La procédure simplifiée de recouvrement des petites créances (art. L. 125-1 CPCE)

TEXTES

  • Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques
  • Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations
  • Décret n° 2016-285 du 9 mars 2016 relatif à la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances
  • Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
  • Décret n° 2019-992 du 26 septembre 2019 portant application des articles 14 et 15 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, et relatif à la procédure d’expulsion ainsi qu’au traitement des situations de surendettement
  • Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile

==> Vue générale

Pour obtenir le règlement d’une facture impayée deux options s’offrent au créancier :

  • Le recouvrement amiable
    • Soit gestion du recouvrement en interne
      • Avantages
        • Frais réduits à la portion congrue
        • Liberté d’action
        • S’effectue en dehors du cadre judiciaire
      • Inconvénients
        • Long: le succès de la négociation dépend du bon vouloir du débiteur
        • Inefficace: le créancier ne dispose d’aucun moyen de contrainte
    • Soit externalisation du recouvrement
      • Avantages
        • Recouvrement effectué par un professionnel du recouvrement
        • S’effectue en dehors du cadre judiciaire
      • Inconvénients
        • Onéreux, surtout en cas d’insolvabilité du débiteur
        • Long: le succès de la négociation dépend du bon vouloir du débiteur
        • Inefficace: le prestataire ne dispose d’aucun moyen de contrainte
  • Le recouvrement judiciaire
    • Soit assigner le débiteur en paiement (action en justice de droit commun)
      • Avantage:
        • Efficace: obtention d’un titre exécutoire
      • Inconvénients :
        • Long: délais de procédure, respect du contradictoire, expertises
        • Onéreux: coûts liés à un procès
    • Soit engager une procédure d’injonction de payer (procédure d’exception)
      • Avantages :
        • Rapide : procédure simplifiée
        • Efficace : obtention d’un titre exécutoire
        • Peu onéreux : limitée aux frais de rédaction et de signification d’actes
      • Inconvénients
        • Les mêmes que ceux de l’action de justice au fond en cas d’opposition du débiteur

Afin d’offrir une troisième voie aux entreprises dont la principale cause de défaillance résulte des créances impayées et des retards de paiement, le législateur a institué en 2015 la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances.

Issue de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques cette procédure vise donc à faciliter le règlement des factures impayées et à raccourcir les retards de paiement, en particulier ceux dont sont victimes les entreprises.

Parce qu’il s’agit d’une procédure de recouvrement dont la conduite est assurée par le seul huissier de justice en dehors de toute intervention d’un juge, il ne peut y être recouru pour des petites créances, soit celles dont le montant n’excède pas 5.000 euros.

==> La procédure simplifiée de recouvrement : avantages et inconvénients

Le recours à la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances présente tout autant des avantages que des inconvénients pour le créancier et le débiteur.

  • Pour le débiteur
    • Avantages
      • La procédure simplifiée lui confère la possibilité de discuter des modalités de règlement de sa dette en prévoyant des délais de paiement ou un échéancier.
      • Le débiteur ne supporte pas le coût de cette procédure, comme cela serait le cas en matière de procédure d’injonction de payer
    • Inconvénients
      • La procédure simplifiée est conduite par un huissier de justice en dehors de toute intervention du juge.
      • Or cet huissier est payé par le créancier ce qui n’est pas sans placer l’officier ministériel dans une situation de conflit d’intérêts
  • Pour le créancier
    • Avantages
      • La procédure simplifiée présente l’avantage pour le créancier de lui permettre d’obtenir, à moindres frais, un titre exécutoire en cas de conclusion d’un accord avec son débiteur
      • La mise en œuvre de cette procédure est bien moins lourde que la procédure d’injonction de payer qui suppose la saisine du juge.
      • Ici, seule l’intervention de l’huissier de justice est nécessaire
      • Enfin, le cours de la prescription est suspendu en cas d’acceptation de l’accord par le débiteur.
    • Inconvénients
      • L’obtention d’un titre exécutoire est subordonnée à l’accord du débiteur qui dispose donc de la faculté de faire échouer la procédure
      • Le coût de la procédure est supporté par le créancier
      • Il ne peut être recouru à cette procédure que pour des créances dont le montant n’excède pas 5.000 euros

==> Nature

La procédure simplifiée de recouvrement des petites créances présente cette particularité d’être à la croisée du recouvrement amiable et de la procédure participative.

  • Procédure de recouvrement amiable
    • La procédure simplifiée emprunte au recouvrement amiable, en ce qu’elle consiste à négocier avec le débiteur les modalités de règlement de sa dette.
    • Cette négociation est conduite par l’huissier de justice dont la mission a pour objet de faciliter la conclusion d’un accord.
    • Le caractère amiable de cette procédure se manifeste surtout dans le choix qui est laissé au débiteur d’accepter ou de refuser de trouver un accord.
    • S’il refuse, le créancier sera contraint de se tourner vers une autre procédure s’il souhaite recouvrer sa créance.
    • La bonne fin de cette procédure est ainsi subordonnée au bon vouloir du débiteur qui ne peut faire l’objet d’aucune injonction.
    • Aucun titre exécutoire ne pourra être émis contre lui par l’huissier de justice s’il n’y a pas consenti.
  • Procédure participative
    • Pour rappel, la procédure participative est une procédure de négociation entre les parties, conduite par leurs avocats, en vue de régler leur différend.
    • La loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires a introduit dans le Code de procédure civile la procédure participative, nouveau mode de résolution des conflits.
    • À cet égard, l’article 2062 du code civil, définit la convention de procédure participative comme « une convention par laquelle les parties à un différend s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige ».
    • Les parties qui signent ce type de convention s’engagent donc, pour une durée déterminée, à tout mettre en œuvre pour résoudre leur conflit.
    • Une fois conclue la convention est homologuée par un juge et devient, par voie de conséquence, un titre exécutoire.
    • La procédure simplifiée de recouvrement des petites créances s’inspire de cette procédure, en ce que l’objectif rechercher est la conclusion d’un accord qui donnera lui à l’octroi d’un titre exécutoire.
    • La seule différence, au fond, c’est que ce titre exécutoire est délivré, non pas par un juge, mais par un huissier de justice.

I) Les conditions de mise en œuvre de la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances

L’article L. 125-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances peut être mise en œuvre par un huissier de justice à la demande du créancier pour le paiement d’une créance ayant une cause contractuelle ou résultant d’une obligation de caractère statutaire et inférieure à un montant défini par décret en Conseil d’État. ».

Il ressort de cette disposition que pour que la procédure simplifiée soit mise en œuvre, la créance à recouvrer doit remplir plusieurs conditions.

En effet, il doit s’agir :

  • D’une part, d’une créance résultant d’une obligation contractuelle ou statutaire
  • D’autre part, d’une créance dont le montant n’excède pas un certain seuil

A) Une créance résultant d’une obligation contractuelle ou statutaire

  1. Une créance résultant d’une obligation contractuelle
  • Notion
    • Par créance contractuelle, il faut entendre toutes celles qui sont nées de la conclusion d’un contrat conformément à l’article 1101 du Code civil (contrat de vente, de bail, d’entreprise, de dépôt, de prêt, d’assurance, de caution etc.)
  • Exclusion
    • Les créances nées d’un quasi-contrat
      • Enrichissement injustifié
      • Répétition de l’indu
      • Gestion d’affaire
      • Engagement unilatéral
    • Les créances nées d’un délit ou d’un quasi-délit
      • Action en réparation d’un préjudice extracontractuel (Cass. com., 17 mars 1958 : JCP G 1958)
  • Caractères
    • Certaine : fondée et justifiée dans son principe
    • Liquide : déterminée quant à son montant (au regard des seules stipulations contractuelles)
    • Exigible : le délai de paiement est échu
  1. Une créance résultant d’une obligation statutaire
  • Notion
    • Il s’agit des créances dues au titre d’un statut légal dont l’adhésion est le plus souvent exigée dans le cadre de l’exercice d’une activité professionnelle (caisse de retraite, sécurité sociale)
  • Caractères
    • Certaine
    • Liquide
    • Exigible

B) Une créance dont le montant n’excède pas un certain seuil

Seules les créances d’un petit montant peuvent justifier le recours à la procédure simplifiée de recouvrement.

Initialement, ce montant avait été fixé à 4.000 euros. Le décret n°2019-1333 du 11 déc. 2019 a porté le seuil à 5.000 euros.

L’article R. 125-1 du Code des procédures civiles d’exécution précise que ce montant comprend la créance en principal et les intérêts.

En tout état de cause, la procédure simplifiée ne peut être mise en œuvre que pour une créance déterminée.

II) Le déroulement de la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances

A) La saisine de l’huissier de justice

==> Compétence

L’article L. 125-1 du CPCE confère à l’huissier de justice le monopole de la conduite de la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances.

Les huissiers de justice, qui peuvent déjà délivrer des titres exécutoires en cas de chèques impayés pour défaut de provisions, sont ainsi les seuls habilités à constater l’existence d’un accord entre le créancier et le débiteur sur le montant et les modalités de règlement de la créance et rendre celui-ci exécutoire dès lors que la créance est reconnue et acceptée par le débiteur.

L’article R. 125-1 du CPCE précise que « la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances prévue à l’article L. 125-1 peut-être mise en œuvre par un huissier de justice du ressort de la cour d’appel où le débiteur a son domicile ou sa résidence ».

Il faut donc que l’huissier de justice instrumentaire soit compétent territorialement pour intervenir. Il ne dispose pas, en la matière, d’une compétence nationale comme c’est le cas pour le recouvrement de créances impayées, les prisées et les ventes aux enchères publiques, les constations et les activités accessoires attachées.

==> Frais de procédure

L’article L. 125-1 du CPCE énonce que « les frais de toute nature qu’occasionne la procédure sont à la charge exclusive du créancier. »

L’objectif recherché ici est de favoriser le dialogue avec le débiteur qui ne doit pas être dissuadé de négocier avec son créancier pour des raisons qui tiennent au coût de la procédure.

C’est la raison pour laquelle ce coût est mis à la charge exclusive du créancier qui devra :

  • En cas de succès de la procédure
    • S’acquitter de frais d’établissement d’un titre exécutoire
    • Régler un émolument proportionnel au montant de la créance recouvrée
  • En cas d’échec de la procédure
    • Régler seulement les frais de dépôt de son dossier s’il a fait usage de la plateforme en ligne mise à la disposition par la Chambre nationale des huissiers

==> Prévention du conflit d’intérêts

Lorsqu’il a été envisagé de mettre en place une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, la commission des lois a soulevé une difficulté tenant à la position de l’huissier de justice qui, tout en étant rémunéré par le créancier pour conduire la procédure, serait susceptible de procéder à l’exécution forcée contre le débiteur sur la base du titre exécutoire qu’il aura lui-même délivré à son client.

Pour les parlementaires cette confusion de deux pouvoirs habituellement séparés serait de nature à créer une situation objective de conflit d’intérêts.

Aussi, a-t-il été décidé d’encadrer la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances par l’adoption de règles visant à prévenir les conflits d’intérêts.

Ces règles, issues du décret n°2016-285 du 9 mars 2016, sont au nombre de deux :

  • Première règle de prévention du conflit d’intérêts
    • À compter de l’envoi au débiteur de la ou du message transmis par voie électronique l’invitant à participer à la procédure simplifiée de recouvrement, l’article R. 125-7 du CPCE prévoit que, aucun paiement ne peut avoir lieu avant que l’huissier de justice n’ait constaté l’issue de la procédure.
    • Il s’agit ici de permettre au débiteur de décider, sans contrainte, de conclure un accord avec le créancier.
  • Seconde règle de prévention du conflit d’intérêts
    • L’article R. 125-8 du CPCE prévoit que « l’huissier ayant établi le titre exécutoire ne peut être chargé de la mise à exécution forcée du recouvrement de la créance qui en fait l’objet.»
    • Il est donc fait interdiction à l’huissier de justice qui a conduit la procédure simplifiée de recouvrement d’assurer l’exécution forcée de l’accord sur la base du titre exécutoire qu’il a délivré.

B) L’invitation du débiteur à participer à la procédure simplifiée

  • Une invitation à négocier
    • L’article L. 125-1 du CPCE prévoit que la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances s’engage par l’invitation du débiteur à participer à la procédure.
    • Cette invitation est adressée par l’huissier de justice pour le compte du créancier.
  • Forme de l’invitation
    • L’invitation peut être adressée au débiteur :
      • Soit par voie de lettre recommandée avec demande d’avis de réception
      • Soit par le biais d’un message transmis par voie électronique
  • Contenu de l’invitation
    • Le contenu de l’invitation à participer à la procédure est envisagé à l’article R. 125-2 du CPCE
    • Cette disposition prévoit, en effet, que l’invitation doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires.
    • Dans le détail, cette invitation doit :
      • Mentionner :
        • Le nom et l’adresse de l’huissier de justice mandaté pour mener la procédure ;
        • Le nom ou la dénomination sociale du créancier, son adresse ou son siège social ;
        • Le fondement et le montant de la somme due en principal et intérêts, en distinguant les différents éléments de la dette.
      • Reproduire les dispositions des articles L. 111-2, L. 111-3 et L. 125-1 du présent code et de l’article 2238 du code civil
      • Rappeler à son destinataire qu’il peut accepter ou refuser cette procédure
      • Indiquer que :
        • Son destinataire peut accepter ou refuser de participer à la procédure simplifiée de recouvrement ;
        • Si son destinataire accepte de participer à la procédure, il lui appartient de manifester son accord dans un délai d’un mois à compter de l’envoi de la lettre ou du message, soit par l’envoi d’un formulaire d’acceptation par courrier postal ou par voie électronique, soit par émargement de la lettre effectué le cas échéant par toute personne spécialement mandatée ;
        • Si son destinataire refuse de participer à la procédure, il peut manifester ce refus par la remise ou l’envoi d’un formulaire de refus ou par tout autre moyen ;
        • L’absence de réponse dans le délai d’un mois vaut refus implicite ;
        • En cas de refus exprès ou implicite, le créancier pourra saisir le juge afin d’obtenir un titre exécutoire.
  • Modèle de lettre et de formulaires
    • Le législateur a prévu un modèle de lettre type ainsi que des formulaires d’acceptation et de refus de la procédure simplifiée de recouvrement.
    • Ces modèles sont accessibles à l’article 3 de l’arrêté du 3 juin 2016.

C) L’ouverture d’un délai d’un mois

L’article L. 125-1 du CPCE prévoit que la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances doit se dérouler dans le délai d’un mois à compter de l’invitation adressée au débiteur.

Autrement dit, les négociations doivent avoir abouti dans ce délai, faute de quoi l’huissier de justice n’aura d’autre choix que de constater la fin de la procédure.

En effet, le délai ne peut pas faire l’objet d’aucune prorogation, y compris en cas d’accord du débiteur.

L’article R. 125-5, 2° du CPCE prévoit en ce sens que « la procédure simplifiée de recouvrement prend fin lorsque l’huissier de justice constate, par un écrit qui peut être établi sur support électronique […] l’expiration du délai d’un mois, à compter de l’envoi par l’huissier de justice de la lettre ou du message transmis par voie électronique invitant le débiteur à participer à la procédure, sans qu’un accord soit établi sur le montant et les modalités de paiement »

Si les parties ne sont pas parvenues à se mettre d’accord durant le délai d’un mois, il leur faudra recommencer la procédure.

D) Décision du débiteur

Deux alternatives se présentent au débiteur à réception de l’invitation à participer à la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances.

Il peut :

  • Soit accepter de participer à la procédure
  • Soit refuser de participer à la procédure

==> L’acceptation par le débiteur de participer à la procédure simplifiée de recouvrement

Le débiteur peut décider de participer à la procédure afin de discuter avec son créancier des modalités de règlements de sa dette.

Cette acceptation est encadrée par plusieurs règles.

  • Délai d’acceptation
    • Le débiteur dispose, en théorie, d’un délai d’un mois à compter de l’envoi de l’invitation pour accepter de participer à la procédure simplifiée de recouvrement.
    • En réalité ce délai est plus court dans la mesure où il faut prévoir le temps suffisant pour que les parties négocient et que l’huissier puisse éventuellement constater l’accord.
    • L’acceptation devra ainsi intervenir suffisamment tôt pour que la procédure puisse être menée à bien dans la limite du délai d’un mois.
  • Forme de l’acceptation
    • En application de l’article R. 125-2, 2° du CPCE le débiteur doit manifester son accord :
      • Soit par l’envoi d’un formulaire d’acceptation par courrier postal ou par voie électronique
      • Soit par émargement de la lettre effectué le cas échéant par toute personne spécialement mandatée
    • Lorsque le débiteur entend manifester son accord par voie électronique, il doit se rendre sur la plateforme électronique développée par la Chambre nationale des huissiers de justice accessible à partir de l’adresse : petitescreances.fr
    • Un identifiant et un mot de passe provisoires sont communiqués au débiteur, étant précisé que le premier accès par les parties au système emporte consentement de leur part de communiquer par voie électronique.
  • Constat de l’acceptation
    • En application de l’article R. 125-3 du CPCE, il appartient à l’huissier de justice de constater l’accord du destinataire de l’invitation pour participer à la procédure simplifiée de recouvrement.
    • L’intervention de l’huissier ne se limite pas à constater cet accord ; l’article R. 125-4 ajoute qu’il doit proposer « un accord sur le montant et les modalités du paiement ».
    • Cela implique qu’il devra, en amont, avoir pris ses instructions auprès du créancier, l’huissier ne pouvant agir que dans les limites de son mandat.

==> Le refus du débiteur de participer à la procédure simplifiée de recouvrement

Parce que la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances est avant tout une procédure amiable, le débiteur dispose de la faculté de refuser d’y participer.

L’huissier ne pourra, ni l’y contraindre, ni délivrer un titre exécutoire au créancier au motif que le refus du débiteur serait injustifié.

  • Forme du refus
    • Il ressort de l’article R. 125-2, 3° du CPCE que le refus de participer à la procédure simplifiée de recouvrement peut être exprès ou tacite.
      • Le refus exprès
        • Le débiteur peut manifester son refus par la remise ou l’envoi d’un formulaire de refus ou par tout autre moyen
      • Le refus implicite
        • Le texte prévoit que l’absence de réponse du débiteur à l’invitation dans le délai d’un mois vaut refus implicite de participer à la procédure simplifiée.
  • Constat du refus
    • En application de l’article R. 125-3 du CPCE, il appartient à l’huissier de justice de constater le refus du débiteur de participer à la procédure simplifiée de recouvrement.

E) Issue de la procédure

Toute la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances s’articule autour de l’acceptation par le débiteur de participer.

Cette procédure ne peut donc avoir que deux issues : échouer ou déboucher sur un accord.

==> L’accord des parties

L’accord conclu entre le débiteur et le créancier dans le délai d’un mois à compter de l’envoi du courrier d’invitation à participer à la procédure produit plusieurs effets :

  • Fin de la procédure
    • L’article R. 125-5, 4° du CPCE prévoit que « la procédure simplifiée de recouvrement prend fin lorsque l’huissier de justice constate, par un écrit qui peut être établi sur support électronique […] la conclusion d’un accord, dans le même délai, portant sur le montant et les modalités du paiement».
    • Il ressort de cette disposition que pour qu’il y ait accord, les parties doivent s’être entendues, non seulement sur le montant de la créance, mais encore sur les modalités de paiement.
    • En pareil cas, l’accord des parties est une cause d’extinction de la procédure qui doit être constatée par l’huissier de justice instrumentaire, soit par écrit, soit par support électronique.
  • Délivrance d’un titre exécutoire
    • L’article R. 125-6 du CPCE prévoit que « au vu de l’accord mentionné au 4o de l’article R. 125-5, l’huissier de justice délivre au créancier mandant un titre exécutoire qui récapitule les diligences effectuées en vue de la conclusion de cet accord. Une copie en est remise sans frais au débiteur. »
    • La conclusion d’un accord a ainsi pour effet d’autoriser l’huissier de justice à délivrer un titre exécutoire au créancier.
    • C’est là le principal intérêt de la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances.
    • Ce titre exécutoire va permettre au créancier d’obtenir l’exécution forcée de l’accord en cas de manquement par le débiteur à son engagement.
  • Exécution de l’accord
    • En application de l’article R. 125-7 du CPCE à compter de l’envoi au débiteur de la ou du message transmis par voie électronique l’invitant à participer à la procédure simplifiée de recouvrement, aucun paiement ne peut avoir lieu avant que l’huissier de justice n’ait constaté l’issue de la procédure.
    • Il en résulte que l’exécution de l’accord ne peut intervenir qu’une fois qu’un accord :
      • D’une part, a été trouvé entre les deux parties
      • D’autre part, a été constaté par l’huissier de justice instrumentaire
    • Lorsque ces conditions sont réunies, le débiteur devra régler sa dette entre les mains de l’huissier selon les modalités convenues dans l’accord.
  • Exécution forcée de l’accord
    • En cas de manquement à ses obligations, le créancier pourra obtenir l’exécution forcée de l’accord sur la base du titre exécutoire qui lui a été délivrée.
    • Cette exécution forcée ne pourra toutefois pas être assurée par l’huissier qui a délivré le titre.
    • L’article R. 125-8 du CPCE prévoit en ce sens que « l’huissier ayant établi le titre exécutoire ne peut être chargé de la mise à exécution forcée du recouvrement de la créance qui en fait l’objet. »
    • Cette restriction posée par le texte vise à prévenir les conflits d’intérêts.
    • Il pourrait, en effet, apparaître curieux que l’huissier que l’huissier qui assure l’exécution forcée soit celui-là même qui a été rémunéré pour par le créancier pour conduire la procédure de recouvrement simplifiée.
    • C’est la raison pour laquelle le législateur a édicté un empêchement d’instrumenter.

==> L’échec de la procédure

  • Les causes de l’échec de la procédure
    • La procédure simplifiée de recouvrement des petites créances peut avoir plusieurs causes.
    • L’article R. 125-5 du CPC prévoit en effet que cette procédure prend fin lorsque l’huissier de justice constate, par un écrit qui peut être établi sur support électronique :
      • Soit le refus de participer à la procédure simplifiée de recouvrement, par le destinataire de la lettre ou du message transmis par voie électronique, dans les conditions prévues au 3o du III de l’article R. 125-2 ;
      • Soit, l’expiration du délai d’un mois, à compter de l’envoi par l’huissier de justice de la lettre ou du message transmis par voie électronique invitant le débiteur à participer à la procédure, sans qu’un accord soit établi sur le montant et les modalités de paiement ;
      • Soit, le refus exprès donné par le débiteur, dans le même délai, sur le montant ou les modalités de paiement proposés ;
    • Trois situations sont ainsi susceptibles de mettre fin à la procédure simplifiée de recouvrement.
    • En tout état de cause, l’échec de la procédure doit être constaté par l’huissier de justice instrumentaire.
  • Les effets de l’échec de la procédure
    • L’échec de la procédure simplifié de recouvrement produit deux effets majeurs :
      • Liberté du créancier de saisir le juge
        • En cas d’échec de la procédure créancier recouvre sa liberté de saisir le juge selon les règles du droit commun
        • Il pourra ainsi déposer une requête en injonction de paiement ou assigner en paiement son débiteur au fond.
      • Reprise du cours de la prescription
        • L’échec de la procédure a pour effet de lever la suspension de la prescription.
        • Pour mémoire, elle a pu être suspendue en cas d’acceptation du débiteur constatée par l’huissier de participer à la procédure.
        • En l’absence d’accord trouvé entre les parties dans le délai requis, l’article 2238 du CPCE prévoit que la prescription qui avait été suspendue reprend son cours à compter de la date du refus du débiteur, constaté par l’huissier, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois.
        • Aussi, si le délai de prescription qui reste à courir après l’échec de la procédure est inférieur à six mois, celui-ci sera automatiquement prorogé de telle sorte que le créancier dispose d’un délai de 6 mois pour agir à compter du refus du débiteur.

Le recours en omission de statuer (art. 463 CPC)

L’un des principaux attributs d’un jugement est le dessaisissement du juge. Cet attribut est exprimé par l’adage lata sententia judex desinit esse judex : une fois la sentence rendue, le juge cesse d’être juge.

La règle est énoncée à l’article 481 du CPC qui dispose que « le jugement, dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu’il tranche ». En substance, le dessaisissement du juge signifie que le prononcé du jugement épuise son pouvoir juridictionnel.

Non seulement, au titre de l’autorité de la chose jugée dont est assorti le jugement rendu, il est privé de la possibilité de revenir sur ce qui a été tranché, mais encore il lui est interdit, sous l’effet de son dessaisissement, d’exercer son pouvoir juridictionnel sur le litige.

Le principe du dessaisissement du juge n’est toutefois pas sans limites. Ces limites tiennent, d’une part, à la nature de la décision rendue et, d’autre part, à certains vices susceptibles d’en affecter le sens, la portée ou encore le contenu.

  • S’agissant des limites qui tiennent à la nature de la décision rendue
    • Il peut être observé que toutes les décisions rendues n’opèrent pas dessaisissement du juge.
    • Il est classiquement admis que seules les décisions contentieuses qui possèdent l’autorité absolue de la chose jugée sont assorties de cet attribut.
    • Aussi, le dessaisissement du juge n’opère pas pour :
      • Les décisions rendues en matière gracieuses
      • Les jugements avants dire-droit
      • Les décisions provisoires (ordonnances de référé et ordonnances sur requête)
  • S’agissant des limites qui tiennent aux vices affectant la décision rendue
    • Il est certains vices susceptibles d’affecter la décision rendue qui justifient un retour devant le juge alors même qu’il a été dessaisi.
    • La raison en est qu’il s’agit d’anomalies tellement mineures (une erreur de calcul, une faute de frappe, une phrase incomplète etc.) qu’il serait excessif d’obliger les parties à exercer une voie de recours tel qu’un appel ou un pourvoi en cassation.
    • Non seulement, cela les contraindrait à exposer des frais substantiels, mais encore cela conduirait la juridiction saisie à procéder à un réexamen général de l’affaire : autant dire que ni les justiciables, ni la justice ne s’y retrouveraient.
    • Fort de ce constat, comme l’observe un auteur, « le législateur a estimé que pour les malfaçons mineures qui peuvent affecter les jugements, il était préférable de permettre au juge qui a déjà statué de revoir sa décision »[1].
    • Ainsi, les parties sont-elles autorisées à revenir devant le juge qui a rendu une décision aux fins de lui demander de l’interpréter en cas d’ambiguïté, de la rectifier en cas d’erreurs ou d’omissions purement matérielles, de la compléter en cas d’omission de statuer ou d’en retrancher une partie dans l’hypothèse où il aurait statué ultra petita, soit au-delà de ce qui lui était demandé.
    • À cette fin, des petites voies de recours sont prévues par le Code de procédure civile, voies de recours dont l’objet est rigoureusement limité.

C’est sur ces petites voies de recours que nous nous focaliserons ici. Elles sont envisagées aux articles 461 à 464 du Code de procédure civile.

Au nombre de ces voies de recours, qui donc vise à obtenir du juge qui a statué qu’il revienne sur sa décision, figurent :

  • Le recours en interprétation
  • Le recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle
  • Le recours en retranchement
  • Le recours aux fins de remédier à une omission de statuer

Nous nous focaliserons ici sur le recours en omission de statuer.

L’article 5 du CPC prévoit que « le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé. »

Parce que le litige est la chose des parties, par cette disposition, il est :

  • D’une part, fait interdiction au juge de se prononcer sur ce qui ne lui a pas été demandé par les parties
  • D’autre part, fait obligation au juge de se prononcer sur ce tout ce qui lui est demandé par les parties

Il est néanmoins des cas ou le juge va omettre de statuer sur une prétention qui lui est soumise. On dit qu’il statue infra petita. Et il est des cas où il va statuer au-delà de ce qui lui est demandé. Il statue alors ultra petita.

Afin de remédier à ces anomalies susceptibles d’affecter la décision du juge, le législateur a institué des recours permettant aux parties de les rectifier.

Comme l’observe un auteur bien que l’ultra et l’infra petita constituent des vices plus graves que l’erreur et l’omission matérielle, le législateur a admis qu’ils puissent être réparés au moyen d’un procédé simplifié et spécifique énoncés aux articles 463 et 464 du CPC[2].

Il s’agira, tantôt de retrancher à la décision rendue ce qui n’aurait pas dû être prononcé, tantôt de compléter la décision par ce qui a été omis.

I) Conditions de recevabilité du recours

Plusieurs conditions doivent être réunies pour que l’omission de statuer soit caractérisée :

  • Une demande omise
    • Il ressort de l’article 463 du CPC que l’omission de statuer consiste pour le juge à ne pas s’être prononcé sur un chef de demande formulé par une partie.
    • Autrement dit, il n’a pas tranché dans la décision rendue une ou plusieurs prétentions qui lui étaient pourtant soumises par les parties.
    • Pour déterminer s’il y a omission de statuer et quelle est son étendue, il y aura lieu de se reporter aux demandes formulées dans l’acte introductif d’instance ainsi que dans les conclusions prises ultérieurement par les parties et de les comparer avec le dispositif du jugement.
    • À cet égard, l’omission de statuer n’est pas caractérisée lorsque le juge ne répond pas directement à une demande précise formuler par une partie mais qu’il tranche la question dans le cadre d’une réponse qu’il apporte à un autre chef de demande (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 25 mai 2016, n°15-17.317).
    • Pour exemple, l’omission de statuer a été retenue dans les cas suivants :
      • Le juge ne se prononce pas sur l’octroi d’un article 700 (Cass. 2e civ. 19 févr. 1992)
      • Le juge omet de trancher la question de la validité d’un acte juridique (Cass. soc. 16 juin 1976)
      • Le juge omet de se prononcer sur l’octroi de dommages et intérêts (Cass. com. 21 févr. 1978).
      • Le juge omet de se prononcer sur sa compétence (Cass. 1ère civ. 5 janv. 1962)
      • Le juge omet de se prononcer sur la date de départ du versement d’une prestation compensatoire (Cass. 2e civ. 2 déc. 1992).
  • Une demande régulièrement formée
    • Le juge n’est tenu de se prononcer que sur les demandes dont il a été régulièrement saisi.
    • Lorsque dès lors, la demande a été formulée dans des conclusions frappées d’irrecevabilité car déposées hors délai, l’omission de statuer ne saurait être soulevée (Cass. 2e civ. 25 oct. 1978).
    • L’omission de statuer n’a pas vocation à réparer une irrégularité imputable aux parties.
    • Il est en revanche indifférent que la demande soit formulée dans le dispositif des écritures prises, dans leurs motifs ou encore qu’elle soit formée à titre subsidiaire ou incidente (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 1er juin 1983).
  • Une omission relative à une demande
    • L’omission du juge doit nécessairement porter sur un chef demande et non sur un moyen.
    • Pour mémoire :
      • Une demande est l’acte par lequel le juge soumet une prétention au juge,
      • Un moyen est quant à lui l’argument dont se prévaut une partie pour fonder sa demande ou assurer sa défense.
    • Selon que le juge omet de statuer sur une demande ou un moyen, la sanction n’est pas la même :
      • Lorsque le juge omet de statuer sur un moyen, le vice qui affecte la décision consiste en un défaut de réponse à conclusion sanctionné par la nullité du jugement (art. 455 CPC).
      • Lorsque le juge omet de statuer sur une demande, le vice consiste en un infra petita sanctionné par une simple rectification de l’omission sans que cela ait d’incidence sur la validité du jugement
    • Comme souligné par des auteurs « l’omission de statuer sur un chef de demande est sans influence sur la valeur des autres dispositions du jugement ; le jugement est incomplet et il convient seulement de le compléter. En revanche, lorsque le juge a omis d’examiner un moyen, c’est la valeur du dispositif du jugement qui se trouve atteinte : l’examen du moyen aurait pu modifier la décision et dès lors la Cour de cassation ne peut laisser subsister le chef du jugement qui se trouve affecté par le défaut de réponse à conclusions »[3].
    • Le défaut de réponse à conclusion pourrait consister, par exemple, en l’absence de réponse à un moyen de défense soulevé par une partie, tel qu’une fin de non-recevoir (Cass. 2e civ. 21 oct. 2004, n°02-20.286).
    • Une difficulté est née s’agissant du traitement à réserver à la formule de style régulièrement utilisée par les juges consistant à indiquer dans le jugement qu’une partie est déboutée de « toutes ses demandes » ou du « surplus de ses demandes ».
    • L’emploi de cette formule tombe-t-il sous le coup du défaut de réponse à conclusion, contraignant alors les plaideurs à se pourvoir en cassation, ou peut-on seulement y voir une omission de statuer lorsque le juge ne s’est pas prononcé sur un chef de demande ?
    • Dans un arrêt du 2 novembre 1999, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, a opté pour la qualification d’omission de statuer (Cass. ass. Plen. 2 nov. 1999, n° 97-17.107).
    • Au soutien de sa décision, elle affirme que la Cour d’appel, en recourant à la formule générale « déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires » dans le dispositif de son arrêt, elle « n’a pas statué sur le chef de demande relatif aux intérêts, dès lors qu’il ne résulte pas des motifs de la décision, qu’elle l’ait examiné.
    • Autrement dit, l’emploi de cette formule de style ne caractérise une omission de statuer qu’à la condition que les motifs ne confirment pas le rejet des prétentions.
    • Si, en revanche, le rejet est justifié dans la motivation de la décision, l’omission de statuer ne sera pas caractérisée (Cass. 3e civ. 27 févr. 1985).

II) Pouvoirs du juge

?Interdiction de toute atteinte à l’autorité de la chose jugée

Qu’il s’agisse d’un recours en omission de statuer ou d’un recours en retranchement, en application de l’article 463 du CPC il est fait interdiction au juge dans sa décision rectificative de « porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens. »

Ainsi sont fixées les limites du pouvoir du juge lorsqu’il est saisi d’un tel recours : il ne peut pas porter atteinte à l’autorité de la chose jugée.

Concrètement cela signifie que :

  • S’agissant d’un recours en omission de statuer, il ne peut modifier une disposition de sa décision ou en ajouter une nouvelle se rapportant à un point qu’il a déjà tranché
  • S’agissant d’un recours en retranchement, il ne peut réduire ou supprimer des dispositions de sa décision que dans la limite de ce qui lui avait initialement été demandé

Plus généralement, son intervention ne saurait conduire à conduire à modifier le sens ou la portée de la décision rectifiée.

Il en résulte qu’il ne peut, ni revenir sur les droits et obligations reconnues aux parties, ni modifier les mesures ou sanctions prononcées, ce pouvoir étant dévolu aux seules juridictions de réformation.

?Rétablissement de l’exposé des prétentions et des moyens

Tout au plus, le juge est autorisé à « rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens. »

Il s’agira, autrement dit, pour lui, s’il complète une omission de statuer ou s’il retranche une disposition du jugement de modifier dans un sens ou dans l’autre l’exposé des prétentions et des moyens des parties.

Cette exigence procède de l’article 455 du CPC qui prévoit que « le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. »

III) Procédure

A) Compétence

?Principe

En application de l’article 463 du CPC, le juge compétent pour connaître d’un recours en omission de statuer ou en retranchement est celui-là même qui a rendu la décision à rectifier.

Cette règle s’applique à toutes les juridictions y compris à la Cour de cassation qui peut se saisir d’office.

Il n’est toutefois nullement exigé qu’il s’agisse de la même personne physique. Ce qui importe c’est qu’il y ait identité de juridiction et non de personne.

?Tempéraments

Il est plusieurs cas où une autre juridiction que celle qui a rendu la décision à rectifier aura compétence pour statuer :

  • L’introduction d’une nouvelle instance
    • Dans un arrêt du 23 mars 1994, la Cour de cassation a jugé que la procédure prévue à l’article 463 du CPC « n’exclut pas que le chef de demande sur lequel le juge ne s’est pas prononcé soit l’objet d’une nouvelle instance introduite selon la procédure de droit commun » (Cass. 2e civ. 23 mars 1994, n°92-15.802).
    • Ainsi, en cas d’omission de statuer les parties disposent d’une option leur permettant :
      • Soit de saisir le juge qui a rendu la décision contestée aux fins de rectification
      • Soit d’introduire une nouvelle instance selon la procédure de droit commun
    • Cette seconde option se justifie par l’absence d’autorité de la chose jugée qui, par hypothèse, ne peut pas être attachée à ce qui n’a pas été tranché.
    • C’est la raison pour laquelle la possibilité d’introduire une nouvelle instance est limitée à la seule omission de statuer, à l’exclusion donc de la situation d’ultra ou d’extra petita.
    • À cet égard, la Cour de cassation a précisé que, en cas d’introduction d’une nouvelle instance, les parties n’étaient pas assujetties au délai d’un an qui subordonne l’exercice d’un recours en omission de statuer (Cass. 2e civ. 25 juin 1997, n°95-14.173).
  • Appel
    • En cas d’appel, il y a lieu de distinguer selon que la juridiction du second degré est saisie uniquement aux fins de rectifier l’omission ou selon qu’elle est également saisie pour statuer sur des chefs de demande qui ont été tranchés
      • La Cour d’appel est saisie pour statuer sur des chefs de demande qui ont été tranchés
        • Dans cette hypothèse, l’effet dévolutif de l’appel l’autorise à se prononcer sur l’omission de statuer.
        • Les parties ne se verront donc pas imposer d’exercer un recours en omission de statuer sur le fondement de l’article 463 du CPC (Cass. 2e civ. 29 mai 1979).
      • La Cour d’appel est saisie uniquement pour statuer sur l’omission de statuer
        • Dans cette hypothèse, la doctrine estime que l’exigence d’un double degré de juridiction fait obstacle à ce que la Cour d’appel se saisisse d’une question qui n’a pas été tranchée en première instance.
        • Cette solution semble avoir été confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 22 octobre 1997 aux termes duquel elle a jugé que « dès lors que l’appel n’a pas été exclusivement formé pour réparer une omission de statuer, il appartient à la cour d’appel, en raison de l’effet dévolutif, de statuer sur la demande de réparation qui lui est faite » (Cass. 2e civ. 22 oct. 1997, n°95-18.923).
  • Pourvoi en cassation
    • La Cour de cassation considère qu’une omission de statuer ainsi que l’ultra petita ne peuvent être réparés que selon la procédure des articles 463 et 464 du CPC (Cass. 2e civ. 15 nov. 1978).
    • La raison en est que la Cour de cassation est juge du droit. Elle n’a donc pas vocation à réparer une omission de statuer qui suppose d’une appréciation en droit et en fait.
    • Dans un arrêt du 26 mars 1985, la Cour de cassation a néanmoins précisé que « le fait de statuer sur choses non demandées, s’il ne s’accompagne pas d’une autre violation de la loi, ne peut donner lieu qu’à la procédure prévue par les articles 463 et 464 du nouveau code de procédure civile et n’ouvre pas la voie de la cassation » (Cass. 1ère civ. 26 mars 1985).
    • Autrement dit, lorsque l’omission est doublée d’une irrégularité éligible à l’exercice d’un pourvoi, la Cour de cassation redevient compétente.

B) Saisine du juge

1. Délai pour agir

?Principe

L’article 463 du CPC prévoit que « la demande doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l’arrêt d’irrecevabilité. »

Ainsi à la différence du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle qui n’est enfermé dans aucun délai, le recours en omission de statuer et en retranchement doit être exercé dans le délai d’un an après que la décision à rectifier est passée en force de chose jugée.

Pour rappel, l’article 500 du CPC prévoit que « a force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution ».

À cet égard, il conviendra de se placer à la date d’exercice du recours en rectification pour déterminer si la décision à rectifier est passée en force de chose jugée.

?Exceptions

  • Introduction d’une nouvelle instance
    • En matière d’omission de statuer, l’expiration du délai d’un an ferme seulement la voie du recours fondé sur l’article 463 du CPC.
    • La Cour de cassation a néanmoins admis qu’une nouvelle instance puisse être introduite selon les règles du droit commun (Cass. 2e civ. 23 mars 1994, n°92-15.802).
    • Cette solution se justifie par l’absence d’autorité de la chose jugée qui, par hypothèse, ne peut pas être attachée à ce qui n’a pas été tranché.
    • C’est la raison pour laquelle la possibilité d’introduire une nouvelle instance est limitée à la seule omission de statuer, à l’exclusion donc de la situation d’ultra ou d’extra petita.
    • Aussi, en cas d’introduction d’une nouvelle instance, la Cour de cassation considère que les parties ne sont pas assujetties au délai d’un an (Cass. 2e civ. 25 juin 1997, n°95-14.173).
  • Recours introduit par Pôle emploi
    • La jurisprudence a jugé que lorsqu’un recours en omission de statuer est exercé par les ASSEDIC (désormais pôle emploi) consécutivement à une décision ayant statué sur le remboursement des indemnités de chômage (art. L. 1235-4 C. trav.), le délai d’un an court à compter, non pas du jour où la décision à rectifier est passée en force de chose jugée, mais du jour à l’organisme a eu connaissance de cette décision (Cass. soc. 7 janv. 1992)

2. Auteur de la saisine

À la différence de la procédure en rectification d’erreur ou d’omission matérielle qui peut être initiée par le juge qui dispose d’un pouvoir de se saisir d’office, les procédures d’omission de statuer et en retranchement ne peuvent être engagées que par les parties elles-mêmes.

Il est fait interdiction au juge de se saisir d’office.

3. Modes de saisine

?Principe

Lorsque le juge est saisi par les parties, l’acte introductif d’instance prend la forme d’une requête.

  • Une requête
    • L’article 463 du CPC prévoit que « le juge est saisi par simple requête de l’une des parties, ou par requête commune. »
    • Les recours en omission de statuer et en retranchement doivent ainsi être exercés par voie de requête unilatérale ou conjointe.
    • Pour rappel :
      • La requête unilatérale est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.
      • La requête conjointe est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte commun par lequel les parties soumettent au juge leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs.
  • Forme de la requête
    • À l’instar de l’assignation, la requête doit comporter un certain nombre de mentions prescrites à peine de nullité par le Code de procédure civile.
    • Ces mentions sont énoncées aux articles 54, 57 et 757 du CPC.
  • Dépôt de la requête
    • La requête doit être déposée au greffe de la juridiction saisie en deux exemplaires.
    • La remise au greffe de la copie de la requête est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué au déposant afin qu’il conserve une preuve du dépôt.
    • En cas de dépôt d’une requête unilatérale, il y a lieu de la notifier à la partie adverse.
    • Il appartient au juge de provoquer le débat contradictoire entre les parties.

?Exceptions

Il est admis en jurisprudence que la saisine du juge puisse s’opérer au moyen d’un autre mode de saisine que la requête.

Cette saisine peut notamment intervenir par voie d’assignation devant la juridiction compétente (CA Paris, 14 mars 1985).

C) Convocation des parties

L’article 463, al. 3e du CPC prévoit que le juge « statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées. »

Ainsi, afin d’adopter sa décision de rectification, le juge a l’obligation d’auditionner et d’entendre les parties, étant précisé que, en l’absence de délai de comparution, le juge doit leur laisser un temps suffisant pour préparer leur défense.

Il s’agit ici pour le juge de faire respecter le principe du contradictoire conformément aux articles 15 et 16 du CPC.

Aussi, bien que l’instance soit introduite par voie de requête, il y a lieu d’aviser la partie adverse de la demande de rectification.

Quant au juge, il lui est fait obligation de s’assurer que les moyens soulevés ont pu être débattus contradictoirement par les parties (V. en ce sens Cass. 2e civ. 3 janv. 1980).

D) Représentation

S’agissant de la représentation des parties, la procédure d’omission de statuer ou en retranchement répond aux mêmes règles que celles ayant donné lieu à la décision rendue.

Aussi, selon les cas, la représentation par avocat sera obligatoire ou facultative. En cas de représentation facultative, la requête pourra, dans ces conditions, être déposée par les parties elles-mêmes.

E) Régime de la décision rectificative

?Incorporation dans la décision initiale

L’article 463, al. 4e di CPC prévoit que « la décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. »

Ainsi, la décision rectificative vient-elle s’incorporer à la décision initiale. Il en résulte qu’elle est assujettie aux mêmes règles que le jugement sur lequel elle porte. Plus précisément elle en emprunte tous les caractères.

?Notification de la décision rectificative

L’article 463, al. 4e du CPC prévoit que la décision rectificative doit être notifiée comme le jugement. À défaut, elle ne sera pas opposable à la partie adverse.

À cet égard, la date de la notification tiendra lieu de point de départ au délai d’exercice des voies de recours. Elle devra, par ailleurs, être réalisée selon les mêmes modalités que la décision initiale.

Le texte précise que « la décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. »

Cette mention ne figurera néanmoins que sur les décisions rectifiées, celle-ci étant sans objet en cas de rejet du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle.

?Voies de recours

En application de l’article 463, al. 4e du COC, la décision rendue donne lieu aux mêmes voies de recours que la décision rectifiée (Cass. 3e civ. 27 mai 1971). Si cette dernière est rendue en dernier ressort, il en ira de même pour le jugement rectificatif.

Surtout, en cas d’exercice d’une voie de recours contre la décision initiale, la décision rectificative subira le même sort, y compris s’agissant de l’issue de la procédure d’appel ou de cassation, dans la limite de ce qui a été réformé.

Autrement dit, en cas de réformation totale de la décision initiale, la décision rectificative s’en trouvera également anéantie (Cass. 2e civ. 15 nov. 1978).

En revanche, lorsque la décision initiale n’est que partiellement réformée, la décision rectification ne sera anéantie que si elle porte sur des points remis en cause.

  1. J. Heron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé ?
  2. J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, éd. , n°382, p. 316. ?
  3. J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, éd. , n°383, p. 317. ?

Procédure orale devant le Tribunal judiciaire: le délibéré du jugement

I) L’identité des juges qui ont assisté aux débats et qui participent au délibéré

==> Principe

L’article 447 du CPC dispose que « il appartient aux juges devant lesquels l’affaire a été débattue d’en délibérer. »

Ainsi, ce sont les mêmes juges qui ont assisté à la tenue des débats qui doivent statuer sur le litige qui leur est soumis.

Dans un arrêt du 12 octobre 2006, la Cour de cassation a précisé que « les magistrats mentionnés dans le jugement comme ayant délibéré sont présumés être ceux-là même qui ont assisté aux débats » (Cass. 2e civ. 12 oct. 2006, n°04-18727).

Cette obligation de communication du nom des juges participant au délibéré a été posée afin de permettre aux parties d’exercer leur droit de récusation.

En tout état de cause l’exigence d’identité des juges qui ont assisté aux débats et qui participent au délibéré est sanctionnée par la nullité du jugement.

II) L’impartialité des juges participant au délibéré

Fondement de tout système judiciaire, l’exigence d’impartialité du juge est de l’essence même de la justice et constitue le fondement de sa légitimité dans un état démocratique.

À cette conception éthique de l’impartialité du juge, qui fait appel à sa conscience et à sa vertu, le droit ajoute une impartialité plus positive susceptible d’une appréhension et d’une sanction procédurale.

C’est ainsi, alors que se multipliaient, au soutien des pourvois, les moyens fondés sur la violation du droit à être jugé par un tribunal indépendant et impartial, conformément aux dispositions de l’article 6-1 de la Convention européenne, que le juge de cassation, et plus particulièrement dans un premier temps la chambre criminelle, a énoncé que cette règle interdisait à un magistrat d’examiner une nouvelle fois ce qu’il avait déjà tranché.

Tout en affirmant le principe la chambre criminelle en a également fixé les limites en jugeant, par un arrêt du 20 décembre 1984, que l’arrêt d’une chambre correctionnelle n’était pas atteint de nullité pour la seule raison que l’un de ses membres avait antérieurement connu d’une procédure pénale distincte mais intéressant le même prévenu.

C’est la 3ème chambre civile qui a été conduite à faire application de cette doctrine à la matière civile en énonçant, par un arrêt du 11 juin 1987, que le magistrat qui a connu une première fois d’une affaire ne peut ensuite siéger dans la formation statuant sur le recours formé contre la décision à laquelle il a été associé.

La 2ème chambre civile, le 16 mars 1988, a jugé qu’il n’existait d’incompatibilité qu’autant que la cause débattue en appel était la même que celle ayant donné lieu à la première décision.

En l’espèce il s’agissait d’un conseiller de cour d’appel siégeant au sein d’une formation saisie d’un contentieux civil et qui, précédemment juge d’instruction, avait rendu une ordonnance de non-lieu sur la plainte de l’une des parties qui s’était alors constituée partie civile pour des faits distincts de ceux faisant l’objet du contentieux civil.

La chambre criminelle a jugé, dans le même esprit, le 26 avril 1990, qu’un magistrat du parquet ayant eu la charge de l’accusation à l’audience où la cause avait été débattue ne pouvait participer ensuite, en tant que conseiller, au jugement de la même affaire et la 1ère chambre civile, le 16 juillet 1991, qu’avait violé l’article 6-1 de la Convention la cour d’appel qui, statuant sur le recours formé contre une décision de l’assemblée générale qui avait prononcé la sanction disciplinaire de radiation de la liste des experts pour faute professionnelle grave, comprenait dans sa composition un magistrat qui avait déjà porté une appréciation sur les faits reprochés à l’occasion de cette procédure disciplinaire.

En revanche un même magistrat peut parfaitement siéger dans une juridiction pénale appelée à juger une personne qu’il a déjà condamnée pour d’autres faits (Cass. crim, 13 juin 1991).

Ne viole pas non plus le principe d’impartialité le fait qu’un magistrat siège à la cour d’assises qui juge une personne dont elle a prononcé le divorce dès lors que les faits reprochés à l’accusé sont différents de ceux qui ont motivé le renvoi devant la cour d’assises (Cass. crim. 24 nov. 1993).

À l’inverse, le magistrat qui a prononcé un divorce en se fondant sur des faits pour lesquels des poursuites pénales sont ensuite engagées ne peut participer à la formation criminelle (Cass. crim. 30 nov 1994)

En matière civile la deuxième chambre civile a jugé, le 3 novembre 1993, qu’un magistrat ayant composé le tribunal de grande instance ne pouvait, ensuite, siéger en appel et la première chambre civile a dit que ne violait pas le principe d’impartialité le fait, pour une juridiction statuant en matière disciplinaire, d’être composée de magistrats qui, pour des faits différents, avaient antérieurement prononcé des peines disciplinaires contre la même personne (Cass. 1ère civ. 7 mars 1995).

Confirmant encore cette doctrine, deux chambres civiles ont également considéré que la participation de mêmes magistrats à des formations ayant jugé l’une du divorce et l’autre de la liquidation de la communauté ayant existé entre les époux divorcés ne portait pas atteinte à l’exigence d’impartialité (Cass. 2e civ. 12 janv. 1994 ; Cass.1ère civ., 19 nov. 1996).

Ainsi, dans la cohérence des arrêts civils de 1987 et 1988, ci-dessus évoqués, s’affirme clairement, à travers les arrêts de la Cour, la règle qui interdit, au nom du respect de l’impartialité, qu’un juge puisse examiner ce qu’il a déjà tranché, que ce soit en tant que juge unique ou au sein d’une collégialité et au pénal comme au civil.

Outre la garantie pour le justiciable, cette règle offre aussi l’avantage d’éviter au juge d’avoir à se désavouer et, ainsi, de perdre sa crédibilité.

De l’analyse de cette jurisprudence il se déduit donc que la doctrine de la cour de cassation est désormais bien établie. Déjà le rapport annuel de la Cour de cassation, pour l’année 1993, dans sa partie relative à l’analyse de la jurisprudence (page 348), relève qu’un magistrat qui, en première instance, a connu sur le plan civil, et à quelque stade que ce soit, d’une affaire qui a abouti à une décision frappée d’appel, ne peut pas faire partie, ensuite, de la composition de la formation de la juridiction d’appel.

Depuis, la Cour de cassation a eu l’occasion de faire application à de nombreuses reprises de cette doctrine et l’a affinée, notamment à propos du juge des référés, par deux décisions d’assemblée plénière du 6 novembre 1998.

III) Le vote des juges

L’article 449 du CPC prévoit que « la décision est rendue à la majorité des voix », étant précisé que l’article L. 121-2 du COJ prévoit que les juges qui participent au délibéré doivent être en nombre impair.

Par exception, devant le Conseil de prud’homme un partage de voix est possible en raison de la parité de sa composition.

Aussi, l’article L. 1454-2 du Code du travail prévoit que, en cas de partage, l’affaire est renvoyée devant le même bureau de jugement ou la même formation de référé, présidé par un juge du tribunal judiciaire dans le ressort duquel est situé le siège du conseil de prud’hommes.

IV) Le secret du délibéré

==> Origines

Le principe du secret du délibéré est une règle traditionnelle en droit français. Ce principe est apparu dès le Moyen-Âge en réaction à l’usage selon lequel le juge opinait en public et devait défendre ensuite l’arrêt auquel il avait participé les armes à la main face à la partie appelante.

Il fut énoncé formellement dès le XIVème siècle dans une ordonnance prise par Philippe V le Long et ensuite rappelé dans de nombreuses ordonnances royales.

Si la loi des 16 et 28 septembre 1791 relative à la « police de sûreté, la justice criminelle et l’établissement du jury » a suspendu l’application de ce principe en imposant aux juges d’« opiner à haute voix à l’audience, en public », celui-ci a été rétabli lors du vote de la Constitution du cinq fructidor an III et n’a plus été remis en cause depuis.

==> Jurisprudence

La jurisprudence constante des deux cours suprêmes lui reconnaît une portée générale. Depuis un arrêt du 9 juin 1843, la Cour de cassation a jugé que ce secret est un « principe général du droit public français », ce qu’elle rappelle par exemple dans un arrêt du 15 février 1995(Cass. 3e civ., 15 févr. 1995) et le Conseil d’État, depuis une décision du 17 novembre 1922, qu’il s’agit d’un principe général du droit s’imposant à toutes les juridictions (CE, 17 nov. 1922, Legillon).

==> Textes

Par ailleurs, des dispositions législatives et réglementaires prévoient aujourd’hui son application devant les juridictions.

Ainsi, aux termes de l’article 448 du CPC « les délibérations des juges sont secrètes » et aux termes de l’article L. 8 du code de justice administrative « le délibéré des juges est secret ».

En matière pénale, l’article 304 du CPP impose aux jurés de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de leurs fonctions.

Parallèlement à ces dispositions, en application de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1270 du 27 décembre 1958, les magistrats de l’ordre judiciaire prêtent également serment de « garder religieusement le secret des délibérations ».

Il en est de même des juges consulaires et des conseillers prud’homaux en application des articles L. 722-7 du Code de commerce et D. 1442-13 du Code du travail.

Enfin, sur un plan répressif, outre les dispositions pénales réprimant la violation du secret professionnel, l’article 39 de la loi du 29 juillet 1881 sanctionne d’une amende de 18 000 euros le fait de « rendre compte des délibérations intérieures, soit des jurys, soit des cours et tribunaux ».

==> Portée

Si le principe du secret du délibéré a ainsi été continuellement rappelé, c’est qu’il doit permettre de garantir l’indépendance et l’impartialité des juges.

Couplé avec le principe de collégialité, il garantit ainsi l’impossibilité de connaître le sens du vote d’un juge et le met à l’abri d’éventuelles pressions avant le jugement et de possibles représailles après celui-ci. Le jugement est l’œuvre du tribunal tout entier.

Ce lien entre le secret du délibéré et le principe d’indépendance est largement admis par la doctrine.

Le secret du délibéré est aussi considéré comme assurant l’autorité des décisions des juges, dans la mesure où les éventuelles dissensions internes à la juridiction demeurent ainsi secrètes.

Qu’elle soit rendue à l’unanimité ou à une simple majorité, toute décision est ainsi revêtue du même poids et de la même crédibilité.

==> Conséquences

Le principe du secret du délibéré emporte deux conséquences :

  • Première conséquence
    • Il fait obstacle à ce que soient connus les modalités d’adoption de la décision et le sens du vote des juges.
    • La Cour de cassation casse systématiquement pour violation de l’article 448 du CPC les décisions qui ne respectent pas le secret des délibérations.
    • Par ailleurs, elle a pu juger qu’une décision judiciaire ne doit pas indiquer si elle a été prise à l’unanimité ( soc. 9 nov. 1945), que seuls les juges peuvent participer au délibéré et que les personnes y assistant doivent y avoir été autorisées par la loi.
    • Le Conseil d’État juge également qu’un jugement ne peut mentionner s’il a été adopté à la majorité des voix, sauf si un texte le prévoit (CE 26 mars 2003, Worou), et que la révélation du sens et des motifs d’un jugement avant sa lecture entraîne son irrégularité (CE, 30 déc. 1996, Élect. mun. Chantilly).
  • Seconde conséquence
    • Le secret du délibéré a également des conséquences sur les devoirs et obligations des magistrats.
    • En application de ce même principe, un magistrat a le devoir de refuser de témoigner sur ce qui peut toucher au secret des délibérations auxquelles il a participé ( Crim, 25 janv. 1968).
    • En revanche, tant la Cour de cassation que le Conseil d’État jugent que ce secret s’oppose à ce qu’il puisse être reproché à un magistrat sa participation à une décision juridictionnelle (CE, 11 juin 1948, Poulhies ; crim., 19 nov. 1981).

==> Les documents couverts par le secret

En ce qui concerne les documents couverts par le secret du délibéré, il faut tout d’abord relever que le Conseil constitutionnel lui-même a eu à se prononcer sur cette question.

Instruisant sur des faits de manœuvres frauduleuses de nature à porter atteinte à la sincérité du scrutin dans le cadre des élections municipales de 1995 et des élections législatives de 1997 dans la 2ème circonscription de Paris, un juge d’instruction avait saisi le Conseil constitutionnel le 20 octobre 1998 d’une demande de communication portant, d’une part, sur le rapport présenté devant la section d’instruction par le rapporteur adjoint dans le cadre de l’examen d’une requête électorale, d’autre part, sur les pièces et mémoires figurant dans les requêtes.

Par une décision n° 97-2113 AN du 10 novembre 1998, le Conseil constitutionnel a jugé : « considérant qu’il résulte du caractère contradictoire de la procédure suivie devant le juge électoral que l’ensemble des mémoires déposés par les parties et les pièces versées au dossier dans le cadre de la contestation de l’élection d’un député sont communiqués aux parties ; que par suite rien ne fait obstacle à ce qu’ils soient également communiqués au juge chargé d’une instruction pénale pour les besoins de son information ; qu’en revanche le rapport présenté devant la section d’instruction du Conseil constitutionnel est couvert par le secret qui s’attache aux délibérations du Conseil constitutionnel ; qu’il ne peut être regardé comme une pièce détachable de ces délibérations ; qu’il ne peut par suite en être donné communication » (Décision n° 97-2113 AN du 10 novembre 1998)

Afin de renforcer la portée de cette décision, le Conseil a indiqué ensuite « qu’en application de l’article 62 de la Constitution la présente décision rendue par le Conseil constitutionnel s’impose aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ».

La Cour européenne des droits de l’homme a indirectement abordé la question des documents couverts par le secret du délibéré, indiquant dans les décisions Marc Antoine c/ France (4 juin 2013, req 54984/09), Reinhardt et Slimane-Kaïd c/ France (31 mars 1998, req 22921/93 et 39594/98) et Menet c/ France (14 juin 2005, req 39552/02) que le projet de décision du rapporteur au Conseil d’État et la seconde partie du rapport du rapporteur à la Cour de cassation sont couverts par le secret, pour le premier, par le secret du délibéré, pour le second.

V) Les notes en délibéré

==> Principe

L’article 445 du CPC prévoit que « après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l’appui de leurs observations »

Ainsi, cette disposition prohibe-t-elle, par principe, la production d’une note à l’attention des juges qui se retirent pour délibérer.

Cette interdiction des notes en délibéré vise à garantir le respect du principe du contradictoire qui, si de telles notes étaient admises, risquerait d’être mis à mal, car privant la possibilité pour la partie adverse d’y répondre, voire d’en prendre connaissance.

Aussi, afin d’éviter qu’une partie ne cherche à influer, de manière déloyale, sur la solution du litige, alors même que les débats sont clos, le législateur a interdit la production des notes en délibéré

Dans un arrêt du 15 octobre 1996, la Cour de cassation a précisé que quels que soient les moyens contenus dans une note en délibéré après clôture des débats, par application des dispositions de l’article 445 du CPC, non contraires à celles de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, dès lors qu’elle n’est pas déposée en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public ou à la demande du président, ladite note doit être écartée (Cass. com. 15 oct. 1996, n°93-13844)

==> Exceptions

Deux exceptions au principe d’interdiction des notes en délibéré sont posées par l’article 445 du CPC :

  • Première exception : répondre aux conclusions du ministère public
    • Lorsque le ministère public est partie jointe au procès, il est de principe qu’il prenne la parole en dernier.
    • La jurisprudence considère que cette règle est d’ordre public, de sorte que les parties ne peuvent pas s’exprimer après lui, sauf à envisager une réouverture des débats.
    • Aussi, afin de permettre aux parties de répondre aux conclusions du ministère public et dans la perspective de ne pas méconnaître le principe du contradictoire, ces dernières sont autorisées à produire au Tribunal une note en délibéré.
    • Cette note ne saurait néanmoins comporter de nouvelles prétentions : elle doit avoir pour seul objet d’apporter la contradiction au ministère public.
  • Seconde exception : invitation par le Président des parties à fournir des explications
    • L’article 445 du CPC admet encore les notes en délibéré lorsqu’elles sont produites « à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444.»
    • Il ressort de cette disposition que dans trois cas, les parties sont ainsi recevables à adresser au Tribunal une note en délibéré
      • Premier cas
        • Il s’agira, en application de l’article 442 du CPC, de fournir au Président de la juridiction « les explications de droit ou de fait qu’ils estiment nécessaires ou à préciser ce qui paraît obscur. »
        • Dans cette hypothèse la note en délibéré visera à éclairer le juge sur des points du litige qui doivent être précisés ou expliqués, le cas échéant au moyen de pièces.
      • Deuxième cas
        • Il s’agira pour une partie de provoquer une réouverture des débats sur le fondement de l’article 444 du CPC qui confère ce pouvoir au Président du tribunal.
        • Cette disposition prévoit, en effet, que « le président peut ordonner la réouverture des débats. Il doit le faire chaque fois que les parties n’ont pas été à même de s’expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés. »
        • La note en délibéré vise donc à obtenir du Président qu’il procède à la réouverture des débats
      • Troisième cas
        • Dans certains cas, le Tribunal décidera de soulever d’office un moyen de droit.
        • Or en application de l’article 16 du CPC, il doit nécessairement inviter les parties à présenter leurs observations sur le moyen ainsi soulevé (V. en ce sens ch. mixte, 10 juill. 1981)
        • Pour ce faire, il pourra solliciter la production d’une note en délibéré
        • Dans l’hypothèse où la contradiction aura pu s’instaurer, le Tribunal pour statuer sans qu’il y ait lieu de procéder à la réouverture des débats

==> Sanction

Lorsqu’une décision a été rendue par le Tribunal alors qu’une note en délibéré irrecevable a été produite, cette dernière encourt la nullité, quand bien même la note a régulièrement été communiquée à la partie adverse.

Procédure orale devant le Tribunal judiciaire: la tenue des débats

Les dispositions qui régissent le déroulement de l’instance devant le Tribunal judiciaire en procédure orale son pour le moins silencieuses sur l’instruction de l’affaire et la tenue des débats.

Tout au plus, l’article 830 du CPC prévoit que lorsque l’affaire n’est pas en état d’être jugée, le juge la renvoie à une audience ultérieure, avec cette précision apportée par l’article 831, al. 1er que c’est au juge qu’il appartient d’organiser les échanges entre les parties comparantes.

Il ressort de cette disposition que, sans disposer des attributions du Juge de la mise en état, en procédure orale devant le Tribunal judiciaire, le juge en exerce la fonction.

Plus encore, il a pour tâche, et de diriger l’instruction de l’affaire et de conduire la tenue des débats entre les parties.

Pour mener à bien sa double mission, le Juge dispose de larges pouvoirs conférés par les articles 831 et 446-1 à 446-3 du CPC.

S’agissant de la tenue des débats, l’audience des plaidoiries est très souvent perçue par les parties comme le moment décisif du procès.

Cette audience revêt, en effet, une importance symbolique, en ce qu’elle donne un visage humain à la justice. Surtout, elle est l’occasion pour le Tribunal d’interpeller les parties sur des points précis de l’affaire.

Reste que, cette audience des plaidoiries a perdu de son importance, en particulier depuis l’entrée en vigueur du décret du 28 décembre 2005 qui a instauré un cas où elle pouvait ne pas se tenir, l’affaire étant placée en délibéré immédiatement après la clôture de la phase d’instruction.

Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile a généralisé cette faculté qui peut désormais être exercée par les parties à tout moment de l’instance.

1. L’audience des plaidoiries

a. Composition de la juridiction

?Formation collégiale / juge unique

L’article 430 du CPC prévoit que « la juridiction est composée, à peine de nullité, conformément aux règles relatives à l’organisation judiciaire. »

C’est donc vers le Code de l’organisation judiciaire qu’il convient de se reporter pour déterminer la composition de la juridiction devant laquelle se tiennent les débats.

À cet égard, l’article L. 212-1 du COJ prévoit que « le tribunal judiciaire statue en formation collégiale, sous réserve des exceptions tenant à l’objet du litige ou à la nature des questions à juger. »

Il ressort de cette disposition que la formation du Tribunal judiciaire dépend de l’objet et de la nature du litige : tandis que la formation collégiale est le principe, par exception le Tribunal judiciaire statue à juge unique.

L’aliéna 2 de l’article L. 212-1 du COJ précise néanmoins que le Tribunal judiciaire ne peut statuer à juge unique « dans les matières disciplinaires ou relatives à l’état des personnes, sous réserve des dispositions particulières aux matières de la compétence du juge aux affaires familiales et du juge des contentieux de la protection mentionné à l’article L. 213-4-1. »

La question qui a lors se pose est de savoir dans quelles matières le Tribunal judiciaire statue à Juge unique.

Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article R. 212-8 du CPC qui prévoit que le tribunal judiciaire connaît à juge unique :

  • Des litiges auxquels peuvent donner lieu les accidents de la circulation terrestre;
  • Des demandes en reconnaissance et en exequatur des décisions judiciaires et actes publics étrangers ainsi que des sentences arbitrales françaises ou étrangères ;
  • Des ventes de biens de mineurs et de celles qui leur sont assimilées.
  • Des contestations relatives à l’électorat, à l’éligibilité et à la régularité des opérations électorales en ce qui concerne l’élection des juges des tribunaux de commerce ;
  • Des contestations des décisions prises par la commission d’établissement des listes électorales mentionnées à l’article R. 211-3-14 du présent code ;
  • Des contestations relatives à l’électorat, à l’éligibilité et à la régularité des opérations électorales mentionnées à l’article R. 211-3-15 du présent code ;
  • Des contestations mentionnées aux articles R. 211-3-16, R. 211-3-17, R. 211-3-18, R. 211-3-19, R. 211-3-20 et R. 211-3-23 du présent code ;
  • Des contestations relatives à la régularité des opérations électorales en ce qui concerne l’élection des membres du conseil d’administration des mutuelles, des membres de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, des représentants des salariés au conseil d’administration et des délégués des sections locales de vote dans les conditions prévues à l’article R. 125-3 du code de la mutualité ;
  • Des contestations des décisions de la commission administrative relatives à l’établissement et à la révision des listes électorales consulaires mentionnées à l’article R. 211-10-4 du présent code ;
  • Des contestations relatives à la qualité d’électeur, à l’éligibilité et à la régularité des opérations électorales mentionnées à l’article R. 144-5 du code de l’énergie ;
  • Des demandes formées en application du règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer ;
  • Des actions patrimoniales, en matière civile et commerciale, jusqu’à la valeur de 10.000 euros et des demandes indéterminées qui ont pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10.000 euros ;
  • Des matières de la compétence du tribunal pour la navigation du Rhin ;
  • Des matières de la compétence du tribunal de première instance pour la navigation de la Moselle ;
  • Des fonctions de juge du livre foncier ;
  • Des matières mentionnées à l’article L. 215-6 du présent code ;
  • De la saisie-conservatoire mentionnée à l’article L. 215-7 du présent code ;
  • Des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers et de la procédure de rétablissement personnel mentionnées à l’article L. 213-4-7 ;
  • Des matières, dont la liste est fixée par décret, relevant de la compétence des chambres de proximité ;
  • Des fonctions de tribunal de l’exécution.

À l’examen, il apparaît que les matières visées par le texte relèvent, pour l’essentiel, de la procédure orale, de sorte que dans le cadre de cette procédure, le Tribunal judiciaire statuera, la plupart du temps, à juge unique à l’instar de l’ancien Tribunal d’instance.

Le dernier alinéa de l’article R. 212-8 du COJ précise néanmoins que « le juge peut toujours, d’office ou à la demande des parties, renvoyer une affaire en l’état à la formation collégiale. »

Sa décision est une mesure d’administration judiciaire, de sorte qu’elle est insusceptible de faire l’objet d’une voie de recours.

?Changement de la composition

L’article 432, al. 2 prévoit que « en cas de changement survenu dans la composition de la juridiction après l’ouverture des débats, ceux-ci doivent être repris. »

Afin que l’affaire soit correctement jugée, il est nécessaire que la composition du Tribunal demeure inchangée durant le déroulement des débats et la mise en délibéré.

À défaut, le magistrat qui n’a pas suivi l’intégralité du procès risque de se prononcer sans connaître tous les éléments de l’affaire.

Aussi, les magistrats du siège doivent être les mêmes tout au long des débats, quelle que soit leur durée. C’est précisément là le sens de l’article 432, al. 2 du CPC exige que le Tribunal conserve la même formation.

Cette situation est susceptible de se produire en cas d’audiences successives qui s’étirent dans le temps.

En cas de changement survenu dans la composition, la règle posée par le CPC est donc que les débats doivent être repris, soit recommencer au stade de leur ouverture.

Pour que l’article 432, al.2 du CPC s’applique deux conditions doivent être réunies :

  • Le changement dans la composition du Tribunal doit survenir postérieurement à l’ouverture des débats.
  • La composition de la juridiction doit rester identique lors des débats sur le fond de l’affaire.

Ce n’est que lorsque ces deux conditions sont remplies que les débats pourront recommencer à zéro.

L’inobservation de cette exigence de reprise des débats en cas de survenance d’un changement dans la composition du Tribunal est, en application de l’article 446, al. 1er du CPC, sanctionnée par la nullité du jugement.

L’alinéa 2 de cette disposition précise que :

  • D’une part, aucune nullité ne pourra être ultérieurement soulevée pour inobservation si elle n’a pas été invoquée avant la clôture des débats.
  • D’autre part, la nullité ne peut pas être relevée d’office.

b. La publicité des débats

L’article 433 du CPC dispose que « les débats sont publics sauf les cas où la loi exige qu’ils aient lieu en chambre du conseil. »

Il ressort de cette disposition que si, par principe, les débats sont publics, par exception, ils peuvent se dérouler en dehors de la présence du public

S’agissant du domaine d’application de la règle ainsi posée, l’alinéa 2 de l’article 433 du CPC précise que « ce qui est prévu […] première instance doit être observé en cause d’appel, sauf s’il en est autrement disposé. »

Il en résulte qu’il doit exister un parallélisme entre la procédure de première instance et la procédure d’appel.

Si, en première instance, il a été statué sur l’affaire en chambre du conseil, il doit en être de même en appel.

?Principe

L’exigence de publicité des débats est posée par plusieurs textes.

  • En droit international
    • L’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 qui prévoit que « toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial ».
    • L’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950 qui énonce que le procès doit être public et que le jugement doit être rendu publiquement.
    • L’article 47 de la Charte des droits fondamentaux qui dispose dans les mêmes termes que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement »
    • L’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
  • En droit interne
    • L’article 11-1 de la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 dont l’alinéa 1er énonce que « les débats sont publics ».
    • L’article 22 du CPC prévoit encore que « les débats sont publics, sauf les cas où la loi exige ou permet qu’ils aient lieu en chambre du conseil. »
    • L’article 433 du CPC qui dispose que « les débats sont publics sauf les cas où la loi exige qu’ils aient lieu en chambre du conseil »
    • Le principe de publicité du procès pénal n’est pas expressément mentionné dans la Constitution, mais le Conseil constitutionnel le déduit de la combinaison des articles 6, 8, 9 et 16 de la Déclaration de 1789

La publicité des débats est, manifestement, consacrée par de nombreux textes. Cette exigence se justifie par la nécessité de rendre la justice à l’abri de tout soupçon.

Comme le rappellent les professeurs Laurence Lazerges-Cousquer et Frédéric Desportes, « pour être respectée, échapper à toute suspicion de partialité, de superficialité ou de manipulation, la justice doit être transparente. […] “justice is not only to be done, but to be seen to be done”. La publicité de la procédure n’a cependant pas seulement pour objet de ménager les apparences d’une justice impartiale, exigeante et probe. En plaçant le juge sous le regard critique du public et des médias, elle lui impose un plus haut degré de rigueur dans la conduite du procès. Les pires injustices se commentent dans l’ombre » (Laurence Lazerges-Cousquer, Frédéric Desportes, « Traité de procédure pénale », 2d. Economica, 2015, p. 303)

Garantie d’une justice impartiale et équitable, la publicité des débats constitue, selon la Cour de cassation, « une règle d’ordre public », et un « principe général du droit » dotés d’une portée générale (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 28 avril 1998, n°96-11.637).

?Exceptions

Lorsqu’il est dérogé au principe de publicité des débats, ces derniers doivent se tenir en chambre du conseil.

La chambre du conseil est une formation particulière de la juridiction dont la caractéristique est d’extraire le débat de la présence du public (art. 436 CPC).

Il convient alors de distinguer selon que l’on se trouve en matière gracieuse ou contentieuse :

  • La procédure gracieuse
    • L’article 434 du CPC prévoit que « en matière gracieuse, la demande est examinée en chambre du conseil »
    • Le principe est donc inversé en matière gracieuse où les débats se dérouleront en chambre du conseil
    • Pour rappel, l’article 25 du CPC prévoit que « le juge statue en matière gracieuse lorsqu’en l’absence de litige il est saisi d’une demande dont la loi exige, en raison de la nature de l’affaire ou de la qualité du requérant, qu’elle soit soumise à son contrôle ».
    • Concrètement, la matière gracieuse concerne notamment :
      • Les demandes de rectification d’actes de l’état civil
      • Les demandes de changement de régime matrimonial
      • Les demandes en mainlevée d’opposition à mariage,
      • Certaines demandes devant le juge des tutelles
      • La procédure d’adoption
      • Certaines demandes relatives à l’exercice de l’autorité parentale.
  • La procédure contentieuse
    • Lorsque la procédure est contentieuse, la tenue des débats en dehors de la présence du public est tantôt obligatoire, tantôt facultative
      • La tenue des débats en dehors de la présence du public est obligatoire
        • Elle le sera, en application de l’article 1149 du CPC qui prévoit que « les actions relatives à la filiation et aux subsides sont instruites et débattues en chambre du conseil. »
        • L’article 208 du Code civil prévoit encore que « les débats sur la cause, les conséquences du divorce et les mesures provisoires ne sont pas publics. »
        • S’agissant de la modification de la mention du sexe dans les actes de l’état civil, l’article 1055-8 du CPC prévoit que « l’affaire est instruite et débattue en chambre du conseil, après avis du ministère public. Les décisions sont rendues hors la présence du public. »
      • La tenue des débats en dehors de la présence du public est facultative
        • L’article 435 du CPC dispose que « le juge peut décider que les débats auront lieu ou se poursuivront en chambre du conseil s’il doit résulter de leur publicité une atteinte à l’intimité de la vie privée, ou si toutes les parties le demandent, ou s’il survient des désordres de nature à troubler la sérénité de la justice. »
        • Cette disposition confère au Juge la faculté de soustraire à la présence du public les débats dans trois cas :
          • Soit il est un risque d’atteinte à l’intimité de la vie privée
          • Soit toutes les parties réclame qu’il soit statué en chambre du conseil
          • Soit il est un risque de désordre susceptible de troubler la sérénité de la justice

?Sanction

L’article 437 du CPC pris dans son alinéa 1er prévoit que « s’il apparaît ou s’il est prétendu soit que les débats doivent avoir lieu en chambre du conseil alors qu’ils se déroulent en audience publique, soit l’inverse, le président se prononce sur-le-champ et il est passé outre à l’incident. »

L’alinéa 2 précise que « si l’audience est poursuivie sous sa forme régulière, aucune nullité fondée sur son déroulement antérieur ne pourra être ultérieurement prononcée, même d’office. »

Il ressort de ces deux alinéas que, en cas d’inobservation des règles qui encadrent la publicité des débats, deux hypothèses doivent être distinguées :

  • Première hypothèse : la couverture de l’irrégularité
    • Le Président du Tribunal s’aperçoit de l’irrégularité, il doit immédiatement régulariser la situation, ce qui implique qu’il renvoie l’affaire en chambre du conseil ou qu’il renvoie l’affaire en audience publique
    • En pareil cas, l’intervention du Président a pour effet de couvrir l’irrégularité, en sorte que les parties seront irrecevables à se prévaloir de la nullité du jugement rendu
    • Pratiquement, les débats devront donc se poursuivre dans leur forme régulière.
  • Seconde hypothèse : la nullité du jugement
    • Le Président ne relève pas l’irrégularité quant à la forme des débats, en conséquence de quoi le jugement encourt la nullité
    • Le régime de l’action en nullité est énoncé à l’article 446, al. 2 du CPC qui prévoit que :
      • D’une part, aucune nullité ne pourra être ultérieurement soulevée pour inobservation de ces dispositions si elle n’a pas été invoquée avant la clôture des débats.
      • D’autre part, la nullité ne peut pas être relevée d’office
    • Régulièrement, la jurisprudence rappel que la nullité du jugement doit impérativement être soulevée avant la clôture des débats.
    • Dans un arrêt du 6 juin 1996, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « conformément aux dispositions des articles 446 et 458 du nouveau Code de procédure civile, la violation de la règle de la publicité des débats doit être invoquée avant la clôture des débats et celle relative à la publicité du prononcé du jugement doit l’être au moment du prononcé » (Cass. 2e civ. 6 juin 1996, n°95-50.090).
    • La demande de nullité du jugement sera d’autant plus difficile à soutenir que l’article 459 du CPC prévoit que « l’omission ou l’inexactitude d’une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s’il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d’audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées. »

c. Le déroulement des débats

?L’ouverture des débats

  • La date de l’audience
    • L’article 432, al. 1er du CPC prévoit que « les débats ont lieu au jour et, dans la mesure où le déroulement de l’audience le permet, à l’heure préalablement fixés selon les modalités propres à chaque juridiction. Ils peuvent se poursuivre au cours d’une audience ultérieure. »
    • Il ressort de cette disposition que la détermination de la date de l’audience est renvoyée aux règles propres à chaque juridiction
    • S’agissant de la procédure orale devant le Tribunal judiciaire, c’est vers les articles 828 à 833 du CPC et vers les articles 446-1 à 446-4 du même Code qu’il convient de se tourner.
  • Moment de l’ouverture des débats
    • L’ouverture des débats est un moment décisif dans la mesure à compter de celui-ci la composition du Tribunal est figée : elle ne peut plus être modifiée conformément à l’article 432, al. 2 du CPC.
    • La question qui alors se pose est de savoir à quel moment peut-on considérer que les débats sont ouverts ?
    • Est-ce à l’heure de convocation des parties, lors de la prise de parole du Président du Tribunal ou encore lorsque le demandeur prend la parole ?
    • Il ressort de la jurisprudence que c’est la dernière hypothèse qui doit être retenue, soit le moment où la parole est donnée est demandeur (V. en ce sens TI Nancy, 11 août 1983).
  • Effets de l’ouverture des débats
    • L’ouverture des débats produit plusieurs effets :
      • La composition du Tribunal est figée, de sorte que plus aucun changement ne peut intervenir
      • À compter de l’ouverture des débats, en application de l’article 371 du CPC l’instance ne peu plus faire l’objet d’une interruption

?La discussion

L’article 440 du CPC dispose que « le président dirige les débats », de sorte que c’est à lui qu’il revient de s’assurer du respect de l’ordre des interventions qui vont se succéder.

Dans un arrêt du 15 mai 2014, la Cour de cassation a précisé que « le président dirige les débats et peut inviter, à tout moment, les parties à fournir les explications de fait et de droit qu’il estime nécessaires à la solution du litige » (Cass. 2e civ. 15 mai 2014, n°12-27.035). Rien n’empêche donc ce dernier d’interpeller afin d’obtenir des précisions sur un point en particulier.

Ce pouvoir dont est investi le Président de l’audience ne lui permet pas, néanmoins, de modifier la chronologie des différentes interventions qui répondent à un ordre très précis.

  • Les plaidoiries
    • Après avoir donné la parole au rapporteur, en application de l’article 440, al. 2e du CPC le Président du Tribunal doit inviter, d’abord le demandeur, puis le défendeur, à exposer leurs prétentions
    • Ainsi, est-ce toujours le demandeur qui doit prendre la parole en premier et le défendeur la parole en dernier.
    • Dans un arrêt du 24 février 1987, la Cour de cassation a précisé que le non-respect de cet ordre de passage n’était pas sanctionné par la nullité (Cass. 1ère civ. 24 févr. 1987, n°85-10.774).
    • Il convient d’observer que dans les procédures orales, le juge doit se déterminer qu’en considération des seules plaidoiries des parties
    • Le tribunal ne saurait retenir pour rendre sa décision un moyen de fait ou de droit qui n’aurait pas été soulevé à l’audience par la partie plaidante
    • L’inobservation de cette règle est sanctionnée par l’irrecevabilité du moyen formulé par la partie plaidante.
  • Intervention des parties elles-mêmes
    • L’article 441, du CPC prévoit que « même dans les cas où la représentation est obligatoire les parties, assistées de leur représentant, peuvent présenter elles-mêmes des observations orales. »
    • Ainsi, rien n’interdit les parties à formuler des observations devant le Tribunal, quand bien la procédure requiert sa représentation par un avocat.
    • Il conviendra, néanmoins, d’obtenir l’autorisation du Président qui peut refuser de donner la parole à la partie elle-même.
    • L’article 441, al. 2 précise, à cet égard, que « la juridiction a la faculté de leur retirer la parole si la passion ou l’inexpérience les empêche de discuter leur cause avec la décence convenable ou la clarté nécessaire. »
  • Invitation à fournir des observations
    • L’article 442 du CPC prévoit que « le président et les juges peuvent inviter les parties à fournir les explications de droit ou de fait qu’ils estiment nécessaires ou à préciser ce qui paraît obscur. »
    • Il ressort de cette disposition que le Tribunal dispose toujours de la faculté de solliciter des parties des explications sur un point de droit ou de fait qu’il convient d’éclairer, ce qui peut se traduire par la production de pièces (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 12 avr. 2005, n°03-20.029).
    • Le Tribunal peut inviter, tant les avocats, que les parties elles-mêmes à fournir ces explications.
    • Lorsque le Tribunal exerce ce pouvoir, qui est purement discrétionnaire, il devra néanmoins le faire dans le respect du principe du contradictoire

L’article 440 du CPC prévoit que « lorsque la juridiction s’estime éclairée, le président fait cesser les plaidoiries ou les observations présentées par les parties pour leur défense. »

La parole peut alors être donnée au ministère public lorsqu’il est présent à l’audience, ce qui n’est pas systématique.

?Les conclusions du ministère public

  • Présence obligatoire du ministère public
    • L’article 431, al. 1er du CPC prévoit que « le ministère public n’est tenu d’assister à l’audience que dans les cas où il est partie principale, dans ceux où il représente autrui ou lorsque sa présence est rendue obligatoire par la loi. »
    • Il ressort de cette disposition que la présence du ministère public à l’audience n’est pas systématique
    • Elle est obligatoire que dans les cas prévus par la loi qui sont au nombre de trois :
      • Il est partie principale au procès
        • Soit parce qu’il est à l’origine d’une contestation
        • Soit parce qu’il défend l’ordre public
      • Il représente autrui
        • Il en est ainsi lorsque le préfet demande au ministère public de représenter l’État à un litige auquel il est partie
      • Sa présence est requise par la loi
        • C’est le cas notamment dans les litiges relatifs à l’exercice de l’autorité parentale
        • C’est encore le cas dans les affaires de filiation
    • Lorsque la présence du ministère public à l’audience est obligatoire, le jugement doit mentionner sa présence, faute de quoi la sanction encourue est la nullité.
    • Dans un arrêt du 12 juillet 2005, la Cour de cassation a précisé que la mention aux termes de laquelle il est précisé que le Ministère public a déclaré s’en rapporter à justice « fait présumer la présence aux débats d’un représentant de cette partie, agissant à titre principal » (Cass. com. 12 juill. 2005, n°03-14.045).
  • Présence facultative du ministère public
    • L’article 431, al. 2 du CPC prévoit que dans tous les autres cas visés à l’alinéa 1er le ministère public « peut faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l’audience. »
    • Dans cette hypothèse, il agira comme une partie jointe à l’audience et il n’est pas nécessaire que sa présence soit précisée dans le jugement.
  • Audition du ministère public
    • Il convient de distinguer selon que le ministère public intervient comme partie principale ou comme partie jointe
      • Le ministère public intervient comme partie principale
        • Dans cette hypothèse, il prendra la parole selon les règles énoncées à l’article 440 du CPC.
        • Autrement dit, s’il est demandeur à l’action, il prend la parole en premier et, à l’inverse, s’il est défendeur, il s’exprimera en dernier
      • Le ministère public intervient comme partie jointe
        • L’article 443, al. 1er du CPC dispose que « le ministère public, partie jointe, a le dernier la parole. »
        • Cette règle est d’ordre public de sorte que les avocats ne sauraient s’exprimer après lui.
        • L’alinéa 2 de l’article 443 précise néanmoins que « s’il estime ne pas pouvoir prendre la parole sur-le-champ, il peut demander que son audition soit reportée à une prochaine audience. »
  • Réponse aux conclusions du ministère public
      • L’article 445 du CPC prévoit que « après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l’appui de leurs observations, si ce n’est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444 ».
      • Ainsi, dans l’hypothèse où les parties souhaiteraient répondre aux conclusions du ministère public, à défaut de pouvoir prendre la parole en dernier, elles peuvent formuler des observations au moyen de notes en délibérés.
      • Cette faculté offerte aux parties de répondre au ministère public a été instaurée en suite de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme dans un arrêt du 20 février 1996 (CEDH, 20 févr. 1996, Vermeulen c/ Belgique).
      • Dans cette décision, la Cour de Strasbourg avait considéré que le droit à une procédure contradictoire implique en principe la faculté pour les parties à un procès, pénal ou civil, de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge, même par un magistrat indépendant, en vue d’influencer sa décision, et de la discuter.
      • La Cour constate alors que cette circonstance constitue en elle-même une violation de l’article 6, §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.
      • En application de cette jurisprudence, la Cour de cassation a précisé, dans un arrêt du 8 octobre 2003 que « le ministère public, dans le cas où il est partie jointe, peut faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l’audience » (Cass. 3e civ. 8 oct. 2003, n°01-14.561).
      • Il ressort de cette décision que, dans tous les cas, l’avis du ministère public doit être communiqué aux parties afin qu’elles soient mesure de lui répondre au moyen d’une note en délibéré.
      • Dans un arrêt du 21 décembre 2006, la Cour de cassation a considéré que cette exigence était satisfaite après avoir relevé que « le ministère public est intervenu à l’instance d’appel en qualité de partie jointe et avait la faculté, en application de l’article 431 du nouveau code de procédure civile, de faire connaître ses conclusions soit par écrit, soit oralement à l’audience ; qu’il ne résulte d’aucune disposition que lorsqu’il choisit de déposer des conclusions écrites, celles-ci doivent être communiquées aux parties avant l’audience ; qu’il suffit qu’elles soient mises à leur disposition le jour de l’audience » (Cass. 2e civ. 21 déc. 2006, n°04-20.020).

?La clôture des débats

L’article 440, al. 3 prévoit que lorsque la juridiction s’estime éclairée, le président fait cesser les plaidoiries ou les observations présentées par les parties pour leur défense.

Ainsi, la clôture intervient-elle après les plaidoiries, nonobstant l’intervention du ministère public lorsqu’il est présent à l’audience.

La clôture des débats produit plusieurs effets :

  • Elle couvre les irrégularités relatives à la publicité des débats (art. 446, al. 2e CPC)
  • Elle couvre les irrégularités relatives au changement de composition du Tribunal (art. 446, al. 2e CPC)
  • Elle interdit les parties de déposer de nouvelles notes au soutien de leurs observations

?Réouverture des débats

L’article 444 du CPC dispose que « le président peut ordonner la réouverture des débats ». Cette réouverture peut être obligatoire ou facultative

  • La réouverture des débats obligatoire
    • La réouverture des débats est obligatoire dans deux hypothèses
      • Première hypothèse : l’inobservation du principe du contradictoire
        • La réouverture des débats peut intervenir « chaque fois que les parties n’ont pas été à même de s’expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés ».
        • Lorsqu’ainsi, un point du litige n’a pas pu être débattu contradictoirement par les parties, le Président du Tribunal a l’obligation de procéder à la réouverture des débats.
        • Cette disposition agit comme un filet de sécurité à l’article 442 qui, pour mémoire, prévoit que « le président et les juges peuvent inviter les parties à fournir les explications de droit ou de fait qu’ils estiment nécessaires ou à préciser ce qui paraît obscur. »
        • L’observation par le Tribunal du principe du contradictoire doit guider le Tribunal en toutes circonstances, y compris lorsque, au cours du délibéré, il relève d’office un moyen de pur droit ou de pur fait.
        • À cet égard, la question s’est posée de savoir si le juge pouvait, voire devait appliquer d’office au litige une règle de droit différente de celle qui est invoquée par les parties et qui le conduirait à ne pas observer le principe de la contradiction.
        • Il convient de rappeler que l’article 12 du CPC comportait initialement un alinéa 3 rédigé comme suit« il (le juge) peut relever d’office les moyens de pur droit quel que soit le fondement juridique invoqué par les parties ».
        • On sait que ce texte, dont le rapprochement avec l’article 620 du CPC s’impose, a été annulé, en même temps que l’article 16, alinéa 1er, par le Conseil d’État (CE, 12 octobre 1979), au motif qu’il laissait au juge la faculté de relever d’office des moyens de pur droit en le dispensant de respecter le caractère contradictoire de la procédure.
        • En dépit de cette annulation, il résulte de la rédaction actuelle de l’alinéa 3 de l’article16, que le juge « ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ».
        • C’est dire, a contrario, qu’à condition de respecter le principe de la contradiction, le juge dispose du pouvoir de relever d’office un moyen de droit qui n’est plus qualifié « de pur droit ».
      • Seconde hypothèse : le changement dans la composition du Tribunal
        • L’article 444, al. 2e du CPC prévoit que « en cas de changement survenu dans la composition de la juridiction, il y a lieu de reprendre les débats. »
        • Pour que cette disposition s’applique deux conditions doivent être réunies :
          • Le changement dans la composition du Tribunal doit survenir postérieurement à l’ouverture des débats.
          • La composition de la juridiction doit rester identique lors des débats sur le fond de l’affaire.
        • Ce n’est que lorsque ces deux conditions sont remplies que la réouverture des débats doit intervenir.
        • L’inobservation de cette exigence de réouverture des débats en cas de survenance d’un changement dans la composition du Tribunal est, en application de l’article 446, al. 1er du CPC, sanctionnée par la nullité du jugement.
  • La réouverture des débats facultative
    • En dehors des deux cas de réouverture obligatoire des débats visés par l’article 444 du CPC, le Tribunal dispose toujours de cette faculté qu’il peut exercer discrétionnairement
    • C’est là le sens de l’alinéa 1er de l’article 444 du CPC qui est introduit par l’assertion suivante : « le président peut ordonner la réouverture des débats. »
    • Ce pouvoir de réouverture des débats dont le Président du Tribunal est investi est constitutif d’une mesure d’administration judiciaire, de sorte qu’elle est insusceptible de voie de recours.

d. La police de l’audience

?Principe

L’article 439 al. 1er du CPC pose le principe que « les personnes qui assistent à l’audience doivent observer une attitude digne et garder le respect dû à la justice. »

À cet égard, cette disposition poursuit en précisant que « il leur est interdit de parler sans y avoir été invitées, de donner des signes d’approbation ou de désapprobation, ou de causer du désordre de quelque nature que ce soit. »

L’article 439 du CPC fait indéniablement écho au premier alinéa de l’article 24 qui dispose que « les parties sont tenues de garder en tout le respect dû à la justice. »

?Pouvoirs du Président

Le pouvoir de police de l’audience est assuré par le Président du Tribunal qui, en application de l’article 438, al. 1er du CPC veille à l’ordre de l’audience.

Afin de faire cesser le trouble survenu à l’audience, le Président dispose de plusieurs alternatives. Il peut :

  • Adresser des injonctions à la personne à l’origine de ce trouble (art. 24, al. 2e CPC)
  • Faire expulser cette personne si elle n’obtempère pas (art. 439, al. 2e CPC)
  • Prononcer, même d’office, suivant la gravité des manquements supprimer les écrits, les déclarer calomnieux, ordonner l’impression et l’affichage de ses jugements (art. 24, al. 2e CPC)

L’article 438 du CPC précise que « tout ce qu’il ordonne pour l’assurer doit être immédiatement exécuté ». Le Président du Tribunal pourra ainsi solliciter le concours de la force publique afin, notamment, de procéder à l’expulsion de la personne à l’origine du trouble.

?Sanctions encourues par les avocats

Sous l’empire du droit antérieur, le serment de l’avocat, tel qu’énoncé par la loi du 22 ventôse an XII, l’obligeait notamment à exercer sa profession « dans le respect des lois et des tribunaux » ainsi qu’à « ne rien dire de contraire aux lois, aux règlements, aux bonnes mœurs, à la sûreté de l’État et à la paix public ».

Il en résultait la possibilité pour la juridiction saisie d’un litige de prononcer directement à l’endroit de l’avocat qui avait manqué son serment, une sanction disciplinaire.

Considérant qu’il y avait là « une intrusion u pouvoir judiciaire dans la fonction de défense qui requiert essentiellement la liberté », le législateur a retiré au juge cette faculté de prononcer une sanction l’avocat.

Désormais, l’article 25 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dispose que « toute juridiction qui estime qu’un avocat a commis à l’audience un manquement aux obligations que lui impose son serment, peut saisir le procureur général en vue de poursuivre cet avocat devant l’instance disciplinaire dont il relève. »

Ainsi, en cas de délit d’audience, il appartient au Président du Tribunal de saisir le Procureur général auquel il appartiendra de diligenter des poursuites ou de classer l’affaire.

En cas de poursuites contre l’avocat, le procureur général peut alors saisir l’instance disciplinaire qui doit statuer dans le délai de quinze jours à compter de la saisine.

Faute d’avoir statué dans ce délai, l’instance disciplinaire est réputée avoir rejeté la demande et le procureur général peut interjeter appel.

La cour d’appel ne peut prononcer de sanction disciplinaire qu’après avoir invité le bâtonnier ou son représentant à formuler ses observations.

Lorsque le manquement a été commis devant une juridiction de France métropolitaine et qu’il y a lieu de saisir une instance disciplinaire située dans un département ou un territoire d’outre-mer ou à Mayotte, le délai dont dispose l’instance disciplinaire pour statuer sur les poursuites est augmenté d’un mois.

Il en est de même lorsque le manquement a été commis devant une juridiction située dans un département ou un territoire d’outre-mer, ou à Mayotte, et qu’il y a lieu de saisir une instance disciplinaire située en France métropolitaine.

2. La procédure sans audience

Bien que l’audience soit le moment qui permet d’humaniser et de conférer un caractère solennel à la procédure, de nombreux dossiers sont déposés sans être plaidés.

Cette pratique des dépôts de dossier par les avocats a, dans un premier temps, été officialisée par le décret n°2005-1678 du 28 décembre 2005 afin de limiter la durée des audiences.

Puis la réforme opérée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a généralisé la procédure sans audience devant le Tribunal judiciaire.

Cette innovation est issue de la proposition 17 formulée dans le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile.

Ce rapport, issu d’un groupe de travail dirigé par Frédéric Agostini, Présidente du Tribunal de grande instance de Melun et par Nicolas Molfessis, Professeur de droit, comportait 30 propositions « pour une justice civile de première instance modernisée ».

Au nombre de ces propositions figurait celle appelant à « Permettre au juge de statuer sans

audience, dès lors que les parties en seront d’accord». Cette proposition vise à fluidifier le circuit procédural et à permettre de libérer des dates d’audience.

Désormais le principe est donc que les parties peuvent à tout moment de la procédure demander à ce que la procédure se déroule, devant le Tribunal judiciaire, sans audience. Ce principe est toutefois assorti d’une exception.

?Principe

L’article L. 212-5-1 du Code de l’organisation judiciaire dispose que « devant le tribunal judiciaire, la procédure peut, à l’initiative des parties lorsqu’elles en sont expressément d’accord, se dérouler sans audience. En ce cas, elle est exclusivement écrite. »

L’article 828 du CPC précise que, en procédure orale, la mise en œuvre de cette procédure sans audience peut intervenir « à tout moment de la procédure ».

Pour que la procédure se déroule sans audience encore faut-il que les deux parties soient d’accord, étant précisé que l’exercice de cette faculté est irréversible.

C’est la raison pour laquelle, il pourrait être imprudent pour le demandeur de l’exercer au stade de l’introduction de l’instance.

Reste que si les parties en expriment la volonté, elles devront, à défaut de plaider leur cause à l’oral devant le Juge, formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit.

C’est donc là, une dérogation au principe de l’oralité qui préside à la procédure orale.

?Formalisme

Sur la forme, l’article 829 du CPC prévoit que lorsqu’elle est formulée en cours d’instance, la déclaration par laquelle chacune des parties consent au déroulement de la procédure sans audience est remise ou adressée au greffe et comporte à peine de nullité :

  • Pour les personnes physiques : l’indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
  • Pour les personnes morales : l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l’organe qui les représente légalement ;

Cette déclaration doit être écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.

?Exception

Le dernier alinéa de l’article 828 du CPC assortit la faculté pour les parties de demander que la procédure se déroule sans audience d’une limite.

Il prévoit, en effet, que « le tribunal peut décider de tenir une audience s’il estime qu’il n’est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l’une des parties en fait la demande. »

Ainsi, quelle que soit la procédure, la formation de jugement, dans le cadre de son délibéré,

peut toujours décider, au regard des pièces ou si une partie lui demande, que la tenue d’une audience s’impose, en ordonnant une réouverture des débats sur le fondement de l’article 444 du code de procédure civile.

Le jugement rendu à l’issue de la procédure sans audience est contradictoire.

Procédure orale devant le Tribunal judiciaire: l’enrôlement de l’affaire ou le placement de l’acte introductif d’instance (assignation, requête et requête conjointe)

Il ressort des articles 754 et 756 du CPC que la saisine du Tribunal judiciaire ne s’opère qu’à la condition que l’acte introductif d’instance accompli par les parties (assignation, requête ou requête conjointe) fasse l’objet d’un « placement » ou, dit autrement, d’un « enrôlement ».

Ces expressions sont synonymes : elles désignent ce que l’on appelle la mise au rôle de l’affaire. Par rôle, il faut entendre le registre tenu par le secrétariat du greffe du Tribunal qui recense toutes les affaires dont il est saisi, soit celles sur lesquels il doit statuer.

Cette exigence de placement d’enrôlement de l’acte introductif d’instance a été généralisée pour toutes les juridictions, de sorte que les principes applicables sont les mêmes, tant devant le Tribunal judiciaire, que devant le Tribunal de commerce.

À cet égard, la saisine proprement dite de la juridiction comporte trois étapes qu’il convient de distinguer

  • Le placement de l’acte introductif d’instance
  • L’enregistrement de l’affaire au répertoire général
  • La constitution et le suivi du dossier

A) Le placement de l’acte introductif d’instance

1. Le placement de l’assignation

a. La remise de l’assignation au greffe

L’article 754 du CPC dispose, en effet, que le tribunal est saisi, à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise au greffe d’une copie de l’assignation.

C’est donc le dépôt de l’assignation au greffe du Tribunal judiciaire qui va opérer la saisine et non sa signification à la partie adverse.

À cet égard, l’article 769 du CPC précise que « la remise au greffe de la copie d’un acte de procédure ou d’une pièce est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué. »

b. Le délai

b.1. Principe

i. Droit antérieur

L’article 754 du CPC, modifié par le décret n°2020-1452 du 27 novembre 2020, disposait dans son ancienne rédaction que « sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date ».

L’alinéa 2 précisait que « lorsque la date de l’audience est communiquée par voie électronique, la remise doit être faite dans le délai de deux mois à compter de cette communication. »

Il ressortait de la combinaison de ces deux dispositions que pour déterminer le délai d’enrôlement de l’assignation, il y avait lieu de distinguer selon que la date d’audience est ou non communiquée par voie électronique.

?La date d’audience n’était pas communiquée par voie électronique

Il s’agit de l’hypothèse où les actes de procédures ne sont pas communiqués par voie électronique (RPVA).

Tel est le cas, par exemple, en matière de procédure orale ou de procédure à jour fixe, la voie électronique ne s’imposant, conformément à l’article 850 du CPC, qu’en matière de procédure écrite.

Cette disposition prévoit, en effet, que « à peine d’irrecevabilité relevée d’office, en matière de procédure écrite ordinaire et de procédure à jour fixe, les actes de procédure à l’exception de la requête mentionnée à l’article 840 sont remis à la juridiction par voie électronique. »

Dans cette hypothèse, il convenait donc de distinguer deux situations :

  • La date d’audience est communiquée plus de 15 jours avant l’audience
    • Le délai d’enrôlement de l’assignation devait être alors porté à 15 jours
  • La date d’audience est communiquée moins de 15 jours avant l’audience
    • L’assignation devait être enrôlée avant l’audience sans condition de délai

?La date d’audience était communiquée par voie électronique

Il s’agit donc de l’hypothèse où la date d’audience est communiquée par voie de RPVA ce qui, en application de l’article 850 du CPC, intéresse :

  • La procédure écrite ordinaire
  • La procédure à jour fixe

L’article 754 du CPC prévoyait que pour ces procédures, l’enrôlement de l’assignation doit intervenir « dans le délai de deux mois à compter de cette communication. »

Ainsi, lorsque la communication de la date d’audience était effectuée par voie électronique, le demandeur devait procéder à la remise de son assignation au greffe dans un délai de deux mois à compter de la communication de la date d’audience.

Le délai de placement de l’assignation était censé être adapté à ce nouveau mode de communication de la date de première audience.

Ce système n’a finalement pas été retenu lors de la nouvelle réforme intervenue un an plus tard.

ii. Droit positif

L’article 754 du CPC, modifié par le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021, dispose désormais en son alinéa 2 que « sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date. »

Il ressort de cette disposition que pour déterminer le délai d’enrôlement de l’assignation, il y a lieu de distinguer selon que la date d’audience est ou non communiquée 15 jours avant la tenue de l’audience

  • La date d’audience est communiquée plus de 15 jours avant la tenue de l’audience
    • Dans cette hypothèse, l’assignation doit être enrôlée au plus tard 15 jours avant l’audience
  • La date d’audience est communiquée moins de 15 jours avant la tenue de l’audience
    • Dans cette hypothèse, l’assignation doit être enrôlée avant l’audience sans condition de délai

Le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 a ainsi mis fin au système antérieur qui supposait de déterminer si la date d’audience avait ou non été communiquée par voie électronique.

b.2 Exception

L’article 755 prévoit que dans les cas d’urgence ou de dates d’audience très rapprochées, les délais de comparution des parties ou de remise de l’assignation peuvent être réduits sur autorisation du juge.

Cette urgence sera notamment caractérisée pour les actions en référé dont la recevabilité est, pour certaines, subordonnée à la caractérisation d’un cas d’urgence (V. en ce sens l’art. 834 CPC)

Au total, le dispositif mis en place par le décret du 27 novembre 2020 permet de clarifier l’ancienne règle posée par l’ancien décret du 11 décembre 2019 et d’éviter les placements tardifs, et de récupérer une date d’audience inutilisée pour l’attribuer à une nouvelle affaire.

En procédure écrite, il convient surtout de retenir que le délai d’enrôlement est, par principe de deux mois, et par exception, il peut être réduit à 15 jours, voire à moins de 15 jours en cas d’urgence.

Au total, le dispositif mis en place par le décret du 11 décembre 2019 permet d’éviter les placements tardifs, et de récupérer une date d’audience inutilisée pour l’attribuer à une nouvelle affaire.

En procédure orale, il convient de retenir que le délai d’enrôlement est, non pas de deux mois comme en matière de procédure écrite, mais de 15 jours, voire de moins de 15 jours pour les cas d’urgence.

c. La sanction

L’article 754 prévoit que le non-respect du délai d’enrôlement est sanctionné par la caducité de l’assignation, soit son anéantissement rétroactif, lequel provoque la nullité de tous les actes subséquents.

Cette disposition précise que la caducité de l’assignation est « constatée d’office par ordonnance du juge »

À défaut, le non-respect du délai d’enrôlement peut être soulevé par requête présentée au président ou au juge en charge de l’affaire en vue de faire constater la caducité. Celui-ci ne dispose alors d’aucun pouvoir d’appréciation.

En tout état de cause, lorsque la caducité est acquise, elle a pour effet de mettre un terme à l’instance.

Surtout, la caducité de l’assignation n’a pas pu interrompre le délai de prescription qui s’est écoulé comme si aucune assignation n’était intervenue (Cass. 2e civ., 11 oct. 2001, n°99-16.269).

2. Le placement de la requête

?Modalités de placement

En application de l’article 756 du CPC, la saisine de la juridiction s’opère par l’acte de dépôt de la requête auprès de la juridiction compétence, cette formalité n’étant précédée, ni suivi d’aucune autre.

L’article 845 du CPC prévoit en ce sens que « le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection est saisi par requête dans les cas spécifiés par la loi. »

L’article 756 précise que « cette requête peut être remise ou adressée ou effectuée par voie électronique dans les conditions prévues par arrêté du garde des sceaux. »

L’alinéa 2 de cette disposition précise que, lorsque les parties ont soumis leur différend à un conciliateur de justice sans parvenir à un accord, leur requête peut également être transmise au greffe à leur demande par le conciliateur.

À cet égard, il convient d’observer que, désormais, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à une action en bornage ou aux actions visées à l’article R. 211-3-8 du Code de l’organisation judiciaire (art. 750-1 CPC).

Enfin, comme pour l’assignation, en application de l’article 769 du CPC, la remise au greffe de la copie de la requête est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué.

?Convocation des parties défendeur

L’article 758 du CPC dispose que, lorsque la juridiction est saisie par requête, le président du tribunal fixe les lieu, jour et heure de l’audience.

Reste à en informer les parties :

  • S’agissant du requérant
    • Il est informé par le greffe de la date et de l’heure de l’audience « par tous moyens »
    • On en déduit qu’il n’est pas nécessaire pour le greffe de lui communication l’information par voie de lettre recommandée.
  • S’agissant du défendeur
    • L’article 758, al. 3 prévoit que le greffier convoque le défendeur à l’audience par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • À cet égard, la convocation doit comporter un certain nombre de mentions au nombre desquelles figurent :
      • La date ;
      • L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
      • L’indication que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire ;
      • Le cas échéant, la date de l’audience à laquelle le défendeur est convoqué ainsi que les conditions dans lesquelles il peut se faire assister ou représenter.
      • Un rappel des dispositions de l’article 832 du CPC qui prévoit que
      • « Sans préjudice des dispositions de l’article 68, la demande incidente tendant à l’octroi d’un délai de paiement en application de l’article 1343-5 du code civil peut être formée par courrier remis ou adressé au greffe. Les pièces que la partie souhaite invoquer à l’appui de sa demande sont jointes à son courrier. La demande est communiquée aux autres parties, à l’audience, par le juge, sauf la faculté pour ce dernier de la leur faire notifier par le greffier, accompagnée des pièces jointes, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
      • L’auteur de cette demande incidente peut ne pas se présenter à l’audience, conformément au second alinéa de l’article 446-1. Dans ce cas, le juge ne fait droit aux demandes présentées contre cette partie que s’il les estime régulières, recevables et bien fondées. »
      • Les modalités de comparution devant la juridiction
    • La convocation par le greffe du défendeur vaut citation précise l’article 758 du CPC.
    • Enfin, lorsque la représentation est obligatoire, l’avis est donné aux avocats par simple bulletin.
    • Par ailleurs, la copie de la requête est jointe à l’avis adressé à l’avocat du défendeur ou, lorsqu’il n’est pas représenté, au défendeur.

3. Le placement de la requête conjointe

?Modalités de placement

L’article 756 du CPC prévoit que « dans les cas où la demande peut être formée par requête, la partie la plus diligente saisit le tribunal par la remise au greffe de la requête. » La saisine de la juridiction compétente s’opère ainsi de la même manière que pour la requête « ordinaire ».

La requête peut, de sorte, également être remise ou adressée ou effectuée par voie électronique dans les conditions prévues par arrêté du garde des Sceaux à intervenir.

Le dépôt de la requête suffit, à lui-seul, à provoquer la saisine du Tribunal judiciaire. À la différence de l’assignation, aucun délai n’est imposé aux parties pour procéder au dépôt. La raison en est que la requête n’est pas signifiée, de sorte qu’il n’y a pas lieu de presser les demandeurs.

En application de l’article 769 du CPC La remise au greffe de la copie de la requête est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué.

?Convocation des parties

L’article 758 du CPC prévoit que, lorsque la requête est signée conjointement par les parties, cette date est fixée par le président du tribunal ; s’il y a lieu il désigne la chambre à laquelle elle est distribuée.

Consécutivement à la fixation de la date d’audience, les parties en sont avisées par le greffier.

B) L’enregistrement de l’affaire au répertoire général

L’article 726 du CPC prévoit que le greffe tient un répertoire général des affaires dont la juridiction est saisie. C’est ce que l’on appelle le rôle.

Le répertoire général indique la date de la saisine, le numéro d’inscription, le nom des parties, la nature de l’affaire, s’il y a lieu la chambre à laquelle celle-ci est distribuée, la nature et la date de la décision

Consécutivement au placement de l’acte introductif d’instance, il doit inscrire au répertoire général dans la perspective que l’affaire soit, par suite, distribuée.

C) La constitution et le suivi du dossier

Consécutivement à l’enrôlement de l’affaire, il appartient au greffier de constituer un dossier, lequel fera l’objet d’un suivi et d’une actualisation tout au long de l’instance.

?La constitution du dossier

L’article 727 du CPC prévoit que pour chaque affaire inscrite au répertoire général, le greffier constitue un dossier sur lequel sont portés, outre les indications figurant à ce répertoire, le nom du ou des juges ayant à connaître de l’affaire et, s’il y a lieu, le nom des personnes qui représentent ou assistent les parties.

Sont versés au dossier, après avoir été visés par le juge ou le greffier, les actes, notes et documents relatifs à l’affaire.

Y sont mentionnés ou versés en copie les décisions auxquelles celle-ci donne lieu, les avis et les lettres adressés par la juridiction.

Lorsque la procédure est orale, les prétentions des parties ou la référence qu’elles font aux prétentions qu’elles auraient formulées par écrit sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal.

Ainsi, le dossier constitué par le greffe a vocation à recueillir tous les actes de procédure. C’est là le sens de l’article 769 du CPC qui prévoit que « la remise au greffe de la copie d’un acte de procédure ou d’une pièce est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué. »

?Le suivi du dossier

L’article 771 prévoit que le dossier de l’affaire doit être conservé et tenu à jour par le greffier de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée.

Par ailleurs, il est établi une fiche permettant de connaître à tout moment l’état de l’affaire.

En particulier, en application de l’article 728 du CPC, le greffier de la formation de jugement doit tenir un registre où sont portés, pour chaque audience :

  • La date de l’audience ;
  • Le nom des juges et du greffier ;
  • Le nom des parties et la nature de l’affaire ;
  • L’indication des parties qui comparaissent elles-mêmes dans les matières où la représentation n’est pas obligatoire ;
  • Le nom des personnes qui représentent ou assistent les parties à l’audience.

Le greffier y mentionne également le caractère public ou non de l’audience, les incidents d’audience et les décisions prises sur ces incidents.

L’indication des jugements prononcés est portée sur le registre qui est signé, après chaque audience, par le président et le greffier.

Par ailleurs, l’article 729 précise que, en cas de recours ou de renvoi après cassation, le greffier adresse le dossier à la juridiction compétente, soit dans les quinze jours de la demande qui lui en est faite, soit dans les délais prévus par des dispositions particulières.

Le greffier établit, s’il y a lieu, copie des pièces nécessaires à la poursuite de l’instance.

Depuis l’adoption du décret n°2005-1678 du 28 décembre 2005, il est admis que le dossier et le registre soient tenus sur support électronique, à la condition que le système de traitement des informations garantisse l’intégrité et la confidentialité et permettre d’en assurer la conservation.