Les clauses d’indexation: régime

En période de stabilité monétaire, le principe du nominalisme monétaire ne soulève aucune difficulté d’application pour les parties.

La valeur de la monnaie étant constante, le montant de la somme d’argent due au créancier est toujours égal au montant de la dette qui doit être réglée par débiteur.

Lorsque, en revanche, la monnaie connaît des périodes de fluctuation, le principe du nominalisme monétaire est susceptible de contrevenir à l’équité.

Afin de surmonter cette difficulté le législateur a autorisé les parties à déroger contractuellement au principe du nominalisme monétaire qui n’est donc pas d’ordre public.

La pratique a alors développé deux techniques contractuelles permettant de protéger les parties contre le phénomène de fluctuation monétaire :

  • Les clauses monétaires
  • Les clauses d’indexation

Nous nous focaliserons sur les clauses d’indexation.

Une clause d’indexation, qualifiée également de clause d’échelle mobile, est celle qui fait varier le montant de la dette en fonction d’un indice extérieur au contrat.

La clause peut renvoyer, soit à un indice publié par un organisme public ou privé, soit au cours d’une marchandise ou d’un service, pourvu qu’elle ne contrevienne pas au cours forcé.

À l’instar des clauses monétaires, pendant longtemps les clauses d’indexation ont été regardées avec méfiance par la jurisprudence, les juridictions voyant en elles un facteur d’inflation.

En effet, la clause d’indexation ne fait certes pas varier le montant de la somme due par le débiteur en fonction du cours d’une devise étrangère. Toutefois, en stipulant une telle clause les parties cherchent indirectement à se prémunir des fluctuations monétaires susceptibles d’affecter la valeur de l’obligation souscrite.

Afin de limiter le recours aux clauses d’indexation la Cour de cassation a opéré une distinction entre :

  • D’un côté, les clauses qui avaient été stipulées dans le seul but d’échapper aux fluctuations monétaires.
  • D’un autre côté, les clauses qui avaient été stipulées aux fins de préserver l’équivalence économique des prestations.

Tandis que les premières étaient prohibées (Cass. 1ère civ. 3 nov. 1953), les secondes ont été reconnues valables (Cass. 1ère civ. 27 déc. 1954).

Dans ce contexte de fébrilité de la jurisprudence quant à la reconnaissance des clauses de d’indexation, la question de leur validité s’est posée spécifiquement pour les contrats de prêt.

Pour mémoire, l’article 1895 du Code civil prévoit que « s’il y a eu augmentation ou diminution d’espèces avant l’époque du paiement, le débiteur doit rendre la somme prêtée, et ne doit rendre que cette somme dans les espèces ayant cours au moment du paiement. »

Selon cette disposition, qui pose le principe du nominalisme monétaire en matière de prêt, le montant remboursé par l’emprunteur doit correspondre au montant nominal qui a été mis à sa disposition par le prêteur.

Est-ce à dire que, pour cette catégorie de contrat, toute clause visant à indexer le montant de la somme prêtée sur indice et donc à faire fluctuer le montant nominal de la somme devant être remboursée serait nulle ?

Se fondant sur le principe du nominalisme monétaire, certaines juridictions ont statué en ce sens.

La Cour de cassation a toutefois porté un coup d’arrêt à cette jurisprudence dans un arrêt Guyot rendu en date du 27 juin 1957 (Cass. 1ère civ. 27 juin 1957, n°57-01.212).

Aux termes de cette décision, la Première chambre civile affirma que :

  • En premier lieu, que l’article 1895 ne présente aucun caractère d’ordre public dans la mesure où :
    • D’une part, « il a seulement pour objet d’écarter, dans le silence de la convention, une révision judiciaire des conditions de remboursement du prêt d’argent, éventuellement demandée, en vertu de l’article 1892, pour changement de “qualité” de la monnaie. »
    • D’autre part, que « l’ordre public n’exige pas, dans le prêt d’argent, une protection des emprunteurs contre la libre acceptation du risque d’une majoration de la somme à rembourser, destinée à conserver à celle-ci le pouvoir d’achat de la somme prêtée apprécié par rapport au coût d’une denrée, dès lors qu’ils peuvent assumer des risques de même importance dans d’autres contrats»
    • Enfin « qu’on ne peut non plus prétendre que le caractère impératif de cet article serait justifié par des principes d’ordre monétaire, qui l’imposeraient en raison d’un danger que les clauses entraînant cette majoration présenteraient pour la stabilité de la monnaie, l’influence desdites clauses à cet égard apparaissant en l’état trop incertaine pour légitimer une nullité portant une atteinte grave à la sécurité de l’épargne et du crédit»
  • En second lieu, que les lois monétaires en vigueur n’impliquent pas l’invariabilité du pouvoir d’achat de la monnaie, lequel varie avec le prix des denrées, et n’empêchant pas dès lors les prêteurs plus que les autres créanciers de faire état des variations de ce pouvoir d’achat

Ainsi, par cet arrêt, non seulement la Cour de cassation reconnaît admet qu’une clause d’indexation puisse être stipulé dans un contrat de prêt en raison du caractère non impératif de l’article 1895 du Code civil, mais encore elle pose un principe général de validité des clauses d’indexation.

Elle abandonne ainsi la distinction entre les clauses stipulées dans le but de prévenir des fluctuations monétaires et celles stipulées aux fins de garantir l’équilibre économique des prestations.

Désormais, toutes les clauses d’indexation sont réputées valables, peu importe la finalité recherchée par les parties.

Dans un arrêt du 4 décembre 1962, la Cour de cassation a, par suite, appliqué la solution retenue dans l’arrêt Guyot aux clauses valeur or.

Après avoir rappelé « qu’aucune clause d’indexation n’est interdite par l’article 1895, texte non impératif », la Première chambre civile affirme que « la stipulation faisant dépendre le nombre de francs à rembourser du cours des Pièces d’or union latine n’était pas illicite, la liberté des transactions sur ces pièces et la reconnaissance officielle des variations corrélatives de leur valeur en francs, impliquant nécessairement la possibilité pour les particuliers de subordonner le montant d’un payement a ces variations » (Cass. 1ère civ. 4 déc. 1962).

Puis dans un arrêt du 10 mai 1966, la Haute juridiction reconnaît, pour la première fois, la validité des clauses valeur-monnaie étrangère, soit celles qui utilisent la monnaie, non pas comme une monnaie de paiement, mais comme une monnaie de compte, peu importe qu’elles soient stipulées dans un contrat qui ne présente aucun caractère international (Cass. 1ère civ. 10 mai 1966).

Pour justifier sa position, la Cour de cassation a indiqué, dans plusieurs arrêts, que la fixation d’une créance en monnaie étrangère devait s’analyser en « une indexation déguisée » (Cass. 1ère civ. 11 oct. 1989, n°87-16.341).

Or dans la mesure où les clauses d’indexation sont valides, il doit en être de même pour les clauses de valeur-monnaie étrangère.

Aujourd’hui, l’article 1343, al. 2e du Code civil, issu l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du régime des obligations, prévoit expressément que « le montant de la somme due peut varier par le jeu de l’indexation ».

Une lecture rapide de cette disposition suggère que le législateur a entendu reconnaître les clauses d’indexation. L’apparence est toutefois trompeuse.

À l’analyse, il y a lieu de comprendre ce texte comme posant moins un principe de validité des clauses d’indexation que comme une atténuation à la règle du nominalisme monétaire.

La liberté de stipuler des clauses d’indexation est, en effet, enfermée dans des conditions strictes énoncées aux articles L. 112-1 et suivants du Code monétaire et financière. Ces dispositions sont issues des ordonnances n° 58-1374 du 30 décembre 1958 et n° 59-246 du 4 février 1959.

I) Le régime des clauses d’indexation

A) Principe

L’article L. 112-2 du Code monétaire et financier prévoit que « dans les dispositions statutaires ou conventionnelles, est interdite toute clause prévoyant des indexations fondées sur le salaire minimum de croissance, sur le niveau général des prix ou des salaires ou sur les prix des biens, produits ou services ».

Ainsi, cette disposition prohibe le recours par les parties à des indices généraux. Lors de l’instauration de cette prohibition, le principal objectif recherché par le législateur n’était autre que la lutte contre l’inflation.

Concrètement, il est donc fait interdiction aux parties d’indexer les obligations stipulées au contrat sur :

  • D’une part, le SMIC
    • Dans un arrêt du 18 mars 1992, la Cour de cassation a, par exemple, censuré une décision rendue par un Conseil de prud’hommes qui avait validé la clause stipulée dans un contrat de travail qui « prévoyait une rémunération brute horaire égale au SMIC augmenté de 7 %» ( soc. 18 mars 1992, n°88-43.434).
    • Pour la Chambre sociale, la prohibition des « clauses prévoyant des indexations fondées sur le SMIC le salaire minimum interprofessionnel de croissance» interdisait à l’employeur de « consentir par avance une révision automatique du salaire basée sur le SMIC ».
  • D’autre part, le niveau général des prix
    • La Cour de cassation a ainsi jugé dans un arrêt du 27 mars 1990 qu’était nulle la clause stipulée dans un contrat de location-gérance d’un fonds de commerce prévoyant que la redevance serait indexée sur l’indice des prix à la consommation des ménages urbains ( com. 27 mars 1990, n°88-15.092)
  • Enfin, le niveau général des salaires
    • Dans un arrêt du 3 novembre 1988, la Cour de cassation a, par exemple, jugé qu’était « atteinte d’une nullité absolue » la clause stipulée dans un contrat de fourniture de marchandises prévoyant l’indexation du prix de vente « sur l’indice général des taux de salaires horaires des ouvriers toutes activités série France entière» ( com. 3 nov. 1988, n°87-10.043).

B) Tempéraments

1. L’indexation libre

La prohibition du recours par les parties à des indices généraux n’est pas absolue. Elle souffre d’exceptions prévues par la loi.

L’article L. 112-2, al. 3e du CMF prévoit notamment que l’indexation est libre pour les opérations intéressant les dettes d’aliments.

Par rente d’aliments il faut entendre, précise le texte « les rentes viagères constituées entre particuliers, notamment en exécution des dispositions de l’article 759 du code civil ».

L’indexation peut encore être librement stipulée pour les prestations compensatoires qui prennent la forme de rentes (art. 276-1 C. civ.)

L’article L. 112-3 du CMF autorise, par ailleurs, l’indexation de certaines conventions sur le niveau général des prix :

  • Les livrets A définis à l’article L. 221-1 ;
  • Les comptes sur livret d’épargne populaire définis à l’article L. 221-13 ;
  • Les livrets de développement durable et solidaire définis à l’article L. 221-27 ;
  • Les comptes d’épargne-logement définis à l’article L. 315-1 du code de la construction et de l’habitation ;
  • Les livrets d’épargne-entreprise définis à l’article 1er de la loi n° 84-578 du 9 juillet 1984 sur le développement de l’initiative économique ;
  • Les livrets d’épargne institués au profit des travailleurs manuels définis à l’article 80 de la loi de finances pour 1977 (n° 76-1232 du 29 décembre 1976) ;
  • Les prêts accordés aux personnes morales ainsi qu’aux personnes physiques pour les besoins de leur activité professionnelle;
  • Les loyers prévus par les conventions portant sur un local d’habitation ou sur un local affecté à des activités commerciales ou artisanales relevant du décret prévu au premier alinéa de l’article L. 112-2 ;
  • Les loyers prévus par les conventions portant sur un local à usage des activités prévues au deuxième alinéa de l’article L. 112-2 ;
  • Les rémunérations des cocontractants de l’Etat et de ses établissements publics ainsi que les rémunérations des cocontractants des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et de leurs groupements, au titre des contrats de concession et de marché de partenariat conclus dans le domaine des infrastructures et des services de transport.

L’article D. 112-1 précise que l’indexation sur le niveau général des prix autorisée pour les produits et services visés à l’article L. 112-3 est mise en œuvre en utilisant l’indice des prix à la consommation pour l’ensemble des ménages, hors tabac, publié mensuellement par l’Institut national de la statistique et des études économiques.

Enfin, l’article L. 112-3-1 du CPC prévoit que « l’indexation des titres de créance et des contrats financiers mentionnés respectivement au 2 du II et au III de l’article L. 211-1 est libre. »

2. L’indexation encadrée

S’il est fait interdiction pour les parties à un contrat de recourir à des indices généraux aux fins d’indexer leurs créances, l’article L. 112-2 du CMF les autorise à se référer à des indices spéciaux.

Ce texte prévoit, en effet, que l’indexation est permise lorsque l’indice stipulé au contrat entretient une relation directe :

  • Soit avec l’objet de la convention
  • Soit avec l’activité de l’une des parties

a. L’indexation en relation directe avec l’objet de la convention

La clause d’indexation est donc valable, à la condition que l’indice choisi par les parties soit en relation directe avec l’objet de la convention.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « l’objet de la convention ».

Deux approches sont possibles :

  • Une approche restrictive
    • Cette approche consiste à appréhender la notion « d’objet de la convention» au regard du droit commun des contrats.
    • Si l’on emprunte cette voie, l’objet de la convention désigne la prestation à propos de laquelle l’accord des parties est intervenu et autour de laquelle s’ordonne l’économie du contrat
  • Une approche extensive
    • Cette approche consiste à s’émanciper du droit commun des contrats pour inclure dans l’objet de la convention la finalité recherchée par les parties.
    • L’objet de la convention ne se limiterait donc pas seulement à l’objet de l’obligation des parties, il embrasserait également le but poursuivi par elles.

Entre ces deux approches, la jurisprudence a opté pour la seconde. Dans un arrêt du 9 janvier 1974, la Cour de cassation a, en effet, jugé à propos de la stipulation d’une clause d’indexation dans un contrat de prêt que « l’objet de la convention, au sens de l’article 79 de l’ordonnance du 30 décembre 1958 modifie par l’article 14 de l’ordonnance du 4 février 1959, doit s’entendre dans son acception la plus large et que notamment l’objet d’un prêt peut être de permettre à l’acquéreur de construire ou d’acheter un immeuble » (Cass. 1ère civ. 9 janv. 1974, n°72-13.846).

En l’espèce, pour déterminer s’il existait un lien direct entre l’indice choisi par les parties et l’objet du prêt la haute juridiction examine la finalité du contrat de prêt qui avait été conclu aux fins de financier l’acquisition d’un bien immobilier.

Elle en déduit que la clause indexant la dette d’emprunt sur l’indice du coût de la construction était parfaitement valable.

b. L’indexation en relation directe avec l’activité de l’une des parties

La clause d’indexation est également valable lorsque l’indice retenu par les parties est en relation directe avec l’activité de l’une d’elles.

Comme pour la notion d’objet de la convention, la jurisprudence s’est livrée à une interprétation extensive de la notion d’activité de l’une des parties.

Elle a, en effet, admis que l’activité en cause ne devait pas nécessairement être celle exercée à titre principal (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 7 mars 1984, n°83-11.094).

Dans un arrêt du 6 juin 1984, la Cour de cassation a précisé que le changement d’activité de l’une des parties au cours du contrat était indifférent dans la mesure où « la validité d’une clause d’indexation doit être appréciée au moment de la conclusion du contrat et ne peut être affectée par le changement d’activité du débiteur survenu ultérieurement » (Cass. 1ère civ. 6 juin 1984, n°83-12.301).

c. Le caractère direct de la relation entre l’indice choisi et l’objet de la convention ou l’activité de l’une des parties

==> Appréciation de l’existence d’une relation directe

L’appréciation du caractère direct de la relation entre l’indice choisi et l’objet de la convention ou l’activité de l’une des parties relève du pouvoir souverain des juges du fond.

Dans un arrêt du 4 mars 1964, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’appréciation du rapport existant entre la nature de l’indice et l’objet du contrat, étant fonction de la part plus ou moins importante pour laquelle le produit ou service envisage est susceptible d’entrer dans la réalisation de cet objet, est une question de fait qui échappe au contrôle de la cour de cassation » (Cass. com. 4 mars 1964).

À l’analyse, les juridictions font plutôt montre d’une grande indulgence en la matière. La Cour de cassation a, par exemple, jugé dans un arrêt du 31 janvier 1984 qu’il existait une relation suffisamment directe entre le prêt consenti à un restaurateur et le prix des bouteilles d’eau de la marque « Perrier » sur lequel le financement était indexé (Cass. com. 31 janv. 1984, n°82-16.533).

Il a encore été jugé que cette relation directe existait entre le prix de vente du fonds de commerce d’un garagiste et le salaire de l’ouvrier qualifié dans l’échelon le plus élevé qui avait été utilisé comme indice de valorisation du fonds (Cass. 3e civ. 15 févr. 1972, n°70-13.280).

La Troisième chambre civile a décidé, dans le même sens, qu’était valide l’indexation du prix de vente d’une exploitation agricole sur le cours du lait (Cass. 3e civ. 4 juin 1971, n°69-14.047).

Il ressort de ces décisions que la jurisprudence reconnaît l’existence d’une relation directe dans des cas où l’indexation repose sur des éléments qui ne représentent que très partiellement l’activité.

Malgré, la souplesse de la jurisprudence quant à l’appréciation de cette relation directe entre l’indice choisi et l’activité exercée par l’une des parties ou l’objet de la convention, les parties ne sont pas à l’abri de voir annuler la clause d’indexation stipulée au contrat.

Dans un arrêt du 22 octobre 1970, la Cour de cassation a, par exemple, jugé illicite l’indexation de la valeur d’un immeuble sur le cours de la pièce d’or Napoléon (Cass. 3e civ. 22 oct. 1970, n°69-11.470).

Elle a également cassé, dans un arrêt du 16 février 1993, la décision d’une Cour d’appel qui avait déclaré licite la clause prévoyant l’indexation de la redevance due par un locataire-gérant sur l’indice national du coût de la construction.

La Chambre commerciale considère que, au cas particulier, il n’y avait pas de relation directe entre l’indice choisi et l’activité exercé par l’une des parties, dans la mesure où le contrat de location-gérance d’un fonds de commerce est relatif à un bien meuble incorporel et non à un immeuble bâti. Or l’indice du coût de la construction intéresse précisément les immeubles bâtis (Cass. com. 16 févr. 1993, n°91-13.277).

==> Présomptions de relation directe

Afin de prévenir les difficultés d’appréciation de la validité des clauses d’indexation, le législateur a posé des présomptions de relation directe jouant dans trois cas précis :

  • Présomption de relation directe entre l’indice du coût de la construction et une convention relative à un immeuble bâti
    • Issu de la loi n° 70-600 du 9 juillet 1970 modifiant l’article 79 de l’ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958, relatif aux indexations, l’article L. 112-2 du Code monétaire et financier prévoit que « est réputée en relation directe avec l’objet d’une convention relative à un immeuble bâti toute clause prévoyant une indexation sur la variation de l’indice national du coût de la construction publié par l’Institut national des statistiques et des études économiques»
  • Présomption de relation directe entre l’indice trimestriel des loyers commerciaux et certaines activités commerciales ou artisanales
    • Issu de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, l’article L. 112-2 du Code monétaire et financier prévoit que « est réputée en relation directe […] toute clause prévoyant une indexation […] pour des activités commerciales ou artisanales définies par décret, sur la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux publié dans des conditions fixées par ce même décret par l’Institut national de la statistique et des études économiques.»
  • Présomption de relation directe entre l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires et les conventions relatives à un immeuble conclues pour une activité autre que commerciale ou artisanale
    • Issu de la loi n°2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, l’article L. 112-2, al. 2e du Code monétaire et financier prévoit que « est également réputée en relation directe avec l’objet d’une convention relative à un immeuble toute clause prévoyant, pour les activités autres que celles visées au premier alinéa ainsi que pour les activités exercées par les professions libérales, une indexation sur la variation de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques dans des conditions fixées par décret. »

3. L’indexation interdite

Outre la prohibition générale de l’indexation automatique des prix de biens ou de services posée par l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier, cette même disposition prévoit des interdictions spécifiques en matière de contrats à exécution successive et de baux d’habitation.

L’alinéa 2e de ce texte prévoit ainsi que « est réputée non écrite toute clause d’un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d’une période de variation de l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision. »

L’alinéa 3e de l’article L. 112-1 du CMF prévoit encore que « est interdite toute clause d’une convention portant sur un local d’habitation prévoyant une indexation fondée sur l’indice ” loyers et charges ” servant à la détermination des indices généraux des prix de détail. »

Le texte poursuit en énonçant qu’« il en est de même de toute clause prévoyant une indexation fondée sur le taux des majorations légales fixées en application de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948, à moins que le montant initial n’ait lui-même été fixé conformément aux dispositions de ladite loi et des textes pris pour son application. »

II) Sanction

La mise en œuvre d’une clause d’indexation est susceptible de se heurter à deux difficultés :

  • Sont irrégularité au regard du cadre contraignant posé par le législateur
  • La disparition de l’indice au cours du contrat

A) L’irrégularité de l’indice choisi par les parties

==> La nature de la nullité

Il est admis que l’irrégularité d’une clause d’indexation soit sanctionnée par la nullité absolue (Cass. com. 3 nov. 1988, n°87-10.043). La raison en est que cette irrégularité porterait atteinte à l’ordre public monétaire.

D’aucuns soutiennent toutefois que, en raison de l’admission par le législateur des clauses d’indexation, les règles encadrant leur stipulation viseraient moins à défendre l’ordre public de direction, qu’à protéger les débiteurs contre les dangers représentés par l’indexation d’une dette.

Aussi, pour une frange de la doctrine « l’indexation devrait être frappée de nullité simplement relative »[3].

Pour l’heure, la Cour de cassation n’a adopté aucune décision en ce sens.

==> L’étendue de la nullité

S’agissant de l’étendue de la nullité, la question s’est posée de savoir si elle affectait seulement la clause jugée irrégulière ou si elle anéantissait l’acte dans son entier.

Avant la réforme des obligations, le Code civil ne comportait aucune disposition de portée générale régissant l’étendue de la nullité.

Tout au plus, on a pu voir dans la combinaison des articles 900 et 1172 une distinction à opérer s’agissant de l’étendue de la nullité entre les actes à titre gratuit et les actes à titre onéreux.

  • Les actes à titre gratuit
    • L’article 900 du Code civil prévoit que « dans toute disposition entre vifs ou testamentaire, les conditions impossibles, celles qui sont contraires aux lois ou aux mœurs, seront réputées non écrites»
    • Pour les actes à titre gratuit, la nullité pourrait donc n’être que partielle en cas d’illicéité d’une clause
  • Les actes à titre onéreux
    • L’ancien article 1172 prévoyait que « toute condition d’une chose impossible, ou contraire aux bonnes mœurs, ou prohibée par la loi est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend»
    • Sur le fondement de cette disposition les auteurs estimaient que, pour les actes à titre onéreux, l’illicéité d’une stipulation contractuelle entachait l’acte dans son ensemble de sorte que la nullité ne pouvait être totale.

Manifestement, la jurisprudence a très largement dépassé ce clivage.

Les tribunaux ont préféré s’appuyer sur le critère du caractère déterminant de la clause dans l’esprit des parties. Ella a notamment retenu cette approche pour les clauses d’indexation (Cass. 3e civ. 24 juin 1971, n°70-11.730).

Aussi, la détermination de l’étendue de la nullité supposait-elle de distinguer deux situations :

  • Lorsque la clause présente un caractère « impulsif et déterminant», soit est essentielle, son illicéité affecte l’acte dans son entier
    • La nullité est donc totale
  • Lorsque la clause illicite ne présente aucun caractère « impulsif et déterminant», soit est accessoire, elle est seulement réputée non-écrite
    • La nullité est donc partielle

Jugeant le Code civil « lacunaire » sur ce point, à l’occasion de la réforme des obligations, le législateur a consacré la théorie de la nullité partielle, reprenant le critère subjectif institué par la jurisprudence.

Aux termes de l’article 1184, al. 1er du Code civil, « lorsque la cause de nullité n’affecte qu’une ou plusieurs clauses du contrat, elle n’emporte nullité de l’acte tout entier que si cette ou ces clauses ont constitué un élément déterminant de l’engagement des parties ou de l’une d’elles. »

Il ressort de cette disposition que quand bien même un acte est affecté par une cause de nullité, il peut être sauvé.

Le juge dispose, en effet, de la faculté de ne prononcer qu’une nullité partielle de l’acte.

Cela suppose toutefois que deux conditions soient remplies :

  • L’illicéité affecte une ou plusieurs clauses de l’acte
  • La stipulation desdites clauses ne doit pas avoir été déterminante de l’engagement des parties

Si ces deux conditions sont remplies, les clauses affectées par la cause de nullité seront réputées non-écrites

L’application de cette règle à la clause d’indexation signifie que si elle a été déterminante du consentement des parties, alors le contrat doit être annulé dans son intégralité.

 Dans le cas contraire, la clause d’indexation doit seulement être réputée non écrite. Aussi, appartient-il aux juges de rechercher l’intention des parties.

Dans un arrêt du 14 janvier 2016, la Cour de cassation a ainsi approuvé une Cour d’appel qui pour prononcer la nullité d’une clause d’indexation avait relevé « le caractère essentiel de l’exclusion d’un ajustement à la baisse du loyer à la soumission du loyer à l’indexation » (Cass. 3e civ. 14 janv. 2016, n°14-24.681).

Dans un arrêt du 29 novembre 2018, la Troisième chambre civile a toutefois cherché à moduler cette sanction en censurant une Cour d’appel qui avait réputé non écrite la clause d’indexation dans son entier. Or elle estime que seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée doit être réputée non écrite (Cass. 3e civ. 29 nov. 2018, n°17-23.058).

Cette limite vise à contenir les conséquences financières de l’annulation de l’intégralité d’une clause d’indexation. Il s’agit, en effet, d’éviter que le créancier ait à restituer l’intégralité des sommes indûment perçues résultant de l’indexation.

Dans le droit fil de cette jurisprudence, la question s’est posée de savoir si plutôt que d’annuler la clause d’indexation, même partiellement, le juge ne pouvait pas procéder à une substitution de l’indice irrégulier.

Dans un arrêt du 14 octobre 1975, la Cour de cassation a rejeté cette thèse en affirmant que le juge ne pouvait pas « se substituer aux parties pour remplacer une clause d’indexation, déclarée nulle par la loi, par une clause nouvelle se référant à un indice diffèrent » (Cass. 3e civ. 14 oct. 1975, n°74-12.880).

Elle a toutefois tempéré son approche en admettant, dans un arrêt du 22 juin 1987, que le juge puisse substituer à l’indice annulé un indice admis par la loi, dès lors que cette substitution se déduit de la commune intention des parties (Cass. 3e civ. 22 juill. 1987, n°84-10.548).

Cette position adoptée par la Cour de cassation ne paraît pas avoir été remise en cause par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du régime des obligations.

Le nouvel article 1167 introduit dans le code civil par ce texte prévoit, en effet, que « lorsque le prix ou tout autre élément du contrat doit être déterminé par référence à un indice qui n’existe pas ou a cessé d’exister ou d’être accessible, celui-ci est remplacé par l’indice qui s’en rapproche le plus. »

Certes ce texte n’envisage la réfaction du contrat qu’en cas de disparition ou d’inapplication de l’indice. La doctrine considère toutefois que la règle peut être étendue au cas de nullité de l’indice irrégulier.

==> L’action en nullité

S’agissant des titulaires de l’action en nullité, l’article 1180 du Code civil prévoit que « la nullité absolue peut être demandée par toute personne justifiant d’un intérêt, ainsi que par le ministère public. »

Quant au délai de prescription de l’action, il y a lieu de distinguer selon que la nullité est soulevée par voie d’action ou par voie d’exception :

Lorsque la nullité est invoquée par voie d’action, l’article 2224 du Code civil dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans ».

Lorsque, en revanche, la nullité est soulevée par voie d’action, le délai de prescription est très différent de celui imparti à celui qui agit par voie d’action.

Aux termes de l’article 1185 du Code civil « l’exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n’a reçu aucune exécution. »

Il ressort de cette disposition que l’exception de nullité est perpétuelle.

B) La disparition de l’indice choisi par les parties

L’article 1167 du Code civil prévoit « lorsque le prix ou tout autre élément du contrat doit être déterminé par référence à un indice qui n’existe pas ou a cessé d’exister ou d’être accessible, celui-ci est remplacé par l’indice qui s’en rapproche le plus. »

Lorsqu’ainsi l’indice choisi par les parties est inapplicable, le juge est investi du pouvoir de le remplacer par un autre indice. Ce pouvoir avait déjà été reconnu au juge sous l’empire du droit antérieur (V. en ce sens Cass. 3e civ. 12 janv. 2005, n°03-17.260)

Il a également été admis que le juge puisse se faire assister par un expert afin de déterminer les évolutions probables de l’indice qui a cessé d’exister (Cass. com. 25 févr. 1963).

En cas d’impossibilité de déterminer l’évolution de l’indice qui a cessé d’exister ou de le substituer par un nouvel indice, l’issue retenue par le juge devrait, en toute logique, être la caducité du contrat (V. en ce sens Cass. com., 30 juin 1980, n° 79-10.632).

[1] F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil – Les obligations, éd. Dalloz, 2019, n°1458, p. 1534

[2] F. Grua, Paiement des obligations de sommes d’argent – Monnaie étrangère, Jcl. Notarial Répertoire, fasc. 40, n°37

[3] J. François, Les obligations – Régime général, éd. Economica, 2020, n°51, p. 52

La charge de la preuve du paiement

La preuve du paiement présente un enjeu majeur, dans la mesure où, en cas de litige, elle détermine le sort de l’obligation dont le débiteur se prétend être déchargée.

Deux questions alors se posent : qui doit prouver ? comment prouver ?

Nous nous focaliserons ici sur la charge de la preuve du paiement.

==> Principe

Signe que la réforme du régime général des obligations entreprise par le législateur en 2016 n’est pas totalement aboutie, la charge de la preuve du paiement n’est pas abordée dans la partie du Code civil dédié au paiement.

Pour trouver la règle qui répond à la question de savoir à qui incombe la charge de la preuve du paiement, il y a lieu de se reporter à l’article 1353, al. 2e du Code civil qui relève d’un Titre consacré à la preuve des obligations. 

Cette disposition prévoit que « celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »

Il ressort de cette disposition que la preuve du paiement pèse sur le débiteur. Encore faut-il toutefois que le créancier ait préalablement rapporté la preuve de l’obligation dont il se prévaut.

En effet, les deux alinéas de l’article 1353 du Code civil fonctionnent ensemble ; en ce sens qu’ils organisent une réparation de la charge de la preuve. Aussi, ne saurait-on lire l’un sans l’autre ; leur application est nécessairement combinée :

  • Premier alinéa de l’article 1353 du Code civil
    • Cet alinéa pose que c’est d’abord à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver
    • Autrement dit, il appartient au créancier de prouver l’existence de l’obligation dont il se prévaut et dont il revendique l’exécution
    • S’il n’y parvient pas, il succombera sans que le débiteur n’ait à rapporter la preuve du paiement.
  • Second alinéa de l’article 1353 du Code civil
    • Ce n’est que dans l’hypothèse où le créancier parvient à établir l’existence de son droit, qu’il incombera au débiteur de prouver qu’il s’est dûment libéré de son obligation.
    • Autrement dit, il devra rapporter la preuve du paiement, soit de l’exécution de la prestation due.

==> Exceptions

  • Le paiement d’une obligation de moyens
    • Pour mémoire, on dit que l’obligation est de moyens lorsque le débiteur s’engage à mobiliser toutes les ressources dont il dispose pour accomplir la prestation promise, sans garantie du résultat
      • Exemple : le médecin a l’obligation de soigner son patient, mais n’a nullement l’obligation de le guérir.
      • Dans cette configuration, le débiteur ne promet pas un résultat : il s’engage seulement à mettre en œuvre tous les moyens que mettrait en œuvre un bon père de famille pour atteindre le résultat
    • Pour que la responsabilité du débiteur puisse être recherchée, il doit être établi que celui-ci a commis une faute, soit que, en raison de sa négligence ou de son imprudence, il n’a pas mis en œuvre tous les moyens dont il disposait pour atteindre le résultat promis.
    • Il y a là une inversion de la charge de la preuve qui ne pèse donc, non pas sur le débiteur, mais sur le créancier.
  • L’exécution d’une obligation de ne pas faire
    • En présence d’une obligation de ne pas faire, l’application de l’article 1353, al. 2e du Code civil devrait conduire à imposer au débiteur d’établir qu’il s’est abstenu, ce qui revient à exiger de lui qu’il rapporte la preuve d’un fait négatif.
    • Parce que cette preuve est, par nature, difficile sinon impossible à rapporter, il est fréquent que la jurisprudence renverse la charge de la preuve en pareille circonstance.
    • Aussi, n’est pas au débiteur de prouver son abstention, mais au créancier de rapporter la preuve d’une action fautive (V. en ce sens com., 19 sept. 2006, n°05-16.406; Cass. com., 28 mars 2018, n° 17-10.600 ; Cass. soc. 25 mars 2009, n°07-41.894).
  • La stipulation d’une clause contraire
    • En application de l’article 1356 du Code civil, les parties sont libres d’aménager conventionnellement les règles de preuve et notamment la preuve du paiement.
  • Les présomptions légales
    • Il est des textes qui instituent, en certaines circonstances, des présomptions de paiement, ce qui a pour conséquence de renverser la charge de la preuve qui dès lors pèse, non plus sur le débiteur, mais sur le créancier.
    • On en abordera deux :
      • La remise au débiteur du titre constatant la créance
        • L’article 1342-9 du Code civil prévoit que « la remise volontaire par le créancier au débiteur de l’original sous signature privée ou de la copie exécutoire du titre de sa créance vaut présomption simple de libération. »
        • Cette disposition crée ainsi une présomption de paiement à la faveur du débiteur dans l’hypothèse où le créancier lui aurait remis le titre constatant l’obligation qui les lie.
        • En cas de litige, c’est donc au créancier qu’il reviendra de prouver qu’il n’a pas été payé par le débiteur.
      • La mention apposée sur le titre constatant la créance
        • L’article 1378-2 du Code civil prévoit que :
          • D’une part, « la mention d’un paiement ou d’une autre cause de libération portée par le créancier sur un titre original qui est toujours resté en sa possession vaut présomption simple de libération du débiteur. »
          • D’autre part, « il en est de même de la mention portée sur le double d’un titre ou d’une quittance, pourvu que ce double soit entre les mains du débiteur. »
        • Il ressort de cette disposition que dans l’hypothèse où une mention établissant la libération du débiteur figure, tantôt sur le titre constatant la créance détenue en original par le créancier, tantôt sur le double de ce titre détenu par le débiteur, la charge de la preuve du paiement est inversée.
        • La mention apposée sur le titre fait, en effet, présumer le paiement de sorte que c’est au créancier qu’il revient d’établir qu’il n’a pas été payé.

La preuve du paiement

La preuve du paiement présente un enjeu majeur, dans la mesure où, en cas de litige, elle détermine le sort de l’obligation dont le débiteur se prétend être déchargée.

Deux questions alors se posent : qui doit prouver ? comment prouver ?

A) La charge de la preuve du paiement

==> Principe

Signe que la réforme du régime général des obligations entreprise par le législateur en 2016 n’est pas totalement aboutie, la charge de la preuve du paiement n’est pas abordée dans la partie du Code civil dédié au paiement.

Pour trouver la règle qui répond à la question de savoir à qui incombe la charge de la preuve du paiement, il y a lieu de se reporter à l’article 1353, al. 2e du Code civil qui relève d’un Titre consacré à la preuve des obligations. 

Cette disposition prévoit que « celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »

Il ressort de cette disposition que la preuve du paiement pèse sur le débiteur. Encore faut-il toutefois que le créancier ait préalablement rapporté la preuve de l’obligation dont il se prévaut.

En effet, les deux alinéas de l’article 1353 du Code civil fonctionnent ensemble ; en ce sens qu’ils organisent une réparation de la charge de la preuve. Aussi, ne saurait-on lire l’un sans l’autre ; leur application est nécessairement combinée :

  • Premier alinéa de l’article 1353 du Code civil
    • Cet alinéa pose que c’est d’abord à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver
    • Autrement dit, il appartient au créancier de prouver l’existence de l’obligation dont il se prévaut et dont il revendique l’exécution
    • S’il n’y parvient pas, il succombera sans que le débiteur n’ait à rapporter la preuve du paiement.
  • Second alinéa de l’article 1353 du Code civil
    • Ce n’est que dans l’hypothèse où le créancier parvient à établir l’existence de son droit, qu’il incombera au débiteur de prouver qu’il s’est dûment libéré de son obligation.
    • Autrement dit, il devra rapporter la preuve du paiement, soit de l’exécution de la prestation due.

==> Exceptions

  • Le paiement d’une obligation de moyens
    • Pour mémoire, on dit que l’obligation est de moyens lorsque le débiteur s’engage à mobiliser toutes les ressources dont il dispose pour accomplir la prestation promise, sans garantie du résultat
      • Exemple : le médecin a l’obligation de soigner son patient, mais n’a nullement l’obligation de le guérir.
      • Dans cette configuration, le débiteur ne promet pas un résultat : il s’engage seulement à mettre en œuvre tous les moyens que mettrait en œuvre un bon père de famille pour atteindre le résultat
    • Pour que la responsabilité du débiteur puisse être recherchée, il doit être établi que celui-ci a commis une faute, soit que, en raison de sa négligence ou de son imprudence, il n’a pas mis en œuvre tous les moyens dont il disposait pour atteindre le résultat promis.
    • Il y a là une inversion de la charge de la preuve qui ne pèse donc, non pas sur le débiteur, mais sur le créancier.
  • L’exécution d’une obligation de ne pas faire
    • En présence d’une obligation de ne pas faire, l’application de l’article 1353, al. 2e du Code civil devrait conduire à imposer au débiteur d’établir qu’il s’est abstenu, ce qui revient à exiger de lui qu’il rapporte la preuve d’un fait négatif.
    • Parce que cette preuve est, par nature, difficile sinon impossible à rapporter, il est fréquent que la jurisprudence renverse la charge de la preuve en pareille circonstance.
    • Aussi, n’est pas au débiteur de prouver son abstention, mais au créancier de rapporter la preuve d’une action fautive (V. en ce sens com., 19 sept. 2006, n°05-16.406; Cass. com., 28 mars 2018, n° 17-10.600 ; Cass. soc. 25 mars 2009, n°07-41.894).
  • La stipulation d’une clause contraire
    • En application de l’article 1356 du Code civil, les parties sont libres d’aménager conventionnellement les règles de preuve et notamment la preuve du paiement.
  • Les présomptions légales
    • Il est des textes qui instituent, en certaines circonstances, des présomptions de paiement, ce qui a pour conséquence de renverser la charge de la preuve qui dès lors pèse, non plus sur le débiteur, mais sur le créancier.
    • On en abordera deux :
      • La remise au débiteur du titre constatant la créance
        • L’article 1342-9 du Code civil prévoit que « la remise volontaire par le créancier au débiteur de l’original sous signature privée ou de la copie exécutoire du titre de sa créance vaut présomption simple de libération. »
        • Cette disposition crée ainsi une présomption de paiement à la faveur du débiteur dans l’hypothèse où le créancier lui aurait remis le titre constatant l’obligation qui les lie.
        • En cas de litige, c’est donc au créancier qu’il reviendra de prouver qu’il n’a pas été payé par le débiteur.
      • La mention apposée sur le titre constatant la créance
        • L’article 1378-2 du Code civil prévoit que :
          • D’une part, « la mention d’un paiement ou d’une autre cause de libération portée par le créancier sur un titre original qui est toujours resté en sa possession vaut présomption simple de libération du débiteur. »
          • D’autre part, « il en est de même de la mention portée sur le double d’un titre ou d’une quittance, pourvu que ce double soit entre les mains du débiteur. »
        • Il ressort de cette disposition que dans l’hypothèse où une mention établissant la libération du débiteur figure, tantôt sur le titre constatant la créance détenue en original par le créancier, tantôt sur le double de ce titre détenu par le débiteur, la charge de la preuve du paiement est inversée.
        • La mention apposée sur le titre fait, en effet, présumer le paiement de sorte que c’est au créancier qu’il revient d’établir qu’il n’a pas été payé.

B) Les modes de preuve du paiement

==> Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, le mode de preuve du paiement a donné lieu à une controverse. Cette controverse a vu s’opposer deux thèses : celle de l’acte juridique et celle du fait juridique

  • Thèse du fait juridique
    • Selon cette thèse, le paiement ne serait autre qu’un fait juridique car, au fond, il tirerait ses effets de la loi et non de la volonté du débiteur.
    • Si donc le paiement produit, tantôt un effet extinctif, tantôt un effet subrogatoire, ce n’est pas parce que les parties intéressées à l’opération l’ont voulu, mais parce que la loi le prévoit.
    • En tant que fait juridique, le paiement pourrait alors se prouver par tous moyens
  • Thèse de l’acte juridique
    • Selon cette thèse, le paiement s’analyserait en une convention conclue entre le solvens (celui qui paye) et l’accipiens (celui qui est payé) aux fins d’éteindre l’obligation originaire.
    • Il en résulterait que la preuve du paiement supposerait la production d’un écrit, conformément à l’article 1364 du Code civil

Entre ces deux thèses, la Cour de cassation a opté pour la seconde. Dans un arrêt du 6 juillet 2004, elle a jugé que « la preuve du paiement, qui est un fait, peut être rapportée par tous moyens » (Cass. 1ère civ. 6 juill. 2004, 01-14.618).

Cinq ans plus tard, la Deuxième chambre civile a statué dans le même sens, dans un arrêt du 17 décembre 2009 (Cass. 2e civ. 17 déc. 2009, n°06-18.649)

Alors qu’une position semblait avoir été arrêtée par la Cour de cassation, la Chambre sociale (Cass. soc. 11 janv. 2006, n°04-41.231), puis la Troisième chambre civile (Cass. 3e civ. 27 févr. 2008, n°07-10.222) ont semé le doute en rendant des décisions intéressant la preuve du paiement au visa de l’ancien article 1341 du Code civil, soit celui exigeant la production d’un écrit.

==> Droit positif

À l’occasion de la réforme du droit des contrats opérée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le législateur a entendu clarifier l’état du droit positif.

Aussi, a-t-il inséré un article 1342-8 dans le Code civil qui dispose que « le paiement se prouve par tout moyen. »

À l’analyse, si la règle énoncée met un terme à l’incertitude jurisprudentielle née de la divergence entre les Chambres de la Cour de cassation, elle ne règle pas la question de la qualification du paiement.

Comme souligné par des auteurs « selon que l’on se prononce en faveur de la qualification d’acte ou de fait juridique, l’article 1342-8 du Code civil apparaîtra comme une simple application du droit commun ou, au contraire, comme une remarquable exception »[8].

En tout état de cause, parce que le paiement se prouve « par tout moyen », le débiteur est autorisé à mobiliser tous les modes de preuves aux fins d’établir sa prétention au nombre desquels figurent notamment l’écrit, le témoignage, la présomption judiciaire, l’aveu et le serment.

Parfois, il pourra être dispensé de rapporter la preuve du paiement en présence d’une présomption légale.

1. La liberté de la preuve ou les modes de preuve admis

1.1. L’écrit

Si la production d’un écrit n’est pas exigée pour prouver le paiement, cela ne signifie pas pour autant qu’il est fait interdiction au débiteur d’y recourir.

Parce que le paiement se prouve par tout moyen, l’écrit est admis au même titre que les autres modes de preuve.

Si, en théorie, ils sont tous placés sur un pied d’égalité, en pratique, le débiteur portera son choix, la plupart du temps, sur l’écrit en raison de la force probante que le juge lui prêtera.

Encore faut-il qu’il réponde à certaines exigences, quant à sa forme et quant à son origine, faute de quoi le juge est susceptible, au mieux, de le reléguer au rang de commencement de preuve par écrit, au pire, de l’écarter purement et simplement.

a. La forme de l’écrit

La constatation dans un écrit du paiement consiste habituellement en l’établissement d’une quittance, appelée autrement « reçu ».

La quittance ne doit pas être confondue avec la facture :

  • La quittance constate le paiement ; elle est remise au débiteur après qu’il s’est acquitté de son obligation
  • La facture détaille le contenu et le prix de la prestation fournie par le créancier ; elle est remise au débiteur en vue du paiement

 S’agissant de la quittance, elle peut être établie, soit par acte sous seing privé, soit par acte notarié.

  • La quittance sous seing privée
    • Pour valoir acte sous seing privé, la quittance doit comporter la signature du créancier, l’objet du paiement et sa cause.
    • S’agissant de la date et des modalités du paiement, la Cour de cassation a jugé que ces éléments n’étaient pas exigés à titre de validité de la quittance (V. en ce sens 1ère civ. 12 févr. 1964; Cass. 1ère civ. 16 mars 2004, n°01-11.274).
  • La quittance sous forme authentique
    • Il est des cas où la loi exige que la quittance soit établie par voie d’acte authentique.
    • L’article 1346-2, al. 2e du Code civil prévoit en ce sens que « la subrogation peut être consentie sans le concours du créancier, mais à la condition que la dette soit échue ou que le terme soit en faveur du débiteur. Il faut alors que l’acte d’emprunt et la quittance soient passés devant notaire, que dans l’acte d’emprunt il soit déclaré que la somme a été empruntée pour faire le paiement, et que dans la quittance il soit déclaré que le paiement a été fait des sommes versées à cet effet par le nouveau créancier. »

Dans l’hypothèse où la quittance ne satisfait aux exigences notamment parce que le débiteur, ni de l’acte sous seing privé, ni de l’acte authentique, elle vaudra seulement commencement par écrit.

Tel sera le cas lorsque, soit la quittance ne sera pas signée par le créancier, soit le débiteur n’en détiendra qu’une copie (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 27 mai 1986, n°84-14.370).

b. L’origine de l’écrit

Pour mémoire, l’article 1363 du Code civil prévoit que « nul ne peut se constituer de titre à soi-même. »

Il ressort de cette disposition que pour valoir écrit, l’acte produit par le débiteur à titre de preuve ne peut pas avoir été préconstitué par lui ; il doit émaner, soit du créancier, soit d’un tiers.

Cette règle est-elle applicable à la preuve du paiement ? La question se pose dans la mesure où le paiement se prouve par tous moyens ce qui suggère qu’il s’analyserait en un fait juridique.

Or l’article 1363 du Code civil s’applique à la preuve des actes juridiques, soit aux cas où l’écrit est exigé.

À cet égard, sous l’empire du droit antérieur, la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 6 mars 2014 que « le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n’est pas applicable à la preuve d’un fait juridique » (Cass. 2e civ. 6 mars 2014, n°13-14.294)

Est-ce à dire que le débiteur pourrait prouver son paiement en produisant un acte qui émane de lui ?

Tout dépend de la qualification que l’on reconnaît au paiement :

  • Si l’on estime qu’il s’agit d’un fait juridique, alors il y a lieu d’admettre que l’écrit produit aux fins de prouver le paiement puisse émaner du débiteur.
  • Si l’on estime, au contraire, qu’il s’agit d’un acte juridique, alors il y a lieu de considérer que l’écrit émanant du débiteur ne suffit pas à prouver son paiement

À supposer que l’on opte pour la première approche, elle n’aura qu’une portée limitée dans la mesure elle doit être combinée avec la règle énoncée à l’article 1378-1 du Code civil.

Cette disposition prévoit, en effet, que « les registres et papiers domestiques ne font pas preuve au profit de celui qui les a écrits. »

Aussi, est-il fait interdiction, en tout état de cause, au débiteur de prouver le paiement en produisant sa propre comptabilité.

c. La force probante de l’écrit

Lorsque le débiteur produit un acte qui remplit les conditions de l’écrit aux fins de prouver son paiement, quelle est la force probante de cet acte ?

Plus précisément la question se pose de savoir si, pour contester le paiement du débiteur, le créancier devra, à son tour, produire un écrit ?

Dans la mesure où, en matière de paiement, la preuve est libre, on pourrait être tenté de répondre par la négative : le créancier devra pouvoir prouver sa prétention par tous moyens.

Tel n’est toutefois pas la voie empruntée par la jurisprudence sous l’empire du droit antérieur. Dans un arrêt du 4 novembre 2011, la Cour de cassation a jugé, par exemple, que « si celui qui a donné quittance peut établir que celle-ci n’a pas la valeur libératoire qu’implique son libellé, cette preuve ne peut être rapportée que dans les conditions prévues par les articles 1341 et suivants du code civil » (Cass. 1ère civ. 4 nov. 2011, n°10-27.035).

Cette solution a-t-elle été reconduite par la réforme du régime général des obligations opérée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ?

Les auteurs sont réservés. Tout d’abord, l’écrit n’est exigé à titre de preuve que pour les actes juridiques. Or la jurisprudence analyse le paiement plutôt comme un fait juridique.

Ensuite, comme relevé par Maxime Julienne « il n’y a aucune raison de retenir une interprétation restrictive de l’article 1342-8 et de ne pas étendre à la preuve de l’absence de paiement le principe de liberté probatoire dont ce texte est porteur »[9].

1.2. Le témoignage

Parce que la preuve du paiement est libre, il est admis que le débiteur puisse recourir au témoignage afin d’établir qu’il s’est libéré de son obligation envers le créancier.

Pour mémoire, le témoignage consiste en une déclaration faite au juge par une personne, le témoin, ayant constaté ou eu connaissance des faits litigieux.

L’article 1381 du Code civil prévoit que la valeur probante des déclarations faites par un tiers est laissée à l’appréciation du juge.

Autrement dit, il appartient au juge d’apprécier la véracité du contenu de la déclaration qu’il reçoit.

En pratique, le débiteur s’appuiera sur le témoignage lorsque, soit il sera dans l’incapacité de produire un écrit (art. 1360 C. civ.), soit parce que l’acte dont il est en possession ne remplit pas les conditions de l’écrit et n’a la valeur que d’un commencement de preuve par écrit (art. 1361 C. civ.).

1.3. La présomption judiciaire

Lorsque la preuve est libre, il est admis que le juge puisse puiser dans les circonstances de la cause la preuve du fait contesté ; c’est le mécanisme des présomptions judiciaires, qualifiées également de présomptions du fait de l’homme.

Concrètement, la preuve procède ici d’un raisonnement par induction. Il s’agira donc, à partir d’un ou plusieurs indices connus, de tirer des conséquences quant à la réalité du fait contesté.

En application de l’article 1382 du Code civil, seules les présomptions « graves, précises et concordantes » sont admises.

Lorsque cette condition est remplie, les présomptions judiciaires « sont laissées à l’appréciation du juge ».

L’ancien article 1353 du Code civil prévoyait dans le même sens qu’elles doivent être « abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat ».

Comme souligné par des auteurs « la preuve construite sur des indices n’est donc acquise que si elle correspond à l’intime conviction du juge »[10].

S’agissant de l’application du mécanisme des présomptions judiciaires au paiement, bien qu’il ne s’agisse pas de son terrain de prédilection, elle n’est pas à exclure.

Les présomptions judiciaires pourront notamment jouer en présence de documents, tels que des courriers, certificats, chèques ou encore factures qui suggèrent l’exécution d’un paiement (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 7 févr. 1989, n°85-14.989).

1.4. L’aveu

L’aveu est défini à l’article 1383, al. 1er du Code civil comme « la déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques ».

L’alinéa 2 de cette disposition précise que l’aveu peut être judiciaire ou extrajudiciaire :

  • L’aveu judiciaire
    • Il s’agit de la déclaration que fait en justice la partie ou son représentant spécialement mandaté.
    • La particularité de ce mode de preuve est qu’il est recevable en toutes matières, y compris lorsqu’un écrit est exigé.
    • Autrement dit, il peut servir à établir, tant un fait juridique, qu’un acte juridique : il n’est donc pas besoin qu’il soit corroboré par un autre mode de preuve, à la différence par exemple du témoignage ou du commencement de preuve par écrit.
    • La raison en est qu’il « fait foi contre celui qui l’a fait» ( 1382, al. 2e C. civ.)
    • Aussi, la reconnaissance par le créancier de l’exécution par le débiteur de son obligation vaudra preuve du paiement, étant précisé que le juge sera lié par cet aveu.
    • Dans ces conditions, il devra tenir pour établi le fait avoué, quand bien même cela ira à l’encontre de son intime conviction.
  • L’aveu extrajudiciaire
    • Il s’agit de la déclaration faite par une partie au procès en dehors du prétoire.
    • Contrairement à l’aveu judiciaire, l’aveu extrajudiciaire n’est recevable que « dans les cas où la loi permet la preuve par tout moyen» ( 1383-1, al. 1er C. civ.).
    • La preuve du paiement étant libre, le recours à l’aveu extrajudiciaire en cette manière ne soulève aucune difficulté.
    • À cet égard, l’aveu peut émaner, tant du créancier, que du débiteur.
    • Reste que dans les deux cas, comme précisé par l’article 1383-1, al. 2e du Code civil « sa valeur probante est laissée à l’appréciation du juge. »

1.5. Le serment

Le serment est un mode de preuve hérité d’une époque où l’église était fortement imbriquée dans l’état et où la société était particulièrement imprégnée des concepts d’honneur et de moral.

Classiquement, le serment est défini comme « la déclaration par laquelle un plaideur affirme, d’une manière solennelle et devant un juge, la réalité d’un fait qui lui est favorable »[11].

Lorsqu’il est utilisé à des fins probatoire, le serment est soit décisoire, soit supplétoire.

  • Le serment décisoire
    • Il s’agit de celui qu’une partie défère à l’autre pour en faire dépendre le jugement de la cause ( 1384 C. civ.) :
      • Si le plaideur auquel le serment est déféré accepte le « défi », alors il gagne le procès.
      • Si en revanche, il renonce à prêter serment craignant notamment la sanction attachée au parjure, alors il succombe.
    • La particularité du serment décisoire est qu’il « peut être déféré sur quelque espèce de contestation que ce soit et en tout état de cause. »
    • Autrement dit, il peut intervenir aux fins de prouver, tant un acte juridique, qu’un fait juridique.
    • Le paiement peut ainsi être prouvé au moyen du serment décisoire.
    • À cet égard, à l’instar de l’aveu judiciaire, le serment décisoire présente l’avantage de lier le juge à la déclaration du plaideur.
    • Il devra donc tenir pour vrai ce que ce dernier déclare, à tout le moins dès lors la déclaration porte sur un fait personnel, soit d’un fait qu’il a personnellement vécu ou constaté ( 1385-1 C. civ.).
  • Le serment supplétoire
    • Il s’agit de celui qui est déféré d’office par le juge à l’une ou à l’autre des parties.
    • Contrairement au serment décisoire, le serment supplétoire ne peut pas jouer en toutes matières ; il obéit à des conditions de recevabilité énoncées à l’article 1386-1 du Code civil.
    • Cette disposition prévoit que « le juge ne peut déférer d’office le serment, soit sur la demande, soit sur l’exception qui y est opposée, que si elle n’est pas pleinement justifiée ou totalement dénuée de preuves. »
    • Autrement dit, le juge ne pourra recourir au serment supplétoire que pour parfaire son intime conviction.
    • Il s’agit, en quelque, sorte d’une mesure d’instruction qui ne peut ni pallier la carence de preuves, ni intervenir pour combattre une preuve parfaite.
    • La recevabilité du serment décision est ainsi conditionnée à la vraisemblance de la prétention qu’il vise à confirmer ou infirmer.
    • Si cette condition est remplie, le juge pourra y recourir afin d’établir la réalité du paiement discutée par les parties.

2. La dispense de rapporter la preuve ou les présomptions légales

Il est des textes qui instituent, en certaines circonstances, des présomptions de paiement, ce qui a pour conséquence de dispenser le débiteur de rapporteur la preuve de sa libération.

a. La remise volontaire au débiteur du titre constatant la créance

L’article 1342-9 du Code civil prévoit que « la remise volontaire par le créancier au débiteur de l’original sous signature privée ou de la copie exécutoire du titre de sa créance vaut présomption simple de libération. »

Il ressort de cette disposition que la restitution par le créancier de l’écrit qui lui servait de preuve au débiteur fait présumer la libération de ce dernier.

Cette règle procède de l’idée que si le créancier s’est dessaisi entre les mains du débiteur du titre qui constatait sa créance, il est fort probable qu’il s’agisse là d’une contrepartie au paiement qu’il a reçu à tout le moins cette démarche exprime son intention de libérer le débiteur de son obligation.

Sous l’empire du droit antérieur, la présomption de libération du débiteur résultant de la remise du titre original était abordée dans une section du Code civil consacrée à la remise de dette.

Les anciens articles 1282 et 1283 du Code civil conféraient à cette présomption une force probante différente selon que le titre remis au débiteur était un acte sous seing privé ou la copie exécutoire d’un acte authentique (grosse) :

  • Lorsque le titre remis était un acte sous seing privé, l’article 1282 du Code civil faisait produire à la remise l’effet d’une présomption irréfragable de libération du débiteur (V. en ce sens com. 6 mai 1991, n°89-19.136)
  • Lorsque le titre remis était une copie exécutoire d’un acte notarié, l’article 1283 du Code civil faisait produire à la remise l’effet d’une présomption simple de libération du débiteur

Les auteurs expliquaient cette différence de traitement entre les deux remises en avançant que la remise de la copie exécutoire d’un acte notarié était moins probante que la remise d’un acte sous seing privé.

En effet, lorsque la remise porte sur un acte sous seing privé, elle consiste pour le créancier à se dessaisir du titre original constatant sa créance. Cela signifie donc qu’il renonce à détenir l’instrumentum susceptible de lui permettre d’établir, en cas de litige, l’existence même de son obligation. La démarche est forte ; d’où la présomption irréfragable instituée par la jurisprudence en pareille circonstance.

Lorsque, en revanche, la remise porte sur la copie exécutoire de l’acte notarié, le sens de cette remise est bien différent. Comme son nom le suggère, une copie exécutoire, dit autrement « grosse », n’est autre qu’une reproduction de l’acte notarié, l’original étant conservé par le notaire au rang des minutes. En se dessaisissant d’une copie exécutoire du titre constatant sa créance, le créancier conserve la possibilité d’accéder à l’exemplaire original de son titre et donc de se faire délivrer une nouvelle copie exécutoire. C’est la raison pour laquelle, dans cette hypothèse, le législateur a seulement fait produire à la remise l’effet d’une présomption simple.

Cette différence entre remise d’un acte sous seing privé et remise d’une copie exécutoire n’a pas été reconduite par le législateur à l’occasion de la réforme du régime général des obligations opérée par l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016.

Les règles énoncées aux articles 1232 et 1283 du Code civil ont été unifiées, en ce sens qu’il est désormais indifférent que la remise porte sur l’original d’un acte sous seing privé ou sur la copie exécutoire d’un acte notarié. Dans les deux cas cette remise produit l’effet d’une présomption simple.

L’objet et les conditions d’application de cette présomption demeurent toutefois inchangés.

i. Objet de la présomption

Bien que l’article 1342-9 soit localisé dans une section du Code civil dédiée au paiement, il n’institue pas une présomption de paiement, mais une présomption de libération du débiteur.

Cette précision est d’importance, car elle signifie que la remise volontaire au débiteur du titre constatant la créance fait présumer l’extinction de l’obligation pour n’importe quelle cause.

Or les causes d’extinction d’une obligation ne se limitent pas au paiement ; elles sont multiples. Remise de dette, compensation, novation, confusion sont des causes d’extinction des obligations au même titre que le paiement.

Si, la plupart du temps, l’enjeu du litige réside exclusivement dans la libération du débiteur, il est des cas où la cause de cette libération ne sera pas indifférente.

Il en va notamment ainsi en matière de remise de dette intervenant dans le cadre du règlement d’une succession.

Dans cette situation, les effets diffèrent selon que la libération du débiteur procède d’un paiement ou d’une remise de dette.

La remise de dette est, en effet, susceptible de constituer une donation indirecte et, par voie de conséquence, de faire l’objet d’un rapport ou d’une réduction.

Parce que donc l’article 1342-9 institue, non pas une présomption de paiement, mais une présomption de libération, il ne permettra pas d’établir la cause d’extinction de l’obligation.

Cette preuve devra être rapportée par un autre biais, étant précisé qu’il ne s’agit pas ici de prouver un acte juridique, mais un mode de libération du débiteur. Aussi, est-il admis que la preuve soit libre : elle peut donc être rapportée par tout moyen.

Quant à la charge de cette preuve, elle pèse sur celui qui prétend que la libération du débiteur procède d’une remise de dette ou d’un paiement.

ii. Conditions d’application de la présomption

Pour que la présomption instituée par l’article 1342-9 du Code civil puisse jouer, plusieurs conditions doivent être réunies :

==> Première condition : une remise

La présomption instituée par l’article 1342-9 du Code civil ne produira ses effets que s’il y a eu remise du titre constatant la créance au débiteur. Autrement dit, il faut que le créancier se soit dessaisi de son titre entre les mains du débiteur.

Aussi, le simple fait que le débiteur détienne le titre n’est pas suffisant. Il peut, en effet, l’avoir obtenu au moyen de manœuvres frauduleuses ou encore de façon totalement fortuite.

Reste que la jurisprudence a admis, afin d’alléger le fardeau de la preuve, que la détention du titre faisait à elle seule présumer la remise (Cass. req. 26 mai 1886). Il s’agit toutefois d’une présomption simple qui donc peut être combattue par la preuve contraire.

==> Deuxième condition : une remise volontaire

Il ne suffit pas que la détention par le débiteur du titre constatant la créance procède d’une remise, il faut encore que cette remise ait été volontaire.

Plus précisément il faut que le créancier ait exprimé par cette remise deux intentions :

  • Première intention
    • Le créancier doit avoir sciemment et librement voulu se dessaisir de son titre entre les mains du débiteur.
    • Aussi, la remise ne peut-elle pas avoir été effectuée par erreur ou provoquée par une manœuvre dolosive.
  • Seconde intention
    • Le créancier doit avoir voulu, par cette remise, libérer le débiteur de son obligation.
    • La présomption instituée par l’article 1342-9 du Code civil peut donc être écartée si la remise ne révèle pas l’intention de libération du débiteur (V. en ce sens req. 20 oct. 1880).

La détention du titre par le débiteur fait néanmoins présumer la remise volontaire du titre par le créancier (V. en ce sens Cass. com. 7 janv. 2003, n°99-16.617).

==> Troisième condition : une remise volontaire par le créancier

La remise du titre constatant la créance doit nécessairement avoir été faite par le créancier ou son représentant.

À défaut, la présomption de libération du débiteur ne pourra pas jouer (V. en ce sens Cass. com. 16 oct. 2001, n°98-14.264). Si, en effet, le titre est remis au débiteur par un tiers, il est pour le moins douteux que la remise ait été voulue par le créancier.

==> Quatrième condition : une remise portant sur l’original d’un acte sous seing privé ou sur la copie exécutoire du

Pour faire présumer la libération du débiteur, la remise doit nécessairement porter :

  • Soit sur l’original de l’acte sous seing privé constatant la créance
    • La remise d’une copie de l’acte sous seing privé ne permet donc pas de faire jouer la présomption instituée à l’article 1342-9 du Code civil
    • Dans un arrêt du 21 octobre 1975 a précisé que, en présence de plusieurs originaux du titre sous signature privée constatant la créance, le débiteur ne pouvait être présumé être libérée qu’à la condition que tous les exemplaires lui aient été remis par le créancier, à tout le moins ceux qu’il détenait ( 1ère civ. 21 oct. 1975, n°74-11.646)
  • Soit sur la copie exécutoire de l’acte authentique constatant la créance
    • La remise d’une simple expédition de l’acte notarié non revêtue de la formule exécutoire n’est pas suffisante pour faire présumer la libération du débiteur.
    • Parce que la minute est toujours détenue par le notaire, le créancier a toujours la possibilité de se faire délivrer des copies.

iii. Effets de la présomption

La présomption instituée par l’article 1342-9 du Code civil produit deux effets :

  • Premier effet
    • Le débiteur est réputé libéré de son obligation envers le créancier.
  • Second effet
    • En présence de plusieurs débiteurs, l’article 1342-9, al. 2e prévoit que « la même remise à l’un des codébiteurs solidaires produit le même effet à l’égard de tous. »
    • Cette règle n’est pas sans faire écho à celle énoncée à l’article 1313 du Code civil qui dispose, pour mémoire, que le paiement effectué par un codébiteur solidaire libère tous les codébiteurs envers le créancier.

b. La mention apposée sur le titre constatant la créance

L’article 1378-2 du Code civil prévoit que :

  • D’une part, « la mention d’un paiement ou d’une autre cause de libération portée par le créancier sur un titre original qui est toujours resté en sa possession vaut présomption simple de libération du débiteur. »
  • D’autre part, « il en est de même de la mention portée sur le double d’un titre ou d’une quittance, pourvu que ce double soit entre les mains du débiteur. »

Il ressort de cette disposition que dans l’hypothèse où une mention établissant la libération du débiteur figure, tantôt sur le titre constatant la créance détenue en original par le créancier, tantôt sur le double de ce titre détenu par le débiteur, celui-ci est présumé être libéré de son obligation.

La présomption ainsi instituée produit le même effet que celle résultant de la remise volontaire au débiteur du titre constatant la créance.

 

 

 

[1] M. Julienne, Régime général des obligations, éd. LGDJ, 2022, n°528, p. 362

[2] E-D Glasson, A. Tissier, R. Morel, Traité théorique et pratique d’organisation judiciaire de compétence et de procédure civile, Paris, Libr. du Rec. Sirey, 1925-1936, t. 1 n° 173

[3] V. en ce sens G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations – Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, éd. Dalloz, 2018, n°941, p.849.

[4] J. François, Traité de droit civil – Les obligations, Régime général, Economica 2017, n°139, p. 126.

[5] F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette et F. Chénédé, Droit civil – Les obligations, éd. Dalloz, 2019, n°1423, p. 1504

[6] G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations, éd. Dalloz, 2018, n°988, p.888.

[7] V. en ce sens Ph. Simler, Cautionnement – Extinction par voie accessoire, Lexisnexis, fasc. Jurisclasseur, n°24

[8] F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil – Les obligations, éd. Dalloz, 2019, n°1449, p. 1526

[9] M. Julienne, Régime général des obligations, éd. LGDJ, 2022, n°554, p. 377.

[10] H. Roland et L. Boyer, Introduction au droit, éd. Litec, 2002, n°1806, p. 619.

[11] J. Ghestin et G. Goubeaux, Droit civil – Introduction Générale, éd. LGDJ, 1990, n°660, p. 635.