Les différentes variétés de régimes matrimoniaux (régime légal et régimes conventionnels)

Au cours de leur mariage les époux sont donc soumis au droit des régimes matrimoniaux s’agissant des rapports pécuniaires qu’ils entretiennent entre eux.

Ce droit des régimes matrimoniaux fait l’objet d’un traitement dans deux parties bien distinctes du Code civil, puisque envisagé, d’abord dans un chapitre consacré aux devoirs et aux droits respectifs des époux (art. 212 à 226 C. civ.), puis dans un titre dédié spécifiquement au contrat de mariage et aux régimes matrimoniaux (art. 1384 à 1581 C. civ.).

Cet éclatement du droit des régimes matrimoniaux à deux endroits du Code civil, révèle que les époux sont soumis à deux corps de règles bien distinctes :

  • Premier corps de règles : le régime primaire impératif
    • Les époux sont d’abord soumis à ce que l’on appelle un régime primaire impératif, également qualifié de statut matrimonial de base ou statut fondamental, qui se compose de règles d’ordre public applicables à tous les couples mariés.
    • Il s’agit, en quelque sorte, d’un socle normatif de base qui réunit les principes fondamentaux régissant la situation patrimoniale du couple marié.
    • À l’examen, ce sont, pour l’essentiel, des règles qui constituent l’essence même du mariage et qui intéressent le fonctionnement du ménage dans son quotidien : contributions aux charges du mariage, dettes ménagères, logement familial, présomptions de pouvoirs etc.
    • Le régime primaire impératif est envisagé aux articles 212 à 226 du Code civil.
  • Second corps de règles : le régime matrimonial
    • Au régime primaire impératif qui constitue « le statut fondamental des gens mariés»[1], se superpose un régime matrimonial dont la fonction est :
      • D’une part, de déterminer la composition des patrimoines des époux
      • D’autre part, de préciser les pouvoirs dont les époux sont titulaires sur chaque masse de biens
    • Nous nous focaliserons ici sur ce second corps de règles qui gouverne les différents régimes matrimoniaux.

Au régime primaire impératif se superpose donc un régime matrimonial dont le choix est laissé à la discrétion des époux en application du principe de liberté des conventions matrimoniales.

L’article 1387 du Code civil dispose en ce sens que « la loi ne régit l’association conjugale, quant aux biens, qu’à défaut de conventions spéciales que les époux peuvent faire comme ils le jugent à propos, pourvu qu’elles ne soient pas contraires aux bonnes mœurs ni aux dispositions qui suivent. »

Il ressort de cette disposition que, non seulement les époux sont libres de choisir le régime matrimonial qui leur convient parmi ceux proposés par la loi, mais encore ils disposent de la faculté d’aménager le régime pour lequel ils ont opté en y stipulant des clauses particulières sous réserve de ne pas contrevenir aux bonnes mœurs et de ne pas déroger aux règles impératives instituées par le régime primaire.

Faute de choix par les époux d’un régime matrimonial, c’est le régime légal qui leur sera appliqué, étant précisé que le couple marié peut toujours, au cours du mariage, revenir sur sa décision en sollicitant un changement de régime matrimonial.

Classiquement, il est d’usage de présenter les différents régimes matrimoniaux susceptibles d’être appliqués aux époux en distinguant :

  • D’une part, le régime légal qui a vocation à s’appliquer en l’absence de contrat de mariage
  • D’autre part, les régimes dits conventionnels dont l’application suppose que les époux aient opté pour un dispositif spécifique.

I) Le régime légal

Le régime légal, qui s’applique aux couples mariés faute d’établissement d’un contrat de mariage, est le régime de la communauté réduite aux acquêts.

Ce régime a été institué par la loi du 13 juillet 1965 qui l’a substitué à l’ancien régime légal de communauté de meubles et d’acquêts, lequel est désormais relégué au rang de régime conventionnel.

Dans les grandes lignes, la spécificité du régime légal tient à trois éléments qui diffèrent d’un régime matrimonial à l’autre :

==> La répartition des biens

Principale caractéristique du régime légal, il s’agit d’un régime communautaire. Cette spécificité implique la création d’une masse commune de biens aux côtés des biens propres dont les époux demeurent seuls propriétaires.

La réparation des biens entre la masse commune et la masse de chaque époux s’opère comme suit :

  • Les biens communs
    • La masse commune est alimentée par les tous les biens acquis à titre onéreux par les époux au cours du mariage.
    • C’est ce que l’on appelle des acquêts ; d’où le qualificatif attribué au régime légal de « communauté réduite aux acquêts».
    • Pour être précis les acquêts qui composent la masse commune comprennent deux catégories de biens :
      • Tout d’abord, il y a les biens faits par les époux ensemble ou séparément pendant le mariage et provenant de leur industrie personnelle ou des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres ( 1401 C. civ.)
      • Ensuite, il y a tous les biens meubles, ou immeubles dont on ne peut prouver qu’ils sont propres à l’un des époux ( 1402 C. civ.).
    • Ainsi la masse commune est-elle alimentée de deux manières : soit par le jeu d’une règle de fond, soit par le jeu d’une règle de preuve.
  • Les biens propres
    • Les biens propres sont, par hypothèse, tous ceux qui n’endossent pas la qualification d’acquêts.
    • Plus précisément, cette catégorie de biens comporte notamment :
      • Les biens acquis par les époux avant la conclusion du mariage
      • Les biens acquis par les époux à titre gratuit
      • Les biens dont la propriété est étroitement attachée à la personne d’un époux (vêtements et linges à usage personnel, actions en réparation d’un dommage corporel, créances et pensions incessibles etc.)
      • Les biens de nature professionnelle
      • Tous les biens acquis à titre accessoire d’un bien propre

==> La gestion des biens

Les époux sont investis de pouvoirs de gestion de leurs biens propres et des biens qui relèvent de la masse commune.

  • S’agissant de la gestion des biens propres des époux
    • Le principe posé par l’article 1428 du Code civil est celui de la gestion exclusive des biens propres.
    • Ce principe est renforcé par l’article 225 du Code civil qui dispose que « chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels».
    • Ainsi chaque époux dispose de pouvoirs d’administration, de disposition et de jouissance exclusifs sur ses propres.
    • Ce pouvoir n’est contrarié que lorsque le logement familial est un bien propre.
    • Dans cette hypothèse, conformément à l’article 215, al. 3e du Code civil l’époux auquel il appartient en propre devra obtenir le consentement de son conjoint pour en disposer.
  • S’agissant de la gestion des biens communs
    • L’article 1421 du Code civil pose un principe de gestion concurrence.
    • Cela signifie que chacun des époux a le pouvoir d’administrer seul les biens communs et d’en disposer sans avoir à obtenir le consentement de l’autre.
    • Par exception, certains biens communs font l’objet d’une gestion exclusive, tels que les revenus des biens propres, les gains et salaires ou encore les biens nécessaires à l’exercice d’une activité professionnelle séparée, tandis que d’autres sont soumis à une cogestion, soit dont la disposition exige le commun accord des époux.

==> La répartition du passif

Les règles de répartition du passif permettent de déterminer l’étendue du gage des créanciers et plus précisément les masses de biens qui devront supporter les dettes contractées par les époux.

À cet égard, il y a lieu de distinguer, l’obligation à la dette qui intéresse les rapports des époux avec les tiers, de la contribution à la dette qui intéresse les rapports des époux entre eux.

Autrement dit, l’obligation à la dette permet de déterminer sur quelle masse de biens (commune ou propre) la dette contractée auprès des créanciers est exécutoire.

Quant à la contribution à la dette, elle permet de déterminer laquelle de ces masses de biens va, à titre définitif, supporter le poids de la dette.

Cette dichotomie entre obligation à la dette et contribution à la dette doit être envisagée, tant pour les dettes personnelles des époux, que pour les dettes communes.

  • S’agissant des dettes personnelles d’un époux
    • Au stade de l’obligation à la dette
      • La règle posée par l’article 1411, al. 1er du Code civil est que la dette contractée à titre personnelle par un époux est exécutoire sur ses biens propres, mais encore sur ses gains et salaires qui sont des biens communs
      • Il en résulte, a contrario, qu’une dette personnelle n’est pas exécutoire sur la masse commune et les biens propres de l’autre époux
    • Au stade de la contribution à la dette
      • La règle est ici que les dettes contractées à titre personnel par un époux doivent demeurer personnelles.
      • Dès lors, en cas de règlement d’une dette personnelle par un époux avec ses gains et salaires, il devra récompense à la communauté, celle-ci n’ayant pas vocation à supporter le poids définitif d’une dette propre.
  • S’agissant des dettes communes
    • Au stade de l’obligation à la dette
      • Le principe posé par l’article 1413 du Code civil est que le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs.
      • Autrement dit, les dettes contractées par chaque époux sont exécutoires sur les biens communs.
      • À cet égard, lorsqu’une dette est entrée en communauté du chef d’un seul des époux, elle ne peut être poursuivie sur les biens propres de l’autre.
    • Au stade de la contribution à la dette
      • La communauté n’a vocation à supporter, à titre définitif, que les dettes contractées dans son intérêt.
      • Lorsque tel n’est pas le cas, elle aura droit à récompense, ce qui sera notamment le cas lorsque la dette réglée avec des biens communs aura été souscrite en vue d’acquérir, de conserver ou d’améliorer un bien propre.

II) Les régimes conventionnels

Pour être soumis à un régime conventionnel les époux doivent avoir effectué un choix qui se traduira par l’établissement d’un contrat de mariage.

À cet égard, les régimes conventionnels se divisent en deux catégories : les régimes communautaires et les régimes séparatistes.

==> S’agissant des régimes communautaires

Leur spécificité est, comme leur énoncé l’indique, de reposer sur la création d’une masse commune de biens qui s’interpose entre les masses de chaque époux composées de biens propres appartenant à chacun d’eux.

Parmi les différents régimes conventionnels proposés par la loi, deux endossent la qualification de communautaire

  • Le régime de la communauté de meubles et d’acquêts
    • Sous l’empire du droit antérieur à l’entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1965, le régime de la communauté de meubles et d’acquêts n’était autre que le régime légal.
    • Depuis lors, il a néanmoins été remplacé par le régime de la communauté réduite aux acquêts, à tout le moins il a été rétrogradé au rang de simple régime conventionnel.
    • La spécificité de ce régime matrimonial tient aux règles qui gouvernent l’actif et le passif de la communauté
      • S’agissant de l’actif
        • Lorsque les époux optent pour la communauté de meubles et d’acquêts, l’actif de la communauté est augmenté par rapport au régime légal.
        • En effet, il comprend, outre les biens qui relèvent de la masse commune sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, les bens meubles qui seraient qualifiés de propres sous ce régime.
        • Sont donc inclus dans la masse commune, lorsque les époux sont soumis au régime de communauté de meubles et d’acquêts, tous les biens meubles dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour du mariage ou qui leur sont échus depuis par succession ou libéralité, à moins que le donateur ou testateur n’ait stipulé le contraire.
      • S’agissant du passif
        • Par symétrie avec la composition de l’actif, lorsque les époux ont opté pour le régime de la communauté de meubles et d’acquêts, le passif de la communauté est plus étendu que sous le régime légal.
        • En effet, entrent dans le passif commun, outre les dettes qui en feraient partie sous le régime légal, une fraction de celles dont les époux étaient déjà grevés quand ils se sont mariés, ou dont se trouvent chargées des successions et libéralités qui leur échoient durant le mariage.
        • À cet égard, la fraction de passif que doit supporter la communauté est proportionnelle à la fraction d’actif qu’elle recueille, soit dans le patrimoine de l’époux au jour du mariage, soit dans l’ensemble des biens qui font l’objet de la succession ou libéralité.
        • Il s’agit ici d’instaurer une corrélation entre l’actif et le passif : dès lors que l’actif augmenté, le passif doit s’en trouver élargi dans les mêmes proportions.
  • Le régime de la communauté universelle
    • Le régime de la communauté universelle, qualifié de « régime de l’amour» par le doyen Cornu présente cette particularité de réaliser une fusion entre les patrimoines des époux pour ne former qu’une seule masse de biens.
    • Cette fusion des patrimoines se traduit, tant sur le plan de l’actif, que sur le plan du passif.
      • Sur le plan de l’actif
        • La communauté comprend les biens tant meubles qu’immeubles, présents et à venir des époux.
        • Par exception et sauf stipulation contraire, les biens que l’article 1404 déclare propres par leur nature ne tombent point dans cette communauté.
        • Sont donc exclus de la masse commune
          • D’une part, les vêtements et linges à l’usage personnel de l’un des époux, les actions en réparation d’un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne.
          • D’autre part, les instruments de travail nécessaires à la profession de l’un des époux, à moins qu’ils ne soient l’accessoire d’un fonds de commerce ou d’une exploitation faisant partie de la communauté.
        • En dehors de ces biens visés par l’article 1404 du Code civil, tous les biens acquis par les époux avant et pendant le mariage ont vocation à alimenter la masse commune
      • Sur le plan de l’actif
        • L’article 1526 du Code civil prévoit que la communauté universelle supporte définitivement toutes les dettes des époux, présentes et futures.
        • L’universalité de la communauté ne touche ainsi pas seulement son acte, elle intéresse également son passif.

==> S’agissant des régimes séparatistes

Les régimes séparatistes se caractérisent par l’absence de création d’une masse commune de biens qui serait alimentée par les biens présents et futurs acquis par les époux.

Cette séparation des patrimoines demeure néanmoins plus ou moins prononcée, selon que les époux ont opté pour le régime de la séparation de biens pure et simple ou selon qu’ils ont opté pour le régime de la participation aux acquêts.

  • Le régime de la séparation de biens
    • Sur le plan de l’actif
      • Tous les biens acquis par les époux au cours du mariage leur appartiennent en propre.
      • Aucune masse commune de biens n’est créée, de sorte qu’est instaurée une séparation stricte des patrimoines.
      • À cet égard, l’article 1536 du Code civil prévoit que lorsque les époux ont stipulé dans leur contrat de mariage qu’ils seraient séparés de biens, chacun d’eux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels.
      • Il est donc indifférent que le bien ait acquis avant ou pendant le mariage ou encore qu’il ait été acquis à titre onéreux ou à titre gratuit.
      • Seules exceptions au principe de séparations :
        • Les biens acquis en indivision
        • L’affectation de certains biens à une société d’acquêts
    • Sur le plan du passif
      • L’article 1536 du Code civil dispose que chaque époux reste seul tenu des dettes nées en sa personne avant ou pendant le mariage, hors le cas de l’article 220.
      • La séparation des patrimoines opère ainsi, tant pour l’actif, que pour le passif qui demeure propre à l’époux qui a contracté la dette.
      • Le gage des créanciers se limite ainsi aux seuls biens propres de l’époux qui s’est engagé, sauf à ce que la dette relève de la catégorie des dépenses ménagères.
  • Le régime de la participation aux acquêts
    • Le régime de la participation aux acquêts a été institué par la loi du 13 juillet 1965, le législateur s’étant inspiré de ce qui était pratiqué en Allemagne.
    • La particularité de ce régime est qu’il présente une nature hybride, en ce sens qu’il présente une nature séparatiste ou communautaire selon que l’on se place pendant la durée du mariage ou au jour de sa dissolution.
      • Pendant la durée du mariage
        • En application de l’article 1569 du Code civil, quand les époux ont déclaré se marier sous le régime de la participation aux acquêts, chacun d’eux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels, sans distinguer entre ceux qui lui appartenaient au jour du mariage ou lui sont advenus depuis par succession ou libéralité et ceux qu’il a acquis pendant le mariage à titre onéreux.
        • Aussi, pendant la durée du mariage, ce régime fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens.
        • Aucune masse commune de biens n’est donc créée : tous les biens acquis par les époux avant ou pendant le mariage, à titre gratuit ou onéreux, leur appartiennent en propre, soit à titre exclusif.
        • Réciproquement, toutes les dettes qu’ils contractent leur demeurent également personnelles.
      • Au jour de la dissolution du mariage
        • L’article 1569 du Code civil prévoit que, à la dissolution du régime, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre, et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final.
        • Autrement dit, au jour de la liquidation du régime de participation aux acquêts, l’époux dont le patrimoine s’est enrichi pendant le mariage doit en valeur à l’autre une créance de participation.
        • Cette créance est déterminée en comparant le patrimoine originaire et le patrimoine final.
        • L’article 1575 du Code civil dispose en ce sens que si le patrimoine final d’un époux est inférieur à son patrimoine originaire, le déficit est supporté entièrement par cet époux.
        • Si, en revanche, il lui est supérieur, l’accroissement représente les acquêts nets et donne lieu à participation.
        • S’il y a des acquêts nets de part et d’autre, ils doivent d’abord être compensés.
        • Seul l’excédent se partage : l’époux dont le gain a été le moindre est créancier de son conjoint pour la moitié de cet excédent.
        • Au moment de la dissolution le régime de la participation aux acquêts est ainsi parcouru par un esprit communautaire.
        • Chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre.

Le régime primaire impératif ou statut matrimonial de base: vue générale

==> Généralités

Le régime primaire impératif se compose de l’ensemble des règles formant le statut patrimonial de base irréductible du couple marié.

Par irréductible, il faut comprendre qu’il s’agit d’une base normative commune qui constitue le minimum d’association que doit faire naître l’union matrimoniale.

Ainsi que le relèvent des auteurs « on peut estimer qu’au même titre que les dispositions relatives aux effets personnels du mariage, les dispositions du régime primaire impératif constituent l’essence du mariage tant d’un point de vue symbolique et théorique (c’est le plus petit dénominateur commun de tous les mariages), que d’un point de vue pratique – dès lors que, le plus souvent, les effets patrimoniaux du mariage se résumeront à l’application des règles du régime primaire au quotidien bien d’avantage que celles des régimes matrimoniaux »[2].

Ce régime primaire impératif est donc envisagé aux articles 212 à 226 du Code civil dans un Chapitre VI consacré aux devoirs et aux droits respectifs des époux. Ce chapitre relève d’un Titre V, intitulé « Du mariage » qui appartient au Livre 1er du Code civil dont l’objet est l’appréhension « Des personnes ».

==> Notion

La terminologie « régime primaire » est empruntée aux motifs de la loi n°65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux.

Certains auteurs dénoncent cette terminologie, car empreinte d’ambiguïté en ce sens qu’elle suggérerait que le « régime primaire » serait autonome et donc appliqué uniquement à certains ménages, tandis que les autres seraient soumis à des régimes « secondaires »[3].

Tel n’est pourtant pas la réalité. Le régime primaire s’applique à tous les couples mariés, sans exceptions, les époux devant opter, pour compléter le statut patrimonial qui leur applicable, pour l’un des régimes matrimoniaux prévus par la loi.

Aussi, d’aucuns préfèrent à la terminologie régime primaire, la qualification de « statut patrimonial de base » ou encore plus sobrement de « statut fondamental ».

Ces formules sont, en tout état de cause, équivalentes et désignent le même corpus normatif, soit celui qui comprend l’« ensemble des règles primordiales à incidence pécuniaire, en principe impératives, applicables à tous les époux quel que soit leur régime matrimonial proprement dit (lequel, qu’il soit légal ou conventionnel, vient nécessairement se superposer à ce régime de base) et destinées à sauvegarder les fins du mariage, tout en assurant un pouvoir d’action autonome à chacun des époux, soit que ces règles puissent jouer d’elles-mêmes, soit qu’elles permettent l’intervention du juge »[4].

Pour les développements qui suivent, nous nous en tiendrons à la formule régime primaire, celle-ci demeurant, nonobstant les critiques dont elle fait l’objet, la plus communément employée.

==> Champ d’application

Par hypothèse, l’application du régime primaire est subordonnée à la satisfaction d’une condition : le mariage.

Bien que l’on puisse relever quelques décisions audacieuses, dans lesquelles les juges ont cherché à faire application, dans le cadre d’une relation de concubinage qu’ils avaient à connaître, de certaines dispositions du régime matrimonial primaire, la jurisprudence de la Cour de cassation a toujours été constante sur ce point : les concubins ne sauraient bénéficier des effets du mariage et plus particulièrement de l’application du régime primaire.

Régulièrement, la Cour de cassation refuse de faire application de l’article 214 du Code civil qui régit la contribution aux charges du mariage pour régler la répartition des frais de fonctionnement de couples de concubins.

Dans un arrêt du 19 mars 1991, elle a, par exemple, jugé « qu’aucune disposition légale ne réglant la contribution des concubins aux charges de la vie commune, chacun d’eux doit, en l’absence de volonté expresse à cet égard, supporter les dépenses de la vie courante qu’il a exposées » (Cass. 1ère civ. 19 mars 1991, n°88-19400).

Dans le droit fil de cette jurisprudence, la Cour de cassation a encore estimé que l’article 220 du Code civil « qui institue une solidarité de plein droit des époux en matière de dettes contractées pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, n’est pas applicable en matière de concubinage » (Cass. 1ère civ. 2 mai 2001, n°98-22836).

Le refus de faire bénéficier les concubins du régime primaire vient de ce que la famille a toujours été appréhendée par le législateur comme ne pouvant se réaliser que dans un seul cadre : le mariage.

Celui-ci est envisagé par le droit comme ce qui « confère à la famille sa légitimité »[5] et plus encore, comme son « acte fondateur »[6].

Aussi, en se détournant du mariage, les concubins sont-ils traités par le droit comme formant un couple ne remplissant pas les conditions lui permettant de quitter la situation de fait dans laquelle il se trouve pour s’élever au rang de situation juridique. D’où la célèbre formule prêtée à Napoléon qui aurait dit que « puisque les concubins se désintéressent du droit, le droit se désintéressera d’eux ».

Il y a bien un texte les concernant s’ils viennent à rompre ; mais, celui-ci est tourné vers le mariage, puisque réglant la question de la restitution de la bague de fiançailles[7].

En outre, la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civile de solidarité (pacs) a, certes, inséré à l’article 515-8 du Code civil une définition du concubinage[8]. Toutefois, cette définition n’est que symbolique : elle n’est assortie d’aucun droit, ni d’aucune obligation qui échoirait aux concubins[9].

Manifestement, où que l’on tourne son regard, il apparaît qu’aucun texte ne règle les rapports patrimoniaux entre concubins. Quant à la jurisprudence elle s’est toujours refusé à transposer au concubinage le régime primaire impératif qui demeure l’apanage des couples mariés.

Tout au plus, certaines règles de ce régime primaire s’appliquent aux partenaires, non pas par le jeu d’une transposition jurisprudentielle, mais par le biais d’une déclinaison à laquelle s’est livré le législateur lors de l’adoption des lois sur le Pacte civil de solidarité (pacs).

En effet, la rédaction d’un certain nombre de dispositions légales spécifiques au pacs est directement inspirée du régime primaire impératif à telle enseigne que d’aucuns parlent d’un « quasi-mariage »[10].

Tel est le cas notamment de l’article 515-4 du Code civil qui transpose, sensiblement dans les mêmes termes, les articles 214 et 220 qui relèvent du régime primaire, au pacs.

==> Caractères

La singularité du régime primaire tient à ses caractères qui font donc de lui le « statut fondamental des gens mariés »[11], soit un statut qui non seulement s’applique à tous les couples mariés, mais encore qui ne profite qu’à eux seuls, à l’exclusion donc des concubins et des partenaires.

Traditionnellement le régime primaire est présenté comme revêtant trois caractères qui le distinguent des régimes matrimoniaux qui se superposent à lui :

  • Des règles d’origine légale
    • Les règles qui composent le régime primaire sont toutes d’origine légale
    • Parce qu’il s’agit d’un régime qui s’applique à tous les couples mariés, les époux ne disposent pas de la faculté de l’aménager conventionnellement, tel qu’ils peuvent le faire s’agissant du régime matrimonial pour lequel ils ont opté.
  • Des règles d’ordre public
    • Le régime primaire présente cette particularité d’être exclusivement composé de règles d’ordre public, soit de dispositions auxquelles les époux ne peuvent pas déroger.
    • L’article 226 du Code civil prévoit en ce sens que « les dispositions du présent chapitre, en tous les points où elles ne réservent pas l’application des conventions matrimoniales, sont applicables, par le seul effet du mariage, quel que soit le régime matrimonial des époux. »
    • Ainsi, le régime primaire impératif prime sur les règles du régime matrimonial choisi par les époux.
    • Il s’agit là, en quelque sorte, d’un renversement du principe aux termes duquel les lois spéciales sont censées déroger aux lois générales (specialia generalibus derogant).
    • Cette inversion du principe se justifie par la nature même du mariage qui implique « un minimum d’association et d’interdépendance entre les époux»[12].
    • Autre conséquence de la primauté du régime primaire sur les régimes matrimoniaux, le principe de liberté des conventions matrimoniales est, par hypothèse, relatif.
    • Cette relativité du principe tient à l’impossibilité pour les époux d’aménager conventionnellement le régime matrimonial pour lequel ils ont opté en stipulant des clauses qui seraient contraires aux règles impératives du régime primaire.
    • Toute stipulation qui, par exemple, prévoirait que l’accomplissement d’un acte de disposition portant sur le logement de famille ne serait pas subordonné à l’accord des deux époux, serait réputée non écrite.
  • Des règles générales
    • Les règles qui composent le régime primaire présentent un caractère général, en ce qu’elles ont vocation à s’appliquer à tous les couples mariés, quel que soit le régime matrimonial auquel ils sont soumis.
    • Il est indifférent que les époux aient opté pour le régime de la séparation de biens, de la communauté légale ou encore de la communauté réduite aux acquêts : dans tous les cas ils sont soumis aux règles du régime primaire.
    • Bien que générale, la portée du régime primaire ne doit toutefois pas être surestimée, celui-ci ne posant que les principes élémentaires du fonctionnement du ménage.
    • Dans son quotidien, le fonctionnement du couple marié engendre, en effet, la création d’obligations entre les époux mais également envers les tiers.
    • C’est essentiellement sur l’appréhension de ces obligations que se focalise le régime primaire impératif.

==> Genèse

L’étude des différentes réformes qui ont façonné le droit des régimes matrimoniaux tel qu’il est devenu aujourd’hui révèle que, lors de l’adoption du Code civil, ses rédacteurs n’avaient pas véritablement instauré de régime primaire.

Tout au plus, avait été instituée l’obligation de contribution aux charges du mariage. En dehors de cette obligation, le statut de base qui s’appliquait à l’ensemble des couples mariés se focalisait surtout sur les effets personnels du mariage.

À l’examen, c’est avec la reconnaissance progressive de l’égalité entre la femme mariée et son époux que le régime primaire impératif qui régi les conséquences pécuniaires de l’union matrimoniale a émergé.

À cet égard, plusieurs lois ont participé à cette émergence d’un statut patrimonial de base commun à tous les couples mariés :

  • La loi du 13 juillet 1907 a reconnu à la femme mariée le droit de percevoir ses salaires et ses gains professionnels et de les administrer avec cette possibilité de les affecter à l’acquisition de biens dits réservés.
  • La loi du 18 février 1938 a aboli l’incapacité civile de la femme mariée, celle-ci étant dorénavant investie de la capacité d’exercer tous les pouvoirs que lui conférerait le régime matrimonial auquel elle était assujettie
  • La loi du 22 septembre 1942 a notamment institué le mécanisme de la représentation conjugale, permettant ainsi à la femme mariée d’engager les biens du ménage auprès des tiers, ce qui revenait donc à reconnaître le mandat entre époux
  • La loi du 13 juillet 1965 est, de toute évidence, celle qui a engagé de façon significative la recherche d’une véritable égalité entre la femme mariée et son époux, ce en instaurant un régime primaire égalitaire applicable à l’ensemble des couples mariés.
  • La loi du 23 décembre 1985 est venue parachever la réforme engagée par le législateur en 1965 qui avait cherché à instaurer une égalité dans les rapports conjugaux. Plusieurs corrections ont notamment été apportées au régime primaire aux fins de gommer les dernières marques d’inégalité qui existaient encore entre la femme mariée et son époux

==> Principes directeurs

Les principes directeurs qui gouvernent le régime primaire impératif s’articulent autour de deux axes constitués de règles qui visent, d’une part, à assurer une interdépendance entre les époux tout en leur octroyant une certaine autonomie et, d’autre part, à traiter les situations de crise que le couple marié est susceptible de traverser.

  • L’interdépendance et l’autonomie des époux
    • L’élaboration du régime primaire impératif a donc été guidée par la volonté du législateur d’instituer une véritable égalité entre la femme mariée et son mari.
    • Cette recherche d’égalité conjugale s’est traduite par l’instauration d’un savant équilibre entre, d’un côté l’édiction de règles visant à assurer une interdépendance entre les époux et, d’un autre côté, la reconnaissance de droits leur conférant une certaine autonomie.
      • S’agissant des règles qui assurent l’interdépendance des époux
        • L’édiction de règles qui visent à assurer une certaine interdépendance entre les époux procède de la finalité du mariage qui opère, outre l’union des personnes, une union des biens.
        • Cette union des personnes et des biens implique que les époux collaborent entre eux faute de quoi leur engagement formulé lors de la célébration du mariage de faire vie commune ne demeurerait qu’un vœu pieux.
        • La communauté de vie, telle qu’envisagée par le Code civil requiert un minimum d’association entre les époux qui, quel que soit le régime matrimonial auquel ils sont soumis, se sont obligés à mettre un commun des ressources matérielles aux fins de subvenir aux besoins du ménage.
        • Aussi, a-t-il été décidé par le législateur que ce minimum d’association patrimoniale devait reposer sur deux piliers que sont :
          • D’une part, la contribution des époux aux charges du mariage, l’objectif recherché étant d’assurer le fonctionnement du ménage en créant une communauté patrimoniale irréductible
          • D’autre part, la protection du logement familial qui, parce qu’il est envisagé comme le sanctuaire de la famille, ne peut être aliéné, ni donné en garantie sans l’accord des deux époux.
      • S’agissant des règles qui assurent l’autonomie des époux
        • L’adoption de règles visant à conférer aux époux une certaine autonomie procède essentiellement de la volonté du législateur d’instaurer une véritable égalité entre la femme mariée et son époux.
        • Pour atteindre cet objectif d’égalité dans les rapports conjugaux, il était, en effet, nécessaire que la femme puisse s’émanciper de la tutelle de son mari, ce qui donc impliquait qu’elle dispose d’une sphère de liberté lui permettant d’agir seule.
        • La reconnaissance de l’autonomie des époux a été engagée par la loi du 13 juillet 1907, puis s’est poursuivie, par strates législatives successives, tout au long du XXe siècle, avec en point d’orgue les lois des 13 juillet 1965 et 23 décembre 1985 lesquelles ont définitivement aboli l’inégalité qui perdurait entre la femme et son mari.
        • Désormais, l’autonomie dont jouissent les époux se retrouve à tous les niveaux de la vie quotidienne du ménage.
        • Cette autonomie est professionnelle, bancaire, ménagère et, pour certains actes, mobilière et patrimoniale.
        • Outre l’abolition de l’asservissement de la femme mariée à son mari, l’instauration d’une indépendance des époux pour l’accomplissement d’un certain nombre d’actes a permis de faciliter le fonctionnement du ménage.
        • Il est, en effet, bien plus commode pour les époux de pouvoir agir seuls pour l’accomplissement des actes du quotidien, que de devoir systématiquement recueillir le consentement de l’autre.
  • Les situations de crise
    • Au-delà de la recherche d’un équilibre entre l’instauration d’une interdépendance entre les époux et la reconnaissance de droits leur conférant une certaine autonomie, le législateur a souhaité compléter le régime primaire par l’édiction de règles visant à appréhender les situations de crise auxquelles est susceptible d’être confronté le couple marié.
    • Il est, en effet, des situations où, soit parce qu’un époux se trouve dans l’incapacité de manifester sa volonté, soit parce qu’il est susceptible d’accomplir un acte mettant en péril l’intérêt de la famille, il est nécessaire que des mesures – judiciaires – soient prises.
    • Pratiquement, ces mesures peuvent consister à accroître ou restreindre les pouvoirs des époux.
    • Cet aménagement des pouvoirs dont sont investis les époux est susceptible d’intervenir dans trois cadres bien distincts que sont :
      • L’autorisation judiciaire
      • La représentation judiciaire
      • La sauvegarde judiciaire
    • Dans les trois cas, les mesures qui devront être adoptées pour régler la situation de crise traversée par le couple marié supposeront l’intervention du juge.

[1] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, coll. « précis », n°46, p.41.

[2] M. Lamarche et J.-J. Lemouland, Mariages : effets, Rép. Dalloz, n°101 et s.

[3] V. en ce sens J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand colin, 2001, n°53, p. 44.

[4] Association H. Capitant, Vocabulaire juridique, ss dir. G. Cornu : PUF, 8e éd. 2000, V° Primaire [régime ou régime matrimonial primaire], p. 670

[5] F. Terré, op. préc., n°325, p. 299.

[6] Ph. Malaurie et H. Fulchiron, op. préc., n°106, p. 53.

[7] En vertu de l’article 1088 du Code civil « toute donation faite en faveur du mariage sera caduque si le mariage ne s’ensuit pas ».

[8] L’article 515-8 du Code civil dispose que « le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ».

[9] Si, le législateur a inséré une définition du concubinage dans le Code civil c’est surtout pour mettre fin à la position de la Cour de cassation qui, de façon constante, refusait de qualifier l’union de deux personnes de même sexe de concubinage (Cass. soc., 11 juill. 1989, deux arrêts : Gaz. Pal. 1990, 1, p. 217, concl. Dorwling-Carter ; JCP G 1990, II, 21553, note Meunier ; Cass. Civ. 3e, 17 décembre 1997 : D. 1998, jurispr. p. 111, concl. J.-F. Weber et note J.-L. Aubert ; JCP G 1998, II, 10093, note A. Djigo).

[10] P. Simler et P. Hilt, « Le nouveau visage du Pacs : un quasi -mariage », JCP G, 2006, 1, p. 161.

[11] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, coll. « précis », n°46, p.41.

[12] J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand colin, 2001, n°58, p. 48.

Régime primaire impératif et régimes matrimoniaux: économie générale

Bien que le mariage ne soit plus le seul système d’organisation de la vie conjugale, il demeure le modèle prépondérant à travers lequel le droit appréhende la famille.

Cette place centrale que le mariage occupe, encore aujourd’hui, dans l’ordonnancement juridique s’exprime par les effets qu’il emporte et qui confèrent au couple marié un statut privilégié.

À cet égard, il convient d’avoir toujours à l’esprit que le mariage ne consiste pas seulement en une union des personnes. Il consiste également en une union des biens.

==> Union des personnes et union des biens

Les effets du mariage sont de deux ordres. Ils intéressent les rapports personnels entre les époux (l’union des personnes) ainsi que les rapports pécuniaires qu’ils entretiennent entre eux (l’union des biens)

  • S’agissant de rapports personnels entre les époux (union des personnes)
    • L’acte juridique que constitue le mariage produit deux effets principaux à l’égard des époux :
      • Premier effet : la création de devoirs mutuels
        • Le mariage fait naître des devoirs mutuels qui pèsent sur les époux. Ces devoirs sont énoncés aux articles 212, 213 et 215 du Code civil.
        • Au nombre de ces devoirs figurent :
          • Le devoir de respect ( 212 C. civ.)
          • Le devoir de fidélité ( 212 C. civ.)
          • Le devoir d’assistance ( 212 C. civ.)
          • Le devoir de communauté de vie ( 215 C. civ.)
      • Second effet : la création de fonctions conjointes
        • Le mariage ne crée pas seulement des devoirs à l’égard des époux, il leur confère également des fonctions qu’ils exercent conjointement.
        • Ces fonctions conjointes sont énoncées aux articles 213 et 215 du Code civil :
          • La direction de la famille ( 213 C. civ.)
          • Le choix du logement familial ( 215, al. 2e C. civ.)
  • S’agissant des rapports pécuniaires entre les époux
    • Le mariage produit des effets qui tiennent, d’une part, à l’interdépendance des époux, d’autre part, à leur indépendance et enfin, aux situations de crise qu’ils sont susceptibles de traverser.
      • Les effets relatifs à l’interdépendance des époux
        • Parce que les époux sont assujettis à une communauté de vie, cette obligation implique qu’ils coopèrent pour l’accomplissement d’un certain nombre d’actes qui intéressent le fonctionnement matériel du ménage.
          • La contribution aux charges du mariage ( 214 C. civ.)
          • La protection du logement familial ( 215, al. 3e C. civ.)
          • Le devoir de secours ( 212 C. civ.)
      • Les effets relatifs à l’indépendance des époux
        • Afin de mettre un terme à l’assujettissement de la femme mariée à son mari, le législateur a conféré aux époux un certain nombre de pouvoirs qu’ils peuvent exercer en toute autonomie.
        • Au-delà de l’égalité recherchée par le législateur entre l’homme et la femme, ces sphères d’autonomie dont jouissent les époux permet au ménage de fonctionner plus efficacement, car offrant la possibilité à un époux d’agir seul, sans qu’il lui soit besoin de recueillir le consentement de son conjoint.
        • Cette indépendance des époux dans le fonctionnement du couple marié s’est traduite par l’instauration de :
          • L’autonomie ménagère ( 220 C. civ.)
          • L’autonomie mobilière ( 222 C. civ.)
          • L’autonomie professionnelle ( 223 C. civ.)
          • L’autonomie bancaire ( 221 C. civ.)
          • L’autonomie patrimoniale ( 225 C. civ.)
      • Les effets relatifs aux situations de crise
        • Le couple est susceptible de rencontrer des difficultés qui peuvent aller du simple désaccord à l’impossibilité pour un époux d’exprimer sa volonté.
        • Afin de permettre au couple de surmonter ces difficultés, le législateur a mis en place plusieurs dispositifs de règles énoncés aux articles 217, 219 et 220-1 du Code civil.
        • Parmi ces dispositifs qui visent à régler les situations de crise traversées par le couple on compte :
          • L’autorisation judiciaire ( 217 C. civ.)
          • La représentation judiciaire ( 219 C. civ.)
          • La sauvegarde judiciaire ( 220-1 C. civ.)

Toutes ces règles qui régissent les effets du mariage forment ce que l’on appelle le statut légal des époux.

==> Droit de la famille et droit des régimes matrimoniaux

Le statut légal auquel le couple marié est soumis se divise en deux branches qui font l’objet d’études séparées :

  • Première branche : le droit de la famille
    • Les règles du statut légal des époux qui intéressent leurs rapports personnels sont comprises dans l’étude du droit de la famille
    • Aussi, les effets personnels du mariage que sont notamment l’obligation de communauté de vie, le devoir de fidélité, le devoir d’assistance ou encore le devoir de respect sont appréhendés avec les conditions de formation du mariage, le divorce, la filiation ou encore le pacs.
  • Seconde branche : le droit des régimes matrimoniaux
    • Les règles qui intéressent les rapports pécuniaires entre époux relèvent de l’étude du droit des régimes matrimoniaux.
    • Cette branche du droit, qualifiée également de droit patrimonial de la famille, traite spécifiquement des effets sur le patrimoine de chacun d’eux qui résultent du mariage, non seulement dans leurs rapports réciproques, mais aussi dans leurs rapports avec les tiers et plus particulièrement avec leurs créanciers.

Nous ne nous focaliserons ici que sur le droit des régimes matrimoniaux et plus précisément sur l’articulation entre le régime primaire impératif qui s’applique à tous les couples mariés et les régimes matrimoniaux qui diffèrent d’un couple à l’autre.

I) Régime primaire impératif et régimes matrimoniaux

Au cours de leur mariage les époux sont donc soumis au droit des régimes matrimoniaux s’agissant des rapports pécuniaires qu’ils entretiennent entre eux.

Ce droit des régimes matrimoniaux fait l’objet d’un traitement dans deux parties bien distinctes du Code civil, puisque envisagé, d’abord dans un chapitre consacré aux devoirs et aux droits respectifs des époux (art. 212 à 226 C. civ.), puis dans un titre dédié spécifiquement au contrat de mariage et aux régimes matrimoniaux (art. 1384 à 1581 C. civ.).

Cet éclatement du droit des régimes matrimoniaux à deux endroits du Code civil, révèle que les époux sont soumis à deux corps de règles bien distinctes :

  • Premier corps de règles : le régime primaire impératif
    • Les époux sont d’abord soumis à ce que l’on appelle un régime primaire impératif, également qualifié de statut matrimonial de base ou statut fondamental, qui se compose de règles d’ordre public applicables à tous les couples mariés.
    • Il s’agit, en quelque sorte, d’un socle normatif de base qui réunit les principes fondamentaux régissant la situation patrimoniale du couple marié.
    • À l’examen, ce sont, pour l’essentiel, des règles qui constituent l’essence même du mariage et qui intéressent le fonctionnement du ménage dans son quotidien : contributions aux charges du mariage, dettes ménagères, logement familial, présomptions de pouvoirs etc.
    • Le régime primaire impératif est envisagé aux articles 212 à 226 du Code civil.
  • Second corps de règles : le régime matrimonial
    • Au régime primaire impératif qui constitue « le statut fondamental des gens mariés»[1], se superpose un régime matrimonial dont la fonction est :
      • D’une part, de déterminer la composition des patrimoines des époux
      • D’autre part, de préciser les pouvoirs dont les époux sont titulaires sur chaque masse de biens
    • Le régime matrimonial se distingue du régime primaire impératif en ce que son contenu est susceptible de différer d’un couple à l’autre.
    • En effet, le régime matrimonial applicable au couple marié dépend du choix qu’ils auront fait, tantôt au moment de la conclusion du mariage, tantôt au cours de leur union.
    • Pratiquement, le choix qui s’offre aux époux consiste à opter soit pour le régime légal, soit pour un régime conventionnel
      • Le choix du régime légal
        • L’application du régime légal, qualifié de communauté réduite aux acquêts, procède, à la vérité, moins d’un choix que d’une absence de choix.
        • En effet, il s’agit d’un régime supplétif qui a vocation à s’appliquer au couple marié lorsqu’il n’a pas opté pour un régime conventionnel.
        • À cet égard, ce régime se classe parmi les régimes communautaires dans la mesure où il crée une masse commune de biens, lesquels ont vocation à être partagés au jour de la dissolution du mariage.
      • Le choix d’un régime conventionnel
        • Les époux peuvent décider d’opter pour un régime matrimonial relevant de la catégorie des régimes conventionnels au nombre desquels figurent :
          • Le régime de la communauté de meubles et d’acquêts ( 1498 à 1501 C. civ.)
          • Le régime de la communauté universelle ( 1526 C. civ.)
          • Le régime de la séparation de biens ( 1536 à 1543 C. civ.)
          • Le régime de la participation aux acquêts ( 1569 à 1581 C. civ.)
        • À l’examen, la « conventionnalité » de ces régimes demeure somme toute relative dans la mesure où ils sont proposés par le législateur.
        • Les époux peuvent néanmoins, en application du principe de « liberté des conventions matrimoniales», les aménager à leur guise afin d’établir un contrat de mariage « sur-mesure ».
        • La liberté dont les époux jouissent n’est toutefois pas sans limite, l’article 1387 du Code civil prescrivant l’exigence de ne pas contrevenir aux bonnes mœurs et à certaines dispositions d’ordre public propres à chaque régime conventionnel.

II) Régime primaire impératif ou le statut matrimonial de base

==> Généralités

Le régime primaire impératif se compose de l’ensemble des règles formant le statut patrimonial de base irréductible du couple marié.

Par irréductible, il faut comprendre qu’il s’agit d’une base normative commune qui constitue le minimum d’association que doit faire naître l’union matrimoniale.

Ainsi que le relèvent des auteurs « on peut estimer qu’au même titre que les dispositions relatives aux effets personnels du mariage, les dispositions du régime primaire impératif constituent l’essence du mariage tant d’un point de vue symbolique et théorique (c’est le plus petit dénominateur commun de tous les mariages), que d’un point de vue pratique – dès lors que, le plus souvent, les effets patrimoniaux du mariage se résumeront à l’application des règles du régime primaire au quotidien bien d’avantage que celles des régimes matrimoniaux »[2].

Ce régime primaire impératif est donc envisagé aux articles 212 à 226 du Code civil dans un Chapitre VI consacré aux devoirs et aux droits respectifs des époux. Ce chapitre relève d’un Titre V, intitulé « Du mariage » qui appartient au Livre 1er du Code civil dont l’objet est l’appréhension « Des personnes ».

==> Notion

La terminologie « régime primaire » est empruntée aux motifs de la loi n°65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux.

Certains auteurs dénoncent cette terminologie, car empreinte d’ambiguïté en ce sens qu’elle suggérerait que le « régime primaire » serait autonome et donc appliqué uniquement à certains ménages, tandis que les autres seraient soumis à des régimes « secondaires »[3].

Tel n’est pourtant pas la réalité. Le régime primaire s’applique à tous les couples mariés, sans exceptions, les époux devant opter, pour compléter le statut patrimonial qui leur applicable, pour l’un des régimes matrimoniaux prévus par la loi.

Aussi, d’aucuns préfèrent à la terminologie régime primaire, la qualification de « statut patrimonial de base » ou encore plus sobrement de « statut fondamental ».

Ces formules sont, en tout état de cause, équivalentes et désignent le même corpus normatif, soit celui qui comprend l’« ensemble des règles primordiales à incidence pécuniaire, en principe impératives, applicables à tous les époux quel que soit leur régime matrimonial proprement dit (lequel, qu’il soit légal ou conventionnel, vient nécessairement se superposer à ce régime de base) et destinées à sauvegarder les fins du mariage, tout en assurant un pouvoir d’action autonome à chacun des époux, soit que ces règles puissent jouer d’elles-mêmes, soit qu’elles permettent l’intervention du juge »[4].

Pour les développements qui suivent, nous nous en tiendrons à la formule régime primaire, celle-ci demeurant, nonobstant les critiques dont elle fait l’objet, la plus communément employée.

==> Champ d’application

Par hypothèse, l’application du régime primaire est subordonnée à la satisfaction d’une condition : le mariage.

Bien que l’on puisse relever quelques décisions audacieuses, dans lesquelles les juges ont cherché à faire application, dans le cadre d’une relation de concubinage qu’ils avaient à connaître, de certaines dispositions du régime matrimonial primaire, la jurisprudence de la Cour de cassation a toujours été constante sur ce point : les concubins ne sauraient bénéficier des effets du mariage et plus particulièrement de l’application du régime primaire.

Régulièrement, la Cour de cassation refuse de faire application de l’article 214 du Code civil qui régit la contribution aux charges du mariage pour régler la répartition des frais de fonctionnement de couples de concubins.

Dans un arrêt du 19 mars 1991, elle a, par exemple, jugé « qu’aucune disposition légale ne réglant la contribution des concubins aux charges de la vie commune, chacun d’eux doit, en l’absence de volonté expresse à cet égard, supporter les dépenses de la vie courante qu’il a exposées » (Cass. 1ère civ. 19 mars 1991, n°88-19400).

Dans le droit fil de cette jurisprudence, la Cour de cassation a encore estimé que l’article 220 du Code civil « qui institue une solidarité de plein droit des époux en matière de dettes contractées pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, n’est pas applicable en matière de concubinage » (Cass. 1ère civ. 2 mai 2001, n°98-22836).

Le refus de faire bénéficier les concubins du régime primaire vient de ce que la famille a toujours été appréhendée par le législateur comme ne pouvant se réaliser que dans un seul cadre : le mariage.

Celui-ci est envisagé par le droit comme ce qui « confère à la famille sa légitimité »[5] et plus encore, comme son « acte fondateur »[6].

Aussi, en se détournant du mariage, les concubins sont-ils traités par le droit comme formant un couple ne remplissant pas les conditions lui permettant de quitter la situation de fait dans laquelle il se trouve pour s’élever au rang de situation juridique. D’où la célèbre formule prêtée à Napoléon qui aurait dit que « puisque les concubins se désintéressent du droit, le droit se désintéressera d’eux ».

Il y a bien un texte les concernant s’ils viennent à rompre ; mais, celui-ci est tourné vers le mariage, puisque réglant la question de la restitution de la bague de fiançailles[7].

En outre, la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civile de solidarité (pacs) a, certes, inséré à l’article 515-8 du Code civil une définition du concubinage[8]. Toutefois, cette définition n’est que symbolique : elle n’est assortie d’aucun droit, ni d’aucune obligation qui échoirait aux concubins[9].

Manifestement, où que l’on tourne son regard, il apparaît qu’aucun texte ne règle les rapports patrimoniaux entre concubins. Quant à la jurisprudence elle s’est toujours refusé à transposer au concubinage le régime primaire impératif qui demeure l’apanage des couples mariés.

Tout au plus, certaines règles de ce régime primaire s’appliquent aux partenaires, non pas par le jeu d’une transposition jurisprudentielle, mais par le biais d’une déclinaison à laquelle s’est livré le législateur lors de l’adoption des lois sur le Pacte civil de solidarité (pacs).

En effet, la rédaction d’un certain nombre de dispositions légales spécifiques au pacs est directement inspirée du régime primaire impératif à telle enseigne que d’aucuns parlent d’un « quasi-mariage »[10].

Tel est le cas notamment de l’article 515-4 du Code civil qui transpose, sensiblement dans les mêmes termes, les articles 214 et 220 qui relèvent du régime primaire, au pacs.

==> Caractères

La singularité du régime primaire tient à ses caractères qui font donc de lui le « statut fondamental des gens mariés »[11], soit un statut qui non seulement s’applique à tous les couples mariés, mais encore qui ne profite qu’à eux seuls, à l’exclusion donc des concubins et des partenaires.

Traditionnellement le régime primaire est présenté comme revêtant trois caractères qui le distinguent des régimes matrimoniaux qui se superposent à lui :

  • Des règles d’origine légale
    • Les règles qui composent le régime primaire sont toutes d’origine légale
    • Parce qu’il s’agit d’un régime qui s’applique à tous les couples mariés, les époux ne disposent pas de la faculté de l’aménager conventionnellement, tel qu’ils peuvent le faire s’agissant du régime matrimonial pour lequel ils ont opté.
  • Des règles d’ordre public
    • Le régime primaire présente cette particularité d’être exclusivement composé de règles d’ordre public, soit de dispositions auxquelles les époux ne peuvent pas déroger.
    • L’article 226 du Code civil prévoit en ce sens que « les dispositions du présent chapitre, en tous les points où elles ne réservent pas l’application des conventions matrimoniales, sont applicables, par le seul effet du mariage, quel que soit le régime matrimonial des époux. »
    • Ainsi, le régime primaire impératif prime sur les règles du régime matrimonial choisi par les époux.
    • Il s’agit là, en quelque sorte, d’un renversement du principe aux termes duquel les lois spéciales sont censées déroger aux lois générales (specialia generalibus derogant).
    • Cette inversion du principe se justifie par la nature même du mariage qui implique « un minimum d’association et d’interdépendance entre les époux»[12].
    • Autre conséquence de la primauté du régime primaire sur les régimes matrimoniaux, le principe de liberté des conventions matrimoniales est, par hypothèse, relatif.
    • Cette relativité du principe tient à l’impossibilité pour les époux d’aménager conventionnellement le régime matrimonial pour lequel ils ont opté en stipulant des clauses qui seraient contraires aux règles impératives du régime primaire.
    • Toute stipulation qui, par exemple, prévoirait que l’accomplissement d’un acte de disposition portant sur le logement de famille ne serait pas subordonné à l’accord des deux époux, serait réputée non écrite.
  • Des règles générales
    • Les règles qui composent le régime primaire présentent un caractère général, en ce qu’elles ont vocation à s’appliquer à tous les couples mariés, quel que soit le régime matrimonial auquel ils sont soumis.
    • Il est indifférent que les époux aient opté pour le régime de la séparation de biens, de la communauté légale ou encore de la communauté réduite aux acquêts : dans tous les cas ils sont soumis aux règles du régime primaire.
    • Bien que générale, la portée du régime primaire ne doit toutefois pas être surestimée, celui-ci ne posant que les principes élémentaires du fonctionnement du ménage.
    • Dans son quotidien, le fonctionnement du couple marié engendre, en effet, la création d’obligations entre les époux mais également envers les tiers.
    • C’est essentiellement sur l’appréhension de ces obligations que se focalise le régime primaire impératif.

==> Genèse

L’étude des différentes réformes qui ont façonné le droit des régimes matrimoniaux tel qu’il est devenu aujourd’hui révèle que, lors de l’adoption du Code civil, ses rédacteurs n’avaient pas véritablement instauré de régime primaire.

Tout au plus, avait été instituée l’obligation de contribution aux charges du mariage. En dehors de cette obligation, le statut de base qui s’appliquait à l’ensemble des couples mariés se focalisait surtout sur les effets personnels du mariage.

À l’examen, c’est avec la reconnaissance progressive de l’égalité entre la femme mariée et son époux que le régime primaire impératif qui régi les conséquences pécuniaires de l’union matrimoniale a émergé.

À cet égard, plusieurs lois ont participé à cette émergence d’un statut patrimonial de base commun à tous les couples mariés :

  • La loi du 13 juillet 1907 a reconnu à la femme mariée le droit de percevoir ses salaires et ses gains professionnels et de les administrer avec cette possibilité de les affecter à l’acquisition de biens dits réservés.
  • La loi du 18 février 1938 a aboli l’incapacité civile de la femme mariée, celle-ci étant dorénavant investie de la capacité d’exercer tous les pouvoirs que lui conférerait le régime matrimonial auquel elle était assujettie
  • La loi du 22 septembre 1942 a notamment institué le mécanisme de la représentation conjugale, permettant ainsi à la femme mariée d’engager les biens du ménage auprès des tiers, ce qui revenait donc à reconnaître le mandat entre époux
  • La loi du 13 juillet 1965 est, de toute évidence, celle qui a engagé de façon significative la recherche d’une véritable égalité entre la femme mariée et son époux, ce en instaurant un régime primaire égalitaire applicable à l’ensemble des couples mariés.
  • La loi du 23 décembre 1985 est venue parachever la réforme engagée par le législateur en 1965 qui avait cherché à instaurer une égalité dans les rapports conjugaux. Plusieurs corrections ont notamment été apportées au régime primaire aux fins de gommer les dernières marques d’inégalité qui existaient encore entre la femme mariée et son époux

==> Principes directeurs

Les principes directeurs qui gouvernent le régime primaire impératif s’articulent autour de deux axes constitués de règles qui visent, d’une part, à assurer une interdépendance entre les époux tout en leur octroyant une certaine autonomie et, d’autre part, à traiter les situations de crise que le couple marié est susceptible de traverser.

  • L’interdépendance et l’autonomie des époux
    • L’élaboration du régime primaire impératif a donc été guidée par la volonté du législateur d’instituer une véritable égalité entre la femme mariée et son mari.
    • Cette recherche d’égalité conjugale s’est traduite par l’instauration d’un savant équilibre entre, d’un côté l’édiction de règles visant à assurer une interdépendance entre les époux et, d’un autre côté, la reconnaissance de droits leur conférant une certaine autonomie.
      • S’agissant des règles qui assurent l’interdépendance des époux
        • L’édiction de règles qui visent à assurer une certaine interdépendance entre les époux procède de la finalité du mariage qui opère, outre l’union des personnes, une union des biens.
        • Cette union des personnes et des biens implique que les époux collaborent entre eux faute de quoi leur engagement formulé lors de la célébration du mariage de faire vie commune ne demeurerait qu’un vœu pieux.
        • La communauté de vie, telle qu’envisagée par le Code civil requiert un minimum d’association entre les époux qui, quel que soit le régime matrimonial auquel ils sont soumis, se sont obligés à mettre un commun des ressources matérielles aux fins de subvenir aux besoins du ménage.
        • Aussi, a-t-il été décidé par le législateur que ce minimum d’association patrimoniale devait reposer sur deux piliers que sont :
          • D’une part, la contribution des époux aux charges du mariage, l’objectif recherché étant d’assurer le fonctionnement du ménage en créant une communauté patrimoniale irréductible
          • D’autre part, la protection du logement familial qui, parce qu’il est envisagé comme le sanctuaire de la famille, ne peut être aliéné, ni donné en garantie sans l’accord des deux époux.
      • S’agissant des règles qui assurent l’autonomie des époux
        • L’adoption de règles visant à conférer aux époux une certaine autonomie procède essentiellement de la volonté du législateur d’instaurer une véritable égalité entre la femme mariée et son époux.
        • Pour atteindre cet objectif d’égalité dans les rapports conjugaux, il était, en effet, nécessaire que la femme puisse s’émanciper de la tutelle de son mari, ce qui donc impliquait qu’elle dispose d’une sphère de liberté lui permettant d’agir seule.
        • La reconnaissance de l’autonomie des époux a été engagée par la loi du 13 juillet 1907, puis s’est poursuivie, par strates législatives successives, tout au long du XXe siècle, avec en point d’orgue les lois des 13 juillet 1965 et 23 décembre 1985 lesquelles ont définitivement aboli l’inégalité qui perdurait entre la femme et son mari.
        • Désormais, l’autonomie dont jouissent les époux se retrouve à tous les niveaux de la vie quotidienne du ménage.
        • Cette autonomie est professionnelle, bancaire, ménagère et, pour certains actes, mobilière et patrimoniale.
        • Outre l’abolition de l’asservissement de la femme mariée à son mari, l’instauration d’une indépendance des époux pour l’accomplissement d’un certain nombre d’actes a permis de faciliter le fonctionnement du ménage.
        • Il est, en effet, bien plus commode pour les époux de pouvoir agir seuls pour l’accomplissement des actes du quotidien, que de devoir systématiquement recueillir le consentement de l’autre.
  • Les situations de crise
    • Au-delà de la recherche d’un équilibre entre l’instauration d’une interdépendance entre les époux et la reconnaissance de droits leur conférant une certaine autonomie, le législateur a souhaité compléter le régime primaire par l’édiction de règles visant à appréhender les situations de crise auxquelles est susceptible d’être confronté le couple marié.
    • Il est, en effet, des situations où, soit parce qu’un époux se trouve dans l’incapacité de manifester sa volonté, soit parce qu’il est susceptible d’accomplir un acte mettant en péril l’intérêt de la famille, il est nécessaire que des mesures – judiciaires – soient prises.
    • Pratiquement, ces mesures peuvent consister à accroître ou restreindre les pouvoirs des époux.
    • Cet aménagement des pouvoirs dont sont investis les époux est susceptible d’intervenir dans trois cadres bien distincts que sont :
      • L’autorisation judiciaire
      • La représentation judiciaire
      • La sauvegarde judiciaire
    • Dans les trois cas, les mesures qui devront être adoptées pour régler la situation de crise traversée par le couple marié supposeront l’intervention du juge.

III) Variétés de régimes matrimoniaux

Au régime primaire impératif qui constitue le statut patrimonial de base commun à tous les couples mariés se superpose un régime matrimonial dont le choix est laissé à la discrétion des époux en application du principe de liberté des conventions matrimoniales.

L’article 1387 du Code civil dispose en ce sens que « la loi ne régit l’association conjugale, quant aux biens, qu’à défaut de conventions spéciales que les époux peuvent faire comme ils le jugent à propos, pourvu qu’elles ne soient pas contraires aux bonnes mœurs ni aux dispositions qui suivent. »

Il ressort de cette disposition que, non seulement les époux sont libres de choisir le régime matrimonial qui leur convient parmi ceux proposés par la loi, mais encore ils disposent de la faculté d’aménager le régime pour lequel ils ont opté en y stipulant des clauses particulières sous réserve de ne pas contrevenir aux bonnes mœurs et de ne pas déroger aux règles impératives instituées par le régime primaire.

Faute de choix par les époux d’un régime matrimonial, c’est le régime légal qui leur sera appliqué, étant précisé que le couple marié peut toujours, au cours du mariage, revenir sur sa décision en sollicitant un changement de régime matrimonial.

Classiquement, il est d’usage de présenter les différents régimes matrimoniaux susceptibles d’être appliqués aux époux en distinguant :

  • D’une part, le régime légal qui a vocation à s’appliquer en l’absence de contrat de mariage
  • D’autre part, les régimes dits conventionnels dont l’application suppose que les époux aient opté pour un dispositif spécifique.

A) Le régime légal

Le régime légal, qui s’applique aux couples mariés faute d’établissement d’un contrat de mariage, est le régime de la communauté réduite aux acquêts.

Ce régime a été institué par la loi du 13 juillet 1965 qui l’a substitué à l’ancien régime légal de communauté de meubles et d’acquêts, lequel est désormais relégué au rang de régime conventionnel.

Dans les grandes lignes, la spécificité du régime légal tient à trois éléments qui diffèrent d’un régime matrimonial à l’autre :

==> La répartition des biens

Principale caractéristique du régime légal, il s’agit d’un régime communautaire. Cette spécificité implique la création d’une masse commune de biens aux côtés des biens propres dont les époux demeurent seuls propriétaires.

La réparation des biens entre la masse commune et la masse de chaque époux s’opère comme suit :

  • Les biens communs
    • La masse commune est alimentée par les tous les biens acquis à titre onéreux par les époux au cours du mariage.
    • C’est ce que l’on appelle des acquêts ; d’où le qualificatif attribué au régime légal de « communauté réduite aux acquêts».
    • Pour être précis les acquêts qui composent la masse commune comprennent deux catégories de biens :
      • Tout d’abord, il y a les biens faits par les époux ensemble ou séparément pendant le mariage et provenant de leur industrie personnelle ou des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres ( 1401 C. civ.)
      • Ensuite, il y a tous les biens meubles, ou immeubles dont on ne peut prouver qu’ils sont propres à l’un des époux ( 1402 C. civ.).
    • Ainsi la masse commune est-elle alimentée de deux manières : soit par le jeu d’une règle de fond, soit par le jeu d’une règle de preuve.
  • Les biens propres
    • Les biens propres sont, par hypothèse, tous ceux qui n’endossent pas la qualification d’acquêts.
    • Plus précisément, cette catégorie de biens comporte notamment :
      • Les biens acquis par les époux avant la conclusion du mariage
      • Les biens acquis par les époux à titre gratuit
      • Les biens dont la propriété est étroitement attachée à la personne d’un époux (vêtements et linges à usage personnel, actions en réparation d’un dommage corporel, créances et pensions incessibles etc.)
      • Les biens de nature professionnelle
      • Tous les biens acquis à titre accessoire d’un bien propre

==> La gestion des biens

Les époux sont investis de pouvoirs de gestion de leurs biens propres et des biens qui relèvent de la masse commune.

  • S’agissant de la gestion des biens propres des époux
    • Le principe posé par l’article 1428 du Code civil est celui de la gestion exclusive des biens propres.
    • Ce principe est renforcé par l’article 225 du Code civil qui dispose que « chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels».
    • Ainsi chaque époux dispose de pouvoirs d’administration, de disposition et de jouissance exclusifs sur ses propres.
    • Ce pouvoir n’est contrarié que lorsque le logement familial est un bien propre.
    • Dans cette hypothèse, conformément à l’article 215, al. 3e du Code civil l’époux auquel il appartient en propre devra obtenir le consentement de son conjoint pour en disposer.
  • S’agissant de la gestion des biens communs
    • L’article 1421 du Code civil pose un principe de gestion concurrence.
    • Cela signifie que chacun des époux a le pouvoir d’administrer seul les biens communs et d’en disposer sans avoir à obtenir le consentement de l’autre.
    • Par exception, certains biens communs font l’objet d’une gestion exclusive, tels que les revenus des biens propres, les gains et salaires ou encore les biens nécessaires à l’exercice d’une activité professionnelle séparée, tandis que d’autres sont soumis à une cogestion, soit dont la disposition exige le commun accord des époux.

==> La répartition du passif

Les règles de répartition du passif permettent de déterminer l’étendue du gage des créanciers et plus précisément les masses de biens qui devront supporter les dettes contractées par les époux.

À cet égard, il y a lieu de distinguer, l’obligation à la dette qui intéresse les rapports des époux avec les tiers, de la contribution à la dette qui intéresse les rapports des époux entre eux.

Autrement dit, l’obligation à la dette permet de déterminer sur quelle masse de biens (commune ou propre) la dette contractée auprès des créanciers est exécutoire.

Quant à la contribution à la dette, elle permet de déterminer laquelle de ces masses de biens va, à titre définitif, supporter le poids de la dette.

Cette dichotomie entre obligation à la dette et contribution à la dette doit être envisagée, tant pour les dettes personnelles des époux, que pour les dettes communes.

  • S’agissant des dettes personnelles d’un époux
    • Au stade de l’obligation à la dette
      • La règle posée par l’article 1411, al. 1er du Code civil est que la dette contractée à titre personnelle par un époux est exécutoire sur ses biens propres, mais encore sur ses gains et salaires qui sont des biens communs
      • Il en résulte, a contrario, qu’une dette personnelle n’est pas exécutoire sur la masse commune et les biens propres de l’autre époux
    • Au stade de la contribution à la dette
      • La règle est ici que les dettes contractées à titre personnel par un époux doivent demeurer personnelles.
      • Dès lors, en cas de règlement d’une dette personnelle par un époux avec ses gains et salaires, il devra récompense à la communauté, celle-ci n’ayant pas vocation à supporter le poids définitif d’une dette propre.
  • S’agissant des dettes communes
    • Au stade de l’obligation à la dette
      • Le principe posé par l’article 1413 du Code civil est que le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs.
      • Autrement dit, les dettes contractées par chaque époux sont exécutoires sur les biens communs.
      • À cet égard, lorsqu’une dette est entrée en communauté du chef d’un seul des époux, elle ne peut être poursuivie sur les biens propres de l’autre.
    • Au stade de la contribution à la dette
      • La communauté n’a vocation à supporter, à titre définitif, que les dettes contractées dans son intérêt.
      • Lorsque tel n’est pas le cas, elle aura droit à récompense, ce qui sera notamment le cas lorsque la dette réglée avec des biens communs aura été souscrite en vue d’acquérir, de conserver ou d’améliorer un bien propre.

B) Les régimes conventionnels

Pour être soumis à un régime conventionnel les époux doivent avoir effectué un choix qui se traduira par l’établissement d’un contrat de mariage.

À cet égard, les régimes conventionnels se divisent en deux catégories : les régimes communautaires et les régimes séparatistes.

==> S’agissant des régimes communautaires

Leur spécificité est, comme leur énoncé l’indique, de reposer sur la création d’une masse commune de biens qui s’interpose entre les masses de chaque époux composées de biens propres appartenant à chacun d’eux.

Parmi les différents régimes conventionnels proposés par la loi, deux endossent la qualification de communautaire

  • Le régime de la communauté de meubles et d’acquêts
    • Sous l’empire du droit antérieur à l’entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1965, le régime de la communauté de meubles et d’acquêts n’était autre que le régime légal.
    • Depuis lors, il a néanmoins été remplacé par le régime de la communauté réduite aux acquêts, à tout le moins il a été rétrogradé au rang de simple régime conventionnel.
    • La spécificité de ce régime matrimonial tient aux règles qui gouvernent l’actif et le passif de la communauté
      • S’agissant de l’actif
        • Lorsque les époux optent pour la communauté de meubles et d’acquêts, l’actif de la communauté est augmenté par rapport au régime légal.
        • En effet, il comprend, outre les biens qui relèvent de la masse commune sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, les bens meubles qui seraient qualifiés de propres sous ce régime.
        • Sont donc inclus dans la masse commune, lorsque les époux sont soumis au régime de communauté de meubles et d’acquêts, tous les biens meubles dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour du mariage ou qui leur sont échus depuis par succession ou libéralité, à moins que le donateur ou testateur n’ait stipulé le contraire.
      • S’agissant du passif
        • Par symétrie avec la composition de l’actif, lorsque les époux ont opté pour le régime de la communauté de meubles et d’acquêts, le passif de la communauté est plus étendu que sous le régime légal.
        • En effet, entrent dans le passif commun, outre les dettes qui en feraient partie sous le régime légal, une fraction de celles dont les époux étaient déjà grevés quand ils se sont mariés, ou dont se trouvent chargées des successions et libéralités qui leur échoient durant le mariage.
        • À cet égard, la fraction de passif que doit supporter la communauté est proportionnelle à la fraction d’actif qu’elle recueille, soit dans le patrimoine de l’époux au jour du mariage, soit dans l’ensemble des biens qui font l’objet de la succession ou libéralité.
        • Il s’agit ici d’instaurer une corrélation entre l’actif et le passif : dès lors que l’actif augmenté, le passif doit s’en trouver élargi dans les mêmes proportions.
  • Le régime de la communauté universelle
    • Le régime de la communauté universelle, qualifié de « régime de l’amour» par le doyen Cornu présente cette particularité de réaliser une fusion entre les patrimoines des époux pour ne former qu’une seule masse de biens.
    • Cette fusion des patrimoines se traduit, tant sur le plan de l’actif, que sur le plan du passif.
      • Sur le plan de l’actif
        • La communauté comprend les biens tant meubles qu’immeubles, présents et à venir des époux.
        • Par exception et sauf stipulation contraire, les biens que l’article 1404 déclare propres par leur nature ne tombent point dans cette communauté.
        • Sont donc exclus de la masse commune
          • D’une part, les vêtements et linges à l’usage personnel de l’un des époux, les actions en réparation d’un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne.
          • D’autre part, les instruments de travail nécessaires à la profession de l’un des époux, à moins qu’ils ne soient l’accessoire d’un fonds de commerce ou d’une exploitation faisant partie de la communauté.
        • En dehors de ces biens visés par l’article 1404 du Code civil, tous les biens acquis par les époux avant et pendant le mariage ont vocation à alimenter la masse commune
      • Sur le plan du passif
        • L’article 1526 du Code civil prévoit que la communauté universelle supporte définitivement toutes les dettes des époux, présentes et futures.
        • L’universalité de la communauté ne touche ainsi pas seulement son acte, elle intéresse également son passif.

==> S’agissant des régimes séparatistes

Les régimes séparatistes se caractérisent par l’absence de création d’une masse commune de biens qui serait alimentée par les biens présents et futurs acquis par les époux.

Cette séparation des patrimoines demeure néanmoins plus ou moins prononcée, selon que les époux ont opté pour le régime de la séparation de biens pure et simple ou selon qu’ils ont opté pour le régime de la participation aux acquêts.

  • Le régime de la séparation de biens
    • Sur le plan de l’actif
      • Tous les biens acquis par les époux au cours du mariage leur appartiennent en propre.
      • Aucune masse commune de biens n’est créée, de sorte qu’est instaurée une séparation stricte des patrimoines.
      • À cet égard, l’article 1536 du Code civil prévoit que lorsque les époux ont stipulé dans leur contrat de mariage qu’ils seraient séparés de biens, chacun d’eux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels.
      • Il est donc indifférent que le bien ait acquis avant ou pendant le mariage ou encore qu’il ait été acquis à titre onéreux ou à titre gratuit.
      • Seules exceptions au principe de séparations :
        • Les biens acquis en indivision
        • L’affectation de certains biens à une société d’acquêts
    • Sur le plan du passif
      • L’article 1536 du Code civil dispose que chaque époux reste seul tenu des dettes nées en sa personne avant ou pendant le mariage, hors le cas de l’article 220.
      • La séparation des patrimoines opère ainsi, tant pour l’actif, que pour le passif qui demeure propre à l’époux qui a contracté la dette.
      • Le gage des créanciers se limite ainsi aux seuls biens propres de l’époux qui s’est engagé, sauf à ce que la dette relève de la catégorie des dépenses ménagères.
  • Le régime de la participation aux acquêts
    • Le régime de la participation aux acquêts a été institué par la loi du 13 juillet 1965, le législateur s’étant inspiré de ce qui était pratiqué en Allemagne.
    • La particularité de ce régime est qu’il présente une nature hybride, en ce sens qu’il présente une nature séparatiste ou communautaire selon que l’on se place pendant la durée du mariage ou au jour de sa dissolution.
      • Pendant la durée du mariage
        • En application de l’article 1569 du Code civil, quand les époux ont déclaré se marier sous le régime de la participation aux acquêts, chacun d’eux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels, sans distinguer entre ceux qui lui appartenaient au jour du mariage ou lui sont advenus depuis par succession ou libéralité et ceux qu’il a acquis pendant le mariage à titre onéreux.
        • Aussi, pendant la durée du mariage, ce régime fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens.
        • Aucune masse commune de biens n’est donc créée : tous les biens acquis par les époux avant ou pendant le mariage, à titre gratuit ou onéreux, leur appartiennent en propre, soit à titre exclusif.
        • Réciproquement, toutes les dettes qu’ils contractent leur demeurent également personnelles.
      • Au jour de la dissolution du mariage
        • L’article 1569 du Code civil prévoit que, à la dissolution du régime, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre, et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final.
        • Autrement dit, au jour de la liquidation du régime de participation aux acquêts, l’époux dont le patrimoine s’est enrichi pendant le mariage doit en valeur à l’autre une créance de participation.
        • Cette créance est déterminée en comparant le patrimoine originaire et le patrimoine final.
        • L’article 1575 du Code civil dispose en ce sens que si le patrimoine final d’un époux est inférieur à son patrimoine originaire, le déficit est supporté entièrement par cet époux.
        • Si, en revanche, il lui est supérieur, l’accroissement représente les acquêts nets et donne lieu à participation.
        • S’il y a des acquêts nets de part et d’autre, ils doivent d’abord être compensés.
        • Seul l’excédent se partage : l’époux dont le gain a été le moindre est créancier de son conjoint pour la moitié de cet excédent.
        • Au moment de la dissolution le régime de la participation aux acquêts est ainsi parcouru par un esprit communautaire.
        • Chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre.

[1] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, coll. « précis », n°46, p.41.

[2] M. Lamarche et J.-J. Lemouland, Mariages : effets, Rép. Dalloz, n°101 et s.

[3] V. en ce sens J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand colin, 2001, n°53, p. 44.

[4] Association H. Capitant, Vocabulaire juridique, ss dir. G. Cornu : PUF, 8e éd. 2000, V° Primaire [régime ou régime matrimonial primaire], p. 670

[5] F. Terré, op. préc., n°325, p. 299.

[6] Ph. Malaurie et H. Fulchiron, op. préc., n°106, p. 53.

[7] En vertu de l’article 1088 du Code civil « toute donation faite en faveur du mariage sera caduque si le mariage ne s’ensuit pas ».

[8] L’article 515-8 du Code civil dispose que « le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ».

[9] Si, le législateur a inséré une définition du concubinage dans le Code civil c’est surtout pour mettre fin à la position de la Cour de cassation qui, de façon constante, refusait de qualifier l’union de deux personnes de même sexe de concubinage (Cass. soc., 11 juill. 1989, deux arrêts : Gaz. Pal. 1990, 1, p. 217, concl. Dorwling-Carter ; JCP G 1990, II, 21553, note Meunier ; Cass. Civ. 3e, 17 décembre 1997 : D. 1998, jurispr. p. 111, concl. J.-F. Weber et note J.-L. Aubert ; JCP G 1998, II, 10093, note A. Djigo).

[10] P. Simler et P. Hilt, « Le nouveau visage du Pacs : un quasi -mariage », JCP G, 2006, 1, p. 161.

[11] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, coll. « précis », n°46, p.41.

[12] J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand colin, 2001, n°58, p. 48.

Les effets (personnels et patrimoniaux) du mariage: vue générale

La famille a toujours été appréhendée par le législateur comme ne pouvant se réaliser que dans un seul cadre : le mariage.

Celui-ci est envisagé par le droit comme ce qui « confère à la famille sa légitimité »[1] et plus encore, comme son « acte fondateur »[2].

Aussi, en se détournant du mariage, les concubins sont-ils traités par le droit comme formant un couple ne remplissant pas les conditions lui permettant de quitter la situation de fait dans laquelle il se trouve pour s’élever au rang de situation juridique. D’où le silence de la loi sur le statut des concubins.

Il y a bien un texte les concernant s’ils viennent à rompre ; mais, celui-ci est tourné vers le mariage, puisque réglant la question de la restitution de la bague de fiançailles[3]. En outre, la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civile de solidarité (pacs) a, certes, inséré à l’article 515-8 du Code civil une définition du concubinage[4].

Toutefois, cette définition n’est que symbolique : elle n’est assortie d’aucun droit, ni d’aucune obligation qui échoirait aux concubins[5].

Bien que l’on puisse relever quelques décisions audacieuses, dans lesquelles les juges ont cherché à faire application, dans le cadre d’une relation de concubinage qu’ils avaient à connaître, de certaines dispositions du régime matrimonial primaire, la jurisprudence de la Cour de cassation a toujours été constante sur ce point : les concubins ne sauraient bénéficier des effets du mariage[6].

Excepté quelques cas marginaux[7], leur situation n’est réglée que par le seul droit commun. Pour les couples qui choisissent de se tenir à l’écart de l’union conjugale, c’est donc un silence juridique qui les attend.

Depuis l’adoption de la loi sur le pacs, ce silence n’est, cependant, plus aussi assourdissant qu’il a pu l’être. En proposant aux concubins un statut légal, un « quasi-mariage » diront certains[8], qui règle les rapports tant personnels, que patrimoniaux entre les partenaires, la démarche du législateur témoigne de sa volonté de ne plus faire fi d’une situation de fait qui, au fil des années, s’est imposée comme un modèle à partir duquel se sont construites de nombreuses familles.

En contrepartie d’en engagement contractuel[9] qu’ils doivent prendre devant un officier d’état civil ou devant notaire, les concubins, quelle que soit leur orientation sexuelle, peuvent, de la sorte, voir leur union hors mariage, se transformer en une situation juridique.

S’il s’agit là d’une profonde mutation que connaît le droit de la famille, elle doit néanmoins être relativisée. Le mariage demeure le modèle prépondérant à travers lequel le droit appréhende la famille.

Cette place centrale que le mariage occupe, encore aujourd’hui, dans l’ordonnancement juridique s’exprime par les effets qu’il emporte et qui confèrent au couple marié un statut privilégié.

À cet égard, il convient d’avoir toujours à l’esprit que le mariage ne consiste pas seulement en une union des personnes. Il consiste également en une union des biens.

Aussi, les effets du mariage sont de deux ordres. Ils intéressent :

  • D’une part, les rapports personnels entre les époux
  • D’autre part, les rapports pécuniaires entre les époux

I) Les rapports personnels entre les époux

S’agissant des rapports personnels entre les époux, l’acte juridique que constitue le mariage produit deux effets principaux à l’égard des époux :

==> Premier effet : la création de devoirs mutuels

Le mariage fait naître des devoirs mutuels qui pèsent sur les époux. Ces devoirs sont énoncés aux articles 212, 213 et 215 du Code civil.

Au nombre de ces devoirs figurent :

  • Le devoir de respect ( 212 C. civ.)
    • Issu de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, le devoir de respect vise à exprimer l’idée que le respect est la base d’une vie de couple harmonieuse.
    • Aussi, s’agit-il de prévenir toute forme de violences qui pourraient intervenir au sein du couple.
    • Si, de longue date, la jurisprudence avait implicitement consacré ce devoir de respect en sanctionnant avec fermeté le comportement violent d’un époux envers l’autre, le législateur a souhaité le graver dans le marbre de la loi aux fins d’appréhender au-delà des violences physiques, d’autres comportements déviants incompatibles avec la vie de couple que sont, par exemple, le harcèlement moral, les injures, le mépris, les atteintes à l’honneur et à la dignité ou encore le délaissement de l’autre conjoint.
  • Le devoir de fidélité ( 212 C. civ.)
    • Ce devoir consiste à interdire aux époux d’entretenir des relations sexuelles avec des tiers.
    • Si, depuis l’adoption de la loi du 11 juillet 1975, l’adultère n’est plus pénalement sanctionné, il demeure constitutif d’une faute civile susceptible de fonder, s’il est renouvelé et atteint un certain degré de gravité, une demande en divorce.
  • Le devoir d’assistance ( 212 C. civ.)
    • Le devoir d’assistance implique pour chaque époux de veiller l’un sur l’autre.
    • Autrement dit, il leur appartient de se soutenir et de se prodiguer mutuellement tous les soins utiles que les circonstances exigent, telles que notamment la maladie ou un état de fragilité
    • Le devoir d’assistance se distingue du devoir de secours en ce qu’il présente un caractère personnel, contrairement au devoir de secours qui est de nature purement pécuniaire.
  • Le devoir de communauté de vie ( 215 C. civ.)
    • L’article 215, al. 1er du Code civil prévoit que « les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie. »
    • Si, sous l’empire du droit antérieur, ce devoir supposait que les époux partagent, a minima, une même résidence, cette exigence a été abandonnée par la loi du 11 juillet 1975.
    • L’article 108 du Code civil dispose désormais que « le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans qu’il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de la vie. »
    • L’existence d’une communauté de vie entre époux demeure, néanmoins, toujours exigée.
    • Concrètement, elle suppose la mise en commun de moyens matériels et l’entretien, entre eux, de relations affectives.
    • Plus que des relations affectives, la communauté de vie implique une communauté de lit, soit l’obligation pour chaque époux de se prêter à des relations sexuelles.
    • Ce devoir conjugal qui échoit à chaque époux demeure somme toute relatif, dans la mesure où il ne saurait, en aucune manière, justifier qu’un époux contraigne son conjoint à avoir des relations sexuelles.
    • Un tel agissement serait constitutif d’un viol, crime puni d’une peine de quinze ans de réclusion criminelle.

==> Second effet : la création de fonctions conjointes

Le mariage ne crée pas seulement des devoirs à l’égard des époux, il leur confère également des fonctions qu’ils exercent conjointement.

Ces fonctions conjointes sont énoncées aux articles 213 et 215 du Code civil :

  • La direction de la famille ( 213 C. civ.)
    • L’article 213 du Code civil prévoit que « Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l’éducation des enfants et préparent leur avenir. »
    • Issue de la loi du 4 juin 1970, cette disposition traduit la volonté du législateur d’instituer une égalité entre le mari et la femme, quant à la conduite de la famille.
    • Lors de l’adoption du Code civil, la femme mariée avait été placée sous l’autorité de son mari auquel elle devait obéissance.
    • La loi du 18 février 1938 a déchu le mari de cette prérogative. Celui-ci a néanmoins sa qualité de chef de famille, de sorte que la direction du ménage était assurée par lui seul.
    • Il faut attendre les lois du 4 juin 1970 et du 11 juillet 1975 pour que le mari et la femme soient placés sur un même pied d’égalité.
    • Désormais, tous deux disposent des mêmes prérogatives qu’ils exercent conjointement.
    • À cet égard, tandis que pour certains actes, leur accomplissement est subordonné à l’accord des deux époux (codécision) ou à autorisation (cogestion), d’autres pourront être régularisés séparément par chacun d’eux (gestion concurrente), un certain nombre de présomptions ayant été instituées par le législateur afin de faciliter le fonctionnement du ménage.
  • Le choix du logement familial ( 215, al. 2e C. civ.)
    • L’article 215, al. 2e du Code civil prévoit que « la résidence de la famille est au lieu qu’ils choisissent d’un commun accord. »
    • Le choix du logement familial ne peut ainsi procéder que d’une décision conjointe des époux.
    • Le mari ne dispose plus du pouvoir d’imposer unilatéralement à sa conjointe le lieu de résidence de la famille, comme tel était le cas sous l’empire du droit antérieur.
    • C’est la loi du 11 juillet 1975 qui a institué une égalité absolue entre le mari et la femme pour l’accomplissement de cet acte fondateur, sinon symbolique.
    • Le logement familial ne peut désormais plus qu’être choisi d’un commun accord entre les époux.
    • Faute d’accord, l’article 215, al. 2e du Code civil le confère plus au mari une voix qui primerait sur celle de son épouse, c’est au juge qu’il reviendra de trancher le différend, encore qu’il ne s’agisse là que d’un cas d’école.
    • Lorsque les époux ne s’entendent pas sur leur lieu de résidence, il est fort probable qu’ils en tirent toutes les conséquences en mettant un terme à leur engagement matrimonial.

II) Les rapports pécuniaires entre les époux

S’agissant des rapports pécuniaires entre les époux, le mariage produit des effets qui tiennent, d’une part, à l’interdépendance des époux, d’autre part, à leur indépendance et enfin, aux situations de crise qu’ils sont susceptibles de traverser.

==> Les effets relatifs à l’interdépendance des époux

Parce que les époux sont assujettis à une communauté de vie, cette obligation implique qu’ils coopèrent pour l’accomplissement d’un certain nombre d’actes qui intéressent le fonctionnement matériel du ménage.

  • La contribution aux charges du mariage ( 214 C. civ.)
    • L’article 214 du Code civil prévoit que « si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.
    • Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition
      • Premier enseignement : les époux doivent contribuer aux charges du mariage
        • Il s’agit de toutes les dépenses qui assurent le fonctionnement du ménage (contrairement aux dépenses d’investissement).
        • Ce sont donc toutes les dépenses d’intérêt commun que fait naître la vie du ménage
        • La JP tend également à reconnaître certaines dépenses d’agrément comme des charges du mariage
        • Exemples : nourriture, vêtements, loyer, gaz, eau, électricité, internet etc…
        • Les charges du mariage sont toutes celles relatives au train de vie du ménage.
        • Elles ne doivent pas être confondues avec les dépenses ménagères qui se limitent aux frais strictement nécessaires au fonctionnement du ménage.
      • Second enseignement : les époux doivent contribuer à aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives.
        • Il y a donc un principe de proportionnalité qui a été institué par le législateur quant à la répartition des charges
        • Le poids de cette obligation qui pèse sur les époux est, en effet, fonction de leurs revenus respectifs.
        • Si l’un des époux perçoit un revenu de 1000 euros et que l’autre perçoit un revenu de 2000 alors le second devra contribuer deux fois plus que le premier aux charges du mariage.
  • La protection du logement familial ( 215, al. 3e C. civ.)
    • Parce que le logement familial est l’endroit où est censée vivre et évoluer la cellule familiale, il bénéficie d’une protection spécifique, protection visant à lui octroyer un statut qui fait obstacle aux atteintes dont il pourrait faire l’objet.
    • Cette protection est instituée à l’article 215, al. 3e du Code civil.
    • Cette disposition prévoit que « les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n’a pas donné son consentement à l’acte peut en demander l’annulation : l’action en nullité lui est ouverte dans l’année à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d’un an après que le régime matrimonial s’est dissous. »
    • Il ressort de cette disposition que tout acte de disposition portant sur le logement familial ou les biens mobiliers le garnissant est subordonné à l’accord des deux époux.
    • Autrement dit, les deux époux doivent consentir à l’accomplissement de l’acte de disposition qui peut consister, tout autant en l’aliénation du bien, qu’en la constitution d’une sûreté réelle.
    • En cas de dépassement de pouvoir par l’un des deux époux, la sanction encourue est la nullité de l’acte accompli sans le consentement de l’autre.

==> Les effets relatifs à l’indépendance des époux

  • L’autonomie ménagère
    • L’article 220 du Code civil prévoit que « chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement.
    • Il ressort de cette disposition que chaque époux est investi du pouvoir d’accomplir seul les actes qui visent effectuer des dépenses pour le fonctionnement du ménage.
    • Ce pouvoir le confère, autrement dit, s’agissant des dépenses ménagères, du pouvoir de contracter seul avec les tiers.
    • À cet égard, le texte précise que la dette contractée par l’un des époux engage l’autre solidairement.
    • Cela signifie que le tiers contractant peut demander à n’importe quel époux de régler la totalité de la dette contractée seul par l’autre conjoint.
    • Le principe de solidarité des dettes ménagères n’est toutefois pas absolu : le législateur l’a assorti de plusieurs exceptions.
    • Tout d’abord, la solidarité n’a pas vocation à jouer pour les dépenses manifestement excessives, soit celles qui sont déraisonnables eu égard le train de vie du ménage ou l’utilité ou l’inutilité de l’opération.
    • Ensuite, la solidarité est écartée pour les achats à tempérament ainsi que pour les emprunts, à moins précise l’alinéa 3 de l’article 220 du Code civil qu’ils ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage.
  • L’autonomie mobilière
    • L’article 222 du Code civil prévoit que « si l’un des époux se présente seul pour faire un acte d’administration, de jouissance ou de disposition sur un bien meuble qu’il détient individuellement, il est réputé, à l’égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul cet acte.»
    • Cette disposition institue ainsi une présomption irréfragable de pouvoir au bénéfice de chaque époux s’agissant des actes (administration, disposition et jouissance) portant sur un bien meuble, à l’exception de ceux garnissant le logement familial et ceux strictement attachés à la personne de son détenteur, tels que les outils de travail ou encore le linge à usage personnel.
    • Il s’agit ici de protéger les tiers de bonne foi, en ce sens qu’ils sont dispensés de vérifier les pouvoirs de l’époux avec lequel ils contractent.
    • Si, autrement dit, un époux accomplit un acte en dépassement de son pouvoir, cet acte demeurera valable et ne pourra donc pas être remis en cause par le conjoint lésé.
    • Ce dernier pourra, tout au plus, engager la responsabilité de son conjoint qui a agi au préjudice de ses droits
  • L’autonomie professionnelle
    • L’article 223 du Code civil prévoit que « chaque époux peut librement exercer une profession, percevoir ses gains et salaires et en disposer après s’être acquitté des charges du mariage. »
    • En application de cette disposition les époux jouissent ainsi d’une autonomie professionnelle.
    • Cette autonomie implique pour eux le droit :
      • D’une part, d’exercer la profession de leur choix
      • D’autre part, de percevoir leurs gains et salaires, soit l’ensemble des revenus issus de leur activité professionnelle
      • Enfin, de disposer librement de leurs gains et salaires
    • La liberté professionnelle dont jouit chaque époux est limitée par la seule obligation de contribution aux charges du mariage.
    • En dehors de cette obligation, l’autonomie que leur confère la loi vise à faire obstacle à toute immixtion du conjoint dans l’exercice et la gestion de l’activité professionnelle de l’autre.
  • L’autonomie bancaire
    • L’article 221 du Code civil prévoit que « chacun des époux peut se faire ouvrir, sans le consentement de l’autre, tout compte de dépôt et tout compte de titres en son nom personnel. »
    • Ainsi, les époux sont-ils libres d’ouvrir, à titre individuel, un compte bancaire, sans que le consentement de l’autre ne soit requis.
    • Afin de renforcer ce droit à l’ouverture d’un compte bancaire, l’alinéa 2 du texte précise que « à l’égard du dépositaire, le déposant est toujours réputé, même après la dissolution du mariage, avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt. »
    • Cela signifie que, non seulement, les époux sont autorisés à se faire ouvrir, en toute autonomie, un compte bancaire, mais encore qu’ils jouissent de la faculté de leur faire fonctionner.
    • Il est ainsi fait interdiction au banquier d’exiger le consentement du conjoint pour exécuter l’ordre qui lui a été adressé par le titulaire du compte.
    • Ce dernier est réputé être investi du pouvoir d’accomplir toute opération sur son compte personnel
    • La présomption de pouvoir posée par le texte est ici irréfragable, de sorte que, en cas de dépassement de pouvoir par le titulaire du compte tel que l’encaissement de fonds qui ne lui appartiennent pas, le banquier n’engage pas sa responsabilité.
  • L’autonomie patrimoniale
    • L’article 225 du Code civil prévoit que « chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels. »
    • Cette disposition confère ainsi à chaque époux, non seulement la gestion exclusive de ses biens propres, mais encore le pouvoir de les engager
    • Il en résulte que la clause dite « d’unité d’administration » par laquelle un époux se verrait investi du pouvoir de gérer les biens de son conjoint est prohibée.
    • Tout au plus, en application de l’article 218 du Code civil « un époux peut donner mandat à l’autre de le représenter dans l’exercice des pouvoirs que le régime matrimonial lui attribue. »
    • Seule exception à la règle posée à l’article 225 du Code civil, lorsque le logement familial appartient en propre à un époux, c’est le principe de la cogestion qui s’applique, soit l’exigence pour le propriétaire du bien affecté à l’usage de la famille de recueillir le consentement de son conjoint pour accomplir un acte de disposition.

==> Les effets relatifs aux situations de crise

Le couple est susceptible de rencontrer des difficultés qui peuvent aller du simple désaccord à l’impossibilité pour un époux d’exprimer sa volonté.

Afin de permettre au couple de surmonter ces difficultés, le législateur a mis en place plusieurs dispositifs de règles énoncés aux articles 217, 219 et 220-1 du Code civil.

Parmi ces dispositifs qui visent à régler les situations de crise traversées par le couple on compte, l’autorisation judiciaire, la représentation judiciaire et la sauvegarde judiciaire.

  • L’autorisation judiciaire ( 217 C. civ.)
    • L’article 217, al. 1er du Code civil prévoit que « un époux peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire, si celui-ci est hors d’état de manifester sa volonté ou si son refus n’est pas justifié par l’intérêt de la famille. »
    • La règle ainsi posée vise à permettre à un époux d’accomplir seul un acte qui, en situation normale, relève de la cogestion, soit dont l’accomplissement est subordonné à l’accord des deux époux.
    • Afin de surmonter la crise traversée par le couple, le juge peut autoriser l’accomplissement de cet acte par un seul époux.
    • Une autorisation peut, nous dit le texte, être sollicitée dans deux situations bien distinctes :
      • Soit l’un des époux est dans l’impossibilité d’exprimer sa volonté
      • Soit l’un des époux refuser d’accomplir l’acte, alors même que ce refus n’est pas justifié par l’intérêt de la famille
    • L’alinéa 2 de l’article 217 du Code civil précise que « l’acte passé dans les conditions fixées par l’autorisation de justice est opposable à l’époux dont le concours ou le consentement a fait défaut, sans qu’il en résulte à sa charge aucune obligation personnelle. »
    • Autrement dit, si l’autorisation du juge rend valable l’acte accompli par un seul époux alors que relevant de la cogestion, le conjoint qui n’a pas donné son consentement n’est pas engagé par cet acte.
    • L’acte lui demeure toutefois opposable, ce qui signifie qu’il ne pourra pas le remettre en cause.
  • La représentation judiciaire ( 219 C. civ.)
    • L’article 219 du Code civil prévoit que « si l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d’une manière générale, ou pour certains actes particuliers, dans l’exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et l’étendue de cette représentation étant fixées par le juge. »
    • Il s’agit ici de permettre à un époux de représenter son conjoint qui se retrouve dans l’incapacité d’exprimer sa volonté.
    • À la différence de l’autorisation judiciaire qui n’engage pas l’époux qui n’a pas consenti à l’acte, la représentation judiciaire autorise un époux à agir au nom et pour le compte de son conjoint.
    • L’acte accomplit engage donc personnellement ce denier qui est réputé avoir accompli l’acte.
    • Ce mécanisme n’est autre qu’une application des règles mandat, à la différence que sa mise en place procède, non pas d’un échange des consentements entre le mandant et le mandataire, mais d’une décision du juge.
    • À cet égard, la représentation judiciaire est subordonnée à l’établissement de l’empêchement du conjoint représenté.
    • Cet empêchement peut résulter, tout aussi bien, d’un état de santé qui affecte l’expression de la volonté du conjoint représenté que de son éloignement géographique.
    • Quant à l’étendue du pouvoir de l’époux qui est investi du pouvoir de représentation, il dépend du régime matrimonial applicable.
    • Cela signifie que pourront être accomplis tout autant des actes qui relèvent de la cogestion que ceux qui relèvent de la gestion exclusive.
    • Par ailleurs, il est indifférent que l’acte accompli soit un acte d’administration ou de disposition. Le texte vise les actes de toute nature.
  • La sauvegarde judiciaire ( 220-1 C. civ.)
    • L’article 220-1 du Code civil prévoit que « si l’un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts. »
    • Il ressort de cette disposition que, en cas de manquement grave d’un époux à ses obligations et devoirs son conjoint peut saisir le juge aux fins de restreindre ses pouvoirs.
    • Par grave, il faut entendre un manquement qui met en péril les intérêts de la famille.
    • Lorsque cette condition est remplie, le juge pourra prononcer toute mesure urgente visant à empêcher à ce qu’il soit porté atteinte à l’intérêt de la famille.
    • L’alinéa 2 du texte précise qu’il peut s’agir d’interdire à un époux de faire, sans le consentement de l’autre, des actes de disposition sur ses propres biens ou sur ceux de la communauté, meubles ou immeubles.
    • Il peut aussi interdire le déplacement des meubles et plus généralement de tout acte d’administration et de disposition.
    • La liste n’étant pas exhaustive, il peut encore être demandé par un époux la nomination d’un administrateur qui aura pour mission de régler la situation de crise, à tout le moins d’accomplir tous les actes utiles visant à permettre le fonctionnement du ménage.
    • En tout état de cause, les mesures de sauvegarde prononcées par le juge ont nécessairement un caractère temporaire puisqu’elles sont limitées à trois.
    • Si la difficulté persiste au-delà de ce délai, il appartiendra au couple d’en tirer toutes les conséquences en engageant, par exemple, une procédure de divorce ou de séparation de corps.

[1] F. Terré, op. préc., n°325, p. 299.

[2] Ph. Malaurie et H. Fulchiron, op. préc., n°106, p. 53.

[3] En vertu de l’article 1088 du Code civil « toute donation faite en faveur du mariage sera caduque si le mariage ne s’ensuit pas ».

[4] L’article 515-8 du Code civil dispose que « le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ».

[5] Si, le législateur a inséré une définition du concubinage dans le Code civil c’est surtout pour mettre fin à la position de la Cour de cassation qui, de façon constante, refusait de qualifier l’union de deux personnes de même sexe de concubinage (Cass. soc., 11 juill. 1989, deux arrêts : Gaz. Pal. 1990, 1, p. 217, concl. Dorwling-Carter ; JCP G 1990, II, 21553, note Meunier ; Cass. Civ. 3e, 17 décembre 1997 : D. 1998, jurispr. p. 111, concl. J.-F. Weber et note J.-L. Aubert ; JCP G 1998, II, 10093, note A. Djigo).

[6] Cass. 1re civ., 19 mars 1991 : Defrénois 1991, p. 942, obs. J. Massip ; Cass. 1re civ., 17 oct. 2000 : Dr. famille 2000, comm. 139, note B. Beignier.

[7] En matière fiscale, pour ce qui concerne l’assiette de l’ISF, les concubins sont assimilés à des époux. Il en va de même en matière de protection sociale où le concubin est considéré comme un ayant du droit de celui qui bénéficie de l’affiliation à la sécurité sociale.

[8] P. Simler et P. Hilt, « Le nouveau visage du Pacs : un quasi -mariage », JCP G, 2006, 1, p. 161.

[9] Article 515-1.

L’ouverture d’un compte bancaire: régime juridique

§1: Qu’est-ce qu’un compte bancaire ?

==> Notion

Un compte bancaire, qualifié encore de compte de dépôt, de compte à vue, de compte chèque ou encore de compte courant est un instrument permettant de déposer des fonds et d’effectuer des opérations financières.

Ces opérations peuvent être réalisées au guichet de l’agence bancaire ou au moyen d’instruments de paiement (chèque, carte bancaire etc.).

Le fonctionnement du compte de dépôt est régi par une convention de compte conclue lors de l’entrée en relation.

Outre les clauses sipulées dans cette convention, l’ouverture d’un compte bancaire obéit à plusieurs règles.

==> Les variétés de comptes bancaires

  • Le compte individuel
    • Le compte individuel est celui qui, par hypothèse, n’est détenu que par une seule personne.
    • Il en résulte que les obligations attachées au fonctionnement de ce type de compte incombent à son seul titulaire.
    • Celui-ci sera notamment seul responsable des incidents de paiement et des découverts bancaires non-autorisés
  • Le compte joint
    • Le compte joint est en compte collectif, en ce qu’il est détenu par plusieurs personnes.
    • Il se caractérise par la situation de ses cotitulaires qui exercent les mêmes droits sur l’intégralité des fonds inscrits en compte, tout autant qu’ils sont solidairement responsables des obligations souscrites.
    • En cas de solde débiteur du compte, l’établissement bancaire peut ainsi réclamer à chacun d’eux, pris individuellement, le paiement de la totalité de la dette.
    • Inversement, chaque cotitulaire est en droit d’exiger du banquier la restitution de la totalité des fonds déposés
    • L’ouverture d’un compte joint est le fait, le plus souvent, des personnes mariées, pacsées ou vivant en concubinage qui l’utilisent aux fins d’accomplir les opérations relatives à l’entretien du ménage.
  • Le compte indivis
    • À l’instar du compte joint, le compte indivis est un compte collectif, en ce qu’il est détenu par plusieurs personnes.
    • La similitude entre les deux comptes s’arrête là : à la différence du compte joint, le compte indivis ne peut fonctionner sans l’accord unanime des cotitulaires.
    • Autrement dit, aucune opération ne peut être accomplie sur ce compte, sans que le banquier ait recueilli, au préalable, le consentement de chacun d’eux.
    • Outre l’exigence d’unanimité, les cotitulaires n’ont de droit sur les fonds inscrits en compte que dans la limite de leur part et portion.
    • Enfin, ces derniers ne sont tenus qu’à une obligation conjointe envers le banquier.
    • Cela signifie qu’en cas de solde débiteur, celui-ci devra actionner en paiement chaque cotitulaire du compte à concurrence de la quote-part qu’il détient dans l’indivision.
    • On observe toutefois que les conventions de compte prévoient, la plupart du temps, une solidarité passive entre cotitulaires : chacun d’eux peut alors être actionné en paiement pour le tout.
    • En pratique, l’ouverture d’un compte indivis procède de la transformation d’un compte joint consécutivement au décès de l’un de ses cotitulaires.

§2: La liberté du banquier d’entrer en relation

==> Énoncé du principe

Il est, en principe, fait interdiction aux commerçants, dans leurs relations avec les consommateurs, de refuser la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf à justifier  d’un motif légitime (art. L. 121-11 C. conso).

Cette interdiction n’est toutefois pas applicable au banquier. La convention de compte qui le lie à son client est conclue en considération de la seule personne de ce dernier (intuitu personæ). L’offre de service ne s’adresse pas à tout public.

Le banquier est donc libre d’ouvrir ou de refuser d’ouvrir un compte bancaire (art. L. 312-1, II CMF). Il est par exemple autorisé à refuser d’accéder à la demande d’un client s’il considère que son profil ne répond pas aux critères d’entrée en relation fixés par son établissement.

==> Cas du refus d’ouverture d’un compte bancaire

En cas de refus d’ouvrir un compte bancaire, plusieurs obligations pèsent sur le banquier :

  1. Obligation, lorsque l’établissement bancaire oppose un refus à une demande écrite d’ouverture de compte de dépôt de fournir gratuitement une copie de la décision de refus au demandeur sur support papier et sur un autre support durable lorsque celui-ci en fait la demande expresse.
  2. Obligation de fournir au demandeur gratuitement, sur support papier, et sur un autre support durable lorsque celui-ci en fait la demande expresse, les motifs du refus d’ouverture d’un compte bancaire en mentionnant, le cas échéant, la procédure de droit au compte
  3. Obligation de fourniture au demandeur systématiquement, gratuitement et sans délai, sur support papier, et sur un autre support durable lorsque celui-ci en fait la demande expresse, une attestation de refus d’ouverture de compte
  4. Obligation d’information de l’intéressé qu’il peut demander à la Banque de France de lui désigner un établissement de crédit pour lui ouvrir un compte (Voir Fiche droit au compte).
  5. Obligation de proposer, s’il s’agit d’une personne physique, d’agir en son nom et pour son compte en transmettant la demande de désignation d’un établissement de crédit à la Banque de France ainsi que les informations requises pour l’ouverture du compte.

==> Limites à la liberté du banquier

La liberté du banquier d’accepter ou de refuser l’ouverture d’un compte bancaire est assortie de deux limites :

  • Désignation par la Banque de France au titre du droit au compte
    • En effet, en application de l’article L. 312-1, III du CMF, l’établissement bancaire désigné par la banque de France a l’obligation d’offrir gratuitement au demandeur du droit au compte des services bancaires de base.
    • Il est indifférent que le bénéficiaire soit inscrit :
      • Ou sur le fichier des interdits bancaires (FCC)
      • Ou sur le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP)
    • L’ouverture d’un compte de dépôt doit intervenir dans les trois jours ouvrés à compter de la réception de l’ensemble des pièces nécessaires à cet effet.
  • Discrimination
    • Le refus opposé à un client d’accéder à sa demande d’ouverture d’un compte bancaire qui reposerait sur un motif discriminatoire est constitutif d’une faute tout autant civile, que pénale
    • À cet égard, l’article 225-1 du Code pénal prévoit notamment que « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée.»
    • Aussi, à situations égales, le banquier doit traiter les demandes d’ouverture de compte de la même manière.
    • Ce n’est que si les situations des demandeurs sont différentes, qu’il est autorisé à leur appliquer un traitement différencié.

§3: L’ouverture du compte de dépôt

I) Qui peut ouvrir un compte bancaire ?

L’ouverture d’un compte bancaire s’analyse en la conclusion d’un contrat. Pour accomplir cette opération, il est donc nécessaire de disposer de la capacité juridique de contracter.

S’agissant de l’exercice de cette capacité aux fins d’ouvrir un compte bancaire, il y a lieu de distinguer selon que le client est une personne physique ou une personne morale.

A) Les personnes physiques

La possibilité pour une personne physique de solliciter l’ouverture d’un compte bancaire dépend de l’étendue de sa capacité juridique.

  1. Les majeurs

1.1 Les majeurs non soumis à un régime de protection

==> Énoncé du principe

Les majeurs non soumis à un régime de protection (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice ou mandat de protection future) jouissent de la pleine capacité juridique (art. 414 C. civ.).

Dans ces conditions, ils sont autorisés à solliciter, l’ouverture d’un compte bancaire, étant précisé que la majorité est fixée à dix-huit ans accomplis.

==> Altération des facultés mentales

Une personne peut parfaitement être dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération de ses facultés mentales ou physiques et, pour autant, ne faire l’objet d’aucune mesure de protection.

Si, en pareille hypothèse, cette personne dispose de la pleine capacité juridique pour solliciter, seule, l’ouverture d’un compte bancaire. Reste que l’acte ainsi accompli encourt la nullité s’il est démontré que son auteur était sous l’emprise d’un trouble mental au moment de l’acte (art. 414-1 C. civ.)

1.2 Les majeurs soumis à un régime de protection

Lorsqu’un majeur est soumis à un régime de protection, il y a lieu de distinguer selon que l’ouverture du compte bancaire est effectuée par le majeur protégé ou par son protecteur.

a) L’ouverture du compte par le majeur protégé

Une personne majeure peut faire l’objet de plusieurs mesures de protection : la sauvegarde de justice, la curatelle, la tutelle et le mandat de protection future.

==> La personne sous sauvegarde de justice

  • Principe
    • La personne sous sauvegarde de justice conserve sa pleine de capacité juridique ( 435, al. 1er C. civ.)
    • Il en résulte qu’elle est, par principe, autorisée à se faire ouvrir, seule, un compte bancaire
  • Exception
    • La personne sous sauvegarde de justice ne peut, à peine de nullité, faire un acte pour lequel un mandataire spécial a été désigné ( 435 C. civ.).
    • Lorsque l’ouverture d’un compte bancaire relève des actes pour lesquels le juge a exigé une représentation, la personne sous sauvegarde de justice ne pourra pas ouvrir, seule, un compte bancaire
    • Elle devra se faire représenter par le mandataire désigné dans la décision rendue

==> La personne sous curatelle

Les personnes sous curatelles ne peuvent, sans l’assistance du curateur, faire aucun acte qui, en cas de tutelle, requerrait une autorisation du juge ou du conseil de famille.

S’agissant de l’ouverture d’un compte bancaire, il convient de distinguer deux situations :

  • La personne sous curatelle ne dispose pas de compte bancaire
    • Dans cette hypothèse, la personne sous curatelle peut solliciter, seule, l’ouverture d’un compte bancaire ( 467, al. 1).
    • L’assistance du curateur sera néanmoins requise pour la réalisation d’opérations bancaires (réception et emploi de fonds).
  • La personne sous curatelle dispose déjà d’un compte bancaire
    • Dans cette hypothèse, l’ouverture d’un nouveau compte bancaire s’apparente en un acte de disposition ( 427 C. civ.)
    • Dès lors, la personne sous curatelle devra se faire assister par son curateur
    • L’assistance du curateur se manifeste par l’apposition de sa signature à côté de celle de la personne protégée ( 467, al. 2e C. civ.)

==> La personne sous tutelle

  • Principe
    • Une personne sous tutelle est, à l’instar du mineur, frappée d’une incapacité d’exercice générale.
    • Aussi, le tuteur la représente dans tous les actes de la vie civile (art. 473 C. civ.)
    • S’agissant de l’ouverture d’un compte bancaire, une personne sous tutelle doit nécessairement se faire représenter
  • Exception
    • Le juge peut, dans le jugement d’ouverture ou ultérieurement, énumérer certains actes que la personne en tutelle aura la capacité de faire seule ou avec l’assistance du tuteur ( 474 C. civ.).
    • Il est ainsi permis au juge d’autoriser la personne sous tutelle à ouvrir seule un compte bancaire en fixant, par exemple, une limite pour la réalisation d’opérations

==> La personne sous mandat de protection future

Toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une habilitation familiale peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter lorsqu’elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté (art. 477 C. civ.)

Il appartient donc au mandant de déterminer les actes pour lesquelles elle entend se faire représenter lorsqu’elle la mesure de protection sera activée.

L’ouverture d’un compte bancaire peut parfaitement figurer au nombre de ces actes, à la condition néanmoins que cette opération soit expressément visée dans le mandat, lequel doit nécessairement être établi par écrit (par acte notarié ou par acte sous seing privé).

==> La personne sous habilitation familiale

La personne sous habilitation familiale est celle qui se trouve dans l’incapacité d’exprimer sa volonté en raison d’une altération, médicalement constatée soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles (art. 494-1 C. civ.).

Un proche de sa famille (ascendant, descendant, frère ou sœur, conjoint, partenaire ou concubin) est alors désigné par le juge afin d’assurer la sauvegarde de ses intérêts.

L’habilitation peut être générale ou ne porter que sur certains actes visés spécifiquement par le juge des tutelles dans sa décision (art. 494-6 C. civ.).

S’agissant de l’ouverture d’un compte bancaire, si l’habilitation familiale est générale, la personne protégée devra nécessairement se faire représenter.

Si l’habilitation familiale est seulement spéciale, le majeur protégé ne pourra formuler une demande auprès du banquier qu’à la condition que cet acte ne relève pas du pouvoir de son protecteur.

b) L’ouverture du compte par le protecteur

Il y a lieu ici de distinguer selon que la personne protégée possède ou non un compte bancaire

==> La personne protégée dispose déjà d’un compte bancaire

  • Principe
    • Dans cette hypothèse, il est fait interdiction au protecteur de procéder à l’ouverture d’un autre compte ou livret auprès d’un nouvel établissement habilité à recevoir des fonds du public ( 427, al. 1 C. civ.)
  • Exceptions
    • Le juge des tutelles ou le conseil de famille s’il a été constitué peut toutefois l’y autoriser si l’intérêt de la personne protégée le commande ( 427, al. 2 C. civ.).
    • Lorsque la personne protégée est sous habilitation familiale, le protecteur est investi des pouvoirs les plus étendus pour ouvrir plusieurs autres bancaires au nom et pour le compte du majeur protégé ( 494-7 C. civ.)

==> La personne protégée ne dispose pas de compte bancaire

Dans cette hypothèse, la personne chargée de la mesure de protection peut ouvrir un compte bancaire au bénéfice du majeur protégé (art. 427, al. 4 C. civ.).

Les opérations bancaires d’encaissement, de paiement et de gestion patrimoniale effectuées au nom et pour le compte de la personne protégée devront être réalisées exclusivement au moyen des comptes ouverts au nom de celle-ci (art. 427, al. 5 C. civ.).

1.3 Les majeurs mariés ou pacsés

Chacun des époux ou des partenaires peut se faire ouvrir, sans le consentement de l’autre, tout compte de dépôt et tout compte de titres en son nom personnel (art. 221 C. civ.)

Il est donc fait interdiction au banquier de refuser l’ouverture d’un compte bancaire à une personne au motif qu’elle ne justifierait pas de l’accord de son conjoint ou de son partenaire.

Cette règle est issue de la grande loi n° 65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux.

2. Les mineurs

2.1 Les mineurs non émancipés

==> Principe

Frappé d’une incapacité d’exercice générale, le mineur non émancipé n’est, par principe, pas autorisé à solliciter, seul, l’ouverture d’un compte bancaire.

Dans ces conditions, il devra se faire représenter pour accomplir cette démarche. Plusieurs situations doivent alors être distinguées :

  • Le mineur est placé sous l’administration légale de ses deux parents
    • Lorsque le mineur ne dispose pas de compte bancaire, chacun des deux parents dispose du pouvoir de lui en ouvrir un sans le consentement de l’autre ( 382-1 et C. civ.)
    • Lorsque le mineur dispose déjà d’un compte bancaire, l’ouverture d’un autre compte bancaire ne pourra se faire qu’avec le consentement des deux parents ( 382-1 C. civ.)
  • Le mineur est placé sous l’administration légale d’un seul parent
    • Il est ici indifférent que le mineur dispose déjà d’un compte bancaire, l’administrateur légal unique est investi des pouvoirs les plus larges en la matière.
    • Il est tout autant autorisé à ouvrir un premier compte bancaire au mineur qu’à lui en ouvrir un autre s’il en possède déjà un.
  • Le mineur est placé sous tutelle
    • Lorsque le mineur ne dispose pas de compte bancaire, le tuteur peut formuler, seul, une demande auprès du banquier ( 504 C. civ.)
    • Lorsque le mineur dispose déjà d’un compte bancaire, l’ouverture d’un autre compte bancaire ne pourra se faire qu’avec le consentement du Conseil de famille ou à défaut par le Juge des tutelles ( 505 C. civ.)

==> Exceptions

  • Ouverture d’un Livret A
    • Les mineurs sont admis à se faire ouvrir des livrets A sans l’intervention de leur représentant légal ( L. 221-3 CMF).
    • Ils peuvent retirer, sans cette intervention, les sommes figurant sur les livrets ainsi ouverts, mais seulement après l’âge de seize ans révolus et sauf opposition de la part de leur représentant légal.
  • Ouverture d’un Livret jeune
    • À l’instar du Livret lorsque le mineur est âgé de moins de seize ans, l’autorisation de son représentant légal n’est requise que pour les opérations de retrait.
    • Lorsque le mineur est âgé de seize à dix-huit ans, il est autorisé à procéder lui-même à ces opérations à moins que son représentant légal ne s’y oppose.

2.2 Les mineurs émancipés

Le mineur émancipé est capable, comme un majeur, de tous les actes de la vie civile (art. 413-6 C. civ.).

Il en résulte qu’il est autorisé à solliciter l’ouverture d’un compte bancaire, sans obtenir, au préalable, le consentement de ses représentants légaux (parents ou tuteur).

S’agissant de l’ouverture d’un compte bancaire à des fins commerciales, le mineur émancipé peut être commerçant sur autorisation du juge des tutelles au moment de la décision d’émancipation et du président du tribunal judiciaire s’il formule cette demande après avoir été émancipé (art. 413-8 C. civ.).

Aussi, appartient-il au banquier de vérifier que le mineur émancipé est autorisé à endosser le statut de commerçant avant d’accéder à sa demande d’ouverture d’un compte professionnel.

B) Les personnes morales

==> Les groupements dotés de la personnalité morale

Les groupements dotés de la personnalité morale disposent de la capacité juridique de contracter dans la limite de leur objet social (sociétés, association, coopératives, syndicats etc.).

À cet égard, ils sont autorisés à être titulaire d’un compte bancaire dont l’ouverture se fera par l’entremise de leur représentant légal.

S’agissant des sociétés, elles acquièrent la personnalité morale à compter de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés.

==> Les groupements non dotés de la personnalité morale

Les groupements sans personnalité morale ne disposent pas de la capacité juridique. Ils ne peuvent donc pas être titulaires d’un compte bancaire.

Tel sera notamment le cas des sociétés en participation ou des sociétés créées de fait qui ne font l’objet d’aucune immatriculation.

Tout au plus, le gérant de ce type de société pourra solliciter l’ouverture d’un compte bancaire en son nom propre qu’il affectera à l’exploitation du groupement qu’il dirige.

==> Les sociétés en cours de formation

Bien que non encore dotées de la personnalité morale, il est admis que les sociétés en formation puissent être titulaires d’un compte bancaire.

L’acte d’ouverture du compte a vocation à être repris au moment de l’immatriculation de la société. À défaut de reprise, son auteur sera seul tenu envers l’établissement bancaire aux obligations souscrites.

C) Les personnes qui font l’objet d’une procédure collective

==> Les personnes qui font l’objet d’une procédure de sauvegarde

  • Les actes accomplis au cours de la période d’observation
    • Principe
      • Il est de principe que les actes de gestion de l’entreprise relèvent toujours du pouvoir de son dirigeant qui n’est pas dessaisi ( L. 622-1 C. com.).
      • Il en résulte qu’il est autoriser à solliciter seul l’ouverture d’un compte bancaire et à le faire fonctionner.
    • Exceptions
      • D’une part, le Tribunal peut exiger, à tout moment, l’assistance de l’administrateur pour l’accomplissement de certains actes au nombre desquels sont susceptibles de figurer l’ouverture et le fonctionnement de comptes bancaires.
      • D’autre part, lorsque le débiteur fait l’objet d’une interdiction bancaire, il appartient au seul administrateur de faire fonctionner sous sa signature les comptes bancaires ou postaux
  • Les actes accomplis au cours de l’exécution du plan de sauvegarde
    • Durant la phase d’exécution du plan de sauvegarde, le débiteur n’est plus assisté par l’administrateur.
    • Dès lors, plus aucune restriction ne peut donc lui être imposée quant à l’ouverture ou au fonctionnement de ses comptes bancaires.

==> Les personnes qui font l’objet d’une procédure de redressement judiciaire

  • Les actes accomplis au cours de la période d’observation
    • Principe
      • En application de l’article L. 631-12 du Code de commerce, la mission de l’administrateur est fixée par le Tribunal.
      • Plus précisément, il appartient au juge de charger l’administrateur d’assister le débiteur pour tous les actes relatifs à la gestion ou certains d’entre eux, ou d’assurer seuls, entièrement ou en partie, l’administration de l’entreprise.
      • Ainsi, l’exigence d’assistance du débiteur par l’administrateur s’agissant de l’ouverture et le fonctionnement de comptes bancaires n’est pas systématique : elle dépend des termes du jugement d’ouverture.
      • En matière de redressement judiciaire, le débiteur peut donc être représenté pour la plupart des actes d’administration de l’entreprise, tout autant qu’il peut ne faire l’objet que d’une simple surveillance.
      • À cet égard, lorsque le ou les administrateurs sont chargés d’assurer seuls et entièrement l’administration de l’entreprise et que chacun des seuils mentionnés au quatrième alinéa de l’article L. 621-4 est atteint (3 millions d’euros et 20 salariés), le tribunal désigne un ou plusieurs experts aux fins de les assister dans leur mission de gestion.
    • Exceptions
      • D’une part, à tout moment, le tribunal peut modifier la mission de l’administrateur, ce qui implique qu’il peut décider d’exiger son assistance pour la gestion des comptes bancaires, comme il peut, au contraire, lever la mesure.
      • D’autre part, à l’instar de la procédure de sauvegarde, lorsque le débiteur fait l’objet d’une interdiction bancaire, il appartient au seul administrateur de faire fonctionner sous sa signature les comptes bancaires ou postaux ( L. 632-12, al. 5 C. com)
  • Les actes accomplis au cours de l’exécution du plan de redressement
    • Comme en matière de procédure de sauvegarde, durant la phase d’exécution du plan de redressement, le débiteur n’est plus assisté par l’administrateur.
    • Dès lors, plus aucune restriction ne peut donc lui être imposée quant à l’ouverture ou au fonctionnement de ses comptes bancaires.

==> Les personnes qui font l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire

En matière de liquidation judiciaire, l’article L. 641-9 du Code de commerce prévoit que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée.

Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

Il résulte de ce texte que seul le liquidateur est investi du pouvoir de faire fonctionner les comptes bancaires dont est titulaire le débiteur.

L’article R. 641-37 du Code de commerce précise néanmoins que :

  • En cas d’absence de mantien de l’activité
    • Le liquidateur peut faire fonctionner sous sa signature les comptes bancaires du débiteur pendant un délai de six mois à compter du jugement prononçant la liquidation ou, au-delà, pendant la durée du maintien de l’activité autorisée par le tribunal en application de l’article L. 641-10.
    • L’utilisation ultérieure de ces comptes est alors subordonnée à l’autorisation du Juge-commissaire délivrée après avis du ministère public.
  • En cas de maintien de l’activité
    • La règle énoncée à l’article R. 641-37 du Code de commerce s’applique à l’administrateur, lorsqu’il en a été désigné.
    • Il ne pourra donc faire fonctionner les comptes du débiteur sous sa signature que durant un délai de six mois.
    • À l’expiration de ce délai, il devra obtenir l’autorisation du Juge-commissaire

§4: L’obligation d’information du banquier

I) Obligation générale d’information

En application de l’article R. 312-1 du CMF, les établissements de crédit sont tenus de mettre à disposition de leur clientèle et du public les conditions générales relatives aux opérations qu’ils effectuent.

Par « conditions générales », il faut entendre la tarification appliquée par la banque en contrepartie des prestations fournies aux clients.

Le texte précise que, en cas d’ouverture d’un compte, l’établissement bancaire doit fournir à ses clients, sur support papier ou sur un autre support durable, les conditions d’utilisation du compte, le prix des différents services auxquels il donne accès et les engagements réciproques de l’établissement et du client.

L’obligation d’information est ici générale, dans la mesure où elle s’applique pour l’ouverture de n’importe quel type de compte.

II) Obligation d’information spécifique à l’ouverture d’un compte de dépôt

Préalablement à l’ouverture d’un compte bancaire, l’information qui doit être communiquée par le banquier à la clientèle porte sur deux choses distinctes :

  • La tarification des prestations fournies par la banque
  • Les conditions générales d’utilisation du compte de dépôt

A) Sur la tarification des prestations fournies par la banque

 L’article L. 312-1-1 du CMF dispose que les établissements de crédit sont tenus de mettre à la disposition, sur support papier ou sur un autre support durable, de leur clientèle et du public les conditions générales et tarifaires applicables aux opérations relatives à la gestion d’un compte de dépôt.

L’exécution de cette obligation se fait au moyen de trois sortes de documents dont les modalités de présentation et de mise à disposition sont prévues par des textes réglementaires.

  • La brochure tarifaire
    • Elle comporte l’intégralité des tarifs se rapportant aux prestations fournies par la banque
    • Elle doit être accessible sur le site internet de la banque et être fournie gratuitement, sur support papier ou sur un autre support durable, à tout consommateur qui en fait la demande.
  • La plaquette tarifaire
    • Présentation formelle
      • À la différence de la brochure tarifaire, la plaquette tarifaire ne comporte pas tous les tarifs, mais seulement les principaux, soit ceux qui se rapportent aux prestations les plus communément fournies.
      • Édictée par la Fédération bancaire française en janvier 2019 dans le cadre des engagements de la profession bancaire du 21 septembre 2010 à la suite du rapport Pauget Constans sur la tarification bancaire, elle se compose d’un sommaire type et d’un extrait standard des tarifs.
      • Plus précisément cet extrait tarifaire reprend les dénominations de la liste nationale des services les plus représentatifs rattachés à un compte de paiement et leur ordre, tels que précisés au A du I de l’article D 312-1-1 du CMF, modifié par le décret n° 2018-774 du 5 septembre 2018.
    • Mise à disposition
      • La mise à disposition de la plaquette tarifaire est régie par l’arrêté du 5 septembre 2018 qui prévoit que l’information de la clientèle et du public sur les prix des produits et services liés à la gestion d’un compte de dépôt ou d’un compte de paiement tenu par un établissement de paiement est mise à disposition
        • D’une part, sous forme électronique sur le site internet de l’établissement
        • D’autre part, en libre-service dans les locaux de réception du public, sur support papier ou sur un autre support durable, de manière permanente, constante, visible, lisible et aisément accessible.
  • Le document d’information tarifaire
    • Consécration
      • Depuis 31 juillet 2019, les établissements bancaires ont l’obligation de mettre à la disposition du public un nouveau document, intitulé, document d’information tarifaire.
      • Ce document est prévu par le règlement d’exécution (UE) 2018/34 de la commission du 28 septembre 2017 définissant des normes techniques d’exécution en ce qui concerne les règles de présentation normalisées pour le document d’information tarifaire et son symbole commun, conformément à la directive 2014/92/UE du Parlement européen et du Conseil.
      • L’objectif poursuivi par le législateur est, en imposant la mise à disposition de ce document par les banques, d’informer les consommateurs avant la conclusion d’un contrat relatif à un compte de paiement afin de leur permettre de comparer différentes offres de comptes de paiement.
      • Ainsi, ce document d’information tarifaire est commun à toutes les banques qui doivent respecter les mêmes règles de présentation et de mise à disposition.
    • Présentation
      • Tout d’abord, le document d’information tarifaire doit, dans son intitulé, se signaler comme tel
      • Ensuite, il doit reprendre le symbole commun qui figurera sur les documents d’information tarifaire de tous les établissements bancaire.
      • Par ailleurs, ce document doit comporter le nom du prestataire du compte, l’intitulé du compte, la date à laquelle le prestataire a procédé à la dernière mise à jour
      • En outre, les tarifs doivent être présentés sous forme de tableau intitulé « services et tarifs ».
      • À l’instar de l’extrait standard des tarifs, ce tableau doit reprendre les dénominations de la liste nationale des services les plus représentatifs rattachés à un compte de paiement et leur ordre, tels que précisés au A du I de l’article D 312-1-1 du CMF.
      • Enfin, il doit préciser, et c’est là une différence avec l’extrait tarifaire, les offres groupées de service proposées par l’établissement bancaire
    • Mise à disposition
      • L’article 1 de l’arrêté du 5 septembre 2018 prévoit que celui-ci doit être mis à disposition :
        • D’une part, sous forme électronique sur le site internet de l’établissement,
        • D’autre part, en libre-service dans les locaux de réception du public, sur support papier ou sur un autre support durable, de manière permanente, constante, visible, lisible et aisément accessible.
      • Par ailleurs, il doit être fourni gratuitement, sur support papier ou sur un autre support durable, à tout consommateur qui en fait la demande.
      • Il est également fourni, sur support papier ou sur un autre support durable, avant la conclusion d’un contrat relatif à un compte de dépôt ou un compte de paiement.

B) Les conditions générales d’utilisation du compte de dépôt

En application de l’article L. 312-1-1 du CMF, avant toute régularisation de convention de compte, l’établissement de crédit doit fournir au client les conditions générales d’utilisation sur support papier ou sur un autre support durable.

Le texte précise que l’établissement de crédit peut s’acquitter de cette obligation en fournissant au client une copie du projet de convention de compte de dépôt.

Si, à la demande du client, cette convention est conclue par un moyen de communication à distance ne permettant pas à l’établissement de crédit de se conformer à cette obligation de communication des conditions générales, il doit y satisfaire aussitôt après la conclusion de la convention de compte de dépôt.

§5: La convention de compte

À titre de remarque liminaire, il peut être observé que la convention de compte de compte conclue entre un établissement bancaire et son client s’analyse en un contrat d’adhésion.

Pour mémoire, le contrat d’adhésion est celui qui « comporte un ensemble de clauses non négociables , déterminées à l’avance par l’une des parties ».

Aussi, dans le contrat d’adhésion l’une des parties impose sa volonté à son cocontractant, sans que celui-ci soit en mesure de négocier les stipulations contractuelles qui lui sont présentées

Le contrat d’adhésion est valable dès lors que la partie qui « adhère » au contrat, y a librement consenti et que le contrat satisfait à toutes les exigences prescrites par la loi (capacité, objet, contrepartie).

Le contrat d’adhésion, par opposition au contrat de gré à gré, présente deux particularités :

  • Première particularité
    • Conformément à l’article 1171 du Code civil, dans un contrat d’adhésion « toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. »
    • En matière de contrat d’adhésion, le juge dispose ainsi de la faculté d’écarter toute clause qu’il jugerait abusive, car créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties
    • Plusieurs critères sont retenus classiquement par la jurisprudence pour apprécier l’existence de ce déséquilibre :
      • L’absence de réciprocité
      • L’absence de contrepartie
      • Le caractère inhabituel de la clause
  • Seconde particularité
    • L’article 1190 du Code civil prévoit que, en cas de doute, le contrat d’adhésion s’interprète contre celui qui l’a proposé
    • Cette règle trouve la même justification que celle posée en matière d’interprétation des contrats de gré à gré
    • Pour mémoire, le contrat d’adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties ( 1110, al. 2 C. civ.)
    • Aussi, le rédacteur de ce type de contrat est réputé être en position de force rapport à son cocontractant
    • Afin de rétablir l’équilibre contractuel, il est par conséquent normal d’interpréter le contrat d’adhésion à la faveur de la partie présumée faible.

Au total, la convention de compte fait l’objet d’une attention particulière, tant de la part du législateur, que de la part du juge.

I) Exigence d’un écrit

==> Principe

 L’article L. 312-1-1 du CMF prévoit que la gestion d’un compte de dépôt des personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels est réglée par une convention écrite, sur support papier ou sur un autre support durable, passée entre le client et son établissement de crédit.

Issu de la loi n°2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (MURCEF), ce texte exige ainsi l’établissement d’une convention écrite entre le banquier et le client lors de l’ouverture d’un compte de dépôt (art. 312-1-1 CMF).

Cette exigence d’établissement d’un écrit est renforcée par :

  • Tout d’abord, l’obligation d’information portant sur les conditions de la convention dont l’exécution suppose la remise d’un support papier ou de tout autre support durable
  • Ensuite, l’obligation, en cas de conclusion à distance de la convention, de fourniture au client d’un exemplaire sur support papier ou sur tout autre support durable
  • Enfin, l’exigence de formalisation de l’acceptation du client par la signature du ou des titulaires du compte.

==> Domaine d’application

Le domaine d’application du principe d’exigence d’un écrit tient, d’une part, à la nature du compte ouvert par le client et, d’autre part, à la qualité du client.

  • S’agissant de la nature du compte
    • L’exigence de régularisation d’une convention écrite ne s’applique que pour les comptes de dépôt ( 312-1-1 CMF).
    • Il en résulte que les comptes courants ne sont pas soumis à cette exigence
  • S’agissant de la qualité du titulaire
    • L’exigence d’établissement d’une convention écrite ne s’applique qu’aux seules personnes physiques peu importe qu’elles agissent ou non pour des besoins professionnels ( L. 312-1-1 et L. 312-1-6 CMF)
    • On peut en déduire que lorsque le client est une personne morale, l’écrit n’est pas exigé : la convention peut être le produit d’un accord oral ou tacite

==> Forme de l’écrit

 Si la régularisation d’une convention écrite est exigée pour l’ouverture d’un compte de dépôt, il est indifférent que cet écrit soit sous forme papier ou sous forme électronique.

En effet, en application de l’article 1174 du Code civil, lorsqu’un écrit est exigé pour la validité d’un contrat, il peut être établi et conservé sous forme électronique.

Au surplus, l’article L. 312-1-1 du CMF octroie au client la faculté de solliciter la conclusion de la convention de compte de dépôt par un moyen de communication à distance.

Rien n’interdit donc à l’établissement bancaire de proposer à ses clients l’ouverture de comptes de dépôt à distance.

II) Contenu de la convention

L’article L. 312-1-1 du CMF dispose que les principales stipulations que la convention de compte de dépôt doit comporter, notamment les conditions générales et tarifaires d’ouverture, de fonctionnement et de clôture, sont précisées par un arrêté du ministre chargé de l’économie.

La convention de compte doit donc comporter un certain nombre de mentions obligatoires, lesquelles sont énoncées pour les personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels par l’arrêté du 29 juillet 2009 et pour les personnes physiques agissant pour des besoins professionnels par l’arrêté du 1er septembre 2014.

==> Mentions exigées dans la convention conclue avec une personne physique n’agissant pas pour des besoins professionnels

Conformément à l’arrêté du 29 juillet 2009, au nombre des mentions qui doivent figurer dans la convention de compte conclue par une personne physique n’agissant par pour des besoins professionnels on recense notamment :

  • Le nom du prestataire de services de paiement, l’adresse de son siège social ou de son administration centrale et, le cas échéant, l’adresse de son agent ou de sa succursale, et toutes les autres adresses, y compris l’adresse de courrier électronique, à prendre en compte pour la communication avec le prestataire de services de paiement ;
  • Une description des principales caractéristiques du service de paiement à fournir ;
  • Les modalités de procuration, la portée d’une procuration et les conditions et conséquences de sa révocation ;
  • Le sort du compte de paiement au décès du ou de l’un des titulaires du compte de paiement
  • Tous les frais payables par l’utilisateur de services de paiement au prestataire de services de paiement et, le cas échéant, le détail de ces frais ;
  • Le cas échéant, les taux d’intérêt et de change à appliquer ou, si des taux d’intérêt et de change de référence doivent être utilisés, la méthode de calcul du taux d’intérêt à appliquer ainsi que la date retenue et l’indice ou la base pour déterminer le taux d’intérêt ou de change de référence ;
  • Les finalités des traitements de données mis en œuvre par le prestataire de services de paiement, les destinataires des informations, le droit de s’opposer à un traitement des données à des fins de prospection commerciale ainsi que les modalités d’exercice du droit d’accès aux informations concernant le client, conformément aux lois en vigueur ;
  • Le délai et les modalités selon lesquels l’utilisateur de services de paiement doit informer le prestataire de services de paiement des opérations de paiement non autorisées, incorrectement initiées ou mal exécutées, conformément à l’article L. 133-24 du même code ;
  • La responsabilité du prestataire de services de paiement en matière d’opérations de paiement non autorisées, conformément à l’article L. 133-18 du même code ;
  • La responsabilité du prestataire de services de paiement liée à l’initiation ou à l’exécution d’opérations de paiement, conformément à l’article L. 133-22 du même code ;
  • Le fait que l’utilisateur de services de paiement est réputé avoir accepté la modification des conditions conformément au II de l’article L. 312-1-1 ou au III de l’article L. 314-13 du code monétaire et financier, à moins d’avoir notifié au prestataire de services de paiement son refus de celle-ci avant la date proposée pour l’entrée en vigueur de cette modification ;
  • La durée du contrat ;
  • Le droit de l’utilisateur de services de paiement de résilier le contrat et les modalités de cette résiliation, conformément aux IV et V de l’article L. 312-1-1 ou aux IV et V de l’article L. 314-13 du même code ;
  • Les modalités de fonctionnement et de clôture d’un compte de paiement joint ;
  • Les voies de réclamation et de recours extrajudiciaires ouvertes à l’utilisateur de services de paiement, notamment l’existence d’un médiateur pouvant être saisi gratuitement en cas de litige né de l’application de la convention de compte de dépôt ou du contrat-cadre de services de paiement ainsi que les modalités d’accès à ce médiateur, conformément à l’article L. 316-1 du code monétaire et financier. ;

==> Mentions exigées dans la convention conclue avec une personne physique agissant pour des besoins professionnels

Conformément à l’arrêté du 1er septembre 2014, au nombre des mentions qui doivent figurer dans la convention de compte conclue par une personne physique n’agissant par pour des besoins professionnels on recense notamment :

  • Les coordonnées de l’établissement de crédit : son nom, l’adresse de son siège social ou de son administration centrale et, le cas échéant, l’adresse de son agent ou de sa succursale, et toutes les autres adresses, y compris l’adresse de courrier électronique, à prendre en compte pour la communication avec l’établissement de crédit.
  • Les modalités de souscription de la convention ;
  • Les conditions d’accès au compte de dépôt et les conditions d’ouverture de ce compte ;
  • Les modalités de fonctionnement du compte de dépôt et le cas échéant les différents comptes de dépôt pouvant être ouverts par le client ;
  • Les différents services offerts au client et leurs principales caractéristiques, le fonctionnement des moyens de paiement associés au compte le cas échéant, y compris par renvoi à des conventions spécifiques ;
  • Le délai maximal d’exécution des ordres de paiement ;
  • Les modalités d’opposition ou de contestation aux moyens de paiement associés au compte le cas échéant ;
  • Les modalités de procuration, de transfert ou de clôture du compte ;
  • Lorsqu’un compte de dépôt est ouvert par un établissement de crédit désigné par la Banque de France en application de l’article L. 312-1 du code monétaire et financier, la fourniture gratuite de l’ensemble des produits et services énumérés à l’article D. 312-5 du code monétaire et financier relatif aux services bancaires de base.
  • Les modalités de communication entre le client et l’établissement de crédit ;
  • Les obligations de confidentialité à la charge de l’établissement de crédit.
  • La durée de la convention ;
  • Les conditions de modification de la convention de compte et de clôture du compte ;
  • Le droit du contrat applicable, juridiction compétente, voies de réclamation et de recours ;
  • Lorsqu’un dispositif de médiation est prévu, modalités de saisine du médiateur compétent dont relève l’établissement de crédit ;
  • Les coordonnées et l’adresse de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

==> Signature de la convention

Outre les mentions exigées dans la convention de compte, l’article L. 312-1-1, II du CMF précise que l’acceptation de la convention de compte de dépôt est formalisée par la signature du ou des titulaires du compte.

En application de l’article L. 351-1, le défaut de signature est sanctionné par une amende fiscale de 75 euros.

Cette amende est prononcée et recouvrée suivant les règles applicables à la taxe sur la valeur ajoutée. Le contentieux est suivi par l’administration qui a constaté l’infraction.

III) Modification de la convention

==> Principe

En application de l’article L. 312-1-1 du CMF, les établissements bancaires sont autorisés à modifier unilatéralement la convention de compte conclue avec leur clientèle.

Les modifications ainsi apportées à la convention s’imposeront aux clients, y compris s’il s’agit :

  • Soit de modifier la tarification appliquée
  • Soit d’inclure de nouvelles prestations de services donnant lieu à une rémunération non envisagée au jour de la signature de la convention

La modification de la convention de compte, si elle est à la discrétion du banquier, ne peut s’opérer sans l’observation d’un certain formalisme.

==> Formalisme

Plusieurs obligations pèsent sur le banquier en cas de modification de la convention de compte :

  • Obligation de communiquer le projet de modification de la convention
    • L’article L. 312-1-1 du CMF prévoit que tout projet de modification de la convention de compte de dépôt est fourni sur support papier ou sur un autre support durable au client
    • Cette communication peut donc s’opérer soit au moyen d’un support papier, soit par voie électronique si le client a accepté l’utilisation de ce canal de communication
  • Obligation d’observer un délai de prévenance de deux mois
    • Le projet de modification de la communication doit être communiqué au plus tard deux mois avant la date d’application envisagée
    • Ce délai vise à permettre au client de se déterminer quant à la suite à donner à sa relation avec l’établissement bancaire
  • Obligation d’informer le client sur les options dont il dispose
    • Le banquier doit informer son client :
      • D’une part qu’il est réputé avoir accepté la modification s’il ne lui a pas notifié, avant la date d’entrée en vigueur proposée de cette modification, qu’il ne l’acceptait pas
      • D’autre part, que s’il refuse la modification proposée, il peut résilier la convention de compte de dépôt sans frais, avant la date d’entrée en vigueur proposée de la modification.

À toutes fins utiles, il convient d’observer que ce formalisme est prescrit pour la modification des seules conventions de compte de dépôt.

Lorsque la convention est relative à un compte courant où à des instruments financiers, l’établissement bancaire n’est pas tenu de satisfaire à ces exigences de forme (Cass. com. 6 juill. 2010, n°09-70544).

Pour les comptes de dépôt, l’inobservation du formalisme prévu par l’article L. 312-1-1 du CMF est sanctionné par une amende de 1.500 euros, outre les sanctions disciplinaires susceptibles d’être prononcées à l’endroit de l’établissement bancaire pris en défaut par l’ACPR.

                            Aurélien Bamdé                                Maître Stéphanie Baudry                                                                                              (Avocate – Walter & Garance)

Ouverture d’un compte bancaire: l’obligation d’information du banquier

Préalablement à l’ouverture d’un compte bancaire, l’information qui doit être communiquée par le banquier à la clientèle porte sur deux choses distinctes :

  • La tarification des prestations fournies par la banque
  • Les conditions générales d’utilisation du compte de dépôt

I) Sur la tarification des prestations fournies par la banque

 L’article L. 312-1-1 du CMF dispose que les établissements de crédit sont tenus de mettre à la disposition, sur support papier ou sur un autre support durable, de leur clientèle et du public les conditions générales et tarifaires applicables aux opérations relatives à la gestion d’un compte de dépôt.

L’exécution de cette obligation se fait au moyen de trois sortes de documents dont les modalités de présentation et de mise à disposition sont prévues par des textes réglementaires.

  • La brochure tarifaire
    • Elle comporte l’intégralité des tarifs se rapportant aux prestations fournies par la banque
    • Elle doit être accessible sur le site internet de la banque et être fournie gratuitement, sur support papier ou sur un autre support durable, à tout consommateur qui en fait la demande.
  • La plaquette tarifaire
    • Présentation formelle
      • À la différence de la brochure tarifaire, la plaquette tarifaire ne comporte pas tous les tarifs, mais seulement les principaux, soit ceux qui se rapportent aux prestations les plus communément fournies.
      • Édictée par la Fédération bancaire française en janvier 2019 dans le cadre des engagements de la profession bancaire du 21 septembre 2010 à la suite du rapport Pauget Constans sur la tarification bancaire, elle se compose d’un sommaire type et d’un extrait standard des tarifs.
      • Plus précisément cet extrait tarifaire reprend les dénominations de la liste nationale des services les plus représentatifs rattachés à un compte de paiement et leur ordre, tels que précisés au A du I de l’article D 312-1-1 du CMF, modifié par le décret n° 2018-774 du 5 septembre 2018.
    • Mise à disposition
      • La mise à disposition de la plaquette tarifaire est régie par l’arrêté du 5 septembre 2018 qui prévoit que l’information de la clientèle et du public sur les prix des produits et services liés à la gestion d’un compte de dépôt ou d’un compte de paiement tenu par un établissement de paiement est mise à disposition
        • D’une part, sous forme électronique sur le site internet de l’établissement
        • D’autre part, en libre-service dans les locaux de réception du public, sur support papier ou sur un autre support durable, de manière permanente, constante, visible, lisible et aisément accessible.
  • Le document d’information tarifaire
    • Consécration
      • Depuis 31 juillet 2019, les établissements bancaires ont l’obligation de mettre à la disposition du public un nouveau document, intitulé, document d’information tarifaire.
      • Ce document est prévu par le règlement d’exécution (UE) 2018/34 de la commission du 28 septembre 2017 définissant des normes techniques d’exécution en ce qui concerne les règles de présentation normalisées pour le document d’information tarifaire et son symbole commun, conformément à la directive 2014/92/UE du Parlement européen et du Conseil.
      • L’objectif poursuivi par le législateur est, en imposant la mise à disposition de ce document par les banques, d’informer les consommateurs avant la conclusion d’un contrat relatif à un compte de paiement afin de leur permettre de comparer différentes offres de comptes de paiement.
      • Ainsi, ce document d’information tarifaire est commun à toutes les banques qui doivent respecter les mêmes règles de présentation et de mise à disposition.
    • Présentation
      • Tout d’abord, le document d’information tarifaire doit, dans son intitulé, se signaler comme tel
      • Ensuite, il doit reprendre le symbole commun qui figurera sur les documents d’information tarifaire de tous les établissements bancaire.
      • Par ailleurs, ce document doit comporter le nom du prestataire du compte, l’intitulé du compte, la date à laquelle le prestataire a procédé à la dernière mise à jour
      • En outre, les tarifs doivent être présentés sous forme de tableau intitulé « services et tarifs ».
      • À l’instar de l’extrait standard des tarifs, ce tableau doit reprendre les dénominations de la liste nationale des services les plus représentatifs rattachés à un compte de paiement et leur ordre, tels que précisés au A du I de l’article D 312-1-1 du CMF.
      • Enfin, il doit préciser, et c’est là une différence avec l’extrait tarifaire, les offres groupées de service proposées par l’établissement bancaire
    • Mise à disposition
      • L’article 1 de l’arrêté du 5 septembre 2018 prévoit que celui-ci doit être mis à disposition :
        • D’une part, sous forme électronique sur le site internet de l’établissement,
        • D’autre part, en libre-service dans les locaux de réception du public, sur support papier ou sur un autre support durable, de manière permanente, constante, visible, lisible et aisément accessible.
      • Par ailleurs, il doit être fourni gratuitement, sur support papier ou sur un autre support durable, à tout consommateur qui en fait la demande.
      • Il est également fourni, sur support papier ou sur un autre support durable, avant la conclusion d’un contrat relatif à un compte de dépôt ou un compte de paiement.

II) Les conditions générales d’utilisation du compte de dépôt

En application de l’article L. 312-1-1 du CMF, avant toute régularisation de convention de compte, l’établissement de crédit doit fournir au client les conditions générales d’utilisation sur support papier ou sur un autre support durable.

Le texte précise que l’établissement de crédit peut s’acquitter de cette obligation en fournissant au client une copie du projet de convention de compte de dépôt.

Si, à la demande du client, cette convention est conclue par un moyen de communication à distance ne permettant pas à l’établissement de crédit de se conformer à cette obligation de communication des conditions générales, il doit y satisfaire aussitôt après la conclusion de la convention de compte de dépôt.

                            Aurélien Bamdé                                Maître Stéphanie Baudry                                                                                              (Avocate – Walter & Garance)

Les règles régissant l’ouverture d’un compte bancaire par une personne faisant l’objet d’une procédure collective: procédure de sauvegarde, redressement judiciaire et liquidation judiciaire

==> Les personnes qui font l’objet d’une procédure de sauvegarde

  • Les actes accomplis au cours de la période d’observation
    • Principe
      • Il est de principe que les actes de gestion de l’entreprise relèvent toujours du pouvoir de son dirigeant qui n’est pas dessaisi ( L. 622-1 C. com.).
      • Il en résulte qu’il est autoriser à solliciter seul l’ouverture d’un compte bancaire et à le faire fonctionner.
    • Exceptions
      • D’une part, le Tribunal peut exiger, à tout moment, l’assistance de l’administrateur pour l’accomplissement de certains actes au nombre desquels sont susceptibles de figurer l’ouverture et le fonctionnement de comptes bancaires.
      • D’autre part, lorsque le débiteur fait l’objet d’une interdiction bancaire, il appartient au seul administrateur de faire fonctionner sous sa signature les comptes bancaires ou postaux
  • Les actes accomplis au cours de l’exécution du plan de sauvegarde
    • Durant la phase d’exécution du plan de sauvegarde, le débiteur n’est plus assisté par l’administrateur.
    • Dès lors, plus aucune restriction ne peut donc lui être imposée quant à l’ouverture ou au fonctionnement de ses comptes bancaires.

==> Les personnes qui font l’objet d’une procédure de redressement judiciaire

  • Les actes accomplis au cours de la période d’observation
    • Principe
      • En application de l’article L. 631-12 du Code de commerce, la mission de l’administrateur est fixée par le Tribunal.
      • Plus précisément, il appartient au juge de charger l’administrateur d’assister le débiteur pour tous les actes relatifs à la gestion ou certains d’entre eux, ou d’assurer seuls, entièrement ou en partie, l’administration de l’entreprise.
      • Ainsi, l’exigence d’assistance du débiteur par l’administrateur s’agissant de l’ouverture et le fonctionnement de comptes bancaires n’est pas systématique : elle dépend des termes du jugement d’ouverture.
      • En matière de redressement judiciaire, le débiteur peut donc être représenté pour la plupart des actes d’administration de l’entreprise, tout autant qu’il peut ne faire l’objet que d’une simple surveillance.
      • À cet égard, lorsque le ou les administrateurs sont chargés d’assurer seuls et entièrement l’administration de l’entreprise et que chacun des seuils mentionnés au quatrième alinéa de l’article L. 621-4 est atteint (3 millions d’euros et 20 salariés), le tribunal désigne un ou plusieurs experts aux fins de les assister dans leur mission de gestion.
    • Exceptions
      • D’une part, à tout moment, le tribunal peut modifier la mission de l’administrateur, ce qui implique qu’il peut décider d’exiger son assistance pour la gestion des comptes bancaires, comme il peut, au contraire, lever la mesure.
      • D’autre part, à l’instar de la procédure de sauvegarde, lorsque le débiteur fait l’objet d’une interdiction bancaire, il appartient au seul administrateur de faire fonctionner sous sa signature les comptes bancaires ou postaux ( L. 632-12, al. 5 C. com)
  • Les actes accomplis au cours de l’exécution du plan de redressement
    • Comme en matière de procédure de sauvegarde, durant la phase d’exécution du plan de redressement, le débiteur n’est plus assisté par l’administrateur.
    • Dès lors, plus aucune restriction ne peut donc lui être imposée quant à l’ouverture ou au fonctionnement de ses comptes bancaires.

==> Les personnes qui font l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire

En matière de liquidation judiciaire, l’article L. 641-9 du Code de commerce prévoit que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée.

Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

Il résulte de ce texte que seul le liquidateur est investi du pouvoir de faire fonctionner les comptes bancaires dont est titulaire le débiteur.

L’article R. 641-37 du Code de commerce précise néanmoins que :

  • En cas d’absence de mantien de l’activité
    • Le liquidateur peut faire fonctionner sous sa signature les comptes bancaires du débiteur pendant un délai de six mois à compter du jugement prononçant la liquidation ou, au-delà, pendant la durée du maintien de l’activité autorisée par le tribunal en application de l’article L. 641-10.
    • L’utilisation ultérieure de ces comptes est alors subordonnée à l’autorisation du Juge-commissaire délivrée après avis du ministère public.
  • En cas de maintien de l’activité
    • La règle énoncée à l’article R. 641-37 du Code de commerce s’applique à l’administrateur, lorsqu’il en a été désigné.
    • Il ne pourra donc faire fonctionner les comptes du débiteur sous sa signature que durant un délai de six mois.
    • À l’expiration de ce délai, il devra obtenir l’autorisation du Juge-commissaire

                            Aurélien Bamdé                                Maître Stéphanie Baudry                                                                                              (Avocate – Walter & Garance)

Les règles régissant l’ouverture d’un compte bancaire par un mineur

L’ouverture d’un compte bancaire s’analyse en la conclusion d’un contrat. Pour accomplir cette opération, il est donc nécessaire de disposer de la capacité juridique de contracter.

S’agissant des mineurs, s’ils sont, par principe, frappés d’une incapacité générale d’exercice, il est fait exception à ce principe en cas d’émancipation.

I) Les mineurs non émancipés

==> Principe

Frappé d’une incapacité d’exercice générale, le mineur non émancipé n’est, par principe, pas autorisé à solliciter, seul, l’ouverture d’un compte bancaire.

Dans ces conditions, il devra se faire représenter pour accomplir cette démarche. Plusieurs situations doivent alors être distinguées :

  • Le mineur est placé sous l’administration légale de ses deux parents
    • Lorsque le mineur ne dispose pas de compte bancaire, chacun des deux parents dispose du pouvoir de lui en ouvrir un sans le consentement de l’autre ( 382-1 et C. civ.)
    • Lorsque le mineur dispose déjà d’un compte bancaire, l’ouverture d’un autre compte bancaire ne pourra se faire qu’avec le consentement des deux parents ( 382-1 C. civ.)
  • Le mineur est placé sous l’administration légale d’un seul parent
    • Il est ici indifférent que le mineur dispose déjà d’un compte bancaire, l’administrateur légal unique est investi des pouvoirs les plus larges en la matière.
    • Il est tout autant autorisé à ouvrir un premier compte bancaire au mineur qu’à lui en ouvrir un autre s’il en possède déjà un.
  • Le mineur est placé sous tutelle
    • Lorsque le mineur ne dispose pas de compte bancaire, le tuteur peut formuler, seul, une demande auprès du banquier ( 504 C. civ.)
    • Lorsque le mineur dispose déjà d’un compte bancaire, l’ouverture d’un autre compte bancaire ne pourra se faire qu’avec le consentement du Conseil de famille ou à défaut par le Juge des tutelles ( 505 C. civ.)

==> Exceptions

  • Ouverture d’un Livret A
    • Les mineurs sont admis à se faire ouvrir des livrets A sans l’intervention de leur représentant légal ( L. 221-3 CMF).
    • Ils peuvent retirer, sans cette intervention, les sommes figurant sur les livrets ainsi ouverts, mais seulement après l’âge de seize ans révolus et sauf opposition de la part de leur représentant légal.
  • Ouverture d’un Livret jeune
    • À l’instar du Livret lorsque le mineur est âgé de moins de seize ans, l’autorisation de son représentant légal n’est requise que pour les opérations de retrait.
    • Lorsque le mineur est âgé de seize à dix-huit ans, il est autorisé à procéder lui-même à ces opérations à moins que son représentant légal ne s’y oppose.

II) Les mineurs émancipés

Le mineur émancipé est capable, comme un majeur, de tous les actes de la vie civile (art. 413-6 C. civ.).

Il en résulte qu’il est autorisé à solliciter l’ouverture d’un compte bancaire, sans obtenir, au préalable, le consentement de ses représentants légaux (parents ou tuteur).

S’agissant de l’ouverture d’un compte bancaire à des fins commerciales, le mineur émancipé peut être commerçant sur autorisation du juge des tutelles au moment de la décision d’émancipation et du président du tribunal judiciaire s’il formule cette demande après avoir été émancipé (art. 413-8 C. civ.).

Aussi, appartient-il au banquier de vérifier que le mineur émancipé est autorisé à endosser le statut de commerçant avant d’accéder à sa demande d’ouverture d’un compte professionnel.

                            Aurélien Bamdé                                Maître Stéphanie Baudry                                                                                              (Avocate – Walter & Garance)

Les règles régissant l’ouverture d’un compte bancaire par un majeur protégé (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, mandat de protection future)

L’ouverture d’un compte bancaire s’analyse en la conclusion d’un contrat. Pour accomplir cette opération, il est donc nécessaire de disposer de la capacité juridique de contracter.

Lorsqu’un majeur est soumis à un régime de protection, il y a lieu de distinguer selon que l’ouverture du compte bancaire est effectuée par le majeur protégé ou par son protecteur.

I) L’ouverture du compte par le majeur protégé

Une personne majeure peut faire l’objet de plusieurs mesures de protection : la sauvegarde de justice, la curatelle, la tutelle et le mandat de protection future

==> La personne sous sauvegarde de justice

  • Principe
    • La personne sous sauvegarde de justice conserve sa pleine de capacité juridique ( 435, al. 1er C. civ.)
    • Il en résulte qu’elle est, par principe, autorisée à se faire ouvrir, seule, un compte bancaire
  • Exception
    • La personne sous sauvegarde de justice ne peut, à peine de nullité, faire un acte pour lequel un mandataire spécial a été désigné ( 435 C. civ.).
    • Lorsque l’ouverture d’un compte bancaire relève des actes pour lesquels le juge a exigé une représentation, la personne sous sauvegarde de justice ne pourra pas ouvrir, seule, un compte bancaire
    • Elle devra se faire représenter par le mandataire désigné dans la décision rendue

==> La personne sous curatelle

Les personnes sous curatelles ne peuvent, sans l’assistance du curateur, faire aucun acte qui, en cas de tutelle, requerrait une autorisation du juge ou du conseil de famille.

S’agissant de l’ouverture d’un compte bancaire, il convient de distinguer deux situations :

  • La personne sous curatelle ne dispose pas de compte bancaire
    • Dans cette hypothèse, la personne sous curatelle peut solliciter, seule, l’ouverture d’un compte bancaire ( 467, al. 1).
    • L’assistance du curateur sera néanmoins requise pour la réalisation d’opérations bancaires (réception et emploi de fonds).
  • La personne sous curatelle dispose déjà d’un compte bancaire
    • Dans cette hypothèse, l’ouverture d’un nouveau compte bancaire s’apparente en un acte de disposition ( 427 C. civ.)
    • Dès lors, la personne sous curatelle devra se faire assister par son curateur
    • L’assistance du curateur se manifeste par l’apposition de sa signature à côté de celle de la personne protégée ( 467, al. 2e C. civ.)

==> La personne sous tutelle

  • Principe
    • Une personne sous tutelle est, à l’instar du mineur, frappée d’une incapacité d’exercice générale.
    • Aussi, le tuteur la représente dans tous les actes de la vie civile (art. 473 C. civ.)
    • S’agissant de l’ouverture d’un compte bancaire, une personne sous tutelle doit nécessairement se faire représenter
  • Exception
    • Le juge peut, dans le jugement d’ouverture ou ultérieurement, énumérer certains actes que la personne en tutelle aura la capacité de faire seule ou avec l’assistance du tuteur ( 474 C. civ.).
    • Il est ainsi permis au juge d’autoriser la personne sous tutelle à ouvrir seule un compte bancaire en fixant, par exemple, une limite pour la réalisation d’opérations

==> La personne sous mandat de protection future

Toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une habilitation familiale peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter lorsqu’elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté (art. 477 C. civ.)

Il appartient donc au mandant de déterminer les actes pour lesquelles elle entend se faire représenter lorsqu’elle la mesure de protection sera activée.

L’ouverture d’un compte bancaire peut parfaitement figurer au nombre de ces actes, à la condition néanmoins que cette opération soit expressément visée dans le mandat, lequel doit nécessairement être établi par écrit (par acte notarié ou par acte sous seing privé).

==> La personne sous habilitation familiale

La personne sous habilitation familiale est celle qui se trouve dans l’incapacité d’exprimer sa volonté en raison d’une altération, médicalement constatée soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles (art. 494-1 C. civ.).

Un proche de sa famille (ascendant, descendant, frère ou sœur, conjoint, partenaire ou concubin) est alors désigné par le juge afin d’assurer la sauvegarde de ses intérêts.

L’habilitation peut être générale ou ne porter que sur certains actes visés spécifiquement par le juge des tutelles dans sa décision (art. 494-6 C. civ.).

S’agissant de l’ouverture d’un compte bancaire, si l’habilitation familiale est générale, la personne protégée devra nécessairement se faire représenter.

Si l’habilitation familiale est seulement spéciale, le majeur protégé ne pourra formuler une demande auprès du banquier qu’à la condition que cet acte ne relève pas du pouvoir de son protecteur.

II) L’ouverture du compte par le protecteur

Il y a lieu ici de distinguer selon que la personne protégée possède ou non un compte bancaire

==> La personne protégée dispose déjà d’un compte bancaire

  • Principe
    • Dans cette hypothèse, il est fait interdiction au protecteur de procéder à l’ouverture d’un autre compte ou livret auprès d’un nouvel établissement habilité à recevoir des fonds du public ( 427, al. 1 C. civ.)
  • Exceptions
    • Le juge des tutelles ou le conseil de famille s’il a été constitué peut toutefois l’y autoriser si l’intérêt de la personne protégée le commande ( 427, al. 2 C. civ.).
    • Lorsque la personne protégée est sous habilitation familiale, le protecteur est investi des pouvoirs les plus étendus pour ouvrir plusieurs autres bancaires au nom et pour le compte du majeur protégé ( 494-7 C. civ.)

==> La personne protégée ne dispose pas de compte bancaire

Dans cette hypothèse, la personne chargée de la mesure de protection peut ouvrir un compte bancaire au bénéfice du majeur protégé (art. 427, al. 4 C. civ.).

Les opérations bancaires d’encaissement, de paiement et de gestion patrimoniale effectuées au nom et pour le compte de la personne protégée devront être réalisées exclusivement au moyen des comptes ouverts au nom de celle-ci (art. 427, al. 5 C. civ.).

                            Aurélien Bamdé                                Maître Stéphanie Baudry                                                                                              (Avocate – Walter & Garance)

Le banquier peut-il refuser d’accéder à une demande d’ouverture de compte bancaire?

==> Énoncé du principe

Il est, en principe, fait interdiction aux commerçants, dans leurs relations avec les consommateurs, de refuser la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf à justifier  d’un motif légitime (art. L. 121-11 C. conso).

Cette interdiction n’est toutefois pas applicable au banquier. La convention de compte qui le lie à son client est conclue en considération de la seule personne de ce dernier (intuitu personæ). L’offre de service ne s’adresse pas à tout public.

Le banquier est donc libre d’ouvrir ou de refuser d’ouvrir un compte bancaire (art. L. 312-1, II CMF). Il est par exemple autorisé à refuser d’accéder à la demande d’un client s’il considère que son profil ne répond pas aux critères d’entrée en relation fixés par son établissement.

==> Cas du refus d’ouverture d’un compte bancaire

En cas de refus d’ouvrir un compte bancaire, plusieurs obligations pèsent sur le banquier :

  1. Obligation, lorsque l’établissement bancaire oppose un refus à une demande écrite d’ouverture de compte de dépôt de fournir gratuitement une copie de la décision de refus au demandeur sur support papier et sur un autre support durable lorsque celui-ci en fait la demande expresse.
  2. Obligation de fournir au demandeur gratuitement, sur support papier, et sur un autre support durable lorsque celui-ci en fait la demande expresse, les motifs du refus d’ouverture d’un compte bancaire en mentionnant, le cas échéant, la procédure de droit au compte
  3. Obligation de fourniture au demandeur systématiquement, gratuitement et sans délai, sur support papier, et sur un autre support durable lorsque celui-ci en fait la demande expresse, une attestation de refus d’ouverture de compte
  4. Obligation d’information de l’intéressé qu’il peut demander à la Banque de France de lui désigner un établissement de crédit pour lui ouvrir un compte (Voir Fiche droit au compte).
  5. Obligation de proposer, s’il s’agit d’une personne physique, d’agir en son nom et pour son compte en transmettant la demande de désignation d’un établissement de crédit à la Banque de France ainsi que les informations requises pour l’ouverture du compte.

==> Limites à la liberté du banquier

La liberté du banquier d’accepter ou de refuser l’ouverture d’un compte bancaire est assortie de deux limites :

  • Désignation par la Banque de France au titre du droit au compte
    • En effet, en application de l’article L. 312-1, III du CMF, l’établissement bancaire désigné par la banque de France a l’obligation d’offrir gratuitement au demandeur du droit au compte des services bancaires de base.
    • Il est indifférent que le bénéficiaire soit inscrit :
      • Ou sur le fichier des interdits bancaires (FCC)
      • Ou sur le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP)
    • L’ouverture d’un compte de dépôt doit intervenir dans les trois jours ouvrés à compter de la réception de l’ensemble des pièces nécessaires à cet effet.
  • Discrimination
    • Le refus opposé à un client d’accéder à sa demande d’ouverture d’un compte bancaire qui reposerait sur un motif discriminatoire est constitutif d’une faute tout autant civile, que pénale
    • À cet égard, l’article 225-1 du Code pénal prévoit notamment que « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée.»
    • Aussi, à situations égales, le banquier doit traiter les demandes d’ouverture de compte de la même manière.
    • Ce n’est que si les situations des demandeurs sont différentes, qu’il est autorisé à leur appliquer un traitement différencié.

                             Aurélien Bamdé                                Maître Stéphanie Baudry                                                                                              (Avocate – Walter & Garance)