Les règles régissant l’ouverture d’un compte bancaire par un majeur protégé (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, mandat de protection future)

L’ouverture d’un compte bancaire s’analyse en la conclusion d’un contrat. Pour accomplir cette opération, il est donc nécessaire de disposer de la capacité juridique de contracter.

Lorsqu’un majeur est soumis à un régime de protection, il y a lieu de distinguer selon que l’ouverture du compte bancaire est effectuée par le majeur protégé ou par son protecteur.

I) L’ouverture du compte par le majeur protégé

Une personne majeure peut faire l’objet de plusieurs mesures de protection : la sauvegarde de justice, la curatelle, la tutelle et le mandat de protection future

==> La personne sous sauvegarde de justice

  • Principe
    • La personne sous sauvegarde de justice conserve sa pleine de capacité juridique ( 435, al. 1er C. civ.)
    • Il en résulte qu’elle est, par principe, autorisée à se faire ouvrir, seule, un compte bancaire
  • Exception
    • La personne sous sauvegarde de justice ne peut, à peine de nullité, faire un acte pour lequel un mandataire spécial a été désigné ( 435 C. civ.).
    • Lorsque l’ouverture d’un compte bancaire relève des actes pour lesquels le juge a exigé une représentation, la personne sous sauvegarde de justice ne pourra pas ouvrir, seule, un compte bancaire
    • Elle devra se faire représenter par le mandataire désigné dans la décision rendue

==> La personne sous curatelle

Les personnes sous curatelles ne peuvent, sans l’assistance du curateur, faire aucun acte qui, en cas de tutelle, requerrait une autorisation du juge ou du conseil de famille.

S’agissant de l’ouverture d’un compte bancaire, il convient de distinguer deux situations :

  • La personne sous curatelle ne dispose pas de compte bancaire
    • Dans cette hypothèse, la personne sous curatelle peut solliciter, seule, l’ouverture d’un compte bancaire ( 467, al. 1).
    • L’assistance du curateur sera néanmoins requise pour la réalisation d’opérations bancaires (réception et emploi de fonds).
  • La personne sous curatelle dispose déjà d’un compte bancaire
    • Dans cette hypothèse, l’ouverture d’un nouveau compte bancaire s’apparente en un acte de disposition ( 427 C. civ.)
    • Dès lors, la personne sous curatelle devra se faire assister par son curateur
    • L’assistance du curateur se manifeste par l’apposition de sa signature à côté de celle de la personne protégée ( 467, al. 2e C. civ.)

==> La personne sous tutelle

  • Principe
    • Une personne sous tutelle est, à l’instar du mineur, frappée d’une incapacité d’exercice générale.
    • Aussi, le tuteur la représente dans tous les actes de la vie civile (art. 473 C. civ.)
    • S’agissant de l’ouverture d’un compte bancaire, une personne sous tutelle doit nécessairement se faire représenter
  • Exception
    • Le juge peut, dans le jugement d’ouverture ou ultérieurement, énumérer certains actes que la personne en tutelle aura la capacité de faire seule ou avec l’assistance du tuteur ( 474 C. civ.).
    • Il est ainsi permis au juge d’autoriser la personne sous tutelle à ouvrir seule un compte bancaire en fixant, par exemple, une limite pour la réalisation d’opérations

==> La personne sous mandat de protection future

Toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une habilitation familiale peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter lorsqu’elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté (art. 477 C. civ.)

Il appartient donc au mandant de déterminer les actes pour lesquelles elle entend se faire représenter lorsqu’elle la mesure de protection sera activée.

L’ouverture d’un compte bancaire peut parfaitement figurer au nombre de ces actes, à la condition néanmoins que cette opération soit expressément visée dans le mandat, lequel doit nécessairement être établi par écrit (par acte notarié ou par acte sous seing privé).

==> La personne sous habilitation familiale

La personne sous habilitation familiale est celle qui se trouve dans l’incapacité d’exprimer sa volonté en raison d’une altération, médicalement constatée soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles (art. 494-1 C. civ.).

Un proche de sa famille (ascendant, descendant, frère ou sœur, conjoint, partenaire ou concubin) est alors désigné par le juge afin d’assurer la sauvegarde de ses intérêts.

L’habilitation peut être générale ou ne porter que sur certains actes visés spécifiquement par le juge des tutelles dans sa décision (art. 494-6 C. civ.).

S’agissant de l’ouverture d’un compte bancaire, si l’habilitation familiale est générale, la personne protégée devra nécessairement se faire représenter.

Si l’habilitation familiale est seulement spéciale, le majeur protégé ne pourra formuler une demande auprès du banquier qu’à la condition que cet acte ne relève pas du pouvoir de son protecteur.

II) L’ouverture du compte par le protecteur

Il y a lieu ici de distinguer selon que la personne protégée possède ou non un compte bancaire

==> La personne protégée dispose déjà d’un compte bancaire

  • Principe
    • Dans cette hypothèse, il est fait interdiction au protecteur de procéder à l’ouverture d’un autre compte ou livret auprès d’un nouvel établissement habilité à recevoir des fonds du public ( 427, al. 1 C. civ.)
  • Exceptions
    • Le juge des tutelles ou le conseil de famille s’il a été constitué peut toutefois l’y autoriser si l’intérêt de la personne protégée le commande ( 427, al. 2 C. civ.).
    • Lorsque la personne protégée est sous habilitation familiale, le protecteur est investi des pouvoirs les plus étendus pour ouvrir plusieurs autres bancaires au nom et pour le compte du majeur protégé ( 494-7 C. civ.)

==> La personne protégée ne dispose pas de compte bancaire

Dans cette hypothèse, la personne chargée de la mesure de protection peut ouvrir un compte bancaire au bénéfice du majeur protégé (art. 427, al. 4 C. civ.).

Les opérations bancaires d’encaissement, de paiement et de gestion patrimoniale effectuées au nom et pour le compte de la personne protégée devront être réalisées exclusivement au moyen des comptes ouverts au nom de celle-ci (art. 427, al. 5 C. civ.).

                            Aurélien Bamdé                                Maître Stéphanie Baudry                                                                                              (Avocate – Walter & Garance)