Présomption de libération du débiteur: la remise volontaire du titre constatant la créance (art. 1342-9 C. civ.)

L’article 1342-9 du Code civil prévoit que « la remise volontaire par le créancier au débiteur de l’original sous signature privée ou de la copie exécutoire du titre de sa créance vaut présomption simple de libération. »

Il ressort de cette disposition que la restitution par le créancier de l’écrit qui lui servait de preuve au débiteur fait présumer la libération de ce dernier.

Cette règle procède de l’idée que si le créancier s’est dessaisi entre les mains du débiteur du titre qui constatait sa créance, il est fort probable qu’il s’agisse là d’une contrepartie au paiement qu’il a reçu à tout le moins cette démarche exprime son intention de libérer le débiteur de son obligation.

Sous l’empire du droit antérieur, la présomption de libération du débiteur résultant de la remise du titre original était abordée dans une section du Code civil consacrée à la remise de dette.

Les anciens articles 1282 et 1283 du Code civil conféraient à cette présomption une force probante différente selon que le titre remis au débiteur était un acte sous seing privé ou la copie exécutoire d’un acte authentique (grosse) :

  • Lorsque le titre remis était un acte sous seing privé, l’article 1282 du Code civil faisait produire à la remise l’effet d’une présomption irréfragable de libération du débiteur (V. en ce sens com. 6 mai 1991, n°89-19.136)
  • Lorsque le titre remis était une copie exécutoire d’un acte notarié, l’article 1283 du Code civil faisait produire à la remise l’effet d’une présomption simple de libération du débiteur

Les auteurs expliquaient cette différence de traitement entre les deux remises en avançant que la remise de la copie exécutoire d’un acte notarié était moins probante que la remise d’un acte sous seing privé.

En effet, lorsque la remise porte sur un acte sous seing privé, elle consiste pour le créancier à se dessaisir du titre original constatant sa créance. Cela signifie donc qu’il renonce à détenir l’instrumentum susceptible de lui permettre d’établir, en cas de litige, l’existence même de son obligation. La démarche est forte ; d’où la présomption irréfragable instituée par la jurisprudence en pareille circonstance.

Lorsque, en revanche, la remise porte sur la copie exécutoire de l’acte notarié, le sens de cette remise est bien différent. Comme son nom le suggère, une copie exécutoire, dit autrement « grosse », n’est autre qu’une reproduction de l’acte notarié, l’original étant conservé par le notaire au rang des minutes. En se dessaisissant d’une copie exécutoire du titre constatant sa créance, le créancier conserve la possibilité d’accéder à l’exemplaire original de son titre et donc de se faire délivrer une nouvelle copie exécutoire. C’est la raison pour laquelle, dans cette hypothèse, le législateur a seulement fait produire à la remise l’effet d’une présomption simple.

Cette différence entre remise d’un acte sous seing privé et remise d’une copie exécutoire n’a pas été reconduite par le législateur à l’occasion de la réforme du régime général des obligations opérée par l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016.

Les règles énoncées aux articles 1232 et 1283 du Code civil ont été unifiées, en ce sens qu’il est désormais indifférent que la remise porte sur l’original d’un acte sous seing privé ou sur la copie exécutoire d’un acte notarié. Dans les deux cas cette remise produit l’effet d’une présomption simple.

L’objet et les conditions d’application de cette présomption demeurent toutefois inchangés.

I) Objet de la présomption

Bien que l’article 1342-9 soit localisé dans une section du Code civil dédiée au paiement, il n’institue pas une présomption de paiement, mais une présomption de libération du débiteur.

Cette précision est d’importance, car elle signifie que la remise volontaire au débiteur du titre constatant la créance fait présumer l’extinction de l’obligation pour n’importe quelle cause.

Or les causes d’extinction d’une obligation ne se limitent pas au paiement ; elles sont multiples. Remise de dette, compensation, novation, confusion sont des causes d’extinction des obligations au même titre que le paiement.

Si, la plupart du temps, l’enjeu du litige réside exclusivement dans la libération du débiteur, il est des cas où la cause de cette libération ne sera pas indifférente.

Il en va notamment ainsi en matière de remise de dette intervenant dans le cadre du règlement d’une succession.

Dans cette situation, les effets diffèrent selon que la libération du débiteur procède d’un paiement ou d’une remise de dette.

La remise de dette est, en effet, susceptible de constituer une donation indirecte et, par voie de conséquence, de faire l’objet d’un rapport ou d’une réduction.

Parce que donc l’article 1342-9 institue, non pas une présomption de paiement, mais une présomption de libération, il ne permettra pas d’établir la cause d’extinction de l’obligation.

Cette preuve devra être rapportée par un autre biais, étant précisé qu’il ne s’agit pas ici de prouver un acte juridique, mais un mode de libération du débiteur. Aussi, est-il admis que la preuve soit libre : elle peut donc être rapportée par tout moyen.

Quant à la charge de cette preuve, elle pèse sur celui qui prétend que la libération du débiteur procède d’une remise de dette ou d’un paiement.

II) Conditions d’application de la présomption

Pour que la présomption instituée par l’article 1342-9 du Code civil puisse jouer, plusieurs conditions doivent être réunies :

==> Première condition : une remise

La présomption instituée par l’article 1342-9 du Code civil ne produira ses effets que s’il y a eu remise du titre constatant la créance au débiteur. Autrement dit, il faut que le créancier se soit dessaisi de son titre entre les mains du débiteur.

Aussi, le simple fait que le débiteur détienne le titre n’est pas suffisant. Il peut, en effet, l’avoir obtenu au moyen de manœuvres frauduleuses ou encore de façon totalement fortuite.

Reste que la jurisprudence a admis, afin d’alléger le fardeau de la preuve, que la détention du titre faisait à elle seule présumer la remise (Cass. req. 26 mai 1886). Il s’agit toutefois d’une présomption simple qui donc peut être combattue par la preuve contraire.

==> Deuxième condition : une remise volontaire

Il ne suffit pas que la détention par le débiteur du titre constatant la créance procède d’une remise, il faut encore que cette remise ait été volontaire.

Plus précisément il faut que le créancier ait exprimé par cette remise deux intentions :

  • Première intention
    • Le créancier doit avoir sciemment et librement voulu se dessaisir de son titre entre les mains du débiteur.
    • Aussi, la remise ne peut-elle pas avoir été effectuée par erreur ou provoquée par une manœuvre dolosive.
  • Seconde intention
    • Le créancier doit avoir voulu, par cette remise, libérer le débiteur de son obligation.
    • La présomption instituée par l’article 1342-9 du Code civil peut donc être écartée si la remise ne révèle pas l’intention de libération du débiteur (V. en ce sens req. 20 oct. 1880).

La détention du titre par le débiteur fait néanmoins présumer la remise volontaire du titre par le créancier (V. en ce sens Cass. com. 7 janv. 2003, n°99-16.617).

==> Troisième condition : une remise volontaire par le créancier

La remise du titre constatant la créance doit nécessairement avoir été faite par le créancier ou son représentant.

À défaut, la présomption de libération du débiteur ne pourra pas jouer (V. en ce sens Cass. com. 16 oct. 2001, n°98-14.264). Si, en effet, le titre est remis au débiteur par un tiers, il est pour le moins douteux que la remise ait été voulue par le créancier.

==> Quatrième condition : une remise portant sur l’original d’un acte sous seing privé ou sur la copie exécutoire du

Pour faire présumer la libération du débiteur, la remise doit nécessairement porter :

  • Soit sur l’original de l’acte sous seing privé constatant la créance
    • La remise d’une copie de l’acte sous seing privé ne permet donc pas de faire jouer la présomption instituée à l’article 1342-9 du Code civil
    • Dans un arrêt du 21 octobre 1975 a précisé que, en présence de plusieurs originaux du titre sous signature privée constatant la créance, le débiteur ne pouvait être présumé être libérée qu’à la condition que tous les exemplaires lui aient été remis par le créancier, à tout le moins ceux qu’il détenait ( 1ère civ. 21 oct. 1975, n°74-11.646)
  • Soit sur la copie exécutoire de l’acte authentique constatant la créance
    • La remise d’une simple expédition de l’acte notarié non revêtue de la formule exécutoire n’est pas suffisante pour faire présumer la libération du débiteur.
    • Parce que la minute est toujours détenue par le notaire, le créancier a toujours la possibilité de se faire délivrer des copies.

III) Effets de la présomption

La présomption instituée par l’article 1342-9 du Code civil produit deux effets :

  • Premier effet
    • Le débiteur est réputé libéré de son obligation envers le créancier.
  • Second effet
    • En présence de plusieurs débiteurs, l’article 1342-9, al. 2e prévoit que « la même remise à l’un des codébiteurs solidaires produit le même effet à l’égard de tous. »
    • Cette règle n’est pas sans faire écho à celle énoncée à l’article 1313 du Code civil qui dispose, pour mémoire, que le paiement effectué par un codébiteur solidaire libère tous les codébiteurs envers le créancier.

Les modes de preuve du paiement

La preuve du paiement présente un enjeu majeur, dans la mesure où, en cas de litige, elle détermine le sort de l’obligation dont le débiteur se prétend être déchargée.

Deux questions alors se posent : qui doit prouver ? comment prouver ?

Nous nous focaliserons ici sur les modes de preuve du paiement.

==> Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, le mode de preuve du paiement a donné lieu à une controverse. Cette controverse a vu s’opposer deux thèses : celle de l’acte juridique et celle du fait juridique

  • Thèse du fait juridique
    • Selon cette thèse, le paiement ne serait autre qu’un fait juridique car, au fond, il tirerait ses effets de la loi et non de la volonté du débiteur.
    • Si donc le paiement produit, tantôt un effet extinctif, tantôt un effet subrogatoire, ce n’est pas parce que les parties intéressées à l’opération l’ont voulu, mais parce que la loi le prévoit.
    • En tant que fait juridique, le paiement pourrait alors se prouver par tous moyens
  • Thèse de l’acte juridique
    • Selon cette thèse, le paiement s’analyserait en une convention conclue entre le solvens (celui qui paye) et l’accipiens (celui qui est payé) aux fins d’éteindre l’obligation originaire.
    • Il en résulterait que la preuve du paiement supposerait la production d’un écrit, conformément à l’article 1364 du Code civil

Entre ces deux thèses, la Cour de cassation a opté pour la seconde. Dans un arrêt du 6 juillet 2004, elle a jugé que « la preuve du paiement, qui est un fait, peut être rapportée par tous moyens » (Cass. 1ère civ. 6 juill. 2004, 01-14.618).

Cinq ans plus tard, la Deuxième chambre civile a statué dans le même sens, dans un arrêt du 17 décembre 2009 (Cass. 2e civ. 17 déc. 2009, n°06-18.649)

Alors qu’une position semblait avoir été arrêtée par la Cour de cassation, la Chambre sociale (Cass. soc. 11 janv. 2006, n°04-41.231), puis la Troisième chambre civile (Cass. 3e civ. 27 févr. 2008, n°07-10.222) ont semé le doute en rendant des décisions intéressant la preuve du paiement au visa de l’ancien article 1341 du Code civil, soit celui exigeant la production d’un écrit.

==> Droit positif

À l’occasion de la réforme du droit des contrats opérée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le législateur a entendu clarifier l’état du droit positif.

Aussi, a-t-il inséré un article 1342-8 dans le Code civil qui dispose que « le paiement se prouve par tout moyen. »

À l’analyse, si la règle énoncée met un terme à l’incertitude jurisprudentielle née de la divergence entre les Chambres de la Cour de cassation, elle ne règle pas la question de la qualification du paiement.

Comme souligné par des auteurs « selon que l’on se prononce en faveur de la qualification d’acte ou de fait juridique, l’article 1342-8 du Code civil apparaîtra comme une simple application du droit commun ou, au contraire, comme une remarquable exception »[8].

En tout état de cause, parce que le paiement se prouve « par tout moyen », le débiteur est autorisé à mobiliser tous les modes de preuves aux fins d’établir sa prétention au nombre desquels figurent notamment l’écrit, le témoignage, la présomption judiciaire, l’aveu et le serment.

Parfois, il pourra être dispensé de rapporter la preuve du paiement en présence d’une présomption légale.

1. La liberté de la preuve ou les modes de preuve admis

1.1. L’écrit

Si la production d’un écrit n’est pas exigée pour prouver le paiement, cela ne signifie pas pour autant qu’il est fait interdiction au débiteur d’y recourir.

Parce que le paiement se prouve par tout moyen, l’écrit est admis au même titre que les autres modes de preuve.

Si, en théorie, ils sont tous placés sur un pied d’égalité, en pratique, le débiteur portera son choix, la plupart du temps, sur l’écrit en raison de la force probante que le juge lui prêtera.

Encore faut-il qu’il réponde à certaines exigences, quant à sa forme et quant à son origine, faute de quoi le juge est susceptible, au mieux, de le reléguer au rang de commencement de preuve par écrit, au pire, de l’écarter purement et simplement.

a. La forme de l’écrit

La constatation dans un écrit du paiement consiste habituellement en l’établissement d’une quittance, appelée autrement « reçu ».

La quittance ne doit pas être confondue avec la facture :

  • La quittance constate le paiement ; elle est remise au débiteur après qu’il s’est acquitté de son obligation
  • La facture détaille le contenu et le prix de la prestation fournie par le créancier ; elle est remise au débiteur en vue du paiement

 S’agissant de la quittance, elle peut être établie, soit par acte sous seing privé, soit par acte notarié.

  • La quittance sous seing privée
    • Pour valoir acte sous seing privé, la quittance doit comporter la signature du créancier, l’objet du paiement et sa cause.
    • S’agissant de la date et des modalités du paiement, la Cour de cassation a jugé que ces éléments n’étaient pas exigés à titre de validité de la quittance (V. en ce sens 1ère civ. 12 févr. 1964; Cass. 1ère civ. 16 mars 2004, n°01-11.274).
  • La quittance sous forme authentique
    • Il est des cas où la loi exige que la quittance soit établie par voie d’acte authentique.
    • L’article 1346-2, al. 2e du Code civil prévoit en ce sens que « la subrogation peut être consentie sans le concours du créancier, mais à la condition que la dette soit échue ou que le terme soit en faveur du débiteur. Il faut alors que l’acte d’emprunt et la quittance soient passés devant notaire, que dans l’acte d’emprunt il soit déclaré que la somme a été empruntée pour faire le paiement, et que dans la quittance il soit déclaré que le paiement a été fait des sommes versées à cet effet par le nouveau créancier. »

Dans l’hypothèse où la quittance ne satisfait aux exigences notamment parce que le débiteur, ni de l’acte sous seing privé, ni de l’acte authentique, elle vaudra seulement commencement par écrit.

Tel sera le cas lorsque, soit la quittance ne sera pas signée par le créancier, soit le débiteur n’en détiendra qu’une copie (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 27 mai 1986, n°84-14.370).

b. L’origine de l’écrit

Pour mémoire, l’article 1363 du Code civil prévoit que « nul ne peut se constituer de titre à soi-même. »

Il ressort de cette disposition que pour valoir écrit, l’acte produit par le débiteur à titre de preuve ne peut pas avoir été préconstitué par lui ; il doit émaner, soit du créancier, soit d’un tiers.

Cette règle est-elle applicable à la preuve du paiement ? La question se pose dans la mesure où le paiement se prouve par tous moyens ce qui suggère qu’il s’analyserait en un fait juridique.

Or l’article 1363 du Code civil s’applique à la preuve des actes juridiques, soit aux cas où l’écrit est exigé.

À cet égard, sous l’empire du droit antérieur, la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 6 mars 2014 que « le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n’est pas applicable à la preuve d’un fait juridique » (Cass. 2e civ. 6 mars 2014, n°13-14.294)

Est-ce à dire que le débiteur pourrait prouver son paiement en produisant un acte qui émane de lui ?

Tout dépend de la qualification que l’on reconnaît au paiement :

  • Si l’on estime qu’il s’agit d’un fait juridique, alors il y a lieu d’admettre que l’écrit produit aux fins de prouver le paiement puisse émaner du débiteur.
  • Si l’on estime, au contraire, qu’il s’agit d’un acte juridique, alors il y a lieu de considérer que l’écrit émanant du débiteur ne suffit pas à prouver son paiement

À supposer que l’on opte pour la première approche, elle n’aura qu’une portée limitée dans la mesure elle doit être combinée avec la règle énoncée à l’article 1378-1 du Code civil.

Cette disposition prévoit, en effet, que « les registres et papiers domestiques ne font pas preuve au profit de celui qui les a écrits. »

Aussi, est-il fait interdiction, en tout état de cause, au débiteur de prouver le paiement en produisant sa propre comptabilité.

c. La force probante de l’écrit

Lorsque le débiteur produit un acte qui remplit les conditions de l’écrit aux fins de prouver son paiement, quelle est la force probante de cet acte ?

Plus précisément la question se pose de savoir si, pour contester le paiement du débiteur, le créancier devra, à son tour, produire un écrit ?

Dans la mesure où, en matière de paiement, la preuve est libre, on pourrait être tenté de répondre par la négative : le créancier devra pouvoir prouver sa prétention par tous moyens.

Tel n’est toutefois pas la voie empruntée par la jurisprudence sous l’empire du droit antérieur. Dans un arrêt du 4 novembre 2011, la Cour de cassation a jugé, par exemple, que « si celui qui a donné quittance peut établir que celle-ci n’a pas la valeur libératoire qu’implique son libellé, cette preuve ne peut être rapportée que dans les conditions prévues par les articles 1341 et suivants du code civil » (Cass. 1ère civ. 4 nov. 2011, n°10-27.035).

Cette solution a-t-elle été reconduite par la réforme du régime général des obligations opérée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ?

Les auteurs sont réservés. Tout d’abord, l’écrit n’est exigé à titre de preuve que pour les actes juridiques. Or la jurisprudence analyse le paiement plutôt comme un fait juridique.

Ensuite, comme relevé par Maxime Julienne « il n’y a aucune raison de retenir une interprétation restrictive de l’article 1342-8 et de ne pas étendre à la preuve de l’absence de paiement le principe de liberté probatoire dont ce texte est porteur »[9].

1.2. Le témoignage

Parce que la preuve du paiement est libre, il est admis que le débiteur puisse recourir au témoignage afin d’établir qu’il s’est libéré de son obligation envers le créancier.

Pour mémoire, le témoignage consiste en une déclaration faite au juge par une personne, le témoin, ayant constaté ou eu connaissance des faits litigieux.

L’article 1381 du Code civil prévoit que la valeur probante des déclarations faites par un tiers est laissée à l’appréciation du juge.

Autrement dit, il appartient au juge d’apprécier la véracité du contenu de la déclaration qu’il reçoit.

En pratique, le débiteur s’appuiera sur le témoignage lorsque, soit il sera dans l’incapacité de produire un écrit (art. 1360 C. civ.), soit parce que l’acte dont il est en possession ne remplit pas les conditions de l’écrit et n’a la valeur que d’un commencement de preuve par écrit (art. 1361 C. civ.).

1.3. La présomption judiciaire

Lorsque la preuve est libre, il est admis que le juge puisse puiser dans les circonstances de la cause la preuve du fait contesté ; c’est le mécanisme des présomptions judiciaires, qualifiées également de présomptions du fait de l’homme.

Concrètement, la preuve procède ici d’un raisonnement par induction. Il s’agira donc, à partir d’un ou plusieurs indices connus, de tirer des conséquences quant à la réalité du fait contesté.

En application de l’article 1382 du Code civil, seules les présomptions « graves, précises et concordantes » sont admises.

Lorsque cette condition est remplie, les présomptions judiciaires « sont laissées à l’appréciation du juge ».

L’ancien article 1353 du Code civil prévoyait dans le même sens qu’elles doivent être « abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat ».

Comme souligné par des auteurs « la preuve construite sur des indices n’est donc acquise que si elle correspond à l’intime conviction du juge »[10].

S’agissant de l’application du mécanisme des présomptions judiciaires au paiement, bien qu’il ne s’agisse pas de son terrain de prédilection, elle n’est pas à exclure.

Les présomptions judiciaires pourront notamment jouer en présence de documents, tels que des courriers, certificats, chèques ou encore factures qui suggèrent l’exécution d’un paiement (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 7 févr. 1989, n°85-14.989).

1.4. L’aveu

L’aveu est défini à l’article 1383, al. 1er du Code civil comme « la déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques ».

L’alinéa 2 de cette disposition précise que l’aveu peut être judiciaire ou extrajudiciaire :

  • L’aveu judiciaire
    • Il s’agit de la déclaration que fait en justice la partie ou son représentant spécialement mandaté.
    • La particularité de ce mode de preuve est qu’il est recevable en toutes matières, y compris lorsqu’un écrit est exigé.
    • Autrement dit, il peut servir à établir, tant un fait juridique, qu’un acte juridique : il n’est donc pas besoin qu’il soit corroboré par un autre mode de preuve, à la différence par exemple du témoignage ou du commencement de preuve par écrit.
    • La raison en est qu’il « fait foi contre celui qui l’a fait» ( 1382, al. 2e C. civ.)
    • Aussi, la reconnaissance par le créancier de l’exécution par le débiteur de son obligation vaudra preuve du paiement, étant précisé que le juge sera lié par cet aveu.
    • Dans ces conditions, il devra tenir pour établi le fait avoué, quand bien même cela ira à l’encontre de son intime conviction.
  • L’aveu extrajudiciaire
    • Il s’agit de la déclaration faite par une partie au procès en dehors du prétoire.
    • Contrairement à l’aveu judiciaire, l’aveu extrajudiciaire n’est recevable que « dans les cas où la loi permet la preuve par tout moyen» ( 1383-1, al. 1er C. civ.).
    • La preuve du paiement étant libre, le recours à l’aveu extrajudiciaire en cette manière ne soulève aucune difficulté.
    • À cet égard, l’aveu peut émaner, tant du créancier, que du débiteur.
    • Reste que dans les deux cas, comme précisé par l’article 1383-1, al. 2e du Code civil « sa valeur probante est laissée à l’appréciation du juge. »

1.5. Le serment

Le serment est un mode de preuve hérité d’une époque où l’église était fortement imbriquée dans l’état et où la société était particulièrement imprégnée des concepts d’honneur et de moral.

Classiquement, le serment est défini comme « la déclaration par laquelle un plaideur affirme, d’une manière solennelle et devant un juge, la réalité d’un fait qui lui est favorable »[11].

Lorsqu’il est utilisé à des fins probatoire, le serment est soit décisoire, soit supplétoire.

  • Le serment décisoire
    • Il s’agit de celui qu’une partie défère à l’autre pour en faire dépendre le jugement de la cause ( 1384 C. civ.) :
      • Si le plaideur auquel le serment est déféré accepte le « défi », alors il gagne le procès.
      • Si en revanche, il renonce à prêter serment craignant notamment la sanction attachée au parjure, alors il succombe.
    • La particularité du serment décisoire est qu’il « peut être déféré sur quelque espèce de contestation que ce soit et en tout état de cause. »
    • Autrement dit, il peut intervenir aux fins de prouver, tant un acte juridique, qu’un fait juridique.
    • Le paiement peut ainsi être prouvé au moyen du serment décisoire.
    • À cet égard, à l’instar de l’aveu judiciaire, le serment décisoire présente l’avantage de lier le juge à la déclaration du plaideur.
    • Il devra donc tenir pour vrai ce que ce dernier déclare, à tout le moins dès lors la déclaration porte sur un fait personnel, soit d’un fait qu’il a personnellement vécu ou constaté ( 1385-1 C. civ.).
  • Le serment supplétoire
    • Il s’agit de celui qui est déféré d’office par le juge à l’une ou à l’autre des parties.
    • Contrairement au serment décisoire, le serment supplétoire ne peut pas jouer en toutes matières ; il obéit à des conditions de recevabilité énoncées à l’article 1386-1 du Code civil.
    • Cette disposition prévoit que « le juge ne peut déférer d’office le serment, soit sur la demande, soit sur l’exception qui y est opposée, que si elle n’est pas pleinement justifiée ou totalement dénuée de preuves. »
    • Autrement dit, le juge ne pourra recourir au serment supplétoire que pour parfaire son intime conviction.
    • Il s’agit, en quelque, sorte d’une mesure d’instruction qui ne peut ni pallier la carence de preuves, ni intervenir pour combattre une preuve parfaite.
    • La recevabilité du serment décision est ainsi conditionnée à la vraisemblance de la prétention qu’il vise à confirmer ou infirmer.
    • Si cette condition est remplie, le juge pourra y recourir afin d’établir la réalité du paiement discutée par les parties.

2. La dispense de rapporter la preuve ou les présomptions légales

Il est des textes qui instituent, en certaines circonstances, des présomptions de paiement, ce qui a pour conséquence de dispenser le débiteur de rapporteur la preuve de sa libération.

a. La remise volontaire au débiteur du titre constatant la créance

L’article 1342-9 du Code civil prévoit que « la remise volontaire par le créancier au débiteur de l’original sous signature privée ou de la copie exécutoire du titre de sa créance vaut présomption simple de libération. »

Il ressort de cette disposition que la restitution par le créancier de l’écrit qui lui servait de preuve au débiteur fait présumer la libération de ce dernier.

Cette règle procède de l’idée que si le créancier s’est dessaisi entre les mains du débiteur du titre qui constatait sa créance, il est fort probable qu’il s’agisse là d’une contrepartie au paiement qu’il a reçu à tout le moins cette démarche exprime son intention de libérer le débiteur de son obligation.

Sous l’empire du droit antérieur, la présomption de libération du débiteur résultant de la remise du titre original était abordée dans une section du Code civil consacrée à la remise de dette.

Les anciens articles 1282 et 1283 du Code civil conféraient à cette présomption une force probante différente selon que le titre remis au débiteur était un acte sous seing privé ou la copie exécutoire d’un acte authentique (grosse) :

  • Lorsque le titre remis était un acte sous seing privé, l’article 1282 du Code civil faisait produire à la remise l’effet d’une présomption irréfragable de libération du débiteur (V. en ce sens com. 6 mai 1991, n°89-19.136)
  • Lorsque le titre remis était une copie exécutoire d’un acte notarié, l’article 1283 du Code civil faisait produire à la remise l’effet d’une présomption simple de libération du débiteur

Les auteurs expliquaient cette différence de traitement entre les deux remises en avançant que la remise de la copie exécutoire d’un acte notarié était moins probante que la remise d’un acte sous seing privé.

En effet, lorsque la remise porte sur un acte sous seing privé, elle consiste pour le créancier à se dessaisir du titre original constatant sa créance. Cela signifie donc qu’il renonce à détenir l’instrumentum susceptible de lui permettre d’établir, en cas de litige, l’existence même de son obligation. La démarche est forte ; d’où la présomption irréfragable instituée par la jurisprudence en pareille circonstance.

Lorsque, en revanche, la remise porte sur la copie exécutoire de l’acte notarié, le sens de cette remise est bien différent. Comme son nom le suggère, une copie exécutoire, dit autrement « grosse », n’est autre qu’une reproduction de l’acte notarié, l’original étant conservé par le notaire au rang des minutes. En se dessaisissant d’une copie exécutoire du titre constatant sa créance, le créancier conserve la possibilité d’accéder à l’exemplaire original de son titre et donc de se faire délivrer une nouvelle copie exécutoire. C’est la raison pour laquelle, dans cette hypothèse, le législateur a seulement fait produire à la remise l’effet d’une présomption simple.

Cette différence entre remise d’un acte sous seing privé et remise d’une copie exécutoire n’a pas été reconduite par le législateur à l’occasion de la réforme du régime général des obligations opérée par l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016.

Les règles énoncées aux articles 1232 et 1283 du Code civil ont été unifiées, en ce sens qu’il est désormais indifférent que la remise porte sur l’original d’un acte sous seing privé ou sur la copie exécutoire d’un acte notarié. Dans les deux cas cette remise produit l’effet d’une présomption simple.

L’objet et les conditions d’application de cette présomption demeurent toutefois inchangés.

i. Objet de la présomption

Bien que l’article 1342-9 soit localisé dans une section du Code civil dédiée au paiement, il n’institue pas une présomption de paiement, mais une présomption de libération du débiteur.

Cette précision est d’importance, car elle signifie que la remise volontaire au débiteur du titre constatant la créance fait présumer l’extinction de l’obligation pour n’importe quelle cause.

Or les causes d’extinction d’une obligation ne se limitent pas au paiement ; elles sont multiples. Remise de dette, compensation, novation, confusion sont des causes d’extinction des obligations au même titre que le paiement.

Si, la plupart du temps, l’enjeu du litige réside exclusivement dans la libération du débiteur, il est des cas où la cause de cette libération ne sera pas indifférente.

Il en va notamment ainsi en matière de remise de dette intervenant dans le cadre du règlement d’une succession.

Dans cette situation, les effets diffèrent selon que la libération du débiteur procède d’un paiement ou d’une remise de dette.

La remise de dette est, en effet, susceptible de constituer une donation indirecte et, par voie de conséquence, de faire l’objet d’un rapport ou d’une réduction.

Parce que donc l’article 1342-9 institue, non pas une présomption de paiement, mais une présomption de libération, il ne permettra pas d’établir la cause d’extinction de l’obligation.

Cette preuve devra être rapportée par un autre biais, étant précisé qu’il ne s’agit pas ici de prouver un acte juridique, mais un mode de libération du débiteur. Aussi, est-il admis que la preuve soit libre : elle peut donc être rapportée par tout moyen.

Quant à la charge de cette preuve, elle pèse sur celui qui prétend que la libération du débiteur procède d’une remise de dette ou d’un paiement.

ii. Conditions d’application de la présomption

Pour que la présomption instituée par l’article 1342-9 du Code civil puisse jouer, plusieurs conditions doivent être réunies :

==> Première condition : une remise

La présomption instituée par l’article 1342-9 du Code civil ne produira ses effets que s’il y a eu remise du titre constatant la créance au débiteur. Autrement dit, il faut que le créancier se soit dessaisi de son titre entre les mains du débiteur.

Aussi, le simple fait que le débiteur détienne le titre n’est pas suffisant. Il peut, en effet, l’avoir obtenu au moyen de manœuvres frauduleuses ou encore de façon totalement fortuite.

Reste que la jurisprudence a admis, afin d’alléger le fardeau de la preuve, que la détention du titre faisait à elle seule présumer la remise (Cass. req. 26 mai 1886). Il s’agit toutefois d’une présomption simple qui donc peut être combattue par la preuve contraire.

==> Deuxième condition : une remise volontaire

Il ne suffit pas que la détention par le débiteur du titre constatant la créance procède d’une remise, il faut encore que cette remise ait été volontaire.

Plus précisément il faut que le créancier ait exprimé par cette remise deux intentions :

  • Première intention
    • Le créancier doit avoir sciemment et librement voulu se dessaisir de son titre entre les mains du débiteur.
    • Aussi, la remise ne peut-elle pas avoir été effectuée par erreur ou provoquée par une manœuvre dolosive.
  • Seconde intention
    • Le créancier doit avoir voulu, par cette remise, libérer le débiteur de son obligation.
    • La présomption instituée par l’article 1342-9 du Code civil peut donc être écartée si la remise ne révèle pas l’intention de libération du débiteur (V. en ce sens req. 20 oct. 1880).

La détention du titre par le débiteur fait néanmoins présumer la remise volontaire du titre par le créancier (V. en ce sens Cass. com. 7 janv. 2003, n°99-16.617).

==> Troisième condition : une remise volontaire par le créancier

La remise du titre constatant la créance doit nécessairement avoir été faite par le créancier ou son représentant.

À défaut, la présomption de libération du débiteur ne pourra pas jouer (V. en ce sens Cass. com. 16 oct. 2001, n°98-14.264). Si, en effet, le titre est remis au débiteur par un tiers, il est pour le moins douteux que la remise ait été voulue par le créancier.

==> Quatrième condition : une remise portant sur l’original d’un acte sous seing privé ou sur la copie exécutoire du

Pour faire présumer la libération du débiteur, la remise doit nécessairement porter :

  • Soit sur l’original de l’acte sous seing privé constatant la créance
    • La remise d’une copie de l’acte sous seing privé ne permet donc pas de faire jouer la présomption instituée à l’article 1342-9 du Code civil
    • Dans un arrêt du 21 octobre 1975 a précisé que, en présence de plusieurs originaux du titre sous signature privée constatant la créance, le débiteur ne pouvait être présumé être libérée qu’à la condition que tous les exemplaires lui aient été remis par le créancier, à tout le moins ceux qu’il détenait ( 1ère civ. 21 oct. 1975, n°74-11.646)
  • Soit sur la copie exécutoire de l’acte authentique constatant la créance
    • La remise d’une simple expédition de l’acte notarié non revêtue de la formule exécutoire n’est pas suffisante pour faire présumer la libération du débiteur.
    • Parce que la minute est toujours détenue par le notaire, le créancier a toujours la possibilité de se faire délivrer des copies.

iii. Effets de la présomption

La présomption instituée par l’article 1342-9 du Code civil produit deux effets :

  • Premier effet
    • Le débiteur est réputé libéré de son obligation envers le créancier.
  • Second effet
    • En présence de plusieurs débiteurs, l’article 1342-9, al. 2e prévoit que « la même remise à l’un des codébiteurs solidaires produit le même effet à l’égard de tous. »
    • Cette règle n’est pas sans faire écho à celle énoncée à l’article 1313 du Code civil qui dispose, pour mémoire, que le paiement effectué par un codébiteur solidaire libère tous les codébiteurs envers le créancier.

b. La mention apposée sur le titre constatant la créance

L’article 1378-2 du Code civil prévoit que :

  • D’une part, « la mention d’un paiement ou d’une autre cause de libération portée par le créancier sur un titre original qui est toujours resté en sa possession vaut présomption simple de libération du débiteur. »
  • D’autre part, « il en est de même de la mention portée sur le double d’un titre ou d’une quittance, pourvu que ce double soit entre les mains du débiteur. »

Il ressort de cette disposition que dans l’hypothèse où une mention établissant la libération du débiteur figure, tantôt sur le titre constatant la créance détenue en original par le créancier, tantôt sur le double de ce titre détenu par le débiteur, celui-ci est présumé être libéré de son obligation.

La présomption ainsi instituée produit le même effet que celle résultant de la remise volontaire au débiteur du titre constatant la créance.

 

 

 

[1] M. Julienne, Régime général des obligations, éd. LGDJ, 2022, n°528, p. 362

[2] E-D Glasson, A. Tissier, R. Morel, Traité théorique et pratique d’organisation judiciaire de compétence et de procédure civile, Paris, Libr. du Rec. Sirey, 1925-1936, t. 1 n° 173

[3] V. en ce sens G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations – Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, éd. Dalloz, 2018, n°941, p.849.

[4] J. François, Traité de droit civil – Les obligations, Régime général, Economica 2017, n°139, p. 126.

[5] F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette et F. Chénédé, Droit civil – Les obligations, éd. Dalloz, 2019, n°1423, p. 1504

[6] G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations, éd. Dalloz, 2018, n°988, p.888.

[7] V. en ce sens Ph. Simler, Cautionnement – Extinction par voie accessoire, Lexisnexis, fasc. Jurisclasseur, n°24

[8] F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil – Les obligations, éd. Dalloz, 2019, n°1449, p. 1526

[9] M. Julienne, Régime général des obligations, éd. LGDJ, 2022, n°554, p. 377.

[10] H. Roland et L. Boyer, Introduction au droit, éd. Litec, 2002, n°1806, p. 619.

[11] J. Ghestin et G. Goubeaux, Droit civil – Introduction Générale, éd. LGDJ, 1990, n°660, p. 635.

La charge de la preuve du paiement

La preuve du paiement présente un enjeu majeur, dans la mesure où, en cas de litige, elle détermine le sort de l’obligation dont le débiteur se prétend être déchargée.

Deux questions alors se posent : qui doit prouver ? comment prouver ?

Nous nous focaliserons ici sur la charge de la preuve du paiement.

==> Principe

Signe que la réforme du régime général des obligations entreprise par le législateur en 2016 n’est pas totalement aboutie, la charge de la preuve du paiement n’est pas abordée dans la partie du Code civil dédié au paiement.

Pour trouver la règle qui répond à la question de savoir à qui incombe la charge de la preuve du paiement, il y a lieu de se reporter à l’article 1353, al. 2e du Code civil qui relève d’un Titre consacré à la preuve des obligations. 

Cette disposition prévoit que « celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »

Il ressort de cette disposition que la preuve du paiement pèse sur le débiteur. Encore faut-il toutefois que le créancier ait préalablement rapporté la preuve de l’obligation dont il se prévaut.

En effet, les deux alinéas de l’article 1353 du Code civil fonctionnent ensemble ; en ce sens qu’ils organisent une réparation de la charge de la preuve. Aussi, ne saurait-on lire l’un sans l’autre ; leur application est nécessairement combinée :

  • Premier alinéa de l’article 1353 du Code civil
    • Cet alinéa pose que c’est d’abord à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver
    • Autrement dit, il appartient au créancier de prouver l’existence de l’obligation dont il se prévaut et dont il revendique l’exécution
    • S’il n’y parvient pas, il succombera sans que le débiteur n’ait à rapporter la preuve du paiement.
  • Second alinéa de l’article 1353 du Code civil
    • Ce n’est que dans l’hypothèse où le créancier parvient à établir l’existence de son droit, qu’il incombera au débiteur de prouver qu’il s’est dûment libéré de son obligation.
    • Autrement dit, il devra rapporter la preuve du paiement, soit de l’exécution de la prestation due.

==> Exceptions

  • Le paiement d’une obligation de moyens
    • Pour mémoire, on dit que l’obligation est de moyens lorsque le débiteur s’engage à mobiliser toutes les ressources dont il dispose pour accomplir la prestation promise, sans garantie du résultat
      • Exemple : le médecin a l’obligation de soigner son patient, mais n’a nullement l’obligation de le guérir.
      • Dans cette configuration, le débiteur ne promet pas un résultat : il s’engage seulement à mettre en œuvre tous les moyens que mettrait en œuvre un bon père de famille pour atteindre le résultat
    • Pour que la responsabilité du débiteur puisse être recherchée, il doit être établi que celui-ci a commis une faute, soit que, en raison de sa négligence ou de son imprudence, il n’a pas mis en œuvre tous les moyens dont il disposait pour atteindre le résultat promis.
    • Il y a là une inversion de la charge de la preuve qui ne pèse donc, non pas sur le débiteur, mais sur le créancier.
  • L’exécution d’une obligation de ne pas faire
    • En présence d’une obligation de ne pas faire, l’application de l’article 1353, al. 2e du Code civil devrait conduire à imposer au débiteur d’établir qu’il s’est abstenu, ce qui revient à exiger de lui qu’il rapporte la preuve d’un fait négatif.
    • Parce que cette preuve est, par nature, difficile sinon impossible à rapporter, il est fréquent que la jurisprudence renverse la charge de la preuve en pareille circonstance.
    • Aussi, n’est pas au débiteur de prouver son abstention, mais au créancier de rapporter la preuve d’une action fautive (V. en ce sens com., 19 sept. 2006, n°05-16.406; Cass. com., 28 mars 2018, n° 17-10.600 ; Cass. soc. 25 mars 2009, n°07-41.894).
  • La stipulation d’une clause contraire
    • En application de l’article 1356 du Code civil, les parties sont libres d’aménager conventionnellement les règles de preuve et notamment la preuve du paiement.
  • Les présomptions légales
    • Il est des textes qui instituent, en certaines circonstances, des présomptions de paiement, ce qui a pour conséquence de renverser la charge de la preuve qui dès lors pèse, non plus sur le débiteur, mais sur le créancier.
    • On en abordera deux :
      • La remise au débiteur du titre constatant la créance
        • L’article 1342-9 du Code civil prévoit que « la remise volontaire par le créancier au débiteur de l’original sous signature privée ou de la copie exécutoire du titre de sa créance vaut présomption simple de libération. »
        • Cette disposition crée ainsi une présomption de paiement à la faveur du débiteur dans l’hypothèse où le créancier lui aurait remis le titre constatant l’obligation qui les lie.
        • En cas de litige, c’est donc au créancier qu’il reviendra de prouver qu’il n’a pas été payé par le débiteur.
      • La mention apposée sur le titre constatant la créance
        • L’article 1378-2 du Code civil prévoit que :
          • D’une part, « la mention d’un paiement ou d’une autre cause de libération portée par le créancier sur un titre original qui est toujours resté en sa possession vaut présomption simple de libération du débiteur. »
          • D’autre part, « il en est de même de la mention portée sur le double d’un titre ou d’une quittance, pourvu que ce double soit entre les mains du débiteur. »
        • Il ressort de cette disposition que dans l’hypothèse où une mention établissant la libération du débiteur figure, tantôt sur le titre constatant la créance détenue en original par le créancier, tantôt sur le double de ce titre détenu par le débiteur, la charge de la preuve du paiement est inversée.
        • La mention apposée sur le titre fait, en effet, présumer le paiement de sorte que c’est au créancier qu’il revient d’établir qu’il n’a pas été payé.

L’imputation du paiement en présence d’une dette unique

Il est des cas où le paiement réalisé par le débiteur ne suffira pas à couvrir ce qu’il doit au créancier.

Deux cas de figure sont susceptibles de se présenter :

  • Le débiteur peut être tenu envers un même créancier de plusieurs dettes et le paiement réalisé est insuffisant pour les éteindre toutes
  • Le débiteur peut être tenu envers le créancier d’une dette unique et le paiement réalisé ne permet d’en couvrir qu’une partie

Dans ces deux situations, la question se pose de savoir comment le paiement doit-il être imputé.

  • En présence d’une pluralité de dettes, le paiement doit-il être imputé en priorité sur certaines ou à proportion de leur montant ?
  • En présence d’une dette unique, le paiement doit-il être imputé d’abord sur le capital ou sur les intérêts ?

Nous nous focaliserons ici sur l’imputation du paiement en présence d’une dette unique. 

À l’instar de l’hypothèse où le débiteur est tenu envers le créancier de plusieurs dettes, en présence d’une dette unique, l’article 1343-1, al. 1er du Code civil établit un ordre d’imputation du paiement réalisé par le débiteur.

Pour que cette situation se présente, encore faut-il que le créancier ait accepté de recevoir ce paiement dans la mesure où, par hypothèse, il sera partiel. Or cela heurte le principe d’indivisibilité du paiement posée par l’article 1342-4, al. 1er du Code civil. D’où la nécessité pour le débiteur d’obtenir l’accord préalable du créancier.

Ce n’est que si cette condition est remplie que la règle d’imputation énoncée à l’article 1343-1 trouvera à s’appliquer.

==> Principe

L’article 1343-1, al. 1er prévoit que si l’obligation de somme d’argent porte intérêt « le paiement partiel s’impute d’abord sur les intérêts. »

À l’analyse, il s’agit là d’une reprise de la règle énoncée par l’ancien article 1254 du Code civil qui disposait que « le paiement fait sur le capital et intérêts, mais qui n’est point intégral, s’impute d’abord sur les intérêts. »

Ainsi, en présence du paiement partiel d’une dette unique, celui-ci s’impute :

  • D’abord sur les intérêts
  • Ensuite sur le capital

L’objectif recherché ici est de protéger le créancier. Tant qu’il n’a pas été intégralement payé, sa dette doit continuer à produire des intérêts.

Or la base de calcul de ces intérêts n’est autre que le capital de la dette. Aussi, imputer le paiement prioritairement sur le capital reviendrait à affecter le rendement de la dette, alors même que le créancier n’a pas été totalement satisfait.

Pour cette raison, le législateur a estimé que, en cas de paiement partiel, celui-ci devait s’imputer d’abord sur les intérêts.

Dans un arrêt du 7 février 1995, la Cour de cassation a précisé que « au même titre que les intérêts visés par l’article 1254 du Code civil, les frais de recouvrement d’une créance constituent des accessoires de la dette ; que le débiteur ne peut, sans le consentement du créancier, imputer les paiements qu’il fait sur le capital par préférence à ces accessoires » (Cass. 1ère civ. 7 févr. 1995, n°92-14.216).

Ainsi, la règle prévoyant d’imputer prioritairement le paiement sur les intérêts de la dette est étendue aux frais de recouvrement et plus généralement à l’ensemble des accessoires de la dette.

==> Tempéraments

Le principe posé à l’article 1343-1 du Code civil n’est pas absolu ; il est assorti d’un certain nombre de tempéraments :

  • Premier tempérament
    • L’article 1343-1 est une disposition supplétive de volonté, ce qui signifie que les parties peuvent y déroger.
    • Aussi, sont-elles libres de prévoir que le paiement s’imputera prioritairement sur le capital.
    • À cet égard, contrairement à l’hypothèse où le débiteur est tenu de plusieurs dettes, il ne pourra pas imposer un ordre d’imputation au créancier.
    • Dans un arrêt du 20 octobre 1992 la Cour de cassation a jugé en ce sens :
      • D’une part, que « le débiteur d’une dette qui porte intérêt ne peut, sans le consentement du créancier, imputer le paiement qu’il a fait sur le capital par préférence aux intérêts»
      • D’autre part, que « le consentement des créanciers peut seul permettre l’imputation des paiements sur le capital par préférence aux intérêts» ( com. 20 oct. 1992, n°90-13.072)
    • Ainsi, l’imputation du paiement ne pourra se faire prioritairement sur le capital de la dette que si le créancier y consent.
  • Deuxième tempérament
    • Dans un arrêt du 11 juin 1996, la Cour de cassation a précisé que « l’imputation légalement faite du paiement effectué par le débiteur principal est opposable à la caution» ( com., 11 juin 1996, n° 94-15.097).
    • Il en résulte que l’imputation prioritaire des paiements effectués par le débiteur principal sur les intérêts générés par l’obligation garantie s’impose à la caution.
    • L’article 2302 du Code civil apporte une dérogation à ce principe en disposant que « dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette. »
    • Pratiquement cela signifie que le créancier sera déchu de l’intégralité des intérêts échus tant que le défaut d’information subsistera dans la mesure où les paiements du débiteur principal ne s’imputeront d’abord sur le capital restant dû.
    • Cette sanction est de nature à inciter le créancier à régulariser au plus vite sa situation, faute de quoi le règlement de ses intérêts ne sera pas garanti.
  • Troisième tempérament
    • L’article 1343-5 du Code civil prévoit que, dans le cadre d’une demande de délai de grâce qui lui est adressée par un débiteur justifiant d’une situation financière obérée, le juge peut ordonner notamment « que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.»
  • Quatrième tempérament
    • L’article L. 733-1, 2° du Code de la consommation dispose que, dans le cadre d’une procédure de surendettement, la Commission de surendettement peut, à la demande du débiteur et après avoir mis les parties en mesure de fournir leurs observations, décider que les paiements s’imputeront « d’abord sur le capital»

==> Cas particulier du paiement partiel portant sur une dette partiellement cautionnée

Lorsque le paiement partiel porte sur une dette partiellement cautionnée, la question se pose de l’imputation de ce paiement.

De deux choses l’une :

  • Soit l’on impute le paiement partiel du débiteur sur la fraction de la dette cautionnée, auquel cas la caution est susceptible d’être libérée de son obligation
  • Soit l’on impute le paiement partiel du débiteur sur la fraction de la dette non cautionnée, auquel cas la caution demeure tenue envers le créancier

Dans le silence des textes, c’est à la jurisprudence qu’est revenue la tâche de se prononcer.

Très tôt la Cour de cassation a statué en faveur du créancier, considérant qu’il y avait lieu d’imputer le paiement partiel du débiteur en priorité sur la fraction non cautionnée de la dette (V. en ce sens Cass. req. 8 juin 1901).

Dans un arrêt du 28 janvier 1997, la Chambre commerciale a ainsi jugé que « lorsque le cautionnement ne garantit qu’une partie de la dette, il n’est éteint que lorsque cette dette est intégralement payée, les paiements partiels faits par le débiteur principal s’imputant d’abord, sauf convention contraire, non alléguée en l’espèce, sur la portion non cautionnée de la dette » (Cass. com. 28 janv. 1997, n°94-19.347).

Elle a réitéré cette solution dans un arrêt du 12 janvier 2010 en précisant que lorsque le créancier était déchu de son droit aux intérêts en raison d’un manquement à l’obligation d’information annuelle, l’imputation du paiement partiel doit être cantonnée à la fraction relative au principal de la dette (Cass. com. 12 janv. 2010, n°09-11.710).

Dans un arrêt du 27 mars 2012, la Cour de cassation a encore considéré que, dans l’hypothèse où des cautions solidaires garantissent des fractions distinctes d’une même dette, il y a lieu d’imputer les paiements partiels, non pas sur la fraction de la dette garantie par chacune, mais sur les fractions non couvertes par leurs engagements respectifs.

La conséquence en est, en cas de poursuite par le créancier d’une seule caution, qu’elle est susceptible d’être condamnée au paiement de l’intégralité de son obligation (Cass. com. 27 mars 2012, n°11-13.960).

Plusieurs justifications ont été avancées par les auteurs au soutien de la règle d’imputation des paiements partiels sur la fraction non cautionnée de la dette.

D’aucuns soutiennent qu’elle aurait pour fondement la fonction de garantie du cautionnement, tandis que d’autres estiment qu’elle puise sa source dans la règle subordonnant le paiement partiel du débiteur à l’acceptation du créancier (art. 1342-4, al. 1er C. civ.).

À l’analyse, l’ordonnance du n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du régime des obligations n’a apporté aucune réponse qui permettrait de trancher le débat.

Bien que, encore aujourd’hui, la position adoptée par la jurisprudence demeure sans fondement textuel, elle est approuvée par la doctrine majoritaire qui y voit la marque de l’équité et du bon sens[1].

À cet égard, les parties demeurent libres de déroger à la règle en stipulant une clause dans l’acte de cautionnement qui prévoirait que le paiement partiel du débiteur s’imputerait en priorité sur la fraction cautionnée de la dette.

 

 

[1] V. en ce sens Ph. Simler, Cautionnement – Extinction par voie accessoire, Lexisnexis, fasc. Jurisclasseur, n°24

L’imputation du paiement en présence d’une pluralité de dettes

Il est des cas où le paiement réalisé par le débiteur ne suffira pas à couvrir ce qu’il doit au créancier.

Deux cas de figure sont susceptibles de se présenter :

  • Le débiteur peut être tenu envers un même créancier de plusieurs dettes et le paiement réalisé est insuffisant pour les éteindre toutes
  • Le débiteur peut être tenu envers le créancier d’une dette unique et le paiement réalisé ne permet d’en couvrir qu’une partie

Dans ces deux situations, la question se pose de savoir comment le paiement doit-il être imputé.

  • En présence d’une pluralité de dettes, le paiement doit-il être imputé en priorité sur certaines ou à proportion de leur montant ?
  • En présence d’une dette unique, le paiement doit-il être imputé d’abord sur le capital ou sur les intérêts ?

Nous nous focaliserons ici sur l’imputation du paiement en présence d’une pluralité de dettes. 

Dans cette configuration, l’article 1342-10 du Code civil confère au débiteur la liberté d’imputer le paiement réalisé sur la dette de son choix.

À défaut d’indication, le texte établit une hiérarchie des dettes permettant de déterminer comment s’opère l’imputation du paiement.

I) Imputation du paiement par le débiteur

==> Principe

L’article 1342-10 du Code civil prévoit que « le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu’il paie, celle qu’il entend acquitter. »

Il ressort de cette disposition que le débiteur est libre d’imputer le paiement qu’il réalise sur la dette de son choix, selon ses propres intérêts.

Il pourra ainsi décider d’imputer prioritairement son paiement sur la dette la plus onéreuse, celle dont l’échéance est la plus proche ou encore celle qui est assortie de sûretés.

En tout état de cause, l’imputation du paiement, en présence d’une pluralité de dettes, ne requiert par l’accord du créancier qui n’a d’autre choix que d’acter le choix du débiteur.

Le texte ne précisant pas la forme que doit prendre l’expression de volonté du débiteur, il est admis qu’elle puisse être implicite (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 29 oct. 2002, n°00-11958).

Dans deux arrêts rendus le 1er juin 2011, la Cour de cassation a précisé que l’imputation volontaire du paiement « peut résulter du comportement non équivoque du débiteur » (Cass. 1ère civ. 1er juin 2011, n°09-67.090 et 10-15.107).

En l’absence déclaration expresse du débiteur, les juges devront donc rechercher s’il existe des éléments de nature à établir, de manière non équivoque, qu’elle dette il entendait acquitter (V. en ce sens Cass. com 17 févr. 2009, n°07-20.100).

==> Limites

La liberté de choix du débiteur quant à l’imputation du paiement n’est pas sans limites :

  • Première limite
    • Dans l’hypothèse où le paiement réalisé par le débiteur ne permet pas de couvrir la dette qu’il entend acquitter, il devra obtenir l’accord du créancier.
    • Pour mémoire, l’article 1342-4, al. 1er du Code civil prévoit que « le créancier peut refuser un paiement partiel même si la prestation est divisible.»
    • Il ressort de cette disposition que le paiement est indivisible, en ce sens qu’il doit porter sur tout ce qui est dû.
    • En d’autres termes, il est fait interdiction au débiteur d’imposer au créancier un paiement partiel ou fractionné sans avoir reçu son consentement, soit au moment de l’établissement du contrat, soit postérieurement.
    • Dans un arrêt du 27 novembre 2019 la Cour de cassation a jugé en ce sens « que, si le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer, lorsqu’il paye, quelle dette il entend acquitter, l’exercice de ce droit implique, sauf accord de son créancier, qu’il procède au paiement intégral de cette dette» ( 1ère civ. 27 nov. 2019, n°18-21.570).
  • Deuxième limite
    • Parmi les dettes auxquelles est tenu le débiteur, celui-ci ne pourra s’acquitter que des dettes échues.
    • En effet, il est de principe qu’une dette ne puisse jamais être payée avant la survenance de son échéance, sauf à ce que le terme ait été stipulé au profit exclusif du débiteur.
    • Si donc le terme d’une dette non échue a été stipulé dans l’intérêt du créancier ou des deux parties, le choix du débiteur ne pourra se porter sur cette dette.
    • L’imputation ne pourra se faire que sur les dettes échues.
  • Troisième limite
    • La Cour de cassation a très tôt estimé, sur le fondement de la théorie de l’abus de droit, que le débiteur engage sa responsabilité si son choix d’imputation a été fait dans l’unique but de nuire au créancier ou à un tiers (V. en ce sens civ. 14 nov. 1922).

II) Imputation du paiement par la loi

==> Principe

L’article 1342-10, al. 2e du Code civil prévoit que « à défaut d’indication par le débiteur, l’imputation a lieu comme suit : d’abord sur les dettes échues ; parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d’intérêt d’acquitter. À égalité d’intérêt, l’imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement. »

Il ressort de cette disposition que lorsque le débiteur n’a exprimé aucun choix, l’imputation du paiement s’opère selon un ordre bien défini.

  • Rang 1 : les dettes échues
    • L’article 1342-10, al. 2e prévoit que le paiement s’impute en priorité sur les dettes échues, soit celles qui sont devenues exigibles.
    • Aussi, est-il indifférent qu’une dette non échue soit plus onéreuse ; le paiement ne pourra s’imputer sur elle qu’après l’extinction de toutes les dettes échues.
  • Rang 2 : les dettes échues que le débiteur avait le plus intérêt à acquitter
    • Le texte précise que parmi les dettes échues le paiement s’impute sur les dettes que le débiteur avait le plus d’intérêt d’acquitter.
    • La question qui alors se pose est de savoir en considération de quel critère l’intérêt du débiteur doit-il être mesuré.
    • Il s’infère de la jurisprudence, que l’intérêt du débiteur se mesure en se référant au caractère onéreux de la dette.
    • Autrement dit, le débiteur a intérêt a payé en priorité la dette la plus onéreuse en raison, soit du coût de ses intérêts (intérêts conventionnels et moratoires, pénalités, frais etc), soit du coût des sûretés dont elle est éventuellement assortie.
    • Pour exemple, en présence d’une dette garantie par cautionnement, la Cour de cassation a jugé que la dette que le débiteur avait le plus intérêt à acquitter n’était autre que la dette cautionnée.
    • En s’acquittant prioritairement de cette dette, son paiement libère, en effet, la caution, ce qui le prémunit d’un éventuel recours en remboursement (V. en ce sens 1ère civ. 29 oct. 1963 ; Cass. 1ère civ. 19 janv. 1994, n°92-12.585).
    • Cette règle n’est toutefois pas d’application absolue.
    • La Cour de cassation a admis que dans certaines circonstances, le débiteur pouvait trouver un intérêt à acquitter une dette autre que celle cautionnée en raison soit de sa garantie par une sûreté de meilleur rang ( 1ère civ. 8 nov. 1989, n°88-10.205), soit de son caractère plus onéreux (Cass. com. 16 mars 2010, n°0912.226).
    • En tout état de cause, l’évaluation de l’intérêt du débiteur à acquitter en priorité telle ou telle dette relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond ( 1ère civ. 29 oct. 1963).
    • La seule limite qui se pose à eux réside dans l’interdiction qui leur est faire de faire primer l’intérêt du créancier sur celui du débiteur.
    • Dans un arrêt du 12 juin 2014, la Troisième chambre civile a jugé en ce sens que « si la règle posée par l’article 2425 du Code civil a vocation à régler les conflits pouvant naître entre différents créanciers ayant chacun inscrit une hypothèque sur le même immeuble et privilégie le créancier titulaire de l’hypothèque de premier rang, la prise de rang ne peut cependant permettre à un même créancier qui détient plusieurs créances à l’encontre du propriétaire de l’immeuble de contourner les dispositions de l’article 1256 du Code civil et de déterminer, à la place du débiteur, la dette que ce dernier a le plus intérêt d’acquitter et souverainement que l’antériorité de la dette née du premier prêt et l’intérêt pour le débiteur de se libérer à la fois vis-à-vis de la banque et à l’égard de la caution commandaient l’imputation du produit de la vente de l’immeuble sur le premier prêt» ( 3e civ. 12 juin 2014, n°13-18.595).
  • Rang 3 : la dette échue la plus ancienne en cas d’égalité d’intérêt
    • L’article 1342-10, al. 2e du Code civil prévoit que, en cas d’égalité d’intérêt entre plusieurs dettes, l’imputation du paiement se fait en priorité sur la plus ancienne.
    • Autrement dit, on retient ici comme critère d’imputation la date de naissance de la créance, laquelle ne doit pas être confondue avec sa date d’exigibilité (survenance du terme)
  • Rang 4 : imputation proportionnelle
    • En cas d’impossibilité d’établir un ordre entre les dettes échues au regard des critères précités, l’article 1342-10, al. 2e prévoit que, toutes choses égales par ailleurs, l’imputation « se fait proportionnellement» sur toutes les dettes.
    • En d’autres termes, on imputera le paiement sur chaque dette à proportion de son montant.
  • Rang 5 : les dettes non échues
    • Ce n’est qu’une fois que l’ensemble des dettes échues auront été acquittées que le paiement pourra être imputé sur les dettes non échues.
    • Encore faut-il néanmoins que ces dettes soient assorties d’un terme stipulé au profit exclusif du débiteur.
    • Dans le cas contraire, le créancier sera fondé à refuser le paiement

==> Portée

L’article 1342-10, al. 2e du Code civil présente un caractère supplétif. Cela signifie que les parties sont libres de prévoir que, à défaut d’indication du débiteur, l’imputation s’opérera selon les critères définis dans le contrat.

Il pourra, par exemple, être stipulé que le paiement s’imputera, en priorité sur les dettes cautionnées, puis sur les dettes productives d’intérêts et enfin sur les dettes garanties par une sûreté réelle.

 

 

[1] V. en ce sens Ph. Simler, Cautionnement – Extinction par voie accessoire, Lexisnexis, fasc. Jurisclasseur, n°24

Les règles d’imputation du paiement

Il est des cas où le paiement réalisé par le débiteur ne suffira pas à couvrir ce qu’il doit au créancier.

Deux cas de figure sont susceptibles de se présenter :

  • Le débiteur peut être tenu envers un même créancier de plusieurs dettes et le paiement réalisé est insuffisant pour les éteindre toutes
  • Le débiteur peut être tenu envers le créancier d’une dette unique et le paiement réalisé ne permet d’en couvrir qu’une partie

Dans ces deux situations, la question se pose de savoir comment le paiement doit-il être imputé.

  • En présence d’une pluralité de dettes, le paiement doit-il être imputé en priorité sur certaines ou à proportion de leur montant ?
  • En présence d’une dette unique, le paiement doit-il être imputé d’abord sur le capital ou sur les intérêts ?

La question de l’imputation du paiement est traitée aux articles 1342-10 et 1343-1 du Code civil.

I) L’imputation du paiement en présence d’une pluralité de dettes

En présence d’une pluralité de dettes, l’article 1342-10 du Code civil confère au débiteur la liberté d’imputer le paiement réalisé sur la dette de son choix.

À défaut d’indication, le texte établit une hiérarchie des dettes permettant de déterminer comment s’opère l’imputation du paiement.

A) Imputation du paiement par le débiteur

==> Principe

L’article 1342-10 du Code civil prévoit que « le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu’il paie, celle qu’il entend acquitter. »

Il ressort de cette disposition que le débiteur est libre d’imputer le paiement qu’il réalise sur la dette de son choix, selon ses propres intérêts.

Il pourra ainsi décider d’imputer prioritairement son paiement sur la dette la plus onéreuse, celle dont l’échéance est la plus proche ou encore celle qui est assortie de sûretés.

En tout état de cause, l’imputation du paiement, en présence d’une pluralité de dettes, ne requiert par l’accord du créancier qui n’a d’autre choix que d’acter le choix du débiteur.

Le texte ne précisant pas la forme que doit prendre l’expression de volonté du débiteur, il est admis qu’elle puisse être implicite (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 29 oct. 2002, n°00-11958).

Dans deux arrêts rendus le 1er juin 2011, la Cour de cassation a précisé que l’imputation volontaire du paiement « peut résulter du comportement non équivoque du débiteur » (Cass. 1ère civ. 1er juin 2011, n°09-67.090 et 10-15.107).

En l’absence déclaration expresse du débiteur, les juges devront donc rechercher s’il existe des éléments de nature à établir, de manière non équivoque, qu’elle dette il entendait acquitter (V. en ce sens Cass. com 17 févr. 2009, n°07-20.100).

==> Limites

La liberté de choix du débiteur quant à l’imputation du paiement n’est pas sans limites :

  • Première limite
    • Dans l’hypothèse où le paiement réalisé par le débiteur ne permet pas de couvrir la dette qu’il entend acquitter, il devra obtenir l’accord du créancier.
    • Pour mémoire, l’article 1342-4, al. 1er du Code civil prévoit que « le créancier peut refuser un paiement partiel même si la prestation est divisible.»
    • Il ressort de cette disposition que le paiement est indivisible, en ce sens qu’il doit porter sur tout ce qui est dû.
    • En d’autres termes, il est fait interdiction au débiteur d’imposer au créancier un paiement partiel ou fractionné sans avoir reçu son consentement, soit au moment de l’établissement du contrat, soit postérieurement.
    • Dans un arrêt du 27 novembre 2019 la Cour de cassation a jugé en ce sens « que, si le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer, lorsqu’il paye, quelle dette il entend acquitter, l’exercice de ce droit implique, sauf accord de son créancier, qu’il procède au paiement intégral de cette dette» ( 1ère civ. 27 nov. 2019, n°18-21.570).
  • Deuxième limite
    • Parmi les dettes auxquelles est tenu le débiteur, celui-ci ne pourra s’acquitter que des dettes échues.
    • En effet, il est de principe qu’une dette ne puisse jamais être payée avant la survenance de son échéance, sauf à ce que le terme ait été stipulé au profit exclusif du débiteur.
    • Si donc le terme d’une dette non échue a été stipulé dans l’intérêt du créancier ou des deux parties, le choix du débiteur ne pourra se porter sur cette dette.
    • L’imputation ne pourra se faire que sur les dettes échues.
  • Troisième limite
    • La Cour de cassation a très tôt estimé, sur le fondement de la théorie de l’abus de droit, que le débiteur engage sa responsabilité si son choix d’imputation a été fait dans l’unique but de nuire au créancier ou à un tiers (V. en ce sens civ. 14 nov. 1922).

B) Imputation du paiement par la loi

==> Principe

L’article 1342-10, al. 2e du Code civil prévoit que « à défaut d’indication par le débiteur, l’imputation a lieu comme suit : d’abord sur les dettes échues ; parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d’intérêt d’acquitter. À égalité d’intérêt, l’imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement. »

Il ressort de cette disposition que lorsque le débiteur n’a exprimé aucun choix, l’imputation du paiement s’opère selon un ordre bien défini.

  • Rang 1 : les dettes échues
    • L’article 1342-10, al. 2e prévoit que le paiement s’impute en priorité sur les dettes échues, soit celles qui sont devenues exigibles.
    • Aussi, est-il indifférent qu’une dette non échue soit plus onéreuse ; le paiement ne pourra s’imputer sur elle qu’après l’extinction de toutes les dettes échues.
  • Rang 2 : les dettes échues que le débiteur avait le plus intérêt à acquitter
    • Le texte précise que parmi les dettes échues le paiement s’impute sur les dettes que le débiteur avait le plus d’intérêt d’acquitter.
    • La question qui alors se pose est de savoir en considération de quel critère l’intérêt du débiteur doit-il être mesuré.
    • Il s’infère de la jurisprudence, que l’intérêt du débiteur se mesure en se référant au caractère onéreux de la dette.
    • Autrement dit, le débiteur a intérêt a payé en priorité la dette la plus onéreuse en raison, soit du coût de ses intérêts (intérêts conventionnels et moratoires, pénalités, frais etc), soit du coût des sûretés dont elle est éventuellement assortie.
    • Pour exemple, en présence d’une dette garantie par cautionnement, la Cour de cassation a jugé que la dette que le débiteur avait le plus intérêt à acquitter n’était autre que la dette cautionnée.
    • En s’acquittant prioritairement de cette dette, son paiement libère, en effet, la caution, ce qui le prémunit d’un éventuel recours en remboursement (V. en ce sens 1ère civ. 29 oct. 1963 ; Cass. 1ère civ. 19 janv. 1994, n°92-12.585).
    • Cette règle n’est toutefois pas d’application absolue.
    • La Cour de cassation a admis que dans certaines circonstances, le débiteur pouvait trouver un intérêt à acquitter une dette autre que celle cautionnée en raison soit de sa garantie par une sûreté de meilleur rang ( 1ère civ. 8 nov. 1989, n°88-10.205), soit de son caractère plus onéreux (Cass. com. 16 mars 2010, n°0912.226).
    • En tout état de cause, l’évaluation de l’intérêt du débiteur à acquitter en priorité telle ou telle dette relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond ( 1ère civ. 29 oct. 1963).
    • La seule limite qui se pose à eux réside dans l’interdiction qui leur est faire de faire primer l’intérêt du créancier sur celui du débiteur.
    • Dans un arrêt du 12 juin 2014, la Troisième chambre civile a jugé en ce sens que « si la règle posée par l’article 2425 du Code civil a vocation à régler les conflits pouvant naître entre différents créanciers ayant chacun inscrit une hypothèque sur le même immeuble et privilégie le créancier titulaire de l’hypothèque de premier rang, la prise de rang ne peut cependant permettre à un même créancier qui détient plusieurs créances à l’encontre du propriétaire de l’immeuble de contourner les dispositions de l’article 1256 du Code civil et de déterminer, à la place du débiteur, la dette que ce dernier a le plus intérêt d’acquitter et souverainement que l’antériorité de la dette née du premier prêt et l’intérêt pour le débiteur de se libérer à la fois vis-à-vis de la banque et à l’égard de la caution commandaient l’imputation du produit de la vente de l’immeuble sur le premier prêt» ( 3e civ. 12 juin 2014, n°13-18.595).
  • Rang 3 : la dette échue la plus ancienne en cas d’égalité d’intérêt
    • L’article 1342-10, al. 2e du Code civil prévoit que, en cas d’égalité d’intérêt entre plusieurs dettes, l’imputation du paiement se fait en priorité sur la plus ancienne.
    • Autrement dit, on retient ici comme critère d’imputation la date de naissance de la créance, laquelle ne doit pas être confondue avec sa date d’exigibilité (survenance du terme)
  • Rang 4 : imputation proportionnelle
    • En cas d’impossibilité d’établir un ordre entre les dettes échues au regard des critères précités, l’article 1342-10, al. 2e prévoit que, toutes choses égales par ailleurs, l’imputation « se fait proportionnellement» sur toutes les dettes.
    • En d’autres termes, on imputera le paiement sur chaque dette à proportion de son montant.
  • Rang 5 : les dettes non échues
    • Ce n’est qu’une fois que l’ensemble des dettes échues auront été acquittées que le paiement pourra être imputé sur les dettes non échues.
    • Encore faut-il néanmoins que ces dettes soient assorties d’un terme stipulé au profit exclusif du débiteur.
    • Dans le cas contraire, le créancier sera fondé à refuser le paiement

==> Portée

L’article 1342-10, al. 2e du Code civil présente un caractère supplétif. Cela signifie que les parties sont libres de prévoir que, à défaut d’indication du débiteur, l’imputation s’opérera selon les critères définis dans le contrat.

Il pourra, par exemple, être stipulé que le paiement s’imputera, en priorité sur les dettes cautionnées, puis sur les dettes productives d’intérêts et enfin sur les dettes garanties par une sûreté réelle.

III) L’imputation du paiement en présence d’une dette unique

À l’instar de l’hypothèse où le débiteur est tenu envers le créancier de plusieurs dettes, en présence d’une dette unique, l’article 1343-1, al. 1er du Code civil établit un ordre d’imputation du paiement réalisé par le débiteur.

Pour que cette situation se présente, encore faut-il que le créancier ait accepté de recevoir ce paiement dans la mesure où, par hypothèse, il sera partiel. Or cela heurte le principe d’indivisibilité du paiement posée par l’article 1342-4, al. 1er du Code civil. D’où la nécessité pour le débiteur d’obtenir l’accord préalable du créancier.

Ce n’est que si cette condition est remplie que la règle d’imputation énoncée à l’article 1343-1 trouvera à s’appliquer.

==> Principe

L’article 1343-1, al. 1er prévoit que si l’obligation de somme d’argent porte intérêt « le paiement partiel s’impute d’abord sur les intérêts. »

À l’analyse, il s’agit là d’une reprise de la règle énoncée par l’ancien article 1254 du Code civil qui disposait que « le paiement fait sur le capital et intérêts, mais qui n’est point intégral, s’impute d’abord sur les intérêts. »

Ainsi, en présence du paiement partiel d’une dette unique, celui-ci s’impute :

  • D’abord sur les intérêts
  • Ensuite sur le capital

L’objectif recherché ici est de protéger le créancier. Tant qu’il n’a pas été intégralement payé, sa dette doit continuer à produire des intérêts.

Or la base de calcul de ces intérêts n’est autre que le capital de la dette. Aussi, imputer le paiement prioritairement sur le capital reviendrait à affecter le rendement de la dette, alors même que le créancier n’a pas été totalement satisfait.

Pour cette raison, le législateur a estimé que, en cas de paiement partiel, celui-ci devait s’imputer d’abord sur les intérêts.

Dans un arrêt du 7 février 1995, la Cour de cassation a précisé que « au même titre que les intérêts visés par l’article 1254 du Code civil, les frais de recouvrement d’une créance constituent des accessoires de la dette ; que le débiteur ne peut, sans le consentement du créancier, imputer les paiements qu’il fait sur le capital par préférence à ces accessoires » (Cass. 1ère civ. 7 févr. 1995, n°92-14.216).

Ainsi, la règle prévoyant d’imputer prioritairement le paiement sur les intérêts de la dette est étendue aux frais de recouvrement et plus généralement à l’ensemble des accessoires de la dette.

==> Tempéraments

Le principe posé à l’article 1343-1 du Code civil n’est pas absolu ; il est assorti d’un certain nombre de tempéraments :

  • Premier tempérament
    • L’article 1343-1 est une disposition supplétive de volonté, ce qui signifie que les parties peuvent y déroger.
    • Aussi, sont-elles libres de prévoir que le paiement s’imputera prioritairement sur le capital.
    • À cet égard, contrairement à l’hypothèse où le débiteur est tenu de plusieurs dettes, il ne pourra pas imposer un ordre d’imputation au créancier.
    • Dans un arrêt du 20 octobre 1992 la Cour de cassation a jugé en ce sens :
      • D’une part, que « le débiteur d’une dette qui porte intérêt ne peut, sans le consentement du créancier, imputer le paiement qu’il a fait sur le capital par préférence aux intérêts»
      • D’autre part, que « le consentement des créanciers peut seul permettre l’imputation des paiements sur le capital par préférence aux intérêts» ( com. 20 oct. 1992, n°90-13.072)
    • Ainsi, l’imputation du paiement ne pourra se faire prioritairement sur le capital de la dette que si le créancier y consent.
  • Deuxième tempérament
    • Dans un arrêt du 11 juin 1996, la Cour de cassation a précisé que « l’imputation légalement faite du paiement effectué par le débiteur principal est opposable à la caution» ( com., 11 juin 1996, n° 94-15.097).
    • Il en résulte que l’imputation prioritaire des paiements effectués par le débiteur principal sur les intérêts générés par l’obligation garantie s’impose à la caution.
    • L’article 2302 du Code civil apporte une dérogation à ce principe en disposant que « dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette. »
    • Pratiquement cela signifie que le créancier sera déchu de l’intégralité des intérêts échus tant que le défaut d’information subsistera dans la mesure où les paiements du débiteur principal ne s’imputeront d’abord sur le capital restant dû.
    • Cette sanction est de nature à inciter le créancier à régulariser au plus vite sa situation, faute de quoi le règlement de ses intérêts ne sera pas garanti.
  • Troisième tempérament
    • L’article 1343-5 du Code civil prévoit que, dans le cadre d’une demande de délai de grâce qui lui est adressée par un débiteur justifiant d’une situation financière obérée, le juge peut ordonner notamment « que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.»
  • Quatrième tempérament
    • L’article L. 733-1, 2° du Code de la consommation dispose que, dans le cadre d’une procédure de surendettement, la Commission de surendettement peut, à la demande du débiteur et après avoir mis les parties en mesure de fournir leurs observations, décider que les paiements s’imputeront « d’abord sur le capital»

==> Cas particulier du paiement partiel portant sur une dette partiellement cautionnée

Lorsque le paiement partiel porte sur une dette partiellement cautionnée, la question se pose de l’imputation de ce paiement.

De deux choses l’une :

  • Soit l’on impute le paiement partiel du débiteur sur la fraction de la dette cautionnée, auquel cas la caution est susceptible d’être libérée de son obligation
  • Soit l’on impute le paiement partiel du débiteur sur la fraction de la dette non cautionnée, auquel cas la caution demeure tenue envers le créancier

Dans le silence des textes, c’est à la jurisprudence qu’est revenue la tâche de se prononcer.

Très tôt la Cour de cassation a statué en faveur du créancier, considérant qu’il y avait lieu d’imputer le paiement partiel du débiteur en priorité sur la fraction non cautionnée de la dette (V. en ce sens Cass. req. 8 juin 1901).

Dans un arrêt du 28 janvier 1997, la Chambre commerciale a ainsi jugé que « lorsque le cautionnement ne garantit qu’une partie de la dette, il n’est éteint que lorsque cette dette est intégralement payée, les paiements partiels faits par le débiteur principal s’imputant d’abord, sauf convention contraire, non alléguée en l’espèce, sur la portion non cautionnée de la dette » (Cass. com. 28 janv. 1997, n°94-19.347).

Elle a réitéré cette solution dans un arrêt du 12 janvier 2010 en précisant que lorsque le créancier était déchu de son droit aux intérêts en raison d’un manquement à l’obligation d’information annuelle, l’imputation du paiement partiel doit être cantonnée à la fraction relative au principal de la dette (Cass. com. 12 janv. 2010, n°09-11.710).

Dans un arrêt du 27 mars 2012, la Cour de cassation a encore considéré que, dans l’hypothèse où des cautions solidaires garantissent des fractions distinctes d’une même dette, il y a lieu d’imputer les paiements partiels, non pas sur la fraction de la dette garantie par chacune, mais sur les fractions non couvertes par leurs engagements respectifs.

La conséquence en est, en cas de poursuite par le créancier d’une seule caution, qu’elle est susceptible d’être condamnée au paiement de l’intégralité de son obligation (Cass. com. 27 mars 2012, n°11-13.960).

Plusieurs justifications ont été avancées par les auteurs au soutien de la règle d’imputation des paiements partiels sur la fraction non cautionnée de la dette.

D’aucuns soutiennent qu’elle aurait pour fondement la fonction de garantie du cautionnement, tandis que d’autres estiment qu’elle puise sa source dans la règle subordonnant le paiement partiel du débiteur à l’acceptation du créancier (art. 1342-4, al. 1er C. civ.).

À l’analyse, l’ordonnance du n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du régime des obligations n’a apporté aucune réponse qui permettrait de trancher le débat.

Bien que, encore aujourd’hui, la position adoptée par la jurisprudence demeure sans fondement textuel, elle est approuvée par la doctrine majoritaire qui y voit la marque de l’équité et du bon sens[1].

À cet égard, les parties demeurent libres de déroger à la règle en stipulant une clause dans l’acte de cautionnement qui prévoirait que le paiement partiel du débiteur s’imputerait en priorité sur la fraction cautionnée de la dette.

 

 

[1] V. en ce sens Ph. Simler, Cautionnement – Extinction par voie accessoire, Lexisnexis, fasc. Jurisclasseur, n°24

La mise en demeure du créancier qui refuse de recevoir le paiement

==> Vue générale

Si la mise en demeure du créancier n’est pas intuitive dans la mesure où, dans sa finalité la plus répandue, la mise en demeure vise à provoquer l’exécution de la prestation due par le débiteur, elle se justifie néanmoins dans un cas très précis : lorsque le créancier refuse de recevoir le paiement.

Il arrive, en effet, que le créancier refuse d’encaisser un chèque, de recevoir une prestation de service ou encore une livraison.

Cette situation se rencontrera notamment, lorsqu’il contestera, soit le prix qui lui est réglé, soit la qualité ou la quantité des marchandises qui lui sont livrées.

Le créancier peut encore être animé de la volonté de retarder le transfert de la charge des risques ou encore d’allonger la durée de la dette qui produit des intérêts à son profit.

==> Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, il n’existait pas dans le Code civil de pendant à la mise en demeure du débiteur pour régler la situation dans laquelle le créancier refuse de recevoir le paiement.

Pourtant le débiteur peut avoir des raisons légitimes de se libérer au plus vite de son obligation et donc à forcer le paiement. Il y aura spécialement tout intérêt lorsque la dette due est productive d’intérêts ou que la charge des risques de la chose à délivrer pèse sur lui.

Pour cette raison, le législateur avait institué une procédure « dite des offres réelles » qui permettait au débiteur de se libérer de son obligation.

Cette procédure, qui était régie aux anciens articles 1257 à 1264 du Code civil, consistait pour le débiteur confronté à un refus de son créancier de recevoir son paiement à lui faire des offres réelles de paiement, soit formulées sans conditions, ni réserves.

Ces offres devaient porter sur la totalité de la somme exigible, des arrérages ou intérêts dus, des frais liquidés, et d’une somme pour les frais non liquidés, sauf à la parfaire (anc. art. 1258, 3° C. civ.).

Elles devaient, par ailleurs, être faite par l’entremise d’un notaire ou d’un huissier de justice « au lieu dont on est convenu pour le paiement, et que, s’il n’y a pas de convention spéciale sur le lieu du paiement, elles soient faites ou à la personne du créancier, ou à son domicile, ou au domicile élu pour l’exécution de la convention » (anc. art. 1258, 6° C. civ.).

En cas de nouveau refus du créancier de l’offre qui lui était adressée, le débiteur pouvait alors « consigner la somme ou la chose offerte » (anc. art. 1257, al. 1er C. civ.).

Les offres réelles suivies d’une consignation libéraient alors le débiteur de son obligation, car tenant lieu à son égard de paiement, pourvu qu’elles aient été valablement faites.

Bien que permettant au débiteur de ne pas subir le refus du créancier et donc de le maintenir dans une situation susceptible de lui préjudicier, cette procédure n’en demeurait pas moins lourde et coûteuse, raison pour laquelle le législateur a décidé de la simplifier à l’occasion de la réforme du régime général des obligations opérée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

I) La reconnaissance du dispositif de mise en demeure du créancier

Le dispositif de mise en demeure du créancier, appelé également mora creditoris, a donc été institué par l’ordonnance du 10 février 2016. Il est régi aux articles 1345 à 1345-3 du Code civil.

La rédaction de ces articles est largement inspirée de l’avant-projet Terré qui a repris l’économie générale de l’ancienne procédure des offres réelles mais en la simplifiant et en la rendant bien plus efficace.

En substance, le nouveau dispositif distingue selon que l’obligation porte sur une somme d’argent ou sur un autre objet

  • Lorsque l’obligation porte sur une somme d’argent ou une chose, le débiteur peut toujours se libérer de son obligation en consignant la somme due ou en séquestrant la chose devant être livrée (l’article 1345-1 alinéa 2 réservant l’hypothèse où le séquestre est impossible ou trop onéreux).
  • Lorsque l’obligation porte sur un autre objet, le débiteur peut se libérer si l’obstruction du créancier n’a pas pris fin dans les deux mois de la mise en demeure.

II) Les conditions de la mise en demeure du créancier

L’article 1345 du Code civil prévoit que « lorsque le créancier, à l’échéance et sans motif légitime, refuse de recevoir le paiement qui lui est dû ou l’empêche par son fait, le débiteur peut le mettre en demeure d’en accepter ou d’en permettre l’exécution. »

Il ressort de cette disposition que la mise en demeure du créancier par le débiteur en cas de refus de paiement suppose l’observation de plusieurs conditions :

  • Un refus de paiement
    • Première condition à la mise en œuvre du dispositif de mise en demeure créancier, celui-ci doit avoir opposé au débiteur un refus de paiement
    • Plus précisément le créancier doit avoir :
      • Soit refusé de recevoir le paiement qui lui est dû
      • Soit empêché la réalisation du paiement par son propre fait
    • Le refus de paiement du créancier peut ainsi prendre plusieurs formes :
      • D’une part, il peut s’agir pour ce dernier de refuser purement et simplement le paiement :
        • Soit en n’acceptant pas le versement d’une somme d’argent par le débiteur, ce qui peut se traduire concrètement par le refus d’encaisser un chèque, d’enregistrer un mandat de prélèvement ou encore de recevoir des espèces
        • Soit en n’acceptant pas de recevoir livraison du bien proposé par le débiteur
      • D’autre part, il peut s’agir pour le créancier d’empêcher la réalisation du paiement
        • Soit en n’ouvrant pas l’accès au lieu de réalisation de la prestation promise
        • Soit en ne communiquant pas au débiteur les informations nécessaires à l’exécution de cette prestation
        • Soit plus généralement en s’abstenant de prêter son concours au débiteur alors qu’il est absolument indispensable à l’exécution de la prestation
    • Dès lors que les agissements du créancier s’analysent en un refus de recevoir le paiement, il ne pourra pas être reproché au débiteur une inexécution de son obligation.
  • Un refus de paiement à l’échéance de l’obligation
    • Pour que le débiteur soit fondé à mettre en demeure le créancier de recevoir son paiement encore faut-il que celui-ci soit intervenu à l’échéance de l’obligation
    • Autrement dit, il faut que le débiteur justifie d’une dette échue, car comme précisé par l’article 1342, al. 2e du Code civil le paiement « doit être fait sitôt que la dette devient exigible».
    • Il en résulte que le débiteur ne saurait contraindre le créancier à recevoir un paiement anticipé, sauf à ce que le terme de l’obligation ait été stipulé dans son intérêt exclusif.
    • Pour mémoire, l’article 1305-3, al. 2e du Code civil prévoit que « la partie au bénéfice exclusif de qui le terme a été fixé peut y renoncer sans le consentement de l’autre.»
  • Un refus de paiement illégitime
    • La mise en demeure du créancier suppose que le refus de recevoir le paiement qu’il oppose au débiteur soit fondé sur un « motif légitime» précise l’article 1345 du Code civil.
    • La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par motif légitime.
    • Les auteurs avancent que le créancier disposera d’un tel motif lorsque :
      • Soit le paiement réalisé par le débiteur est partiel, exception faite du paiement portant sur une obligation monétaire
      • Soit la prestation fournie n’est pas conforme à celle due au titre de l’obligation qui pèse sur le débiteur
    • En dehors de ces deux situations, on voit mal comment le créancier pourrait se prévaloir d’un motif légitime aux fins de recevoir le paiement proposé par le débiteur.
  • La mise en demeure du créancier
    • La mise en demeure du créancier suppose une démarche active du débiteur, soit qu’il lui demande solennellement :
      • Soit d’accepter le paiement qui lui est proposé
      • Soit de permettre l’exécution du paiement proposé
    • À la différence de l’ancienne procédure des « offres réelles» qui obligeait le débiteur à s’attacher les services d’un officier ministériel pour communiquer son offre au créancier, le nouveau dispositif n’impose le respect d’une règle similaire.
    • Aussi, la mise en demeure peut-elle être adressée au créancier directement par le débiteur.
    • À l’analyse, celui-ci devra observer les mêmes exigences de forme que celles prescrites pour la mise en demeure de payer.
    • Cela signifie donc que la mise en demeure du créancier peut prendre la forme soit d’une sommation, soit d’un acte portant interpellation suffisante.
    • Elle peut, par ailleurs, lui être notifié, soit par voie de signification, soit au moyen d’une lettre missive.

L’article 1345-3 du Code civil prévoit que « les frais de la mise en demeure […] sont à la charge du créancier. »

III) Les effets de la mise en demeure du créancier

Les effets de la mise en demeure sont, pour les uns immédiats, pour les autres différés.

A) Les effets immédiats de la mise en demeure

L’article 1345, al. 2e du Code civil prévoit que la mise en demeure du créancier produit deux effets immédiats :

  • Premier effet : arrêt du cours des intérêts
    • L’article 1345, al. 2e du Code civil prévoit que la mise en demeure du créancier « arrête le cours des intérêts dus par le débiteur».
    • Faute de précision dans le texte, sont concernés tous types d’intérêts (moratoires et compensatoires, légaux et conventionnels).
    • L’objectif recherché ici c’est que le refus de paiement du créancier n’alourdisse pas la dette du débiteur
  • Second effet : le transfert des risques de la chose
    • L’article 1345, al. 2e du Code civil prévoit que la mise en demeure du créancier « met les risques de la chose à la charge du créancier, s’ils n’y sont déjà, sauf faute lourde ou dolosive du débiteur. »
    • Ainsi, alors que la mise en demeure de payer adressée au débiteur met les risques de la chose à sa charge, lorsque c’est le créancier qui est mis en demeure de recevoir le paiement le principe est inversé.
    • Le législateur a estimé ici que le débiteur ne devait pas supporter les risques de la chose en cas d’obstruction du créancier à son paiement ; d’où le transfert des risques d’une tête à l’autre

Si la mise en demeure du créancier a pour effet d’arrêter le cours des intérêts et de transférer la charge des risques, l’alinéa 3e de l’article 1345 du Code civil précise que, en revanche, « elle n’interrompt pas la prescription. »

B) Les effets différés de la mise en demeure

Dans l’hypothèse où l’obstruction du créancier n’a pas pris fin dans les deux mois de la mise en demeure qui lui a été adressée, les articles 1345-1 et 1345-2 du Code civil offrent des options différentes au débiteur selon que l’obligation porte sur une somme d’argent ou la livraison d’une chose ou sur autre chose.

==> L’obligation porte sur une somme d’argent ou sur la livraison d’une chose

Dans cette hypothèse, le débiteur peut se dessaisir de ce qui est dû aux fins de se libérer de son obligation.

La procédure de dessaisissement applicable est sensiblement différente selon que l’obligation porte sur une somme d’argent ou sur la livraison d’une chose.

  • L’obligation porte sur une somme d’argent
    • L’article 1345-1, al. 1er du Code civil prévoit que lorsque l’obligation porte sur une somme d’argent, la consigner à la Caisse des dépôts et consignations
  • L’obligation porte sur la livraison d’une chose
    • Principe
      • L’article 1345-1, al. 1er in fine prévoit que lorsque l’obligation porte sur la livraison d’une chose, le débiteur peut séquestrer celle-ci auprès d’un gardien professionnel.
    • Exception
      • Le deuxième alinéa de l’article 1345-1 dispose que si le séquestre de la chose est impossible ou trop onéreux, le juge peut en autoriser la vente amiable ou aux enchères publiques.
      • Déduction faite des frais de la vente, le prix en est alors consigné à la Caisse des dépôts et consignations.

S’agissant des frais de la consignation ou du séquestre, en application de l’article 1345-3 du Code civil, ils sont à la charge exclusive du créancier.

Lorsque l’une ou l’autre procédure est valablement respectée, l’article 1345-1, al. 3e du Code civil prévoit que « la consignation ou le séquestre libère le débiteur à compter de leur notification au créancier. »

Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition :

  • Premier enseignement
    • Une fois la consignation ou le séquestre réalisés, ces opérations doivent être notifiées au créancier afin de produire leurs effets
  • Second enseignement
    • La consignation et le séquestre ont pour effet de libérer définitivement le débiteur de son obligation à compter de leur notification au créancier
    • Cela signifie, autrement dit, que le créancier ne peut plus réclamer le paiement au débiteur à compter de cette date

L’effet de la consignation et du séquestre est particulièrement fort puisqu’il libère le débiteur alors même que le créancier n’a pas été payé.

Sous l’empire du droit antérieur, l’article 1257 du Code civil prévoyait que les offres réelles suivies d’une consignation tenaient lieu de paiement à l’égard du débiteur

Ainsi, la consignation était-elle assimilée à un paiement, à tout le moins elle le faisait présumer irréfragablement.

Cette précision n’a pas été reprise par le législateur à l’occasion de la réforme opérée par l’ordonnance du n° 2016-131 du 10 février 2016 de sorte que la question reste « ouverte »[1].

Là n’est pas la seule zone d’ombre créée par le nouveau dispositif mis en place. Lorsque, en effet, l’article 1345-1 du Code civil énonce que « la consignation ou le séquestre libère le débiteur » de son obligation, est-ce à dire que le contrat d’où cette obligation résulte est totalement anéanti ou continue-t-il à produire ses autres effets ?

L’enjeu est d’importance :

  • Si l’on considère que le contrat est anéanti par l’effet de la consignation ou du séquestre, alors le débiteur ne peut pas se prévaloir de la contrepartie à son obligation, soit de la prestation due par le créancier
  • Si, au contraire, l’on estime que le contrat continue à produire ses autres effets, alors le débiteur devrait pouvoir réclamer au créancier l’exécution de la prestation promise en contrepartie du paiement

Si l’on se reporte à l’avant-projet terré dont s’est inspiré, pour une large part, le législateur, il doit être admis que la libération du débiteur emporte résolution du contrat.

C’est sans aucun doute la solution qui apparaît la plus juste dans la mesure où on voit mal comment le débiteur pourrait exiger du créancier qu’il exécute sa prestation, alors même qu’il n’a pas été payé.

==> L’obligation porte sur un autre objet qu’une somme d’argent ou la livraison d’une chose

L’article 1345-2 du Code civil prévoit que « lorsque l’obligation porte sur un autre objet, le débiteur est libéré si l’obstruction n’a pas cessé dans les deux mois de la mise en demeure. »

Ainsi, lorsque l’obligation porte sur prestation qui consiste, ni en un versement de somme d’argent, ni en la livraison d’une chose, le débiteur n’a aucune démarche à accomplir une fois la mise en demeure adressée au créancier.

Sont ici principalement visées les prestations de services et plus généralement toutes les prestations qui supposent l’exécution d’une obligation de faire.

Si l’obstruction au paiement du créancier n’a pas pris fin dans les deux mois de la mise en demeure, le débiteur est définitivement libéré de son obligation.

 

[1] G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations, éd. Dalloz, 2018, n°988, p.888.

Le lieu du paiement: quérable ou portable?

==> Principe

L’article 1342-6 du Code civil prévoit que « à défaut d’une autre désignation par la loi, le contrat ou le juge, le paiement doit être fait au domicile du débiteur. »

Il ressort de cette disposition que le paiement est quérable, ce qui signifie qu’il appartient au créancier de se rendre au domicile du débiteur aux fins de « quérir » l’exécution de la prestation due.

Il s’agit là d’une reprise de la règle énoncée par l’ancien article 1247, al. 3e du Code civil qui était formulée dans les mêmes termes.

Dans un arrêt du 16 avril 2013, la Cour de cassation a précisé que « la circonstance que les débiteurs aient été mis en demeure n’était pas de nature à rendre le paiement portable » (Cass. com. 16 avr. 2013, n°11-25.956).

Ainsi, l’inexécution par le débiteur de ses obligations est sans incidence sur le caractère quérable du paiement. Le créancier demeure, par principe, tenu de se rendre au domicile du débiteur pour obtenir le paiement, sauf à ce qu’il soit prévu le contraire par la loi ou le contrat.

==> Exceptions

Le principe énoncé par l’article 1342-6 du Code civil n’est pas absolu ; il souffre d’un certain nombre d’exceptions, tantôt d’origine légale, tantôt d’origine conventionnelle, tantôt d’origine judiciaire.

  • Exceptions d’origine légale
    • Le paiement des obligations monétaires
      • L’article 1343-4 du Code civil prévoit que « à défaut d’une autre désignation par la loi, le contrat ou le juge, le lieu du paiement de l’obligation de somme d’argent est le domicile du créancier. »
      • Ainsi, pour les obligations monétaires, le principe est inversé.
      • Le paiement est non pas quérable, mais portable, ce qui signifie que c’est au débiteur de se rendre au domicile du créancier aux fins de lui « porter » son dû.
      • Il s’agit là d’une nouveauté introduite par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du régime général des obligations.
      • Le législateur justifie cette nouveauté en avançant « des raisons techniques, liées à la généralisation de la monnaie scripturale (chèque, virement, paiement par carte bancaire).»
    • Le paiement du prix de vente
      • L’article 1651 du Code civil prévoit que « l’acheteur doit payer au lieu et dans le temps où doit se faire la délivrance. »
      • Dans le cadre d’un contrat de vente, le paiement doit ainsi intervenir sur le lieu de remise de la chose.
      • À cet égard, l’article 1609 précise que la délivrance « doit se faire au lieu où était, au temps de la vente, la chose qui en a fait l’objet, s’il n’en a été autrement convenu.»
    • Le paiement de la prime d’assurance
      • L’article L. 113-3 du Code des assurances prévoit que « la prime est payable en numéraire au domicile de l’assureur ou du mandataire désigné par lui à cet effet ».
      • La prime d’assurance est ainsi, par principe, portable.
      • Par exception, elle peut être payable au domicile de l’assuré ou à tout autre lieu convenu dans les cas et conditions limitativement fixés par décret.
      • L’article R. 113-5 du Code des assurances prévoit en ce sens que « la prime d’assurance est payable au domicile de l’assuré ou à tout autre lieu convenu lorsque la demande en est faite par un assuré, qui, par suite d’infirmité ou de vieillesse, n’est pas en mesure de se déplacer ou qui habite au-delà d’un rayon de trois kilomètres à partir d’une recette postale.»
    • Le paiement des dividendes dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire
      • L’article L. 626-21, al. 5e du Code de commerce prévoit que « les dividendes sont payés entre les mains du commissaire à l’exécution du plan, qui procède à leur répartition. »
  • Exceptions d’origine conventionnelle
    • La règle énoncée à l’article 1342-6 du Code civil est supplétive de volonté, ce qui signifie que les parties peuvent y déroger par convention contraire.
    • Aussi sont-elles libres de stipuler dans le contrat que le paiement sera payé, soit au domicile du créancier, soit au domicile d’un tiers tel que, par exemple, un établissement bancaire, un notaire, un huissier de justice ou de tout autre mandataire.
    • À cet égard, très tôt la Cour de cassation a admis que la renonciation par les parties au caractère quérable du paiement pouvait être implicite ( 1ère civ. 25 janv. 1961).
    • Dans un arrêt du 5 octobre 2004, la Chambre commerciale a toutefois précisé que la volonté des parties, bien qu’implicite, devait être certaine, soit non équivoque ( com. 5 oct. 2004, n°03-17.757).
  • Exceptions d’origine judiciaire
    • Le juge est investi du pouvoir de décider que le paiement devra être réalisé au domicile du créancier.
    • Dans un arrêt du 17 janvier 1995, la Cour de cassation a ainsi jugé que « l’employeur, condamné à remettre des documents au salarié, doit, en l’absence de précision quant aux modalités d’exécution [dans la décision de condamnation], faire parvenir ces documents à l’intéressé, le conseil de prud’hommes a violé le texte susvisé».
    • Au cas particulier, elle reproche au Conseil de prud’hommes d’avoir décidé que la remise des documents litigieux était quérable et non portable ( soc. 17 janv. 1995, n°91-43.908).