Le contrat d’entreprise : le contenu du contrat

Division. L’objet du contrat – on dit depuis la réforme “le contenu du contrat” (art. 1162 et s. nouv. c.civ.) – est constitué par la prestation à fournir (1) et par la rémunération qui est due en contrepartie (2).

1.- La prestation

La Code civil n’exige pas, en principe, que la prestation soit déterminée dès l’échange des consentements (a). Il entend en revanche que la prestation promise soit licite (b).

a.- La non-détermination de la prestation

On justifie l’absence d’exigence de détermination de l’objet de la prestation fournie par le fait que, assez souvent, son étendue ne peut être délimitée rigoureusement au jour de la conclusion du contrat. Songez, par exemple, à la consultation d’un avocat. Selon le cas, elle supposera pour être servie plus ou moins de travail. Il en va de même du prestataire de services informatiques : l’étude des besoins du client et la définition des caractéristiques de la prestation idoine font l’objet de précisions au fur et à mesure de la réalisation du système de solutions. C’est la raison pour laquelle le destinataire de la prestation est en droit de solliciter en cours d’exécution du contrat des modifications. L’entrepreneur ne saurait refuser les adaptations demandées, exception faite si elles ont pour effet de bouleverser l’économie du projet. Dans ce dernier cas de figure, il importerait de réécrire le contrat.

On tire l’absence de sanction de non-détermination de la prestation fournie de l’article 1793 c.civ. Ce texte intéresse plus précisément le contrat de construction à forfait. La loi dispose que ledit forfait est intangible si l’on est en présence d’un « plan arrêté et convenu ». La règle de l’intangibilité du forfait n’a plus lieu d’être si aucune précision n’a été donnée. De fait, le contrat de construction est souvent conclu sur devis ou sur « série de prix ». Dans ce cas, l’étendue des travaux est définie au fur et à mesure de leur exécution en fonction des besoins du maître de l’ouvrage. Le prix sera fixé après l’achèvement des travaux en fonction de facteurs sur lesquels les parties se sont entendues au départ. À noter que la notion « devis » diffère de celle retenue dans le langage courant, où elle vise une estimation forfaitaire des travaux proposés par l’entrepreneur.

L’absence de détermination de l’objet au jour de la conclusion du contrat est une source de grands dangers pour un client non averti. Cela porte en germe un risque d’abus de la situation par le professionnel. Dans certains cas, par souci de protection des consommateurs, le législateur impose que l’objet de la prestation due soit déterminé. On retrouve, par exemple, la règle de la détermination de l’objet dans le Code de la construction et de l’habitation.

b.- La licéité de la prestation

Il existe en droit commun des contrats, comme en droit des contrats spéciaux, un ordre public contractuel. Les articles 6 et 1162 nouv. c.civ. (art. 1128 anc. c.civ.) délimitent le domaine de la délégation de pouvoir qui se trouve scellée à l’article 1103 nouv. c.civ. “Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits” (art. 1134 anc. c.civ.). Aux termes de l’article 6 C.civ., le contrat doit être conforme à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Il s’agit d’une condition négative de la formation du contrat. Le contrat est nul s’il est contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Ces deux notions sont la manifestation la plus directe du volontarisme social qui constitue le fondement du contrat. Elles assignent à la liberté contractuelle, dont jouit tout sujet de droit, des limites dont nul ne peut s’affranchir. C’est l’affirmation d’une suprématie de la société sur l’individu.

Les sources de l’ordre public et des bonnes mœurs sont à large spectre. Contrairement à ce que suggère l’article 6 c.civ., le législateur n’a pas le monopole de la détermination du contenu de ces notions. Quand même le législateur serait-il silencieux, le juge est compétent pour apprécier si une convention ou une clause déroge ou non à l’article 6 c.civ.

L’ordre public est tantôt politique, tantôt économique.

Il faut encore compter avec l’ancienne article 1128 c.civ., « il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent faire l’objet des conventions ». La notion de choses hors du commerce a formellement disparu avec la réforme du droit commun des contrats. Matériellement, le concept reste vivace. Pour preuve, l’article 1598 c.civ. n’a pas été modifié dans la foulée « Tout ce qui est dans le commerce peut être vendu lorsque des lois particulières n’en ont pas prohibé l’aliénation ». Il reste, et c’est l’important, qu’un contrat qui porterait sur une chose hors du commerce serait donc nul. Une chose hors du commerce est une chose que la société – précisément le législateur et le juge – retire de la circulation juridique. La liste de ces choses n’est donc pas immuable. Elle tend d’ailleurs à aller de crescendo tant est forte la marchandisation croissante de la société. Elle varie suivant les circonstances de temps et de lieu, en fonction des valeurs et des mœurs. C’est particulièrement le cas des choses qui ont un caractère sacré, telles celles intimement liées à la personne (corps humain), celles qui constituent un attribut de la souveraineté (droit de vote, investiture politique), les substances et les choses dangereuses (drogues, armes lourdes, alcool[1], etc.), celles qui sont inappropriables : res nullius.

La convention de mère-porteuse, qui pourrait emprunter le régime du contrat d’entreprise, est illicite. Comprenez bien qu’une telle convention porte atteinte au principe d’ordre public d’indisponibilité du corps humain ainsi qu’à celui d’indisponibilité de l’état des personnes (art. 16-7 c.civ.).

Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà (Pascal, Les pensées). On a longtemps cru que le courtage matrimonial était immoral et suspect. Ce n’est plus le cas. Dans le dernier état de sa jurisprudence, la Cour de cassation casse l’arrêt déféré au visa de l’article 1133 c.civ. (dans sa version applicable à l’époque des faits) et estime que « le contrat proposé par un professionnel, relatif à l’offre de rencontres en vue de la réalisation d’un mariage ou d’une union stable, qui ne se confond pas avec une telle réalisation, n’est pas nulle comme ayant une cause contraire à l’ordre public et aux mœurs du fait qu’il est conclu par une personne mariée » (Cass. 1ère civ., 4 nov. 2011, n° 10-20114) . Un jour viendra peut-être où une femme pourra louer son industrie, dans tous les sens du terme ! Puissions-nous alors être en mesure de (re)dire combien il n’aurait pas fallu ouvrir la boîte de Pandore[2] en disant très respectueusement à la Cour de cassation qu’il ne lui appartient pas « de courir devant la société pour prouver sa modernité, sa liberté de pensée : on attendrait davantage d’elle qu’elle en tempère les ardeurs, en conservant la seule attitude juridique qui vaille – une position d’équilibre entre les forces du mouvement et la densité du passé » (Rémi Libchaber).

[1] La fabrication et le commerce des boissons est strictement encadré par la loi (C. santé publ., art. 3322-1 et s.). C. santé publ., art. 3322-4 : « Sont prohibées la fabrication, la circulation, la détention en vue de la vente et la vente de l’absinthe et des liqueurs similaires dont les caractères sont déterminés par décret. » (v. égal. C.G.I., art. 347). Les tontons flingueurs, 1963 : scène dans la cuisine. Maître Folace, à propos du « vitriol » : « Il date du Mexicain, du temps des grandes heures, seulement on a du arrêter la fabrication, y’a des clients qui devenaient aveugles. Oh, ça faisait des histoires ».

[2] Boîte remise par Zeus à Pandore qui contient tous les maux de l’humanité, ainsi que « l’espérance ». Curieuse, Pandore ouvrit la boîte laissant s’échapper tous les maux qui y étaient contenus. Elle voulut refermer la boîte, c’était peine perdue. Il resta enfermée l’espérance, plus lente à venir. Fort heureusement. Sous ce mot, on entend l’appréhension, la crainte. Resta donc enfermée la crainte des maux à venir, plus précisément l’heure de sa mort et l’abattement qui n’aurait pas manqué de s’en suivre par manque d’espérance.

Point d’orgue de l’évolution de la jurisprudence en matière de gestation pour autrui? (Cass. 1ère civ. 5 juill. 2017)

Le 5 juillet 2017, la Cour de cassation a rendu 4 arrêts majeurs par lesquels elle revient sur sa position, s’agissant de l’adoption par le conjoint du père biologique d’un enfant conçu au moyen d’une mère porteuse. Dans le même temps, elle refuse  de transcrire un acte faisant mention de la mère d’intention.

Ces quatre arrêts ont été accompagnés par un communiqué de presse à l’occasion duquel la Cour de cassation indique que :

==> D’une part, en cas de GPA réalisée à l’étranger, l’acte de naissance peut être transcrit sur les registres de l’état civil français en ce qu’il désigne le père, mais pas en ce qu’il désigne la mère d’intention, qui n’a pas accouché

==> D’autre part, une GPA réalisée à l’étranger ne fait pas obstacle, à elle seule, à l’adoption de l’enfant par l’époux de son père

La Première chambre civile rappelle ensuite la problématique relative à la gestion pour autrui qui résulte de deux situations bien distinctes qui tendent à se multiplier, mais auxquelles la loi apporte toujours la même réponse : la GPA est prohibée conformément à l’article 16-7 du Code civil qui prévoit que toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle.

==> Situation n°1 : Conformément à la loi du pays étranger, l’acte de naissance de l’enfant mentionne comme père et mère l’homme et la femme ayant eu recours à la GPA. La paternité de l’homme n’est pas contestée, mais la femme n’est pas celle qui a accouché.

 Question :  Le couple peut-il obtenir la transcription à l’état civil français de l’acte de naissance établi à l’étranger alors que la femme qui s’y trouve désignée comme mère n’a pas accouché de l’enfant

==> Situation n°2 : Le père biologique reconnaît l’enfant puis se marie à un homme.

Question : Le recours à la GPA fait-il obstacle à ce que l’époux du père demande l’adoption simple de l’enfant ?

L’examen de la jurisprudence révèle que la position de la Cour de cassation sur ces deux questions a considérablement évolué.

I) Rejet de la gestion pour autrui

La Cour de cassation refuse à un couple qui avait recouru à une mère porteuse la validation d’une procédure plénière (Cass. ass. pl., 31 mai 1991)

Elle affirme en ce sens que « l’adoption n’était que l’ultime phase d’un processus destiné à permettre à un couple l’accueil à son foyer de l’enfant, conçu en exécution d’un contrat tendant à l’abandon à sa naissance par sa mère,…ce processus constituait un détournement de l’institution »

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II) Refus de transcription de la filiation sur les registres d’état civil

==> Arrêts du le 6 avril 2011

La Cour de cassation a rendu trois arrêts concernant le recours à la gestation pour autrui pratiquée par des Français à l’étranger (Cass. 1re civ ,. 6 avr. 2011)

Dans ces décisions, elle approuve les juges du fond qui avaient refusé, à la demande du ministère public, de transcrire sur les registres de l’état civil les actes de naissance dressés aux États-Unis qui, validant le contrat de gestation, avait désigné, dans chacune de ces espèces, comme père et mère, le couple français commanditaire.

Ce refus, fondé sur le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, a été justifié par l’ordre public international français ou par la fraude à la loi française

La Cour de cassation affirme en ce sens que « lorsque la naissance est l’aboutissement, en fraude à la loi française, d’un processus d’ensemble comportant une convention de gestation pour le compte d’autrui, convention qui, fût-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du Code civil »

Il en résulte selon la haute juridiction que la filiation établie à l’étranger ne peut être inscrite sur les registres français de l’état civil.

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==> Arrêts du 19 mars 2014

La Cour confirme, dans un des deux arrêts précités, l’annulation pour fraude à la loi de la reconnaissance effectuée en France par le père biologique (Cass. 1re civ., 19 mars 2014)

III) Condamnation par la CEDH

La Cour européenne des droits de l’homme condamne la France au motif que son refus de reconnaître la filiation des enfants nés à l’étranger avec l’assistance d’une mère porteuse et l’impossibilité pour l’enfant d’établir en France cette filiation, alors même que celle-ci est conforme à la réalité biologique, « sont contraires au droit de tout individu au respect de son identité, partie intégrante du droit au respect de la vie privée » (26 juin 2014 : Labassée et Mennesson)

Elle précise que le respect de ce texte exige que « chacun puisse établir les détails de son identité d’être humain », dont la filiation est un aspect essentiel

IV) Revirement de jurisprudence

==> Arrêts du 3 juillet 2015

Dans deux arrêts d’assemblée plénière la Cour de cassation prend en compte la condamnation de la France (Cass. ass. plén., 3 juill. 2015)

Elle admet, pour la première fois, que la gestation pour autrui ne fait pas, en elle-même, obstacle à la transcription de l’acte de naissance étranger sur les actes d’état civil français.

Les deux affaires concernaient un homme ayant conclu une convention de GPA avec une mère porteuse en Russie et qui sollicitaient la transcription de l’acte de naissance qui les mentionnait l’un et l’autre comme parents de l’enfant.

Les arrêts du 3 juillet 2015 laissent en suspens la question de la filiation des parents d’intention, comme le précise d’ailleurs le communiqué de presse selon lequel « les espèces soumises à la Cour de cassation ne soulevaient pas la question de la transcription de la filiation établie à l’étranger à l’égard de parents d’intention : la Cour ne s’est donc pas prononcée sur ce cas de figure ».

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==> Arrêt de la CA de Rennes du 28 septembre 2015

Dans deux décisions rendues le 28 septembre 2015, la cour d’appel de Rennes confirme l’annulation des actes de naissance de deux enfants nés de mères porteuses à l’étranger, l’un en Inde, l’autre aux États-Unis (CA Rennes, 6e ch. A, 28 sept. 2015)

Les actes de naissance litigieux sont annulés, en application de l’article 47 du Code civil, en ce qu’ils ne reflètent pas la vérité quant à la filiation maternelle des enfants.

Chaque acte désigne comme mère de l’enfant l’épouse du père biologique, alors même que celle-ci n’a pas accouché de l’enfant.

La cour d’appel de Rennes réitère sa position, dans deux arrêts rendus le 7 mars 2016 (CA Rennes, 7 mars 2016) :

  • en ordonnant dans une affaire la transcription de la filiation paternelle biologique à l’état civil d’un enfant né de gestation pour autrui à l’étranger
  • en refusant dans l’autre de transcrire sur les registres français de l’état civil un acte de naissance dans lequel est indiquée en qualité de mère une femme qui n’a pas accouché.

La question de la maternité d’intention demeure pour l’instant non résolue.

V) Nouvelle condamnation de la France par la CEDH

La Cour européenne des droits de l’homme vient de condamner à nouveau la France pour refus de transcription à l’état civil du lien de filiation biologique d’un enfant né sous gestation pour autrui (21 juill. 2016, nos 9063/14 et 10410/14, Foulon et Bouvet c. France)

Dans les deux affaires, les requérants se voyaient dans l’impossibilité d’obtenir la reconnaissance en droit français du lien de filiation biologique établi entre eux en Inde.

Les autorités françaises, suspectant le recours à des conventions de GPA illicites, refusaient donc la transcription des actes de naissance indiens.

Sans surprise, la CEDH accueille le grief de violation du droit à la vie privée (Conv. EDH, art. 8), par référence aux arrêts Mennesson et Labassée (CEDH, 26 juin 2014)

VI) Revirement partielle de jurisprudence

 Trois enseignements peuvent être tirés des quatre arrêts rendus par la Cour de cassation le 5 juillet 2017 : (Cass. 1ère civ. 5 juill. 2017)

==> Première enseignement: L’acte de naissance étranger d’un enfant né d’une GPA peut être transcrit partiellement à l’état civil français, en ce qu’il désigne le père

 La Cour de cassation affirme en ce sens que dès lors que les actes de naissance ne sont, ni irréguliers, ni falsifiés et que les faits qui y sont déclarés correspondent à la réalité, s’agissant de la désignation du père, la convention de gestation pour autrui conclue ne fait pas obstacle à la transcription desdits actes.

Deuxième espèce : Cass. 1ère civ. 5 juill. 2017

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’aux termes de leurs actes de naissance, établis par les autorités ukrainiennes, V... et K... X... sont nées le ... à Kiev (Ukraine) de M. X... et de Mme Y..., son épouse, tous deux de nationalité française ; que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes s’est opposé à la transcription des actes de naissance sur les registres de l’état civil consulaire français, au motif que les enfants étaient nées à la suite d’une convention de gestation pour autrui ; que, le 25 mars 2013, un certificat de nationalité française leur a été délivré ;

Sur les premier et second moyens réunis du pourvoi n° F 16-50.025, qui est recevable :

Attendu que le procureur général près la cour d’appel de Rennes fait grief à l’arrêt d’ordonner la transcription sur les registres de l’état civil consulaire français à Kiev et les registres du service central d’état civil à Nantes, des actes de naissance de V... et K... X..., nées de M. X..., époux de Mme Y..., alors, selon le moyen :

1°/ que l’article 47 du code civil accorde foi à tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait dans un pays étranger, sauf si notamment, les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; que la réalité citée par l’article 47 du code civil correspond nécessairement à la conformité des énonciations de l’acte d’état civil par rapport aux faits qu’il relate ; que Mme Y... étant citée comme mère alors qu’elle n’a pas accouché, les actes de naissance de K... et V... X... ne peuvent être déclarés conformes aux exigences de l’article 47 du code civil ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article 47 du code civil ;

2°/ que l’article 312 du code civil énonce que l’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari ; que la présomption de paternité qui s’applique au père pendant le mariage nécessite que l’épouse du mari soit bien la mère ; que si l’épouse n’est pas reconnue comme mère, le mari ne peut se voir appliquer une présomption de paternité ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article 312 du code civil ;

Mais attendu que, l’arrêt n’ayant ordonné la transcription des actes de naissance des enfants V... et K... qu’en ce qu’elles sont nées de M. X..., sans désignation de Mme Y... en qualité de mère, le moyen est inopérant en sa première branche ;

Et attendu que la cour d’appel, qui était saisie d’une action aux fins de transcription d’actes de l’état civil étrangers et non d’une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, a constaté que les actes de naissance n’étaient ni irréguliers ni falsifiés et que les faits qui y étaient déclarés correspondaient à la réalité, s’agissant de la désignation du père ; qu’elle en a déduit, à bon droit, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la seconde branche, que la convention de gestation pour autrui conclue ne faisait pas obstacle à la transcription desdits actes ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi n° B 16-16.901 :

Attendu que M. X... et Mme Y... font grief à l’arrêt de n’ordonner la transcription, sur les registres de l’état civil consulaire français à Kiev et les registres du service central d’état civil à Nantes, des actes de naissance de V... et K... qu’en ce qu’elles seraient nées le ..., à Kiev, de M. X..., époux de Mme Y..., et non de Mme Y..., alors, selon le moyen :

1°/ que les actes d’état civil dressés à l’étranger par l’autorité compétente conformément au droit étranger dont relève cette autorité doivent être reconnus en France dès lors qu’ils ne sont pas contraires à l’ordre public international français, lequel ne s’oppose pas à l’établissement de la filiation d’un enfant né à l’étranger dans le cadre d’une convention de gestation pour autrui ; qu’en considérant que l’établissement de la filiation maternelle de la mère d’intention en application de la loi compétente selon la règle de conflit serait impossible en l’état du droit français, pour rejeter la demande de transcription de la filiation de K... et V... X... à l’égard de Mme Y..., après avoir constaté la régularité des actes d’état civil des enfants dressés à l’étranger, la cour d’appel a violé par fausse application les articles 3 et 311-14 du code civil ;

2°/ que les circonstances de la conception d’un enfant ne peuvent être opposées à l’établissement de sa filiation ; qu’en considérant que la norme selon laquelle l’établissement de la filiation maternelle de la mère d’intention serait impossible en l’état du droit français ferait obstacle à la reconnaissance en droit interne d’un lien de filiation entre les enfants à l’égard de Mme Y... qui n’est pas leur mère biologique, la cour d’appel a violé le droit au respect de la vie privée et à une vie familiale normale garanti par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

3°/ qu’en considérant que la norme selon laquelle l’établissement de la filiation maternelle de la mère d’intention serait impossible en l’état du droit français ferait obstacle à la reconnaissance en droit interne d’un lien de filiation entre les enfants à l’égard de Mme Y... qui n’est pas leur mère biologique, après avoir retenu que le droit ukrainien reconnaît la filiation maternelle des enfants K... et V... à l’égard de Mme Y..., la cour d’appel a méconnu les principes d’harmonie internationale des solutions, de continuité du statut personnel et de primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant, en violation de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble de l’article 3-1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l’enfant ;

4°/ qu’en se bornant à considérer que l’absence de transcription n’empêche pas les enfants de vivre avec leur père et mère et que K... et V... X... s’étaient vu reconnaître les prérogatives attachées à la nationalité française et au titre des droits successoraux, sans s’assurer de la pérennité de leur lien avec Mme Y... qui les élève et leur prodigue ses soins et de la responsabilité de cette dernière à leur endroit, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant, de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article-3-1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l’enfant ;

5°/ que le droit au respect de la vie privée et familiale doit être reconnu sans distinction selon la naissance ; qu’un lien de filiation peut être établi à l’égard d’une mère d’intention dès lors que l’acte de naissance d’un enfant porte le nom de la femme qui a accouché ou ne donne aucune indication sur la femme qui a accouché ; qu’en considérant que la norme selon laquelle l’établissement de la filiation maternelle de la mère d’intention serait impossible en l’état du droit français ferait obstacle à la reconnaissance en droit interne d’un lien de filiation entre les enfants à l’égard de Mme Y... qui n’est pas leur mère biologique, au prétexte que les actes de naissance des enfants K... et V... X... indiquent que Mme Y... est leur mère, la cour d’appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que, selon l’article 47 du code civil, tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ;

Que, concernant la désignation de la mère dans les actes de naissance, la réalité, au sens de ce texte, est la réalité de l’accouchement ;

Qu’ayant constaté que Mme X... n’avait pas accouché des enfants, la cour d’appel en a exactement déduit que les actes de naissance étrangers n’étaient pas conformes à la réalité en ce qu’ils la désignaient comme mère, de sorte qu’ils ne pouvaient, s’agissant de cette désignation, être transcrits sur les registres de l’état civil français ;

Attendu qu’aux termes de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :

1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ;

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ;

Attendu que le refus de transcription de la filiation maternelle d’intention, lorsque l’enfant est né à l’étranger à l’issue d’une convention de gestation pour autrui, résulte de la loi et poursuit un but légitime en ce qu’il tend à la protection de l’enfant et de la mère porteuse et vise à décourager cette pratique, prohibée par les articles 16-7 et 16-9 du code civil ;

Et attendu que ce refus de transcription ne crée pas de discrimination injustifiée en raison de la naissance et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale des enfants, au regard du but légitime poursuivi ; qu’en effet, d’abord, l’accueil des enfants au sein du foyer constitué par leur père et son épouse n’est pas remis en cause par les autorités françaises, qui délivrent des certificats de nationalité aux enfants nés d’une gestation pour autrui à l’étranger ; qu’ensuite, en considération de l’intérêt supérieur des enfants déjà nés, le recours à la gestation pour autrui ne fait plus obstacle à la transcription d’un acte de naissance étranger, lorsque les conditions de l’article 47 du code civil sont remplies, ni à l’établissement de la filiation paternelle ; qu’enfin, l’adoption permet, si les conditions légales en sont réunies et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant, de créer un lien de filiation entre les enfants et l’épouse de leur père ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi n° B 16-16.901, pris en sa troisième branche :

Vu l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que, pour déclarer l’association Juristes pour l’enfance recevable en son intervention volontaire accessoire, l’arrêt retient que le moyen pris de la violation de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est inopérant, s’agissant d’une procédure où les débats sont publics ;

Qu’en statuant ainsi, alors que, nonobstant le caractère public des débats, le droit au respect de la vie privée et familiale de M. et Mme Y... et des enfants V... et K... s’opposait à l’immixtion de l’association dans une instance qui revêtait un caractère strictement personnel, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Vu les articles L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen du pourvoi n° B 16-16.901 :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il reçoit l’association Juristes pour l’enfance en son intervention volontaire accessoire et la déclare en partie bien fondée, l’arrêt rendu le 7 mars 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ;

==> Deuxième enseignement: L’acte de naissance étranger d’un enfant né d’une GPA ne peut être transcrit à l’état civil français, en ce qu’il désigne le père en ce qu’il désigne la mère d’intention

 Deux arguments sont avancés par la Cour de cassation au soutien de sa position :

  • Premier argument
    • Selon l’article 47 du code civil, tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité
    • Aussi, selon elle, la désignation de la mère dans les actes de naissance, la réalité, au sens de ce texte, est la réalité de l’accouchement
    • Elle en conclut que, dans l’hypothèse où la mère qui se prévaut de cette qualité n’a pas accouché de l’enfant, les actes de naissance étrangers ne sont pas conformes à la réalité en ce qu’ils la désignaient comme mère, de sorte qu’ils ne pouvaient, s’agissant de cette désignation, être transcrits sur les registres de l’état civil français
  • Second argument
    • La première chambre civile rappelle que, conformément à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
      • D’une part, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance
      • D’autre part, il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui
    • En application de ces principes, la Cour de cassation considère alors que
      • En premier lieu, le refus de transcription de la filiation maternelle d’intention, lorsque l’enfant est né à l’étranger à l’issue d’une convention de gestation pour autrui, résulte de la loi et poursuit un but légitime en ce qu’il tend à la protection de l’enfant et de la mère porteuse et vise à décourager cette pratique, prohibée par les articles 16-7 et 16-9 du code civil
      • En second lieux, ce refus de transcription ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale des enfants, au regard du but légitime poursuivi
      • La Cour de cassation justifie cette position en affirmant que :
        • D’abord, l’accueil des enfants au sein du foyer constitué par leur père et son épouse n’est pas remis en cause par les autorités françaises, qui délivrent des certificats de nationalité française aux enfants nés d’une gestation pour autrui à l’étranger
        • Ensuite, en considération de l’intérêt supérieur des enfants déjà nés, le recours à la gestation pour autrui ne fait plus obstacle à la transcription d’un acte de naissance étranger, lorsque les conditions de l’article 47 du code civil sont remplies, ni à l’établissement de la filiation paternelle
        • Enfin, l’adoption permet, si les conditions légales en sont réunies et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant, de créer un lien de filiation entre les enfants et l’épouse de leur père

Première espèce : Cass. 1ère civ. 5 juill. 2017

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’aux termes de leurs actes de naissance américains, dressés conformément à un jugement de la cour supérieure de l’Etat de Californie du 17 septembre 2010, P... et P... X... sont nés le 4 novembre 2010 à Whittier (Californie, Etats-Unis d’Amérique) de M. X... et de Mme Y..., son épouse, tous deux de nationalité française ; que, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes s’étant opposé à leur demande de transcription de ces actes de naissance sur les registres de l’état civil consulaire et du service central d’état civil du ministère des affaires étrangères, en invoquant l’existence d’une convention de gestation pour autrui, M. et Mme X... l’ont assigné à cette fin ;

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et neuvième branches :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l’arrêt de rejeter leur demande, en ce qui concerne la désignation de Mme X... en qualité de mère, alors selon le moyen :

1°/ que les actes d’état civil établis dans un pays étrangers et rédigés dans les formes usitées dans ce pays font foi sauf s’ils sont irréguliers, falsifiés ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; que seule la réalité juridique et non la réalité biologique doit être prise en compte pour vérifier la valeur probante d’un acte d’état civil établi à l’étranger ; qu’il résultait des termes du jugement de la Cour supérieure de Californie du 17 septembre 2010, qui servait de fondement aux actes de naissance dont la transcription était demandée, que M. et Mme X... étaient déclarés parents légaux des deux enfants et que la mère biologique avait renoncé à tous droits sur eux ; qu’en retenant que les faits déclarés par les intéressés lors de l’établissement des actes de naissance par le service de l’état civil californien sur la filiation maternelle des enfants ne correspondaient pas à la réalité, cependant que ces actes avaient été établis sur la foi d’une décision de justice rendue légalement en Californie et donnant force exécutoire à un contrat de gestation pour autrui qui attribuait la paternité et la maternité juridiques à M. et Mme X..., de sorte que le fait que la mère juridique ne soit pas la femme ayant accouché ne caractérisait pas une fausse information, la cour d’appel a violé l’article 47 du code civil ;

2°/ que le ministère public n’avait contesté ni l’opposabilité en France du jugement américain ni la foi à accorder aux actes dressés en Californie et s’était borné à justifier le refus de transcription de l’acte en invoquant l’existence d’un processus contraire à l’ordre public international français impliquant le recours à un contrat de gestation pour autrui ; qu’en refusant de prendre en compte les énonciations du jugement étranger du 17 septembre 2010 en ce qu’il mentionnait Mme X... comme étant la mère des enfants, après avoir pourtant rappelé que la théorie de la fraude soutenue par le ministère public n’était pas pertinente dès lors que la convention de gestation pour autrui conclue entre un parent d’intention et une mère porteuse ne faisait plus obstacle à la transcription de l’acte de naissance d’un enfant né à l’étranger issu d’une telle convention, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l’article 47 du code civil ;

3°/ que le procureur de la République ne peut refuser une demande de transcription d’un acte d’état civil dressé à l’étranger qu’en établissant qu’il serait « irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité » au regard des formes usitées dans ce pays ; que les actes de naissance des enfants concernés avaient été établis sur la base d’un jugement de la Cour supérieure de Californie du 17 septembre 2010, lui-même conforme au code de la famille californien, déclarant M. et Mme X... parents légaux des enfants à naître par gestation pour autrui ; qu’ils avaient donc été rédigés dans les formes usitées dans l’Etat de Californie ; qu’en retenant que le procureur de la République pouvait refuser de transcrire les actes de naissance établis dans ces conditions, la cour d’appel a violé l’article 47 du code civil ;

4°/ qu’en examinant la force probatoire des actes de naissance en litige, non pas au regard des dispositions édictées en vue de leur transcription par l’article 47 du code civil, mais par application de la loi désignée par la règle de conflit pour l’établissement de la filiation de l’enfant, la cour d’appel a violé l’article 47 du code civil ;

5°/ que le droit au respect de la vie privée garanti par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales exige que chacun puisse établir les détails de son identité d’être humain, ce qui inclut sa filiation et sa nationalité ; que la juridiction européenne a retenu que la non-reconnaissance en droit français du lien de filiation entre les enfants conçus par gestation pour autrui et les parents d’intention portait atteinte au respect de leur vie privée, qui implique que chacun puisse établir la substance de son identité, y compris sa filiation ; qu’en limitant l’effet utile du droit au respect de la vie privée et familiale de l’enfant et son droit à l’identité qui inclut la filiation et la nationalité au seul cas où la filiation paternelle est conforme à la vérité biologique, la cour d’appel a violé l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

6°/ que l’intérêt supérieur de l’enfant exige que soit transcrit sur les registres d’état civil français l’acte de naissance régulièrement établi à l’étranger et indiquant la filiation paternelle et maternelle ; qu’en retenant que l’intérêt supérieur de l’enfant ne pouvait être utilement invoqué que si la filiation paternelle était conforme à la vérité biologique, la cour d’appel a violé l’article 3, § 1, de la Convention internationale des droits de l’enfant ;

7°/ qu’ils faisaient valoir que la filiation de leurs enfants était établie par la possession d’état à leur égard depuis quatre années, ce qui justifiait la transcription des actes de naissance, sauf à porter atteinte au respect de la vie privée et familiale et à l’intérêt supérieur de l’enfant ; qu’en refusant la transcription demandée sans répondre à ce moyen, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, selon l’article 47 du code civil, tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ;

Que, concernant la désignation de la mère dans les actes de naissance, la réalité, au sens de ce texte, est la réalité de l’accouchement ;

Qu’ayant constaté que Mme X... n’avait pas accouché des enfants, la cour d’appel en a exactement déduit que les actes de naissance étrangers n’étaient pas conformes à la réalité en ce qu’ils la désignaient comme mère, de sorte qu’ils ne pouvaient, s’agissant de cette désignation, être transcrits sur les registres de l’état civil français ;

Attendu qu’aux termes de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :

1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ;

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ;

Attendu que le refus de transcription de la filiation maternelle d’intention, lorsque l’enfant est né à l’étranger à l’issue d’une convention de gestation pour autrui, résulte de la loi et poursuit un but légitime en ce qu’il tend à la protection de l’enfant et de la mère porteuse et vise à décourager cette pratique, prohibée par les articles 16-7 et 16-9 du code civil ;

Attendu que ce refus de transcription ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale des enfants, au regard du but légitime poursuivi ; qu’en effet, d’abord, l’accueil des enfants au sein du foyer constitué par leur père et son épouse n’est pas remis en cause par les autorités françaises, qui délivrent des certificats de nationalité française aux enfants nés d’une gestation pour autrui à l’étranger ; qu’ensuite, en considération de l’intérêt supérieur des enfants déjà nés, le recours à la gestation pour autrui ne fait plus obstacle à la transcription d’un acte de naissance étranger, lorsque les conditions de l’article 47 du code civil sont remplies, ni à l’établissement de la filiation paternelle ; qu’enfin, l’adoption permet, si les conditions légales en sont réunies et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant, de créer un lien de filiation entre les enfants et l’épouse de leur père ;

Et attendu que la cour d’appel, qui était saisie d’une action aux fins de transcription d’actes de l’état civil étrangers et non d’une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, n’avait pas à répondre aux conclusions inopérantes relatives à la possession d’état des enfants ;

D’où il suit que le moyen, qui critique un motif surabondant en sa quatrième branche, ne peut être accueilli ;

Mais sur la huitième branche du moyen :

Vu l’article 47 du code civil, ensemble l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que, pour refuser la transcription des actes de naissance étrangers en ce qu’ils désignent M. X... en qualité de père, l’arrêt retient qu’en l’absence de certificat médical délivré dans le pays de naissance attestant de la filiation biologique paternelle, d’expertise biologique judiciaire et d’éléments médicaux sur la fécondation artificielle pratiquée, la décision rendue le 17 septembre 2010 par une juridiction californienne le déclarant parent légal des enfants à naître, est insuffisante à démontrer qu’il est le père biologique ;

Qu’en statuant ainsi, alors, d’une part, que la transcription des actes de naissance sur les registres de l’état civil français n’était pas subordonnée à une expertise judiciaire, d’autre part, qu’elle constatait que le jugement californien énonçait que le patrimoine génétique de M. X... avait été utilisé, sans relever l’existence d’éléments de preuve contraire, de sorte que ce jugement avait, à cet égard, un effet de fait et que la désignation de M. X... dans les actes comme père des enfants était conforme à la réalité, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Vu les articles L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la septième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de M. et Mme X... de transcription, sur les registres de l’état civil consulaire et du service central d’état civil du ministère des affaires étrangères, des actes de naissance de P... et P... X..., nés le... à Whittier (Etats-Unis), en ce qu’ils sont nés de M. Jean-François X..., né le..., l’arrêt rendu le 28 septembre 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

Quatrième espèce : Cass. 1ère civ. 5 juill. 2017

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 28 septembre 2015), que l’officier de l’état civil du consulat de France à Bombay (Inde) a dressé, le 22 février 2010, sur ses registres de l’état civil, l’acte de naissance de l’enfant E. X..., comme étant née le [...] à l’hôpital [...], de M. X... et de Mme Y..., son épouse, tous deux de nationalité française ; que, le 26 mars 2012, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes a assigné M. et Mme X..., tant en leur nom personnel qu’en qualité de représentants légaux de leur fille mineure E. , en annulation de l’acte de naissance, en raison d’une suspicion de recours à une gestation pour autrui ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l’arrêt d’annuler l’acte de naissance consulaire d’E. , née le [...], alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque la filiation d’un enfant né à l’étranger par gestation pour autrui est établie envers ses parents d’intention par l’acte de naissance étranger, le refus de transcription de cet acte de naissance dans les registres de l’état civil ou l’annulation judiciaire de la transcription si celle-ci a été effectuée, viole le droit de l’enfant au respect de sa vie privée et familiale, peu important qu’il ne soit pas établi que le père d’intention est en outre le père biologique ; qu’en annulant l’acte de naissance d’E. X... établi par le consulat de France à Bombay après avoir relevé que l’acte de naissance indien indiquait la filiation de l’enfant envers M. et Mme X..., et sans même avoir constaté que la preuve aurait été rapportée que M. X... n’eût pas été le père biologique d’E. , la cour d’appel a violé les articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 48 du code civil ;

2°/ que pour annuler l’acte de naissance d’E. X... établi par le consulat de France à Bombay, l’arrêt attaqué a retenu que l’acte de naissance indien était vicié en ce qu’il mentionnait que la mère était Mme X... bien qu’elle n’a pas accouché de l’enfant, les pièces médicales s’étant révélées fausses, de sorte qu’aucune foi ne pouvait être accordée à l’acte de naissance français ; qu’en statuant ainsi, sans constater que selon la loi indienne la désignation de la mère d’intention dans un acte de naissance ne serait pas valable, la cour d’appel a violé les articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 47 et 48 du code civil ;

3°/ qu’il appartient au ministère public agissant en annulation d’un acte de naissance de prouver, le cas échéant, que le nom du père indiqué dans l’acte ne correspond pas à la réalité biologique ; qu’en faisant peser la preuve contraire sur M. X..., la cour d’appel a violé l’article 9 du code de procédure civile ;

4°/ que lorsque la filiation d’un enfant né à l’étranger par gestation pour autrui est établie envers ses parents d’intention par l’acte de naissance étranger conforté par la possession d’état d’enfant, le refus de transcription de cet acte de naissance dans les registres de l’état civil ou l’annulation judiciaire de la transcription lorsque cette dernière a été effectuée, viole le droit de l’enfant au respect de sa vie privée et familiale ; qu’en annulant l’acte de naissance d’E. X... établi par le consulat de France à Bombay sans rechercher, comme elle y était invitée, si E. X... ne bénéficiait pas de la possession d’état d’enfant de M. et Mme X..., la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 311-1 et 330 du code civil ;

Mais attendu que, saisie d’une demande d’annulation d’un acte dressé par l’officier de l’état civil consulaire français dans ses registres, sur le fondement de l’article 48 du code civil, la cour d’appel a constaté que M. et Mme X... avaient produit au consulat de France de faux documents de grossesse et un faux certificat d’accouchement, les échographies et examens médicaux de la mère porteuse ayant été modifiés afin qu’ils confirment une grossesse de l’épouse ; qu’elle en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche inopérante relative à la possession d’état de l’enfant ou à la réalité de la filiation biologique paternelle, que l’acte de naissance dressé sur les registres consulaires était entaché de nullité ;

Et attendu qu’il ne résulte pas des énonciations de l’arrêt que M. et Mme X... aient sollicité, en application de l’article 47 du code civil, la transcription de l’acte de l’état civil indien dont dispose l’enfant ; que dès lors, ils ne sont pas fondés à invoquer la violation de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

==> Troisième enseignement: Une GPA réalisée à l’étranger ne fait pas obstacle, à elle seule, à l’adoption de l’enfant par l’époux du père

En adoptant cette solution, la Cour de cassation opère manifestement un changement radical de sa position.

Comme exprimé dans son communiqué de presse, la haute juridiction tire ici les conséquences:

  • D’une part, de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe. Ce texte a pour effet de permettre, par l’adoption, l’établissement d’un lien de filiation entre un enfant et deux personnes de même sexe, sans aucune restriction relative au mode de procréation (cf. infra « Repères »)
  • D’autre part, de ses arrêts du 3 juillet 2015, selon lesquels le recours à une GPA à l’étranger ne constitue pas, à lui seul, un obstacle à la transcription de la filiation paternelle (cf. infra « Repères »).

Aussi considère-t-elle que :

  • En premier lieu, le recours à la gestation pour autrui à l’étranger ne fait pas, en lui-même, obstacle au prononcé de l’adoption, par l’époux du père, de l’enfant né de cette procréation, si les conditions légales de l’adoption sont réunies et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant
  • En second lieu, ce qui importe c’est que les juges du fond constatent l’existence, la sincérité et l’absence de rétractation du consentement à l’adoption donné par la mère de l’enfant,

Troisième espèce : Cass. 1ère civ. 5 juill. 2017

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que l’enfant M... Y... est né le ..., à Victorville (Californie, Etats-Unis d’Amérique) de Mme Z..., de nationalité américaine, qui avait conclu avec M. Y..., de nationalité française, une convention de gestation pour autrui ; qu’il a été reconnu par Mme Z... et M. Y... ; que, le 1er novembre 2013, ce dernier a épousé M. X..., de nationalité française, auquel il était lié par un pacte civil de solidarité depuis 2004 ; que, par requête du 3 juillet 2014, M. X... a saisi le tribunal de grande instance d’une demande d’adoption simple de l’enfant M...

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu les articles 353 et 361 du code civil, ensemble les articles 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, l’adoption est prononcée à la requête de l’adoptant par le tribunal qui vérifie si les conditions de la loi sont remplies et si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant ; que, selon les deux derniers, l’enfant a droit au respect de sa vie privée et familiale et, dans toutes les décisions qui le concernent, son intérêt supérieur doit être une considération primordiale ;

Attendu que, pour rejeter la demande d’adoption simple, l’arrêt retient que la naissance de l’enfant résulte d’une violation, par M. Y..., des dispositions de l’article 16-7 du code civil, aux termes duquel toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle d’une nullité d’ordre public ; Qu’en statuant ainsi, alors que le recours à la gestation pour autrui à l’étranger ne fait pas, en lui-même, obstacle au prononcé de l’adoption, par l’époux du père, de l’enfant né de cette procréation, si les conditions légales de l’adoption sont réunies et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 348 et 361 du code civil ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que lorsque la filiation de l’enfant est établie à l’égard de son père et de sa mère, ceux-ci doivent consentir l’un et l’autre à l’adoption ;

Attendu que, pour rejeter la demande d’adoption, l’arrêt retient encore que le consentement initial de Mme Z..., dépourvu de toute dimension maternelle subjective ou psychique, prive de portée juridique son consentement ultérieur à l’adoption de l’enfant dont elle a accouché, un tel consentement ne pouvant s’entendre que comme celui d’une mère à renoncer symboliquement et juridiquement à sa maternité dans toutes ses composantes et, en particulier, dans sa dimension subjective ou psychique ;

Qu’en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu’elle constatait l’existence, la sincérité et l’absence de rétractation du consentement à l’adoption donné par la mère de l’enfant, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 24 mars 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;

La licéité du contenu du contrat ou la conformité de ses stipulations et de son but à l’ordre public

Le nouvel article 1128 du Code civil subordonne la validité du contrat à l’existence d’un « contenu licite et certain ».

La notion de « contenu » du contrat est, manifestement, une nouveauté de l’ordonnance du 10 février 2016.

Le législateur a entendu regrouper sous une même notion les concepts d’objet et de cause qui, antérieurement à la réforme, étaient traitées dans des sections distinctes du Titre III consacré au contrat et aux obligations conventionnelles en général (Section 3 pour l’objet et Section 4, pour la cause)

Pourquoi cette fusion de la cause et l’objet ? Plusieurs raisons ont motivé le législateur, la principale étant, sans aucun doute, la simplification du droit.

Schématiquement, dans le droit antérieur, les notions d’objet et de cause remplissaient des fonctions différentes qui parfois, néanmoins, se recoupaient :

  • S’agissant de l’objet, il permettait de contrôler :
    • L’existence d’une prestation
    • La détermination de la prestation
    • La possibilité de la prestation
    • La licéité de la prestation
    • L’équilibre des prestations
  • S’agissant de la cause, elle permettait de contrôler :
    • L’existence d’une contrepartie
    • La conformité du contrat à l’ordre public et aux bonnes mœurs
    • Les atteintes aux obligations essentielles du contrat

Désormais, ces différentes fonctions qui étaient autrefois dévolues à l’objet et à la cause sont exercées par une seule et même figure juridique : la notion de contenu du contrat.

De l’avis même des auteurs, cette fusion a pour conséquence directe de mettre un terme à la grande confusion qui régnait notamment s’agissant de la question de l’utilité de la notion de cause.

Si, en apparence, cette notion semble avoir totalement disparu du Code civil, l’examen des dispositions relatives au contenu du contrat révèle pourtant qu’il n’en est rien.

En effet, le maintien de l’exigence de cause transparaît :

  • D’abord de l’article 1162 qui prévoit que le contrat doit poursuive un but licite
  • Ensuite de l’article 1163 qui exige l’existence d’une contrepartie à l’engagement de chaque contractant
  • Enfin de l’article 1170 qui prohibe les clauses privant de leur substance les obligations essentielles du contrat.

Au total, la fusion des notions d’objet et de cause n’a entraîné aucune véritable modification du droit positif. Les fonctions qu’elles exerçaient ont seulement été regroupées sous la notion unitaire de contenu du contrat.

Aussi, cette notion permet-elle de contrôler sensiblement les mêmes exigences que celles posées avant la réforme des obligations, soit les exigences relatives à :

  • La licéité du contrat
  • L’objet de l’obligation
  • L’équivalence des prestations

Nous ne nous focaliserons dans le cadre de la présente étude que sur la première exigence : la licéité du contrat.

Aux termes de l’article 1162 du Code civil « le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties. »

Il ressort de cette disposition que la licéité du contrat est subordonnée au respect d’une double exigence : tant les stipulations du contrat, que le but poursuivi par les parties doivent être conformes à l’ordre public.

I) La notion d’ordre public

L’ordre public fait partie de ces notions qui échappent à l’emprise de toute définition. Il s’agit là d’un concept dont les contours sont flous et le contenu difficile à déterminer.

Après avoir listé près d’une vingtaine de définitions, Philippe Malaurie dira de l’ordre public que, en définitive, « c’est le bon fonctionnement des institutions indispensables à la collectivité »[1]

Quant au Code civil, lui non plus ne donne aucune définition de l’ordre public.

Tout au plus, il peut être déduit de l’article 6 que l’ordre public vise l’ensemble des règles auxquelles on ne saurait déroger « par conventions particulières ».

Ainsi, l’ordre public consisterait-il en un corpus de normes impératives, soit un cadre juridique en dehors duquel la volonté des parties serait inopérante quant à la création d’obligations.

Conformément au principe d’autonomie de la volonté, les parties devraient pourtant être libres de contracter et plus encore de déterminer le contenu du contrat.

À la vérité, bien que la volonté des contractants constitue une source d’obligations aux côtés de la loi, elle n’a jamais été considérée, pas même par les rédacteurs du Code civil, comme toute puissante en matière contractuelle.

La marge de manœuvre des parties comporte une limite : celle fixée par les règles qui protègent des intérêts supérieurs placés hors d’atteinte des conventions particulières.

Pour Jean Carbonnier « l’idée générale est celle d’une suprématie de la collectivité sur l’individu. L’ordre public exprime le vouloir-vivre de la nation que menaceraient certaines initiatives individuelles en forme de contrats »[2]

Cet auteur ajoute que, finalement, l’ordre public n’est autre qu’un rappel à l’ordre adressé par l’État « aux contractants s’ils veulent toucher à des règles qu’il regarde comme essentielles »[3]

Dans cette perspective, le nouvel article 1102 du Code civil prévoit que « la liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l’ordre public. »

Le Conseil constitutionnel avait déjà énoncée cette règle dans une décision du 13 janvier 2003 que « le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789 » (Décision 2002-465 DC, 13 janvier 2003)

Deux questions immédiatement alors se posent :

  • Quelles sont les règles qui composent l’ordre public
  • Quels sont les intérêts protégés par l’ordre public

A) Les règles composant l’ordre public

Parmi les règles qui composent l’ordre public, il y en a deux sortes :

  • Les règles dont le caractère d’ordre public est déterminé par un texte
  • Les règles dont le caractère d’ordre public est déterminé par la jurisprudence

1. Les règles dont le caractère d’ordre public est déterminé par un texte

Contrairement à ce que l’on pourrait être légitimement en droit de penser, toutes les règles d’origine légale ne sont pas d’ordre public.

Deux catégories de règles textuelles doivent, en effet, être distinguées :

==>Exposé de la distinction

  • Les règles impératives
    • Il s’agit des règles auxquelles les parties ne peuvent pas déroger par convention contraire
    • Les sujets de droit n’ont d’autre choix que de s’y plier, sauf à bénéficier d’une exception prévue par la loi ou de l’autorisation d’une autorité
    • Exemple :
      • Les règles relatives au mariage, au divorce, à la filiation, à la procédure civile etc.
  • Les règles supplétives
    • Il s’agit des règles auxquelles, a contrario, les sujets de droit peuvent déroger par convention contraire
    • Autrement dit, ils peuvent écarter la loi à la faveur de l’application d’un contrat
    • Exemple :
      • Les règles relatives au fonctionnement des sociétés ou encore celles relatives au lieu et au moment du paiement en matière de contrat de vente

==>Critère de la distinction

  • La force obligatoire de la règle
    • En matière de règle impérative, la force obligatoire est absolue, en ce sens que la volonté des sujets est inopérante quant à en écarter l’application.
    • En matière de règle supplétive, la force obligatoire est relative, en ce sens que la volonté des parties est susceptible de faire échec à l’application de la règle.
  • La lettre du texte
    • Lorsqu’une règle est impérative, la plupart du temps la loi le précise
      • soit directement, en indiquant qu’il s’agit d’une disposition d’ordre public
      • soit indirectement, en indiquant que l’on ne peut pas déroger à la règle ainsi posée par convention contraire ou encore que son non-respect est sanctionné par une nullité
    • Lorsqu’une règle est supplétive, le législateur le signalera parfois en indiquant qu’elle s’applique « sauf convention contraire » ou « sauf clause contraire ».
      • La plupart du temps, cependant, aucune précision ne figurera dans le texte
      • C’est donc au juge que reviendra la tâche de déterminer si une règle est supplétive ou non
      • Il devra pour ce faire deviner l’intention du législateur, par une interprétation exégétique, systémique, voire téléologique de la règle.

==>Conséquences de la distinction

  • Sur l’autonomie de la volonté des parties
    • En matière de loi impérative
      • La volonté des parties est insusceptible de faire échec à l’application de la règle
      • Cette entorse au principe d’autonomie de la volonté qui, pourtant constitue un principe cardinal du droit des obligations, se justifie par la nécessité de faire primer l’intérêt collectif sur les intérêts particuliers.
    • En matière de loi supplétive
      • La volonté des parties est pourvue de sa pleine efficacité
      • Au fond, les règles supplétives ont pour fonction de suppléer le silence des parties
      • Elles ont, en effet, été édictées en vue de régler les situations qui n’ont pas été envisagées par les parties lors de la conclusion du contrat.
  • Sur la sanction encourue
    • Tant les lois impératives que supplétives sont sanctionnées en cas de violation.
    • Il serait, en effet, une erreur de penser que, parce qu’une règle est supplétive, elle ne serait pas sanctionnée.
    • Aussi, les lois supplétives ne sont pas dépourvues de force obligatoire.
    • La violation d’une règle supplétive sera sans effet uniquement si les parties se sont conformées à une stipulation contractuelle contraire
    • À défaut, dans la mesure où c’est la règle supplétive qui s’applique, en cas de non-respect, les parties encourent la sanction prévue par la loi

2. Les règles dont le caractère d’ordre public est déterminé par la jurisprudence

L’adage pas de nullité sans texte est-il transposable en matière de règles impératives ? Autrement dit, existe-t-il une règle : « pas de disposition d’ordre public sans texte » ?

L’examen de la jurisprudence révèle que le domaine de l’ordre public n’est pas cantonné aux seules dispositions textuelles.

Parce que l’ordre public est une « notion souple »[4] dont le périmètre varie selon les époques et les circonstances, la jurisprudence a toujours admis qu’il puisse y avoir de l’ordre public là où il n’y a pas de texte.

Ainsi, dans le silence de la loi ou du règlement, les juges peuvent conférer à une règle un caractère d’ordre public s’ils estiment que la règle en question vise à protéger l’intérêt auquel la volonté individuelle ne saurait porter atteinte.

Si, l’existence de cet ordre public virtuel ou implicite présente l’indéniable avantage de pouvoir s’adapter à l’évolution de la société et des mœurs, il n’est pas sans inconvénient s’agissant des impératifs de sécurité juridique et de prévisibilité auxquels doit répondre la règle de droit.

Aussi, appartient-il au juge de toujours chercher à rattacher la règle à laquelle il confère un caractère d’ordre public, soit à un principe général du droit, soit à un corpus normatif identifié, soit à l’esprit d’un texte.

B) Les intérêts protégés par l’ordre public

Comme le fait observer Philippe Malinvaud « l’ordre public est la marque de certaines règles légales ou réglementaires qui tirent leur suprématie de leur objet : la défense d’un intérêt général devant lequel doivent s’incliner les intérêts particuliers et les contrats qui les expriment »[5].

Ainsi, l’ordre public vise-t-il toujours à protéger des intérêts qui, s’ils sont de natures diverses et variées, ont tous pour point commun de se situer au sommet de la hiérarchie des valeurs.

Dans cette perspective, classiquement on distingue l’ordre public politique de l’ordre public économique.

1. L’ordre public politique

L’ordre public politique assure la protection des intérêts relatifs à l’État, à la famille et à la morale.

==>La défense de l’État

Toutes les règles qui régissent l’organisation et le fonctionnement de l’État sont d’ordre public

Il en résulte que les conventions qui, par exemple, porteraient sur le droit de vote ou qui viseraient à restreindre l’exercice du pouvoir politique seraient nulles

Dès lors sont impératives les lois constitutionnelles, les lois fiscales ou encore les lois pénales

==>La défense de la famille

La plupart des règles qui touchent à l’organisation et à la structuration de la famille sont d’ordre public.

L’article 1388 du Code civil prévoit en ce sens que « les époux ne peuvent déroger ni aux devoirs ni aux droits qui résultent pour eux du mariage, ni aux règles de l’autorité parentale, de l’administration légale et de la tutelle. »

Toutefois, il convient de distinguer les règles qui régissent les rapports personnels entre les membres de la famille, de celles qui gouvernent les rapports patrimoniaux.

Tandis que les premières constituent presque toujours des dispositions impératives, les secondes sont le plus souvent supplétives.

==>La défense de la morale

Si, jusque récemment, la défense de la morale se traduisait essentiellement par l’exigence de conformité des conventions aux bonnes mœurs cette exigence s’est peu à peu déportée à la faveur d’une protection de l’ordre moral qui postule désormais le respect de la personne humaine et de la liberté individuelle.

  • Les bonnes mœurs
    • À l’instar de la notion d’ordre public, l’article 6 du Code civil vise les bonnes mœurs sans autre précision.
    • Bien qu’il s’agisse là d’une notion rebelle à toute définition classiquement, les bonnes mœurs sont définies comme « une morale coutumière »[6], soit comme un ensemble de règles qui visent à assurer la protection de l’ordre social.
    • Comme le relèvent François Ost et Michel van de Kerchove, il ressort de la jurisprudence que ce sont « la morale, les goûts et les modes de vie de l’élite culturelle dominants qui servent d’étalon aux bonnes mœurs »[7]
    • D’aucuns considèrent, en outre, que les bonnes mœurs sont une composante de l’ordre public, d’où la sanction de nullité que les conventions qui y porteraient atteinte encourent.
    • Si, pendant longtemps la licéité d’un contrat était appréciée en considération de sa conformité aux bonnes mœurs, l’ordonnance du 10 février 2016 prévoit seulement que les conventions ne peuvent déroger à l’ordre public sans se référer aux bonnes mœurs, alors même que cette notion figure toujours à l’article 6 du Code civil.
    • Est-ce à dire que le législateur a entendu chasser la notion de bonnes mœurs du droit des contrats ?
    • À la vérité, les instigateurs de la réforme des obligations n’ont fait que consacrer une jurisprudence déjà existante qui, depuis quelques années, a progressivement abandonné l’exigence de conformité du contrat aux bonnes mœurs.
    • En effet, la notion de bonnes mœurs était surtout comprise au sens de morale sexuelle.
    • Or l’observation de cette morale n’a pas résisté au double mouvement de libéralisation des mœurs et la sacralisation du droit à la vie privée.
    • Deux arrêts illustrent parfaitement ce mouvement de disparition de la notion de bonnes mœurs.

*****

Premier arrêt

(Cass., ass. plén., 29 oct. 2004, n°03-11.238)

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 900, 1131 et 1133 du Code civil ;

Attendu que n’est pas nulle comme ayant une cause contraire aux bonnes mœurs la libéralité consentie à l’occasion d’une relation adultère ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (première chambre civile, 25 janvier 2000, pourvoi n° 97-19.458), que Jean Y… est décédé le 15 janvier 1991 après avoir institué Mme X… légataire universelle par testament authentique du 4 octobre 1990 ; que Mme X… ayant introduit une action en délivrance du legs, la veuve du testateur et sa fille, Mme Micheline Y…, ont sollicité reconventionnellement l’annulation de ce legs ;

Attendu que, pour prononcer la nullité du legs universel, l’arrêt retient que celui-ci, qui n’avait “vocation” qu’à rémunérer les faveurs de Mme X…, est ainsi contraire aux bonnes mœurs ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 9 janvier 2002, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;

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    • Faits
      • Dans le cadre d’une relation adultère qu’un époux entretien avec une concubine, il institue cette dernière légataire universelle par acte authentique du 4 octobre 1990
    • Demande
      • À la mort du testateur, ses héritiers engagent une action en nullité du legs
    • Procédure
      • Suite à première décision rendue par la Cour d’appel de Paris en date du 5 janvier 1996, la légataire universelle forme un pourvoi en cassation aux fins de délivrance du legs, les juges du fond n’ayant pas fait droit à sa demande
      • Aussi, leur décision est cassée le 25 janvier 2000 par la première chambre civile de la Cour de cassation.
      • La cause et les parties ont été renvoyées devant la cour d’appel de Paris, autrement composée, qui, saisie de la même affaire, a statué par arrêt du 9 janvier 2002 dans le même sens que les premiers juges d’appel par des motifs qui sont en opposition avec la doctrine de l’arrêt de cassation.
      • Les juges du fond estiment, en effet, que le legs dont était bénéficiaire la requérante était nul dans la mesure où il « n’avait vocation qu’à rémunérer les faveurs » de cette dernière, de sorte qu’il était « contraire aux bonnes mœurs »
      • Un pourvoi est alors à nouveau formé contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, à la suite de quoi l’assemblée plénière.
    • Solution
      • Par un arrêt du 29 octobre 2004, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Paris.
      • La haute juridiction considère, dans une décision qui fera date, que « n’est pas nulle comme ayant une cause contraire aux bonnes mœurs la libéralité consentie à l’occasion d’une relation adultère »
      • Ainsi pour l’assemblée plénière, quand bien même le legs avait été consenti à la concubine d’un époux dans le cadre d’une relation adultère, la libéralité en l’espèce ne portait pas atteinte aux bonnes mœurs.
      • À la suite de cette décision, les auteurs se sont immédiatement demandé ce qu’il restait de la notion de « bonnes mœurs ».
      • À la vérité, la solution retenue par la Cour de cassation ne peut se comprendre que si l’on admet qu’elle abandonne ici l’exigence de conformité du contrat aux bonnes mœurs.
      • Les arrêts qu’elle rendra postérieurement à cette décision ne feront d’ailleurs que confirmer cette interprétation.

*****

Second arrêt

(Cass. 1ère civ. 4 nov. 2011, n°10-20.114)

Vu l’article 1133 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… a souscrit le 10 mai 2007 un contrat de courtage matrimonial, prévoyant des frais d’adhésion de 8 100 euros TTC, auprès de la société Centre national de recherches en relations humaines, exerçant sous l’enseigne Eurochallenges (la société) ; que celle-ci l’a assigné en paiement puis a soulevé la nullité de la convention ;

Attendu que pour annuler le contrat litigieux “aux torts” de M. X… et condamner ce dernier à verser des dommages intérêts à la société, l’arrêt retient qu’il s’est présenté, lors de la signature de la convention, comme divorcé en cochant dans l’acte la case correspondante, bien qu’il ait été alors toujours engagé dans les liens du mariage puisque le jugement de divorce le concernant n’a été prononcé que le 22 avril 2008, soit près d’une année plus tard, ajoute que s’il avait avisé la société de sa situation, elle n’aurait pas manqué de l’informer de l’impossibilité de rechercher un nouveau conjoint en étant toujours marié, puis énonce que le contrat du 10 mai 2007 doit donc être annulé pour cause illicite comme contraire à l’ordre public de protection de la personne ainsi qu’aux bonnes mœurs, “un homme encore marié ne pouvant légitimement convoler en une nouvelle union” ;

Qu’en statuant ainsi alors que le contrat proposé par un professionnel, relatif à l’offre de rencontres en vue de la réalisation d’un mariage ou d’une union stable, qui ne se confond pas avec une telle réalisation, n’est pas nul, comme ayant une cause contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, du fait qu’il est conclu par une personne mariée, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 novembre 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence

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    • Faits
      • Un homme encore marié a souscrit le 10 mai 2007 un contrat de courtage matrimonial, prévoyant des frais d’adhésion de 8 100 euros TTC, auprès d’une société spécialisée dans ce domaine
    • Demande
      • Suite à une action en paiement de la société de courtage matrimonial, le client soulève la nullité de la convention
    • Procédure
      • Par un arrêt du 12 novembre 2009, la Cour d’appel de Nîmes annule la convention litigieuse et condamne le client au paiement de dommages et intérêt
      • Au soutien de leur décision, les juges du fond relèvent que le client aurait dû informer la société de courtage de sa situation maritale afin qu’elle soit en mesure de l’informer de l’impossibilité de rechercher un nouveau conjoint en étant toujours marié.
      • La Cour d’appel en déduit que le contrat litigieux doit être annulé pour cause illicite comme contraire à l’ordre public de protection de la personne ainsi qu’aux bonnes mœurs, « un homme encore marié ne pouvant légitimement convoler en une nouvelle union ».
    • Solution
      • Dans un arrêt du 4 novembre 2011, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Nîmes.
      • La première chambre civile estime, en effet, que « le contrat proposé par un professionnel, relatif à l’offre de rencontres en vue de la réalisation d’un mariage ou d’une union stable, qui ne se confond pas avec une telle réalisation, n’est pas nul, comme ayant une cause contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, du fait qu’il est conclu par une personne mariée ».
      • Une fois encore, la solution dégagée par la Cour de cassation interroge sur le maintien de l’exigence de conformité des contrats aux bonnes mœurs.
      • Si un homme encore marié peut contracter librement avec une société de courtage matrimonial, dorénavant plus aucune convention ne semble pouvoir être regardée comme contraire aux bonnes mœurs.
      • Aussi, le législateur a-t-il décidé de tirer les conséquences de cette jurisprudence en ne s’y référant plus.
  • Le respect de la personne humaine
    • L’article 16 du Code civil prévoit que « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. »
    • Il ressort de cette disposition que l’ordre public apparaît particulièrement présent en matière de protection de la personne humaine
    • Le principe de dignité a, d’ailleurs, été érigé au rang de principe à valeur constitutionnel (Cons. const. 27 juill. 1994)
    • Aussi, cela signifie-t-il, concrètement, que les individus n’ont pas le droit de s’aliéner.
    • Le corps humain ne saurait, en conséquence, faire l’objet d’un droit patrimonial.
    • Les lois bioéthiques qui toutes, sans exception, viennent alimenter l’ordre public, font dès lors obstacle à la conclusion de conventions qui porteraient sur le corps humain qui, non seulement est inviolable, mais encore qui jouit d’une protection du commencement de la vie jusqu’à la mort.
  • La sauvegarde de la liberté individuelle
    • La liberté est, par nature, d’ordre public.
    • C’est la raison pour laquelle, on saurait, par principe, restreindre par le biais d’un contrat les libertés consacrées dans les grandes déclarations de droits (Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, Charte des droits fondamentaux etc.)
    • Toutefois, l’exercice d’une liberté n’est jamais absolu.
    • Les libertés sont, en effet, susceptibles d’entrer en conflit avec d’autres libertés ou droits fondamentaux.
    • Comment, par exemple, concilier le principe d’ordre public de prohibition des engagements perpétuels avec la liberté contractuelle ?
    • À la vérité, les juridictions chercheront à concilier les libertés, ce qui se traduira par la validation de certaines clauses dès lors que leur stipulation est justifiée par l’exercice d’une liberté portant sur un droit fondamental et si elle est proportionnée au but recherché.

2. L’ordre public économique

D’apparition relativement récente, l’ordre public économique intéresse les règles qui régissent les échanges de biens et services

Cet ordre public est constitué de deux composantes :

  • L’ordre public économique de direction
    • L’ordre public économique de direction vise à assurer la protection d’un intérêt économique général.
    • Il s’agit là, autrement dit, de règles qui ont été édictées en vue de protéger l’économie de marché et plus généralement de servir le développement des échanges de biens et de services.
    • L’ordre public de direction est de la sorte très présent en droit de la concurrence.
    • Dans un arrêt du 26 mai 1992 la Cour de cassation a, de la sorte, affirmé que « sont nulles les conventions sous quelque forme et pour quelque cause que ce soit, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence » (Cass. com. 26 mai 1992, n°90-13.499).
  • L’ordre public économique de protection
    • L’ordre public économique de protection vise à préserver les droits de la partie jugée faible au contrat
    • Le terrain d’élection privilégié de cet ordre public est le droit du travail, le droit de la consommation ou encore le droit des locataires.
    • La présence de cet ordre public de protection se traduit, le plus souvent, par la réglementation stricte d’un certain nombre de contrats, dont la conclusion doit répondre à des conditions de forme extrêmement précise et à l’intérieur desquels doit figurer un certain nombre de clauses

II) La conformité des stipulations contractuelles à l’ordre public

A) Stipulation / Objet de l’obligation

Pour remplir la condition tenant à l’exigence de licéité du contrat, les stipulations qu’il comporte doivent être conformes à l’ordre public.

Par stipulation, il faut entendre la clause d’un contrat qui énonce le contenu de l’engagement pris par les parties. Plus généralement, il s’agit de « toute prévision contractuelle »[8]

Aussi, en prévoyant que « le contrat ne peut déroger à l’ordre public […] par ses stipulations », l’article 1162 du Code civil vise-t-il, a priori, ce que l’on qualifie traditionnellement d’objet de l’obligation, soit la prestation qu’une partie au contrat s’est engagée à exécuter.

B) Droit antérieur

Dans le droit antérieur, l’exigence de licéité de l’objet de l’obligation était rattachée à l’article 1128 du Code civil qui disposait que « il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet des conventions. »

Tout d’abord, il peut être observé que le terme commerce n’était pas pris dans son sens courant. Les choses « hors du commerce », au sens de l’article 1128, étaient, en effet, celles qui ne pouvaient pas faire l’objet de conventions pour des raisons tenant à l’ordre public et aux bonnes mœurs

Ensuite, la formulation de cette disposition était pour le moins ambiguë dans la mesure où n’étaient visées que « les choses ».

Or cela pouvait conduire, si l’on s’en tenait à la lettre du texte, à soustraire à l’exigence de licéité, les hypothèses où l’objet de l’obligation consistait, non pas en une chose, mais en un service.

Tel n’est cependant pas, fort logiquement, la solution qui était retenue par la jurisprudence. Les juridictions se livraient à une interprétation plutôt extensive de l’article 1128 du Code civil, encore qu’elles ne soient pas allées jusqu’à se fonder sur cette disposition pour contrôler la licéité de l’objet du contrat.

C) Objet de l’obligation / Objet du contrat

Par opposition à l’objet de l’obligation, l’objet du contrat n’est autre que l’opération contractuelle que les parties ont réalisée, soit l’opération envisagée dans son ensemble et non plus dans l’un ou l’autre de ses éléments constitutifs.

Pour contrôler la licéité de l’objet du contrat, la jurisprudence préférait se situer sur le terrain de la cause illicite, qui avait pour siège l’ancien article 1133 du Code civil.

Cette disposition prévoyait que « la cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public. »

Ainsi, par exemple, dans un arrêt du 12 juillet 1989 la Cour de cassation a annulé un contrat de vente portant sur divers ouvrages et matériels d’occultisme sur le fondement de la cause illicite, après avoir relevé que celui-ci avait été conclu aux fins de permettre l’exercice du métier de deviner et de pronostiquer, activité constituant la contravention prévue et punie par l’article R. 34 du Code pénal (Cass. 1ère civ. 12 juill. 1989, n°88-11.443).

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Cass. 1ère civ. 12 juill. 1989

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu qu’en 1981, M. Y…, parapsychologue, a vendu à Mme X…, elle-même parapsychologue, divers ouvrages et matériels d’occultisme pour la somme de 52 875 francs ; que la facture du 29 décembre 1982 n’ayant pas été réglée, le vendeur a obtenu une ordonnance d’injonction de payer, à l’encontre de laquelle Mme X… a formé contredit ; que l’arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 1987) a débouté M. Y… de sa demande en paiement, au motif que le contrat de vente avait une cause illicite ;

Attendu que M. Y… fait grief audit arrêt d’avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d’une part, que la cause du contrat ne réside pas dans l’utilisation que compte faire l’acquéreur de la chose vendue, mais dans le transfert de propriété de cette chose, et qu’en prenant en compte, pour déterminer cette cause, le prétendu mobile de l’acquéreur, la cour d’appel aurait violé les articles 1131, 1133 et 1589 du Code civil ; et alors, d’autre part, qu’en déclarant nulle pour cause illicite la vente d’objets banals au prétexte que ceux-ci pourraient servir à escroquer des tiers, bien qu’il soit nécessaire que le mobile illicite déterminant soit commun aux deux parties sans qu’il y ait lieu de tenir compte de l’utilisation personnelle que l’acquéreur entend faire à l’égard des tiers de la chose vendue, l’arrêt attaqué aurait de nouveau violé les textes susvisés ;

Mais attendu, d’abord, que si la cause de l’obligation de l’acheteur réside bien dans le transfert de propriété et dans la livraison de la chose vendue, en revanche la cause du contrat de vente consiste dans le mobile déterminant, c’est-à-dire celui en l’absence duquel l’acquéreur ne se serait pas engagé ; qu’ayant relevé qu’en l’espèce, la cause impulsive et déterminante de ce contrat était de permettre l’exercice du métier de deviner et de pronostiquer, activité constituant la contravention prévue et punie par l’article R. 34 du Code pénal, la cour d’appel en a exactement déduit qu’une telle cause, puisant sa source dans une infraction pénale, revêtait un caractère illicite ;

Attendu, ensuite, que M. Y… exerçait la même profession de parapsychologue que Mme X…, qu’il considérait comme sa disciple ; qu’il ne pouvait donc ignorer que la vente de matériel d’occultisme à celle-ci était destinée à lui permettre d’exercer le métier de devin ; que la cour d’appel n’avait donc pas à rechercher si M. Y… connaissait le mobile déterminant de l’engagement de Mme X…, une telle connaissance découlant des faits de la cause ;

Qu’il s’ensuit que le moyen ne peut être retenu en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

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D) Réforme des obligations

La nouvelle formulation de l’article 1162 met indéniablement un terme à l’ambiguïté, née de l’interprétation, tantôt restrictive, tantôt extensive de l’ancien article 1128.

Désormais, la licéité du contrat s’apprécie en considération de ses stipulations, soit de l’objet de l’obligation entendu de manière générale.

Immédiatement la question alors se pose de savoir dans quelles hypothèses une stipulation contractuelle peut être regardée comme contraire à l’ordre public.

E) Applications jurisprudentielles

1. Les conventions portant sur la personne humaine

==>Principe

En vertu de l’article 16 du Code civil « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. »

Il en résulte que toutes les conventions qui porteraient atteinte à la personne humaine encourent la nullité.

Les éléments du corps humain ainsi que l’état des personnes sont, de la sorte, indisponibles.

Ils ne peuvent donc pas faire l’objet d’une aliénation (art. 16-1 C. civ.).

L’article 16-5 du Code civil précise en ce sens que « les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles ».

==>Exception

Le principe d’indisponibilité du corps humain comporte deux tempéraments :

  • Le don d’éléments du corps humain
    • Le don d’éléments du corps humain, tel que le sang, les gamètes, ou encore les organes est autorisé à la condition que ledit don ne soit assorti d’aucune contrepartie.
    • Il doit s’agir d’un acte à titre gratuit.
    • L’article 16-6 du Code civil prévoit en ce sens que « aucune rémunération ne peut être allouée à celui qui se prête à une expérimentation sur sa personne, au prélèvement d’éléments de son corps ou à la collecte de produits de celui-ci »
    • Une convention qui viserait à rémunérer un donneur serait nulle.
  • La nécessité médicale
    • L’article 16-3 du Code civil prévoit que «  il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. »
    • Toutefois, cette même disposition subordonne pareille atteinte au respect d’une condition : « le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir. »

2. Les conventions portant sur la gestion pour autrui (GPA)

==>Première étape : rejet de la gestion pour autrui

Dans un arrêt du 31 mai 1991, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, refuse à un couple qui avait recouru à une mère porteuse la validation d’une procédure plénière au motif que « l’adoption n’était que l’ultime phase d’un processus destiné à permettre à un couple l’accueil à son foyer de l’enfant, conçu en exécution d’un contrat tendant à l’abandon à sa naissance par sa mère,…ce processus constituait un détournement de l’institution » (Cass. ass. plén. 31 mai 1991, n°90-20.105).

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Cass. ass. plén., 31 mai 1991

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil, ensemble l’article 353 du même Code ;

Attendu que, la convention par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d’ordre public de l’indisponibilité du corps humain qu’à celui de l’indisponibilité de l’état des personnes ;

Attendu selon l’arrêt infirmatif attaqué que Mme X…, épouse de M. Y…, étant atteinte d’une stérilité irréversible, son mari a donné son sperme à une autre femme qui, inséminée artificiellement, a porté et mis au monde l’enfant ainsi conçu ; qu’à sa naissance, cet enfant a été déclaré comme étant né de Y…, sans indication de filiation maternelle ;

Attendu que, pour prononcer l’adoption plénière de l’enfant par Mme Y…, l’arrêt retient qu’en l’état actuel des pratiques scientifiques et des moeurs, la méthode de la maternité substituée doit être considérée comme licite et non contraire à l’ordre public, et que cette adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant, qui a été accueilli et élevé au foyer de M. et Mme Y… pratiquement depuis sa naissance ;

Qu’en statuant ainsi, alors que cette adoption n’était que l’ultime phase d’un processus d’ensemble destiné à permettre à un couple l’accueil à son foyer d’un enfant, conçu en exécution d’un contrat tendant à l’abandon à sa naissance par sa mère, et que, portant atteinte aux principes de l’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes, ce processus constituait un détournement de l’institution de l’adoption, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement dans l’intérêt de la loi et sans renvoi, l’arrêt rendu le 15 juin 1990 par la cour d’appel de Paris.

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==>Deuxième étape : refus de transcription de la filiation sur les registres d’état civil

En date du 6 avril 2011, la Cour de cassation a rendu trois arrêts concernant le recours à la gestation pour autrui pratiquée par des Français à l’étranger (Cass. 1ère civ. 6 avr. 2011, n°09-66.486).

Dans ces décisions, elle approuve les juges du fond qui avaient refusé, à la demande du ministère public, de transcrire sur les registres de l’état civil les actes de naissance dressés aux États-Unis qui, validant le contrat de gestation, avait désigné, dans chacune de ces espèces, comme père et mère, le couple français commanditaire.

Ce refus, fondé sur le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, a été justifié par l’ordre public international français ou par la fraude à la loi française

La Cour de cassation affirme en ce sens que « lorsque la naissance est l’aboutissement, en fraude à la loi française, d’un processus d’ensemble comportant une convention de gestation pour le compte d’autrui, convention qui, fût-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du Code civil ».

Il en résulte selon la haute juridiction que la filiation établie à l’étranger ne peut être inscrite sur les registres français de l’état civil.

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Cass. 1re civ ,. 6 avr. 2011

Attendu que Z… est né en 2001, à Fosston (Minnesota, Etats Unis), après qu’une personne eut accepté de porter l’embryon issu des gamètes de M. X… et de Mme Y…, son épouse ; qu’un jugement du 4 juin 2001 du tribunal de Beltrami (Minnesota) a prononcé l’adoption en leur faveur de l’enfant après avoir constaté par décision du même jour son abandon par sa mère ; que l’acte de naissance délivré le 6 juin 2001 à Fosston, mentionne les noms de M. X… et de Mme Y…, épouse X…, en qualité de père et mère de l’enfant ; que cet acte a été transcrit le 11 juillet 2003 sur les registres de l’état civil du consulat général de France à Chicago, puis enregistré par le service central de l’état civil de Nantes ; que sur assignation du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, qui avait limité sa demande à l’annulation de la transcription relative à la seule filiation maternelle de l’enfant, l’arrêt confirmatif attaqué (Paris, 26 février 2009) a dit que Mme Y… n’était pas la mère de Z… et a annulé dans la transcription de l’acte de naissance de l’enfant, la mention relative à Mme Y… ;

Sur le second moyen :

Attendu que les époux X… font grief à l’arrêt d’avoir accueilli la demande, alors, selon le moyen :

[…]

Mais attendu qu’est justifié le refus de transcription d’un acte de naissance établi en exécution d’une décision étrangère, fondé sur la contrariété à l’ordre public international français de cette décision, lorsque celle-ci comporte des dispositions qui heurtent des principes essentiels du droit français ; qu’en l’état du droit positif, il est contraire au principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, principe essentiel du droit français, de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui, qui, fût elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du code civil ;

Que, dès lors, la cour d’appel a retenu, à bon droit, que dans la mesure où ils donnaient effet à une convention de cette nature, les jugements “américains” du 4 juin 2001 étaient contraires à la conception française de l’ordre public international, en sorte que l’acte de naissance litigieux ayant été établi en application de ces décisions, sa transcription sur les registres d’état civil français devait être, dans les limites de la demande du ministère public, rectifiée par voie de suppression de la mention de Mme Y… en tant que mère ; qu’une telle rectification, qui ne prive pas l’enfant de sa filiation paternelle, ni de la filiation maternelle que le droit de l’État du Minnesota lui reconnaît, ni ne l’empêche de vivre avec les époux X… en France, ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de cet enfant au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, non plus qu’à son intérêt supérieur garanti par l’article 3 §1 de la Convention internationale des droits de l’enfant ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

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Dans un arrêt du 19 mars 2014, la Cour confirme l’annulation pour fraude à la loi de la reconnaissance effectuée en France par le père biologique (Cass. 1re civ., 19 mars 2014)

==>Troisième étape : condamnation par la CEDH

La Cour européenne des droits de l’homme condamne la France au motif que son refus de reconnaître la filiation des enfants nés à l’étranger avec l’assistance d’une mère porteuse et l’impossibilité pour l’enfant d’établir en France cette filiation, alors même que celle-ci est conforme à la réalité biologique, « sont contraires au droit de tout individu au respect de son identité, partie intégrante du droit au respect de la vie privée » (CEDH 26 juin 2014, Labassee c/ France, no 65941/11, Mennesson c/ France, no 65192/11).

Elle précise que le respect de ce texte exige que « chacun puisse établir les détails de son identité d’être humain », dont la filiation est un aspect essentiel

==>Quatrième étape : revirement de jurisprudence

Dans deux arrêts d’assemblée plénière la Cour de cassation prend en compte la condamnation de la France (Cass. ass. plén., 3 juill. 2015, n°14-21.323).

Elle admet, pour la première fois, que la gestation pour autrui ne fait pas, en elle-même, obstacle à la transcription de l’acte de naissance étranger sur les actes d’état civil français.

Les deux affaires concernaient un homme ayant conclu une convention de GPA avec une mère porteuse en Russie et qui sollicitaient la transcription de l’acte de naissance qui les mentionnait l’un et l’autre comme parents de l’enfant.

Les arrêts du 3 juillet 2015 laissent en suspens la question de la filiation des parents d’intention, comme le précise d’ailleurs le communiqué de presse selon lequel « les espèces soumises à la Cour de cassation ne soulevaient pas la question de la transcription de la filiation établie à l’étranger à l’égard de parents d’intention : la Cour ne s’est donc pas prononcée sur ce cas de figure ».

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Cass. ass. plén., 3 juill. 2015

Vu l’article 47 du code civil et l’article 7 du décret du 3 août 1962 modifiant certaines règles relatives à l’état civil, ensemble l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Attendu qu’il résulte des deux premiers de ces textes que l’acte de naissance concernant un Français, dressé en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays, est transcrit sur les registres de l’état civil sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que K. X…, reconnu par M. X… le 10 mars 2011, est né le […] à Moscou ; que son acte de naissance, établi en Russie, désigne M. Dominique X…, de nationalité française, en qualité de père, et Mme Kristina Z…, ressortissante russe qui a accouché de l’enfant, en qualité de mère ; que le procureur de la République s’est opposé à la demande de M. X… tendant à la transcription de cet acte de naissance sur un registre consulaire, en invoquant l’existence d’une convention de gestation pour autrui conclue entre M. X… et Mme Z… ;

Attendu que, pour refuser la transcription, l’arrêt retient qu’il existe un faisceau de preuves de nature à caractériser l’existence d’un processus frauduleux, comportant une convention de gestation pour le compte d’autrui conclue entre M. X… et Mme Z… ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle n’avait pas constaté que l’acte était irrégulier, falsifié ou que les faits qui y étaient déclarés ne correspondaient pas à la réalité, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de transcription de l’acte de naissance de K. X…, l’arrêt rendu le 15 avril 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;

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==>Quatrième étape bis

Dans deux décisions rendues le 28 septembre 2015, la cour d’appel de Rennes confirme l’annulation des actes de naissance de deux enfants nés de mères porteuses à l’étranger, l’un en Inde, l’autre aux États-Unis (CA Rennes, 6e ch. A, 28 sept. 2015).

Les actes de naissance litigieux sont annulés, en application de l’article 47 du Code civil, en ce qu’ils ne reflètent pas la vérité quant à la filiation maternelle des enfants.

Chaque acte désigne comme mère de l’enfant l’épouse du père biologique, alors même que celle-ci n’a pas accouché de l’enfant.

La cour d’appel de Rennes réitère sa position, dans deux arrêts rendus le 7 mars 2016 (CA Rennes, 7 mars 2016) :

  • en ordonnant dans une affaire la transcription de la filiation paternelle biologique à l’état civil d’un enfant né de gestation pour autrui à l’étranger
  • en refusant dans l’autre de transcrire sur les registres français de l’état civil un acte de naissance dans lequel est indiquée en qualité de mère une femme qui n’a pas accouché.

La question de la maternité d’intention demeure pour l’instant non résolue.

==>Cinquième étape : nouvelle condamnation de la France par la CEDH

La Cour européenne des droits de l’homme vient de condamner à nouveau la France pour refus de transcription à l’état civil du lien de filiation biologique d’un enfant né sous gestation pour autrui (CEDH, 21 juill. 2016, aff. Foulon et Bouvet c. France).

Dans les deux affaires, les requérants se voyaient dans l’impossibilité d’obtenir la reconnaissance en droit français du lien de filiation biologique établi entre eux en Inde.

Les autorités françaises, suspectant le recours à des conventions de GPA illicites, refusaient donc la transcription des actes de naissance indiens.

Sans surprise, la CEDH accueille le grief de violation du droit à la vie privée (Conv. EDH, art. 8), par référence aux arrêts Mennesson et Labassée.

3. Les conventions portant sur la cession de clientèle civile

S’il ne fait aucun doute que la clientèle commerciale est susceptible d’être cédée dans la mesure où elle constitue un élément essentiel du fonds de commerce, plus délicate est la question de savoir s’il en va de même de la clientèle des professions libérales que sont avocats, les médecins, les architectes, les huissiers, les notaires, les vétérinaires ou encore les experts-comptables.

L’interrogation est permise, en raison de la nature particulière de cette clientèle.

Au soutien de l’interdiction des cessions de clientèles civiles, deux arguments majeurs ont été avancés :

  • Premier argument
    • Il existe un lien de confiance personnel entre le professionnel qui exerce une activité libérale et son client, ce qui fait de cette relation particulière une chose hors du commerce au sens de l’ancien article 1128 du Code civil.
  • Second argument
    • Autoriser les cessions de clientèles civiles reviendrait à admettre qu’il soit porté atteinte à la liberté individuelle en ce que cette opération est de nature à priver les clients de la possibilité de confier leurs intérêts au professionnel de leur choix

Bien que ces arguments soient séduisants à maints égards, la jurisprudence de la Cour de cassation n’en a pas moins connu une grande évolution sur cette question :

==>Première étape : le refus de reconnaître la licéité des cessions de clientèles civiles

Dans un arrêt du 7 février 1990, la Cour de cassation a censuré une Cour d’appel pour avoir validé la cession de clientèle d’un chirurgien-dentiste (Cass. 1re civ., 7 févr. 1990, n°88-18.441)

Après avoir affirmé que « lorsque l’obligation d’une partie est dépourvue d’objet, l’engagement du cocontractant est nul, faute de cause », la première chambre civile affirme que « les malades jouissant d’une liberté absolue de choix de leur médecin ou dentiste, leur ” clientèle “, attachée exclusivement et de façon toujours précaire à la personne de ce praticien, est hors du commerce et ne peut faire l’objet d’une convention ».

Pour la Haute juridiction la convention conclue en l’espèce encourait dès lors la nullité.

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Cass. 1re civ., 7 févr. 1990

Attendu que M. Y…, chirurgien-dentiste, après avoir remplacé pendant deux mois son confrère, M. X…, a pris en location, en décembre 1985, les locaux professionnels et le matériel de celui-ci ; qu’après s’être renseigné en mai 1986 sur les conditions de ” vente ” du cabinet de M. X… , il a accepté par écrit, le 16 juillet 1986, le prix de 270 000 francs ” en règlement du cabinet ” ; que M. Y… s’étant ensuite rétracté, un premier jugement du tribunal de grande instance d’Agen du 22 juillet 1987, fondé sur l’article 1583 du Code civil, l’a condamné ” à passer l’acte authentique de cession du cabinet de M. X… ” et à payer à celui-ci le montant du ” prix de vente ” convenu ; que M. Y… ayant alors exigé la stipulation dans le contrat d’une obligation de non-installation du vendeur pendant dix ans dans un rayon de 35 kilomètres, tandis que M. X… offrait de limiter cette obligation à un rayon de 5 kilomètres pendant deux ans à compter du 1er décembre 1985, un second jugement, du 24 novembre 1987, estimant qu’il existait un ” consensus minimal ” des parties sur une interdiction de rétablissement pendant deux ans dans un rayon de 5 kilomètres à compter du 7 août 1987, a ordonné l’inclusion de cette stipulation dans l’acte de cession ; que la cour d’appel a confirmé ces deux décisions ;.

Sur le moyen unique du pourvoi principal de M. Y…, pris en sa première branche :

Vu les articles 1128 et 1131 du Code civil ;

Attendu que lorsque l’obligation d’une partie est dépourvue d’objet, l’engagement du cocontractant est nul, faute de cause ;

Attendu que, pour déclarer parfaite la vente du cabinet de M. X… à M. Y…, l’arrêt énonce que ” la validité des cessions de clientèles civiles ne se discute pas ” ; qu’en se déterminant ainsi, alors que les malades jouissant d’une liberté absolue de choix de leur médecin ou dentiste, leur ” clientèle “, attachée exclusivement et de façon toujours précaire à la personne de ce praticien, est hors du commerce et ne peut faire l’objet d’une convention, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur les deuxième et troisième branches du moyen : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident de M. X… :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 20 juillet 1988, entre les parties, par la cour d’appel d’Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse

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==>Deuxième étape : l’admission des conventions portant sur l’obligation de présentation

Malgré l’interdiction qui frappait les cessions de clientèles civiles, la Cour de cassation a admis, en parallèle, qu’un professionnel exerçant une activité libérale puisse conclure une convention par laquelle il s’engage envers son successeur à lui présenter sa clientèle (Cass. 1re civ., 7 mars 1956).

Ainsi, par exemple, dans un arrêt du 7 juin 1995, la Cour de cassation a décidé que « si la clientèle d’un médecin ou d’un chirurgien-dentiste n’est pas dans le commerce, le droit, pour ce médecin ou ce chirurgien-dentiste, de présenter un confrère à sa clientèle, constitue un droit patrimonial qui peut faire l’objet d’une convention régie par le droit privé » (Cass. 1ère civ., 7 juin 1995, n°93-17.099).

Comme s’accordent à le dire les auteurs, cela revenait, en réalité, à admettre indirectement la licéité des cessions de clientèles civiles.

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Cass. 1ère civ., 7 juin 1995

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article 1128 du Code civil ;

Attendu que si la clientèle d’un médecin ou d’un chirurgien-dentiste n’est pas dans le commerce, le droit, pour ce médecin ou ce chirurgien-dentiste, de présenter un confrère à sa clientèle, constitue un droit patrimonial qui peut faire l’objet d’une convention régie par le droit privé ;

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, par un acte sous seing privé du 28 décembre 1984, M. Y…, chirurgien-dentiste, et Mlle X… ont conclu un contrat par lequel M. Y… s’engageait à ” présenter à celle-ci la moitié de sa clientèle “, moyennant le versement de la somme de 350 000 F ; que, le 20 avril 1985, était créée entre les deux praticiens une société civile de moyens ayant pour objet exclusif de favoriser leur activité professionnelle, chacun en détenant la moitié ; que Mlle X… a ensuite agi en nullité des conventions conclues avec M. Y…, et réclamé à celui-ci la restitution des sommes par elle versées, outre des dommages-intérêts ;

Attendu que pour déclarer nulles et de nul effet pour objet illicite et absence de cause les conventions signées entre les parties, l’arrêt retient qu’en l’absence de toute précision tant sur les critères de sélection de la moitié de la clientèle concernée que sur la nature des moyens susceptibles d’être mis en œuvre par le débiteur de l’obligation, le contrat signé entre les parties a, même indirectement, pour effet de mettre en échec le principe du libre choix du praticien par le patient et de revenir à céder partie d’une clientèle qui n’entre pas dans les choses du commerce ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors qu’il résulte de l’arrêt que M. Y… s’était seulement engagé envers son cocontractant à faire ” tout ce qui sera en son pouvoir ” pour que les clients reportent sur Mlle X… la confiance qu’ils lui témoignaient, et que la clientèle conservait donc une liberté de choix, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 mai 1993, entre les parties, par la cour d’appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Poitiers

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==>Troisième étape : la reconnaissance de la licéité des cessions de clientèles civiles

Dans un arrêt du 7 novembre 2000, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en décidant que « si la cession de la clientèle médicale, à l’occasion de la constitution ou de la cession d’un fonds libéral d’exercice de la profession, n’est pas illicite, c’est à la condition que soit sauvegardée la liberté de choix du patient ; qu’à cet égard, la cour d’appel ayant souverainement retenu, en l’espèce, cette liberté de choix n’était pas respectée » (Cass. 1ère civ. 7 nov. 2000, n°98-17.731).

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Cass., 1ère civ. 7 novembre 2000

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Y…, chirurgien, a mis son cabinet à la disposition de son confrère, M. X…, en créant avec lui une société civile de moyens ; qu’ils ont ensuite conclu, le 15 mai 1991, une convention aux termes de laquelle M. Y… cédait la moitié de sa clientèle à M. X… contre le versement d’une indemnité de 500 000 francs ; que les parties ont, en outre, conclu une ” convention de garantie d’honoraires ” par laquelle M. Y… s’engageait à assurer à M. X… un chiffre d’affaires annuel minimum ; que M. X…, qui avait versé une partie du montant de l’indemnité, estimant que son confrère n’avait pas respecté ses engagements vis-à-vis de sa clientèle, a assigné celui-ci en annulation de leur convention ; que M. Y… a demandé le paiement de la somme lui restant due sur le montant conventionnellement fixé ;

Attendu que M. Y… fait grief à l’arrêt attaqué (Colmar, 2 avril 1998) d’avoir prononcé la nullité du contrat litigieux, de l’avoir condamné à rembourser à M. X… le montant des sommes déjà payées par celui-ci et de l’avoir débouté de sa demande en paiement du solde de l’indemnité prévue par la convention, alors, selon le moyen, d’une part, qu’en décidant que le contrat était nul comme portant atteinte au libre choix de son médecin par le malade, après avoir relevé qu’il faisait obligation aux parties de proposer aux patients une ” option restreinte au choix entre deux praticiens ou à l’acceptation d’un chirurgien différent de celui auquel ledit patient avait été adressé par son médecin traitant “, ce dont il résultait que le malade conservait son entière liberté de s’adresser à M. Y…, à M. X… ou à tout autre praticien, de sorte qu’il n’était pas porté atteinte à son libre choix, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1128 et 1134 du Code civil ; et alors, d’autre part, qu’en s’abstenant de rechercher comme elle y était invitée, si l’objet du contrat était en partie licite, comme faisant obligation à M. Y… de présenter M. X… à sa clientèle et de mettre à la disposition de celui-ci du matériel médical, du matériel de bureautique et du matériel de communication, de sorte que l’obligation de M. X… au paiement de l’indemnité prévue par le contrat était pour partie pourvu d’une cause, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1128, 1131 et 1134 du Code civil ;

Mais attendu que si la cession de la clientèle médicale, à l’occasion de la constitution ou de la cession d’un fonds libéral d’exercice de la profession, n’est pas illicite, c’est à la condition que soit sauvegardée la liberté de choix du patient ; qu’à cet égard, la cour d’appel ayant souverainement retenu, en l’espèce, cette liberté de choix n’était pas respectée, a légalement justifié sa décision ; d’où il suit que le moyen, mal fondé en sa première branche, est inopérant en sa seconde ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

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  • Faits
    • Cession de la moitié de la clientèle d’un chirurgien à son associé en contrepartie du paiement de la somme de 500 000 francs.
    • Cette cession était assortie d’une clause par laquelle le cédant s’engageait à assurer au cessionnaire un chiffre d’affaires minimum.
    • Il s’est avéré cependant que, après avoir versé une partie du prix de la cession au cédant, le cessionnaire a reproché au cédant de n’avoir pas satisfait à son obligation de lui assurer un certain chiffre d’affaires.
  • Demande
    • Alors que le cessionnaire réclame l’annulation de la convention, le cédant revendique quant à lui le restant du prix de la cession lui étant dû.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 2 avril 1998, la Cour d’appel de Colmar a accédé à la requête du cessionnaire en prononçant la nullité de la cession.
    • Les juges du fond ont estimé que la cession de clientèle était nulle, dans la mesure où elle portait atteinte à la liberté de choix des patients du cédant.
  • Solution
    • Par un arrêt du 7 novembre 2000, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le médecin cédant.
    • la première chambre civile estime que la cession de clientèle d’un médecin n’est licite, que si la liberté de choix du patient est préservée.
    • Or en l’espèce il s’avère que tel n’était pas le cas dans le cadre la cession litigieuse.
    • Ainsi, ressort-il de cet arrêt que la haute juridiction renverse le principe
    • La cession de clientèle civile qui était illicite avant cette décision devient licite, à la condition, toutefois, que la liberté de choix du patient soit préservée.
    • Immédiatement, la question alors se pose des garanties dont devront justifier les parties à l’opération de cession pour que la liberté de choix du patient soit préservée.
    • Il ressort de l’arrêt du 7 janvier 2000 que, non seulement la Cour de cassation ne le dit pas, mais encore elle estime qu’il s’agit là d’une question de pur fait.
    • Autrement dit, c’est jugement du fond qu’il appartiendra d’apprécier souverainement si, dans le cadre d’une cession de clientèle civile, il est ou non porté atteinte à la liberté de choix du patient.
  • Portée
    • Depuis son revirement de jurisprudence la Cour de cassation a eu l’occasion de réaffirmer le principe de licéité des cessions de clientèles civiles (V. notamment en ce sens Cass. 1re civ., 14 nov. 2012, n°11-16.439).

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Cass. 1re civ., 14 nov. 2012

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 11 janvier 2011), que M. Y…, qui exerçait avec M. X…, son activité professionnelle au sein de la SCP notariale Michel Chapuis et Yves Lemoyne de Vernon, a cédé à son associé les parts qu’il détenait dans la société, l’acte de cession prévoyant une interdiction de réinstallation sur le territoire de certaines communes et le reversement des sommes reçues par le cédant au titre d’actes établis ou de dossiers traités pour le compte de clients de la SCP au sein d’un autre office notarial ; que, M. Y… s’étant réinstallé avec un autre confrère, au sein d’une autre société civile professionnelle, sur le territoire d’une commune autre que celles qui lui étaient interdites, M. X…, qui lui reprochait de n’avoir pas reversé les rémunérations perçues de plusieurs clients en violation des stipulations contractuelles, l’a assigné en réparation de son préjudice ; que l’arrêt le déboute de ses demandes ;

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt attaqué de le débouter de ses demandes tendant à voir juger que M. Y… était responsable de l’inexécution de la clause de reversement souscrite le 23 juillet 1998, condamner M. Y… à réparer le préjudice subi et, avant dire droit sur le quantum, ordonner une expertise, alors selon le moyen :

[…]

Mais attendu qu’après avoir retenu, selon une interprétation, exclusive de toute dénaturation, que commandait la portée ambiguë de la clause stipulant le reversement au cessionnaire des sommes perçues de la part des anciens clients de la SCP Chapuis et Lemoyne de Vernon, que cette clause, en interdisant à M. Y… de percevoir, pour une durée de dix ans, la rémunération de son activité pour le compte des clients qui avaient fait le choix de le suivre en son nouvel office, emportait cession de la clientèle lui ayant appartenu en partie, la cour d’appel, qui a relevé que la clause litigieuse, par la sanction de la privation de toute rémunération du travail accompli, soumettait le cédant à une pression sévère de nature, sinon à refuser de prêter son ministère, du moins à tenter de convaincre le client de choisir un autre notaire, et qui a ainsi constaté que la liberté de choix de cette clientèle n’était pas respectée, en a exactement déduit que ladite clause était nulle ; que le moyen, qui manque en fait en ses deuxième et quatrième branches, n’est pas fondé en ses trois autres branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

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III) La conformité du but contractuel à l’ordre public

Il ne suffit pas que les stipulations contractuelles soient conformes à l’ordre public pour que le contrat soit valide, encore faut-il que le but poursuivi par les parties le soit aussi.

D’où l’exigence posée à l’article 1162 du Code civil qui prévoit que le contrat ne peut déroger à l’ordre public notamment par son but.

Cette exigence est née de la distinction entre la cause obligation et la cause du contrat.

A) Notions : cause de l’obligation / cause du contrat

Initialement, les rédacteurs du Code civil avaient une conception pour le moins étroite de la notion de cause.

Ils ne souhaitaient pas que l’on puisse contrôler la licéité de la cause en considération des mobiles qui ont animé les contractants, ces mobiles devant leur rester propres, sans possibilité pour le juge d’en apprécier la moralité.

C’est ainsi que, dans un premier temps, pour contrôler la licéité de la cause exigée aux articles 1131 et 1133 du Code civil, la jurisprudence ne prenait en compte que les raisons immédiates qui avaient conduit les parties à contracter, soit ce que l’on appelle la cause de l’obligation, par opposition à la cause du contrat :

  • La cause de l’obligation
    • Elle représente pour les contractants les motifs les plus proches qui ont animé les parties au contrat, soit plus exactement la contrepartie pour laquelle ils se sont engagés
    • La cause de l’obligation est également de qualifiée de cause objective, en ce sens qu’elle est la même pour chaque type de contrat.
    • Exemples :
      • Dans le contrat de vente, le vendeur s’engage pour obtenir le paiement du prix et l’acheteur pour la délivrance de la chose
      • Dans le contrat de bail, le bailleur s’engage pour obtenir le paiement du loyer et le preneur pour la jouissance de la chose louée.
  • S’agissant de la cause du contrat
    • Elle représente les mobiles plus lointains qui ont déterminé l’une ou l’autre partie à contracter
    • La cause du contrat est également qualifiée de cause subjective, dans la mesure où elle varie d’un contrat à l’autre
    • Exemples :
      • Les raisons qui conduisent un vendeur à céder sa maison ne sont pas nécessairement les mêmes que son prédécesseur
      • Les raisons qui animent un chasseur à acquérir un fusil ne sont pas les mêmes que les motifs d’une personne qui envisagent de commettre un meurtre

La Cour de cassation a parfaitement mis en exergue cette distinction entre la cause de l’obligation et la cause du contrat, notamment dans un arrêt du 12 juillet 1989.

Dans cette décision elle y affirme que « si la cause de l’obligation de l’acheteur réside bien dans le transfert de propriété et dans la livraison de la chose vendue, en revanche la cause du contrat de vente consiste dans le mobile déterminant, c’est-à-dire celui en l’absence duquel l’acquéreur ne se serait pas engagé » (Cass. 1ère civ. 12 juill. 1989, n°88-11.443).

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Cass. 1ère civ. 12 juill. 1989

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu qu’en 1981, M. Y…, parapsychologue, a vendu à Mme X…, elle-même parapsychologue, divers ouvrages et matériels d’occultisme pour la somme de 52 875 francs ; que la facture du 29 décembre 1982 n’ayant pas été réglée, le vendeur a obtenu une ordonnance d’injonction de payer, à l’encontre de laquelle Mme X… a formé contredit ; que l’arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 1987) a débouté M. Y… de sa demande en paiement, au motif que le contrat de vente avait une cause illicite ;

Attendu que M. Y… fait grief audit arrêt d’avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d’une part, que la cause du contrat ne réside pas dans l’utilisation que compte faire l’acquéreur de la chose vendue, mais dans le transfert de propriété de cette chose, et qu’en prenant en compte, pour déterminer cette cause, le prétendu mobile de l’acquéreur, la cour d’appel aurait violé les articles 1131, 1133 et 1589 du Code civil ; et alors, d’autre part, qu’en déclarant nulle pour cause illicite la vente d’objets banals au prétexte que ceux-ci pourraient servir à escroquer des tiers, bien qu’il soit nécessaire que le mobile illicite déterminant soit commun aux deux parties sans qu’il y ait lieu de tenir compte de l’utilisation personnelle que l’acquéreur entend faire à l’égard des tiers de la chose vendue, l’arrêt attaqué aurait de nouveau violé les textes susvisés ;

Mais attendu, d’abord, que si la cause de l’obligation de l’acheteur réside bien dans le transfert de propriété et dans la livraison de la chose vendue, en revanche la cause du contrat de vente consiste dans le mobile déterminant, c’est-à-dire celui en l’absence duquel l’acquéreur ne se serait pas engagé ; qu’ayant relevé qu’en l’espèce, la cause impulsive et déterminante de ce contrat était de permettre l’exercice du métier de deviner et de pronostiquer, activité constituant la contravention prévue et punie par l’article R. 34 du Code pénal, la cour d’appel en a exactement déduit qu’une telle cause, puisant sa source dans une infraction pénale, revêtait un caractère illicite ;

Attendu, ensuite, que M. Y… exerçait la même profession de parapsychologue que Mme X…, qu’il considérait comme sa disciple ; qu’il ne pouvait donc ignorer que la vente de matériel d’occultisme à celle-ci était destinée à lui permettre d’exercer le métier de devin ; que la cour d’appel n’avait donc pas à rechercher si M. Y… connaissait le mobile déterminant de l’engagement de Mme X…, une telle connaissance découlant des faits de la cause ;

Qu’il s’ensuit que le moyen ne peut être retenu en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

*****

B) De la cause de l’obligation vers la cause du contrat

==>Première étape : le règne de la cause de l’obligation

Comme évoqué précédemment, pour contrôler la licéité de la cause, la jurisprudence ne prenait initialement en compte que les motifs les plus proches qui avaient conduit les parties à contracter.

Autrement dit, pour que le contrat soit annulé pour cause illicite, il fallait que la contrepartie pour laquelle l’une des parties s’était engagée soit immorale.

En retenant une conception abstraite de la cause, cela revenait cependant à conférer une fonction à la cause qui faisait double emploi avec celle attribuée classiquement à l’objet.

Dans la mesure, en effet, où la cause de l’obligation d’une partie n’est autre que l’objet de l’obligation de l’autre, en analysant la licéité de l’objet de l’obligation on analyse simultanément la licéité de la cause de l’obligation.

Certes, le contrôle de licéité de la cause conservait une certaine utilité, en ce qu’il permettait de faire annuler un contrat dans son entier lorsqu’une seule des obligations de l’acte avait un objet illicite.

Cependant, cela ne permettait pas un contrôle plus approfondi que celui opérer par l’entremise de l’objet.

Exemples : si l’on prend le cas de figure d’une vente immobilière :

  • Le vendeur a l’obligation d’assurer le transfert de la propriété de l’immeuble
  • L’acheteur a l’obligation de payer le prix de vente de l’immeuble

En l’espèce, l’objet de l’obligation de chacune des parties est parfaitement licite

Il en va de même pour la cause, si l’on ne s’intéresse qu’aux mobiles les plus proches qui ont animé les parties : la contrepartie pour laquelle elles se sont engagées, soit le paiement du prix pour le vendeur, la délivrance de l’immeuble pour l’acheteur.

Quid désormais si l’on s’attache aux raisons plus lointaines qui ont conduit les parties à contracter.

Il s’avère, en effet, que l’acheteur a acquis l’immeuble, objet du contrat de vente, en vue d’y abriter un trafic international de stupéfiants.

Manifestement, un contrôle de la licéité de la cause de l’obligation sera inopérant en l’espèce pour faire annuler le contrat, dans la mesure où l’on ne peut prendre en considération que les raisons les plus proches qui ont animé les contractants, soit la contrepartie immédiate de leur engagement.

Aussi, un véritable contrôle de licéité et de moralité du contrat supposerait que l’on s’autorise à prendre en considération les motifs plus lointains des parties, soit la volonté notamment de l’une d’elles d’enfreindre une règle d’ordre public et de porter atteinte aux bonnes mœurs.

Admettre la prise en compte de tels motifs, reviendrait, en somme, à s’intéresser à la cause subjective, dite autrement cause du contrat.

==>Seconde étape : la prise en compte de la cause du contrat

Prise dans sa conception abstraite, la cause ne permettait donc pas de remplir la fonction qui lui était assignée à l’article 1133 du Code civil : le contrôle de la moralité des conventions.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « la cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public. »

Aussi, la jurisprudence a-t-elle cherché à surmonter l’inconvénient propre à la prise en compte des seuls motifs immédiats des parties, en dépassant l’apparence objective de la cause de l’obligation, soit en recherchant les motifs extrinsèques à l’acte ayant animé les contractant.

Pour ce faire, les juges se sont peu à peu intéressés aux motifs plus lointains qui ont déterminé les parties à contracter, soit à ce que l’on appelle la cause du contrat ou cause subjectif (V. en ce sens Cass. soc., 8 janv. 1964).

C’est ainsi que, à côté de la théorie de la cause de l’obligation, est apparue la théorie de la cause du contrat, ces deux conceptions de la cause remplissant des fonctions bien distinctes :

  • S’agissant de la cause de l’obligation
    • En ne prenant en cause que les raisons immédiates qui ont conduit les parties à contracter, elle permettait d’apprécier l’existence d’une contrepartie à l’engagement de chaque contractant.
    • À défaut, le contrat était nul pour absence de cause.
  • S’agissant de la cause du contrat
    • En ne prenant en considération que les motifs lointains qui ont conduit les parties à contracter, elle permettait de contrôler la licéité de la convention prise dans son ensemble, indépendamment de l’existence d’une contrepartie.
    • Dans cette fonction, la cause était alors mise au service, moins des intérêts individuels, que de l’intérêt général.

Au total, il ressort de cette distinction opérée par la jurisprudence ainsi que par une partie de la doctrine que la cause du contrat venait en complément de l’exigence de licéité de l’objet du contrat.

En effet, tandis que l’objet du contrat permettait de vérifier que les prestations prévues par les contractants étaient conformes à l’ordre public, la cause du contrat avait, quant à elle, pour fonction de contrôler la licéité de leurs mobiles respectifs, soit la moralité du contrat.

C) Les modalités de prise en compte de la cause du contrat

S’il est nécessaire, le contrôle de la licéité de la cause du contrat ne doit pas, cependant, conduire les juges à rechercher les motifs trop lointains qui ont déterminé les parties à contracter.

En effet, cela serait revenu à permettre une remise en cause trop facile des contrats et donc à faire peser sur les parties une insécurité juridique.

Aussi, la jurisprudence a-t-elle assorti la prise en compte de la cause du contrat de plusieurs exigences :

  • L’exigence de cause déterminante
    • Le motif ne peut être retenu comme cause de nullité que s’il a été déterminant
    • Il doit, en d’autres termes, constituer la « cause impulsive et déterminante » de l’opération et non un mobile accessoire (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 12 juill. 1989, n°88-11.443).
  • L’exigence de cause commune
    • Pendant longtemps, la Cour de cassation a estimé que pour être retenu comme cause de nullité, le motif devait avoir été connu de l’autre partie (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 4 déc. 1956)
    • On entendait ainsi éviter qu’un contractant ne se voit imposer la nullité du contrat pour un motif qu’il avait ignoré au moment de sa formation.
    • Cette solution n’était, cependant, pas dépourvue d’inconvénient.
    • Cela impliquait, en effet, que dès lors qu’une partie ignorée les mobiles de l’autre, le contrat ne pouvait pas être annulé, quand bien même il portait atteinte à l’ordre social.
    • Aussi, cette solution constituait-elle une prime à la dissimulation, dans la mesure où elle incitait les parties à cacher les véritables motifs de leur engagement.
    • C’est la raison pour laquelle dans un arrêt remarqué du 7 octobre 1998, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence an décidant « qu’un contrat peut être annulé pour cause illicite ou immorale, même lorsque l’une des parties n’a pas eu connaissance du caractère illicite ou immoral du motif déterminant de la conclusion du contrat » (Cass. 1ère civ. 7 oct. 1998, n°96-14.359)
    • La haute juridiction abandonnait ainsi l’exigence de cause commune, de sorte qu’il n’est plus nécessaire que les motifs des parties soient partagés.

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Cass. 1ère civ. 7 oct. 1998

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que, par acte sous seing privé du 17 juin 1981, M. X… a reconnu devoir à son épouse une somme, remboursable avec un préavis de trois mois ; qu’après leur divorce, Mme X…, devenue Mme Y…, a, par acte du 14 juin 1989, accepté que le prêt lui soit remboursé sous forme d’une augmentation de la pension alimentaire que lui versait son ex-mari ; qu’en 1993, elle l’a assigné en remboursement du solde du prêt ;

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt attaqué (Versailles, 23 février 1996) d’avoir annulé pour cause illicite l’acte du 14 juin 1989 et fait droit à la demande de son ex-épouse, alors, selon le moyen, d’une part, qu’en ne constatant pas que l’accord avait eu pour motif déterminant des déductions fiscales illégales et en ne recherchant pas s’il n’avait pas eu pour motif déterminant de réaliser l’étalement du remboursement du prêt dont le paiement était susceptible d’être réclamé à tout moment, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1131 du Code civil ; et alors, d’autre part, qu’une convention ne peut être annulée pour cause illicite que lorsque les parties se sont engagées en considération commune d’un motif pour elles déterminant ; qu’ayant constaté que Mme Y… déclarait à l’administration fiscale l’intégralité des sommes reçues de M. X…, il s’en évinçait que Mme Y… ne pouvait avoir eu pour motif déterminant de son accord la déductibilité, par M. X…, des sommes à elles versées, en sorte que la cour d’appel, en retenant une cause illicite, a violé l’article précité ;

Mais attendu qu’un contrat peut être annulé pour cause illicite ou immorale, même lorsque l’une des parties n’a pas eu connaissance du caractère illicite ou immoral du motif déterminant de la conclusion du contrat ; que l’arrêt ayant retenu que l’acte du 14 juin 1989 avait une cause illicite en ce qu’il avait pour but de permettre à M. X… de déduire des sommes non fiscalement déductibles, Mme Y… était fondée à demander l’annulation de la convention ; qu’ainsi, la cour d’appel, qui n’avait pas à effectuer la recherche inopérante visée à la première branche du moyen, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

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D) Réforme des obligations

Il ressort de l’article 1162 du Code civil que le législateur a entendu reprendre les différentes solutions dégagées antérieurement par la jurisprudence.

En effet, bien que cette disposition n’apporte aucune définition de la notion de « but » contractuel, tout porte à croire qu’il s’agit des motifs lointains qui ont déterminé les parties à contracter, soit de la cause subjective : la cause du contrat.

Il en résulte que dès lors que le but propre à chacune des parties serait contraire à l’ordre public, le contrat encourt la nullité sur le fondement de l’illicéité de son contenu.

Il peut, par ailleurs, être observé que le législateur a consacré la solution adoptée par la Cour de cassation dans son arrêt du 7 octobre 1998.

L’article 1162 précise en ce sens qu’il importe peu que le but contractuel « ait été connu ou non par toutes les parties. »

  1. Ph. Malaurie, L’ordre public et le contrat, th., 1953, p. 69, n°99. ?
  2. J. Carbonnier, Droit civil : les biens, les obligations, PUF, 2004, n°984, p. 2037. ?
  3. Ibid. ?
  4. F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil : les obligations, Dalloz, 2007, coll. « précis », n°375, p. 381. ?
  5. Ph. Malinvaud et D. Fenouillet, Droit des obligations, LexisNexis, 2012, n°267, p. 207-208. ?
  6. J. Carbonnier, op. cit., n°983, p. 2036. ?
  7. F. Ost et M. Van de Kerchove, « mœurs (bonnes) » Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, LGDJ et Story-Scientia, 1988, p. 251 ?
  8. G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 2005, V. « stipulation », p. 873 ?