Le droit de gage général: régime

Lorsqu’un créancier n’est muni d’aucune sûreté, sa situation est pour le moins précaire puisqu’il appartient à la catégorie des créanciers chirographaires.

Par chirographaire, il faut entendre la créance qui est constatée dans un acte « écrit de la main » (du grec chiro, la main et de graphein, l’écrit).

La spécificité des créanciers chirographaires est que leur capacité à recouvrer leur créance en cas de défaillance de leur débiteur repose sur l’exercice du seul droit de gage général conféré à tout créancier par l’article 2284 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « quiconque s’est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir. »

L’article 2285 poursuit en précisant que « les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers ; et le prix s’en distribue entre eux par contribution, à moins qu’il n’y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence. »

Il ressort, en substance, de ces deux dispositions que toute personne qui s’est rendue débiteur d’une obligation répond de ses dettes sur l’ensemble de son patrimoine présent et futur, ce patrimoine constituant le gage commun des créanciers.

Si la référence au gage est maladroite, sinon erronée, dans la mesure où la garantie conférée aux créanciers au titre des articles 2284 et 2285 ne s’analyse nullement en une sûreté réelle, elle exprime néanmoins l’idée que tout créancier dispose d’un moyen de contrainte efficace aux fins d’assurer l’exécution de son obligation.

Plus qu’une prérogative reconnue au titulaire d’une créance de faire sanctionner la défaillance de son débiteur, le droit de gage général n’est autre, selon certains auteurs, que « l’expression du caractère civilement obligatoire de l’obligation ; il est la manifestation la plus élémentaire du pouvoir juridique de contrainte reconnu de façon égalitaire à tout créancier sur le patrimoine du débiteur »[8].

Bien qu’envisagé dans le Livre IV du Code civil consacré aux sûretés, le droit de gage général se situe au confluent des droits personnels dont il garantit l’exercice et des droits réels, car octroyant une parcelle d’abusus au créancier sur les biens de son débiteur, en ce qu’il peut les faire vendre pour en obtenir le prix.

À l’analyse, le droit de gage général ne constitue, ni une obligation, ni une sûreté. Il présente une nature hybride. Sa spécificité tient à la combinaison de plusieurs éléments qui tiennent à son assiette, à sa mise en œuvre et à ses titulaires.

==> L’assiette du droit de gage général

  • Les biens compris dans l’assiette du droit de gage général
    • Le droit de gage général a pour assiette l’ensemble des biens présents et futurs du débiteur.
    • L’article 2284 du Code civil, n’opérant aucune distinction, tous les biens appartenant au débiteur sont compris dans le gage des créanciers.
    • Il est indifférent qu’il s’agisse de biens mobiliers ou immobiliers.
    • Plus encore, sont visés, tant les biens présents, que les biens futurs.
    • Par bien futurs, il faut entendre ceux qui n’ont pas encore intégré le patrimoine du débiteur au jour de la naissance de l’obligation.
    • Aussi, peu importe que le débiteur ne possède rien au moment où la créance naît : tous les biens dont il sera devenu propriétaire au jour où des poursuites sont engagées contre lui pourront être saisis.
    • À l’inverse, les biens sortis du patrimoine du débiteur au jour de la créance ne relèvent pas de l’assiette du droit de gage générale des créanciers.
  • Une universalité de droit comme assiette du droit de gage général
    • Les prérogatives conférées au créancier au titre du droit de gage général n’ont pas seulement pour objet des biens, elles portent sur une universalité de droit.
    • Il en résulte que le créancier est autorisé à exercer ses poursuites sur n’importe quel bien figurant dans le patrimoine de son débiteur.
    • La raison en est que, dans une universalité de droit, l’actif répond du passif et plus précisément l’ensemble des dettes sont exécutoires sur l’ensemble des biens.
    • Aussi, le créancier qui exerce son droit de gage général n’a nullement l’obligation de concentrer ses poursuites sur un ou plusieurs biens.
    • Il est libre de choisir le bien qu’il entend saisir aux fins d’être réglé de sa créance, sous réserve que ce bien ne soit pas grevé d’une sûreté constituée par un tiers.

==> L’exercice du droit de gage général

Le droit de gage général ne confère, en aucune manière, un droit direct sur les biens du débiteur, raison pour laquelle la doctrine majoritaire lui refuse la qualification de droit réel.

Sa spécificité réside, entre autres, dans son exercice qui est subordonné à l’engagement de poursuites judiciaires et plus précisément à la réalisation de saisies.

Aussi, est-ce le droit de l’exécution qui gouverne la mise en œuvre du droit de gage général.

À cet égard l’article L. 111-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution. »

Il ressort de cette disposition que pour exercer son droit de gage général, le créancier doit être muni d’un titre exécutoire.

Par titre exécutoire, il faut entendre, au sens de l’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution :

  • Les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire ;
  • Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarées exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l’Union européenne applicables ;
  • Les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;
  • Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;
  • Les accords par lesquels les époux consentent mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresignée par avocats, déposés au rang des minutes d’un notaire selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil ;
  • Le titre délivré par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque ou en cas d’accord entre le créancier et le débiteur dans les conditions prévues à l’article L. 125-1 ;
  • Les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement.

Lorsque le créancier est muni d’un titre exécutoire, il pourra exercer son droit de gage général sur n’importe quel bien figurant dans le patrimoine de son débiteur.

Cette liberté de choix, reconnu par l’article 2284 du Code civil, est rappelée notamment :

  • D’une part, par l’article L. 111-7 du CPCE qui prévoit que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance, sous réserve que l’exécution de ces mesures n’excède pas ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation.
  • D’autre part, par l’article L. 112-1, al. 1er qui prévoit que « les saisies peuvent porter sur tous les biens appartenant au débiteur alors même qu’ils seraient détenus par des tiers.»

La liberté dont jouit le créancier à diligenter des mesures d’exécution en opportunité, dans le cadre de l’exercice de son droit de gage général, n’est pas sans limite.

Cette prérogative ne confère, en effet, aucun droit de suite au créancier, de sorte qu’il ne pourra pas exercer de poursuites sur les biens sortis du patrimoine de son débiteur avant la date de naissance de sa créance.

En revanche, le créancier pourra saisir n’importe quel bien figurant dans le patrimoine du débiteur, dans la mesure où, comme indiqué précédemment, le droit de gage général a pour assiette une universalité de droit.

Aussi, tous les biens dont est propriétaire le débiteur répondent corrélativement de toutes ses dettes. Inversement, chacune de ses dettes vient grever chacun de ses biens

==> Les titulaires du droit de gage général

L’article 2285 du Code civil prévoit que « les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers »

Il ressort de cette disposition que :

  • D’une part, toutes les personnes justifiant de la qualité de créancier sont investies du droit de gage général
  • D’autre part, tous les créanciers d’un même débiteur sont placés sur un pied d’égalité

Ainsi, tous les créanciers d’un même débiteur se voient conférer des prérogatives identiques, quelle que soit la date de naissance de leur créance.

Il y a donc une égalité parfaite entre créanciers chirographaires qui est instituée par le droit de gage général.

Seules circonstances susceptibles de rompre cette égalité qui préside aux rapports entre créanciers : les « causes légitimes de préférence ».

Les causes de préférence visées par l’article 2285 du Code civil ne sont autres que les sûretés réelles qui pourraient avoir été constituées par certains créanciers.

Le créancier muni d’une telle sûreté sera, en effet, titulaire d’un droit de préférence sur le bien grevé et primera, à ce titre, les autres créanciers quant aux éventuelles poursuites susceptibles d’être exercées sur ce bien.

En cas de concours de créanciers chirographaires, le principe d’égalité les contraindra à faire montre de diligence et de célérité quant à l’exercice de leurs poursuites.

En dehors d’une procédure collective, c’est la règle du premier saisissant qui s’appliquera, de sorte qu’il est un risque pour le créancier le moins réactif que le patrimoine de son débiteur ne soit vidé de son actif avant qu’il n’agisse.

Lorsque plusieurs créanciers ont vocation à se répartir le prix de vente d’un bien, comme précisé par l’article 2285 du Code civil, c’est une répartition au marc l’euro qui s’opère, chaque créancier percevant une fraction du prix au prorata de sa créance.

Quant à l’hypothèse où le débiteur fait l’objet d’une procédure collective, il appartiendra à tous les créanciers de déclarer leur créance auprès du mandataire judiciaire ou, le cas échéant, du liquidateur, faute de quoi ils ne pourront pas prendre part à la distribution de l’actif dans le cadre de la procédure.

[1] G. Cornu, Vocabulaire juridique, éd. Puf, coll. « Quadrige », 2016, v° Sûreté

[2] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°2, p.2.

[3] Ph. Simlet et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°2, p. 5

[4] J.-D. Pellier, « Réforme des sûretés : saison 2 », Dalloz Actualité, 17 sept. 2021.

[5] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°3, p. 6

[6] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°5, p.4.

[7] J.-B. Seube, Droit des sûretés, éd. Dalloz, coll. « Cours Dalloz », 2020, n°3, p.2.

[8] J. Mestre, E. Putman et M. Billiau, Droit civil – Droit commun des sûretés réelles, éd. LGDJ, 1996, n°115, p. 104.

[9] G. Cornu, Droit civil – Les biens, éd. Domat, 2007, §5, p. 11.

[10] P.-Y Ardoy, Fiches de droit des sûretés, éd. Ellipses, 2018, p. 14

[11] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[12] D. Legais, Droit des sûretés et garanties du crédit, éd. LGDJ, 2021, n°60, p. 64.

[13] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[14] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°550, p.369.

[15] Ibid, n°551, p. 370.

[16] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, coll. « précis », n°707, p. 6002.

[17] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°6, p. 10

Les sûretés: fonctions

Classiquement, on reconnaît aux sûretés deux fonctions :

  • Favoriser l’octroi du crédit
  • Conférer une position privilégiée au créancier

§1 : Favoriser l’octroi du crédit

L’une des principales fonctions des sûretés, sinon la plus importante, tant à l’échelle individuelle, que collective, est de favoriser l’octroi du crédit.

Le crédit, mot dérivé du latin credere signifiant croire, avoir confiance, constitue l’un des principaux fondements de notre économie.

Or selon la formule désormais consacrée : « pas de crédit sans sûretés ». Ainsi que le soulignent les auteurs les sûretés sont les « auxiliaires du crédit »[5], elles entretiennent avec lui un quasi lien de filiation[6].

La raison en est que l’octroi d’un crédit par un établissement bancaire ou financier sera, le plus souvent, subordonné à la constitution d’une sûreté.

Il est une nécessité pour un prêteur de se prémunir contre le risque d’insolvabilité de l’emprunteur. Pour ce faire, son premier réflexe sera de recourir aux sûretés, lesquelles sont, pour lui, consubstantielles au crédit.

Ainsi lorsqu’un dirigeant sollicitera une ligne de prêt pour le compte de son entreprise, le banquier exigera presque systématiquement de lui qu’il garantisse l’opération en se portant caution à titre personnel.

De la même façon, le financement d’un bien immobilier s’accompagnera, la plupart du temps, de la constitution d’une hypothèque sur ce bien ou, le cas échéant, sur le bien d’un tiers.

À cet égard, le développement du crédit à compter du milieu du XXe siècle n’est pas étranger à la multiplication des sûretés. D’aucuns y voient d’ailleurs un lien de cause à effet.

Comme souligné par un auteur, certains créanciers recèleront des « trésors d’imagination pour disposer de la sûreté la plus efficace »[7].

Pour présenter un intérêt, la sûreté doit garantir le paiement de la dette, soit assurer au créancier d’être payé en cas de défaillance de son débiteur.

Pratiquement, cela suppose, indépendamment du respect de ses conditions de constitution, que la sûreté confère à son titulaire une position privilégiée par rapport aux autres créanciers, lesquels chercheront, à leur tour, et par tous moyens, à s’extraire de la précarité dans laquelle se trouvent les créanciers chirographaires nativement.

C’est là la seconde fonction que l’on assigne traditionnellement aux sûretés.

§2 : Conférer une position privilégiée au créancier

Lorsqu’un créancier n’est muni d’aucune sûreté, sa situation est pour le moins précaire puisqu’il appartient à la catégorie des créanciers chirographaires.

Par chirographaire, il faut entendre la créance qui est constatée dans un acte « écrit de la main » (du grec chiro, la main et de graphein, l’écrit).

La spécificité des créanciers chirographaires est que leur capacité à recouvrer leur créance en cas de défaillance de leur débiteur repose sur l’exercice du seul droit de gage général conféré à tout créancier par l’article 2284 du Code civil.

Si, en soi, cette situation n’est pas totalement inintéressante, dans la mesure où elle autorise le titulaire de ce droit à poursuivre l’exécution forcée sur le patrimoine du débiteur, elle présente néanmoins de nombreuses faiblesses qui constituent autant de raisons d’être des sûretés.

I) Le contenu de la protection du créancier chirographaire

La protection du créancier chirographaire contre la défaillance de son débiteur est assurée :

  • D’une part, part le droit de gage général dont il est investi
  • D’autre part, par certains mécanismes du droit des obligations

A) Le droit de gage général

L’article 2284 du Code civil prévoit que « quiconque s’est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir. »

L’article 2285 poursuit en précisant que « les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers ; et le prix s’en distribue entre eux par contribution, à moins qu’il n’y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence. »

Il ressort, en substance, de ces deux dispositions que toute personne qui s’est rendue débiteur d’une obligation répond de ses dettes sur l’ensemble de son patrimoine présent et futur, ce patrimoine constituant le gage commun des créanciers.

Si la référence au gage est maladroite, sinon erronée, dans la mesure où la garantie conférée aux créanciers au titre des articles 2284 et 2285 ne s’analyse nullement en une sûreté réelle, elle exprime néanmoins l’idée que tout créancier dispose d’un moyen de contrainte efficace aux fins d’assurer l’exécution de son obligation.

Plus qu’une prérogative reconnue au titulaire d’une créance de faire sanctionner la défaillance de son débiteur, le droit de gage général n’est autre, selon certains auteurs, que « l’expression du caractère civilement obligatoire de l’obligation ; il est la manifestation la plus élémentaire du pouvoir juridique de contrainte reconnu de façon égalitaire à tout créancier sur le patrimoine du débiteur »[8].

Bien qu’envisagé dans le Livre IV du Code civil consacré aux sûretés, le droit de gage général se situe au confluent des droits personnels dont il garantit l’exercice et des droits réels, car octroyant une parcelle d’abusus au créancier sur les biens de son débiteur, en ce qu’il peut les faire vendre pour en obtenir le prix.

À l’analyse, le droit de gage général ne constitue, ni une obligation, ni une sûreté. Il présente une nature hybride. Sa spécificité tient à la combinaison de plusieurs éléments qui tiennent à son assiette, à sa mise en œuvre et à ses titulaires.

==> L’assiette du droit de gage général

  • Les biens compris dans l’assiette du droit de gage général
    • Le droit de gage général a pour assiette l’ensemble des biens présents et futurs du débiteur.
    • L’article 2284 du Code civil, n’opérant aucune distinction, tous les biens appartenant au débiteur sont compris dans le gage des créanciers.
    • Il est indifférent qu’il s’agisse de biens mobiliers ou immobiliers.
    • Plus encore, sont visés, tant les biens présents, que les biens futurs.
    • Par bien futurs, il faut entendre ceux qui n’ont pas encore intégré le patrimoine du débiteur au jour de la naissance de l’obligation.
    • Aussi, peu importe que le débiteur ne possède rien au moment où la créance naît : tous les biens dont il sera devenu propriétaire au jour où des poursuites sont engagées contre lui pourront être saisis.
    • À l’inverse, les biens sortis du patrimoine du débiteur au jour de la créance ne relèvent pas de l’assiette du droit de gage générale des créanciers.
  • Une universalité de droit comme assiette du droit de gage général
    • Les prérogatives conférées au créancier au titre du droit de gage général n’ont pas seulement pour objet des biens, elles portent sur une universalité de droit.
    • Il en résulte que le créancier est autorisé à exercer ses poursuites sur n’importe quel bien figurant dans le patrimoine de son débiteur.
    • La raison en est que, dans une universalité de droit, l’actif répond du passif et plus précisément l’ensemble des dettes sont exécutoires sur l’ensemble des biens.
    • Aussi, le créancier qui exerce son droit de gage général n’a nullement l’obligation de concentrer ses poursuites sur un ou plusieurs biens.
    • Il est libre de choisir le bien qu’il entend saisir aux fins d’être réglé de sa créance, sous réserve que ce bien ne soit pas grevé d’une sûreté constituée par un tiers.

==> L’exercice du droit de gage général

Le droit de gage général ne confère, en aucune manière, un droit direct sur les biens du débiteur, raison pour laquelle la doctrine majoritaire lui refuse la qualification de droit réel.

Sa spécificité réside, entre autres, dans son exercice qui est subordonné à l’engagement de poursuites judiciaires et plus précisément à la réalisation de saisies.

Aussi, est-ce le droit de l’exécution qui gouverne la mise en œuvre du droit de gage général.

À cet égard l’article L. 111-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution. »

Il ressort de cette disposition que pour exercer son droit de gage général, le créancier doit être muni d’un titre exécutoire.

Par titre exécutoire, il faut entendre, au sens de l’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution :

  • Les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire ;
  • Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarées exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l’Union européenne applicables ;
  • Les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;
  • Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;
  • Les accords par lesquels les époux consentent mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresignée par avocats, déposés au rang des minutes d’un notaire selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil ;
  • Le titre délivré par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque ou en cas d’accord entre le créancier et le débiteur dans les conditions prévues à l’article L. 125-1 ;
  • Les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement.

Lorsque le créancier est muni d’un titre exécutoire, il pourra exercer son droit de gage général sur n’importe quel bien figurant dans le patrimoine de son débiteur.

Cette liberté de choix, reconnu par l’article 2284 du Code civil, est rappelée notamment :

  • D’une part, par l’article L. 111-7 du CPCE qui prévoit que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance, sous réserve que l’exécution de ces mesures n’excède pas ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation.
  • D’autre part, par l’article L. 112-1, al. 1er qui prévoit que « les saisies peuvent porter sur tous les biens appartenant au débiteur alors même qu’ils seraient détenus par des tiers.»

La liberté dont jouit le créancier à diligenter des mesures d’exécution en opportunité, dans le cadre de l’exercice de son droit de gage général, n’est pas sans limite.

Cette prérogative ne confère, en effet, aucun droit de suite au créancier, de sorte qu’il ne pourra pas exercer de poursuites sur les biens sortis du patrimoine de son débiteur avant la date de naissance de sa créance.

En revanche, le créancier pourra saisir n’importe quel bien figurant dans le patrimoine du débiteur, dans la mesure où, comme indiqué précédemment, le droit de gage général a pour assiette une universalité de droit.

Aussi, tous les biens dont est propriétaire le débiteur répondent corrélativement de toutes ses dettes. Inversement, chacune de ses dettes vient grever chacun de ses biens

==> Les titulaires du droit de gage général

L’article 2285 du Code civil prévoit que « les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers »

Il ressort de cette disposition que :

  • D’une part, toutes les personnes justifiant de la qualité de créancier sont investies du droit de gage général
  • D’autre part, tous les créanciers d’un même débiteur sont placés sur un pied d’égalité

Ainsi, tous les créanciers d’un même débiteur se voient conférer des prérogatives identiques, quelle que soit la date de naissance de leur créance.

Il y a donc une égalité parfaite entre créanciers chirographaires qui est instituée par le droit de gage général.

Seules circonstances susceptibles de rompre cette égalité qui préside aux rapports entre créanciers : les « causes légitimes de préférence ».

Les causes de préférence visées par l’article 2285 du Code civil ne sont autres que les sûretés réelles qui pourraient avoir été constituées par certains créanciers.

Le créancier muni d’une telle sûreté sera, en effet, titulaire d’un droit de préférence sur le bien grevé et primera, à ce titre, les autres créanciers quant aux éventuelles poursuites susceptibles d’être exercées sur ce bien.

En cas de concours de créanciers chirographaires, le principe d’égalité les contraindra à faire montre de diligence et de célérité quant à l’exercice de leurs poursuites.

En dehors d’une procédure collective, c’est la règle du premier saisissant qui s’appliquera, de sorte qu’il est un risque pour le créancier le moins réactif que le patrimoine de son débiteur ne soit vidé de son actif avant qu’il n’agisse.

Lorsque plusieurs créanciers ont vocation à se répartir le prix de vente d’un bien, comme précisé par l’article 2285 du Code civil, c’est une répartition au marc l’euro qui s’opère, chaque créancier percevant une fraction du prix au prorata de sa créance.

Quant à l’hypothèse où le débiteur fait l’objet d’une procédure collective, il appartiendra à tous les créanciers de déclarer leur créance auprès du mandataire judiciaire ou, le cas échéant, du liquidateur, faute de quoi ils ne pourront pas prendre part à la distribution de l’actif dans le cadre de la procédure.

B) Les mécanismes protecteurs du droit des obligations

Afin de recouvrer sa créance et appréhender les biens du débiteur, le droit de gage général n’est pas le seul levier susceptible d’être actionné par les créanciers chirographaires.

Ils peuvent également compter sur un certain nombre de dispositifs qui relèvent du droit des obligations.

On évoquera les principaux, tels que l’action oblique, l’action paulienne, l’action directe ou encore l’action en déclaration de simulation.

  • S’agissant de l’action oblique
    • Cette action est envisagée à l’article 1341-1 du Code civil qui prévoit que « le créancier peut aussi agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits, à charge d’établir, s’il s’agit d’un acte à titre onéreux, que le tiers cocontractant avait connaissance de la fraude.»
    • L’action oblique (dite encore indirecte ou subrogatoire) permet, en somme, au créancier, sous certaines conditions, d’exercer un droit ou une action que le débiteur néglige d’exercer.
    • Le bénéfice de l’action ne profite cependant pas directement au créancier agissant mais intègre le patrimoine du débiteur, sur lequel il viendra en concours avec les autres créanciers du débiteur.
    • Pour que l’action oblique puisse être exercée, il faut notamment que le débiteur soit titulaire de droits et actions à l’égard d’un tiers et doit négliger de s’en prévaloir.
    • Il faut, en outre, que la carence du débiteur soit de nature à compromettre les droits du créancier.
  • S’agissant de l’action paulienne
    • Cette action est envisagée à l’article 1341-2 du Code civil qui prévoit que « le créancier peut aussi agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits, à charge d’établir, s’il s’agit d’un acte à titre onéreux, que le tiers cocontractant avait connaissance de la fraude.»
    • L’action paulienne vise à faire annuler les conséquences dommageables d’un acte d’appauvrissement.
    • Plus précisément, elle a pour effet de rendre un acte frauduleux accompli par le débiteur inopposable au créancier agissant, lorsque cet acte porte atteinte à ses droits.
    • L’engagement d’une action paulienne suppose que l’acte attaqué ait rendu le débiteur insolvable ou ait aggravé son insolvabilité.
    • Cette situation a généralement pour origine un acte d’appauvrissement, faisant sortir une valeur du patrimoine de l’intéressé.
    • Tel est le cas des actes à titre gratuit comme une donation faite par le débiteur ou d’actes à titre onéreux comme, par exemple, une vente d’immeubles réalisée à un prix fictif au profit du gendre du débiteur ou d’une cession de créance.
    • Pour que l’action paulienne puisse être exercée, il faudra encore établir, s’agissant d’un acte à titre onéreux, que le tiers cocontractant avait connaissance de la fraude.
  • S’agissant de l’action directe
    • Cette action est envisagée à l’article 1341-3 du Code civil qui prévoit que « dans les cas déterminés par la loi, le créancier peut agir directement en paiement de sa créance contre un débiteur de son débiteur.»
    • Il s’agit donc de toutes les actions, spécifiquement visées par la loi, qui donc autorisent un créancier à agir en paiement directement contre le débiteur de son débiteur, ce par dérogation au principe de l’effet relatif des conventions.
    • Le domaine de la règle énoncée par l’article 1341-3 est circonscrit aux seules actions directes en paiement.
    • Sont exclues de son champ d’application les actions directes en responsabilité ou en garantie, de sorte que les solutions jurisprudentielles actuelles, notamment sur les chaînes translatives de propriété, ne sont pas concernées par ce dispositif
  • S’agissant de l’action en déclaration de simulation
    • Cette action est envisagée à l’article 1201 du Code civil qui prévoit que « lorsque les parties ont conclu un contrat apparent qui dissimule un contrat occulte, ce dernier, appelé aussi contre-lettre, produit effet entre les parties. Il n’est pas opposable aux tiers, qui peuvent néanmoins s’en prévaloir.»
    • L’action en déclaration de simulation a pour objet de démontrer qu’un acte a créé une fausse apparence.
    • Elle permet de rétablir la véritable qualification de l’acte. Cette action en justice ouverte aux tiers peut être engagée par toute personne qui se verrait opposer l’acte simulé, aux fins d’obtenir qu’il ne soit tenu compte que de l’acte effectif pour ce qui concerne ses intérêts.
    • En pratique, le demandeur à l’action entend obtenir que soit prononcée en sa faveur la réintégration dans le patrimoine d’un débiteur du bien apparemment soustrait de son gage.
    • L’action en déclaration de simulation se distingue ainsi de l’action paulienne, qui permet au créancier de faire déclarer inopposable à son égard un acte d’appauvrissement du débiteur sans remettre en cause le droit de propriété du tiers.

II) La fragilité de la protection du créancier chirographaire

Si le droit de gage général confère un pouvoir de contrainte au créancier, en ce qu’il peut exercer des poursuites directement sur les biens de son débiteur, cette prorogative présentent de nombreux inconvénients.

En pratique, faute d’être muni de sûretés, des nombreuses menaces pèseront sur le recouvrement de la créance du créancier.

La précarité de sa situation tient essentiellement à :

  • D’une part, l’absence de droit de préférence
  • D’autre part, l’absence de droit de suite

A) L’absence de droit de préférence

Les créanciers chirographaires ne sont titulaires d’aucun droit de préférence. Et pour cause, par hypothèse, ils ne sont munis d’aucune sûreté réelle. Or le droit de préférence est strictement attaché à la titularité d’un droit réel.

Ce droit consiste, en effet, en l’avantage procuré à un créancier d’être payé prioritairement sur un ou plusieurs biens du débiteur, voire d’un tiers, lesquels biens sont, en tout état de cause, affectés au paiement de la dette.

Concrètement, cela signifie que, en cas d’exercice du droit de préférence, le créancier pourra obtenir un paiement prioritaire sur le prix de vente du bien sur lequel les poursuites sont exercées.

Quant aux créanciers chirographaires, ils ne pourront participer à la répartition du produit de la vente qu’une fois que les créanciers titulaires d’un droit de préférence auront été désintéressés.

Il est indifférent que leur créance soit née antérieurement à celle garantie par un droit de préférence : elle ne pourra être réglée qu’en dernier, étant précisé que, entre créancier chirographaire, la répartition du prix de vente, à tout le moins du reliquat, s’opère au marc-l’euro, conformément à l’article 2285 du Code civil, c’est-à-dire proportionnellement au montant de leurs créances respectives.

B) L’absence de droit de suite

Les créanciers chirographaires ne sont titulaires d’aucun droit de suite. À l’instar du droit de préférence, le droit de suite est nécessairement attaché à un droit réel.

Plus précisément, il s’agit d’un droit permettant au créancier d’exercer ses poursuites sur le bien grevé en quelques mains qu’il se trouve.

Dans l’hypothèse où ce bien aurait été cédé par le débiteur à un tiers, le créancier pourra, malgré tout, le faire saisir et se faire attribuer le produit de la vente en règlement de sa créance.

Parce que les créanciers chirographaires ne jouissent d’aucun droit de suite, leur gage est à périmètre variable, en ce sens qu’« il épouse les fluctuations du patrimoine »[9].

Autrement dit, l’assiette du gage du créancier sera déterminée au jour de l’exigibilité de la dette. Il comprendra donc les seuls biens présents dans le patrimoine du débiteur au jour où il cherchera effectivement à obtenir le paiement de sa créance.

Aussi, entre le moment où la dette a été contractée et le jour où elle devient exigible, le patrimoine du débiteur est susceptible d’avoir considérablement diminué.

C’est à ce risque que les créanciers qui ne bénéficient d’aucun droit de suite sont confrontés, ce qui rend leur situation pour le moins précaire. Le succès de leurs poursuites dépend de la surface patrimoniale de leur débiteur au jour où elles sont exercées.

Au surplus, en l’absence de droit de suite, les créanciers chirographaires s’exposent à ce que le débiteur recourt à certains dispositifs juridiques leur permettant de réduire l’assiette du droit de gage général.

Au nombre de ces dispositifs, on compte notamment la création d’un patrimoine d’affectation et l’insaisissabilité de certains biens dont est propriétaire l’entrepreneur individuel.

  • S’agissant du dispositif de création d’un patrimoine d’affectation
    • L’article L. 526-6 du Code de commerce dispose que « pour l’exercice de son activité en tant qu’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, l’entrepreneur individuel affecte à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d’une personne morale, dans les conditions prévues à l’article L. 526-7.»
    • Ce texte autorise ainsi l’entrepreneur individuel, qui adopte le statut d’EIRL, à affecter un patrimoine à l’exercice de son activité professionnelle de façon à protéger son patrimoine personnel et familial, sans créer de personne morale distincte de sa personne.
    • La création d’un patrimoine d’affectation déroge manifestement aux règles posées aux articles 2284 et 2285 du Code civil, en établissant que les créances personnelles de l’entrepreneur ne sont gagées que sur le patrimoine non affecté, et les créances professionnelles sur le patrimoine affecté.
    • L’admission de la constitution d’un patrimoine d’affectation opère une rupture profonde avec le dogme de l’unicité du patrimoine organisé jusqu’alors par le droit civil français.
  • S’agissant du dispositif d’insaisissabilité de certains biens dont est propriétaire l’entrepreneur individuel
    • Autre entorse faite par le législateur au principe d’unicité du patrimoine : l’adoption de textes qui visent à rendre insaisissable de la résidence principale et plus généralement les biens immobiliers détenus par l’entrepreneur individuel.
    • Les biens couverts par cette insaisissabilité sont, en effet, exclus du gage général des créanciers, ce qui revient à créer une masse de biens protégée au sein même du patrimoine de l’entrepreneur individuel.
    • Cette protection patrimoniale dont jouit ce dernier a été organisée par une succession de lois qui, au fil des réformes, ont non seulement assoupli les conditions de l’insaisissabilité de la résidence principale, mais encore ont étendu son assiette aux autres biens immobiliers non affectés à l’activité professionnelle.
    • Aujourd’hui, depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques l’insaisissable la résidence principale de l’entrepreneur individuel produit ses effets de plein droit.
    • Ainsi, cette dernière loi a-t-elle renforcé la protection de ce dernier qui n’est plus obligé d’accomplir une déclaration pour bénéficier du dispositif d’insaisissabilité.
    • Reste que cette insaisissabilité, de droit, ne vaut que pour la résidence principale.
    • S’agissant, en effet, des autres biens immobiliers détenus par l’entrepreneur et non affectés à son activité professionnelle, leur insaisissabilité est subordonnée à l’accomplissement de formalités.
    • L’article L. 526-1, al. 2e du Code de commerce prévoit en ce sens que « une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, qu’elle n’a pas affecté à son usage professionnel.»
    • Si les biens immobiliers, autres que la résidence principale, peuvent bénéficier du dispositif de l’insaisissabilité, c’est donc à la double condition que l’entrepreneur individuel accomplisse, outre les formalités d’immatriculation le cas échéant requises, qu’il accomplisse une déclaration d’insaisissabilité et qu’il procède aux formalités de publication.

Au regard de ce qui précède et compte tenu de la fragilité de la protection dont bénéficie le créancier chirographaire, les sûretés jouent un rôle important, sinon essentiel.

Elles offrent au créancier la possibilité :

  • D’une part, de se prémunir du risque d’insolvabilité de son débiteur, soit en obtenant d’un tiers qu’il se substitue à lui en cas de défaillance (sûreté personnelle), soit obtenant de son débiteur qu’il affecte un ou plusieurs biens en garantie du paiement de la dette (sûreté réelle).
  • D’autre part, de bénéficier d’une position préférentielle par rapport aux autres créanciers avec lesquels il ne sera pas en concours, conformément à l’article 2285 du Code civil qui assortit le principe d’égalité d’une exception lorsqu’il existe une « cause légitime de préférence».

[1] G. Cornu, Vocabulaire juridique, éd. Puf, coll. « Quadrige », 2016, v° Sûreté

[2] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°2, p.2.

[3] Ph. Simlet et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°2, p. 5

[4] J.-D. Pellier, « Réforme des sûretés : saison 2 », Dalloz Actualité, 17 sept. 2021.

[5] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°3, p. 6

[6] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°5, p.4.

[7] J.-B. Seube, Droit des sûretés, éd. Dalloz, coll. « Cours Dalloz », 2020, n°3, p.2.

[8] J. Mestre, E. Putman et M. Billiau, Droit civil – Droit commun des sûretés réelles, éd. LGDJ, 1996, n°115, p. 104.

[9] G. Cornu, Droit civil – Les biens, éd. Domat, 2007, §5, p. 11.

[10] P.-Y Ardoy, Fiches de droit des sûretés, éd. Ellipses, 2018, p. 14

[11] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[12] D. Legais, Droit des sûretés et garanties du crédit, éd. LGDJ, 2021, n°60, p. 64.

[13] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[14] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°550, p.369.

[15] Ibid, n°551, p. 370.

[16] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, coll. « précis », n°707, p. 6002.

[17] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°6, p. 10

Qu’est-ce qu’une sûreté? Notion

Le terme sûreté provient du nom latin securus (se pour sine : sans et cura : souci) qui signifie littéralement exempt de tout danger, en sécurité, où l’on n’a rien à craindre.

Dans son sens courant, la sûreté est l’état, le caractère ou la qualité de ce qui est sûr, de ce qui est à l’abri de tout danger, de ce qui ne court aucun risque. C’est l’état de quelqu’un qui n’a rien à craindre pour sa personne ni pour ses biens.

En droit civil, la sûreté est classiquement définie comme suit : « pour un créancier, garantie fournie par une personne (sûreté conventionnelle), ou établie par la loi (sûreté légale) ou plus rarement résultant d’un jugement (hypothèque judiciaire), pour l’exécution d’une obligation ; disposition destinée à garantir le paiement d’une dette à l’échéance, malgré l’insolvabilité du débiteur »[1].

Reste que comme souligné par Dominique Legeais, « le concept de sûreté est d’origine récente », à telle enseigne qu’il n’est défini par aucun texte.

La raison en est que, pendant longtemps, le domaine des sûretés était circonscrit aux seules sûretés réelles et notamment à l’hypothèque et aux privilèges.

Quant au cautionnement, il relevait du droit des obligations, à tout le moins les auteurs l’abordait dans le cadre de l’étude de cette branche primaire du droit civil.

Le cautionnement était regardé moins comme une sûreté personnelle, que comme un contrat spécial et plus encore un « petit contrat », confinant, à certains égards, au service entre amis.

Lors de l’adoption du Code civil, le droit des sûretés brillait ainsi par son absence d’unité : tandis que les sûretés réelles étaient rattachées au droit des biens, les sûretés personnelles étaient rattachées au droit des obligations.

Il en résultait l’impossibilité de dégager une théorie générale, à commencer par une définition unique des sûretés.

Les auteurs se sont heurté, en particulier, à la difficulté de réconcilier les droits réels avec les droits personnels, les premiers n’étant pas réductibles aux seconds.

Une partie de la doctrine contemporaine en a tiré la conséquence que la notion de sûreté était introuvable.

D’aucuns avancent en ce sens que « la sûreté n’est pas une notion, ce n’est qu’une étiquette qui s’accommode du disparate. L’emploi fréquent du pluriel est significatif de l’impossibilité de réunir dans un concept unique, parce qu’elles reposent sur des techniques très éloignées, les sûretés personnelles et les sûretés réelles »[2].

Pour d’autres, la définition juridique du terme sûreté ne serait finalement pas très éloignée de son sens courant, bien que plus étroit. Le terme désignerait « la garantie conférée au créancier contre le risque d’insolvabilité de son débiteur »[3].

À l’examen, bien que mobilisant des mécanismes juridiques extrêmement variés, les sûretés partagent un point commun : conférer au créancier une situation privilégiée.

Les sûretés se caractérisent, en effet, par l’avantage qu’elles procurent à leur titulaire qui jouit d’une position privilégiée par rapport aux créanciers chirographaires.

La situation de ces derniers est pour le moins précaire puisque, par hypothèse, ils ne sont munis d’aucune sûreté.

Il en résulte que, pour recouvrer leur créance, en cas de défaut de paiement de leur débiteur, ils ne sont investis que du droit de poursuivre l’exécution forcée sur l’ensemble de son patrimoine.

L’article 2284 du Code civil dispose en ce sens que « quiconque s’est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ».

Fondées sur cette position privilégiée octroyée aux créanciers qui en sont munis, les sûretés s’opposent donc frontalement au droit de gage général. C’est d’ailleurs là leur raison d’être, sinon ce qui les définit.

Ainsi, les sûretés se laissent moins définir par les techniques juridiques qu’elles recouvrent, que par leurs fonctions.

Pour cette raison, l’avant-projet de réforme du droit des sûretés, porté par l’association Henri Capitant, proposait d’introduire dans le Code civil une approche fonctionnelle de la notion de sûreté.

La sûreté y était définie comme garantissant « l’exécution d’une ou plusieurs obligations, présentes ou futures » (art. 2286 C. civ.).

Cette proposition de définition unique des sûretés n’a finalement pas été retenue par l’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme des sûretés.

Il s’agit là incontestablement d’une occasion manquée, comme le soulignent plusieurs auteurs qui regrettent que le législateur ne se soit pas « attaqué au vaste chantier que représente la théorie générale des sûretés »[4].

[1] G. Cornu, Vocabulaire juridique, éd. Puf, coll. « Quadrige », 2016, v° Sûreté

[2] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°2, p.2.

[3] Ph. Simlet et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°2, p. 5

[4] J.-D. Pellier, « Réforme des sûretés : saison 2 », Dalloz Actualité, 17 sept. 2021.

[5] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°3, p. 6

[6] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°5, p.4.

[7] J.-B. Seube, Droit des sûretés, éd. Dalloz, coll. « Cours Dalloz », 2020, n°3, p.2.

[8] J. Mestre, E. Putman et M. Billiau, Droit civil – Droit commun des sûretés réelles, éd. LGDJ, 1996, n°115, p. 104.

[9] G. Cornu, Droit civil – Les biens, éd. Domat, 2007, §5, p. 11.

[10] P.-Y Ardoy, Fiches de droit des sûretés, éd. Ellipses, 2018, p. 14

[11] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[12] D. Legais, Droit des sûretés et garanties du crédit, éd. LGDJ, 2021, n°60, p. 64.

[13] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[14] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°550, p.369.

[15] Ibid, n°551, p. 370.

[16] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, coll. « précis », n°707, p. 6002.

[17] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – La publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°6, p. 10

Les servitudes: notion, éléments constitutifs et caractères

I) Notion

Classiquement on définit les servitudes comme des droits réels en vertu desquels une personne est autorisée à tirer de la chose d’autrui une certaine utilité.

Autrefois, on opposait les servitudes personnelles aux servitudes réelles :

  • Les servitudes personnelles
    • Elles étaient celles qui étaient établies pour l’avantage individuel d’une personne déterminée et constituaient un droit temporaire ou viager.
    • Elles pouvaient être de deux ordres :
      • Les servitudes mixtes désignaient les démembrements du droit de propriété, tel que le droit de jouissance conféré à l’usufruitier ou le droit d’usage et d’habitation
      • Les servitudes purement personnelles désignaient le pouvoir conféré à une personne d’assujettir une autre personne en la mettant dans une situation de dépendance servile (l’esclavage, la taille, la corvée etc…
    • Tandis que les servitudes purement personnelles ont été abolies, d’abord partiellement à la Révolution, puis totalement lorsqu’il a été mis fin à l’esclavage, les servitudes mixtes perdurent toujours, mais plus sous le même nom.
    • La raison en est que l’usufruit, le droit d’usage, de jouissance ou encore d’habitation sont envisagés par le Code civil comme des droits réels spécifiques et non comme des servitudes.
    • À cet égard, à la différence des servitudes qui sont perpétuelles, ces droits réels spécifiques présentent un caractère nécessairement temporaire.
    • Il y a donc désormais une différence de nature entre les servitudes et les différentes variantes du droit – réel – de jouissance
  • Les servitudes réelles
    • Anciennement désignées sous le nom de servitudes prédiales (du latin praedium mot qui signifie « héritage »), elles sont définies comme celles qui assujettissent un héritage à certaines choses envers un autre héritage.
    • Par héritage, il faut comprendre un immeuble, un fonds.
    • La servitude est donc une charge instituée entre biens immeubles exclusivement.
    • C’est parce que la servitude s’exerce sur une chose et non sur une personne qu’elle est qualifiée de réelle (réel vient du latin res, la chose)
    • L’héritage auquel la servitude est due s’appelle fonds dominant, celui qui la doit fonds servant.

Désormais, la notion de servitude que l’on retrouve dans le Code civil ne désigne plus que les servitudes réelles et plus précisément celles qui portent sur des immeubles par nature (fonds).

Sans doute animé par souci de chasser toute ambiguïté quant à la nature du droit conféré au bénéficiaire d’une servitude et pour prévenir d’éventuelles dérives qui tendraient à exhumer des pratiques de la féodalité, le législateur a précisé à l’article 686 du Code civil que « il est permis aux propriétaires d’établir sur leurs propriétés, ou en faveur de leurs propriétés, telles servitudes que bon leur semble, pourvu néanmoins que les services établis ne soient imposés ni à la personne, ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds, et pourvu que ces services n’aient d’ailleurs rien de contraire à l’ordre public. »

Il est donc absolument exclu, même par convention contraire, qu’une servitude puisse consister à créer une charge sur la personne d’autrui.

Aussi, les servitudes présentent-elles nécessairement un caractère réel et foncier, ce qui n’est pas sans conséquence sur le régime juridique auquel elles sont assujetties.

II) Éléments constitutifs

L’article 637 du Code civil dispose que « une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire. »

Il ressort de cette disposition que la constitution d’une servitude suppose la réunion de trois éléments constitutifs :

  • Un fonds
  • Des propriétés distinctes
  • Un fonds affecté au service d’un autre fonds

A) Un fonds

==> Domaine

Une servitude est une charge imposée sur un « héritage ». Par héritage il faut entendre un immeuble par nature.

La question qui alors se pose est alors de savoir ce que recouvre la notion d’immeuble par nature. Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 518 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles par leur nature. »

La catégorie des immeubles par nature, qui repose sur le critère physique, comprend donc le sol et tout ce qui est fixé au sol :

  • Le sol: par sol il faut entendre le fonds de terre, ce qui comprend, tant la surface du sol, que le sous-sol
  • Tout ce qui est fixé au sol: il s’agit de :
    • D’une part, toutes les constructions qui sont édifiées sur le sol ou dans le sous-sol (bâtiments, canalisations, les piliers ou poteaux fixés par du béton, ponts, barrage etc.)
    • D’autre part, tous les végétaux (arbres, plantes, fleurs etc), avec cette précision que s’ils sont détachés du sol ils deviennent des meubles (art 520 C. civ.)

La jurisprudence a eu l’occasion de préciser qu’il est indifférent que la chose soit fixée au sol à titre provisoire ou définitif. En tout état de cause, dès lors qu’elle adhère au sol elle est constitutive d’un immeuble par nature.

Au bilan, une servitude peut ainsi tout aussi bien grever le sol que ce qui est fixé au sol, pourvu qu’il s’agisse d’un immeuble par nature.

==> Exclusion

Les servitudes ne pouvant porter que sur des immeubles par nature, il faut en déduire que sont exclus de leur champ d’application :

  • Les biens meubles
    • Classiquement on définit les meubles comme toutes les choses qui sont mobiles et qui, donc ne sont ni fixées, ni incorporées au sol.
    • Tout ce qui donc n’est pas attaché au sol, est un bien meuble. Le code civil inclut notamment dans cette catégorie qui embrasse une grande variété de choses :
      • Les bateaux, bacs, navires, moulins et bains sur bateaux, et généralement toutes usines non fixées par des piliers, et ne faisant point partie de la maison ( 531 C. civ.)
      • Les matériaux provenant de la démolition d’un édifice, ceux assemblés pour en construire un nouveau jusqu’à ce qu’ils soient employés par l’ouvrier dans une construction ( 532 C. civ.)
      • Les meubles meublants qui comprennent :
        • Les biens destinés à l’usage et à l’ornement des appartements, comme tapisseries, lits, sièges, glaces, pendules, tables, porcelaines et autres objets de cette nature.
        • Les tableaux et les statues qui font partie du meuble d’un appartement y sont aussi compris, mais non les collections de tableaux qui peuvent être dans les galeries ou pièces particulières.
        • Il en est de même des porcelaines : celles seulement qui font partie de la décoration d’un appartement sont comprises sous la dénomination de “meubles meublants”.
      • Les meubles immatriculés, tels que les aéronefs ou les navires. L’immatriculation de ces biens leur confère un statut particulier qui les rapproche des immeubles, notamment s’agissant des actes de disposition dont ils sont susceptibles de faire l’objet.
    • Ne peuvent pas non plus faire l’objet de servitudes :
      • Les meubles par anticipation, soit les biens qui sont des immeubles par nature, mais qui, dans un futur proche, ont vocation à être détachés du sol
      • Les meubles par détermination de la loi, soit les choses incorporelles qui peuvent faire l’objet d’un droit de propriété (les valeurs mobilières, les droits personnels, les droits réels mobiliers, les œuvres de l’esprit, les brevets, les marques etc.)
  • Les immeubles par destination
    • À la différence des immeubles par nature qui sont déterminés par un critère physique, les immeubles par destination reposent sur la volonté du propriétaire.
    • Il s’agit, plus précisément, de biens qui, par nature, sont des meubles, mais qui sont qualifiés fictivement d’immeubles en raison du lien étroit qui les unit à un immeuble par nature dont ils constituent l’accessoire.
    • Tel est le cas, par exemple, du bétail affecté à un fonds agricole et qui donc, par le jeu d’une fiction juridique, est qualifié d’immeuble par destination.
    • L’objectif recherché ici est de lier le sort juridique de deux biens dont les utilités qu’ils procurent sont interdépendantes.
    • Par la création de ce lien, il sera, dès lors, beaucoup plus difficile de les séparer ce qui pourrait être fortement préjudiciable pour leur propriétaire.
    • Ainsi, des biens affectés au service d’un fonds, devenus immeubles, ne pourront pas faire l’objet d’une saisie par un tiers indépendamment du fonds lui-même.

Au total, il apparaît que le domaine des servitudes est quelque peu restreint puisqu’il se limite aux seuls immeubles par nature.

B) Des propriétés distinctes

==> Principe

La constitution d’une servitude suppose l’existence de deux fonds appartenant à des propriétaires différents.

Cette règle s’infère de l’article 705 du Code civil qui prévoit que « toute servitude est éteinte lorsque le fonds à qui elle est due, et celui qui la doit, sont réunis dans la même main. »

Cette disposition n’est autre que la traduction de l’adage nemini res sua servit qui signifie : « nul n’a de servitude sur sa propre chose ».

Aussi, une servitude confère un droit qui ne peut être exercée que sur un fonds appartenant à autrui. Selon l’expression du Doyen Cornu, « l’autoservitude » n’existe pas.

À supposer qu’une même personne soit propriétaire de deux fonds distincts, tous les aménagements qu’elle est susceptible de réaliser, notamment ceux tenant à l’écoulement des eaux ou encore au passage, ne peuvent être regardés que comme des expressions de l’exercice du droit de propriété et non comme la création de servitudes du fait de l’homme.

Par ailleurs, il peut être observé que l’établissement d’une servitude ne suppose pas que les deux fonds soient contigus (qui se touchent). Il est néanmoins nécessaire qu’ils soient voisins, car les services qui peuvent être imposés à un fonds n’ont de sens qu’entre propriétés voisines.

Enfin, comme relevé par des auteurs « si la notion de servitude implique la dualité de fonds et de propriétaires, cette dualité, constitutive d’un minimum, n’exclut pas la pluralité. Un même fonds peut être servant au bénéfice de plusieurs fonds dominants ou réciproquement »[1].

Cette situation se rencontrera notamment dans les lotissements ou les ensembles d’immeubles formant une copropriété.

==> Cas particulier de la copropriété

La question s’est posée en jurisprudence de savoir si la règle exigeant la présence de deux propriétés distinctes avait vocation à s’appliquer lorsque les deux fonds concernés relèvent d’une copropriété.

Autrement dit, un lot privatif peut-il être grevé par une servitude à la faveur d’un autre lot privatif, alors même qu’ils sont les composantes d’un même bien ?

Dans un premier temps, la Cour de cassation a refusé d’admettre la possibilité de constituer une servitude entre des parties privatives d’un lot de copropriété.

Dans un arrêt du 6 mars 1991 elle a jugé en ce sens « qu’il existe une incompatibilité entre la division d’un immeuble en lots de copropriété et la création, au profit de la partie privative d’un lot, d’une servitude sur la partie privative d’un autre lot » (Cass. 3e civ. 6 mars 1991, n°89-14374).

Elle a précisé sa position un an plus tard en affirmant « qu’une servitude n’existe que si le fonds servant et le fonds dominant constituent des propriétés indépendantes appartenant à des propriétaires différents et que tel n’est pas le cas d’un immeuble en copropriété » (Cass. 3e civ. 30 juin 1992, n°91-10116 91)

La Cour de cassation a, par la suite, réaffirmé cette position toujours au visa de l’article 637 du Code civil (V. en ce sens Cass. 3e civ. 21 mars 2001, n°98-21668).

Elle justifiait cette solution en soutenant qu’un immeuble soumis au régime de la copropriété constituait un héritage unique, alors que l’établissement d’une servitude suppose l’existence de deux fonds distincts.

Dans un second temps, alors que la doctrine faisait feu de tout bois contre cette position à laquelle s’accrochait la Cour de cassation, cette dernière a fini par céder.

Dans un arrêt du 30 juin 2004, elle a opéré un revirement de jurisprudence magistral en affirmant que « le titulaire d’un lot de copropriété disposant d’une propriété exclusive sur la partie privative de son lot et d’une propriété indivise sur la quote-part de partie commune attachée à ce lot, la division d’un immeuble en lots de copropriété n’est pas incompatible avec l’établissement de servitudes entre les parties privatives de deux lots, ces héritages appartenant à des propriétaires distincts » (Cass. 3e civ. 30 juin 2004, n°03-11562).

La troisième chambre civile est venue préciser 10 ans plus tard, dans un arrêt du 11 mars 2014 que « dans un immeuble en copropriété, des servitudes ne sont susceptibles de s’établir qu’entre des parties privatives » (Cass. 3e civ. 11 mars 2014, n°12-29734).

En revanche, lorsqu’il s’agit non pas de parties privatives relevant d’une copropriété, mais de parties d’une indivision, la Cour de cassation refuse l’établissement de servitudes (Cass. 3e civ. 27 mai 2009, n°08-14376).

C) Un fonds affecté au service d’un autre fonds

L’établissement d’une servitude ne se conçoit que s’il existe un rapport entre deux fonds, un rapport asymétrique puisqu’il institue une charge pour l’un et une utilité pour l’autre.

  1. L’établissement d’une utilité au profit du fonds dominant

==> Une utilité

Pour être qualifiée de servitude, celle-ci doit conférer une utilité au fonds dominant. L’article 637 prévoit en ce sens que la charge imposée au fonds servant doit être établie « pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire ».

Que faut-il entendre par utilité ? La jurisprudence a adopté une interprétation plutôt extensive cette notion. Aussi, admet-elle qu’un simple avantage, une commodité procurée au fonds dominant suffit à la justifier la constitution d’une servitude.

Entre d’autres termes, il n’est pas exigé que l’utilité procurée soit indispensable et nécessaire ; elle doit seulement être de nature à augmenter la valeur du fonds qui en bénéficie (V. en ce sens Cass. 3e civ., 9 juill. 1980, n° 79-12867)

Tel est le cas, lorsque l’utilité permet d’accéder à un fond en passant par un autre fonds. Il en va de même pour la servitude de puisage qui autorise à prélever de l’eau sur le terrain d’autrui ou la servitude d’égout qui permet de verser les eaux pluviales de son toit sur le fonds voisin.

En revanche, lorsque l’utilité procure seulement un agrément au fonds dominant, la jurisprudence refuse de la qualifier de servitude.

Pour illustration, dans le cadre d’une affaire pendante devant la Cour d’appel de Metz un requérant réclamait un droit de passage sur le fond voisin pour gagner sa place de parking située le long du mur délimitant la propriété de ce dernier et éviter ainsi d’avoir à effectuer le tour du pâté de maison pour rejoindre son véhicule.

Les juges le déboutent de sa demande au motif qu’il est constant qu’un simple souci de commodité ou de convenance ne permet pas de caractériser l’absence ou l’insuffisance d’issue sur la voie publique et alors que cette notion de convenance personnelle est évoquée par l’un des témoignages produits par le requérant au soutien de ses prétentions (CA Metz, 13 oc. 2016, n° 16/00366, RG 15/00398).

Pour déterminer si l’établissement d’une servitude est justifié, la Cour de cassation a, dans un arrêt du 16 mai 1952, affirmé qu’il convenait de se demander si le droit envisagé procure une plus-value au fonds, à tout le moins une commodité réelle.

==> Une utilité au profit d’un fonds

Il ne suffit pas que le service procure une utilité pour être qualifiée de servitude, il faut encore qu’il soit utile au fonds dominant et non au propriétaire du fonds.

C’est là une exigence qui résulte de l’article 637 du Code civil et qui constitue une limite importante aux objets possibles des servitudes.

Les droits de promenade, de chasse, de pêche, de cueillette ou encore d’utilisation d’un four sont octroyés en considération, non pas des besoins du fonds dominant, mais de la personne de son propriétaire (V. en ce sens Cass. 3e civ., 22 juin 1976, n° 74-14148).

2. La création d’une charge qui pèse sur le fonds servant

L’établissement d’une servitude suppose, corrélativement à l’octroi d’une utilité au fonds dominant, la création d’une charge imposée au fonds servant.

Toutefois, ainsi que le prévoit l’article 638 du Code civil « la servitude n’établit aucune prééminence d’un héritage sur l’autre ». Le rapport créé entre les deux fonds n’est donc pas d’ordre hiérarchique, en ce sens qu’il n’existe aucun lien de vassalité entre eux.

Il s’agit seulement d’un rapport d’utilité. La servitude grève, elle assujettit un fonds dont elle attend un service : elle lui imprime la fonction de fonds servant.

La création de cette charge sur le fonds servant emporte trois conséquences principales :

  • Première conséquence
    • La charge imposée sur le fonds servant consiste à restreindre les prérogatives du propriétaire sur le fonds grevé.
    • Par nature, la servitude a pour effet de porter atteinte au droit de propriété.
    • Ces atteintes peuvent être tantôt positives, tantôt négatives.
      • La servitude sera qualifiée de positive lorsqu’elle consistera à entamer certains attributs du droit de propriété qui seront accordés au bénéfice du fonds dominant : le propriétaire perd l’exclusivité de la chose en devant souffrir la présence d’un autre, qui passe sur son fonds, qui prélève de l’eau
      • La servitude sera qualifiée de négative lorsqu’elle consistera à neutraliser le caractère absolu du droit de propriété en l’empêchant de faire quelque chose que son droit de propriété l’autorise normalement à faire, tel que, édifier un ouvrage sur son fonds, cultiver des plantations, créer une ouverture etc.
  • Deuxième conséquence
    • La charge créée par la servitude est strictement attachée au fonds servant, de sorte qu’elle se transmet avec la propriété
    • Parce qu’elle est l’accessoire du fonds qu’elle grève, elle est perpétuelle et ne peut être cédée indépendamment de ce fonds
    • Seule solution pour le propriétaire du fonds grevé de s’affranchir de la servitude en dehors de sa cession, l’abandon de la partie qui sert d’assiette à cette servitude
  • Troisième conséquence
    • Dans la mesure où la servitude est attachée à un fonds, elle n’oblige pas personnellement le propriétaire du fonds servant.
    • Aussi n’est-elle pas constitutive d’une dette qui grèverait son patrimoine
    • La conséquence en est qu’elle ne peut jamais obliger le propriétaire à accomplir une action positive.
    • Selon l’adage servitus in faciendo non potest, une servitude ne peut pas consister en une obligation de faire: il ne peut y avoir de servitude qu’in patiendo (à supporter quelque chose).
    • Autrement dit, la servitude ne peut avoir pour effet que d’imposer une abstention : le propriétaire doit souffrir sur son fonds les actes d’usage accomplis par le propriétaire du fonds dominant.

III) Caractères

Il est classiquement admis que les servitudes présentent quatre traits de caractère qui permettent de les distinguer des autres droits réels et notamment des droits de jouissance tels que l’usufruit ou le droit d’usage et d’habitation.

A) Caractère réel immobilier

==> Un droit réel

Les servitudes consistent, tout d’abord, en des droits réels. Il en résulte qu’elles confèrent au propriétaire du fonds dominant un pouvoir direct et immédiat sur le fond grevé.

 Structurellement, le droit réel suppose un sujet, le titulaire du droit et un objet, la chose sur laquelle s’exerce le droit réel. Le droit réel établit, en d’autres termes, une relation entre une personne et une chose

Le droit réel s’exerce ainsi sans qu’il soit besoin d’actionner une personne. Il s’exerce sans l’entremise d’un tiers.

C’est pour cette raison que les servitudes sont toujours attachées, non pas à une personne, mais directement au fonds qu’elles grèvent.

C’est également parce qu’elles sont constitutives de droits réels que l’exercice des servitudes n’est subordonné au paiement d’aucune redevance.

Tout au plus, une indemnité peut être octroyée au propriétaire du fonds servant lors de la constitution de la servitude.

Cette indemnité n’a toutefois pas pour cause la stipulation d’une quelconque obligation de ne pas faire qui s’imposerait à ce dernier. Elle seulement la contrepartie de la diminution de son droit de propriété.

À cet égard, en cas de non-respect de la servitude par le propriétaire du fonds servant, celui-ci engage sa responsabilité délictuelle et non contractuelle.

==> Un droit réel immobilier

Il ressort de l’article 637 du Code civil qu’une servitude ne peut être imposée que sur un héritage pour l’usage et l’utilité d’un autre héritage.

Une servitude a donc nécessairement pour objet un immeuble par nature, ce qui leur confère un caractère immobilier. Elles ont ainsi pour assiette, soit le sol, soit ce qui est fixé au sol, telles que des constructions.

Parce que les servitudes consistent en des droits réels immobiliers, lorsqu’elles sont constituées au moyen d’un titre elles ne sont opposables aux tiers que si elles font l’objet de formalités de publicité foncières (V. en ce sens Cass. 3e civ., 27 oct. 1993, n° 91-19.874)

B) Caractère accessoire

La servitude présente un caractère accessoire en ce qu’elle est indissociable du fonds dominant qu’elle grève. Il en résulte qu’elle ne peut pas être « cédée, saisie ou hypothéquée » indépendamment de ce fonds[2].

Plus précisément, la servitude a vocation à suivre le sort du fonds auquel elle est attachée. Elle est transmise de plein droit aux acquéreurs du fonds dominant.

Corrélativement, dès lors qu’elle a valablement été publiée, la servitude s’imposera aux propriétaires successifs du fonds servant.

Enfin, si la servitude profite à l’usufruitier du fonds dominant, elle ne bénéficie pas au locataire dans la mesure où celui-ci n’exerce aucun droit réel sur le fonds, il est seulement investi d’un droit personnel contre le propriétaire.

C) Caractère perpétuel

Parce que les servitudes sont l’accessoire du fonds qu’elles grèvent, elles durent aussi longtemps qu’il est un droit de propriété qui s’exerce sur lui.

Or la propriété présente un caractère perpétuel. Cette perpétuité s’insuffle donc aux servitudes qui ne peuvent donc pas s’éteindre sous l’effet du temps.

Seules les causes d’extinction énoncées aux articles 703 et suivants du Code civil sont susceptibles de mettre fin aux servitudes soit :

  • Lorsque la chose se trouve en tel état qu’on ne peut plus en user
  • Lorsque le fonds à qui elle est due, et celui qui la doit, sont réunis dans la même main.
  • Par le non-usage pendant trente ans.
  • Par la volonté des propriétaires du fonds dominant et du fonds servant

Il peut encore être observé qu’il est admis que la constitution de servitudes puisse être temporaire. Il peut notamment être convenu que la servitude s’éteindra au décès du propriétaire du fonds dominant.

Dans un arrêt du 22 mars 1989 la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la stipulation d’une servitude temporaire est licite » (Cass. 3e civ. 22 mars 1989, n°87-17454).

Cass. 3e civ. 22 mars 1989
Sur le moyen unique :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt attaqué (Douai, 17 juin 1987) d'avoir décidé que leur fonds ne disposaient pas d'une servitude par destination du père de famille sur une partie du fonds acquis par les époux Z... en 1981, alors, selon le moyen, " que la clause susceptible de tenir en échec la servitude par destination du père de famille qui résulte de la division du fonds ne peut être la clause de style de l'acte de division aux termes de laquelle les parties déclarent qu'elles n'ont conféré aucune servitude et qu'à leur connaissance, il n'en existe pas ; qu'ainsi la cour d'appel, en statuant comme elle l'a fait, a violé les articles 694 et 1134 du Code civil et alors que, seule une clause de l'acte opérant division du fonds peut tenir en échec la servitude par destination du père de famille résultant de cette division ; qu'ainsi en se fondant pour déclarer éteinte la servitude de passage sur la clause d'une promesse sous seing privé non reproduite dans l'acte d'échange notarié mais incluse dans un acte de vente ultérieur du fonds servant auquel n'étaient pas partie les propriétaires du fonds dominant, la cour d'appel a violé l'article 694 du Code civil " ;

Mais attendu que la stipulation d'une servitude temporaire est licite ; qu'après avoir relevé que lors de la vente du fonds servant aux auteurs des époux Z..., les parties avaient inséré dans l'acte la clause selon laquelle tant que Mme Y... restera propriétaire du fonds dominant et à condition qu'il soit occupé par elle-même ou son mari ou l'un de ses enfants, l'exploitant aura le droit de passage sur la parcelle A 1541, la cour d'appel a exactement retenu que Mme Y... étant décédée le 9 juin 1980, l'une des deux conditions nécessaires et cumulatives prévues dans la clause avait disparu et que les consorts X... ne pouvaient plus se prévaloir du bénéfice de la servitude de passage ;

Que par ce seul motif, l'arrêt est légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

D) Caractère indivisible

Une servitude est indivisible en ce qu’elle grève nécessairement le fonds servant pour le tout et profite au fonds dominant dans son entier.

Tout d’abord, lorsque le fonds servant ou dominant fait l’objet d’une indivision ou est soumis à une copropriété, l’indivisibilité de la servitude emporte plusieurs conséquences :

  • Elle profite à tous les propriétaires du fonds dominant qui ont un droit entier sur elle, tout autant qu’elle s’impose à tous les propriétaires du fonds servant qui doivent la respecter
  • Elle ne peut être constituée sur un fonds ou établie à son profit qu’à la condition que tous les propriétaires y consentent, cette unanimité étant également exigée pour qu’il y soit mis fin

Ensuite, l’article 700, al. 1er du Code civil prévoit que « si l’héritage pour lequel la servitude a été établie vient à être divisé, la servitude reste due pour chaque portion, sans néanmoins que la condition du fonds assujetti soit aggravée. »

L’alinéa 2 ajoute que « s’il s’agit d’un droit de passage, tous les copropriétaires seront obligés de l’exercer par le même endroit. »

Ainsi, en cas de division d’un fonds en plusieurs parcelles, chacune d’elles continuant à supporter la charge de la servitude dans son entier

Dans un arrêt du 23 mars 2001, la Cour de cassation réunie en assemblée plénière a néanmoins précisé que la règle énoncée à l’article 700 du Code civil « postule que la servitude préexiste à la division de l’héritage » (Cass. ass. plen. 23 mars 2001, 98-19018).

Cass. ass. plen. 23 mars 2001
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 2 juillet 1998), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 11 décembre 1996, Bull. 1996, III, n° 238, p. 155), que par acte du 21 février 1900, M. Y... a vendu la partie centrale d'un terrain lui appartenant et l'a grevé de deux zones non aedificandi sur une distance de deux mètres à partir des lignes divisoires intérieures Est et Ouest ; que M. Z..., devenu propriétaire de ce lot, a édifié une construction de la ligne divisoire Est à la ligne divisoire Ouest ; que M. A..., propriétaire du lot contigu, situé à l'est de celui de M. Z..., a, par acte du 11 mars 1991, assigné M. Z... en démolition des ouvrages édifiés sur les zones non aedificandi Est et Ouest, sous peine d'astreinte ; que M. Z... a invoqué l'extinction de la servitude du fait d'un acte contraire, consistant dans l'édification d'un garage sur la zone non aedificandi Ouest, avant 1960 ; que M. A... étant décédé en cours d'instance, celle-ci a été reprise par Mme A..., MM. Pierre-Marie et Yves-Marie A... (les consorts A...) ; que le Tribunal a accueilli la demande des consorts A... ; que M. Z... a fait appel du jugement ; que par arrêt du 13 décembre 1994, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement ; qu'après cassation de cet arrêt, devant la cour d'appel de renvoi, les consorts A... ont seulement demandé la démolition des ouvrages édifiés sur la zone non aedificandi Est ; que M. Z... a demandé la condamnation des consorts A... à lui restituer la somme qu'il leur avait réglée en exécution de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Z... reproche à l'arrêt de lui avoir ordonné de démolir les ouvrages édifiés sur la zone non aedificandi, en limite divisoire Est, sous peine d'une astreinte de 1 000 francs par jour de retard à compter de la signification de cette décision, alors, selon le moyen :

1° que, si l'héritage pour lequel la servitude a été établie vient à être divisé, la servitude reste due pour chaque portion, sans néanmoins que la condition du fonds assujetti soit aggravée ; que dès lors, l'existence d'une construction, pendant trente ans, sur la zone non aedificandi entraînait l'extinction de la servitude dans son ensemble ; qu'en refusant néanmoins de constater l'extinction de la servitude, motif pris de ce que la construction invoquée par M. Z... avait été édifiée à l'Ouest, et que la propriété des consorts A... était située à l'est, les juges du fond ont violé les articles 700, 706 et 707 du Code civil ;

2° que, dès lors que l'absence d'aggravation postule que la servitude puisse s'éteindre à raison de l'édification d'une construction sur un point de la zone non aedificandi, il importe peu qu'un autre point de cette zone soit matériellement distinct de l'assiette de la construction ; qu'en se fondant sur un motif inopérant, les juges du fond ont de nouveau violé les articles 700, 706 et 707 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt constate que M. Y... avait divisé son fonds en trois parcelles antérieurement à la création de l'interdiction de construire le long des lignes divisoires entre la parcelle centrale et les parcelles voisines ; que, dès lors, le moyen pris de la violation des articles 700 et suivants du Code civil qui postule que la servitude préexiste à la division de l'héritage, n'est fondé en aucune de ses branches ;

Enfin, dans un arrêt du 29 mai 1963 a posé une limite à l’indivisibilité de la servitude en posant que lorsque l’héritage à la charge duquel la servitude a été établie vient à être divisé, elle reste due par chaque portion, cette indivisibilité ne saurait avoir pour conséquence de faire supporter la servitude, par voie d’extension, a des fonds que le propriétaire de l’héritage assujetti y aurait ultérieurement réunis (Cass. 1ère civ. 29 mai 1963).

Enfin, lorsque l’exercice de la servitude est circonscrit à une partie seulement du fonds servant, tel que cela peut être le cas pour un droit de passage, en cas de division du fonds, la servitude ne sera maintenue que sur la partie qui constitue l’assiette de la servitude.

[1] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les biens, éd. Dalloz, 2004, n°870, p. 753.

[2] F. Terré et Ph. Simler, op. cit., n°873, p. 754.