La notion de cause (cause objective / cause subjective – cause de l’obligation / cause du contrat)

À la différence de l’ancien article 1108 du Code civil, l’article 1128 ne vise plus la cause comme condition de validité du contrat.

Aussi, cela suggère-t-il que cette condition aurait été abandonnée par le législateur. Toutefois, là encore, une analyse approfondie des dispositions nouvelles révèle le contraire.

Si la cause disparaît formellement de la liste des conditions de validité du contrat, elle réapparaît sous le vocable de contenu et de but du contrat, de sorte que les exigences posées par l’ordonnance du 10 février 2016 sont sensiblement les mêmes que celles édictées initialement.

Il ressort, en effet, de la combinaison des nouveaux articles 1162 et 1169 du Code civil que pour être valide le contrat doit :

  • ne pas « déroger à l’ordre public […] par son but »
  • prévoir « au moment de sa formation la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage » laquelle contrepartie ne doit pas être « illusoire ou dérisoire »

La cause n’a donc pas tout à fait disparu du Code civil. Le législateur s’y réfère sous des termes différents : le but et la contrepartie.

I) La notion de cause

L’ancien article 1108 du Code civil subordonnait donc la validité du contrat à l’existence d’« une cause licite dans l’obligation ».

L’article 1131 précisait que « l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet. »

Ainsi, ressort-il de ces articles que pour que le contrat soit valable, cela supposait qu’il comporte une cause conforme aux exigences légales : non seulement la cause devait exister, mais encore elle devait être licite.

Encore fallait-il, néanmoins, que l’on s’entende sur la notion de cause : à quoi correspondait cette fameuse « cause » qui a désormais disparu du Code civil, à tout le moins dans son appellation ?

II) La cause finale

Tout d’abord, il peut être observé que la cause anciennement visée par le Code civil n’était autre que la cause finale, soit le but visé par celui qui s’engage, par opposition à la cause efficiente.

  • La cause efficiente
    • La cause efficiente est entendue comme celle qui possède en soi la force nécessaire pour produire un effet réel
    • Il s’agit autrement dit, de la cause génératrice, soit de celle qui est à l’origine d’un événement.
    • Cette conception de la cause se retrouve en droit de la responsabilité, où l’on subordonne le droit à réparation de la victime à l’établissement d’un lien de causalité entre la faute et le dommage
    • On parle alors de cause du dommage ou de fait dommageable.
  • La cause finale
    • La cause finale est le but que les parties poursuivent en contractant, soit la raison pour laquelle elles s’engagent.
    • Ainsi, le vendeur d’un bien vend pour obtenir le paiement d’un prix et l’acheteur paie afin d’obtenir la délivrance de la chose
    • Ces deux raisons pour lesquelles le vendeur et l’acheteur s’engagent (le paiement du prix et la délivrance de la chose) constituent ce que l’on appelle la cause de l’obligation, que l’on oppose classiquement à la cause du contrat

III) Cause de l’obligation / Cause du contrat

Initialement, les rédacteurs du Code civil avaient une conception pour le moins étroite de la notion de cause.

Cette dernière n’était, en effet, entendue que comme la contrepartie de l’obligation de celui qui s’engage.

Aussi, dans un premier temps, ils ne souhaitaient pas que l’on puisse contrôler la validité de la cause en considération des mobiles qui ont animé les contractants, ces mobiles devant leur rester propres, sans possibilité pour le juge d’en apprécier la moralité.

Aussi, afin de contrôler l’exigence de cause formulée aux anciens articles 1131 et 1133 du Code civil, la jurisprudence ne prenait en compte que les raisons immédiates qui avaient conduit les parties à contracter, soit ce que l’on appelle la cause de l’obligation, par opposition à la cause du contrat :

  • La cause de l’obligation
    • Elle représente pour les contractants les motifs les plus proches qui ont animé les parties au contrat, soit plus exactement la contrepartie pour laquelle ils se sont engagés
    • La cause de l’obligation est également de qualifiée de cause objective, en ce sens qu’elle est la même pour chaque type de contrat.
    • Exemples :
      • Dans le contrat de vente, le vendeur s’engage pour obtenir le paiement du prix et l’acheteur pour la délivrance de la chose
      • Dans le contrat de bail, le bailleur s’engage pour obtenir le paiement du loyer et le preneur pour la jouissance de la chose louée.
  • La cause du contrat
    • Elle représente les mobiles plus lointains qui ont déterminé l’une ou l’autre partie à contracter
    • La cause du contrat est également qualifiée de cause subjective, dans la mesure où elle varie d’un contrat à l’autre
    • Exemples :
      • Les raisons qui conduisent un vendeur à céder sa maison ne sont pas nécessairement les mêmes que son prédécesseur
      • Les raisons qui animent un chasseur à acquérir un fusil ne sont pas les mêmes que les motifs d’une personne qui envisagent de commettre un meurtre

La Cour de cassation a parfaitement mis en exergue cette distinction entre la cause de l’obligation et la cause du contrat, notamment dans un arrêt du 12 juillet 1989.

Dans cette décision elle y affirme que « si la cause de l’obligation de l’acheteur réside bien dans le transfert de propriété et dans la livraison de la chose vendue, en revanche la cause du contrat de vente consiste dans le mobile déterminant, c’est-à-dire celui en l’absence duquel l’acquéreur ne se serait pas engagé » (Cass. 1ère civ. 12 juill. 1989, n°88-11.443).

Cass. 1ère civ. 12 juill. 1989

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu qu’en 1981, M. Y…, parapsychologue, a vendu à Mme X…, elle-même parapsychologue, divers ouvrages et matériels d’occultisme pour la somme de 52 875 francs ; que la facture du 29 décembre 1982 n’ayant pas été réglée, le vendeur a obtenu une ordonnance d’injonction de payer, à l’encontre de laquelle Mme X… a formé contredit ; que l’arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 1987) a débouté M. Y… de sa demande en paiement, au motif que le contrat de vente avait une cause illicite ;

Attendu que M. Y… fait grief audit arrêt d’avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d’une part, que la cause du contrat ne réside pas dans l’utilisation que compte faire l’acquéreur de la chose vendue, mais dans le transfert de propriété de cette chose, et qu’en prenant en compte, pour déterminer cette cause, le prétendu mobile de l’acquéreur, la cour d’appel aurait violé les articles 1131, 1133 et 1589 du Code civil ; et alors, d’autre part, qu’en déclarant nulle pour cause illicite la vente d’objets banals au prétexte que ceux-ci pourraient servir à escroquer des tiers, bien qu’il soit nécessaire que le mobile illicite déterminant soit commun aux deux parties sans qu’il y ait lieu de tenir compte de l’utilisation personnelle que l’acquéreur entend faire à l’égard des tiers de la chose vendue, l’arrêt attaqué aurait de nouveau violé les textes susvisés ;

Mais attendu, d’abord, que si la cause de l’obligation de l’acheteur réside bien dans le transfert de propriété et dans la livraison de la chose vendue, en revanche la cause du contrat de vente consiste dans le mobile déterminant, c’est-à-dire celui en l’absence duquel l’acquéreur ne se serait pas engagé ; qu’ayant relevé qu’en l’espèce, la cause impulsive et déterminante de ce contrat était de permettre l’exercice du métier de deviner et de pronostiquer, activité constituant la contravention prévue et punie par l’article R. 34 du Code pénal, la cour d’appel en a exactement déduit qu’une telle cause, puisant sa source dans une infraction pénale, revêtait un caractère illicite ;

Attendu, ensuite, que M. Y… exerçait la même profession de parapsychologue que Mme X…, qu’il considérait comme sa disciple ; qu’il ne pouvait donc ignorer que la vente de matériel d’occultisme à celle-ci était destinée à lui permettre d’exercer le métier de devin ; que la cour d’appel n’avait donc pas à rechercher si M. Y… connaissait le mobile déterminant de l’engagement de Mme X…, une telle connaissance découlant des faits de la cause ;

Qu’il s’ensuit que le moyen ne peut être retenu en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

Rapidement la question s’est posée de savoir s’il fallait tenir compte de l’une et l’autre conception pour contrôler l’exigence de cause : convenait-il de ne contrôler que la cause proche, celle commune à tous les contrats (la cause objective) ou de contrôler également la cause lointaine, soit les raisons plus éloignées qui ont déterminé le consentement des parties (la cause subjective) ?

Après de nombreuses hésitations, il est apparu nécessaire d’admettre les deux conceptions de la cause, ne serait-ce que parce que prise dans sa conception objective, la cause ne permettait pas de remplir la fonction qui lui était pourtant assignée à l’article 1133 du Code civil : le contrôle de la moralité des conventions :

?Première étape : le règne de la cause de l’obligation

Comme évoqué précédemment, pour contrôler la licéité de la cause, la jurisprudence ne prenait initialement en compte que les motifs les plus proches qui avaient conduit les parties à contracter.

Autrement dit, pour que le contrat soit annulé pour cause illicite, il fallait que la contrepartie pour laquelle l’une des parties s’était engagée soit immorale.

En retenant une conception abstraite de la cause, cela revenait cependant à conférer une fonction à la cause qui faisait double emploi avec celle attribuée classiquement à l’objet.

Dans la mesure, en effet, où la cause de l’obligation d’une partie n’est autre que l’objet de l’obligation de l’autre, en analysant la licéité de l’objet de l’obligation on analyse simultanément la licéité de la cause de l’obligation.

Certes, le contrôle de licéité de la cause conservait une certaine utilité, en ce qu’il permettait de faire annuler un contrat dans son entier lorsqu’une seule des obligations de l’acte avait un objet illicite.

Cependant, cela ne permettait pas un contrôle plus approfondi que celui opérer par l’entremise de l’objet.

Exemples : si l’on prend le cas de figure d’une vente immobilière :

  • Le vendeur a l’obligation d’assurer le transfert de la propriété de l’immeuble
  • L’acheteur a l’obligation de payer le prix de vente de l’immeuble

En l’espèce, l’objet de l’obligation de chacune des parties est parfaitement licite

Il en va de même pour la cause, si l’on ne s’intéresse qu’aux mobiles les plus proches qui ont animé les parties : la contrepartie pour laquelle elles se sont engagées, soit le paiement du prix pour le vendeur, la délivrance de l’immeuble pour l’acheteur.

Quid désormais si l’on s’attache aux raisons plus lointaines qui ont conduit les parties à contracter.

Il s’avère, en effet, que l’acheteur a acquis l’immeuble, objet du contrat de vente, en vue d’y abriter un trafic international de stupéfiants.

Manifestement, un contrôle de la licéité de la cause de l’obligation sera inopérant en l’espèce pour faire annuler le contrat, dans la mesure où l’on ne peut prendre en considération que les raisons les plus proches qui ont animé les contractants, soit la contrepartie immédiate de leur engagement.

Aussi, un véritable contrôle de licéité et de moralité du contrat supposerait que l’on s’autorise à prendre en considération les motifs plus lointains des parties, soit la volonté notamment de l’une d’elles d’enfreindre une règle d’ordre public et de porter atteinte aux bonnes mœurs.

Admettre la prise en compte de tels motifs, reviendrait, en somme, à s’intéresser à la cause subjective, dite autrement cause du contrat.

?Seconde étape : la prise en compte de la cause du contrat

Prise dans sa conception abstraite, la cause ne permettait donc pas de remplir la fonction qui lui était assignée à l’article 1133 du Code civil : le contrôle de la moralité des conventions.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « la cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public. »

Aussi, la jurisprudence a-t-elle cherché à surmonter l’inconvénient propre à la prise en compte des seuls motifs immédiats des parties, en dépassant l’apparence objective de la cause de l’obligation, soit en recherchant les motifs extrinsèques à l’acte ayant animé les contractant.

Pour ce faire, les juges se sont peu à peu intéressés aux motifs plus lointains qui ont déterminé les parties à contracter, soit à ce que l’on appelle la cause du contrat ou cause subjectif (V. en ce sens Cass. soc., 8 janv. 1964)

C’est ainsi que, à côté de la théorie de la cause de l’obligation, est apparue la théorie de la cause du contrat.

Au total, l’examen de la jurisprudence révèle qu’une conception dualiste de la cause s’est progressivement installée en droit français, ce qui a conduit les juridictions à lui assigner des fonctions bien distinctes :

  • S’agissant de la cause de l’obligation
    • En ne prenant en cause que les raisons immédiates qui ont conduit les parties à contracter, elle permettait d’apprécier l’existence d’une contrepartie à l’engagement de chaque contractant.
    • À défaut, le contrat était nul pour absence de cause
    • La cause de l’obligation remplit alors une fonction de protection des intérêts individuels : on protège les parties en vérifiant qu’elles ne se sont pas engagées sans contrepartie.
  • S’agissant de la cause du contrat
    • En ne prenant en considération que les motifs lointains qui ont conduit les parties à contracter, elle permettait de contrôler la licéité de la convention prise dans son ensemble, indépendamment de l’existence d’une contrepartie
    • Dans cette fonction, la cause était alors mise au service, moins des intérêts individuels, que de l’intérêt général.
    • Elle remplit alors une fonction de protection sociale : c’est la société que l’on entend protéger en contrôlant la licéité de la cause

De tout ce qui précède, il ressort des termes de l’article 1169 du Code civil que, en prévoyant qu’« un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire », cette disposition ne fait rien d’autre que reformuler l’exigence de cause, prise dans sa conception objective, énoncée à l’ancien article 1131 du Code civil.

Ainsi, l’ordonnance du 10 février 2016 a-t-elle conservé la fonction primaire assignée par les rédacteurs du code civil à la cause : le contrôle de l’existence d’une contrepartie à l’engagement pris par celui qui s’oblige.

La licéité du contenu du contrat ou la conformité de ses stipulations et de son but à l’ordre public

Le nouvel article 1128 du Code civil subordonne la validité du contrat à l’existence d’un « contenu licite et certain ».

La notion de « contenu » du contrat est, manifestement, une nouveauté de l’ordonnance du 10 février 2016.

Le législateur a entendu regrouper sous une même notion les concepts d’objet et de cause qui, antérieurement à la réforme, étaient traitées dans des sections distinctes du Titre III consacré au contrat et aux obligations conventionnelles en général (Section 3 pour l’objet et Section 4, pour la cause)

Pourquoi cette fusion de la cause et l’objet ? Plusieurs raisons ont motivé le législateur, la principale étant, sans aucun doute, la simplification du droit.

Schématiquement, dans le droit antérieur, les notions d’objet et de cause remplissaient des fonctions différentes qui parfois, néanmoins, se recoupaient :

  • S’agissant de l’objet, il permettait de contrôler :
    • L’existence d’une prestation
    • La détermination de la prestation
    • La possibilité de la prestation
    • La licéité de la prestation
    • L’équilibre des prestations
  • S’agissant de la cause, elle permettait de contrôler :
    • L’existence d’une contrepartie
    • La conformité du contrat à l’ordre public et aux bonnes mœurs
    • Les atteintes aux obligations essentielles du contrat

Désormais, ces différentes fonctions qui étaient autrefois dévolues à l’objet et à la cause sont exercées par une seule et même figure juridique : la notion de contenu du contrat.

De l’avis même des auteurs, cette fusion a pour conséquence directe de mettre un terme à la grande confusion qui régnait notamment s’agissant de la question de l’utilité de la notion de cause.

Si, en apparence, cette notion semble avoir totalement disparu du Code civil, l’examen des dispositions relatives au contenu du contrat révèle pourtant qu’il n’en est rien.

En effet, le maintien de l’exigence de cause transparaît :

  • D’abord de l’article 1162 qui prévoit que le contrat doit poursuive un but licite
  • Ensuite de l’article 1163 qui exige l’existence d’une contrepartie à l’engagement de chaque contractant
  • Enfin de l’article 1170 qui prohibe les clauses privant de leur substance les obligations essentielles du contrat.

Au total, la fusion des notions d’objet et de cause n’a entraîné aucune véritable modification du droit positif. Les fonctions qu’elles exerçaient ont seulement été regroupées sous la notion unitaire de contenu du contrat.

Aussi, cette notion permet-elle de contrôler sensiblement les mêmes exigences que celles posées avant la réforme des obligations, soit les exigences relatives à :

  • La licéité du contrat
  • L’objet de l’obligation
  • L’équivalence des prestations

Nous ne nous focaliserons dans le cadre de la présente étude que sur la première exigence : la licéité du contrat.

Aux termes de l’article 1162 du Code civil « le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties. »

Il ressort de cette disposition que la licéité du contrat est subordonnée au respect d’une double exigence : tant les stipulations du contrat, que le but poursuivi par les parties doivent être conformes à l’ordre public.

I) La notion d’ordre public

L’ordre public fait partie de ces notions qui échappent à l’emprise de toute définition. Il s’agit là d’un concept dont les contours sont flous et le contenu difficile à déterminer.

Après avoir listé près d’une vingtaine de définitions, Philippe Malaurie dira de l’ordre public que, en définitive, « c’est le bon fonctionnement des institutions indispensables à la collectivité »[1]

Quant au Code civil, lui non plus ne donne aucune définition de l’ordre public.

Tout au plus, il peut être déduit de l’article 6 que l’ordre public vise l’ensemble des règles auxquelles on ne saurait déroger « par conventions particulières ».

Ainsi, l’ordre public consisterait-il en un corpus de normes impératives, soit un cadre juridique en dehors duquel la volonté des parties serait inopérante quant à la création d’obligations.

Conformément au principe d’autonomie de la volonté, les parties devraient pourtant être libres de contracter et plus encore de déterminer le contenu du contrat.

À la vérité, bien que la volonté des contractants constitue une source d’obligations aux côtés de la loi, elle n’a jamais été considérée, pas même par les rédacteurs du Code civil, comme toute puissante en matière contractuelle.

La marge de manœuvre des parties comporte une limite : celle fixée par les règles qui protègent des intérêts supérieurs placés hors d’atteinte des conventions particulières.

Pour Jean Carbonnier « l’idée générale est celle d’une suprématie de la collectivité sur l’individu. L’ordre public exprime le vouloir-vivre de la nation que menaceraient certaines initiatives individuelles en forme de contrats »[2]

Cet auteur ajoute que, finalement, l’ordre public n’est autre qu’un rappel à l’ordre adressé par l’État « aux contractants s’ils veulent toucher à des règles qu’il regarde comme essentielles »[3]

Dans cette perspective, le nouvel article 1102 du Code civil prévoit que « la liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l’ordre public. »

Le Conseil constitutionnel avait déjà énoncée cette règle dans une décision du 13 janvier 2003 que « le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789 » (Décision 2002-465 DC, 13 janvier 2003)

Deux questions immédiatement alors se posent :

  • Quelles sont les règles qui composent l’ordre public
  • Quels sont les intérêts protégés par l’ordre public

A) Les règles composant l’ordre public

Parmi les règles qui composent l’ordre public, il y en a deux sortes :

  • Les règles dont le caractère d’ordre public est déterminé par un texte
  • Les règles dont le caractère d’ordre public est déterminé par la jurisprudence

1. Les règles dont le caractère d’ordre public est déterminé par un texte

Contrairement à ce que l’on pourrait être légitimement en droit de penser, toutes les règles d’origine légale ne sont pas d’ordre public.

Deux catégories de règles textuelles doivent, en effet, être distinguées :

?Exposé de la distinction

  • Les règles impératives
    • Il s’agit des règles auxquelles les parties ne peuvent pas déroger par convention contraire
    • Les sujets de droit n’ont d’autre choix que de s’y plier, sauf à bénéficier d’une exception prévue par la loi ou de l’autorisation d’une autorité
    • Exemple :
      • Les règles relatives au mariage, au divorce, à la filiation, à la procédure civile etc.
  • Les règles supplétives
    • Il s’agit des règles auxquelles, a contrario, les sujets de droit peuvent déroger par convention contraire
    • Autrement dit, ils peuvent écarter la loi à la faveur de l’application d’un contrat
    • Exemple :
      • Les règles relatives au fonctionnement des sociétés ou encore celles relatives au lieu et au moment du paiement en matière de contrat de vente

?Critère de la distinction

  • La force obligatoire de la règle
    • En matière de règle impérative, la force obligatoire est absolue, en ce sens que la volonté des sujets est inopérante quant à en écarter l’application.
    • En matière de règle supplétive, la force obligatoire est relative, en ce sens que la volonté des parties est susceptible de faire échec à l’application de la règle.
  • La lettre du texte
    • Lorsqu’une règle est impérative, la plupart du temps la loi le précise
      • soit directement, en indiquant qu’il s’agit d’une disposition d’ordre public
      • soit indirectement, en indiquant que l’on ne peut pas déroger à la règle ainsi posée par convention contraire ou encore que son non-respect est sanctionné par une nullité
    • Lorsqu’une règle est supplétive, le législateur le signalera parfois en indiquant qu’elle s’applique « sauf convention contraire » ou « sauf clause contraire ».
      • La plupart du temps, cependant, aucune précision ne figurera dans le texte
      • C’est donc au juge que reviendra la tâche de déterminer si une règle est supplétive ou non
      • Il devra pour ce faire deviner l’intention du législateur, par une interprétation exégétique, systémique, voire téléologique de la règle.

?Conséquences de la distinction

  • Sur l’autonomie de la volonté des parties
    • En matière de loi impérative
      • La volonté des parties est insusceptible de faire échec à l’application de la règle
      • Cette entorse au principe d’autonomie de la volonté qui, pourtant constitue un principe cardinal du droit des obligations, se justifie par la nécessité de faire primer l’intérêt collectif sur les intérêts particuliers.
    • En matière de loi supplétive
      • La volonté des parties est pourvue de sa pleine efficacité
      • Au fond, les règles supplétives ont pour fonction de suppléer le silence des parties
      • Elles ont, en effet, été édictées en vue de régler les situations qui n’ont pas été envisagées par les parties lors de la conclusion du contrat.
  • Sur la sanction encourue
    • Tant les lois impératives que supplétives sont sanctionnées en cas de violation.
    • Il serait, en effet, une erreur de penser que, parce qu’une règle est supplétive, elle ne serait pas sanctionnée.
    • Aussi, les lois supplétives ne sont pas dépourvues de force obligatoire.
    • La violation d’une règle supplétive sera sans effet uniquement si les parties se sont conformées à une stipulation contractuelle contraire
    • À défaut, dans la mesure où c’est la règle supplétive qui s’applique, en cas de non-respect, les parties encourent la sanction prévue par la loi

2. Les règles dont le caractère d’ordre public est déterminé par la jurisprudence

L’adage pas de nullité sans texte est-il transposable en matière de règles impératives ? Autrement dit, existe-t-il une règle : « pas de disposition d’ordre public sans texte » ?

L’examen de la jurisprudence révèle que le domaine de l’ordre public n’est pas cantonné aux seules dispositions textuelles.

Parce que l’ordre public est une « notion souple »[4] dont le périmètre varie selon les époques et les circonstances, la jurisprudence a toujours admis qu’il puisse y avoir de l’ordre public là où il n’y a pas de texte.

Ainsi, dans le silence de la loi ou du règlement, les juges peuvent conférer à une règle un caractère d’ordre public s’ils estiment que la règle en question vise à protéger l’intérêt auquel la volonté individuelle ne saurait porter atteinte.

Si, l’existence de cet ordre public virtuel ou implicite présente l’indéniable avantage de pouvoir s’adapter à l’évolution de la société et des mœurs, il n’est pas sans inconvénient s’agissant des impératifs de sécurité juridique et de prévisibilité auxquels doit répondre la règle de droit.

Aussi, appartient-il au juge de toujours chercher à rattacher la règle à laquelle il confère un caractère d’ordre public, soit à un principe général du droit, soit à un corpus normatif identifié, soit à l’esprit d’un texte.

B) Les intérêts protégés par l’ordre public

Comme le fait observer Philippe Malinvaud « l’ordre public est la marque de certaines règles légales ou réglementaires qui tirent leur suprématie de leur objet : la défense d’un intérêt général devant lequel doivent s’incliner les intérêts particuliers et les contrats qui les expriment »[5].

Ainsi, l’ordre public vise-t-il toujours à protéger des intérêts qui, s’ils sont de natures diverses et variées, ont tous pour point commun de se situer au sommet de la hiérarchie des valeurs.

Dans cette perspective, classiquement on distingue l’ordre public politique de l’ordre public économique.

1. L’ordre public politique

L’ordre public politique assure la protection des intérêts relatifs à l’État, à la famille et à la morale.

?La défense de l’État

Toutes les règles qui régissent l’organisation et le fonctionnement de l’État sont d’ordre public

Il en résulte que les conventions qui, par exemple, porteraient sur le droit de vote ou qui viseraient à restreindre l’exercice du pouvoir politique seraient nulles

Dès lors sont impératives les lois constitutionnelles, les lois fiscales ou encore les lois pénales

?La défense de la famille

La plupart des règles qui touchent à l’organisation et à la structuration de la famille sont d’ordre public.

L’article 1388 du Code civil prévoit en ce sens que « les époux ne peuvent déroger ni aux devoirs ni aux droits qui résultent pour eux du mariage, ni aux règles de l’autorité parentale, de l’administration légale et de la tutelle. »

Toutefois, il convient de distinguer les règles qui régissent les rapports personnels entre les membres de la famille, de celles qui gouvernent les rapports patrimoniaux.

Tandis que les premières constituent presque toujours des dispositions impératives, les secondes sont le plus souvent supplétives.

?La défense de la morale

Si, jusque récemment, la défense de la morale se traduisait essentiellement par l’exigence de conformité des conventions aux bonnes mœurs cette exigence s’est peu à peu déportée à la faveur d’une protection de l’ordre moral qui postule désormais le respect de la personne humaine et de la liberté individuelle.

  • Les bonnes mœurs
    • À l’instar de la notion d’ordre public, l’article 6 du Code civil vise les bonnes mœurs sans autre précision.
    • Bien qu’il s’agisse là d’une notion rebelle à toute définition classiquement, les bonnes mœurs sont définies comme « une morale coutumière »[6], soit comme un ensemble de règles qui visent à assurer la protection de l’ordre social.
    • Comme le relèvent François Ost et Michel van de Kerchove, il ressort de la jurisprudence que ce sont « la morale, les goûts et les modes de vie de l’élite culturelle dominants qui servent d’étalon aux bonnes mœurs »[7]
    • D’aucuns considèrent, en outre, que les bonnes mœurs sont une composante de l’ordre public, d’où la sanction de nullité que les conventions qui y porteraient atteinte encourent.
    • Si, pendant longtemps la licéité d’un contrat était appréciée en considération de sa conformité aux bonnes mœurs, l’ordonnance du 10 février 2016 prévoit seulement que les conventions ne peuvent déroger à l’ordre public sans se référer aux bonnes mœurs, alors même que cette notion figure toujours à l’article 6 du Code civil.
    • Est-ce à dire que le législateur a entendu chasser la notion de bonnes mœurs du droit des contrats ?
    • À la vérité, les instigateurs de la réforme des obligations n’ont fait que consacrer une jurisprudence déjà existante qui, depuis quelques années, a progressivement abandonné l’exigence de conformité du contrat aux bonnes mœurs.
    • En effet, la notion de bonnes mœurs était surtout comprise au sens de morale sexuelle.
    • Or l’observation de cette morale n’a pas résisté au double mouvement de libéralisation des mœurs et la sacralisation du droit à la vie privée.
    • Deux arrêts illustrent parfaitement ce mouvement de disparition de la notion de bonnes mœurs.

Premier arrêt

(Cass., ass. plén., 29 oct. 2004, n°03-11.238)

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 900, 1131 et 1133 du Code civil ;

Attendu que n’est pas nulle comme ayant une cause contraire aux bonnes mœurs la libéralité consentie à l’occasion d’une relation adultère ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (première chambre civile, 25 janvier 2000, pourvoi n° 97-19.458), que Jean Y… est décédé le 15 janvier 1991 après avoir institué Mme X… légataire universelle par testament authentique du 4 octobre 1990 ; que Mme X… ayant introduit une action en délivrance du legs, la veuve du testateur et sa fille, Mme Micheline Y…, ont sollicité reconventionnellement l’annulation de ce legs ;

Attendu que, pour prononcer la nullité du legs universel, l’arrêt retient que celui-ci, qui n’avait “vocation” qu’à rémunérer les faveurs de Mme X…, est ainsi contraire aux bonnes mœurs ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 9 janvier 2002, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;

    • Faits
      • Dans le cadre d’une relation adultère qu’un époux entretien avec une concubine, il institue cette dernière légataire universelle par acte authentique du 4 octobre 1990
    • Demande
      • À la mort du testateur, ses héritiers engagent une action en nullité du legs
    • Procédure
      • Suite à première décision rendue par la Cour d’appel de Paris en date du 5 janvier 1996, la légataire universelle forme un pourvoi en cassation aux fins de délivrance du legs, les juges du fond n’ayant pas fait droit à sa demande
      • Aussi, leur décision est cassée le 25 janvier 2000 par la première chambre civile de la Cour de cassation.
      • La cause et les parties ont été renvoyées devant la cour d’appel de Paris, autrement composée, qui, saisie de la même affaire, a statué par arrêt du 9 janvier 2002 dans le même sens que les premiers juges d’appel par des motifs qui sont en opposition avec la doctrine de l’arrêt de cassation.
      • Les juges du fond estiment, en effet, que le legs dont était bénéficiaire la requérante était nul dans la mesure où il « n’avait vocation qu’à rémunérer les faveurs » de cette dernière, de sorte qu’il était « contraire aux bonnes mœurs »
      • Un pourvoi est alors à nouveau formé contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, à la suite de quoi l’assemblée plénière.
    • Solution
      • Par un arrêt du 29 octobre 2004, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Paris.
      • La haute juridiction considère, dans une décision qui fera date, que « n’est pas nulle comme ayant une cause contraire aux bonnes mœurs la libéralité consentie à l’occasion d’une relation adultère »
      • Ainsi pour l’assemblée plénière, quand bien même le legs avait été consenti à la concubine d’un époux dans le cadre d’une relation adultère, la libéralité en l’espèce ne portait pas atteinte aux bonnes mœurs.
      • À la suite de cette décision, les auteurs se sont immédiatement demandé ce qu’il restait de la notion de « bonnes mœurs ».
      • À la vérité, la solution retenue par la Cour de cassation ne peut se comprendre que si l’on admet qu’elle abandonne ici l’exigence de conformité du contrat aux bonnes mœurs.
      • Les arrêts qu’elle rendra postérieurement à cette décision ne feront d’ailleurs que confirmer cette interprétation.

Second arrêt

(Cass. 1ère civ. 4 nov. 2011, n°10-20.114)

Vu l’article 1133 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… a souscrit le 10 mai 2007 un contrat de courtage matrimonial, prévoyant des frais d’adhésion de 8 100 euros TTC, auprès de la société Centre national de recherches en relations humaines, exerçant sous l’enseigne Eurochallenges (la société) ; que celle-ci l’a assigné en paiement puis a soulevé la nullité de la convention ;

Attendu que pour annuler le contrat litigieux “aux torts” de M. X… et condamner ce dernier à verser des dommages intérêts à la société, l’arrêt retient qu’il s’est présenté, lors de la signature de la convention, comme divorcé en cochant dans l’acte la case correspondante, bien qu’il ait été alors toujours engagé dans les liens du mariage puisque le jugement de divorce le concernant n’a été prononcé que le 22 avril 2008, soit près d’une année plus tard, ajoute que s’il avait avisé la société de sa situation, elle n’aurait pas manqué de l’informer de l’impossibilité de rechercher un nouveau conjoint en étant toujours marié, puis énonce que le contrat du 10 mai 2007 doit donc être annulé pour cause illicite comme contraire à l’ordre public de protection de la personne ainsi qu’aux bonnes mœurs, “un homme encore marié ne pouvant légitimement convoler en une nouvelle union” ;

Qu’en statuant ainsi alors que le contrat proposé par un professionnel, relatif à l’offre de rencontres en vue de la réalisation d’un mariage ou d’une union stable, qui ne se confond pas avec une telle réalisation, n’est pas nul, comme ayant une cause contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, du fait qu’il est conclu par une personne mariée, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 novembre 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence

    • Faits
      • Un homme encore marié a souscrit le 10 mai 2007 un contrat de courtage matrimonial, prévoyant des frais d’adhésion de 8 100 euros TTC, auprès d’une société spécialisée dans ce domaine
    • Demande
      • Suite à une action en paiement de la société de courtage matrimonial, le client soulève la nullité de la convention
    • Procédure
      • Par un arrêt du 12 novembre 2009, la Cour d’appel de Nîmes annule la convention litigieuse et condamne le client au paiement de dommages et intérêt
      • Au soutien de leur décision, les juges du fond relèvent que le client aurait dû informer la société de courtage de sa situation maritale afin qu’elle soit en mesure de l’informer de l’impossibilité de rechercher un nouveau conjoint en étant toujours marié.
      • La Cour d’appel en déduit que le contrat litigieux doit être annulé pour cause illicite comme contraire à l’ordre public de protection de la personne ainsi qu’aux bonnes mœurs, « un homme encore marié ne pouvant légitimement convoler en une nouvelle union ».
    • Solution
      • Dans un arrêt du 4 novembre 2011, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Nîmes.
      • La première chambre civile estime, en effet, que « le contrat proposé par un professionnel, relatif à l’offre de rencontres en vue de la réalisation d’un mariage ou d’une union stable, qui ne se confond pas avec une telle réalisation, n’est pas nul, comme ayant une cause contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, du fait qu’il est conclu par une personne mariée ».
      • Une fois encore, la solution dégagée par la Cour de cassation interroge sur le maintien de l’exigence de conformité des contrats aux bonnes mœurs.
      • Si un homme encore marié peut contracter librement avec une société de courtage matrimonial, dorénavant plus aucune convention ne semble pouvoir être regardée comme contraire aux bonnes mœurs.
      • Aussi, le législateur a-t-il décidé de tirer les conséquences de cette jurisprudence en ne s’y référant plus.
  • Le respect de la personne humaine
    • L’article 16 du Code civil prévoit que « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. »
    • Il ressort de cette disposition que l’ordre public apparaît particulièrement présent en matière de protection de la personne humaine
    • Le principe de dignité a, d’ailleurs, été érigé au rang de principe à valeur constitutionnel (Cons. const. 27 juill. 1994)
    • Aussi, cela signifie-t-il, concrètement, que les individus n’ont pas le droit de s’aliéner.
    • Le corps humain ne saurait, en conséquence, faire l’objet d’un droit patrimonial.
    • Les lois bioéthiques qui toutes, sans exception, viennent alimenter l’ordre public, font dès lors obstacle à la conclusion de conventions qui porteraient sur le corps humain qui, non seulement est inviolable, mais encore qui jouit d’une protection du commencement de la vie jusqu’à la mort.
  • La sauvegarde de la liberté individuelle
    • La liberté est, par nature, d’ordre public.
    • C’est la raison pour laquelle, on saurait, par principe, restreindre par le biais d’un contrat les libertés consacrées dans les grandes déclarations de droits (Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, Charte des droits fondamentaux etc.)
    • Toutefois, l’exercice d’une liberté n’est jamais absolu.
    • Les libertés sont, en effet, susceptibles d’entrer en conflit avec d’autres libertés ou droits fondamentaux.
    • Comment, par exemple, concilier le principe d’ordre public de prohibition des engagements perpétuels avec la liberté contractuelle ?
    • À la vérité, les juridictions chercheront à concilier les libertés, ce qui se traduira par la validation de certaines clauses dès lors que leur stipulation est justifiée par l’exercice d’une liberté portant sur un droit fondamental et si elle est proportionnée au but recherché.

2. L’ordre public économique

D’apparition relativement récente, l’ordre public économique intéresse les règles qui régissent les échanges de biens et services

Cet ordre public est constitué de deux composantes :

  • L’ordre public économique de direction
    • L’ordre public économique de direction vise à assurer la protection d’un intérêt économique général.
    • Il s’agit là, autrement dit, de règles qui ont été édictées en vue de protéger l’économie de marché et plus généralement de servir le développement des échanges de biens et de services.
    • L’ordre public de direction est de la sorte très présent en droit de la concurrence.
    • Dans un arrêt du 26 mai 1992 la Cour de cassation a, de la sorte, affirmé que « sont nulles les conventions sous quelque forme et pour quelque cause que ce soit, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence » (Cass. com. 26 mai 1992, n°90-13.499).
  • L’ordre public économique de protection
    • L’ordre public économique de protection vise à préserver les droits de la partie jugée faible au contrat
    • Le terrain d’élection privilégié de cet ordre public est le droit du travail, le droit de la consommation ou encore le droit des locataires.
    • La présence de cet ordre public de protection se traduit, le plus souvent, par la réglementation stricte d’un certain nombre de contrats, dont la conclusion doit répondre à des conditions de forme extrêmement précise et à l’intérieur desquels doit figurer un certain nombre de clauses

II) La conformité des stipulations contractuelles à l’ordre public

A) Stipulation / Objet de l’obligation

Pour remplir la condition tenant à l’exigence de licéité du contrat, les stipulations qu’il comporte doivent être conformes à l’ordre public.

Par stipulation, il faut entendre la clause d’un contrat qui énonce le contenu de l’engagement pris par les parties. Plus généralement, il s’agit de « toute prévision contractuelle »[8]

Aussi, en prévoyant que « le contrat ne peut déroger à l’ordre public […] par ses stipulations », l’article 1162 du Code civil vise-t-il, a priori, ce que l’on qualifie traditionnellement d’objet de l’obligation, soit la prestation qu’une partie au contrat s’est engagée à exécuter.

B) Droit antérieur

Dans le droit antérieur, l’exigence de licéité de l’objet de l’obligation était rattachée à l’article 1128 du Code civil qui disposait que « il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet des conventions. »

Tout d’abord, il peut être observé que le terme commerce n’était pas pris dans son sens courant. Les choses « hors du commerce », au sens de l’article 1128, étaient, en effet, celles qui ne pouvaient pas faire l’objet de conventions pour des raisons tenant à l’ordre public et aux bonnes mœurs

Ensuite, la formulation de cette disposition était pour le moins ambiguë dans la mesure où n’étaient visées que « les choses ».

Or cela pouvait conduire, si l’on s’en tenait à la lettre du texte, à soustraire à l’exigence de licéité, les hypothèses où l’objet de l’obligation consistait, non pas en une chose, mais en un service.

Tel n’est cependant pas, fort logiquement, la solution qui était retenue par la jurisprudence. Les juridictions se livraient à une interprétation plutôt extensive de l’article 1128 du Code civil, encore qu’elles ne soient pas allées jusqu’à se fonder sur cette disposition pour contrôler la licéité de l’objet du contrat.

C) Objet de l’obligation / Objet du contrat

Par opposition à l’objet de l’obligation, l’objet du contrat n’est autre que l’opération contractuelle que les parties ont réalisée, soit l’opération envisagée dans son ensemble et non plus dans l’un ou l’autre de ses éléments constitutifs.

Pour contrôler la licéité de l’objet du contrat, la jurisprudence préférait se situer sur le terrain de la cause illicite, qui avait pour siège l’ancien article 1133 du Code civil.

Cette disposition prévoyait que « la cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public. »

Ainsi, par exemple, dans un arrêt du 12 juillet 1989 la Cour de cassation a annulé un contrat de vente portant sur divers ouvrages et matériels d’occultisme sur le fondement de la cause illicite, après avoir relevé que celui-ci avait été conclu aux fins de permettre l’exercice du métier de deviner et de pronostiquer, activité constituant la contravention prévue et punie par l’article R. 34 du Code pénal (Cass. 1ère civ. 12 juill. 1989, n°88-11.443).

Cass. 1ère civ. 12 juill. 1989

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu qu’en 1981, M. Y…, parapsychologue, a vendu à Mme X…, elle-même parapsychologue, divers ouvrages et matériels d’occultisme pour la somme de 52 875 francs ; que la facture du 29 décembre 1982 n’ayant pas été réglée, le vendeur a obtenu une ordonnance d’injonction de payer, à l’encontre de laquelle Mme X… a formé contredit ; que l’arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 1987) a débouté M. Y… de sa demande en paiement, au motif que le contrat de vente avait une cause illicite ;

Attendu que M. Y… fait grief audit arrêt d’avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d’une part, que la cause du contrat ne réside pas dans l’utilisation que compte faire l’acquéreur de la chose vendue, mais dans le transfert de propriété de cette chose, et qu’en prenant en compte, pour déterminer cette cause, le prétendu mobile de l’acquéreur, la cour d’appel aurait violé les articles 1131, 1133 et 1589 du Code civil ; et alors, d’autre part, qu’en déclarant nulle pour cause illicite la vente d’objets banals au prétexte que ceux-ci pourraient servir à escroquer des tiers, bien qu’il soit nécessaire que le mobile illicite déterminant soit commun aux deux parties sans qu’il y ait lieu de tenir compte de l’utilisation personnelle que l’acquéreur entend faire à l’égard des tiers de la chose vendue, l’arrêt attaqué aurait de nouveau violé les textes susvisés ;

Mais attendu, d’abord, que si la cause de l’obligation de l’acheteur réside bien dans le transfert de propriété et dans la livraison de la chose vendue, en revanche la cause du contrat de vente consiste dans le mobile déterminant, c’est-à-dire celui en l’absence duquel l’acquéreur ne se serait pas engagé ; qu’ayant relevé qu’en l’espèce, la cause impulsive et déterminante de ce contrat était de permettre l’exercice du métier de deviner et de pronostiquer, activité constituant la contravention prévue et punie par l’article R. 34 du Code pénal, la cour d’appel en a exactement déduit qu’une telle cause, puisant sa source dans une infraction pénale, revêtait un caractère illicite ;

Attendu, ensuite, que M. Y… exerçait la même profession de parapsychologue que Mme X…, qu’il considérait comme sa disciple ; qu’il ne pouvait donc ignorer que la vente de matériel d’occultisme à celle-ci était destinée à lui permettre d’exercer le métier de devin ; que la cour d’appel n’avait donc pas à rechercher si M. Y… connaissait le mobile déterminant de l’engagement de Mme X…, une telle connaissance découlant des faits de la cause ;

Qu’il s’ensuit que le moyen ne peut être retenu en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

D) Réforme des obligations

La nouvelle formulation de l’article 1162 met indéniablement un terme à l’ambiguïté, née de l’interprétation, tantôt restrictive, tantôt extensive de l’ancien article 1128.

Désormais, la licéité du contrat s’apprécie en considération de ses stipulations, soit de l’objet de l’obligation entendu de manière générale.

Immédiatement la question alors se pose de savoir dans quelles hypothèses une stipulation contractuelle peut être regardée comme contraire à l’ordre public.

E) Applications jurisprudentielles

1. Les conventions portant sur la personne humaine

?Principe

En vertu de l’article 16 du Code civil « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. »

Il en résulte que toutes les conventions qui porteraient atteinte à la personne humaine encourent la nullité.

Les éléments du corps humain ainsi que l’état des personnes sont, de la sorte, indisponibles.

Ils ne peuvent donc pas faire l’objet d’une aliénation (art. 16-1 C. civ.).

L’article 16-5 du Code civil précise en ce sens que « les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles ».

?Exception

Le principe d’indisponibilité du corps humain comporte deux tempéraments :

  • Le don d’éléments du corps humain
    • Le don d’éléments du corps humain, tel que le sang, les gamètes, ou encore les organes est autorisé à la condition que ledit don ne soit assorti d’aucune contrepartie.
    • Il doit s’agir d’un acte à titre gratuit.
    • L’article 16-6 du Code civil prévoit en ce sens que « aucune rémunération ne peut être allouée à celui qui se prête à une expérimentation sur sa personne, au prélèvement d’éléments de son corps ou à la collecte de produits de celui-ci »
    • Une convention qui viserait à rémunérer un donneur serait nulle.
  • La nécessité médicale
    • L’article 16-3 du Code civil prévoit que «  il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. »
    • Toutefois, cette même disposition subordonne pareille atteinte au respect d’une condition : « le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir. »

2. Les conventions portant sur la gestion pour autrui (GPA)

?Première étape : rejet de la gestion pour autrui

Dans un arrêt du 31 mai 1991, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, refuse à un couple qui avait recouru à une mère porteuse la validation d’une procédure plénière au motif que « l’adoption n’était que l’ultime phase d’un processus destiné à permettre à un couple l’accueil à son foyer de l’enfant, conçu en exécution d’un contrat tendant à l’abandon à sa naissance par sa mère,…ce processus constituait un détournement de l’institution » (Cass. ass. plén. 31 mai 1991, n°90-20.105).

Cass. ass. plén., 31 mai 1991

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil, ensemble l’article 353 du même Code ;

Attendu que, la convention par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d’ordre public de l’indisponibilité du corps humain qu’à celui de l’indisponibilité de l’état des personnes ;

Attendu selon l’arrêt infirmatif attaqué que Mme X…, épouse de M. Y…, étant atteinte d’une stérilité irréversible, son mari a donné son sperme à une autre femme qui, inséminée artificiellement, a porté et mis au monde l’enfant ainsi conçu ; qu’à sa naissance, cet enfant a été déclaré comme étant né de Y…, sans indication de filiation maternelle ;

Attendu que, pour prononcer l’adoption plénière de l’enfant par Mme Y…, l’arrêt retient qu’en l’état actuel des pratiques scientifiques et des moeurs, la méthode de la maternité substituée doit être considérée comme licite et non contraire à l’ordre public, et que cette adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant, qui a été accueilli et élevé au foyer de M. et Mme Y… pratiquement depuis sa naissance ;

Qu’en statuant ainsi, alors que cette adoption n’était que l’ultime phase d’un processus d’ensemble destiné à permettre à un couple l’accueil à son foyer d’un enfant, conçu en exécution d’un contrat tendant à l’abandon à sa naissance par sa mère, et que, portant atteinte aux principes de l’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes, ce processus constituait un détournement de l’institution de l’adoption, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement dans l’intérêt de la loi et sans renvoi, l’arrêt rendu le 15 juin 1990 par la cour d’appel de Paris.

?Deuxième étape : refus de transcription de la filiation sur les registres d’état civil

En date du 6 avril 2011, la Cour de cassation a rendu trois arrêts concernant le recours à la gestation pour autrui pratiquée par des Français à l’étranger (Cass. 1ère civ. 6 avr. 2011, n°09-66.486).

Dans ces décisions, elle approuve les juges du fond qui avaient refusé, à la demande du ministère public, de transcrire sur les registres de l’état civil les actes de naissance dressés aux États-Unis qui, validant le contrat de gestation, avait désigné, dans chacune de ces espèces, comme père et mère, le couple français commanditaire.

Ce refus, fondé sur le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, a été justifié par l’ordre public international français ou par la fraude à la loi française

La Cour de cassation affirme en ce sens que « lorsque la naissance est l’aboutissement, en fraude à la loi française, d’un processus d’ensemble comportant une convention de gestation pour le compte d’autrui, convention qui, fût-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du Code civil ».

Il en résulte selon la haute juridiction que la filiation établie à l’étranger ne peut être inscrite sur les registres français de l’état civil.

Cass. 1re civ ,. 6 avr. 2011

Attendu que Z… est né en 2001, à Fosston (Minnesota, Etats Unis), après qu’une personne eut accepté de porter l’embryon issu des gamètes de M. X… et de Mme Y…, son épouse ; qu’un jugement du 4 juin 2001 du tribunal de Beltrami (Minnesota) a prononcé l’adoption en leur faveur de l’enfant après avoir constaté par décision du même jour son abandon par sa mère ; que l’acte de naissance délivré le 6 juin 2001 à Fosston, mentionne les noms de M. X… et de Mme Y…, épouse X…, en qualité de père et mère de l’enfant ; que cet acte a été transcrit le 11 juillet 2003 sur les registres de l’état civil du consulat général de France à Chicago, puis enregistré par le service central de l’état civil de Nantes ; que sur assignation du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, qui avait limité sa demande à l’annulation de la transcription relative à la seule filiation maternelle de l’enfant, l’arrêt confirmatif attaqué (Paris, 26 février 2009) a dit que Mme Y… n’était pas la mère de Z… et a annulé dans la transcription de l’acte de naissance de l’enfant, la mention relative à Mme Y… ;

Sur le second moyen :

Attendu que les époux X… font grief à l’arrêt d’avoir accueilli la demande, alors, selon le moyen :

[…]

Mais attendu qu’est justifié le refus de transcription d’un acte de naissance établi en exécution d’une décision étrangère, fondé sur la contrariété à l’ordre public international français de cette décision, lorsque celle-ci comporte des dispositions qui heurtent des principes essentiels du droit français ; qu’en l’état du droit positif, il est contraire au principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, principe essentiel du droit français, de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui, qui, fût elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du code civil ;

Que, dès lors, la cour d’appel a retenu, à bon droit, que dans la mesure où ils donnaient effet à une convention de cette nature, les jugements “américains” du 4 juin 2001 étaient contraires à la conception française de l’ordre public international, en sorte que l’acte de naissance litigieux ayant été établi en application de ces décisions, sa transcription sur les registres d’état civil français devait être, dans les limites de la demande du ministère public, rectifiée par voie de suppression de la mention de Mme Y… en tant que mère ; qu’une telle rectification, qui ne prive pas l’enfant de sa filiation paternelle, ni de la filiation maternelle que le droit de l’État du Minnesota lui reconnaît, ni ne l’empêche de vivre avec les époux X… en France, ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de cet enfant au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, non plus qu’à son intérêt supérieur garanti par l’article 3 §1 de la Convention internationale des droits de l’enfant ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

Dans un arrêt du 19 mars 2014, la Cour confirme l’annulation pour fraude à la loi de la reconnaissance effectuée en France par le père biologique (Cass. 1re civ., 19 mars 2014)

?Troisième étape : condamnation par la CEDH

La Cour européenne des droits de l’homme condamne la France au motif que son refus de reconnaître la filiation des enfants nés à l’étranger avec l’assistance d’une mère porteuse et l’impossibilité pour l’enfant d’établir en France cette filiation, alors même que celle-ci est conforme à la réalité biologique, « sont contraires au droit de tout individu au respect de son identité, partie intégrante du droit au respect de la vie privée » (CEDH 26 juin 2014, Labassee c/ France, no 65941/11, Mennesson c/ France, no 65192/11).

Elle précise que le respect de ce texte exige que « chacun puisse établir les détails de son identité d’être humain », dont la filiation est un aspect essentiel

?Quatrième étape : revirement de jurisprudence

Dans deux arrêts d’assemblée plénière la Cour de cassation prend en compte la condamnation de la France (Cass. ass. plén., 3 juill. 2015, n°14-21.323).

Elle admet, pour la première fois, que la gestation pour autrui ne fait pas, en elle-même, obstacle à la transcription de l’acte de naissance étranger sur les actes d’état civil français.

Les deux affaires concernaient un homme ayant conclu une convention de GPA avec une mère porteuse en Russie et qui sollicitaient la transcription de l’acte de naissance qui les mentionnait l’un et l’autre comme parents de l’enfant.

Les arrêts du 3 juillet 2015 laissent en suspens la question de la filiation des parents d’intention, comme le précise d’ailleurs le communiqué de presse selon lequel « les espèces soumises à la Cour de cassation ne soulevaient pas la question de la transcription de la filiation établie à l’étranger à l’égard de parents d’intention : la Cour ne s’est donc pas prononcée sur ce cas de figure ».

Cass. ass. plén., 3 juill. 2015

Vu l’article 47 du code civil et l’article 7 du décret du 3 août 1962 modifiant certaines règles relatives à l’état civil, ensemble l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Attendu qu’il résulte des deux premiers de ces textes que l’acte de naissance concernant un Français, dressé en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays, est transcrit sur les registres de l’état civil sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que K. X…, reconnu par M. X… le 10 mars 2011, est né le […] à Moscou ; que son acte de naissance, établi en Russie, désigne M. Dominique X…, de nationalité française, en qualité de père, et Mme Kristina Z…, ressortissante russe qui a accouché de l’enfant, en qualité de mère ; que le procureur de la République s’est opposé à la demande de M. X… tendant à la transcription de cet acte de naissance sur un registre consulaire, en invoquant l’existence d’une convention de gestation pour autrui conclue entre M. X… et Mme Z… ;

Attendu que, pour refuser la transcription, l’arrêt retient qu’il existe un faisceau de preuves de nature à caractériser l’existence d’un processus frauduleux, comportant une convention de gestation pour le compte d’autrui conclue entre M. X… et Mme Z… ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle n’avait pas constaté que l’acte était irrégulier, falsifié ou que les faits qui y étaient déclarés ne correspondaient pas à la réalité, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de transcription de l’acte de naissance de K. X…, l’arrêt rendu le 15 avril 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;

?Quatrième étape bis

Dans deux décisions rendues le 28 septembre 2015, la cour d’appel de Rennes confirme l’annulation des actes de naissance de deux enfants nés de mères porteuses à l’étranger, l’un en Inde, l’autre aux États-Unis (CA Rennes, 6e ch. A, 28 sept. 2015).

Les actes de naissance litigieux sont annulés, en application de l’article 47 du Code civil, en ce qu’ils ne reflètent pas la vérité quant à la filiation maternelle des enfants.

Chaque acte désigne comme mère de l’enfant l’épouse du père biologique, alors même que celle-ci n’a pas accouché de l’enfant.

La cour d’appel de Rennes réitère sa position, dans deux arrêts rendus le 7 mars 2016 (CA Rennes, 7 mars 2016) :

  • en ordonnant dans une affaire la transcription de la filiation paternelle biologique à l’état civil d’un enfant né de gestation pour autrui à l’étranger
  • en refusant dans l’autre de transcrire sur les registres français de l’état civil un acte de naissance dans lequel est indiquée en qualité de mère une femme qui n’a pas accouché.

La question de la maternité d’intention demeure pour l’instant non résolue.

?Cinquième étape : nouvelle condamnation de la France par la CEDH

La Cour européenne des droits de l’homme vient de condamner à nouveau la France pour refus de transcription à l’état civil du lien de filiation biologique d’un enfant né sous gestation pour autrui (CEDH, 21 juill. 2016, aff. Foulon et Bouvet c. France).

Dans les deux affaires, les requérants se voyaient dans l’impossibilité d’obtenir la reconnaissance en droit français du lien de filiation biologique établi entre eux en Inde.

Les autorités françaises, suspectant le recours à des conventions de GPA illicites, refusaient donc la transcription des actes de naissance indiens.

Sans surprise, la CEDH accueille le grief de violation du droit à la vie privée (Conv. EDH, art. 8), par référence aux arrêts Mennesson et Labassée.

3. Les conventions portant sur la cession de clientèle civile

S’il ne fait aucun doute que la clientèle commerciale est susceptible d’être cédée dans la mesure où elle constitue un élément essentiel du fonds de commerce, plus délicate est la question de savoir s’il en va de même de la clientèle des professions libérales que sont avocats, les médecins, les architectes, les huissiers, les notaires, les vétérinaires ou encore les experts-comptables.

L’interrogation est permise, en raison de la nature particulière de cette clientèle.

Au soutien de l’interdiction des cessions de clientèles civiles, deux arguments majeurs ont été avancés :

  • Premier argument
    • Il existe un lien de confiance personnel entre le professionnel qui exerce une activité libérale et son client, ce qui fait de cette relation particulière une chose hors du commerce au sens de l’ancien article 1128 du Code civil.
  • Second argument
    • Autoriser les cessions de clientèles civiles reviendrait à admettre qu’il soit porté atteinte à la liberté individuelle en ce que cette opération est de nature à priver les clients de la possibilité de confier leurs intérêts au professionnel de leur choix

Bien que ces arguments soient séduisants à maints égards, la jurisprudence de la Cour de cassation n’en a pas moins connu une grande évolution sur cette question :

?Première étape : le refus de reconnaître la licéité des cessions de clientèles civiles

Dans un arrêt du 7 février 1990, la Cour de cassation a censuré une Cour d’appel pour avoir validé la cession de clientèle d’un chirurgien-dentiste (Cass. 1re civ., 7 févr. 1990, n°88-18.441)

Après avoir affirmé que « lorsque l’obligation d’une partie est dépourvue d’objet, l’engagement du cocontractant est nul, faute de cause », la première chambre civile affirme que « les malades jouissant d’une liberté absolue de choix de leur médecin ou dentiste, leur ” clientèle “, attachée exclusivement et de façon toujours précaire à la personne de ce praticien, est hors du commerce et ne peut faire l’objet d’une convention ».

Pour la Haute juridiction la convention conclue en l’espèce encourait dès lors la nullité

Cass. 1re civ., 7 févr. 1990

Attendu que M. Y…, chirurgien-dentiste, après avoir remplacé pendant deux mois son confrère, M. X…, a pris en location, en décembre 1985, les locaux professionnels et le matériel de celui-ci ; qu’après s’être renseigné en mai 1986 sur les conditions de ” vente ” du cabinet de M. X… , il a accepté par écrit, le 16 juillet 1986, le prix de 270 000 francs ” en règlement du cabinet ” ; que M. Y… s’étant ensuite rétracté, un premier jugement du tribunal de grande instance d’Agen du 22 juillet 1987, fondé sur l’article 1583 du Code civil, l’a condamné ” à passer l’acte authentique de cession du cabinet de M. X… ” et à payer à celui-ci le montant du ” prix de vente ” convenu ; que M. Y… ayant alors exigé la stipulation dans le contrat d’une obligation de non-installation du vendeur pendant dix ans dans un rayon de 35 kilomètres, tandis que M. X… offrait de limiter cette obligation à un rayon de 5 kilomètres pendant deux ans à compter du 1er décembre 1985, un second jugement, du 24 novembre 1987, estimant qu’il existait un ” consensus minimal ” des parties sur une interdiction de rétablissement pendant deux ans dans un rayon de 5 kilomètres à compter du 7 août 1987, a ordonné l’inclusion de cette stipulation dans l’acte de cession ; que la cour d’appel a confirmé ces deux décisions ;.

Sur le moyen unique du pourvoi principal de M. Y…, pris en sa première branche :

Vu les articles 1128 et 1131 du Code civil ;

Attendu que lorsque l’obligation d’une partie est dépourvue d’objet, l’engagement du cocontractant est nul, faute de cause ;

Attendu que, pour déclarer parfaite la vente du cabinet de M. X… à M. Y…, l’arrêt énonce que ” la validité des cessions de clientèles civiles ne se discute pas ” ; qu’en se déterminant ainsi, alors que les malades jouissant d’une liberté absolue de choix de leur médecin ou dentiste, leur ” clientèle “, attachée exclusivement et de façon toujours précaire à la personne de ce praticien, est hors du commerce et ne peut faire l’objet d’une convention, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur les deuxième et troisième branches du moyen : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident de M. X… :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 20 juillet 1988, entre les parties, par la cour d’appel d’Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse

?Deuxième étape : l’admission des conventions portant sur l’obligation de présentation

Malgré l’interdiction qui frappait les cessions de clientèles civiles, la Cour de cassation a admis, en parallèle, qu’un professionnel exerçant une activité libérale puisse conclure une convention par laquelle il s’engage envers son successeur à lui présenter sa clientèle (Cass. 1re civ., 7 mars 1956).

Ainsi, par exemple, dans un arrêt du 7 juin 1995, la Cour de cassation a décidé que « si la clientèle d’un médecin ou d’un chirurgien-dentiste n’est pas dans le commerce, le droit, pour ce médecin ou ce chirurgien-dentiste, de présenter un confrère à sa clientèle, constitue un droit patrimonial qui peut faire l’objet d’une convention régie par le droit privé » (Cass. 1ère civ., 7 juin 1995, n°93-17.099).

Comme s’accordent à le dire les auteurs, cela revenait, en réalité, à admettre indirectement la licéité des cessions de clientèles civiles.

Cass. 1ère civ., 7 juin 1995

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article 1128 du Code civil ;

Attendu que si la clientèle d’un médecin ou d’un chirurgien-dentiste n’est pas dans le commerce, le droit, pour ce médecin ou ce chirurgien-dentiste, de présenter un confrère à sa clientèle, constitue un droit patrimonial qui peut faire l’objet d’une convention régie par le droit privé ;

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, par un acte sous seing privé du 28 décembre 1984, M. Y…, chirurgien-dentiste, et Mlle X… ont conclu un contrat par lequel M. Y… s’engageait à ” présenter à celle-ci la moitié de sa clientèle “, moyennant le versement de la somme de 350 000 F ; que, le 20 avril 1985, était créée entre les deux praticiens une société civile de moyens ayant pour objet exclusif de favoriser leur activité professionnelle, chacun en détenant la moitié ; que Mlle X… a ensuite agi en nullité des conventions conclues avec M. Y…, et réclamé à celui-ci la restitution des sommes par elle versées, outre des dommages-intérêts ;

Attendu que pour déclarer nulles et de nul effet pour objet illicite et absence de cause les conventions signées entre les parties, l’arrêt retient qu’en l’absence de toute précision tant sur les critères de sélection de la moitié de la clientèle concernée que sur la nature des moyens susceptibles d’être mis en œuvre par le débiteur de l’obligation, le contrat signé entre les parties a, même indirectement, pour effet de mettre en échec le principe du libre choix du praticien par le patient et de revenir à céder partie d’une clientèle qui n’entre pas dans les choses du commerce ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors qu’il résulte de l’arrêt que M. Y… s’était seulement engagé envers son cocontractant à faire ” tout ce qui sera en son pouvoir ” pour que les clients reportent sur Mlle X… la confiance qu’ils lui témoignaient, et que la clientèle conservait donc une liberté de choix, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 mai 1993, entre les parties, par la cour d’appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Poitiers

?Troisième étape : la reconnaissance de la licéité des cessions de clientèles civiles

Dans un arrêt du 7 novembre 2000, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en décidant que « si la cession de la clientèle médicale, à l’occasion de la constitution ou de la cession d’un fonds libéral d’exercice de la profession, n’est pas illicite, c’est à la condition que soit sauvegardée la liberté de choix du patient ; qu’à cet égard, la cour d’appel ayant souverainement retenu, en l’espèce, cette liberté de choix n’était pas respectée » (Cass. 1ère civ. 7 nov. 2000, n°98-17.731).

Cass., 1ère civ. 7 novembre 2000

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Y…, chirurgien, a mis son cabinet à la disposition de son confrère, M. X…, en créant avec lui une société civile de moyens ; qu’ils ont ensuite conclu, le 15 mai 1991, une convention aux termes de laquelle M. Y… cédait la moitié de sa clientèle à M. X… contre le versement d’une indemnité de 500 000 francs ; que les parties ont, en outre, conclu une ” convention de garantie d’honoraires ” par laquelle M. Y… s’engageait à assurer à M. X… un chiffre d’affaires annuel minimum ; que M. X…, qui avait versé une partie du montant de l’indemnité, estimant que son confrère n’avait pas respecté ses engagements vis-à-vis de sa clientèle, a assigné celui-ci en annulation de leur convention ; que M. Y… a demandé le paiement de la somme lui restant due sur le montant conventionnellement fixé ;

Attendu que M. Y… fait grief à l’arrêt attaqué (Colmar, 2 avril 1998) d’avoir prononcé la nullité du contrat litigieux, de l’avoir condamné à rembourser à M. X… le montant des sommes déjà payées par celui-ci et de l’avoir débouté de sa demande en paiement du solde de l’indemnité prévue par la convention, alors, selon le moyen, d’une part, qu’en décidant que le contrat était nul comme portant atteinte au libre choix de son médecin par le malade, après avoir relevé qu’il faisait obligation aux parties de proposer aux patients une ” option restreinte au choix entre deux praticiens ou à l’acceptation d’un chirurgien différent de celui auquel ledit patient avait été adressé par son médecin traitant “, ce dont il résultait que le malade conservait son entière liberté de s’adresser à M. Y…, à M. X… ou à tout autre praticien, de sorte qu’il n’était pas porté atteinte à son libre choix, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1128 et 1134 du Code civil ; et alors, d’autre part, qu’en s’abstenant de rechercher comme elle y était invitée, si l’objet du contrat était en partie licite, comme faisant obligation à M. Y… de présenter M. X… à sa clientèle et de mettre à la disposition de celui-ci du matériel médical, du matériel de bureautique et du matériel de communication, de sorte que l’obligation de M. X… au paiement de l’indemnité prévue par le contrat était pour partie pourvu d’une cause, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1128, 1131 et 1134 du Code civil ;

Mais attendu que si la cession de la clientèle médicale, à l’occasion de la constitution ou de la cession d’un fonds libéral d’exercice de la profession, n’est pas illicite, c’est à la condition que soit sauvegardée la liberté de choix du patient ; qu’à cet égard, la cour d’appel ayant souverainement retenu, en l’espèce, cette liberté de choix n’était pas respectée, a légalement justifié sa décision ; d’où il suit que le moyen, mal fondé en sa première branche, est inopérant en sa seconde ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

  • Faits
    • Cession de la moitié de la clientèle d’un chirurgien à son associé en contrepartie du paiement de la somme de 500 000 francs.
    • Cette cession était assortie d’une clause par laquelle le cédant s’engageait à assurer au cessionnaire un chiffre d’affaires minimum.
    • Il s’est avéré cependant que, après avoir versé une partie du prix de la cession au cédant, le cessionnaire a reproché au cédant de n’avoir pas satisfait à son obligation de lui assurer un certain chiffre d’affaires.
  • Demande
    • Alors que le cessionnaire réclame l’annulation de la convention, le cédant revendique quant à lui le restant du prix de la cession lui étant dû.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 2 avril 1998, la Cour d’appel de Colmar a accédé à la requête du cessionnaire en prononçant la nullité de la cession.
    • Les juges du fond ont estimé que la cession de clientèle était nulle, dans la mesure où elle portait atteinte à la liberté de choix des patients du cédant.
  • Solution
    • Par un arrêt du 7 novembre 2000, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le médecin cédant.
    • la première chambre civile estime que la cession de clientèle d’un médecin n’est licite, que si la liberté de choix du patient est préservée.
    • Or en l’espèce il s’avère que tel n’était pas le cas dans le cadre la cession litigieuse.
    • Ainsi, ressort-il de cet arrêt que la haute juridiction renverse le principe
    • La cession de clientèle civile qui était illicite avant cette décision devient licite, à la condition, toutefois, que la liberté de choix du patient soit préservée.
    • Immédiatement, la question alors se pose des garanties dont devront justifier les parties à l’opération de cession pour que la liberté de choix du patient soit préservée.
    • Il ressort de l’arrêt du 7 janvier 2000 que, non seulement la Cour de cassation ne le dit pas, mais encore elle estime qu’il s’agit là d’une question de pur fait.
    • Autrement dit, c’est jugement du fond qu’il appartiendra d’apprécier souverainement si, dans le cadre d’une cession de clientèle civile, il est ou non porté atteinte à la liberté de choix du patient.
  • Portée
    • Depuis son revirement de jurisprudence la Cour de cassation a eu l’occasion de réaffirmer le principe de licéité des cessions de clientèles civiles (V. notamment en ce sens Cass. 1re civ., 14 nov. 2012, n°11-16.439).

Cass. 1re civ., 14 nov. 2012

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 11 janvier 2011), que M. Y…, qui exerçait avec M. X…, son activité professionnelle au sein de la SCP notariale Michel Chapuis et Yves Lemoyne de Vernon, a cédé à son associé les parts qu’il détenait dans la société, l’acte de cession prévoyant une interdiction de réinstallation sur le territoire de certaines communes et le reversement des sommes reçues par le cédant au titre d’actes établis ou de dossiers traités pour le compte de clients de la SCP au sein d’un autre office notarial ; que, M. Y… s’étant réinstallé avec un autre confrère, au sein d’une autre société civile professionnelle, sur le territoire d’une commune autre que celles qui lui étaient interdites, M. X…, qui lui reprochait de n’avoir pas reversé les rémunérations perçues de plusieurs clients en violation des stipulations contractuelles, l’a assigné en réparation de son préjudice ; que l’arrêt le déboute de ses demandes ;

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt attaqué de le débouter de ses demandes tendant à voir juger que M. Y… était responsable de l’inexécution de la clause de reversement souscrite le 23 juillet 1998, condamner M. Y… à réparer le préjudice subi et, avant dire droit sur le quantum, ordonner une expertise, alors selon le moyen :

[…]

Mais attendu qu’après avoir retenu, selon une interprétation, exclusive de toute dénaturation, que commandait la portée ambiguë de la clause stipulant le reversement au cessionnaire des sommes perçues de la part des anciens clients de la SCP Chapuis et Lemoyne de Vernon, que cette clause, en interdisant à M. Y… de percevoir, pour une durée de dix ans, la rémunération de son activité pour le compte des clients qui avaient fait le choix de le suivre en son nouvel office, emportait cession de la clientèle lui ayant appartenu en partie, la cour d’appel, qui a relevé que la clause litigieuse, par la sanction de la privation de toute rémunération du travail accompli, soumettait le cédant à une pression sévère de nature, sinon à refuser de prêter son ministère, du moins à tenter de convaincre le client de choisir un autre notaire, et qui a ainsi constaté que la liberté de choix de cette clientèle n’était pas respectée, en a exactement déduit que ladite clause était nulle ; que le moyen, qui manque en fait en ses deuxième et quatrième branches, n’est pas fondé en ses trois autres branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

III) La conformité du but contractuel à l’ordre public

Il ne suffit pas que les stipulations contractuelles soient conformes à l’ordre public pour que le contrat soit valide, encore faut-il que le but poursuivi par les parties le soit aussi.

D’où l’exigence posée à l’article 1162 du Code civil qui prévoit que le contrat ne peut déroger à l’ordre public notamment par son but.

Cette exigence est née de la distinction entre la cause obligation et la cause du contrat.

A) Notions : cause de l’obligation / cause du contrat

Initialement, les rédacteurs du Code civil avaient une conception pour le moins étroite de la notion de cause.

Ils ne souhaitaient pas que l’on puisse contrôler la licéité de la cause en considération des mobiles qui ont animé les contractants, ces mobiles devant leur rester propres, sans possibilité pour le juge d’en apprécier la moralité.

C’est ainsi que, dans un premier temps, pour contrôler la licéité de la cause exigée aux articles 1131 et 1133 du Code civil, la jurisprudence ne prenait en compte que les raisons immédiates qui avaient conduit les parties à contracter, soit ce que l’on appelle la cause de l’obligation, par opposition à la cause du contrat :

  • La cause de l’obligation
    • Elle représente pour les contractants les motifs les plus proches qui ont animé les parties au contrat, soit plus exactement la contrepartie pour laquelle ils se sont engagés
    • La cause de l’obligation est également de qualifiée de cause objective, en ce sens qu’elle est la même pour chaque type de contrat.
    • Exemples :
      • Dans le contrat de vente, le vendeur s’engage pour obtenir le paiement du prix et l’acheteur pour la délivrance de la chose
      • Dans le contrat de bail, le bailleur s’engage pour obtenir le paiement du loyer et le preneur pour la jouissance de la chose louée.
  • S’agissant de la cause du contrat
    • Elle représente les mobiles plus lointains qui ont déterminé l’une ou l’autre partie à contracter
    • La cause du contrat est également qualifiée de cause subjective, dans la mesure où elle varie d’un contrat à l’autre
    • Exemples :
      • Les raisons qui conduisent un vendeur à céder sa maison ne sont pas nécessairement les mêmes que son prédécesseur
      • Les raisons qui animent un chasseur à acquérir un fusil ne sont pas les mêmes que les motifs d’une personne qui envisagent de commettre un meurtre

La Cour de cassation a parfaitement mis en exergue cette distinction entre la cause de l’obligation et la cause du contrat, notamment dans un arrêt du 12 juillet 1989.

Dans cette décision elle y affirme que « si la cause de l’obligation de l’acheteur réside bien dans le transfert de propriété et dans la livraison de la chose vendue, en revanche la cause du contrat de vente consiste dans le mobile déterminant, c’est-à-dire celui en l’absence duquel l’acquéreur ne se serait pas engagé » (Cass. 1ère civ. 12 juill. 1989, n°88-11.443).

Cass. 1ère civ. 12 juill. 1989

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu qu’en 1981, M. Y…, parapsychologue, a vendu à Mme X…, elle-même parapsychologue, divers ouvrages et matériels d’occultisme pour la somme de 52 875 francs ; que la facture du 29 décembre 1982 n’ayant pas été réglée, le vendeur a obtenu une ordonnance d’injonction de payer, à l’encontre de laquelle Mme X… a formé contredit ; que l’arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 1987) a débouté M. Y… de sa demande en paiement, au motif que le contrat de vente avait une cause illicite ;

Attendu que M. Y… fait grief audit arrêt d’avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d’une part, que la cause du contrat ne réside pas dans l’utilisation que compte faire l’acquéreur de la chose vendue, mais dans le transfert de propriété de cette chose, et qu’en prenant en compte, pour déterminer cette cause, le prétendu mobile de l’acquéreur, la cour d’appel aurait violé les articles 1131, 1133 et 1589 du Code civil ; et alors, d’autre part, qu’en déclarant nulle pour cause illicite la vente d’objets banals au prétexte que ceux-ci pourraient servir à escroquer des tiers, bien qu’il soit nécessaire que le mobile illicite déterminant soit commun aux deux parties sans qu’il y ait lieu de tenir compte de l’utilisation personnelle que l’acquéreur entend faire à l’égard des tiers de la chose vendue, l’arrêt attaqué aurait de nouveau violé les textes susvisés ;

Mais attendu, d’abord, que si la cause de l’obligation de l’acheteur réside bien dans le transfert de propriété et dans la livraison de la chose vendue, en revanche la cause du contrat de vente consiste dans le mobile déterminant, c’est-à-dire celui en l’absence duquel l’acquéreur ne se serait pas engagé ; qu’ayant relevé qu’en l’espèce, la cause impulsive et déterminante de ce contrat était de permettre l’exercice du métier de deviner et de pronostiquer, activité constituant la contravention prévue et punie par l’article R. 34 du Code pénal, la cour d’appel en a exactement déduit qu’une telle cause, puisant sa source dans une infraction pénale, revêtait un caractère illicite ;

Attendu, ensuite, que M. Y… exerçait la même profession de parapsychologue que Mme X…, qu’il considérait comme sa disciple ; qu’il ne pouvait donc ignorer que la vente de matériel d’occultisme à celle-ci était destinée à lui permettre d’exercer le métier de devin ; que la cour d’appel n’avait donc pas à rechercher si M. Y… connaissait le mobile déterminant de l’engagement de Mme X…, une telle connaissance découlant des faits de la cause ;

Qu’il s’ensuit que le moyen ne peut être retenu en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

B) De la cause de l’obligation vers la cause du contrat

?Première étape : le règne de la cause de l’obligation

Comme évoqué précédemment, pour contrôler la licéité de la cause, la jurisprudence ne prenait initialement en compte que les motifs les plus proches qui avaient conduit les parties à contracter.

Autrement dit, pour que le contrat soit annulé pour cause illicite, il fallait que la contrepartie pour laquelle l’une des parties s’était engagée soit immorale.

En retenant une conception abstraite de la cause, cela revenait cependant à conférer une fonction à la cause qui faisait double emploi avec celle attribuée classiquement à l’objet.

Dans la mesure, en effet, où la cause de l’obligation d’une partie n’est autre que l’objet de l’obligation de l’autre, en analysant la licéité de l’objet de l’obligation on analyse simultanément la licéité de la cause de l’obligation.

Certes, le contrôle de licéité de la cause conservait une certaine utilité, en ce qu’il permettait de faire annuler un contrat dans son entier lorsqu’une seule des obligations de l’acte avait un objet illicite.

Cependant, cela ne permettait pas un contrôle plus approfondi que celui opérer par l’entremise de l’objet.

Exemples : si l’on prend le cas de figure d’une vente immobilière :

  • Le vendeur a l’obligation d’assurer le transfert de la propriété de l’immeuble
  • L’acheteur a l’obligation de payer le prix de vente de l’immeuble

En l’espèce, l’objet de l’obligation de chacune des parties est parfaitement licite

Il en va de même pour la cause, si l’on ne s’intéresse qu’aux mobiles les plus proches qui ont animé les parties : la contrepartie pour laquelle elles se sont engagées, soit le paiement du prix pour le vendeur, la délivrance de l’immeuble pour l’acheteur.

Quid désormais si l’on s’attache aux raisons plus lointaines qui ont conduit les parties à contracter.

Il s’avère, en effet, que l’acheteur a acquis l’immeuble, objet du contrat de vente, en vue d’y abriter un trafic international de stupéfiants.

Manifestement, un contrôle de la licéité de la cause de l’obligation sera inopérant en l’espèce pour faire annuler le contrat, dans la mesure où l’on ne peut prendre en considération que les raisons les plus proches qui ont animé les contractants, soit la contrepartie immédiate de leur engagement.

Aussi, un véritable contrôle de licéité et de moralité du contrat supposerait que l’on s’autorise à prendre en considération les motifs plus lointains des parties, soit la volonté notamment de l’une d’elles d’enfreindre une règle d’ordre public et de porter atteinte aux bonnes mœurs.

Admettre la prise en compte de tels motifs, reviendrait, en somme, à s’intéresser à la cause subjective, dite autrement cause du contrat.

?Seconde étape : la prise en compte de la cause du contrat

Prise dans sa conception abstraite, la cause ne permettait donc pas de remplir la fonction qui lui était assignée à l’article 1133 du Code civil : le contrôle de la moralité des conventions.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « la cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public. »

Aussi, la jurisprudence a-t-elle cherché à surmonter l’inconvénient propre à la prise en compte des seuls motifs immédiats des parties, en dépassant l’apparence objective de la cause de l’obligation, soit en recherchant les motifs extrinsèques à l’acte ayant animé les contractant.

Pour ce faire, les juges se sont peu à peu intéressés aux motifs plus lointains qui ont déterminé les parties à contracter, soit à ce que l’on appelle la cause du contrat ou cause subjectif (V. en ce sens Cass. soc., 8 janv. 1964).

C’est ainsi que, à côté de la théorie de la cause de l’obligation, est apparue la théorie de la cause du contrat, ces deux conceptions de la cause remplissant des fonctions bien distinctes :

  • S’agissant de la cause de l’obligation
    • En ne prenant en cause que les raisons immédiates qui ont conduit les parties à contracter, elle permettait d’apprécier l’existence d’une contrepartie à l’engagement de chaque contractant.
    • À défaut, le contrat était nul pour absence de cause.
  • S’agissant de la cause du contrat
    • En ne prenant en considération que les motifs lointains qui ont conduit les parties à contracter, elle permettait de contrôler la licéité de la convention prise dans son ensemble, indépendamment de l’existence d’une contrepartie.
    • Dans cette fonction, la cause était alors mise au service, moins des intérêts individuels, que de l’intérêt général.

Au total, il ressort de cette distinction opérée par la jurisprudence ainsi que par une partie de la doctrine que la cause du contrat venait en complément de l’exigence de licéité de l’objet du contrat.

En effet, tandis que l’objet du contrat permettait de vérifier que les prestations prévues par les contractants étaient conformes à l’ordre public, la cause du contrat avait, quant à elle, pour fonction de contrôler la licéité de leurs mobiles respectifs, soit la moralité du contrat.

C) Les modalités de prise en compte de la cause du contrat

S’il est nécessaire, le contrôle de la licéité de la cause du contrat ne doit pas, cependant, conduire les juges à rechercher les motifs trop lointains qui ont déterminé les parties à contracter.

En effet, cela serait revenu à permettre une remise en cause trop facile des contrats et donc à faire peser sur les parties une insécurité juridique.

Aussi, la jurisprudence a-t-elle assorti la prise en compte de la cause du contrat de plusieurs exigences :

  • L’exigence de cause déterminante
    • Le motif ne peut être retenu comme cause de nullité que s’il a été déterminant
    • Il doit, en d’autres termes, constituer la « cause impulsive et déterminante » de l’opération et non un mobile accessoire (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 12 juill. 1989, n°88-11.443).
  • L’exigence de cause commune
    • Pendant longtemps, la Cour de cassation a estimé que pour être retenu comme cause de nullité, le motif devait avoir été connu de l’autre partie (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 4 déc. 1956)
    • On entendait ainsi éviter qu’un contractant ne se voit imposer la nullité du contrat pour un motif qu’il avait ignoré au moment de sa formation.
    • Cette solution n’était, cependant, pas dépourvue d’inconvénient.
    • Cela impliquait, en effet, que dès lors qu’une partie ignorée les mobiles de l’autre, le contrat ne pouvait pas être annulé, quand bien même il portait atteinte à l’ordre social.
    • Aussi, cette solution constituait-elle une prime à la dissimulation, dans la mesure où elle incitait les parties à cacher les véritables motifs de leur engagement.
    • C’est la raison pour laquelle dans un arrêt remarqué du 7 octobre 1998, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence an décidant « qu’un contrat peut être annulé pour cause illicite ou immorale, même lorsque l’une des parties n’a pas eu connaissance du caractère illicite ou immoral du motif déterminant de la conclusion du contrat » (Cass. 1ère civ. 7 oct. 1998, n°96-14.359)
    • La haute juridiction abandonnait ainsi l’exigence de cause commune, de sorte qu’il n’est plus nécessaire que les motifs des parties soient partagés.

Cass. 1ère civ. 7 oct. 1998

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que, par acte sous seing privé du 17 juin 1981, M. X… a reconnu devoir à son épouse une somme, remboursable avec un préavis de trois mois ; qu’après leur divorce, Mme X…, devenue Mme Y…, a, par acte du 14 juin 1989, accepté que le prêt lui soit remboursé sous forme d’une augmentation de la pension alimentaire que lui versait son ex-mari ; qu’en 1993, elle l’a assigné en remboursement du solde du prêt ;

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt attaqué (Versailles, 23 février 1996) d’avoir annulé pour cause illicite l’acte du 14 juin 1989 et fait droit à la demande de son ex-épouse, alors, selon le moyen, d’une part, qu’en ne constatant pas que l’accord avait eu pour motif déterminant des déductions fiscales illégales et en ne recherchant pas s’il n’avait pas eu pour motif déterminant de réaliser l’étalement du remboursement du prêt dont le paiement était susceptible d’être réclamé à tout moment, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1131 du Code civil ; et alors, d’autre part, qu’une convention ne peut être annulée pour cause illicite que lorsque les parties se sont engagées en considération commune d’un motif pour elles déterminant ; qu’ayant constaté que Mme Y… déclarait à l’administration fiscale l’intégralité des sommes reçues de M. X…, il s’en évinçait que Mme Y… ne pouvait avoir eu pour motif déterminant de son accord la déductibilité, par M. X…, des sommes à elles versées, en sorte que la cour d’appel, en retenant une cause illicite, a violé l’article précité ;

Mais attendu qu’un contrat peut être annulé pour cause illicite ou immorale, même lorsque l’une des parties n’a pas eu connaissance du caractère illicite ou immoral du motif déterminant de la conclusion du contrat ; que l’arrêt ayant retenu que l’acte du 14 juin 1989 avait une cause illicite en ce qu’il avait pour but de permettre à M. X… de déduire des sommes non fiscalement déductibles, Mme Y… était fondée à demander l’annulation de la convention ; qu’ainsi, la cour d’appel, qui n’avait pas à effectuer la recherche inopérante visée à la première branche du moyen, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

D) Réforme des obligations

Il ressort de l’article 1162 du Code civil que le législateur a entendu reprendre les différentes solutions dégagées antérieurement par la jurisprudence.

En effet, bien que cette disposition n’apporte aucune définition de la notion de « but » contractuel, tout porte à croire qu’il s’agit des motifs lointains qui ont déterminé les parties à contracter, soit de la cause subjective : la cause du contrat.

Il en résulte que dès lors que le but propre à chacune des parties serait contraire à l’ordre public, le contrat encourt la nullité sur le fondement de l’illicéité de son contenu.

Il peut, par ailleurs, être observé que le législateur a consacré la solution adoptée par la Cour de cassation dans son arrêt du 7 octobre 1998.

L’article 1162 précise en ce sens qu’il importe peu que le but contractuel « ait été connu ou non par toutes les parties. »

  1. Ph. Malaurie, L’ordre public et le contrat, th., 1953, p. 69, n°99. ?
  2. J. Carbonnier, Droit civil : les biens, les obligations, PUF, 2004, n°984, p. 2037. ?
  3. Ibid. ?
  4. F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil : les obligations, Dalloz, 2007, coll. « précis », n°375, p. 381. ?
  5. Ph. Malinvaud et D. Fenouillet, Droit des obligations, LexisNexis, 2012, n°267, p. 207-208. ?
  6. J. Carbonnier, op. cit., n°983, p. 2036. ?
  7. F. Ost et M. Van de Kerchove, « mœurs (bonnes) » Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, LGDJ et Story-Scientia, 1988, p. 251 ?
  8. G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 2005, V. « stipulation », p. 873 ?

Réforme du Droit des obligations – Table de concordance: Le contrat

LE CONTRAT

Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (Télécharger)

ANCIENS ARTICLES

NOUVEAUX ARTICLES

DÉFINITION DU CONTRAT

Art. 1101
Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose.

Art. 1101
Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations.

Consécrations légales

Les sources d’obligations

Art. 1100, al. 1
Les obligations naissent d’actes juridiques, de faits juridiques ou de l’autorité seule de la loi.

La transformation de l’obligation naturelle en obligation civile

Art. 1100, al. 2
Elles peuvent naître de l’exécution volontaire ou de la promesse d’exécution d’un devoir de conscience envers autrui. 

Définition et régime de l’acte juridique 

Art. 1100-1
Les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. Ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux.
Ils obéissent, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats.

Définition et régime du fait juridique

Art. 1100-2
Les faits juridiques sont des agissements ou des événements auxquels la loi attache des effets de droit.
Les obligations qui naissent d’un fait juridique sont régies, selon le cas, par le sous-titre relatif à la responsabilité extracontractuelle ou le sous-titre relatif aux autres sources d’obligations.

La liberté contractuelle

Art. 1102
Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi.
La liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l’ordre public.

CLASSIFICATION DES CONTRATS

LE CONTRAT SYNALLAGMATIQUE ET LE CONTRAT UNILATÉRAL

Art. 1102
Le contrat est synallagmatique ou bilatéral lorsque les contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres.

Art. 1103
Il est unilatéral lorsqu’une ou plusieurs personnes sont obligées envers une ou plusieurs autres, sans que de la part de ces dernières il y ait d’engagement.

Art. 1106
Le contrat est synallagmatique lorsque les contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres.
Il est unilatéral lorsqu’une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres sans qu’il y ait d’engagement réciproque de celles-ci.

LE CONTRAT COMMUTATIF ET LE CONTRAT ALÉATOIRE

Art. 1104
Il est commutatif lorsque chacune des parties s’engage à donner ou à faire une chose qui est regardée comme l’équivalent de ce qu’on lui donne, ou de ce qu’on fait pour elle.
Lorsque l’équivalent consiste dans la chance de gain ou de perte pour chacune des parties, d’après un événement incertain, le contrat est aléatoire.

Art. 1108
Le contrat est commutatif lorsque chacune des parties s’engage à procurer à l’autre un avantage qui est regardé comme l’équivalent de celui qu’elle reçoit.
Il est aléatoire lorsque les parties acceptent de faire dépendre les effets du contrat, quant aux avantages et aux pertes qui en résulteront, d’un événement incertain.

LE CONTRAT A TITRE GRATUIT ET LE CONTRAT ONÉREUX

Art. 1105
Le contrat de bienfaisance est celui dans lequel l’une des parties procure à l’autre un avantage purement gratuit.

Art. 1106
Le contrat à titre onéreux est celui qui assujettit chacune des parties à donner ou à faire quelque chose.

Art. 1107
Le contrat est à titre onéreux lorsque chacune des parties reçoit de l’autre un avantage en contrepartie de celui qu’elle procure.
Il est à titre gratuit lorsque l’une des parties procure à l’autre un avantage sans attendre ni recevoir de contrepartie.

LES CONTRATS NOMMÉS ET LES CONTRATS INNOMÉS

Art. 1107
Les contrats, soit qu’ils aient une dénomination propre, soit qu’ils n’en aient pas, sont soumis à des règles générales, qui sont l’objet du présent titre.
Les règles particulières à certains contrats sont établies sous les titres relatifs à chacun d’eux ; et les règles particulières aux transactions commerciales sont établies par les lois relatives au commerce.

Art. 1105
Les contrats, qu’ils aient ou non une dénomination propre, sont soumis à des règles générales, qui sont l’objet du présent sous-titre.
Les règles particulières à certains contrats sont établies dans les dispositions propres à chacun d’eux.
Les règles générales s’appliquent sous réserve de ces règles particulières.

Consécrations légales

Le contrat consensuel, le  contrat solennel et le contrat réel

Art. 1109
Le contrat est consensuel lorsqu’il se forme par le seul échange des consentements quel qu’en soit le mode d’expression.
Le contrat est solennel lorsque sa validité est subordonnée à des formes déterminées par la loi.
Le contrat est réel lorsque sa formation est subordonnée à la remise d’une chose.

Le contrat de gré à gré et le contrat d’adhésion

Art. 1110
Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont librement négociées entre les parties.
Le contrat d’adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties.

Le contrat cadre

Art. 1111
Le contrat cadre est un accord par lequel les parties conviennent des caractéristiques générales de leurs relations contractuelles futures. Des contrats d’application en précisent les modalités d’exécution.

Le contrat à exécution instantanée et le contrat à exécution successive

Art. 1111-1
Le contrat à exécution instantanée est celui dont les obligations peuvent s’exécuter en une prestation unique.
Le contrat à exécution successive est celui dont les obligations d’au moins une partie s’exécutent en plusieurs prestations échelonnées dans le temps.

LA FORMATION DU CONTRAT

Consécrations légales

Les pourparlers

 Art. 1112
L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.
En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu.

Le devoir d’information

Art. 1112-1
Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.

L’obligation de confidentialité

Art. 1112-2
Celui qui utilise ou divulgue sans autorisation une information confidentielle obtenue à l’occasion des négociations engage sa responsabilité dans les conditions du droit commun.

L’offre et l’acceptation

Art. 1113
Le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager.
Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur.

L’offre

Art. 1114
L’offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation. A défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation.

Art. 1115
Elle peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire.

Art. 1116
Elle ne peut être rétractée avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable.
La rétractation de l’offre en violation de cette interdiction empêche la conclusion du contrat.
Elle engage la responsabilité extracontractuelle de son auteur dans les conditions du droit commun sans l’obliger à compenser la perte des avantages attendus du contrat.

Art. 1117
L’offre est caduque à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable.
Elle l’est également en cas d’incapacité ou de décès de son auteur.

L’acceptation

Art. 1118
L’acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d’être lié dans les termes de l’offre.
Tant que l’acceptation n’est pas parvenue à l’offrant, elle peut être librement rétractée, pourvu que la rétractation parvienne à l’offrant avant l’acceptation.
L’acceptation non conforme à l’offre est dépourvue d’effet, sauf à constituer une offre nouvelle.

Art. 1119
Les conditions générales invoquées par une partie n’ont effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées.
En cas de discordance entre des conditions générales invoquées par l’une et l’autre des parties, les clauses incompatibles sont sans effet.
En cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particulières, les secondes l’emportent sur les premières.

Art. 1120
Le silence ne vaut pas acceptation, à moins qu’il n’en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d’affaires ou de circonstances particulières.

Art. 1121
Le contrat est conclu dès que l’acceptation parvient à l’offrant. Il est réputé l’être au lieu où l’acceptation est parvenue.

Le délai de réflexion

Art. 1122
La loi ou le contrat peuvent prévoir un délai de réflexion, qui est le délai avant l’expiration duquel le destinataire de l’offre ne peut manifester son acceptation ou un délai de rétractation, qui est le délai avant l’expiration duquel son bénéficiaire peut rétracter son consentement.

Le pacte de préférence

Art. 1123
Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter.
Lorsqu’un contrat est conclu avec un tiers en violation d’un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers connaissait l’existence du pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu.
Le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, l’existence d’un pacte de préférence et s’il entend s’en prévaloir.
L’écrit mentionne qu’à défaut de réponse dans ce délai, le bénéficiaire du pacte ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou la nullité du contrat.

La promesse unilatérale

Art. 1124
La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.
La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis.
Le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l’existence est nul.

LES CONDITIONS DE VALIDITÉ DU CONTRAT

ÉNUMÉRATION DES CONDITIONS DE VALIDITÉ

Art. 1108
Quatre conditions sont essentielles pour la validité d’une convention :

  • Le consentement de la partie qui s’oblige ;
  • Sa capacité de contracter ;
  • Un objet certain qui forme la matière de l’engagement ;
  • Une cause licite dans l’obligation.

Art. 1128
Sont nécessaires à la validité d’un contrat :

« 1° Le consentement des parties ;
« 2° Leur capacité de contracter ;
« 3° Un contenu licite et certain.

 

Suppression légale

La cause

  • Le nouvel article 1128 du Code civil ne fait plus référence à la cause comme condition de validité du contrat
  • La cause réapparaît néanmoins sous la dénomination « contrepartie » aux articles 1169 et 1170

 

Consécration légale

La forme du contrat

Art. 1172
Les contrats sont par principe consensuels.
Par exception, la validité des contrats solennels est subordonnée à l’observation de formes déterminées par la loi à défaut de laquelle le contrat est nul, sauf possible régularisation.
En outre, la loi subordonne la formation de certains contrats à la remise d’une chose.

 Art. 1173
Les formes exigées aux fins de preuve ou d’opposabilité sont sans effet sur la validité des contrats.

 

LE CONTRAT CONCLU PAR VOIE ÉLECTRONIQUE

Art. 1108-1
Lorsqu’un écrit est exigé pour la validité d’un acte juridique, il peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1316-1 et 1316-4 et, lorsqu’un acte authentique est requis, au second alinéa de l’article 1317.
Lorsqu’est exigée une mention écrite de la main même de celui qui s’oblige, ce dernier peut l’apposer sous forme électronique si les conditions de cette apposition sont de nature à garantir qu’elle ne peut être effectuée que par lui-même.
Art. 1174
Lorsqu’un écrit est exigé pour la validité d’un contrat, il peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1366 et 1367 et, lorsqu’un acte authentique est requis, au deuxième alinéa de l’article 1369.
Lorsqu’est exigée une mention écrite de la main même de celui qui s’oblige, ce dernier peut l’apposer sous forme électronique si les conditions de cette apposition sont de nature à garantir qu’elle ne peut être effectuée que par lui-même.
Art. 1108-2
Il est fait exception aux dispositions de l’article 1108-1 pour :

1° Les actes sous seing privé relatifs au droit de la famille et des successions ;
2° Les actes sous seing privé relatifs à des sûretés personnelles ou réelles, de nature civile ou commerciale, sauf s’ils sont passés par une personne pour les besoins de sa profession.

Art. 1175
Il est fait exception aux dispositions de l’article précédent pour :

1° Les actes sous signature privée relatifs au droit de la famille et des successions ;
2° Les actes sous signature privée relatifs à des sûretés personnelles ou réelles, de nature civile ou commerciale, sauf s’ils sont passés par une personne pour les besoins de sa profession.

LE CONSENTEMENT

Art. 1109
Il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol.
Art. 1130
L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

L’ERREUR

Art. 1110
L’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet.
Elle n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention.

L’erreur sur les qualités essentielles de la prestation

Art. 1132
L’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.

Art. 1133
Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.
L’erreur est une cause de nullité qu’elle porte sur la prestation de l’une ou de l’autre partie.
L’acceptation d’un aléa sur une qualité de la prestation exclut l’erreur relative à cette qualité.

Art. 1134
L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n’est une cause de nullité que dans les contrats conclus en considération de la personne.

 

Consécrations légales

L’erreur sur les motifs

Art. 1135
L’erreur sur un simple motif, étranger aux qualités essentielles de la prestation due ou du cocontractant, n’est pas une cause de nullité, à moins que les parties n’en aient fait expressément un élément déterminant de leur consentement.
Néanmoins l’erreur sur le motif d’une libéralité, en l’absence duquel son auteur n’aurait pas disposé, est une cause de nullité.

L’erreur sur la valeur

Art. 1136
L’erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte, n’est pas une cause de nullité.

LA VIOLENCE

Art. 1111
La violence exercée contre celui qui a contracté l’obligation est une cause de nullité, encore qu’elle ait été exercée par un tiers autre que celui au profit duquel la convention a été faite.

Art. 1112
Il y a violence lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent.
On a égard, en cette matière, à l’âge, au sexe et à la condition des personnes.

Art. 1113
La violence est une cause de nullité du contrat, non seulement lorsqu’elle a été exercée sur la partie contractante, mais encore lorsqu’elle l’a été sur son époux ou sur son épouse, sur ses descendants ou ses ascendants.

Art. 1114
La seule crainte révérencielle envers le père, la mère, ou autre ascendant, sans qu’il y ait eu de violence exercée, ne suffit point pour annuler le contrat.

Caractères et sanction de la violence

Art. 1140
Il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable.

Art. 1141
La menace d’une voie de droit ne constitue pas une violence. Il en va autrement lorsque la voie de droit est détournée de son but ou lorsqu’elle est invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif.

Art. 1142
La violence est une cause de nullité qu’elle ait été exercée par une partie ou par un tiers.

Art. 1115
Un contrat ne peut plus être attaqué pour cause de violence, si, depuis que la violence a cessé, ce contrat a été approuvé soit expressément, soit tacitement, soit en laissant passer le temps de la restitution fixé par la loi.

Art. 1144
Le délai de l’action en nullité ne court, en cas d’erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts et, en cas de violence, que du jour où elle a cessé.

Art. 1182
La confirmation est l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l’objet de l’obligation et le vice affectant le contrat.
La confirmation ne peut intervenir qu’après la conclusion du contrat.
L’exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. En cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu’après que la violence a cessé.
La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers.

 

Consécration légale

La violence économique

Art. 1143
Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.

LE DOL

Art. 1116
Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.
Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Art. 1137
Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

Art. 1138
Le dol est également constitué s’il émane du représentant, gérant d’affaires, préposé ou porte-fort du contractant.
Il l’est encore lorsqu’il émane d’un tiers de connivence.

Art. 1139
L’erreur qui résulte d’un dol est toujours excusable ; elle est une cause de nullité alors même qu’elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat.

LA NULLITÉ

Art.1117
La convention contractée par erreur, violence ou dol, n’est point nulle de plein droit ; elle donne seulement lieu à une action en nullité ou en rescision, dans les cas et de la manière expliqués à la section VII du chapitre V du présent titre.
Art. 1178
Un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d’un commun accord.
Le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé.
Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.
Indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.

 

Consécration légale

Régime de la nullité

Art. 1179
La nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général.
Elle est relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé.

Art. 1180
La nullité absolue peut être demandée par toute personne justifiant d’un intérêt, ainsi que par le ministère public.
Elle ne peut être couverte par la confirmation du contrat.

Art. 1181
La nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger.
Elle peut être couverte par la confirmation.
Si l’action en nullité relative a plusieurs titulaires, la renonciation de l’un n’empêche pas les autres d’agir.

Art. 1182
La confirmation est l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l’objet de l’obligation et le vice affectant le contrat.
La confirmation ne peut intervenir qu’après la conclusion du contrat.
L’exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. En cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu’après que la violence a cessé.
La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers.

Art. 1183
Une partie peut demander par écrit à celle qui pourrait se prévaloir de la nullité soit de confirmer le contrat soit d’agir en nullité dans un délai de six mois à peine de forclusion. La cause de la nullité doit avoir cessé.
L’écrit mentionne expressément qu’à défaut d’action en nullité exercée avant l’expiration du délai de six mois, le contrat sera réputé confirmé.

Art. 1184
Lorsque la cause de nullité n’affecte qu’une ou plusieurs clauses du contrat, elle n’emporte nullité de l’acte tout entier que si cette ou ces clauses ont constitué un élément déterminant de l’engagement des parties ou de l’une d’elles.
Le contrat est maintenu lorsque la loi répute la clause non écrite, ou lorsque les fins de la règle méconnue exigent son maintien.

Art. 1185
L’exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n’a reçu aucune exécution.

LA LÉSION

Art. 1118
La lésion ne vicie les conventions que dans certains contrats ou à l’égard de certaines personnes, ainsi qu’il sera expliqué en la même section.
Art. 1168
Dans les contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une cause de nullité du contrat, à moins que la loi n’en dispose autrement.

Consécration légale

La caducité

Art. 1186
Un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît.
Lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie.
La caducité n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement.

Art. 1187
La caducité met fin au contrat.
Elle peut donner lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

LA PROMESSE DE PORTE-FORT ET LA STIPULATION POUR AUTRUI

Art. 1119
On ne peut, en général, s’engager, ni stipuler en son propre nom, que pour soi-même.
Art. 1203
On ne peut s’engager en son propre nom que pour soi-même.

La promesse de porte-fort

Art. 1120
Néanmoins, on peut se porter fort pour un tiers, en promettant le fait de celui-ci ; sauf l’indemnité contre celui qui s’est porté fort ou qui a promis de faire ratifier, si le tiers refuse de tenir l’engagement.
Art. 1204
On peut se porter fort en promettant le fait d’un tiers.
Le promettant est libéré de toute obligation si le tiers accomplit le fait promis. Dans le cas contraire, il peut être condamné à des dommages et intérêts.
Lorsque le porte-fort a pour objet la ratification d’un engagement, celui-ci est rétroactivement validé à la date à laquelle le porte-fort a été souscrit.

La stipulation pour autrui

Art. 1121
On peut pareillement stipuler au profit d’un tiers lorsque telle est la condition d’une stipulation que l’on fait pour soi-même ou d’une donation que l’on fait à un autre. Celui qui a fait cette stipulation ne peut plus la révoquer si le tiers a déclaré vouloir en profiter.

Art. 1122
On est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers et ayants cause, à moins que le contraire ne soit exprimé ou ne résulte de la nature de la convention.

Art. 1205
On peut stipuler pour autrui.
L’un des contractants, le stipulant, peut faire promettre à l’autre, le promettant, d’accomplir une prestation au profit d’un tiers, le bénéficiaire. Ce dernier peut être une personne future mais doit être précisément désigné ou pouvoir être déterminé lors de l’exécution de la promesse.

Art. 1206
Le bénéficiaire est investi d’un droit direct à la prestation contre le promettant dès la stipulation.
Néanmoins le stipulant peut librement révoquer la stipulation tant que le bénéficiaire ne l’a pas acceptée.
La stipulation devient irrévocable au moment où l’acceptation parvient au stipulant ou au promettant.

Art. 1207
La révocation ne peut émaner que du stipulant ou, après son décès, de ses héritiers. Ces derniers ne peuvent y procéder qu’à l’expiration d’un délai de trois mois à compter du jour où ils ont mis le bénéficiaire en demeure de l’accepter.
Si elle n’est pas assortie de la désignation d’un nouveau bénéficiaire, la révocation profite, selon le cas, au stipulant ou à ses héritiers.
La révocation produit effet dès lors que le tiers bénéficiaire ou le promettant en a eu connaissance.
Lorsqu’elle est faite par testament, elle prend effet au moment du décès.
Le tiers initialement désigné est censé n’avoir jamais bénéficié de la stipulation faite à son profit.

Art. 1208
L’acceptation peut émaner du bénéficiaire ou, après son décès, de ses héritiers. Elle peut être expresse ou tacite. Elle peut intervenir même après le décès du stipulant ou du promettant.

Art. 1209
Le stipulant peut lui-même exiger du promettant l’exécution de son engagement envers le bénéficiaire.

Consécrations légales

La durée du contrat

Art. 1210
Les engagements perpétuels sont prohibés.
Chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée.

Art. 1211
Lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable.

Art. 1212
Lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l’exécuter jusqu’à son terme.
Nul ne peut exiger le renouvellement du contrat.

Art. 1213
Le contrat peut être prorogé si les contractants en manifestent la volonté avant son expiration. La prorogation ne peut porter atteinte aux droits des tiers.

Art. 1214
Le contrat à durée déterminée peut être renouvelé par l’effet de la loi ou par l’accord des parties.
Le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée.

Art. 1215
Lorsqu’à l’expiration du terme d’un contrat conclu à durée déterminée, les contractants continuent d’en exécuter les obligations, il y a tacite reconduction. Celle-ci produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat.

La cession de contrat

Art. 1216
Un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l’accord de son cocontractant, le cédé.
Cet accord peut être donné par avance, notamment dans le contrat conclu entre les futurs cédant et cédé, auquel cas la cession produit effet à l’égard du cédé lorsque le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu’il en prend acte.
La cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité.

Art. 1216-1
Si le cédé y a expressément consenti, la cession de contrat libère le cédant pour l’avenir.
A défaut, et sauf clause contraire, le cédant est tenu solidairement à l’exécution du contrat.

Art. 1216-2
Le cessionnaire peut opposer au cédé les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l’exception d’inexécution, la résolution ou la compensation de dettes connexes. Il ne peut lui opposer les exceptions personnelles au cédant.
Le cédé peut opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu’il aurait pu opposer au cédant.

Art. 1216-3
Si le cédant n’est pas libéré par le cédé, les sûretés qui ont pu être consenties subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties par des tiers ne subsistent qu’avec leur accord.
Si le cédant est libéré, ses codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette.

LA CAPACITÉ

Le principe de capacité

Art. 1123
Toute personne peut contracter si elle n’en est pas déclarée incapable par la loi.
Art. 1145, al.1
Toute personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi.

 Consécration légale

La spécialité de la personne morale

Art. 1145, al.2
La capacité des personnes morales est limitée aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des règles applicables à chacune d’entre elles.

Les personnes incapables

Article 1124
Sont incapables de contracter, dans la mesure définie par la loi :

  • Les mineurs non émancipés ;
  • Les majeurs protégés au sens de l’article 488 du présent code.

Art. 1146
Sont incapables de contracter, dans la mesure définie par la loi :

  • 1° Les mineurs non émancipés ;
  • 2° Les majeurs protégés au sens de l’article 425.

Régime de l’incapacité

Art. 1125
Les personnes capables de s’engager ne peuvent opposer l’incapacité de ceux avec qui elles ont contracté.

Art. 1125-1
Sauf autorisation de justice, il est interdit, à peine de nullité, à quiconque exerce une fonction ou occupe un emploi dans un établissement hébergeant des personnes âgées ou dispensant des soins psychiatriques de se rendre acquéreur d’un bien ou cessionnaire d’un droit appartenant à une personne admise dans l’établissement, non plus que de prendre à bail le logement occupé par cette personne avant son admission dans l’établissement.
Pour l’application du présent article, sont réputées personnes interposées, le conjoint, les ascendants et les descendants des personnes auxquelles s’appliquent les interdictions ci-dessus édictées.

Art. 1147
L’incapacité de contracter est une cause de nullité relative.

Art. 1148
Toute personne incapable de contracter peut néanmoins accomplir seule les actes courants autorisés par la loi ou l’usage, pourvu qu’ils soient conclus à des conditions normales.

Art. 1149
Les actes courants accomplis par le mineur peuvent être annulés pour simple lésion. Toutefois, la nullité n’est pas encourue lorsque la lésion résulte d’un événement imprévisible.
La simple déclaration de majorité faite par le mineur ne fait pas obstacle à l’annulation.
Le mineur ne peut se soustraire aux engagements qu’il a pris dans l’exercice de sa profession.

Art. 1150
Les actes accomplis par les majeurs protégés sont régis par les articles 435,465 et 494-9 sans préjudice des articles 1148,1151 et 1352-4.

Art. 1151
Le contractant capable peut faire obstacle à l’action en nullité engagée contre lui en établissant que l’acte était utile à la personne protégée et exempt de lésion ou qu’il a profité à celle-ci.
Il peut aussi opposer à l’action en nullité la confirmation de l’acte par son cocontractant devenu ou redevenu capable.

Art. 1152
La prescription de l’action court :

1° A l’égard des actes faits par un mineur, du jour de la majorité ou de l’émancipation ;
2° A l’égard des actes faits par un majeur protégé, du jour où il en a eu connaissance alors qu’il était en situation de les refaire valablement ;
3° A l’égard des héritiers de la personne en tutelle ou en curatelle ou de la personne faisant l’objet d’une habilitation familiale, du jour du décès si elle n’a commencé à courir auparavant.

 

Consécration légale

La représentation

Art. 1153
Le représentant légal, judiciaire ou conventionnel n’est fondé à agir que dans la limite des pouvoirs qui lui ont été conférés.

Art. 1154
Lorsque le représentant agit dans la limite de ses pouvoirs au nom et pour le compte du représenté, celui-ci est seul tenu de l’engagement ainsi contracté.
Lorsque le représentant déclare agir pour le compte d’autrui mais contracte en son propre nom, il est seul engagé à l’égard du cocontractant.

Art. 1155
Lorsque le pouvoir du représentant est défini en termes généraux, il ne couvre que les actes conservatoires et d’administration.
Lorsque le pouvoir est spécialement déterminé, le représentant ne peut accomplir que les actes pour lesquels il est habilité et ceux qui en sont l’accessoire.

Art. 1156
L’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté.
Lorsqu’il ignorait que l’acte était accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs, le tiers contractant peut en invoquer la nullité.
L’inopposabilité comme la nullité de l’acte ne peuvent plus être invoquées dès lors que le représenté l’a ratifié.

Art. 1157
Lorsque le représentant détourne ses pouvoirs au détriment du représenté, ce dernier peut invoquer la nullité de l’acte accompli si le tiers avait connaissance du détournement ou ne pouvait l’ignorer.

Art. 1158
Le tiers qui doute de l’étendue du pouvoir du représentant conventionnel à l’occasion d’un acte qu’il s’apprête à conclure, peut demander par écrit au représenté de lui confirmer, dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, que le représentant est habilité à conclure cet acte.
L’écrit mentionne qu’à défaut de réponse dans ce délai, le représentant est réputé habilité à conclure cet acte.

Art. 1159
L’établissement d’une représentation légale ou judiciaire dessaisit pendant sa durée le représenté des pouvoirs transférés au représentant.
La représentation conventionnelle laisse au représenté l’exercice de ses droits.

Art. 1160
Les pouvoirs du représentant cessent s’il est atteint d’une incapacité ou frappé d’une interdiction.

Art. 1161
Un représentant ne peut agir pour le compte des deux parties au contrat ni contracter pour son propre compte avec le représenté.
En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ait autorisé ou ratifié.

L’OBJET DU CONTRAT

Art. 1126
Tout contrat a pour objet une chose qu’une partie s’oblige à donner, ou qu’une partie s’oblige à faire ou à ne pas faire.

Art. 1127
Le simple usage ou la simple possession d’une chose peut être, comme la chose même, l’objet du contrat.

Art. 1128
Il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet des conventions.

Art. 1129
Il faut que l’obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce.
La quotité de la chose peut être incertaine, pourvu qu’elle puisse être déterminée.

Art. 1130
Les choses futures peuvent être l’objet d’une obligation.
On ne peut cependant renoncer à une succession non ouverte, ni faire aucune stipulation sur une pareille succession, même avec le consentement de celui de la succession duquel il s’agit, que dans les conditions prévues par la loi.

Art. 1163
L’obligation a pour objet une prestation présente ou future.
Celle-ci doit être possible et déterminée ou déterminable.
La prestation est déterminable lorsqu’elle peut être déduite du contrat ou par référence aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu’un nouvel accord des parties soit nécessaire.

 

Précision Légale

L’ordre public et le contrat

Art. 1162
Le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties.

Consécrations légales

Indétermination et fixation unilatérale du prix dans les contrats cadre

Art. 1164
Dans les contrats cadre, il peut être convenu que le prix sera fixé unilatéralement par l’une des parties, à charge pour elle d’en motiver le montant en cas de contestation.
En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et le cas échéant la résolution du contrat.

Fixation unilatérale du prix dans les contrats de prestation de service

Art. 1165
Dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation. En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande en dommages et intérêts.

Indétermination de la qualité de la prestation et attentes légitimes

Art. 1166
Lorsque la qualité de la prestation n’est pas déterminée ou déterminable en vertu du contrat, le débiteur doit offrir une prestation de qualité conforme aux attentes légitimes des parties en considération de sa nature, des usages et du montant de la contrepartie.

Disparition de l’indice de fixation du prix

Art. 1167
Lorsque le prix ou tout autre élément du contrat doit être déterminé par référence à un indice qui n’existe pas ou a cessé d’exister ou d’être accessible, celui-ci est remplacé par l’indice qui s’en rapproche le plus.

LA CAUSE

Art. 1131
L’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.

Art. 1132
La convention n’est pas moins valable, quoique la cause n’en soit pas exprimée.

Art. 1133
La cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public.

Art. 1162
Le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties.

Art. 1169
Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire.

Art. 1170
Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite.

 

Consécration légale

La clause abusive dans les contrats d’adhésion civils

Art. 1171
Dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation.

LES EFFETS DES OBLIGATIONS

LA FORCE OBLIGATOIRE

Art. 1134, al. 1
Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Art. 1103
Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Art. 1134, al. 2
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Art. 1193
Les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise.

Art. 1134, al. 3
Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Art. 1104
Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d’ordre public.

Art. 1135
Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature.

Art. 1194
Les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi.

Consécration légale

La théorie de l’imprévision

Art. 1195
Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe.

L’OBLIGATION DE DONNER

La délivrance de la chose

Art. 1136
L’obligation de donner emporte celle de livrer la chose et de la conserver jusqu’à la livraison, à peine de dommages et intérêts envers le créancier.

Art. 1137
L’obligation de veiller à la conservation de la chose, soit que la convention n’ait pour objet que l’utilité de l’une des parties, soit qu’elle ait pour objet leur utilité commune, soumet celui qui en est chargé à y apporter tous les soins raisonnables.
Cette obligation est plus ou moins étendue relativement à certains contrats, dont les effets, à cet égard, sont expliqués sous les titres qui les concernent.

Art. 1197
L’obligation de délivrer la chose emporte obligation de la conserver jusqu’à la délivrance, en y apportant tous les soins d’une personne raisonnable

Le transfert de propriété et la charge des risques

Art. 1138
L’obligation de livrer la chose est parfaite par le seul consentement des parties contractantes.
Elle rend le créancier propriétaire et met la chose à ses risques dès l’instant où elle a dû être livrée, encore que la tradition n’en ait point été faite, à moins que le débiteur ne soit en demeure de la livrer ; auquel cas la chose reste aux risques de ce dernier.

Art. 1196
Dans les contrats ayant pour objet l’aliénation de la propriété ou la cession d’un autre droit, le transfert s’opère lors de la conclusion du contrat.
Ce transfert peut être différé par la volonté des parties, la nature des choses ou par l’effet de la loi.
Le transfert de propriété emporte transfert des risques de la chose. Toutefois le débiteur de l’obligation de délivrer en retrouve la charge à compter de sa mise en demeure, conformément à l’article 1344-2 et sous réserve des règles prévues à l’article 1351-1.

Art. 1344-2
La mise en demeure de délivrer une chose met les risques à la charge du débiteur, s’ils n’y sont déjà.

La mise en demeure du débiteur

Art. 1139
Le débiteur est constitué en demeure, soit par une sommation ou par autre acte équivalent, telle une lettre missive lorsqu’il ressort de ses termes une interpellation suffisante, soit par l’effet de la convention, lorsqu’elle porte que, sans qu’il soit besoin d’acte et par la seule échéance du terme, le débiteur sera en demeure.

Art. 1344
Le débiteur est mis en demeure de payer soit par une sommation ou un acte portant interpellation suffisante, soit, si le contrat le prévoit, par la seule exigibilité de l’obligation.

Consécration légale

La mise en demeure du créancier

Art. 1345
Lorsque le créancier, à l’échéance et sans motif légitime, refuse de recevoir le paiement qui lui est dû ou l’empêche par son fait, le débiteur peut le mettre en demeure d’en accepter ou d’en permettre l’exécution.
La mise en demeure du créancier arrête le cours des intérêts dus par le débiteur et met les risques de la chose à la charge du créancier, s’ils n’y sont déjà, sauf faute lourde ou dolosive du débiteur.
Elle n’interrompt pas la prescription.

 Art. 1345-1
Si l’obstruction n’a pas pris fin dans les deux mois de la mise en demeure, le débiteur peut, lorsque l’obligation porte sur une somme d’argent, la consigner à la Caisse des dépôts et consignations ou, lorsque l’obligation porte sur la livraison d’une chose, séquestrer celle-ci auprès d’un gardien professionnel.
Si le séquestre de la chose est impossible ou trop onéreux, le juge peut en autoriser la vente amiable ou aux enchères publiques. Déduction faite des frais de la vente, le prix en est consigné à la Caisse des dépôts et consignations.
La consignation ou le séquestre libère le débiteur à compter de leur notification au créancier.

Art. 1345-2
Lorsque l’obligation porte sur un autre objet, le débiteur est libéré si l’obstruction n’a pas cessé dans les deux mois de la mise en demeure.

Art. 1345-3
Les frais de la mise en demeure et de la consignation ou du séquestre sont à la charge du créancier.

La vente d’immeubles

Art. 1140
Les effets de l’obligation de donner ou de livrer un immeuble sont réglés au titre “De la vente” et au titre “Des privilèges et hypothèques”.

Sans équivalent

Conflit entre deux acquéreurs successifs d’un même meuble

Art. 1141
Si la chose qu’on s’est obligé de donner ou de livrer à deux personnes successivement est purement mobilière, celle des deux qui en a été mise en possession réelle est préférée et en demeure propriétaire, encore que son titre soit postérieur en date, pourvu toutefois que la possession soit de bonne foi.

Art. 1198
Lorsque deux acquéreurs successifs d’un même meuble corporel tiennent leur droit d’une même personne, celui qui a pris possession de ce meuble en premier est préféré, même si son droit est postérieur, à condition qu’il soit de bonne foi.
Lorsque deux acquéreurs successifs de droits portant sur un même immeuble tiennent leur droit d’une même personne, celui qui a, le premier, publié son titre d’acquisition passé en la forme authentique au fichier immobilier est préféré, même si son droit est postérieur, à condition qu’il soit de bonne foi.

L’OBLIGATION DE FAIRE OU DE NE PAS FAIRE

L’inexécution du contrat

Art. 1142
Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur.

Art. 1217
La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :

– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation
– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
– solliciter une réduction du prix ;
– provoquer la résolution du contrat ;
-demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.

Art. 1221
Le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier.

Art. 1222
Après mise en demeure, le créancier peut aussi, dans un délai et à un coût raisonnables, faire exécuter lui-même l’obligation ou, sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci. Il peut demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin.
Il peut aussi demander en justice que le débiteur avance les sommes nécessaires à cette exécution ou à cette destruction.

Les modalités de l’exécution forcée en nature

Art. 1143
Néanmoins, le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l’engagement soit détruit ; et il peut se faire autoriser à le détruire aux dépens du débiteur, sans préjudice des dommages et intérêts s’il y a lieu.

Art. 1144
Le créancier peut aussi, en cas d’inexécution, être autorisé à faire exécuter lui-même l’obligation aux dépens du débiteur. Celui-ci peut être condamné à faire l’avance des sommes nécessaires à cette exécution.

Art. 1222
Après mise en demeure, le créancier peut aussi, dans un délai et à un coût raisonnables, faire exécuter lui-même l’obligation ou, sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci. Il peut demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin.
Il peut aussi demander en justice que le débiteur avance les sommes nécessaires à cette exécution ou à cette destruction.

Art. 1145
Si l’obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages et intérêts par le seul fait de la contravention.

Sans équivalent

Les dommages et intérêts

Art. 1146
Les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation, excepté néanmoins lorsque la chose que le débiteur s’était obligé de donner ou de faire ne pouvait être donnée ou faite que dans un certain temps qu’il a laissé passer. La mise en demeure peut résulter d’une lettre missive, s’il en ressort une interpellation suffisante.

Art. 1231
A moins que l’inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s’exécuter dans un délai raisonnable.

Art. 1147
Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Art. 1217
La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :

– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation
– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
– solliciter une réduction du prix ;
– provoquer la résolution du contrat ;
-demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.

Art. 1231-1
Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

La force majeure

Art. 1148
Il n’y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d’une force majeure ou d’un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit.

Art. 1218
Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1.

Art. 1351
L’impossibilité d’exécuter la prestation libère le débiteur à due concurrence lorsqu’elle procède d’un cas de force majeure et qu’elle est définitive, à moins qu’il n’ait convenu de s’en charger ou qu’il ait été préalablement mis en demeure.

La réparation du préjudice

Art. 1149
Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.

Art. 1231-2
Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.

La faute lourde

Art. 1150
Le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n’est point par son dol que l’obligation n’est point exécutée.

Art. 1231-3
Le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l’inexécution est due à une faute lourde ou dolosive.

Art. 1151
Dans le cas même où l’inexécution de la convention résulte du dol du débiteur, les dommages et intérêts ne doivent comprendre à l’égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution de la convention.

Art. 1231-4
Dans le cas même où l’inexécution du contrat résulte d’une faute lourde ou dolosive, les dommages et intérêts ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution.

La clause pénale

Art. 1152
Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.


Art. 1226
La clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l’exécution d’une convention, s’engage à quelque chose en cas d’inexécution.

Article 1227
La nullité de l’obligation principale entraîne celle de la clause pénale.
La nullité de celle-ci n’entraîne point celle de l’obligation principale.

Article 1228
Le créancier, au lieu de demander la peine stipulée contre le débiteur qui est en demeure, peut poursuivre l’exécution de l’obligation principale.

Article 1229
La clause pénale est la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l’inexécution de l’obligation principale.
Il ne peut demander en même temps le principal et la peine, à moins qu’elle n’ait été stipulée pour le simple retard.

Article 1230
Soit que l’obligation primitive contienne, soit qu’elle ne contienne pas un terme dans lequel elle doive être accomplie, la peine n’est encourue que lorsque celui qui s’est obligé soit à livrer, soit à prendre, soit à faire, est en demeure.

Article 1231
Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la peine convenue peut, même d’office, être diminuée par le juge à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’article 1152. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

Article 1232
Lorsque l’obligation primitive contractée avec une clause pénale est d’une chose indivisible, la peine est encourue par la contravention d’un seul des héritiers du débiteur, et elle peut être demandée, soit en totalité contre celui qui a fait la contravention, soit contre chacun des cohéritiers pour leur part et portion, et hypothécairement pour le tout, sauf leur recours contre celui qui a fait encourir la peine.

Article 1233
Lorsque l’obligation primitive contractée sous une peine est divisible, la peine n’est encourue que par celui des héritiers du débiteur qui contrevient à cette obligation, et pour la part seulement dont il était tenu dans l’obligation principale, sans qu’il y ait d’action contre ceux qui l’ont exécutée.
Cette règle reçoit exception lorsque la clause pénale ayant été ajoutée dans l’intention que le paiement ne pût se faire partiellement, un cohéritier a empêché l’exécution de l’obligation pour la totalité. En ce cas, la peine entière peut être exigée contre lui, et contre les autres cohéritiers pour leur portion seulement, sauf leur recours.

Art. 1231-5
Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.

Le taux d’intérêt légal

Art. 1153
Dans les obligations qui se bornent au paiement d’une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l’exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte.
Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d’un autre acte équivalent telle une lettre missive s’il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.

Art. 1231-6
Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.

Art. 1344-1
La mise en demeure de payer une obligation de somme d’argent fait courir l’intérêt moratoire, au taux légal, sans que le créancier soit tenu de justifier d’un préjudice.

Article 1153-1
En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n’en décide autrement.
En cas de confirmation pure et simple par le juge d’appel d’une décision allouant une indemnité en réparation d’un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l’indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d’appel. Le juge d’appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.

Art. 1231-7
En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n’en décide autrement.
En cas de confirmation pure et simple par le juge d’appel d’une décision allouant une indemnité en réparation d’un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l’indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d’appel. Le juge d’appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.

L’anatocisme ou la capitalisation des intérêts échus des capitaux

Art. 1154
Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière.

Art. 1343-2
Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise.

Art. 1155
Néanmoins, les revenus échus, tels que fermages, loyers, arrérages de rentes perpétuelles ou viagères, produisent intérêt du jour de la demande ou de la convention.
La même règle s’applique aux restitutions de fruits, et aux intérêts payés par un tiers aux créanciers en acquit du débiteur.

Sans équivalent

L’INTERPRÉTATION DU CONTRAT

Art. 1156
On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes.

Art. 1188
Le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes.
Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.

Art. 1192
On ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation.

Art. 1157
Lorsqu’une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l’entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n’en pourrait produire aucun.

Art. 1191
Lorsqu’une clause est susceptible de deux sens, celui qui lui confère un effet l’emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun.

Art. 1158
Les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat.

Sans équivalent

Art. 1159
Ce qui est ambigu s’interprète par ce qui est d’usage dans le pays où le contrat est passé.

Art. 1160
On doit suppléer dans le contrat les clauses qui y sont d’usage, quoiqu’elles n’y soient pas exprimées.

Art. 1161
Toutes les clauses des conventions s’interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l’acte entier.

Art. 1189
Toutes les clauses d’un contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l’acte tout entier.
Lorsque, dans l’intention commune des parties, plusieurs contrats concourent à une même opération, ils s’interprètent en fonction de celle-ci.

Art. 1162
Dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation.

Art. 1190
Dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d’adhésion contre celui qui l’a proposé

Art. 1163
Quelque généraux que soient les termes dans lesquels une convention est conçue, elle ne comprend que les choses sur lesquelles il paraît que les parties se sont proposé de contracter.

Sans équivalent

Art. 1164
Lorsque dans un contrat on a exprimé un cas pour l’explication de l’obligation, on n’est pas censé avoir voulu par là restreindre l’étendue que l’engagement reçoit de droit aux cas non exprimés.

L’EFFET DES CONVENTIONS À L’ÉGARD DES TIERS

Art. 1165
Les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121.

 

Effet relatif

Art. 1199
Le contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties.
Les tiers ne peuvent ni demander l’exécution du contrat ni se voir contraints de l’exécuter, sous réserve des dispositions de la présente section et de celles du chapitre III du titre IV.

Opposabilité aux tiers

Art. 1200
Les tiers doivent respecter la situation juridique créée par le contrat.
Ils peuvent s’en prévaloir notamment pour apporter la preuve d’un fait.

L’action oblique

Art. 1166
Néanmoins, les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne.

Art. 1341-1
Lorsque la carence du débiteur dans l’exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier, celui-ci peut les exercer pour le compte de son débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement rattachés à sa personne.

L’action paulienne

Art. 1167
Ils peuvent aussi, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits.
Ils doivent néanmoins, quant à leurs droits énoncés au titre “Des successions” et au titre “Du contrat de mariage et des régimes matrimoniaux”, se conformer aux règles qui y sont prescrites.

Art. 1341-2
Le créancier peut aussi agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits, à charge d’établir, s’il s’agit d’un acte à titre onéreux, que le tiers cocontractant avait connaissance de la fraude.

Consécration légale

L’action directe en paiement

Art. 1341-3
Dans les cas déterminés par la loi, le créancier peut agir directement en paiement de sa créance contre un débiteur de son débiteur.

Art. 1168 à 1182 : Voir Table de concordance – Régime général des obligations

LA RÉSOLUTION DU CONTRAT

Art. 1183
La condition résolutoire est celle qui, lorsqu’elle s’accomplit, opère la révocation de l’obligation, et qui remet les choses au même état que si l’obligation n’avait pas existé.
Elle ne suspend point l’exécution de l’obligation ; elle oblige seulement le créancier à restituer ce qu’il a reçu, dans le cas où l’événement prévu par la condition arrive.
Art. 1304
L’obligation est conditionnelle lorsqu’elle dépend d’un événement futur et incertain.
La condition est suspensive lorsque son accomplissement rend l’obligation pure et simple.
Elle est résolutoire lorsque son accomplissement entraîne l’anéantissement de l’obligation.Art. 1304-7
L’accomplissement de la condition résolutoire éteint rétroactivement l’obligation, sans remettre en cause, le cas échéant, les actes conservatoires et d’administration.
La rétroactivité n’a pas lieu si telle est la convention des parties ou si les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat.
Art. 1184
La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
Art. 1217
La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :

  • refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
  • poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
  • solliciter une réduction du prix ;
  • provoquer la résolution du contrat ;
  • demander réparation des conséquences de l’inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.

La clause résolutoire

Art. 1224
La résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.

Art. 1225
La clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat.
La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.

La résolution judiciaire

Art. 1227
La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice.

Art. 1228
Le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

Consécration légale

La résolution unilatérale

Art. 1226
Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution.

Régime de la résolution

Art. 1229
La résolution met fin au contrat.
La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l’assignation en justice.
Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.
Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

Art. 1230
La résolution n’affecte ni les clauses relatives au règlement des différends, ni celles destinées à produire effet même en cas de résolution, telles les clauses de confidentialité et de non-concurrence.

L’exception d’inexécution

Art. 1219
Une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

 Art. 1220
Une partie peut suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais.

Art. 1185 à 1303 : Voir Table de concordance – Régime général des obligations

L’ACTION EN NULLITÉ ET EN RESCISION

L’ACTION EN NULLITÉ

Art. 1304
Dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.
Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.
Le temps ne court, à l’égard des actes faits par un mineur, que du jour de la majorité ou de l’émancipation ; et à l’égard des actes faits par un majeur protégé, que du jour où il en a eu connaissance, alors qu’il était en situation de les refaire valablement. Il ne court contre les héritiers de la personne en tutelle ou en curatelle ou de la personne faisant l’objet d’une habilitation familiale que du jour du décès, s’il n’a commencé à courir auparavant.

Art. 1144
Le délai de l’action en nullité ne court, en cas d’erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts et, en cas de violence, que du jour où elle a cessé.

Art. 1152
La prescription de l’action court :

1° A l’égard des actes faits par un mineur, du jour de la majorité ou de l’émancipation
2° A l’égard des actes faits par un majeur protégé, du jour où il en a eu connaissance alors qu’il était en situation de les refaire valablement ;
3° A l’égard des héritiers de la personne en tutelle ou en curatelle ou de la personne faisant l’objet d’une habilitation familiale, du jour du décès si elle n’a commencé à courir auparavant.

Article 2224
Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

L’ACTION EN RESCISION

Art. 1305
La simple lésion donne lieu à la rescision en faveur du mineur non émancipé, contre toutes sortes de conventions.
Art. 1149
Les actes courants accomplis par le mineur peuvent être annulés pour simple lésion. Toutefois, la nullité n’est pas encourue lorsque la lésion résulte d’un événement imprévisible.
La simple déclaration de majorité faite par le mineur ne fait pas obstacle à l’annulation.
Le mineur ne peut se soustraire aux engagements qu’il a pris dans l’exercice de sa profession.
Art. 1306
Le mineur n’est pas restituable pour cause de lésion, lorsqu’elle ne résulte que d’un événement casuel et imprévu.
Art. 1307
La simple déclaration de majorité, faite par le mineur, ne fait point obstacle à sa restitution.
Art. 1308
Le mineur qui exerce une profession n’est point restituable contre les engagements qu’il a pris dans l’exercice de celle-ci.

Art. 1309
Le mineur n’est point restituable contre les conventions portées en son contrat de mariage, lorsqu’elles ont été faites avec le consentement et l’assistance de ceux dont le consentement est requis pour la validité de son mariage.

Sans équivalent

Art. 1310
Il n’est point restituable contre les obligations résultant de son délit ou quasi-délit.

Art. 1311
Il n’est plus recevable à revenir contre l’engagement qu’il avait souscrit en minorité, lorsqu’il l’a ratifié en majorité, soit que cet engagement fût nul en sa forme, soit qu’il fût seulement sujet à restitution.

Art. 1151
Le contractant capable peut faire obstacle à l’action en nullité engagée contre lui en établissant que l’acte était utile à la personne protégée et exempt de lésion ou qu’il a profité à celle-ci.
Il peut aussi opposer à l’action en nullité la confirmation de l’acte par son cocontractant devenu ou redevenu capable.

Art. 1312
Lorsque les mineurs ou les majeurs en tutelle sont admis, en ces qualités, à se faire restituer contre leurs engagements, le remboursement de ce qui aurait été, en conséquence de ces engagements, payé pendant la minorité ou la tutelle des majeurs, ne peut en être exigé, à moins qu’il ne soit prouvé que ce qui a été payé a tourné à leur profit.

Art. 1151
Le contractant capable peut faire obstacle à l’action en nullité engagée contre lui en établissant que l’acte était utile à la personne protégée et exempt de lésion ou qu’il a profité à celle-ci.
Il peut aussi opposer à l’action en nullité la confirmation de l’acte par son cocontractant devenu ou redevenu capable.

Art. 1352-4
Les restitutions dues à un mineur non émancipé ou à un majeur protégé sont réduites à proportion du profit qu’il a retiré de l’acte annulé.

Art. 1313
Les majeurs ne sont restitués pour cause de lésion que dans les cas et sous les conditions spécialement exprimés dans le présent code.

Art. 1150
Les actes accomplis par les majeurs protégés sont régis par les articles 435,465 et 494-9 sans préjudice des articles 1148,1151 et 1352-4.

Art. 1314
Lorsque les formalités requises à l’égard des mineurs ou des majeurs en tutelle, soit pour aliénation d’immeubles, soit dans un partage de succession, ont été remplies, ils sont, relativement à ces actes, considérés comme s’ils les avaient faits en majorité ou avant la tutelle des majeurs.

Sans équivalent

Consécration légale

Les restitutions

Art. 1352
La restitution d’une chose autre que d’une somme d’argent a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution.

Art. 1352-1
Celui qui restitue la chose répond des dégradations et détériorations qui en ont diminué la valeur, à moins qu’il ne soit de bonne foi et que celles-ci ne soient pas dues à sa faute.

Art. 1352-2
Celui qui l’ayant reçue de bonne foi a vendu la chose ne doit restituer que le prix de la vente.
S’il l’a reçue de mauvaise foi, il en doit la valeur au jour de la restitution lorsqu’elle est supérieure au prix.

Art. 1352-3
La restitution inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procurée.
La valeur de la jouissance est évaluée par le juge au jour où il se prononce.
Sauf stipulation contraire, la restitution des fruits, s’ils ne se retrouvent pas en nature, a lieu selon une valeur estimée à la date du remboursement, suivant l’état de la chose au jour du paiement de l’obligation.

Art. 1352-4
Les restitutions dues à un mineur non émancipé ou à un majeur protégé sont réduites à proportion du profit qu’il a retiré de l’acte annulé.

Art. 1352-5
Pour fixer le montant des restitutions, il est tenu compte à celui qui doit restituer des dépenses nécessaires à la conservation de la chose et de celles qui en ont augmenté la valeur, dans la limite de la plus-value estimée au jour de la restitution.

Art. 1352-6
La restitution d’une somme d’argent inclut les intérêts au taux légal et les taxes acquittées entre les mains de celui qui l’a reçue.

 Art. 1352-7
Celui qui a reçu de mauvaise foi doit les intérêts, les fruits qu’il a perçus ou la valeur de la jouissance à compter du paiement. Celui qui a reçu de bonne foi ne les doit qu’à compter du jour de la demande.

Art. 1352-8
La restitution d’une prestation de service a lieu en valeur. Celle-ci est appréciée à la date à laquelle elle a été fournie.

Art. 1352-9
Les sûretés constituées pour le paiement de l’obligation sont reportées de plein droit sur l’obligation de restituer sans toutefois que la caution soit privée du bénéfice du terme.

Le billet à ordre

I) Définition

Le billet à ordre peut se définir comme le titre qui constate l’engagement d’une personne, le souscripteur, de payer à une autre personne, le bénéficiaire, une somme d’argent déterminée, à une échéance déterminée.

Contrairement à la configuration dans laquelle on se trouve en matière de lettre de change, le billet à ordre met aux prises non pas trois personnes, mais deux.

Il en résulte deux conséquences immédiates :

  • Le débiteur désigné sur le titre est tout à la fois le tireur et le tiré de l’effet.
    • A la différence de la lettre de change, ce n’est donc pas le créancier qui est à l’origine de l’émission du titre, mais bien le débiteur
    • Le créancier n’adresse aucun ordre au débiteur de payer une tierce personne lorsque le titre lui sera présenté au paiement. C’est le débiteur lui-même qui, de sa propre initiative, s’engage à payer le bénéficiaire de l’effet à une échéance déterminée.
  • Le débiteur désigné sur le billet à ordre n’a pas vocation à accepter l’effet, dans la mesure où il est précisément à l’origine de son émission. C’est lui le souscripteur initial, de sorte que par l’apposition de sa seule signature sur l’effet, il est d’ores et déjà engagé cambiairement à l’égard du bénéficiaire.
    • L’article L. 512-6 du Code de commerce prévoit en ce sens que « le souscripteur d’un billet à ordre est obligé de la même manière que l’accepteur d’une lettre de change»

Lettre de change

Schéma 1.JPG

Billet à ordre

Schéma 2

En un mot, le billet à ordre constitue une promesse de paiement. Il ne s’agit cependant pas d’une simple promesse.

La promesse par laquelle s’engage le souscripteur à l’égard du bénéficiaire de l’effet, tire sa force obligatoire, non pas de la rencontre des volontés, mais du titre lui-même.

Aussi, le billet à ordre se range-t-il dans la catégorie des effets de commerce.

Partant, l’obligation née de l’engagement du souscripteur de l’effet présente toutes les caractéristiques de l’obligation cambiaire :

  • Solidarité du souscripteur avec tous les signataires du billet à ordre
  • Possibilité pour le porteur de l’effet de diligenter une procédure d’injonction de payer contre le souscripteur sur le fondement de l’article 1405, al. 2 du Code de procédure civile
  • Dispense d’autorisation judiciaire quant à l’accomplissement de mesures conservatoires (article L. 511-2 du Code de l’exécution forcée)
  • Exclusion de l’octroi de délais de grâce
  • Compétence des juridictions consulaires
  • Purge des exceptions: le souscripteur ne sera pas fondé à opposer au porteur de bonne foi les exceptions tirées de son rapport personnel avec le bénéficiaire initial
  • Indépendance des signatures des signataires du billet à ordre

Règles applicables

Le corpus normatif du billet à ordre ressemble trait pour trait au régime juridique de la lettre de change.

Et pour cause, afin de régir le billet à ordre, le législateur a procédé, pour l’essentiel, par renvoi aux règles applicables à la lettre de change.

Ainsi, sont applicables au billet à ordre les règles de la lettre de change relatives :

  • à l’ordre de l’effet
  • à la capacité des signataires de la traite
  • à l’endossement
  • au défaut d’indication du lieu du paiement
  • aux différentes modalités de l’échéance
  • aux actions récursoires dont jouissent les signataires actionnés en paiement
  • aux causes et aux effets de la déchéance dont est susceptibles d’être frappé le porteur de l’effet
  • aux modalités d’établissement du protêt faute de paiement
  • au paiement par intervention
  • à la création d’une copie de la traite
  • aux délais de grâces conventionnels et judiciaires
  • à l’aval
  • à la publicité et à la prorogation des délais de protêts

En revanche, ne sont pas applicables au billet à ordre toutes les règles relatives :

  • à la provision
    • dans la lettre de change, la provision consiste en la créance que détient le tireur contre le tiré
    • or dans la configuration du billet à ordre, le souscripteur cumule sur sa seule tête ces deux fonctions
    • Il en résulte que la provision n’a pas de raison d’être dans le billet à ordre, bien que la jurisprudence de la Cour de cassation invite à penser le contraire (V. en ce sens 5 mars 1991, Bull. civ. IV, no 95)
  • à l’acceptation
    • l’acceptation n’existe pas en matière de billet à ordre dans la mesure où c’est le débiteur qui émet l’effet.
    • Aussi, l’émission du billet à ordre est-elle nécessairement assortie de l’apposition par le souscripteur de sa signataire
    • Il en résulte, en vertu de l’article 512-6 du Code de commerce que « le souscripteur d’un billet à ordre est obligé de la même manière que l’accepteur d’une lettre de change»

II) La création du billet à ordre

A) Conditions de fond

Le billet à ordre est un acte juridique.

À ce titre, sa validité est subordonnée au respect des mêmes principes qui conditionnent la validité de n’importe quel acte juridique (capacité, cause, consentement).

Les articles L. 512-3 et L. 512-4 du Code de commerce renvoient, par ailleurs, aux dispositions régissant les conditions de fond de la lettre de change.

Focus sur la condition de cause

Il est une question que l’on est légitimement en droit de se poser s’agissant de la validité du billet à ordre : l’existence d’un rapport fondamental entre le souscripteur et le bénéficiaire est-elle nécessaire pour que le billet à ordre produise ses effets entre les parties ?

Autrement dit, l’émission du billet à ordre doit-elle être causée ?

Si l’on se place du point de vue du droit allemand, le billet à ordre est regardé comme un titre abstrait.

Il en résulte qu’il n’est pas nécessaire, pour que l’effet soit valide, qu’un rapport fondamental lie le souscripteur au bénéficiaire.

Qu’en est-il en droit français ?

Pour la Cour de cassation, la validité du billet à ordre est subordonnée à l’existence d’un rapport fondamental.

Autrement dit, le souscripteur du billet à ordre doit être, préalablement à la création de l’effet, le débiteur du bénéficiaire.

Dans le cas contraire, voire dans l’hypothèse où l’émission du billet à ordre repose sur une cause illicite, il est dépourvu de tout effet.

Il en résulte que le souscripteur d’un billet à ordre est fondé à opposer au bénéficiaire l’extinction de la dette en règlement de laquelle l’effet a été émis (Cass. com., 12 oct. 1966 : Bull. civ. III, n° 392).

B) Conditions de forme

  • Exigence d’un écrit
    • Le billet à ordre suppose l’établissement d’un écrit, peu importe qu’il s’agisse d’un acte authentique ou d’un acte sous seing privé
  • Mentions obligatoires
    • Aux termes de l’article L. 512-1 du Code de commerce, le billet à ordre doit contenir un certain nombre de mentions :
      • La clause à ordre ou la dénomination du titre
        • Cette clause doit être insérée dans le texte même et exprimée dans la langue employée pour la rédaction de ce titre.
          • « Payer à l’ordre de »
  • La promesse pure et simple de payer une somme déterminée
    • Le billet à ordre doit contenir un engagement de payer et non une simple invitation à payer
      • Cet engagement ne doit pas être conditionnel
      • Il doit porter sur une somme d’argent déterminée
  • L’indication de l’échéance
    • Sur ce point, les règles applicables à la lettre de change sont valables pour le billet à ordre
    • Il en résulte que l’échéance du billet à ordre peut être
      • à vue
      • à un certain délai de vue
      • à jour fixe
  • Le billet à ordre dont l’échéance n’est pas indiquée est considéré comme payable à vue
  • L’indication du lieu où le paiement doit s’effectuer
  • Le nom de celui auquel ou à l’ordre duquel le paiement doit être effectué
  • L’indication de la date et du lieu où le billet est souscrit
  • La signature de celui qui émet le titre, soit du premier souscripteur
    • Le billet peut être souscrit par plusieurs personnes qui sont alors obligées solidairement, même dans l’hypothèse où le billet constaterait une créance civile

Quid de la sanction en cas d’omission d’une mention obligatoire ?

La loi supplée l’omission d’une mention obligatoire dans trois cas.

Ainsi, aux termes de l’article L. 512-1, II, III et IV :

  • « Le billet à ordre dont l’échéance n’est pas indiquée est considéré comme payable à vue.
  • À défaut d’indication spéciale, le lieu de création du titre est réputé être le lieu de paiement et, en même temps, le lieu du domicile du souscripteur.
  • Le billet à ordre n’indiquant pas le lieu de sa création est considéré comme souscrit dans le lieu désigné à côté du nom du souscripteur».

En dehors de ces trois hypothèses, conformément à l’article L. 512-2 du Code de commerce, « le titre dans lequel une des énonciations indiquées au I de l’article L. 512-1 fait défaut ne vaut pas comme billet à ordre ».

L’arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 3 avril 1984 en est une parfaite illustration.

FICHE D’ARRÊT

Com. 3 avril 1984, Bull. civ. IV, no 124

Faits :

  • La société Confestion du Quercy est porteuse de 3 billets à ordre souscrits par la Société Charles Philippe
  • Ces billets à ordres ont été avalisés par les époux Jean Lefort
  • Survenance d’un défaut de paiement du souscripteur des billets à ordre

Demande :

  • Assignation en paiement des avaliseurs du billet à ordre qui se défendent en soutenant que deux des trois billets à ordre souscrits n’étaient pas valables en raison du défaut de date de création de l’effet.

Procédure :

  • Dispositif de la décision rendue au fond:

Par un arrêt du 3 mars 1983, la Cour d’appel de Rouen fait droit à la demande du porteur des trois billets à ordre litigieux. Elle condamne en conséquence les avalistes en paiement

  • Motivation des juges du fond:

Les juges du fond estiment que tout porte à croire que les billets à ordre dont la validité est contestée ont été souscrits le même jour de sorte que la date qui fait défaut sur les deux billets à ordre litigieux se déduit du premier

Aussi, pour la Cour d’appel, dès lors que le billet à ordre comporte les autres mentions obligatoires, il demeure valide

Problème de droit :

La question qui se posait portait sur la validité d’un billet à ordre dont la mention relative à date de création du titre fait défaut

Solution de la Cour de cassation :

Dispositif de l’arrêt:

  • La Cour de cassation casse et annule la décision rendue par la Cour d’appel
    • Visa : articles 183 et 184 qui posent les conditions de validité du billet à ordre ainsi que la sanction de leur non-respect
    • Cas d’ouverture : la violation de la loi

Sens de l’arrêt:

  • Dans cet arrêt, la Cour de cassation se livre, manifestement, à une interprétation pour le moins stricte des dispositions du Code de commerce.
  • Elle considère, en effet, qu’un billet non daté, alors même qu’il renferme toutes les autres mentions exigées par la loi, ne vaut pas comme billet à ordre.

Valeur de la décision :

La solution rendue dans cette affaire par la Cour de cassation ne peut être qu’approuvée.

Le billet à ordre constitue un effet de commerce. Il s’ensuit que les engagements pris par les signataires reposent sur le titre lui-même, soit uniquement sur ce qui est apparent.

Admettre que le billet à ordre soit valable nonobstant l’omission d’une mention obligatoire aurait pour conséquence de considérablement porter atteinte à la sécurité juridique que les porteurs de l’effet sont légitimement en droit d’attendre lors de son acquisition.

En effet, lorsqu’ils acquièrent l’effet, les porteurs se déterminent en ayant pour seul moyen de s’assurer de la fiabilité de l’engagement du débiteur que le titre lui-même. D’où l’importance des mentions obligatoires.

En conséquence, la décision rendue par la Cour de cassation apparaît parfaitement justifiée.

Plus spécifiquement, la question se pose de la justification de l’exigence de la mention relative à la date de création du titre. Pourquoi s’agit-il d’une mention exigée à peine de nullité de l’effet ?

De toute évidence, le porteur n’accordera pas la même confiance au titre selon qu’il a été souscrit quelques mois auparavant ou selon qu’il a été souscrit il y a 10 ans.

Entre temps, le souscripteur a, en effet, pu faire l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ou être décédé.

Ainsi, en cas de date de souscription lointaine, le porteur prend un risque en acquérant le titre. D’où la nécessité qu’il ait connaissance de sa date de création, afin qu’il acquiert l’effet en toute connaissance de cause.

Pour résumer, lorsque la date de création du titre fait défaut, il ne vaut pas comme billet à ordre. Il vaudra comme simple promesse de paiement (V. en ce sens CA Paris, 30 Sept. 1986 : D. 1987, somm. p. 70, obs. Cabrillac)

III) La transmission du billet à ordre

A) La transmission par endossement du billet à ordre

Aux termes de l’article L. 512-3 du Code de commerce, les dispositions relatives à l’endossement de la lettre de change sont applicables au billet à ordre.

On peut en déduire deux conséquences

  • Le billet à ordre est transmissible par endossement
    • A défaut, le transfert ne produira les effets que d’une simple cession, de sorte que le souscripteur sera fondé à opposer au cessionnaire les exceptions issus de son rapport personnel avec le bénéficiaire initial (V. en ce sens com., 15 mars 1976: Bull. civ. IV, n° 97)
  • Le billet à ordre peut faire l’objet des mêmes formes d’endossement que la lettre de change, à savoir :
    • l’endossement translatif
    • l’endossement pignoratif
    • l’endossement à titre de procuration

B) Les effets de la transmission du billet à ordre

Traditionnellement, on enseigne que l’endossement d’un billet à ordre produit deux effets principaux :

  • L’inopposabilité des exceptions
  • Le transfert de la créance détenu par le bénéficiaire contre le souscripteur
  1. L’inopposabilité des exceptions

==> Principe

Lors de l’émission du billet à ordre, le souscripteur appose sa signature sur le titre, ce qui produit les mêmes effets qu’une acceptation, soit, notamment, la naissance d’un engagement cambiaire au bénéfice du porteur.

Il en résulte une purge des exceptions lors de la transmission du billet à ordre, sauf si le porteur agit sciemment au détriment du débiteur (Cass. com., 20 févr. 1990).

Autrement dit, le souscripteur ne sera pas fondé à opposer au porteur, les exceptions tirées de son rapport personnel avec le bénéficiaire initial.

Une fois transmis, le billet à ordre devient un titre abstrait, de sorte que les causes de nullité qui affecteraient le rapport fondamental sont sans effet sur la validité du titre lui-même

==> Limites

Comme en matière de lettre de change, le signataire actionné en paiement peut opposer des exceptions au porteur dans quatre cas :

  • Les exceptions tirées d’un vice apparent du titre
  • L’incapacité du signataire
  • L’absence de consentement du signataire
  • Les exceptions tirées du rapport personnel entre le signataire et le porteur

2. Le transfert de la créance détenu par le bénéficiaire contre le souscripteur

Le billet à ordre se distingue de la lettre de change, notamment en raison de l’absence de provision.

En effet, dans la lettre de change, la provision consiste en la créance que détient le tireur contre le tiré.

Or dans la configuration du billet à ordre, le souscripteur cumule sur sa seule tête ces deux fonctions.

D’où l’absence de provision en matière de billet à ordre.

Quid du sort de la créance détenu contre le souscripteur lors de la transmission du billet à ordre ?

Pour mémoire, en matière de lettre de change, conformément à l’article L. 511-7, al. 1 du Code de commerce, « la propriété de la provision est transmise de droit au porteurs successifs de la lettre de change ».

Ce transfert intervient dès la remise de la traite, soit avant l’échéance de l’effet.

Toutefois, jusqu’à ladite échéance, le tireur est libre de disposer de la créance qu’il détient contre le tiré tant que ce dernier n’a pas accepté à la traite.

Il s’ensuit que le porteur n’est titulaire que d’un droit très précaire sur la provision, en ce sens qu’il est susceptible de se retrouver en concours avec d’autres créanciers quant à la titularité de la créance de provision.

Il en va ainsi dans plusieurs hypothèses :

  • Le tiré ou le tireur font l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire
  • Le tireur a mobilisé une seconde fois la créance de provision auprès d’un tiers
  • La provision fait l’objet d’une saisie
  • La provision fait l’objet d’une action en revendication par le vendeur de meubles actionnant une clause de réserve de propriété

De toute évidence, ces situations ne sont pas seulement le lot du porteur d’une lettre de change. Le porteur d’un billet à ordre est également susceptible d’y être confronté.

Deux questions alors se posent :

  • La remise du billet au porteur à ordre opère-t-elle, comme en matière de lettre de change, transfert de la créance que détient le bénéficiaire initial contre le souscripteur ?
  • Dans l’affirmative, le droit de créance que le porteur détient contre le souscripteur de l’effet est-il aussi précaire que le droit dont est titulaire le porteur d’une lettre de change non acceptée sur la créance de provision ?

Évolution de la position de la Cour de cassation

  • Première étape
    • La Cour de cassation applique la théorie de la provision au billet à ordre ( req. 24 janv. 1912 : S. 1917, 1, p. 121, note Bourcart)
    • La créance incorporée dans le titre est réputée avoir été transférée dès la remise de l’effet au porteur, soit avant l’échéance
    • Il en résulte deux conséquences principales :
      • Le porteur était fondé à se prévaloir d’un droit exclusif sur la créance préexistante en cas de concours de créanciers
      • En cas de déchéance des recours cambiaires du porteur, il pouvait agir contre le souscripteur sur le fondement de la créance préexistante
  • Deuxième étape
    • La Cour de cassation refuse de faire application de la théorie de la provision au billet à ordre ( civ., 15 déc. 1947 : JCP G 1948, II, 4130 ; S. 1948, 1, p. 41, note Lescot)
      • La conséquence en est que la remise du billet à ordre n’a pas pour effet de transférer la créance détenu par le bénéficiaire initial contre le souscripteur au nouveau porteur.
      • En cas de redressement ou de liquidation judiciaire du bénéficiaire initial ou du souscripteur, le porteur doit concourir avec les autres créanciers. Il ne dispose d’aucun privilège cambiaire.
  • Troisième étape:
    • La Cour de cassation a admis que l’endossement d’un billet à ordre puisse opérer transfert « des droits résultant du billet à ordre» ( 5 mars 1991 : Bull. civ. IV, no 95).

FICHE D’ARRÊT

Com. 5 mars 1991, Bull. civ. IV, no 95

Faits :

  • Contrat de travaux conclu entre deux sociétés, la société SOLLAC et la société SMB
  • La société SMB, entrepreneur principal, sous-traite la réalisation de travaux à la société Van der Guth (sous-traitant)
  • En paiement des travaux, le maître d’ouvrage, la société SOLLAC, souscrit un billet à ordre au bénéfice de l’entrepreneur principal, la société SMB
  • L’effet est, par suite, escompté auprès d’une banque
  • Puis défaut de paiement de l’entrepreneur principal qui ne règle pas le sous-traitant
  • Il s’ensuit une mise en demeure de l’entrepreneur principal, communiquée en copie au maître d’ouvrage
  • Le sous-traitant n’étant toujours pas réglé de sa facture, il adresse un courrier au maître d’ouvrage par lequel il lui défend de payer le billet à ordre souscrit au bénéfice de l’entrepreneur principal

Demande :

  • Assignation en paiement de l’entrepreneur principal sur le fondement de l’action directe dont il jouit sur le fondement de l’article 12 de la loi du 31 décembre 1975
  • En parallèle, le banquier escompteur obtient une ordonnance d’injonction de payer contre le maître d’ouvrage
  • La société SOLLAC forme alors opposition contre cette ordonnance

Schéma 3

En résumé, deux créanciers sont, en l’espèce, en concours quant à la titularité d’une même créance, soit celle détenue par l’entrepreneur principal contre le maître d’ouvrage :

Procédure :

Dispositif de la décision rendue au fond:

  • Par un arrêt du 28 juin 1989, la Cour d’appel de Metz condamne le maître d’ouvrage à régler la facture du sous-traitant
  • Les juges du fond déboutent la banque de sa demande en paiement du billet à ordre escompté à son profit

Motivation des juges du fond:

  • Pour les juges du fond, l’action directe a été exercée antérieurement à la survenance de l’échéance du billet à ordre souscrit par le maître d’ouvrage au profit de l’entrepreneur principal
  • Dès lors, pour la Cour d’appel, l’action directe prime sur le billet à ordre dans la mesure où le maître d’ouvrage n’était pas encore dessaisi de la valeur fournie
  • Par ailleurs, pour la Cour d’appel, l’opération d’escompte s’apparente à une cession de créance
  • Or en vertu de l’article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975 modifiée, pareille cession de créance est prohibée

Problème de droit :

La question qui se posait en l’espèce était de savoir si l’action directe dont est titulaire un sous-traitant contre le maître d’ouvrage prime sur l’action dont est titulaire le banquier escompteur contre le souscripteur d’un billet à ordre

Solution de la Cour de cassation :

Dispositif de l’arrêt:

  • La Cour de cassation censure la décision rendue par la Cour d’appel de Metz

Solution :

  • Premier élément de la solution:
    • Pour la Cour de cassation, à la date où le sous-traitant impayé a exercé son action directe contre le maître d’ouvrage, l’entrepreneur principal était déjà dessaisi de la créance dont il était titulaire par l’effet de l’endossement du billet à ordre, de sorte que la créance appartenait exclusivement et définitivement au banquier
    • Le sous-traitant n’était donc pas fondé à agir contre le maître d’ouvrage, l’action directe reposant uniquement sur la titularité de la créance que détient l’entrepreneur principal contre le maître d’ouvrage
    • Aussi, dès lors que l’entrepreneur principal n’est plus créancier du maître d’ouvrage, le sous-traitant n’est pas fondé à agir contre ce dernier
    • En d’autres termes, pour la Cour de cassation l’entrepreneur principal n’était plus créancier du maître d’ouvrage, dès l’instant où il s’est dessaisi du billet à ordre
    • Au total, dans cet arrêt la Cour de cassation fait primer le droit cambiaire sur l’action directe du sous-traitant, comme en matière de lettre de change
  • Second élément de solution:
    • La cour de cassation considère que l’exception tirée de la prohibition posée par la loi du 31 décembre 1975 s’agissant de la cession de créance de l’entrepreneur principal au bénéfice d’un tiers est INOPPOSABLE au porteur de bonne foi du billet à ordre
    • La Cour de cassation fait ici une application stricte du droit cambiaire :
      • Le porteur de bonne foi bénéficie du principe d’inopposabilité des exceptions
      • Le billet à ordre est un instrument de paiement et de crédit, en ce sens qu’il doit procurer une certaine sécurité juridique à son porteur
        • On ne saurait, en conséquence, lui opposer que ce qui est apparent sur le titre.
  • Troisième élément de solution:
    • La Cour de cassation reconnaît que la créance incorporée dans un billet à ordre est transmise aux porteurs successifs par l’effet de l’endossement, soit avant l’échéance.
    • La haute juridiction affirme en ce sens que :
      • « les obligations du maître de l’ouvrage à l’égard du sous-traitant exerçant l’action directe sont limitées à ce qu’il doit encore à l’entrepreneur principal à la date de réception de la copie de la mise en demeure (prévue par L. 31 déc. 1975, art. 12), que la cour d’appel n’a pas recherché à quelle date la banque, par l’endossement lui ayant transmis tous les droits résultant du billet à ordre, était devenue propriétaire de la créance de l’entrepreneur principal sur le maître de l’ouvrage »