditions OCDE, Paris, §1.36) :

#Facteur de comparabilitéDescription
1Les dispositions contractuelles de la transactionLe contrat intragroupe constitue le point de départ pour délimiter la transaction intragroupe (e.g. identité des parties, droits et obligations des parties, attribution des risques entre les parties, rémunération, etc.).   Lorsque le contrat ne reflète pas le comportement réel des parties, ou à défaut de toute communication écrite, le comportement des parties doit s’analyser au travers d’éléments concrets (cf. l’analyse fonctionnelle).
2L’analyse fonctionnelleLes entreprises liées impliquées dans la transaction intragroupe ayant été préalablement identifiées, il s’agit de déterminer, dans le cadre de la transaction intragroupe : Les fonctions qu’elles exercent (e.g. communication et marketing, gestion de fournisseurs externes, etc.) ;Les actifs de valeur qu’elles utilisent (e.g. une usine, une marque, un savoir-faire) ; etLes risques qu’elles prennent (e.g. risque de marché, risque politique, etc.).
3Les caractéristiques des biens ou servicesLa valeur d’un bien ou service dépend en grande partie de ses caractéristiques. Par exemple, une Twingo a moins de valeur qu’une Porsche 911 dès lors que leurs caractéristiques diffèrent fortement (e.g. design, puissance du moteur, qualité des matériaux utilises, etc.).   Plus précisément, les caractéristiques importantes qu’il convient d’analyser dépendent de la nature de la transaction : Biens tangibles :Caractéristiques physiques ;Qualité et fiabilité ;Facilité d’approvisionnement ;Volume.Biens intangibles :Forme de la transaction (e.g. licence ou vente) ;Type d’actif (e.g. brevet, marque, savoir-faire) ;Durée et degré de protection ;Avantage escompté de l’utilisation de l’actif en question.Services :Nature des services ;Etendue des services.
4Les circonstances économiquesLes circonstances économiques d’un marché peuvent influer la valeur d’un même bien ou service.   Il s’agit notamment de : La localisation géographique (e.g. France, USA, Chine, Cameroun, etc.) ;Le degré de concurrence ;Le pouvoir d’achat des consommateurs ;La date et le moment de la transaction ;Etc.   De façon générale, la localisation géographique de l’entreprise vendant les biens ou services est l’une des circonstances économiques les plus importantes à prendre en compte.
5La stratégie des entreprisesLa stratégie adoptée par une entreprise peut influencer sa rémunération. Il peut notamment s’agir de : L’aversion pour le risque ;La pénétration du marché ;Etc.

Détermination d’un prix de marché.- La transaction intragroupe ayant été délimitée avec précision (e.g. vente de chaussures de luxe pour femmes en France), il s’agit ensuite de déterminer le prix que des entreprises indépendantes auraient pratiqué dans le cadre d’une transaction comparable (i.e. vente de chaussures de luxe pour femmes en France et/ou dans l’Union Européenne).

Dit autrement, il s’agit de comparer des choux avec des choux, ou des carottes avec des carottes. L’on ne compare pas un choux avec une carotte.

Tout ce processus (i.e. délimitation de la transaction intragroupe, détermination du prix pratique par des entreprises indépendantes dans des mêmes conditions) s’inscrit dans un cadre plus large dénommé « analyse de comparabilité », qui comprend notamment la sélection et l’application d’une méthode prix de transfert.

But poursuivi.- Le principe de pleine concurrence vise à traiter les entreprises liées et les entreprises indépendantes « à peu près » sur un pied d’égalité (OCDE (2017), Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales 2022, Éditions OCDE, Paris, §1.8).

Par conséquent, le jeu de la libre concurrence n’est pas faussé entre les entreprises liées et les entreprises indépendantes, ce qui tend à favoriser le commerce local et international. En effet, en l’absence du principe de pleine concurrence, les groupes multinationaux seraient autorisés à fixer librement leurs prix de transfert, pouvant ainsi réduire considérablement leurs impôts dans certains pays et dès lors pratiquer des prix plus compétitifs que leurs concurrents indépendants.

Approximation raisonnable.- Le paragraphe 1.13 des Principes de l’OCDE dispose que «  la fixation des prix de transfert n’est pas une science exacte et nécessite une appréciation de la part de l’administration fiscale comme du contribuable », ce que confirme l’administration fiscale française lorsqu’elle affirme que « Apprécier les prix de transfert n’est jamais évident, il n’y a pas une vérité objective » (LesEchos, Fraude fiscale : les dessous de l’amende record de McDonald’s, 16 juin 2022).

Bien que la manipulation des prix de transfert pour des considérations purement fiscales puisse être un objectif poursuivi par certains groupes multinationaux, l’opinion publique et les administrations fiscales doivent garder à l’esprit que, même en faisant preuve de la meilleure volonté, il peut être ardu pour un groupe multinational de déterminer correctement ses prix de transfert. L’OCDE va en ce sens lorsqu’elle affirme que « Les administrations fiscales ne doivent pas systématiquement présumer que des entreprises associées ont essayé de se livrer à des manipulations concernant leurs bénéfices » (((OCDE (2017), Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales 2022, Éditions OCDE, Paris, §1.2).

En effet :

  • D’une part, les considérations fiscales ne sont pas les seules pouvant fausser les conditions dans lesquelles s’établissent les relations commerciales et financières entre entreprises associées, et donc les prix de transfert. À titre d’exemple, il existe des pressions contradictoires liées à la valeur en douane ou des droits antidumping (((OCDE (2017), Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales 2022, Éditions OCDE, Paris, §1.4) ; et
  • D’autre part, les informations accessibles sur les prix de marché pratiqués entre entreprises indépendantes peuvent être incomplètes et difficiles à interpréter, voire difficiles à obtenir (OCDE (2017), Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales 2022, Éditions OCDE, Paris, §1.13).

Sources internationales.- Le principe de pleine concurrence trouve sa source première dans l’article 9 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE. Sa définition est reprise par le paragraphe 1.6 des Principes de l’OCDE, ainsi que par la plupart des conventions fiscales bilatérales conclues entre les États.

Sources internes.- Le principe de pleine concurrence est généralement retranscrit dans le droit interne des États. En France, il faut se référer à l’article 57, alinéa 1 du Code général des impôts, qui dispose que : « Pour l’établissement de l’impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d’entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d’achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l’égard des entreprises qui sont sous la dépendance d’une entreprise ou d’un groupe possédant également le contrôle d’entreprises situées hors de France ».

Dans le cas particulier des transactions financières intragroupe (e.g. octroi d’un prêt d’argent), l’article 212 du Code général des impôts constitue le siège du principe de pleine concurrence en droit français. Celui-ci dispose que les intérêts versés à des entreprises liées sont déductibles dans la limite de ceux calculés d’après le taux prévu au 3° du 1 de l’article 39 du Code général des impôts ou, s’ils sont supérieurs, « d’après le taux que l’entreprise pourrait obtenir d’un établissement ou organisme financier indépendant dans des conditions analogues ».

Les prix de transfert : approche de la matière

Article de Vincent Lepaul, Avocat en prix de transfert – Barreau de Paris & Pierre-Olivier Mathieu, Responsable du contrôle de gestion et prix de transfert – Carrefour

Définition.- Dans son ouvrage de référence Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales (ci-après les « Principes de l’OCDE »), l’Organisation de coopération et de développement économiques (ci-après « OCDE ») définit les prix de transfert comme étant « les prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées » (OCDE (2017), Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales 2017, Éditions OCDE, Paris, §11 de la préface).

Une telle définition est en réalité incomplète. L’OCDE prit soin par la suite de préciser que « les problèmes internes ne sont pas considérés dans les [Principe de l’OCDE] qui sont exclusivement consacrés aux aspects internationaux des prix de transfert » ((OCDE (2017), Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales 2017, Éditions OCDE, Paris, §12 de la préface).

En somme, la caractérisation d’un prix de transfert suppose la réunion de quatre conditions cumulatives, à savoir (i) l’existence d’un flux (ii) entre deux entreprises (iii) associées (iv) localisées dans des pays différents.

1° Un flux, ou « transaction »,représente tout transfert de valeur d’une entreprise à une autre. Plus concrètement, il peut notamment s’agir de la mise à disposition ou de la cession de l’un des éléments suivants :

  • Biens corporels (e.g., des ordinateurs, des chaussures, des vélos, etc.) ;
  • Actifs incorporels (e.g., des brevets, des marques, des logiciels, etc.) ;
  • Prestations de services (e.g., des services de comptabilité, des services de publicité, des services informatiques, etc.) ;
  • Transactions financières, (e.g., des prêts à long terme, des garanties financières, etc.) ;
  • Mises à disposition de personnel.

Seule compte la réalité opérationnelle, c’est-à-dire le transfert effectif d’un élément de valeur d’une entreprise à une autre. Ainsi, peu importe que l’opération soit réalisée à titre gratuit ou onéreux, que l’opération soit effectivement facturée ou non. En d’autres termes, dès lors qu’il y a un transfert de valeur effectif d’une entreprise à une autre, il y a un flux. Néanmoins, il convient de préciser que les distributions de dividendes n’entrent pas dans la catégorie des flux et sont donc en principe hors du champ d’application des prix de transfert.

2° La notion d’entreprise réfère à toute entité dotée de la personnalité fiscale, à savoir tant les sociétés – quelle que soit la forme juridique choisie – que les succursales et les établissements stables (((OCDE (2017), Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales 2017, Éditions OCDE, Paris, §11 de la préface). Du point de vue juridique, seule une personne morale disposant de la personnalité juridique est titulaire de droits (e.g., se prévaloir des dispositions d’une convention fiscale) et d’obligations (e.g., s’acquitter d’impôts, taxes et redevances), telle une société dûment immatriculée au registre du commerce et des sociétés. En matière fiscale en revanche, une fiction est créée afin d’accorder des droits et des obligations aux succursales et établissements stables qui ne sont que des émanations à l’étranger d’une même société. Bien entendu, les personnes physiques ne sont en aucune façon considérées comme étant des entreprises.

3° Des entreprises sont dites associées (ou « liées ») :

– Si l’une participe directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou au capital de l’autre ; ou

– Si les mêmes personnes physiques participent directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou au capital des deux entreprises ((OCDE (2017), Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales 2017, Éditions OCDE, Paris, §11 de la préface).

En d’autres termes, il est question ici du contrôle de droit ou de fait exercé par une personne morale ou physique sur une autre personne morale. En pratique, une attention particulière devrait être apportée à la législation interne des pays d’implantation du groupe de sociétés car la notion de contrôle peut varier d’un pays à l’autre. En ce sens, la législation française dispose notamment qu’un contrôle de droit existe lorsqu’une société détient directement ou indirectement une fraction du capital social d’une autre société lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société, donc plus de 50 % des droits de vote (article L233-3 du Code de commerce). En Inde, ce seuil de détention est porté à 26 % (section – 92A, Income-tax Act, 1961-2020). Par ailleurs, une société et son établissement stable sont de facto des entreprises associées.

4° L’aspect international suppose que les entreprises soient localisées dans des territoires appartenant à des États distincts. Contrairement à la matière douanière, dès lors que les entreprises sont localisées dans des pays différents, même au sein de l’Union européenne, il est question d’un prix de transfert. En revanche, un flux intervenant entre deux sociétés associées localisées dans un pays identique ne sera pas considéré comme étant un prix de transfert. Dans ce dernier cas, c’est la théorie de l’acte anormal de gestion, pendant interne des prix de transfert, qui trouvera le cas échéant à s’appliquer.

Mise en pratique.- L’exemple ci-dessous, purement fictif, permet de mettre en pratique la définition présentée supra :

Domaine.- Les prix de transfert constituent une branche de la fiscalité internationale. Au même titre que le droit de la sécurité sociale, ils ont certes leurs spécificités, mais ne sauraient pour autant être considérés comme autonomes. Bien au contraire.

D’abord le droit. Les prix de transfert font en premier lieu appel à des notions de fiscalité « générale ». Par exemple, toutes les règles ayant trait à la détermination du résultat fiscal, dont la déductibilité des charges. En deuxième lieu, ils sont étroitement liés à la fiscalité internationale « classique », notamment lorsqu’il est question d’un établissement stable. En troisième lieu, ils suivent les règles de procédure fiscale applicables à l’impôt sur les sociétés. Branche spécifique de la fiscalité internationale, mais composante à part entière du droit fiscal, les prix de transfert sont également amenés à se superposer à d’autres branches du droit. Comme a pu l’écrire le feu Maurice Cozian dans son Précis de fiscalité des entreprises, « être fiscaliste implique d’avoir une grande culture juridique, car la fiscalité s’articule nécessairement avec les mécanismes juridiques qu’il convient de maîtriser ». Ainsi, en pratique, un spécialiste des prix de transfert pourra notamment être conduit à rédiger des contrats intragroupe – ce qui suppose de maîtriser le droit des obligations –, ou prendre en considération la matière douanière dans ses recommandations.

Ensuite l’économie. Déterminer un prix de transfert suppose au préalable de comprendre le fonctionnement d’un groupe de sociétés et l’environnement dans lequel il évolue. Il s’agira par exemple d’étudier les secteurs d’activités dans lesquels les sociétés du groupe opèrent, la chaîne de valeur du groupe ou encore la stratégie de développement poursuivie par le groupe. Par la suite, il conviendra d’appliquer des méthodes économiques, comme la méthode du coût de revient majoré ou la méthode du partage des bénéfices, afin de déterminer le prix applicable aux transactions intragroupe (c’est-à-dire un prix de pleine concurrence, cf. infra).

Enfin la finance. L’application d’une méthode économique visant à déterminer un prix de transfert reposera bien souvent sur une marge brute ou nette. Cela sous-tend donc d’être en mesure de calculer une marge et/ou de lire un compte de résultat. Par ailleurs, certains flux intragroupe nécessitent de recourir à des méthodes financières, comme la méthode des flux de trésorerie actualisés (Discounted Cash-Flow ou « DCF » en anglais), qui elle-même peut exiger de calculer au préalable le coût moyen pondéré du capital (Weighted Average Cost of Capital ou « WACC » en anglais).

Nature.- Selon une partie de la doctrine, le droit fiscal, principale branche du droit public, trouverait à être autonome vis-à-vis des autres branches du droit public et a fortiori de celles du droit privé, afin de constituer une branche particulière de droit (B. Castagnède, Nature et caractères du droit fiscal, Revue Droit fiscal n° 25 – n° hors-série, 1er juin 2007). Certes, le droit fiscal dispose de particularités qui lui sont propres. Pour autant, comme nous avons pu le voir supra, son autonomie est somme toute relative dès lors qu’il trouve très largement appui sur d’autres branches du droit. C’est pourquoi il est aujourd’hui préférable de parler de droit de superposition.

Qu’en est-il des prix de transfert ? L’on ne parle pas de « droit » des prix de transfert. Rattachés au droit fiscal (ce dernier se superposant donc lui-même à d’autres matières juridiques, comme le droit des sociétés ou le droit civil), à l’économie et à la finance, les prix de transfert ne peuvent être considérés comme étant autonomes. En somme, il s’agit d’une matière hybride née de la superposition d’un ensemble de règles appartenant à des domaines différents (i.e., droit, économie et finance).

Fondements théoriques.- La question des prix de transfert a été abordée pour la première fois en 1955 par les économistes américains Paul W. Cook, Jr. (P. W. Cook Jr., Decentralization and the Transfer-Price Problem, The Journal of Business, avril 1955, vol. 28, n°2, pp. 87-94) et Joel Dean (J. Dean, Decentralization and Intra-company Pricing, Harvard Business Review, Juillet – août 1955, XXXIII, pp. 65-74). Selon eux, en se « décentralisant » (c’est-à-dire en créant des établissements stables ou des filiales disposant d’une forte autonomie, qu’ils appellent « centres de profits »), une entreprise s’attend à accroître la rentabilité du groupe dans son ensemble d’une part en veillant à ce qu’un centre de profits n’accroisse pas ses bénéfices au détriment de ceux du groupe dans son ensemble et d’autre part en incitant les dirigeants locaux à gérer leurs structures de sorte à générer un profit optimal pour le groupe. Ils ajoutent que la politique de prix de transfert est d’une importance fondamentale pour déterminer si les centres de profit sont amenés à agir de la sorte ou non.

Par la suite, de nombreux auteurs ont apporté leur pierre à l’édifice, comme Jack Hirshleifer (J. Hirshleifer, On the economics of transfer pricing, The Journal of Business, 1956, vol. 29, p. 172), Lawrence W. Copirthorne (L. W. Copithorne, La théorie des prix de transfert internes des grandes sociétés, L’Actualité économique, juillet – septembre 1956, 52(3), 324–352) ou encore Eric Bond (E. Bond, Optimal transfer pricing when tax rates differ, Southern Economic Journal 47, 1980, pp. 191-200).

Sources internationales.- Du fait de leur nature intrinsèquement internationale, le siège de la matière des prix de transfert se trouve dans les Principes de l’OCDE. Fondée le 30 septembre 1961, l’OCDE est une organisation internationale réunissant actuellement 38 pays membres, parmi lesquels l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, ce qui lui vaut le surnom de « Club des pays riches ». En matière de fiscalité, elle a pour mission de dégager un consensus entre les différents pays membres et les acteurs de la société civile afin d’établir des normes internationales de droit souple (soft law en anglais). A l’origine, l’OCDE avait rédigé un premier rapport intitulé Prix de transfert et entreprises multinationales, datant de 1979. Ce rapport a été abrogé par l’adoption de la première version des Principes de l’OCDE, en 1995. Depuis, de nombreuses révisions ont eu lieu, la dernière datant de juillet 2017. Ils continueront d’être périodiquement révisés et complétés par des directives additionnelles, notamment en fonction des retours d’expérience des différents acteurs concernés. Le prochain ajout, prévu pour 2022, concerna le rapport de l’OCDE relatif aux transactions financières (OCDE (2020), Instructions sur les prix de transfert relatives aux transactions financières : Cadre inclusif sur le BEPS : Actions 4, 8-10, OCDE, Paris).

Les Actions du projet Base Erosion and Profit Shifting (ci-après « BEPS ») de 2015 constituent également une source importante des prix de transfert. Menée par l’OCDE, il s’agit d’une réforme en profondeur de la fiscalité internationale visant à lutter contre l’évasion fiscale. L’OCDE a formé un cadre inclusif autour de ce projet, réunissant plus de 125 pays et permettant ainsi de dégager un consensus international fort et donc une application effective et harmonisée des règles édictées. Plus particulièrement, il s’agit des Actions 8-10 « Prix de transfert », de l’Action 13 « Documentation des prix de transfert » et de l’Action 14 « Règlement des différends ». Ces différentes règles ont été intégrées dans les Principes de l’OCDE lors de leur révision juillet 2017.

D’autres rapports édictés par l’OCDE viennent également régir la matière, comme le rapport relatif à l’attribution des profits aux établissements stables (OECD, 2010 Report on the attribution of profits to permanent establishments, 2010), le rapport relatif aux transactions financières (OCDE (2020), Instructions sur les prix de transfert relatives aux transactions financières : Cadre inclusif sur le BEPS : Actions 4, 8-10, OCDE, Paris) ou encore celui relatif aux conséquences de la crise de la covid-19 (OCDE, Guide sur les conséquences de la pandémie de COVID-19 en matière de prix de transfert, 2020).

Comme nous venons de le voir, les Principes de l’OCDE ont été adoptés par le Club des pays riches. Cependant, les pays en voie de développement ont des enjeux pour le moins différents, tels que la rédaction de la législation interne de base ou encore l’accès aux données comptables nécessaires pour mener à bien et vérifier les études économiques visant à déterminer un prix de pleine concurrence. Dans ce contexte, l’Organisation des Nations Unies a publié en 2013 un Manuel pratique en matière de prix de transfert à l’attention des pays en voie de développement (e.g., la Chine, le Brésil, les pays d’Afrique). Ce Manuel a depuis été mis à jour en 2017 puis en 2021. Néanmoins, dans les faits, certains pays en voie de développement ont tendance à appliquer les Principes de l’OCDE.

Parmi les sources secondaires, l’on peut citer les conventions fiscales bilatérales et le droit européen. S’agissant des conventions fiscales d’abord, il faut se référer à l’article 9 du Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune 2019, relatif aux « entreprises associées ». S’agissant du droit européen, l’on peut citer le Forum conjoint sur les prix de transfert (qui est groupe d’experts assistant et conseillant la Commission européenne sur les questions fiscales liées aux prix de transfert) et les institutions de l’Union européenne (voir notamment en ce sens la proposition de directive européenne portant sur la publication des déclarations pays par pays).

Sources internes.- Si le droit souple occupe une place prépondérante dans la gestion des prix de transfert (cf. les Principes de l’OCDE), le droit interne de chaque pays doit être scrupuleusement analysé, car des précisions ou des spécificités peuvent être prévues, notamment en matière de documentation prix de transfert.

En premier lieu, il convient de prendre connaissance de la loi. En France, les principaux articles régissant la matière sont les suivants :

– Article 57 du Code général des impôts : permet à l’administration fiscale d’effectuer un redressement en matière de prix de transfert dans le cadre d’une vérification de comptabilité ;

– Article L13 AA du Livre des procédures fiscales : pour les sociétés dépassant certains seuils (chiffre d’affaires ou actif brut au bilan d’au moins 400 millions d’euros), obligation de disposer d’un ensemble documentaire (i.e., un fichier principal aussi appelé « Master File » et un fichier local dit « Local File ») ;

– Article L13 B du Livre des procédures fiscales : pour les sociétés ne répondant pas aux seuils de l’article L13 AA du LPF, l’administration fiscale a la possibilité d’exiger de la société contrôlée qu’elle fournisse des informations supplémentaires (e.g., méthode prix de transfert mise en œuvre, etc.) ;

– Article 223 quinquies B du Code général des impôts : pour les sociétés dépassant certains seuils (chiffre d’affaires ou actif brut au bilan d’au moins 50 millions d’euros), obligation d’effectuer une déclaration annuelle simplifiée en matière de prix de transfert ;

– Article 223 quinquies C du Code général des impôts : pour les groupes de sociétés répondant à certains critères (e.g., chiffre d’affaires consolidé d’au moins 750 millions d’euros), obligation d’effectuer une déclaration annuelle de la répartition pays par pays (aussi appelé « Country by Country Reporting » ou « CbCR » en anglais) des bénéfices du groupe et d’autres agrégats économiques.

En deuxième lieu, il faut tirer les conséquences de la jurisprudence. En France, ce sont les juges de l’ordre administratif (i.e., tribunaux administratifs, cours administratives d’appel et Conseil d’Etat) qui tranchent les problématiques ayant trait aux prix de transfert.

En troisième lieu, une attention particulière doit être portée à la doctrine administrative. En France, cette dernière est publiée au Bulletin officiel des Finances publiques (ci-après le « BOFIP »). Rarement, des textes intéressant les prix de transfert sont publiés en dehors du BOFIP (voir en ce sens les 8 fiches pratiques portant sur le taux d’intérêt des emprunts auprès d’entreprises liées publiées en janvier 2021 sur le site impots.gouv.fr).

Buts poursuivis.- La législation en matière de prix de transfert vise à éviter les conflits entre administrations fiscales et à promouvoir les échanges et les investissements internationaux. Plus particulièrement, elle poursuit un double objectif :

– Du point de vue des États : asseoir correctement l’impôt dans chaque pays ;

– Du point de vue des entreprises : prévenir les doubles impositions.

Principe de pleine concurrence.- Le principe de pleine concurrence est énoncé dans les Principes de l’OCDE ainsi qu’à l’article 9, paragraphe 1 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE : « [Lorsque] les deux entreprises [associées] sont, dans leurs relations commerciales ou financières, liées par des conditions convenues ou imposées, qui diffèrent de celles qui seraient convenues entre des entreprises indépendantes, les bénéfices qui, sans ces conditions, auraient été réalisés par l’une des entreprises, mais n’ont pas pu l’être en fait à cause de ces conditions, peuvent être inclus dans les bénéfices de cette entreprise et imposés en conséquence. »

Dit autrement, il s’agit de déterminer et d’appliquer un prix de marché aux transactions intragroupe, c’est-à-dire un prix que des entreprises indépendantes auraient convenu.

Ce standard repose sur une analyse de comparabilité, car il prévoit la double nécessité :

– D’une comparaison entre les conditions convenues ou imposées entre entreprises associées et celles qui seraient convenues entre entreprises indépendantes ;

– D’une détermination des profits qui auraient été réalisés en conditions de pleine concurrence.

En l’absence d’un standard international comme le principe de pleine concurrence, les contribuables comme les administrations fiscales pourraient fixer des prix pour des transactions intragroupe de façon totalement arbitraire, ce qui ne permettrait pas d’atteindre les objectifs fixés, à savoir asseoir correctement l’impôt dans chaque pays, prévenir les doubles impositions et favoriser l’expansion du commerce international (sans fausser le jeu de la concurrence).

Exemple pratique.- La société A, établie en Roumanie, détient 100 % du capital social de la société B française. Elle achète des matières premières pour un total de 700 € à des fournisseurs tiers (i.e., hors groupe) et paie ses salariés roumains pour un total de 300 € afin de fabriquer des ordinateurs, soit un total de coûts d’exploitation de 1 000 €. La société B française achète les ordinateurs produits par la société A et les revend aux consommateurs finaux sur le marché français pour un prix de revente de 1 700 €. Toute la question est de savoir combien vaut le prix de vente des ordinateurs de la société A à la société B (i.e., le prix de transfert). Selon que le prix de transfert pratiqué est de 1 100 € ou de 1 600 €, les conséquences fiscales pour le groupe de sociétés et pour les pays concernés (France et Roumanie) différeront significativement :

Enjeux.- Les prix de transfert revêtent une importance capitale pour l’économie mondiale dès lors qu’ils représentent plus de la moitié des échanges internationaux et qu’ils sont de nature à impacter directement la répartition de la matière imposable entre les différents pays.

Pour les contribuables concernés (i.e., les groupes internationaux, qu’il s’agisse de PME, ETI ou d’entreprises cotées en bourse), se conformer à la législation en vigueur en matière de prix de transfert peut représenter une charge administrative et des coûts de conformité non négligeables. Pourtant, mettre en place en amont de tout contrôle fiscal une politique prix de transfert adaptée et se conformer à la législation en vigueur d’un point de vue international et domestique permettront de réaliser des économiques significatives, le cas échéant en évitant :

– Un redressement de la base imposable (avec des conséquences possibles en matière d’impôt sur les sociétés, de CVAE, de TVA, de valeur en douane) et donc une double imposition ;

– L’application d’une retenue à la source (en France, en principe 26,5 % du montant du redressement pour l’année 2021) ;

– L’application d’intérêts de retard (en France, 0,20 % par mois du montant du redressement) ;

– L’application de pénalités fiscales (en France, application d’une majoration de 40 % ou 80 % du montant du redressement) ;

– L’application de pénalités pénales (en particulier dans des pays comme l’Italie ou la Pologne).

L’émergence du droit des données à caractère personnel: de la loi informatique et libertés au RGPD

I) La genèse

==> Noli me tangere

 Si, comme l’a écrit Nietzche, « notre époque se nourrit et vit des moralités du passé », depuis le début du XXe siècle les défenseurs du principe de laïcité n’ont eu de cesse de combattre ces moralités, afin qu’il soit procédé, comme l’a suggéré Georges Ripert, à « l’élimination complète de la force religieuse dans la création du droit »[1].

Il est, pourtant, une partie de cette force créatrice qui n’a pas succombé ; il s’agit de ce par quoi est maintenue la personne humaine au sommet de la pyramide des valeurs. Sans que les juristes y prêtent, pour la plupart, grande attention, le caractère sacré de la personne, est directement issu de la Genèse.

L’homme y est décrit comme une créature suprême, façonnée à l’image de Dieu. Ainsi, le vieil adage juridique Noli me tangere (ne me touche pas) est-il directement tiré de l’Evangile selon Saint Jean[2], le Christ exhortant Marie-Madelaine de ne pas le toucher afin que la croyance en sa résurrection relève de l’ordre de sa seule foi.

Cependant, comme le souligne Bernard Beigner, à la différence de l’interprétation faite par les théologiens, les juristes ont interprété ces paroles « d’une manière aussi libre et aussi peu théologique que l’adage tiré de saint Luc : « Les lis ne filent pas » pour justifier le principe de double masculinité dans la succession royale au trône de France »[3].

C’est la raison pour laquelle noli me tangere a perdu toute signification évangélique et, après avoir servi de fondement au droit romain[4], est désormais repris par notre droit pour justifier la primauté de la personne humaine sur toute autre considération[5].

En outre, en plus de cette erreur d’interprétation, les juristes se sont livrés à un amalgame, en assimilant, durant des siècles, la personne au corps humain[6], si bien que seul l’être charnel bénéficiait d’une protection juridique.

Il a fallu attendre la fin du XIXe siècle pour que « l’éminente dignité humaine en réfère aussi bien à l’animus qu’au corpus »[7]. C’est précisément à cette époque que certaines voix ont commencé à faire valoir, notamment sous l’impulsion de la doctrine germano-suisse, qu’il serait opportun de créer un droit de la personnalité soit, d’étendre la protection juridique conférée par l’adage noli me tangere, à l’être spirituel.

==> La naissance des droits de la personnalité

En France, c’est le professeur Perreau qui, le premier[8], s’est ouvertement prononcé en faveur d’une telle extension, lorsque, dans un article intitulé « Des droits de la personnalité »[9], il émet l’idée de la reconnaissance de droits – subjectifs – extrapatrimoniaux[10].

Dans un premier temps, cette position est pour le moins accueillie fraichement par la doctrine française. Roubier, par exemple, raille cette théorie de faire état de « droits fantômes conçus par des imaginations déréglées »[11]. Nombreux sont, cependant, les auteurs qui, dans un second temps, se sont ravisés, adhérant massivement à la proposition formulée par Perreau trente ans auparavant[12].

Finalement, pour reprendre une expression de Ripert, c’est la lutte « des forces sociales » qui a eu raison des querelles de juristes. Cette lutte s’est manifestée dans le courant des années soixante par une pléiade de décisions jurisprudentielles qui ont ému l’opinion publique.

À cette période, est en train de naître la presse, dite à « scandale », dans laquelle les lecteurs peuvent lire les frasques des différentes célébrités qui animent la vie publique de l’époque. Peu enclines à laisser paraitre au grand jour des évènements qu’elles jugent relever de leur intimité, certaines d’entre elles décident de requérir les services de la justice afin que cessent ces atteintes dont elles font de plus en plus fréquemment l’objet[13].

Malheureusement, les juges ne disposent guère plus que de l’inusable article 1382 du Code civil pour répondre à leurs attentes. Le vide juridique qui existe en la matière, est comparable à celui que l’on rencontre dans un trou noir[14].

Aussi, le législateur décide-t-il d’intervenir afin que ce vide qui, jusqu’alors, était comblé par les rustines du droit de la responsabilité, le soit, désormais, par le droit de la personnalité.

C’est ainsi, que, par une loi du 17 juillet 1970, a été reconnu, à l’article 9 du Code civil, le droit au respect la vie privée[15].

La protection conférée par l’adage noli me tangere à l’être charnel est étendue à l’être spirituel. Au même moment, l’informatique fait une entrée fracassante dans une société en pleine mutation et met rapidement en évidence, les limites de cette nouvelle législation.

==> Le projet SAFARI

 Bien que les textes qui consacrent le droit à la vie privée soient nombreux[16], la notion de « vie privée » n’est définie par aucun d’eux. C’est pourquoi il est revenu aux juges la tâche d’en délimiter les contours. Si, au fil de leurs décisions, ces derniers ont pu affirmer que toutes les informations relatives à la vie privée sont des informations personnelles[17], ils ont également eu l’occasion de souligner que les données à caractère personnel ne relevaient pas toutes de la vie privée[18].

Force est de constater, comme le souligne Guy Braibant, que « la notion d’atteinte à la vie privée ne permet […] pas d’épuiser tous les cas de méconnaissance des droits des personnes auxquels la mise en œuvre de traitements de données à caractère personnel est susceptible de donner lieu »[19].

La question s’est alors posée de savoir si la protection conférée par le droit au respect de la vie privée, était suffisante quant à protéger l’être informationnel dans son ensemble. Une fois encore, ce sont les forces sociales qui se sont illustrées, lorsque, dans un retentissant article publié dans le journal Le Monde, le journaliste Philippe Boucher dénonce le projet SAFARI (Système Automatisé pour les fichiers administratifs et le répertoire des individus)[20].

Ce projet avait ambition de réaliser une interconnexion générale des différents fichiers administratifs à l’aide de l’identification unique de chaque français. Comme le souligne le titre de l’article, la réalisation d’un tel dispositif aurait eu pour conséquence de sonner l’ouverture de « la chasse aux français ».

Le danger qui guettait les administrés était, en somme, qu’un ordinateur central recoupe chacune de leurs données personnelles, sans qu’ils puissent invoquer un quelconque droit à la vie privée pour l’en empêcher.

Ce droit ne peut, en effet, être exercé que s’il est porté atteinte au libre choix d’une personne de ne pas divulguer une information la concernant. Or tel n’est pas ce que prévoit le projet SAFARI. Celui-ci vise, non pas à permettre une immixtion de l’administration dans l’intimité de ses administrés, mais seulement une interconnexion des données qui lui ont volontairement été divulguées.

Dans cette perspective, Adolphe Touffait, procureur général près la Cour de cassation déclare, à l’époque, que « la dynamique du système qui tend à la centralisation des fichiers risque de porter gravement atteinte aux libertés, et même à l’équilibre des pouvoirs politiques »[21].

II) L’autonomisation du droit des données à caractère personnel

==> La loi informatique et libertés

 En réaction au vent de panique créé par le projet SAFARI, le premier ministre décide, immédiatement, de saisir le garde des sceaux afin que soit créée, en urgence, une commission chargée de formuler des propositions « tendant à garantir que le développement de l’informatique dans les secteurs publics, semi-publics et privés, se réalisera dans le respect de la vie privée, des libertés individuelles et des libertés publiques ».

Le défi lancé à la Commission informatique et libertés est de taille. Comme le fait remarquer Bernard Tricot « il est toujours difficile de bâtir une muraille de Chine juridique sur laquelle viendront s’écraser les assauts de l’informatique ».

Par chance, les travaux réalisés par la Commission sont d’une excellente facture, ce qui permet la rédaction d’un remarquable projet de loi.

Déposé en août 1976, ce projet accouche de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Par cette loi, la protection conférée par l’adage noli me tangere est étendue à l’être informationnel dans son entier.

Désormais, c’est la personne humaine réunie dans ses trois composantes qui est protégée par le droit. Comme pour remercier le remarquable travail de la Commission qui avait fort bien œuvré, elle est instituée gardienne de la loi informatique et libertés.

À l’image d’une pierre jetée dans l’eau, l’adoption de cette législation, très innovante, a pour effet immédiat de se propager partout en Europe.

Nombre d’États souhaitent, dans le sillage de la France, protéger leurs ressortissants de l’informatique, qui dorénavant est perçue comme « une dévoreuse d’identité, elle capte l’individu sous toutes ses facettes et porte au grand jour des aspects qu’il souhaiterait conserver secret »[22].

==> La propagation internationale du mouvement de protection de la vie privée

Exception faite des États-Unis qui, pour des considérations essentiellement d’ordre économique, préfèrent fermer les yeux sur les dangers qui menacent l’intimité des citoyens américains, de nombreux pays ont, dès le début des années quatre-vingts, pris des mesures concertées, afin que l’appétit de l’ogre informatique à engloutir des données, s’arrête là où commence le droit des personnes à ne pas abandonner les éléments de leur identité.

La première de ces mesures peut être portée au crédit de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique), qui adopte le 23 septembre 1980 des lignes directrices destinées à régir la protection de la vie privée et les flux transfrontières de données à caractères personnel.

Quatre mois plus tard, cette organisation internationale est suivie par le Conseil de l’Europe qui adopte, le 28 janvier 1981, la convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel[23]. On l’appelle également la convention 108. L’objectif de ce traité est de « garantir sur le territoire de chaque partie, à toute personne physique, quelles que soient sa nationalité ou sa résidence, le respect de ses droits et de ses libertés fondamentales, et notamment de sa vie privée, à l’égard du traitement automatisé de données à caractère personnel la concernant »[24].

Enfin, par une résolution n°45/95 du 14 décembre 1990, l’assemblée générale des Nations Unies[25] apporte une touche d’universalité à ces conventions, dont la portée ne dépasse guère plus les frontières de l’Europe. Pis, seule la convention 108 présente un caractère contraignant[26]. Fort légitimement, on est alors en droit de s’interroger sur l’utilité de proclamer des grands principes, s’il n’existe aucun moyen de les faire appliquer, à plus forte raison lorsqu’il s’agit de garantir des libertés.

Indépendamment de l’impact international provoqué par la loi informatique et libertés, il doit être souligné, comme l’affirme le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 92-316 du 20 janvier 1993, que cette loi participe, avant tout, au système de protection de la liberté personnelle et individuelle[27] ce qui, sans lui conférer une valeur constitutionnelle, « l’enracine en quelque sorte dans le bloc de constitutionnalité qui la vivifie »[28].

==> Le toilettage de la loi informatique et libertés

 La loi informatique et libertés se trouve être à la croisée de nombreuses libertés fondamentales, au-delà même du droit au respect à la vie privée[29].

En témoignent les rapports étroits qu’elle entretient avec le droit bancaire, le droit de la santé, le droit de la consommation, le droit de la communication, le droit de la propriété intellectuelle, ou encore le droit social. Sont ici concernés tous les droits qui appréhendent des secteurs dans lesquels sont collectées et traitées des données à caractère personnel. L’étendue du champ d’application de la loi informatique et libertés apparaît illimitée.

C’est de là qu’est issue la très grande portée de cette loi, laquelle montre une aptitude à se saisir des situations nouvelles créées par les machines. Ces situations « s’étendent à tous les aspects de la vie publique et privée, des activités collectives et individuelles »[30].

Bien que très étendu puisse apparaître le champ d’application de la loi informatique et libertés lors de son adoption, il est, toutefois un évènement qui, assez paradoxalement, va, plus tard, le rendre trop étroit. Quel est cet évènement ? Il s’agit de la naissance de l’internet qui s’est accompagnée, nous l’avons vu, de nouvelles techniques de collectes de données à caractère personnel.

Surtout, ce qui est nouveau, c’est que, une fois collectées, les données peuvent, en quelques clics de souris, circuler d’ordinateur en ordinateur, sans compter que la menace vient désormais, moins de l’administration publique que des agents privés. Naturellement, on ne saurait reprocher au législateur de n’avoir pas anticipé ces phénomènes.

Quoi qu’il en soit, un toilettage de la loi informatique et libertés devient, rapidement, nécessaire. Contrairement, à son élaboration qui s’est faite dans un cadre national, la refonte de cette loi est impulsée par les instances communautaires, qui brandissent – de façon assez discutable – leur compétence quant à connaître de tout ce qui relève de la circulation des marchandises. Or, selon elles, les données à caractère personnel peuvent y être assimilées.

Comment, dès lors, parvenir d’une part, à une harmonisation des législations nationales et, d’autre part, à la libre circulation des données à caractère personnel, tout en garantissant un niveau élevé de protection des libertés individuelles.

 Pour le conseil d’Etat, qui se prononce en assemblée générale, dans un avis du 13 juin 1993, le texte qui va être adopté ne saurait contenir de « dispositions qui conduiraient à priver des principes de valeur constitutionnelle de la protection que leur accorde la loi du 6 janvier 1978 actuellement en vigueur »[31].

De la même manière, dans une résolution de l’assemblée nationale du 25 juin 1993, il est estimé que la Communauté européenne ne peut « justifier son intervention dans la réglementation des traitements des données à caractère personnel qu’à la condition que la réalisation de cet objectif ne nuise pas au haut degré de protection dont doivent bénéficier les personnes physiques à l’égard de ces traitements et encore moins à assimiler ces données à de simples marchandises ».

Fort heureusement, en raison de la grande considération que les instances communautaires portent à la loi informatique et libertés, les recommandations formulées par les autorités françaises, notamment par la CNIL, ont été suivies rigoureusement.

Cela s’est traduit par l’adoption d’une directive, le 24 octobre 1995, qui dispose, dans son dixième considérant, que « […] le rapprochement [des] législations ne doit pas conduire à affaiblir la protection qu’elles assurent mais doit, au contraire, avoir pour objectif de garantir un niveau élevé de protection dans la Communauté »[32]. Par ce texte communautaire est assuré « la protection des libertés et droits fondamentaux des personnes physiques, notamment de leur vie privée, à l’égard du traitement des données à caractère personnel »[33].

En France, il faut attendre près de dix ans pour que cette directive soit transposée. Elle le fut, par une loi du 6 août 2004, qui, sans remplacer la précédente du 6 juillet 1978, a simplement été intégrée à elle.

==> Le RGPD

Une proposition de règlement et une proposition de directive ont été formulées par la Commission européenne le 25 janvier 2012[34], en vue de remplacer respectivement la – déjà obsolète – directive du 24 octobre 1995 et la décision cadre 2008/977/JAI sur la protection des données dans le cadre de la coopération policière et judiciaire[35].

A cet égard, le législateur européen s’est donné pour objectif de renforcer les droits des personnes et le marché intérieur de l’UE, garantir un contrôle accru de l’application de la réglementation, simplifier les transferts internationaux de données à caractère personnel et instaurer des normes mondiales en matière de protection des données.

La France a pris une part très active dans les négociations afin de maintenir et promouvoir son modèle de protection des données qui constitue encore aujourd’hui une référence en Europe et dans le monde.

A l’issue de longues négociations, le Parlement européen et le Conseil ont adopté le « paquet protection des données » le 27 avril 2016, fruit d’un compromis entre les Etats membres de l’Union européenne.

Ce paquet se compose :

  • D’un règlement relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (règlement (UE) 2016/679).
  • D’une directive relative aux traitements mis en œuvre à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales (directive (UE) 2016/680).

Au-delà des exigences propres à la mise en conformité avec le droit européen de la protection des données à caractère personnel, le règlement prévoit plus d’une cinquantaine de marges de manœuvre qui permettent aux Etats membres de préciser certaines dispositions ou d’aller plus loin que ce que prévoit le droit européen.

Certaines de ces marges de manœuvre permettent de maintenir des dispositions déjà existantes dans notre droit national. D’autres, en revanche, peuvent être mises en œuvre afin notamment de prendre en compte l’évolution technologique et sociétale.

Le rapport annuel du Conseil d’Etat de 2014, intitulé « Le numérique et les droits fondamentaux » a souligné la nécessité de repenser la protection des droits fondamentaux afin de mettre le numérique au service des droits individuels et de l’intérêt général.

De même, le rapport d’information déposé par la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République de l’Assemblée nationale a également révélé l’importance des « incidences des nouvelles normes européennes en matière de protection des données personnelles sur la législation française »

Les nouvelles exigences posées par le législateur européen ont été transposées en droit français lors de l’adoption de la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles.

[1] G. Ripert, Les forces créatrices du droit, LGDJ, coll. « reprint », 1998, p. 146.

[2] V. en ce sens G. Cornu, Linguistique juridique, Montchrestien, coll. « Domat », 2005, p. 356 ; H. Roland et L. Boyer, Adages du droit français, Litec, coll. « traités », 3éd., Paris, 1992, n°251, p. 533 ; B. Beignier, Droit de la personnalité, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1992, p. 14-15.

[3] Cité in B. Beignier, op. préc., p. 15.

[4] Ulpien affirmait « dominus membrorum suorum nemo videtur » (nul n’est propriétaire de son corps), Digeste, IX-2-13, cité in B. Beignier, op. préc., p. 76.

[5] Selon R. Andorno, « le système juridique repose sur la base de la distinction radicale personnes-choses, qui est une condition sine qua non, non seulement de l’existence du système, mais du respect dû à la personne humaine » (R. Andorno, « Procréations artificielles, personnes et choses », RRJ, 1992, n°1, pp. 13 s.).

[6] J. Carbonnier, Droit civil. Introduction, Les personnes, La famille, l’enfant, le couple, PUF, coll. « Quadrige manuels », 2004, n°4, p.19.

[7] Bernard Beigner, op. préc., p. 7.

[8] Emile Beaussire par son ouvrage « les principes du droit » publié en 1888 et A. Boistel dans son cours de philosophie du droit en 1889 avaient néanmoins déjà développé la notion de droits innés au nombre desquels figurait le droit au respect de l’individualité.

[9] E.-H. Perreau, « Des droits de la personnalité », RTDCiv, 1909, pp. 501 et s.

[10] Perreaufait, par exemple, référence au dommage moral, à la protection du corps et de l’esprit, à l’honneur ou encore au « droit à la liberté ».

[11] P. Roubier, préface in R. Nerson, Les droits extrapatrimoniaux, LGDJ, 1939.

[12] Sans doute est-ce là le résultat de l’influence de Jean Dabin, qui avance dans son ouvrage relatif aux droits subjectifs, que ces deniers incluent, tant les intérêts juridiquement protégés, que les « droits de liberté ». Dans le droit fil de cette idée Roger Nerson, élève de Roubier, écrit plus tard dans sa thèse qu’« un droit extrapatrimonial est un droit dont la fin est de satisfaire un besoin non économique : besoin souvent moral, parfois d’ordre matériel » (R. Nerson, op. préc., p. 6).

[13] V. en ce sens notamment, Aff. Marlène Dietrich, CA Paris, 16 mars 1955, D. 1955, p. 295 ; Aff. Picasso, CA Paris, 6 juill. 1965, Gaz. Pal. 1966, 1, p. 39 ; Aff. Trintignant, CA Paris, 17 mars 1966, D. 1966, p. 749; Aff. Bardot, TGI Seine, 24 nov. 1965, JCP G 1966, II, 14521, puis CA Paris, 27 févr. 1967 : D. 1967, p. 450, note Foulon-Piganiol.

[14] R. Badinter, « Le droit au respect de la vie privée », JCP G, 1968, I, 2136, n° 12.

[15] Article 9 de la loi n°70-643 du 17 juillet 1970 : « chacun a droit au respect de sa vie privée ».

[16] On peut citer l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, l’article 7 de la Chartes des droits fondamentaux de l’Union Européenne ou encore l’article 1er de la Directive Directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques JO 31 juillet 2002, L. 201, pp. 37-47.

[17] Comme le souligne Emmanuel Derieux « à défaut d’une définition légale précise de la vie privée […], c’est dans la jurisprudence, tant antérieure que postérieure à la loi de 1970 que l’on doit chercher la signification ou l’interprétation de cette notion. […] On considère généralement – encore que cela puisse varier selon les circonstances et l’identité des individus concernés – que relèvent de la vie privée d’une personne : sa vie sentimentale ; ses relations amicales ; sa situation de famille ; ses ressources et moyens d’existence ; ses loisirs […] ; sens opinions politiques ; son appartenance syndicale ou religieuse ; son état de santé ; le mode d’éducation choisi pour ses enfants ; son adresse […] » (E. Derieux, Droit des médias. Droit français, européen et international, LGDL, coll. « Manuel », 2008, n°1803-1804, p. 583).

[18] On pense notamment aux données relatives au patrimoine, à la confession ou encore à la profession.

[19] G. Braibant, Rapport Données personnelles et société de l’information. Transposition en droit français de la directive numéro 95/46, La documentation française, coll. « rapports officiels », 1998, p. 7. V. également sur la notion d’atteinte à la vie privée, B. Beignier, « Vie privée et vie publique », Légipresse, sep. 1995, n°124, pp. 67-74 ; O. d’Antin et L. Brossollet, « Le domaine de la vie privée et sa délimitation jurisprudentielle » Légicom, octobre 1999, n° 20, pp. 9-19 ; J. Curto, « La fin justifie-t-elle les moyens ? De la notion de vie privée et de la preuve déloyale » Revue Lamy Droit Civil, avr. 2012, n°92, pp. 55-56.

[20] Ph. Boucher, « Safari ou la chasse aux Français », Le Monde, 21 mars 1974.

[21] A. Touffait, Discours du 9 avril 1973 devant l’Académie des Sciences morales et politiques, cité in Ph. Boucher, art. préc.

[22] D. Pousson, « L’identité informatisée », in L’identité de la personne humaine. Étude de droit français et de droit comparé, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 373.

[23] Cette convention a été complétée par un amendement adopté le 15 juin 1999, lequel prévoit l’ouverture à la signature de l’Union européenne et par un protocole additionnel relatif aux autorités de contrôle des flux transfrontières de données à caractère personnel.

[24] Article 1er de la convention 108, publiée par le décret n°85-1203 du 15 novembre 1985, JO 20 nov., p. 13436

[25] Résolution 45/95 du 14 décembre 1990 adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies relative aux principes directeurs pour la règlementation des fichiers personnels informatisés.

[26] La convention 108 prend directement sa source dans la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales laquelle est d’application directe. L’arrêt du Conseil d’État du 18 novembre 1992 semble aller en ce sens (CE, 18 nov. 1992, Licra, AJDA 1993, n°3, p. 213, note Letterson).

[27] Décision n° 92-316 DC du 20 janvier 1993, JORF n°18 du 22 janvier 1993 p. 1118.

[28] A. Lucas, J. Devèze, J. Frayssinet, op. cit. note n°100, n°41, p. 28.

[29] Ibid.

[30] P. Laroque, « Informatique et libertés publiques », in Techniques de l’Ingénieur, Fascicules H 8770, éd. Techniques, 1970.

[31] V. en ce sens, Les grands avis du Conseil d’État, Paris, LGDJ, 1997, p. 399, note de B. Stirn.

[32] Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, JO 23 nov. 1995, L. 281, pp. 31-50.

[33] Article 1er, 1° de la directive 95/46/CE.

[34] Communication de la Commission « une approche globale de la protection des données à caractère personnel dans l’Union européenne », 4 novembre 2010, COM(2010)609 final.

[35] Décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 relative à la protection des données à caractère personnel traitées dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, J.O.C.E. L 350 du 30 décembre 2008.