Ordonnance de clôture de l’instruction: causes du prononcé et formalisme

La clôture de l’instruction intervient lorsque le Juge de la mise en état rend ce que l’on appelle une ordonnance de clôture. Cette ordonnance est issue de la réforme engagée en 1975 par le décret n°75-1123 du 5 décembre 1975 instituant un nouveau Code de procédure civile, entré en vigueur le 1er janvier 1976.

L’ordonnance de clôture a été institué afin de mettre fin aux abus des plaideurs qui consistaient à communiquer à l’adversaire ses pièces à la dernière heure avant l’audience, ce qui n’était pas sans contrevenir au principe du contradictoire.

À cet égard, dans son article « La réforme du code de procédure civile par le décret du 13 octobre 1965 et les principes directeurs du procès », Henri Motulsky rappelant la pratique des prétoires sous le régime du juge chargé de suivre la procédure, déplorait que l’affaire ne fût instruite qu’in extremis, quelques jours avant l’audience des plaidoiries sinon la veille et stigmatisait « l’usage des communications de pièces de dernière heure », « la grave altération consécutive de la loyauté du débat judiciaire », ainsi que « l’irritant appel des causes à l’audience sans être en état d’être plaidées » et même parfois, « le regrettable spectacle des audiences blanches comme des déplacements inutiles ».

Il achevait de brosser ce tableau affligeant en affirmant qu’il n’« est pas concevable qu’on impose la plaidoirie à une partie qui vient seulement d’avoir connaissance, tant du véritable système d’argumentation de son adversaire que des documents essentiels destinés à l’appuyer ».

L’institution de la procédure de la mise en état dans sa conception actuelle a donc eu pour objet de remédier à cette situation. On ne saurait prétendre qu’elle n’y a pas apporté de remède.

Toutefois, la tentation des parties de recourir à ces pratiques dénoncées par le professeur Motulsky subsiste, tentation qui doit être contenue par l’autorité effectivement exercée par le juge, sous peine de revenir auxdites pratiques.

De toute évidence, l’instauration d’une ordonnance de clôture s’inscrit dans cette volonté de mettre un terme à des pratiques abusives des plaideurs qui étaient devenues trop fréquences.

Parce qu’elle marque la fin de l’instruction à la date fixée par le juge, l’ordonnance de clôture a pour effet d’interdire, à compter de la date où elle est prononcée, le dépôt de toutes conclusions et la production de toutes pièces à peine d’irrecevabilité prononcée d’office (article 802 CPC).

Pour cette raison, elle est une pierre angulaire de l’instance. Ajouté à cela, l’ordonnance de clôture annonce le passage de la phase écrite de la procédure à la phase orale.

À l’exception de la procédure d’urgence à jour fixe, elle est une étape incontournable pour les plaideurs qui vont être directement touchés par ses effets. Leur situation ne sera néanmoins pas figée puisqu’ils disposeront toujours, lorsque les conditions seront réunies, de la faculté de solliciter sa révocation.

1. Les causes justifiant le prononcé de l’ordonnance de clôture

Trois situations sont susceptibles de justifier le prononcé de l’ordonnance de clôture :

  • En cas de renvoi à l’audience sans que l’affaire ne fasse l’objet d’une mise en état (circuit court)
  • Dans l’hypothèse où le Juge de la mise en état estime que l’instruction de l’affaire est achevée
  • Dans l’hypothèse où le Juge de la mise en état souhaite sanctionner une partie négligente parce que ne concluant pas dans les délais impartis
  • Lorsque les parties demandent d’elles-mêmes la césure du procès

?Le renvoi de l’affaire à l’audience sans qu’elle fasse l’objet d’une mise en état

L’article 778 du CPC prévoit que, lors de l’audience d’orientation, l’affaire peut être renvoyée immédiatement à l’audience aux fins de jugement. C’est ce que l’on appelle le circuit court.

Il peut être opté pour ce circuit court dans plusieurs cas :

  • Premier cas : l’affaire est en état d’être jugée
    • L’article 778, al. 1er du CPC prévoit en ce sens que « le président renvoie à l’audience les affaires qui, d’après les explications des avocats et au vu des conclusions échangées et des pièces communiquées, lui paraissent prêtes à être jugées sur le fond. »
    • La question qui alors se pose est de savoir à partir de quand peut-on estimer qu’une affaire est en état d’être jugée.
    • À l’évidence, tel sera le cas lorsque les parties auront pu valablement débattre sur la base de conclusions échangées et de pièces communiquées.
    • Le Président devra s’assurer, avant de renvoyer l’affaire à l’audience, que le débat est épuisé et que le principe du contradictoire a été respecté.
    • Aussi, le renvoi ne pourra être prononcé qu’à la condition que le défendeur ait eu la faculté de conclure, soit de répondre à l’assignation dont il a fait l’objet.
    • C’est là une exigence expressément posée par l’article 778 qui précise que le renvoi ne peut avoir lieu qu’« au vu des conclusions échangées et des pièces communiquées ».
  • Deuxième cas : le défendeur ne comparaît pas
    • L’article 778, al. 2 prévoit que le Président « renvoie également à l’audience les affaires dans lesquelles le défendeur ne comparaît pas si elles sont en état d’être jugées sur le fond, à moins qu’il n’ordonne la réassignation du défendeur. »
    • Il s’infère de cette disposition que deux conditions doivent être remplies pour que le renvoi soit acquis de plein droit :
      • Le défendeur ne doit pas comparaître
      • L’affaire doit être en état d’être jugée
    • Ainsi, le Président devra s’assurer que toutes les mesures ont été prises pour que le défendeur soit prévenu de la procédure dont il fait l’objet et qu’il ait été en mesure de constituer avocat.
    • Plus précisément, il doit veiller :
      • D’une part, à ce que le principe du contradictoire ait bien été respecté
      • D’autre part, à ce que les éléments produits et les prétentions présentées par le défendeur soient suffisamment sérieux
    • Si le Président s’aperçoit que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, il peut imposer au demandeur de réassigner le défendeur.
  • Troisième cas : l’instance a été introduite au moyen d’une requête conjointe
    • Ce troisième cas n’est certes pas visé par l’article 758 du CPC qui traite de l’orientation de l’affaire lorsqu’elle procède du dépôt d’une requête conjointe.
    • Toutefois, elle est admise par la jurisprudence qui considère que dans la mesure où les parties sont d’accord sur les termes du litige, il n’y a pas lieu à procéder à une instruction de l’affaire.
    • Il est, en effet, fort probable qu’elles se soient entendues sur le dispositif de la décision sollicitée qui se traduira, la plupart du temps, par l’homologation d’un accord.

Dans tous les cas, en application des articles 778 et 779 du CPC lorsque le Président constate que toutes les conditions sont réunies pour que l’affaire soit jugée sans qu’il y ait lieu de la renvoyer devant le Juge de la mise en état, il doit déclarer l’instruction close et fixer la date de l’audience, étant précisé que celle-ci peut être tenue le jour même.

Le dernier alinéa de l’article 778 du CPC précise, et c’est une innovation du décret du 11 décembre 2019, que « lorsque les parties ont donné leur accord pour que la procédure se déroule sans audience conformément aux dispositions de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire, le président déclare l’instruction close et fixe la date pour le dépôt des dossiers au greffe de la chambre. Le greffier en avise les parties et, le cas échéant, le ministère public et les informe du nom des juges de la chambre qui seront amenés à délibérer et de la date à laquelle le jugement sera rendu. »

En toute hypothèse, cette clôture de l’instruction se matérialise par le prononcé d’une ordonnance de clôture qui donc annonce l’ouverture de la phase des débats oraux.

?Le juge de la mise en état estime que l’instruction de l’affaire est achevée

L’article 799 du CPC prévoit que « sauf dans le cas où il est fait application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 781, le juge de la mise en état déclare l’instruction close dès que l’état de celle-ci le permet et renvoie l’affaire devant le tribunal pour être plaidée à la date fixée par le président ou par lui-même s’il a reçu délégation à cet effet. »

Il ressort de cette disposition que dès lors que le Juge de la mise en état constate que l’instruction est achevée, il doit rendre une ordonnance de clôture aux termes de laquelle il met un terme à la mise en état et renvoi l’affaire devant la formation de jugement du Tribunal pour être plaidée.

À cet égard, l’article779 précise que la date de la clôture arrêtée par le Juge de la mise en état doit être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries.

Cette obligation qui échoit au juge n’est toutefois assortie d’aucune sanction. Reste que plus le délai entre le prononcé de l’ordonnance de clôture et l’audience de plaidoirie sera long et plus il est un risque que des faits nouveaux interviennent entre-temps et donc justifient la révocation de l’ordonnance. Le magistrat a, dans ces conditions, tout intérêt à choisir une date rapprochée.

À ce stade de la procédure, les parties peuvent toujours demander à ce que l’affaire soit jugée sans qu’elle soit plaidée, au préalable, dans le cadre d’une audience.

L’article 799, al. 3 du CPC prévoit en ce sens que « lorsque les parties ont donné leur accord pour que la procédure se déroule sans audience conformément aux dispositions de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire, le juge de la mise en état déclare l’instruction close dès que l’état de celle-ci le permet et fixe la date pour le dépôt des dossiers au greffe de la chambre. Le greffier en avise les parties et, le cas échéant, le ministère public. »

?Le Juge de la mise en état souhaite sanctionner une partie négligente

En cas de non-respect des délais fixés par le juge de la mise en état, l’article 800 du CPC autorise le Juge de la mise en état à prononcer la clôture partielle à l’égard de la partie négligente.

Plus précisément cette disposition prévoit que « si l’un des avocats n’a pas accompli les actes de la procédure dans le délai imparti, le juge peut ordonner la clôture à son égard, d’office ou à la demande d’une autre partie, sauf, en ce dernier cas, la possibilité pour le juge de refuser par ordonnance motivée non susceptible de recours ».

On parlera alors de clôture partielle, car prononcée à l’encontre de la partie qui aura été négligente. Cette clôture partielle est seulement subordonnée au non-respect d’un délai fixé par le juge.

Le juge n’est pas contraint, pour prononcer cette sanction, de constater l’inobservation d’une injonction, ni de provoquer l’avis des avocats : une simple défaillance suffit à fonder la clôture

La copie de l’ordonnance de clôture partielle est adressée à la partie défaillante, à son domicile réel ou à sa résidence. La partie sanctionnée sera dès lors privée du droit de communiquer de nouvelles pièces et de produire de nouvelles conclusions.

Reste que lorsque des demandes ou des moyens nouveaux sont présentés au Juge de la mise ou en cas de cause grave et dûment justifié, ce dernier peut toujours, d’office ou lorsqu’il est saisi de conclusions à cette fin, rétracter l’ordonnance de clôture partielle afin de permettre à la partie contre laquelle la clôture partielle a été prononcée de répliquer.

?La demande des parties de césure du procès

Le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 a introduit dans le Code de procédure civile une nouvelle cause de clôture de l’instruction : la césure du procès civil.

Ce dispositif octroie la faculté aux parties de solliciter un jugement tranchant les points nodaux du litige afin de leur permettre ensuite de résoudre les points subséquents en recourant aux modes amiables de résolution des différends de droit commun et, à défaut, de limiter de façon optimale le champ du débat judiciaire.

Ainsi, au lieu de statuer sur l’ensemble des prétentions dont il est saisi, le juge ne tranchera, dans un premier temps, que certains aspects du différend, tandis que les parties tenteront de trouver un accord amiable pour le surplus.

Ce nouvel instrument procédural, qui est régi aux articles 807-1 à 807-3 du CPC, ne peut être utilisé que dans le cadre de la procédure écrite ordinaire applicable devant le Tribunal judiciaire.

Conformément à l’article 807-1, al. 1er du CPC, la césure du procès est laissée à l’initiative exclusive des parties.

Cette faculté peut être exercée, précise le texte, « à tout moment » de la mise en état.

L’article 807-1, al. 2e du CPC prévoit encore que la demande d’ouverture d’une césure se fait au moyen d’un acte contresigné par avocats qui mentionne les prétentions à l’égard desquelles l’ensemble des parties constituées sollicitent un jugement partiel.

La demande doit donc porter sur une ou plusieurs prétentions pour lesquelles les parties se sont entendues pour solliciter un jugement partiel.

Aussi, sont-ce les parties qui déterminent le périmètre de la césure demandée sans que le juge ne puisse le modifier.

Il peut être observé que pour être recevable, la demande d’ouverture d’une césure doit porter sur des prétentions sécables.

Autrement dit, ces prétentions doivent pouvoir donner lieu à des jugements partiels indépendants du reste de la matière litigieuse.

Dans le cas contraire, le juge est autorisé à rejeter la demande d’ouverture d’une césure ainsi que le prévoit le troisième alinéa de l’article 807-1 du CPC. Dans cette hypothèse, l’affaire reprend son cours.

2. Le formalisme attaché au prononcé de l’ordonnance de clôture

?Dispositions générales

L’article 798 du CPC prévoit que « la clôture de l’instruction est prononcée par une ordonnance non motivée qui ne peut être frappée d’aucun recours. Copie de cette ordonnance est délivrée aux avocats. »

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette disposition :

  • Un acte d’administration judiciaire
    • Il résulte de l’article 798 du CPC que l’ordonnance de clôture s’apparente à un acte d’administration judiciaire
    • C’est la raison pour laquelle elle est insusceptible de faire l’objet d’une voie de recours.
  • Motivation de l’ordonnance de clôture
    • Principe
      • Parce qu’il s’agit d’un acte d’administration judiciaire, l’ordonnance de clôture n’a pas à être motivée
    • Exception
      • Le seul cas où le Juge de la mise en l’état a l’obligation de motiver l’ordonnance de clôture, c’est lorsqu’elle est rendue sur le fondement de l’article 800 du CPC
      • C’est l’hypothèse où, souhaitant sanctionner une partie négligence, le Juge de la mise en état prononce la clôture partielle
      • L’article 800 prévoit en ce sens que « si l’un des avocats n’a pas accompli les actes de la procédure dans le délai imparti, le juge peut ordonner la clôture à son égard, d’office ou à la demande d’une autre partie, sauf, en ce dernier cas, la possibilité pour le juge de refuser par ordonnance motivée non susceptible de recours. »
  • Notification de l’ordonnance
    • Une copie de l’ordonnance de clôture doit être délivrée aux avocats
    • Lorsque la clôture n’est que partielle, l’article 800 du CPC précise que copie de l’ordonnance est adressée à la partie défaillante, à son domicile réel ou à sa résidence.
  • Tenue du dossier
    • En application de l’article 727 du CPC, une copie de l’ordonnance de clôture doit être versée au dossier constitué par le greffe
    • Conformément à l’article 771, al. 2 du CPC, la mention de la clôture doit, en outre, figurer sur la fiche permettant de connaître l’état de l’affaire

?Cas particulier de la clôture partielle résultant d’une césure du procès

L’article 807-1 du CPC prévoit que « s’il fait droit à la demande, le juge ordonne la clôture partielle de l’instruction et renvoie l’affaire devant le tribunal pour qu’il statue au fond sur la ou les prétentions déterminées par les parties. »

Si donc les conditions d’ouverture de la césure sont réunies, le juge rend une ordonnance de clôture partielle de l’instruction. L’acte contresigné par avocats exprimant la demande d’ouverture d’une césure doit être annexé à l’ordonnance.

Cette clôture se limite aux prétentions visées dans la demande d’ouverture d’une césure. Comme souligné par l’ordonnance du 17 octobre 2023, « la décision du juge de la mise en état d’ordonner ou non la clôture partielle de l’affaire est prise en opportunité eu égard aux considérations de bonne administration de la justice ».

S’agissant de la date de la clôture partielle, en application de l’article 807-1, al. 4e du CPC, elle doit être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries.

Le bail d’habitation : logement non meublé – Du contrat au statut

Contrat vs statut.- Les baux de logements vides ont d’abord été soumis au droit commun des contrats : autonomie de la volonté oblige. A l’origine, les quelques règles particulières aux baux à loyers sont bien loin de suffire à former un statut, c’est-à-dire un ensemble cohérent de règles applicables à une catégorie de personnes qui en déterminent, pour l’essentiel, la condition et le régime juridique.

Le 11 novembre 1918, à 5h15 du matin, on signe l’armistice dans le train d’État-major du maréchal Foch. La France pleure ses morts ; elle dénombre ses destructions. Jamais guerre n’a causé plus de dégâts. La pénurie de logements gagne vite. L’offre de logements ne permet pas de satisfaire la demande. Le montant des loyers proposés interdit aux plus modestes de se loger. À compter du 9 mars 1918, le législateur, au gré des circonstances, s’emploie à renforcer la stabilité des locataires et des prix. L’édiction progressive d’un droit au logement locatif ravale les dispositions du Code civil au rang de règles résiduelles.

Berlin, le 8 mai 1945, il est 23h01, on signe l’armistice de la 2nde guerre mondiale : mêmes causes, mêmes effets. De nombreux immeubles sont démolis. Pendant que de nombreux autres sont saturés d’occupants, un certain nombre de propriétaires préfèrent conserver leurs immeubles libres de toute occupation en raison du blocage antérieur des loyers. Quant à la construction de logements neufs, elle a été stoppée pour fait de guerre. La loi du 1er septembre 1948 est votée. Légiférant dans l’urgence, dans le dessein de gérer la pénurie de logements, le législateur a grand peine à placer convenablement le curseur entre les intérêts légitimes mais contradictoires des preneurs à bail et des bailleurs.

Koweït city, le 17 octobre 1973 (1er choc pétrolier), Téhéran, 8 septembre 1978 (2ème choc pétrolier), les pays arables exportateurs de pétroles réduisent leur production. La crise économique est mondiale. Tous les secteurs de l’économie sont impactés ; le secteur du bâtiment n’y échappe pas. L’histoire se répète. Il en est résulté une nouvelle raréfaction des logements locatifs ainsi qu’une augmentation des loyers.

Bis repetita : le législateur remet son ouvrage sur le métier. Se succéderont trois lois princeps, qui diront respectivement tout des obligations du bailleur et du preneur, la dernière d’entre elles ayant été depuis lors notablement complétée.

Loi n° 82-526 du 22 juin 1982 relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs.

Loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière.

Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

Ordre public de protection.- Les baux soumis à la loi n° 48-1360 du 1 septembre 1948 (portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement) obéissent à une législation d’ordre public de protection pour le moins singulier : non seulement le locataire est créancier d’un droit au maintien dans les lieux sans limitation de durée – à tout le moins tant que l’intéressé répond aux conditions de la loi (art. 4) –, mais le prix des loyers des locaux est déterminé par le législateur (art. 26) ! Et s’il importe de dire quelques mots de cette loi, qui pourrait passer pour datée, c’est précisément parce qu’elle encore de droit positif. Au reste, et c’est remarquable, elle a conduit à faire des immeubles soumis au statut un « secteur privé à caractère social ». Autant dire qu’on flirte avec la contradiction in terminis, l’oxymore. Comprenez bien qu’aux termes de ce statut, ce sont les propriétaires privés qui supportent le coût social de la législation. C’est suffisamment original pour être souligné.

Géographiquement, l’article 1er de la loi est explicite. Sont soumis les immeubles situés dans les communes les plus peuplées : Paris, primus inter partes. Matériellement, la loi s’applique, en principe, aux seuls locaux construits avant le 1er septembre 1948 (art. 3) pour peu qu’ils soient affectés à l’habitation ou à un usage mixte sans caractère commercial, artisanal ou rural. L’idée du législateur est la suivante : au vu du statut dérogatoire du droit commun, imposé par la loi de 1948, lequel a perdu beaucoup de sa justification, les investisseurs ont grandement intérêt à construire pour échapper à l’application de la loi.

Plusieurs méthodes ont été adoptées pour sortir du régime de 1948. En voilà une : la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière, dispose : « les locaux vacants à compter du 23 décembre 1986 ne sont plus soumis à la loi du 1er sept. 1948 (art. 25). Heureux le propriétaire qui prend connaissance du congé de son locataire ou de sa mort…

À compter des années 1960 (1962 précisément), on observe un reflux progressif de l’application de loi de 1948. Par voie de conséquence, le droit commun des contrats retrouve son emprise. La conjoncture n’a pourtant pas fondamentalement changée : l’offre reste très inférieure à la demande ; les loyers sont élevés et les baux de courte durée. Confronté à la précarité trop grande des locataires, le législateur est une nouvelle fois sommé de légiférer. Soucieux de concilier des intérêts antagonistes, le législateur accorde aux propriétaires plus de latitude. Pour ce faire, il s’emploie à les distraire du régime sévère et critiqué auxquels les bailleurs sont soumis. Mais il impose, en contrepartie, l’entretien de la chose à l’usage auquel on la destine et le maintien dans les lieux du preneur à bail. Ainsi, des baux dérogatoires sont aménagés. La loi du 1er septembre 1948 en porte la trace dans ces premiers articles.

La loi Quillot du 22 juin 1982 rel. aux droits et obligations des locataires et bailleurs restaure l’équilibre rompu au profit des locataires, auxquels elle confère un « droit à l’habitat ». Ce sera révolutionnaire. C’est de cette époque que date l’idée, constante depuis lors, de prévoir que le locataire pourra mettre fin au contrat quand il le souhaite tandis que le bailleur ne pourra le faire que dans des conditions très limitatives. L’idée maîtresse est de corriger le marché en instaurant dans le contrat un déséquilibre en faveur du locataire. Il faut comprendre que ce déséquilibre est inéluctable si l’on souhaite apporter des garanties minimales aux locataires.

Cette loi ne survivra pas au retour de la droite au pouvoir en 1986. Comprenez bien que le droit du logement locatif est un droit des extrêmes pour reprendre l’expression consacrée dans le précis Dalloz. La tâche du législateur est redoutable. Il lui faut concilier l’économie et le social, les intérêts du propriétaire et ceux du locataire. Pour ce faire, il importe de discipliner la loi du marché. Faire pencher la balance du côté du locataire, c’est freiner l’investissement locatif et alimenter la crise du logement. Faire pencher la balance du côté du propriétaire, c’est autoriser la conclusion de baux par trop déséquilibrés. On dit de la critique qu’elle est facile et de l’art qu’il est difficile. L’art du juste et du bien n’est pas chose aisée (Celse : jus est ars boni et aequi – 1ère phrase du Digeste (VIe s. ap. JC). C’est la raison pour laquelle, il faut beaucoup de mesure(s) dans la recherche de la justice. La survie du groupe, le maintien de son organisation, sa cohérence, l’ordre en dépend.

La loi Méhaignerie du 23 décembre 1986 revient sur les avancées de la loi Quillot en redonnant des prérogatives importantes aux propriétaires et en gommant le droit à l’habitat. Elle sera immédiatement abrogée dès le retour de la gauche au pouvoir.

La loi Mermaz n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi du 23 décembre 1986 est la loi sous l’empire de laquelle les rapports de nombre de locataires et de propriétaires sont placés. La loi a tiré les leçons du passé. Le législateur voulut sa loi d’équilibre. Ont été concilié d’une part, le droit au logement du locataire, d’autre part, le droit de propriété du bailleur.

Droit au logement. Quant à la loi du 6 juillet 1989, elle proclame dans un article premier le droit au logement. Qualifié de fondamental, le Conseil constitutionnel a élevé ce dernier droit au rang d’objectif constitutionnel (Décision n° 94-359 DC). La portée juridique d’une telle norme est indécise. Un peu moins peut-être depuis la loi n° 2007-590 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable qui a complété le code de la construction et de l’habitation …(art. L. 300-1 : Le droit à un logement décent et indépendant (…) est garanti par l’Etat à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d’Etat, n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir).