Le contrat de consommation : la preuve du contrat

Objet de la preuve.- Rien ne change par rapport au prêt à usage. Il faut prouver non seulement la remise de la chose, mais encore, puisque le prêteur doit prouver l’existence de l’obligation qu’il invoque, l’existence de l’obligation de restitution. C’est la raison pour laquelle la jurisprudence décide de manière constante, en matière de prêt d’argent, que la simple preuve de la remise des fonds ne suffit pas à démontrer l’existence d’un prêt. On en arrive à une très contestable présomption de donation…

Moyens de preuve.- Le prêt de consommation est un contrat unilatéral. Sa preuve, au-dessus de 1500 €, est donc soumise aux exigences de l’article 1376 nouv. c.civ. (ancien article 1326 anc. c.civ.) : « un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l’acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres ».

Le prêt de consommation : notion

Fongible et consomptible.- Le prêt de consommation (ou le simple prêt) possède un domaine d’application beaucoup plus limité que le prêt à usage (voy. l’article : « Le prêt à usage). Défini par l’article 1892 c.civ. comme le contrat par lequel l’un prête à l’autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l’usage à charge d’en restituer autant de même espèce et de même qualité, ce prêt ne s’envisage qu’à propos de choses à la fois fongibles et consomptibles. Car si la chose n’est pas consomptible, son usage n’empêche pas sa restitution. Et si elle n’est pas fongible, on ne peut pas la restituer à l’identique. Or dans le monde réel, de telles choses ne sont pas légion : ceci exclut tous les immeubles, jamais fongibles, ainsi que, parmi les meubles, tous ceux qui ne sont pas des choses de genre. En réalité, le prêt de consommation ne peut porter que sur des choses de genre et, parmi celles-ci, uniquement sur celles qui ne peuvent être individualisées. Ex. des aliments ou des produits fabriqués en série, mais pas des voitures qui, bien que fabriquées en série, sont individualisables.

En la matière, il existe un droit commun et un droit spécial. Ce dernier droit est relatif à la chose fongible et consomptible entre toutes : l’argent. Il en sera question dans un autre article sous la dénomination « droit spécial du crédit ». Pour l’instant, c’est le prêt de n’importe quelle chose consomptible qui va retenir l’attention.trans

On sait déjà ce qu’est un prêt (voy. les articles 1° « Le(s) prêt(s) à usage : vue d’ensemble » / 2° « Le prêt à usage : notion »). Le prêt de consommation peut être défini par rapport aux autres prêts à l’aide de deux particularités : le prêt de consommation transfère la propriété de la chose prêtée (1) ; il n’est pas obligatoire que le prêt de consommation soit gratuit (2).

1.- Le transfert de propriété

C’est l’élément le plus remarquable du prêt de consommation. Dans le cas particulier, l’emprunteur acquiert plus que la jouissance de la chose ; il en acquiert la propriété. La solution s’infère de la nature de la chose prêtée. Si on ne peut s’en servir qu’en la consommant, c’est à dire en la détruisant, il faut disposer de l’abusus pour en faire usage (ex. de la cigarette). Or pour transférer l’abusus, il n’y a pas d’autre moyen que de transférer le droit de propriété tout entier. C’est ce que dit l’article 1893 c.civ. : « par l’effet de ce prêt, l’emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée ».

Mais cette propriété, bien que définitive, ne se conçoit qu’à charge de revanche en quelque sorte : elle implique une restitution in specie (ex. une autre cigarette). Cette restitution à l’identique distingue le prêt à usage de l’échange, qui lui aussi est un double transfert de propriété (ex. pour finasser : la dation d’une Marlboro contre une Dunhill est un échange ; il n’y a véritablement prêt de consommation que s’il est convenu que c’est une Marlboro qui doit être restituée).

La distinction du prêt de consommation et du dépôt est un peu plus complexe. Car le dépôt d’une chose de genre emporte lui aussi transfert de propriété : c’est ce que l’on appelle un dépôt irrégulier (voy. l’article « Le dépôt : notion »). Ce qui fait que le dépositaire (celui a qui la chose est confiée) acquérant la propriété, il dispose forcément – et de manière très exceptionnelle – du droit d’user de la chose. Dès lors la frontière entre les deux contrats s’amincit puisque leur critère traditionnel de distinction fait ici défaut.

Le seul moyen de les distinguer est le sens du service rendu : dans le prêt de consommation c’est le prêteur qui rend service à l’emprunteur, c’est à dire celui qui remet la chose ; tandis que dans le dépôt irrégulier, c’est celui qui reçoit la chose, le dépositaire, qui rend service.

2.- L’indifférence de la gratuité

Contrairement au prêt à usage (art. 1876 c.civ.), la gratuité n’est pas de l’essence du prêt de consommation. L’article 1905 c.civ. autorise les parties à convenir d’un intérêt, non seulement pour le prêt d’argent, mais également pour le prêt de denrées ou de toute autre chose mobilière.

Jouissance d’une chose contre un prix… la frontière avec la location est toute proche. Ici, ce qui distingue le prêt de consommation du bail est la nature des choses sur lesquelles chacun des contrats peut porter : chose de genre dans le prêt de consommation vs corps certain dans le bail.

Le dépôt : l’extinction du contrat

Le dépôt est révocable ad nutum, c’est-à-dire à tout moment, à première demande (dit-on). C’est ce que dit l’art. 1944 : « Le dépôt doit être remis au déposant aussitôt qu’il le réclame, lors même que le contrat aurait fixé un délai déterminé pour la restitution ; à moins qu’il n’existe, entre les mains du dépositaire, une saisie-arrêt ou une opposition à la restitution et au déplacement de la chose déposée ».

Autrement dit, le déposant dispose d’une faculté de résiliation unilatérale, sans préavis, quand bien même le contrat serait à durée déterminée. C’est de cette faculté de résiliation que naît l’obligation de restituer à première demande.

Le dépôt s’éteint également par confusion (art. 1300 nouv. c.civ. / anc. art. 1946 c.civ.).

Le dépôt : les obligations du déposant

Le déposant doit d’abord payer le prix convenu, s’il en est stipulé un. Ses autres obligations sont toutes entières justifiées par le fait qu’il reçoit un service de la part du dépositaire.

Il doit ensuite rembourser les frais de conservation, que le dépôt soit gratuit ou onéreux : i.e. frais d’entretien et d’éventuel déplacement en vue de la restitution (art. 1947 et 1942). La condition de ce remboursement est que ces dépenses aient été utiles et nécessaires. (Q. piège : si dépenses engagées non utiles ni nécessaires, remboursement sur un autre fondement ?).

Le déposant doit également indemniser le dépositaire de toutes les pertes que le dépôt lui a occasionné (cas des dommages causés par la chose ; ex. peinture qui coule sur la moquette ; cheval qui blesse le dépositaire lors de son transport, etc…).

Le dépositaire dispose, en garantie de ces créances, d’un droit de rétention sur la chose déposée (art. 1948 c.civ.). Il s’agit d’une garantie extrêmement efficace, dans la mesure où elle est opposable à tous les tiers, et même au véritable propriétaire de la chose (cas où il ne serait pas le déposant). Il dispose également du privilège du conservateur (art. 2332-3°).

Le dépôt : les obligations du dépositaire

Contrat de service, le dépôt est par nature un contrat déséquilibré : les obligations du dépositaire sont plus contraignantes que celles du déposant (voy. l’article « Le dépôt : les obligations du déposant »). Il s’agit ici encore d’un contrat synallagmatique imparfait (voy l’article « Le prêt à usage : les obligations du prêteur).

Le dépositaire doit garder la chose (1) et la restituer (2).

1.- L’obligation de garde

Le dépositaire est dans une situation de devoir sans pouvoir : il doit servir la chose, sans jamais pouvoir en bénéficier. Ceci lui impose des obligations négatives et des obligations positives.

1.1.- Obligations négatives

Ne pas user de la chose.- L’interdiction est fondamentale : le dépositaire n’a pas le droit de se servir de la chose (art. 1930 c.civ.), sauf convention contraire. Il engage à défaut non seulement sa responsabilité civile, mais également sa responsabilité pénale, pour abus de confiance (art. 314-1 c. pén.). A fortiori, l’art. 1936 c.civ. interdit également au dépositaire de consommer les fruits.

La seule exception réside dans le dépôt de choses de genre, dit dépôt irrégulier : la fongibilité des choses déposées empêche de les distinguer de celles du déposant et la restitution ne peut se concevoir qu’in specie… ce qui commande un transfert de propriété qui confère au dépositaire un droit d’usage.

Ne pas forcer le secret du dépôt.- L’art. 1931 c.civ. interdit au dépositaire d’un objet ou d’une enveloppe de l’ouvrir pour en percer le contenu.

1.2.- Obligations positives

Garder la chose.- L’obligation principale du dépositaire est de garder la chose, c’est-à-dire d’en prendre soin et de la garantir de toute menace telle que le vol, la perte ou la dégradation. Il est tenu également d’entretenir la chose si sa conservation nécessite un tel entretien. Ex. le dépositaire d’un animal est tenu de le nourrir. Il sera par la suite indemnisé de ces dépenses, mais il a l’obligation de les effectuer quitte à avancer les fonds.

De même, le dépositaire est tenu de percevoir les fruits de la chose au profit du déposant (art. 1936 c.civ.). Il en est comptable comme de la chose même. (ex. le dépositaire d’une vache laitière est tenu de la traire et de remettre le lait – ou le produit de sa vente – au déposant).

La responsabilité du dépositaire.- Il s’agit là encore d’une question faussement complexe. Voici les textes :

– Article 1927 : « Le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu’il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent. » : suggère une obligation de moyens, i.e. une responsabilité pour faute prouvée.

Article 1928 : « La disposition de l’article précédent doit être appliquée avec plus de rigueur :

1° si le dépositaire s’est offert lui-même pour recevoir le dépôt ;

2° s’il a stipulé un salaire pour la garde du dépôt ;

3° si le dépôt a été fait uniquement pour l’intérêt du dépositaire ;

4° s’il a été convenu expressément que le dépositaire répondrait de toute espèce de faute. » : explique comment mesurer la faute.

Article 1933 : « Le dépositaire n’est tenu de rendre la chose déposée que dans l’état où elle se trouve au moment de la restitution. Les détériorations qui ne sont pas survenues par son fait sont à la charge du déposant. ». Le texte suggère une obligation de résultat, i.e. une responsabilité pour faute présumée.

On en déduit couramment que le dépositaire est tenu d’une obligation de résultat atténuée quant à la garde de la chose, i.e. que sa responsabilité est présumée, mais qu’il peut lui échapper en démontrant qu’il n’a pas commis de faute.

L’idée d’une responsabilité renforcée du dépositaire n’est certainement pas la bonne. Mieux vaut y voir une simple présomption de faute justifiée par la vraisemblance. Le dépositaire étant chargé de garder la chose, sa dégradation fait présumer une faute dans la garde, présomption simple que la loi reprend à son compte. Si l’on s’accorde pour dire que le dépositaire est tenu que d’une obligation de moyens, il s’infère des textes que l’intensité juridique de son obligation de moyens va crescendo à mesure que l’intérêt du dépositaire pour la garde grandi. Dit autrement, la loi est plus ou moins sévère selon que le contrat est gratuit ou non. Concrètement, l’indulgence ou la sévérité se manifeste au travers de l’appréciation de la faute. Le dépositaire gratuit voit sa faute appréciée relativement à ses habitudes personnelles. Il doit dès lors apporter à la chose les mêmes soins que ceux qu’il apporterait à une chose lui appartenant (art. 1927 c.civ.). Il en va autrement si un prix a été stipulé en contrepartie de la garde. Dans ce dernier cas, le dépositaire salarié verra sa faute appréciée par rapport au standard de conduite du bon père de famille, c’est-à-dire une personne raisonnable (pas absolument mais replacée dans le cas de figure). En bref, et dans le cas particulier, il doit apporter à la chose les mêmes soins qu’un dépositaire normalement avisé (art. 1928 c.civ.).

Risques de la chose.- Res perit domino : le dépositaire ne répond pas de la perte de la chose par cas fortuit ; mais s’il a reçu une indemnité (ex. assurance) en contrepartie de cette perte, il droit la restituer au déposant (art. 1934). À reprendre pour bien distinguer le droit commun du droit du dépôt, qui entend du dépositaire qu’il assume les risques de la chose.

2.- L’obligation de restitution

La restitution doit s’effectuer entre les mains du déposant, de son mandataire, de la personne qu’il a désigné (indication de paiement) ou, s’il est mort, de ses héritiers. En gros, la restitution doit être faite au déposant ou à son avatar !

La chose doit être restituée à l’identique (sauf dépôt irrégulier), et dans l’état où elle se trouve dans les mains du dépositaire (art. 1933 c.civ.). Si la chose est dégradée, sa responsabilité est engagée, mais pas au titre de l’obligation de restitution : c’est l’obligation de garde qui est en jeu. Les tribunaux confondent souvent ces deux obligations.

La chose doit être restituée à première demande du déposant : mais c’est ici une histoire d’extinction du dépôt (v. infra).

Le dépôt : la preuve du contrat

Le code civil a embrouillé la question, accréditant l’idée d’une summa divisio entre dépôt volontaire et dépôt nécessaire.

Que disent les textes au juste ?

1° Art. 1924 [dépôt volontaire] : « Lorsque le dépôt étant au-dessus du chiffre prévu à l’article 1359 (anc. 1341) n’est point prouvé par écrit, celui qui est attaqué comme dépositaire en est cru sur sa déclaration soit pour le fait même du dépôt, soit pour la chose qui en faisait l’objet, soit pour le fait de sa restitution ».

2° Art. 1950 [dépôt nécessaire] : « La preuve par témoins peut être reçue pour le dépôt nécessaire, même quand il s’agit d’une valeur supérieure au chiffre prévu à l’article 1359 ».

Quelle est leur réelle signification ?

3° Art. 1924 : un dépôt d’une valeur supérieure à 1500 € doit être prouvé par écrit ; si cet écrit ne peut être présenté – i.e. si la preuve légale n’est pas administré – celui qui est attaqué comme dépositaire – c’est à dire le défendeur auquel on oppose le dépôt – est cru sur ses affirmations. Il ne s’agit que du droit commun : celui qui invoque une obligation – le demandeur – doit la prouver. S’il n’y parvient pas, on est bien forcé de croire le défendeur, puisqu’aucune preuve valable ne lui est opposée.

4° Art. 1950 : la preuve par témoins est recevable là où on l’interdit normalement. À quoi s’applique ce texte ? Au dépôt nécessaire, c’est à dire au dépôt qui n’est consenti que sous la pression des circonstances. Ici, il est fait application du principe général de l’article 1360 c.civ. (art. 1348 anc.) : la preuve par tout moyens est recevable toute les fois où il existe une impossibilité matérielle rédiger un écrit.

En résumé, lorsque l’on doit enlever son collier à toute vitesse pour rentrer dans l’appareil de radiologie qui va nous sauver la vie, on prend rarement le temps de rédiger un écrit !

Dès lors, et malgré l’apparente complexité du code, c’est le droit commun de la preuve qui s’applique au dépôt.

Le dépôt : la conclusion du contrat

1.- Conditions de fond

Rien que le droit commun.- Le code civil – art. 1925 et 1926 – embrouille les choses sur ce point, mais les conditions sont les conditions classiques des articles 1108 et suivants.

Capacité.- La capacité répond aux règles normales :

Si le déposant est un incapable, le dépositaire est tenu de toutes les obligations dont il est normalement tenu.

Si le dépositaire est un incapable, il n’est tenu envers le déposant que de la restitution de ce qui se trouve encore entre ses mains – sans indemnité –, ou d’une restitution par équivalent à concurrence de ce qui a tourné à son profit. (ex. dépôt d’une TV chez un incapable ; celui-ci ne doit que la TV, même si celle-ci est cassé et sans responsabilité possible ; si la TV a été revendue 100 €, il doit 100 € ; mais si l’incapable a dû payer 50 € pour l’expédier, il ne doit que 50 €).

Pouvoirs.- L’art. 1922 c.civ. réserve au seul propriétaire de la chose le pouvoir de conclure un dépôt, texte maladroit (contredit par l’art. 1938 c.civ. qui précise que le dépositaire ne peut pas exiger du déposant qu’il prouve sa propriété de la chose déposée) et largement déconnecté par la jurisprudence. La réalité du droit positif est que le dépôt de la chose d’autrui est parfaitement valable : le propriétaire ne sera simplement tenu des obligations d’un déposant (et not. de la rémunération du dépositaire) que s’il a consenti au dépôt.

Consentement du dépositaire.- Le consentement peut parfois poser problème, car il faut être sûr que le contractant a qui il a été remis une chose a bien accepté de la garde, ce qui exclut la simple tolérance ou la courtoisie. Ex. accepter qu’un ami gare son véhicule dans sa cour lors de ses vacances n’est pas s’engager dans un dépôt. En revanche, l’établissement sportif qui laisse un vestiaire a disposition de ses clients est dépositaire, à moins qu’une affichette manifeste – ce qui est parfaitement valable – expressément son refus de s’engager dans un tel dépôt (ex. la direction décline toute responsabilité quant à la perte ou au vol des objets laissés dans le vestiaire). Il est remarquable ici que la jurisprudence impose au professionnel un devoir de manifester son refus de consentir pour ne pas être engagé… Mais ça se comprend : offre de dépôt par la mise à disposition d’un casier.

De plus, l’accord doit aussi porter sur la chose déposée : il est possible de ne pas accepter un objet de trop grande valeur (ex. la direction décline toute responsabilité quant au vol des objets de valeur déposés dans les vestiaires).

Consentement du déposant.- Côté déposant, il faut éventuellement consentir au montant du dépôt. On s’est également demandé si la figure du dépôt nécessaire n’entachait pas par elle-même le contrat de violence : celui qui ne dépose sa chose que « forcé par quelque accident » (art. 1949) consent-il réellement librement ? (ex. dépôt d’un collier en or entre les mains d’un médecin-radiologue en vue d’un examen radiologique d’urgence : Civ. 1ère, 22 nov. 1988, Bull. civ. I, n° 330). Le principe de solution est celui du droit commun des art. 1111 et s. : il n’y a pas violence à ne contracter que sous l’emprise des circonstances, à moins que le contractant n’abuse de ces circonstances pour imposer en sa faveur des conditions injustes, telles une rémunération excessive.

2.- Conditions de forme

« Le plus réel des contrats réels ».- Le dépôt est le contrat réel par excellence. Il n’est parfait que par la remise de la chose. Notons qu’une lecture rapide du code civil pourrait permettre d’en douter, l’article 1921 disposant que « le dépôt volontaire se forme par le consentement réciproque de la personne qui fait le dépôt et de celle qui le reçoit ». Mais il faut tout de suite préciser que l’article 1921 c.civ. ne fait en ceci qu’opposer le dépôt volontaire au dépôt nécessaire, dont il est traité trois sections après, i.e. le dépôt dont la conclusion est « forcée par quelque accident, tel qu’un incendie, une ruine, un pillage, un naufrage ou autre événement imprévu ».

Le dépôt : vue d’ensemble

Présentation.- Le dépôt est le contrat par lequel une personne (le déposant) remet une chose à une autre (le dépositaire), en vue que celle-ci la lui garde et la lui restitue plus tard. Il est réglementé aux articles 1915 à 1963 c.civ. Il s’agit d’un contrat extrêmement courant, qu’il prenne corps de manière indépendante ou liée avec une autre opération. Ex. : le dépôt d’un manteau au restaurant, le stockage de la voiture réparée sur le parking du garagiste, le placement du chien de la grand-mère dans un chenil sur la route des vacances sont des dépôts.

Garde meubles.- Selon l’art. 1918 c.civ., le dépôt ne peut avoir pour objet que des choses mobilières. L’ensemble des immeubles est donc exclu, ce qui semble, à bien y réfléchir, devoir être dû davantage à la tradition qu’à une impossibilité juridique établie (trad. : déposer = remettre entre les mains, i.e. déplacer, ce qui est impossible pour un immeuble). Ceci exclut également les personnes, qui ne peuvent faire l’objet d’un dépôt : une nourrice ou un garde-malade ne sont pas des dépositaires, mais des entrepreneurs. Quoique, à la réflexion, une personne puisse dans certains cas faire l’objet d’un dépôt… à condition qu’elle soit morte. Ainsi les hôpitaux sont-ils tenus vis-à-vis de la famille, et en qualité de dépositaires, de veiller à la conservation du corps du malade défunt pendant dix jours. Et, à ce titre, les tribunaux ont eu l’occasion de sanctionner certains dépositaires négligents, notamment dans une affaire où le corps s’était décomposé au bout de quatre jours (Cass. 2ème civ., 17 juillet 1991, RTD civ. 1992. 412, obs. Gautier). À ceci s’ajoute l’exigence que le meuble en question soit corporel, le transfert de la garde d’un meuble incorporel, sans consistance matérielle, étant difficilement envisageable. Encore qu’on pourrait imaginer qu’une personne puisse être dépositaire d’une enseigne ou plus sûrement de la mémoire de quelqu’un…

Contrat de service.- L’objet du contrat de dépôt n’est pas la chose déposée, sur laquelle le dépositaire ne dispose d’aucune prérogative. Ce dernier ne se voit pas remettre la chose pour son propre usage : il la reçoit pour rendre service à celui qui la lui remet. La perspective est inversée par rapport aux contrats de jouissance – bail et prêt – déjà rencontrés (voy. les articles « Le bail de droit commun : notion » / « Le prêt à usage : notion »), dans lesquels c’est le remettant qui rend service. Autrement dit, le dépôt est un contrat de service : le dépositaire promet d’assurer la garde de la chose déposée ; il est tenu d’une obligation de faire : c’est un prestataire de service.

Le service rendu peut être gratuit ou onéreux. À l’origine, il s’agissait d’un service d’ami (on gardait les biens du légionnaire qui partait à la guerre) : c’est la raison pour laquelle le code civil (art. 1917 c.civ.) le conçoit comme « essentiellement gratuit ». Mais l’expression est abusive : la gratuité n’est pas de l’essence du dépôt : il s’agit d’un simple naturalia, ce que le code reconnaît lui-même en envisageant le cas où il a été stipulé un salaire (art. 1928 c.civ.).

Souvent accessoire.- La remise d’une chose accompagne nombre de contrats de la vie courante. Deux exemples :

1° Réparation d’une voiture chez le garagiste : la voiture n’est pas seulement réparée, mais remise à la garde du garagiste

2° Soirée dans une boîte de nuit : il y a un contrat de vente de boissons avec l’établissement, mais on remet également ses vêtements (pas tous) à l’entrée avant d’aller consommer.

Dans les deux cas, il existe une idée de dépôt : et c’est d’ailleurs la première chose qu’invoquera le client en cas de dégradation de son véhicule ou de perte de son manteau. Qu’en est-il réellement ? La difficulté tient ici dans le fait que la remise de la chose en vue de sa garde n’est pas l’objet principal du contrat qui est, selon l’exemple, la réparation de la voiture ou l’achat de boissons alcoolisées. En principe, donc, il ne devrait pas y avoir dépôt, puisque la prestation caractéristique – la garde – n’est pas l’objet principal du contrat envisagé. Le problème est réel, et la jurisprudence hasardeuse à systématiser. Le plus souvent, le contrat conserve sa qualification principale, mais la jurisprudence reconnaît qu’il comprend une « phase de dépôt » durant laquelle celui qui a reçu la chose est tenu d’obligations « s’apparentant à celles d’un dépositaire » (Cass. 1ère civ., 22 janvier 1991, n° 89-11357Bull. civ. I, n° 28). L’idée est que le contrat ne perd pas sa qualification principale mais que vient s’y ajouter une obligation accessoire inspirée du dépôt (v. pour un réparateur : Cass. 1ère civ., 30 mai 2006, n° 05-13980, Bull. civ. I, n° 270). D’autres fois, on reconnaît un contrat de dépôt connexe au contrat principal, notamment dans le cas du vestiaire (CA Paris, 3 décembre 1987, D. 1988. IR. 28). Cette position se justifie : finalement, on peut très bien laisser son manteau au vestiaire et ne rien consommer en boîte de nuit… ou consommer en laissant les autres régler l’addition. Dans ce cas, le dépôt est le seul contrat véritable passé avec l’établissement. Le plus important à retenir est qu’en réalité, la tendance consiste (quelle que soit la méthode employée) à mettre sur la tête de celui auquel on a confié la chose à titre accessoire les obligations d’un dépositaire pour pouvoir lui reprocher sa perte. Le problème est simple : pour être tenu de la perte de la chose d’autrui, il fallait avoir l’obligation de la garder….

Le bail d’habitation : le congé

Le congé, c’est-à-dire la résiliation unilatérale du bail, à l’initiative d’une seule des parties au contrat, fait l’objet d’une réglementation très dérogatoire au droit commun, protectrice des intérêts du preneur à bail. Pendant que le locataire peut quasiment mettre fin au contrat comme il le souhaite (art. 12 : « le locataire peut résilier le contrat de location à tout moment »), le bailleur ne donner congé que de manière extrêmement restrictive (art. 10, al. 2 : « si le bailleur ne donne pas congé dans les conditions de forme et délai prévues à l’article 15, le contrat de location parvenu à son terme est soit reconduit tacitement, soit renouvelé »).

1.- Le congé émanant du locataire

Liberté.- Le locataire, qui n’est pas tenu de motiver son congé, peut mettre fin au contrat à tout moment en cours de bail. Il doit seulement adresser congé au bailleur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (LRAR) ou par exploit d’huissier. Toute autre forme est nulle.

Préavis.- Le locataire doit toutefois respecter un délai de préavis de trois mois, qui court à compter de la date de réception de la LRAR ou de la signification par l’huissier de justice. Ce délai peut être réduit à un mois dans les cas suivants :

Si mutation

Si perte d’emploi (à l’arrivée du terme d’un cdd) ou bien à la suite d’un licenciement (cdi)

Si nouvel emploi consécutif à une période d’inactivité

Si l’état de santé du locataire de plus de 60 ans justifie un changement de domicile

Si le locataire est bénéficiaire du RMI (la règle est étendue au RSA).

La loi n’imposait pas au locataire de joindre au congé les justificatifs de la réalité du motif de préavis réduit. Il pouvait donc être envoyer un congé « sec », à charge pour lui de prouver la réalité de sa situation si le bailleur le lui demande. L’article 15 de la loi de 1989 prie désormais le locataire de justifier un motif au moment de l’envoi du congé. La Cour de cassation dit exactement en ce sens :  “Vu l’article 15, I de la loi du 6 juillet 1989 ; Attendu que le locataire souhaitant bénéficier des délais réduits de préavis mentionnés aux 1° à 5° du texte précité précise le motif invoqué et le justifie au moment de l’envoi de la lettre de congé ; qu’à défaut, le délai de préavis applicable à ce congé est de trois mois (…) (Cass. 3ème civ., 11 avr. 2019, n° 18-14256, à paraître au bulletin). A défaut de justification, le délai de 3 mois doit être observé.

Loyer.- Le locataire qui donne congé est redevable du loyer et des charges pendant toute la durée du préavis – quand bien même aurait-il déjà déménagé – sauf bien entendu si le logement se trouve occupé par un autre locataire auquel le bailleur a donné son accord.

2.- Le congé émanant du bailleur

Forme et délai du congé.- Le congé ne peut être donné par le bailleur que pour le terme du bail. Pour le dire autrement, il ne peut prendre effet qu’à la fin de la période de trois ou six en cours. Plus précisément, le congé doit être donné avec six mois de préavis, sans qu’il soit possible de réduire ce délai pour quelque raison que ce soit. Les deux formes autorisées sont la LRAR et la signification par exploit d’huissier.

Le délai court alors soit de la date de réception par le locataire dudit congé, soit de la date se signification par un huissier de justice.

Le choix de la LRAR peut aboutir à des problèmes de computation du délai. Car il faut concilier l’art. 15 de la loi n° 89-462 du 6 juill. 1989, qui dispose que le délai court à compter de la date de réception de la LRAR avec l’art. 669 al. 3 du C. proc. civ. selon lequel la date de réception d’une LRAR est la date portée par la poste lors de la remise de la lettre à son destinataire. Ce qui fait qu’en toute logique, le délai ne commence jamais à courir si le locataire, absent lors du passage du facteur, ne va jamais chercher à la poste son recommandé ! C’est ce que décide couramment la jurisprudence, précisant notamment qu’il ne saurait être tenu compte de la date de la première présentation (ex. Cass. 3ème civ., 9 mars 2004, n° 02-20886, inédit). La signification par huissier de justice, bien que plus onéreuse, offre à cet égard davantage de garanties.

Les motifs du congé.- Le congé émanant du bailleur n’est pas libre. Il doit, à l’inverse du congé délivré par le locataire, être motivé.

– Il est d’abord strictement prohibé dans un cas, quel que soit le motif dont le bailleur pourrait par ailleurs se prévaloir : celui où le locataire est âgé (plus de 65 ans) et démuni (lorsque ses ressources annuelles sont inférieures à une fois et demie le montant annuel du SMIC). Il ne être dérogé à cette prohibition que dans deux hypothèses : 1° lorsque le bailleur est capable de mettre à la disposition du locataire un logement de substitution, situé dans le voisinage et adapté aux besoins et aux possibilités du locataire ; 2° lorsque le bailleur est lui-même âgé (de plus de 60 ans) ou démuni (art. 25-8, II). Ici, et contrairement au cas du locataire, les conditions sont alternatives.

– Il n’est autorisé que pour les motifs suivants : reprise pour habiter, congé pour vendre ou congé pour motif légitime et sérieux.

La reprise pour habiter.- Cette voie n’est ouverte qu’aux bailleurs personnes physique. Une personne morale ne peut habiter un logement. Exception faite de la société familiale, qui peut reprendre le logement pour faire habiter l’un de ses associés membres de la même famille. L’idée est que le bailleur peut reprendre son bien pour l’habiter ou pourvoir au logement de l’un des membres de sa famille, membres que la loi énumère de manière limitative : « son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire » (art. 15 I). Le congé doit indiquer le motif (reprise pour habiter) ainsi que l’identité et les coordonnées du bénéficiaire de la reprise, le tout à peine de nullité. Ceci permet de contrôler la réalité du motif invoqué (le locataire qui s’aperçoit de la fausseté du motif peut alors agir en nullité du congé). Mais face à un congé incomplet, mieux vaut ne rien dire du tout et plaider la nullité…

Le congé pour vendre.- L’idée est de permettre au bailleur de vendre son bien libre de toute occupation. On sait qu’il peut vendre son bien quand il le veut, mais qu’en ce cas, le bail passe obligatoirement à l’acquéreur (cession forcée de l’art. 1743 c.civ.). Or, un bien libre de toute occupation se vend plus cher… La loi du 6 juillet 1989, dans un souci de protection qui a été décrit (voy. l’article : « Le bail d’habitation : du contrat au statut »), offre au locataire une chance de maintenir son cadre de vie – s’il en a les moyens – en aménageant en sa faveur un droit de préemption. La délivrance du congé pour vendre constitue à l’égard du locataire une offre prioritaire de vente au prix et conditions convenues avec le tiers candidat à l’acquisition.

Sauf cette dernière précision, le congé délivré au preneur doit impérativement mentionner les conditions de la vente projetée.

La délivrance du congé vaut offre de vente : c’est la consistance du droit de préemption du locataire. Trois exceptions cependant : vente à un proche parent (parent ou allié), immeuble insalubre ou exercice par la commune de son propre droit de préemption.

Cette offre n’est valable que pendant les deux premiers mois du préavis. Au-delà, elle est caduque.

Si le locataire accepte, il a deux mois pour finaliser la vente, sauf s’il déclare recourir à un prêt, ce qui porte le délai à quatre mois.

Si le locataire refuse (ou se tait plus de deux mois), le bail va jusqu’à son terme et est anéanti au-delà.

Si, pour une raison ou pour une autre, le bailleur signe avec un tiers une promesse de vente à des conditions plus avantageuses que celles contenues dans le congé (ex. prix moins élevé), le bailleur est tenu d’en avertir le locataire, qui devra accepter ou non l’offre ainsi adressée dans le délai d’un mois : c’est le second droit de préemption ou droit de préemption subsidiaire. À noter que la Cour de cassation retient toutefois que si le locataire n’exerce pas son droit en temps et en heure et que, consécutivement, l’immeuble est vendu à des conditions finalement plus avantageuses, le locataire n’est plus fondé à exercer son droit de préemption subsidiaire (Cass. 3ème civ., 11 mars 2015, n° 14-10447, Bull. civ. III, n° 29). Le vendeur retrouve ainsi son entier et plein pouvoir sur la chose. Il est alors libre de l’aliéner comme il l’entend.

Congé pour motif légitime et sérieux.- Le congé pour motif légitime est sérieux permet au bailleur, au terme du contrat, de mettre fin à la relation contractuelle pour deux types de raisons :

1.° le manquement du locataire à ses obligations : défaut de paiement du loyer (ex. des retards répétés et injustifiés), défaut d’usage paisible (ex. tapage diurne ou nocturne, à rapprocher de la faculté pour les tiers de rechercher la responsabilité du bailleur pour trouble anormal de voisinage ; agressivité envers les voisins ; fait de nourrir les pigeons, etc…), non-respect de la destination des lieux, défaut d’assurance (cas où le bail ne prévoit pas de clause résolutoire de plein droit), sous-location ou prêt des locaux à des tiers ; 2° la démolition, l’expropriation ou la rénovation du logement

Loyer.- Par ailleurs, lorsque le congé émane du bailleur, le locataire n’est redevable du loyer que pour le temps où il est effectivement resté dans les lieux. Par ex., le locataire qui trouve un appartement un mois après réception du congé, n’est redevable du loyer que pour ce mois. En aucun cas il ne doit les cinq restant à courir jusqu’au terme.

Le bail d’habitation : les obligations du preneur

Les obligations du locataire sont énumérées à l’article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à l’amélioration des rapports locatifs. Elles sont au nombre de sept : payer le loyer et les charges, user paisiblement des lieux loués, répondre des dégradations et pertes, laisser s’exécuter les travaux d’amélioration des parties communes et privatives ainsi que les travaux nécessaires au maintien en l’état et à l’entretien normal des lieux loués, ne pas transformer les lieux et s’assurer. La plupart sont identiques à celles du droit commun, auquel il convient de renvoyer (voy. l’article « Le bail de droit commun : les obligations du preneur à bail »).

Il faut cependant insister sur certaines de ces obligations, qui dépassent les prévisions du droit commun : l’obligation de payer le loyer et les charges (1), l’obligation d’entretien (2), l’obligation de répondre des dégradations et pertes (3) et l’obligation d’assurance (4).

1.- Le paiement du loyer et des charges

Pour l’essentiel, les règles prescrites sont identiques à celles qui organisent les obligations du preneur à bail de droit commun (voy. l’article “Le bail de droit commun : les obligations du preneur”). Le législateur s’est plus volontiers préoccupé du paiement des charges locatives et de la sanction du défaut de paiement du loyer et des charges.

1.1.- Les charges locatives

Les charges locatives sont des frais que le propriétaire de l’immeuble paie, mais qui sont relatifs à l’utilisation de celui-ci. Or le propriétaire qui loue son logement n’utilise pas l’immeuble. C’est le locataire qui le fait à sa place. Il est donc juste que ce soit lui qui supporte au final les frais liés à cette utilisation. Ex. typiques : la lumière dans l’escalier commun, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. En pratique, le bailleur paye, puis récupère ces charges sur le locataire : c’est pour cette raison qu’on les appelle « charges récupérables »

Attention : la tentation est grande pour la bailleur ou son représentant (ex. agence immobilière) de proposer artificiellement un loyer à un montant moindre en comparaison avec les loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables. Le montant des charges récupérables renseignées dans l’offre de bail est estimatif. Ce sont des provisions pour charges qui sont demandées (art. 23, al. 3). Il suffit donc de les minorer et le prix du contrat (jouissance de la chose + charges) est aussitôt abaissé. Et c’est à l’occasion de la régularisation de charges, quelques mois après la conclusion du bail, que le locataire découvre la réalité des choses. Il importe de résister à cette tentation et/ou de dénoncer celles et ceux qui ont succombé. Un petit delta peut être concédé, mais pas une différence du simple au double, par exemple. Cela pourrait passer pour une manœuvre et fonder le locataire à demander 1° La nullité du contrat pour dol (art. 1137 nouv. c.civ.) ou, plus utilement, 2° des dommages et intérêts compensatoires.

1° En pratique, l’action en nullité est un tantinet audacieuse… sauf à espérer – ce qui est raisonnable – que le bailleur se ravise vite à la lumière de la perte de temps et d’argent qu’il risque fort de subir. D’abord, le locataire s’apprête à perdre la jouissance de la chose. Dans les villes où il existe une grave crise du logement, c’est impensable. Ensuite, cela peut s’avérer onéreux. Si, par hypothèse, le bailleur discute le bien fondé de l’action en nullité, le juge du contrat devra être saisi (pour peu que la commission départementale de conciliation, qui peut être saisie dans le cas particulier, ne soit pas parvenue à concilier les parties. Art. 20, 3°). Enfin, si l’action prospère et que le bailleur est condamné à restituer les loyers, le locataire sera obligé de payer une indemnisation d’occupation. L’explication est la suivante : le contrat étant nul, il est censé n’avoir jamais existé. Il importe donc de replacer les cocontractants dans la situation qui était la leur à raison de l’effacement du contrat de l’ordonnancement juridique. En bref, il faut rétablir le retour au statu quo ante. Le locataire doit donc rendre ce qu’il a reçu. Simplement, restituer un temps de jouissance est matériellement impossible. Le droit oblige donc le locataire à rendre quelque chose de jugé équivalent. Et on n’a encore rien trouvé de plus commode (et satisfactoire) que l’argent. C’est ce qu’on appelle une indemnité d’occupation. C’est équitable. Rien demander au locataire aurait été l’enrichir, sans raison, injustement. L’action présente tout de même un intérêt : l’indemnité sera en toute hypothèse de moindre importance que le loyer princeps arrêté par les parties au jour de la conclusion du contrat.

2° Le locataire peut encore, plus utilement, intenter une action en responsabilité contractuelle fondée sur la violation du principe de loyauté contractuelle, les dommages et intérêts accordés compensant en quelque sorte le tort causé par la minoration des provisions sur charge (art. 1104 nouv. c.civ. in dispositions liminaires : “Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi”).

La loi de 1989 (art. 23) définit ces fameuses charges comme des sommes accessoires au loyer principal, lesquels sont exigibles par le bailleur sur justification en contrepartie :

1° Des services rendus liés à l’usage des différents éléments de la chose louée ;

2° Des dépenses d’entretien courant et des menues réparations sur les éléments d’usage commun de la chose louée. Sont notamment récupérables à ce titre les dépenses engagées par le bailleur dans le cadre d’un contrat d’entretien relatif aux ascenseurs

3° Des impositions qui correspondent à des services dont le locataire profite directement.

Ces charges sont limitativement énumérées par le décret n° 87-713 du 26 août 1987. La liste est d’ordre public, rien ne peut lui être rajouté.

En pratique, les parties conviennent que le locataire versera des provisions (ex. 50 € / mois), ces provisions sur charges faisant l’objet d’une régularisation annuelle. À l’occasion de cette régularisation, le bailleur doit tenir tous les documents justificatifs à la disposition du locataire. Encore une fois, ce n’est que sur justification que les charges sont payables. Une charge non justifiée est une charge indue (v. not. : Cass. 3ème civ., 8 déc. 2010, n° 09-71124, Bull. civ. III, n° 216).

1.2.- La sanction du défaut de paiement du loyer et des charges locatives

 Droit commun.- La sanction du défaut de paiement des loyers est, conformément au droit commun, de deux ordres : exécution forcée ou, si le bailleur le demande, résiliation. Il est à noter que l’obligation de payer les loyers étant l’obligation essentielle du locataire, la condition de gravité du manquement requise par cette sanction particulière semble immédiatement remplie, à condition que l’impayé porte sur un nombre suffisant d’échéances. La condition de gravité est soumise à l’appréciation du juge.

Clause résolutoire de plein droit.- Les parties peuvent toutefois choisir d’aménager elles-mêmes les conséquences du non-paiement et convenant d’une clause résolutoire de plein droit. Une telle clause est licite par principe, mais elle est strictement encadrée par l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, qui met en place une procédure complexe. Il est à noter avant d’entrer dans les détails que la possibilité même de convenir d’une clause résolutoire de plein droit est encadrée par la loi de 1989, puisque celle-ci n’est licite qu’à propos de l’inexécution de quelques obligations seulement du locataire : le paiement du loyer et des charges, le versement du dépôt de garantie (art. 24) / l’obligation d’assurance, le non-respect de l’obligation d’user paisiblement des locaux loués (résultant de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée) (art. 4 g).

La clause ne peut en effet produire effet que deux mois après un commandement de payer rester infructueux.

Ce commandement est un acte extrajudiciaire, qui doit être signifié par huissier de justice, la signification marquant le point de départ du délai. C’est également un acte formaliste, au sens où il n’est valable que s’il contient les énonciations imposées par la loi, et notamment la reproduction des cinq premiers alinéas de l’article 24.

En ce qui concerne la caution, le commandement doit lui être signifié dans les quinze jours de la signification au locataire. À défaut, la loi prévoit que la caution ne peut être tenue des pénalités ou intérêts de retard.

Une fois le commandement signifié, un délai de deux mois s’ouvre durant lequel le locataire peut payer sa dette, négocier un plan d’apurement avec le bailleur ou saisir le juge pour obtenir des délais de paiement. Dans ce dernier cas, le juge se prononce dans les conditions des articles 1343-5 et s. nouv. c.civ. (art. 1244-1 et s. anc. c.civ.).

Avant 1998, ce délai était une sorte de délai de forclusion : une fois les deux mois écoulés, la clause jouait de plein droit, et le locataire, ne pouvant plus rien y faire, voyait son bail résilié et devait quitter les lieux. La loi du 29 juillet 1998 a évolué vers plus d’indulgence, dans un but de protection du droit au logement du locataire. Car une fois le délai de deux mois écoulé, le juge peut encore, et même d’office, précise le texte, accorder des délais au locataire pour s’acquitter de sa dette locative et rester dans les lieux. Aujourd’hui, il est peut être excessif de dire que la clause résolutoire joue « de plein droit ».

2.- L’entretien les lieux loués

Le locataire doit procéder à l’entretien courant du logement ainsi qu’aux réparations locatives.

L’innovation en matière de bail d’habitation est que les réparations locatives sont listées par un décret n° 87-712 du 26 août 1987. Le droit spécial est ici plus précis que le droit commun.

3.- La garantie des dégradations et pertes

Selon l’art. 7c, le locataire est obligé de « répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d’un tiers qu’il n’a pas introduit dans le logement ». [on assimile à la force majeure la vétusté].

Il s’agit d’un rappel de l’article 1735 c.civ. qui concerne la responsabilité du locataire en cas de dégradations commises par des « gens de sa maison ». Il faut ici y reporter les solutions du droit commun du bail (voy. l’article “Le bail de droit commun : les obligations du preneur à bail”). Rappelons qu’appartiennent à cette catégorie les personnes qui résident temporairement chez le preneur ou qui sont intervenues à titre professionnel sur sa demande, ce qui pour la jurisprudence, exclut les invités du preneur ou ses patients (cas d’un médecin titulaire d’un bail mixte).

La violation de cette obligation se constate le plus souvent en fin de bail, par comparaison de l’état des lieux d’entrée et de l’état des lieux de sortie.

4.- La souscription d’une assurance

Afin de préserver l’équilibre des relations entre bailleur et locataire, la loi impose au locataire de protéger le bailleur contre son insolvabilité. C’est la raison pour laquelle la loi oblige le preneur à s’assurer contre les risques dont il doit répondre en sa qualité de locataire et d’en justifier lors de la remise des clés puis, chaque année, à la demande du bailleur.

Cette justification résulte de la remise d’une attestation d’assurance (que les assureurs adressent en pratique chaque année en même temps que l’appel de prime).

Cette obligation est tellement importante que la loi autorise à ce que son inexécution soit l’objet d’une clause résolutoire de plein droit (art. 4 et 7).

La procédure est dans ce cas la suivante : la résiliation  ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Ce commandement reproduit, à peine de nullité, les dispositions de l’article 7g de la loi du 6 juillet 1989.

Il est à noter qu’il ne faut pas confondre assurance et attestation d’assurance. C’est l’obligation de s’assurer qui est l’objet de la résolution, et non l’obligation de présenter une attestation d’assurance. Le contrat ne peut pas être résilié si le preneur est assuré mais qu’il tarde à présenter son attestation. Réciproquement, la production d’une attestation d’assurance à l’instance ne permet pas d’éviter la résiliation au preneur qui n’était pas assuré au moment du commandement.