Régime primaire impératif et régimes matrimoniaux: économie générale

Bien que le mariage ne soit plus le seul système d’organisation de la vie conjugale, il demeure le modèle prépondérant à travers lequel le droit appréhende la famille.

Cette place centrale que le mariage occupe, encore aujourd’hui, dans l’ordonnancement juridique s’exprime par les effets qu’il emporte et qui confèrent au couple marié un statut privilégié.

À cet égard, il convient d’avoir toujours à l’esprit que le mariage ne consiste pas seulement en une union des personnes. Il consiste également en une union des biens.

==> Union des personnes et union des biens

Les effets du mariage sont de deux ordres. Ils intéressent les rapports personnels entre les époux (l’union des personnes) ainsi que les rapports pécuniaires qu’ils entretiennent entre eux (l’union des biens)

  • S’agissant de rapports personnels entre les époux (union des personnes)
    • L’acte juridique que constitue le mariage produit deux effets principaux à l’égard des époux :
      • Premier effet : la création de devoirs mutuels
        • Le mariage fait naître des devoirs mutuels qui pèsent sur les époux. Ces devoirs sont énoncés aux articles 212, 213 et 215 du Code civil.
        • Au nombre de ces devoirs figurent :
          • Le devoir de respect ( 212 C. civ.)
          • Le devoir de fidélité ( 212 C. civ.)
          • Le devoir d’assistance ( 212 C. civ.)
          • Le devoir de communauté de vie ( 215 C. civ.)
      • Second effet : la création de fonctions conjointes
        • Le mariage ne crée pas seulement des devoirs à l’égard des époux, il leur confère également des fonctions qu’ils exercent conjointement.
        • Ces fonctions conjointes sont énoncées aux articles 213 et 215 du Code civil :
          • La direction de la famille ( 213 C. civ.)
          • Le choix du logement familial ( 215, al. 2e C. civ.)
  • S’agissant des rapports pécuniaires entre les époux
    • Le mariage produit des effets qui tiennent, d’une part, à l’interdépendance des époux, d’autre part, à leur indépendance et enfin, aux situations de crise qu’ils sont susceptibles de traverser.
      • Les effets relatifs à l’interdépendance des époux
        • Parce que les époux sont assujettis à une communauté de vie, cette obligation implique qu’ils coopèrent pour l’accomplissement d’un certain nombre d’actes qui intéressent le fonctionnement matériel du ménage.
          • La contribution aux charges du mariage ( 214 C. civ.)
          • La protection du logement familial ( 215, al. 3e C. civ.)
          • Le devoir de secours ( 212 C. civ.)
      • Les effets relatifs à l’indépendance des époux
        • Afin de mettre un terme à l’assujettissement de la femme mariée à son mari, le législateur a conféré aux époux un certain nombre de pouvoirs qu’ils peuvent exercer en toute autonomie.
        • Au-delà de l’égalité recherchée par le législateur entre l’homme et la femme, ces sphères d’autonomie dont jouissent les époux permet au ménage de fonctionner plus efficacement, car offrant la possibilité à un époux d’agir seul, sans qu’il lui soit besoin de recueillir le consentement de son conjoint.
        • Cette indépendance des époux dans le fonctionnement du couple marié s’est traduite par l’instauration de :
          • L’autonomie ménagère ( 220 C. civ.)
          • L’autonomie mobilière ( 222 C. civ.)
          • L’autonomie professionnelle ( 223 C. civ.)
          • L’autonomie bancaire ( 221 C. civ.)
          • L’autonomie patrimoniale ( 225 C. civ.)
      • Les effets relatifs aux situations de crise
        • Le couple est susceptible de rencontrer des difficultés qui peuvent aller du simple désaccord à l’impossibilité pour un époux d’exprimer sa volonté.
        • Afin de permettre au couple de surmonter ces difficultés, le législateur a mis en place plusieurs dispositifs de règles énoncés aux articles 217, 219 et 220-1 du Code civil.
        • Parmi ces dispositifs qui visent à régler les situations de crise traversées par le couple on compte :
          • L’autorisation judiciaire ( 217 C. civ.)
          • La représentation judiciaire ( 219 C. civ.)
          • La sauvegarde judiciaire ( 220-1 C. civ.)

Toutes ces règles qui régissent les effets du mariage forment ce que l’on appelle le statut légal des époux.

==> Droit de la famille et droit des régimes matrimoniaux

Le statut légal auquel le couple marié est soumis se divise en deux branches qui font l’objet d’études séparées :

  • Première branche : le droit de la famille
    • Les règles du statut légal des époux qui intéressent leurs rapports personnels sont comprises dans l’étude du droit de la famille
    • Aussi, les effets personnels du mariage que sont notamment l’obligation de communauté de vie, le devoir de fidélité, le devoir d’assistance ou encore le devoir de respect sont appréhendés avec les conditions de formation du mariage, le divorce, la filiation ou encore le pacs.
  • Seconde branche : le droit des régimes matrimoniaux
    • Les règles qui intéressent les rapports pécuniaires entre époux relèvent de l’étude du droit des régimes matrimoniaux.
    • Cette branche du droit, qualifiée également de droit patrimonial de la famille, traite spécifiquement des effets sur le patrimoine de chacun d’eux qui résultent du mariage, non seulement dans leurs rapports réciproques, mais aussi dans leurs rapports avec les tiers et plus particulièrement avec leurs créanciers.

Nous ne nous focaliserons ici que sur le droit des régimes matrimoniaux et plus précisément sur l’articulation entre le régime primaire impératif qui s’applique à tous les couples mariés et les régimes matrimoniaux qui diffèrent d’un couple à l’autre.

I) Régime primaire impératif et régimes matrimoniaux

Au cours de leur mariage les époux sont donc soumis au droit des régimes matrimoniaux s’agissant des rapports pécuniaires qu’ils entretiennent entre eux.

Ce droit des régimes matrimoniaux fait l’objet d’un traitement dans deux parties bien distinctes du Code civil, puisque envisagé, d’abord dans un chapitre consacré aux devoirs et aux droits respectifs des époux (art. 212 à 226 C. civ.), puis dans un titre dédié spécifiquement au contrat de mariage et aux régimes matrimoniaux (art. 1384 à 1581 C. civ.).

Cet éclatement du droit des régimes matrimoniaux à deux endroits du Code civil, révèle que les époux sont soumis à deux corps de règles bien distinctes :

  • Premier corps de règles : le régime primaire impératif
    • Les époux sont d’abord soumis à ce que l’on appelle un régime primaire impératif, également qualifié de statut matrimonial de base ou statut fondamental, qui se compose de règles d’ordre public applicables à tous les couples mariés.
    • Il s’agit, en quelque sorte, d’un socle normatif de base qui réunit les principes fondamentaux régissant la situation patrimoniale du couple marié.
    • À l’examen, ce sont, pour l’essentiel, des règles qui constituent l’essence même du mariage et qui intéressent le fonctionnement du ménage dans son quotidien : contributions aux charges du mariage, dettes ménagères, logement familial, présomptions de pouvoirs etc.
    • Le régime primaire impératif est envisagé aux articles 212 à 226 du Code civil.
  • Second corps de règles : le régime matrimonial
    • Au régime primaire impératif qui constitue « le statut fondamental des gens mariés»[1], se superpose un régime matrimonial dont la fonction est :
      • D’une part, de déterminer la composition des patrimoines des époux
      • D’autre part, de préciser les pouvoirs dont les époux sont titulaires sur chaque masse de biens
    • Le régime matrimonial se distingue du régime primaire impératif en ce que son contenu est susceptible de différer d’un couple à l’autre.
    • En effet, le régime matrimonial applicable au couple marié dépend du choix qu’ils auront fait, tantôt au moment de la conclusion du mariage, tantôt au cours de leur union.
    • Pratiquement, le choix qui s’offre aux époux consiste à opter soit pour le régime légal, soit pour un régime conventionnel
      • Le choix du régime légal
        • L’application du régime légal, qualifié de communauté réduite aux acquêts, procède, à la vérité, moins d’un choix que d’une absence de choix.
        • En effet, il s’agit d’un régime supplétif qui a vocation à s’appliquer au couple marié lorsqu’il n’a pas opté pour un régime conventionnel.
        • À cet égard, ce régime se classe parmi les régimes communautaires dans la mesure où il crée une masse commune de biens, lesquels ont vocation à être partagés au jour de la dissolution du mariage.
      • Le choix d’un régime conventionnel
        • Les époux peuvent décider d’opter pour un régime matrimonial relevant de la catégorie des régimes conventionnels au nombre desquels figurent :
          • Le régime de la communauté de meubles et d’acquêts ( 1498 à 1501 C. civ.)
          • Le régime de la communauté universelle ( 1526 C. civ.)
          • Le régime de la séparation de biens ( 1536 à 1543 C. civ.)
          • Le régime de la participation aux acquêts ( 1569 à 1581 C. civ.)
        • À l’examen, la « conventionnalité » de ces régimes demeure somme toute relative dans la mesure où ils sont proposés par le législateur.
        • Les époux peuvent néanmoins, en application du principe de « liberté des conventions matrimoniales», les aménager à leur guise afin d’établir un contrat de mariage « sur-mesure ».
        • La liberté dont les époux jouissent n’est toutefois pas sans limite, l’article 1387 du Code civil prescrivant l’exigence de ne pas contrevenir aux bonnes mœurs et à certaines dispositions d’ordre public propres à chaque régime conventionnel.

II) Régime primaire impératif ou le statut matrimonial de base

==> Généralités

Le régime primaire impératif se compose de l’ensemble des règles formant le statut patrimonial de base irréductible du couple marié.

Par irréductible, il faut comprendre qu’il s’agit d’une base normative commune qui constitue le minimum d’association que doit faire naître l’union matrimoniale.

Ainsi que le relèvent des auteurs « on peut estimer qu’au même titre que les dispositions relatives aux effets personnels du mariage, les dispositions du régime primaire impératif constituent l’essence du mariage tant d’un point de vue symbolique et théorique (c’est le plus petit dénominateur commun de tous les mariages), que d’un point de vue pratique – dès lors que, le plus souvent, les effets patrimoniaux du mariage se résumeront à l’application des règles du régime primaire au quotidien bien d’avantage que celles des régimes matrimoniaux »[2].

Ce régime primaire impératif est donc envisagé aux articles 212 à 226 du Code civil dans un Chapitre VI consacré aux devoirs et aux droits respectifs des époux. Ce chapitre relève d’un Titre V, intitulé « Du mariage » qui appartient au Livre 1er du Code civil dont l’objet est l’appréhension « Des personnes ».

==> Notion

La terminologie « régime primaire » est empruntée aux motifs de la loi n°65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux.

Certains auteurs dénoncent cette terminologie, car empreinte d’ambiguïté en ce sens qu’elle suggérerait que le « régime primaire » serait autonome et donc appliqué uniquement à certains ménages, tandis que les autres seraient soumis à des régimes « secondaires »[3].

Tel n’est pourtant pas la réalité. Le régime primaire s’applique à tous les couples mariés, sans exceptions, les époux devant opter, pour compléter le statut patrimonial qui leur applicable, pour l’un des régimes matrimoniaux prévus par la loi.

Aussi, d’aucuns préfèrent à la terminologie régime primaire, la qualification de « statut patrimonial de base » ou encore plus sobrement de « statut fondamental ».

Ces formules sont, en tout état de cause, équivalentes et désignent le même corpus normatif, soit celui qui comprend l’« ensemble des règles primordiales à incidence pécuniaire, en principe impératives, applicables à tous les époux quel que soit leur régime matrimonial proprement dit (lequel, qu’il soit légal ou conventionnel, vient nécessairement se superposer à ce régime de base) et destinées à sauvegarder les fins du mariage, tout en assurant un pouvoir d’action autonome à chacun des époux, soit que ces règles puissent jouer d’elles-mêmes, soit qu’elles permettent l’intervention du juge »[4].

Pour les développements qui suivent, nous nous en tiendrons à la formule régime primaire, celle-ci demeurant, nonobstant les critiques dont elle fait l’objet, la plus communément employée.

==> Champ d’application

Par hypothèse, l’application du régime primaire est subordonnée à la satisfaction d’une condition : le mariage.

Bien que l’on puisse relever quelques décisions audacieuses, dans lesquelles les juges ont cherché à faire application, dans le cadre d’une relation de concubinage qu’ils avaient à connaître, de certaines dispositions du régime matrimonial primaire, la jurisprudence de la Cour de cassation a toujours été constante sur ce point : les concubins ne sauraient bénéficier des effets du mariage et plus particulièrement de l’application du régime primaire.

Régulièrement, la Cour de cassation refuse de faire application de l’article 214 du Code civil qui régit la contribution aux charges du mariage pour régler la répartition des frais de fonctionnement de couples de concubins.

Dans un arrêt du 19 mars 1991, elle a, par exemple, jugé « qu’aucune disposition légale ne réglant la contribution des concubins aux charges de la vie commune, chacun d’eux doit, en l’absence de volonté expresse à cet égard, supporter les dépenses de la vie courante qu’il a exposées » (Cass. 1ère civ. 19 mars 1991, n°88-19400).

Dans le droit fil de cette jurisprudence, la Cour de cassation a encore estimé que l’article 220 du Code civil « qui institue une solidarité de plein droit des époux en matière de dettes contractées pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, n’est pas applicable en matière de concubinage » (Cass. 1ère civ. 2 mai 2001, n°98-22836).

Le refus de faire bénéficier les concubins du régime primaire vient de ce que la famille a toujours été appréhendée par le législateur comme ne pouvant se réaliser que dans un seul cadre : le mariage.

Celui-ci est envisagé par le droit comme ce qui « confère à la famille sa légitimité »[5] et plus encore, comme son « acte fondateur »[6].

Aussi, en se détournant du mariage, les concubins sont-ils traités par le droit comme formant un couple ne remplissant pas les conditions lui permettant de quitter la situation de fait dans laquelle il se trouve pour s’élever au rang de situation juridique. D’où la célèbre formule prêtée à Napoléon qui aurait dit que « puisque les concubins se désintéressent du droit, le droit se désintéressera d’eux ».

Il y a bien un texte les concernant s’ils viennent à rompre ; mais, celui-ci est tourné vers le mariage, puisque réglant la question de la restitution de la bague de fiançailles[7].

En outre, la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civile de solidarité (pacs) a, certes, inséré à l’article 515-8 du Code civil une définition du concubinage[8]. Toutefois, cette définition n’est que symbolique : elle n’est assortie d’aucun droit, ni d’aucune obligation qui échoirait aux concubins[9].

Manifestement, où que l’on tourne son regard, il apparaît qu’aucun texte ne règle les rapports patrimoniaux entre concubins. Quant à la jurisprudence elle s’est toujours refusé à transposer au concubinage le régime primaire impératif qui demeure l’apanage des couples mariés.

Tout au plus, certaines règles de ce régime primaire s’appliquent aux partenaires, non pas par le jeu d’une transposition jurisprudentielle, mais par le biais d’une déclinaison à laquelle s’est livré le législateur lors de l’adoption des lois sur le Pacte civil de solidarité (pacs).

En effet, la rédaction d’un certain nombre de dispositions légales spécifiques au pacs est directement inspirée du régime primaire impératif à telle enseigne que d’aucuns parlent d’un « quasi-mariage »[10].

Tel est le cas notamment de l’article 515-4 du Code civil qui transpose, sensiblement dans les mêmes termes, les articles 214 et 220 qui relèvent du régime primaire, au pacs.

==> Caractères

La singularité du régime primaire tient à ses caractères qui font donc de lui le « statut fondamental des gens mariés »[11], soit un statut qui non seulement s’applique à tous les couples mariés, mais encore qui ne profite qu’à eux seuls, à l’exclusion donc des concubins et des partenaires.

Traditionnellement le régime primaire est présenté comme revêtant trois caractères qui le distinguent des régimes matrimoniaux qui se superposent à lui :

  • Des règles d’origine légale
    • Les règles qui composent le régime primaire sont toutes d’origine légale
    • Parce qu’il s’agit d’un régime qui s’applique à tous les couples mariés, les époux ne disposent pas de la faculté de l’aménager conventionnellement, tel qu’ils peuvent le faire s’agissant du régime matrimonial pour lequel ils ont opté.
  • Des règles d’ordre public
    • Le régime primaire présente cette particularité d’être exclusivement composé de règles d’ordre public, soit de dispositions auxquelles les époux ne peuvent pas déroger.
    • L’article 226 du Code civil prévoit en ce sens que « les dispositions du présent chapitre, en tous les points où elles ne réservent pas l’application des conventions matrimoniales, sont applicables, par le seul effet du mariage, quel que soit le régime matrimonial des époux. »
    • Ainsi, le régime primaire impératif prime sur les règles du régime matrimonial choisi par les époux.
    • Il s’agit là, en quelque sorte, d’un renversement du principe aux termes duquel les lois spéciales sont censées déroger aux lois générales (specialia generalibus derogant).
    • Cette inversion du principe se justifie par la nature même du mariage qui implique « un minimum d’association et d’interdépendance entre les époux»[12].
    • Autre conséquence de la primauté du régime primaire sur les régimes matrimoniaux, le principe de liberté des conventions matrimoniales est, par hypothèse, relatif.
    • Cette relativité du principe tient à l’impossibilité pour les époux d’aménager conventionnellement le régime matrimonial pour lequel ils ont opté en stipulant des clauses qui seraient contraires aux règles impératives du régime primaire.
    • Toute stipulation qui, par exemple, prévoirait que l’accomplissement d’un acte de disposition portant sur le logement de famille ne serait pas subordonné à l’accord des deux époux, serait réputée non écrite.
  • Des règles générales
    • Les règles qui composent le régime primaire présentent un caractère général, en ce qu’elles ont vocation à s’appliquer à tous les couples mariés, quel que soit le régime matrimonial auquel ils sont soumis.
    • Il est indifférent que les époux aient opté pour le régime de la séparation de biens, de la communauté légale ou encore de la communauté réduite aux acquêts : dans tous les cas ils sont soumis aux règles du régime primaire.
    • Bien que générale, la portée du régime primaire ne doit toutefois pas être surestimée, celui-ci ne posant que les principes élémentaires du fonctionnement du ménage.
    • Dans son quotidien, le fonctionnement du couple marié engendre, en effet, la création d’obligations entre les époux mais également envers les tiers.
    • C’est essentiellement sur l’appréhension de ces obligations que se focalise le régime primaire impératif.

==> Genèse

L’étude des différentes réformes qui ont façonné le droit des régimes matrimoniaux tel qu’il est devenu aujourd’hui révèle que, lors de l’adoption du Code civil, ses rédacteurs n’avaient pas véritablement instauré de régime primaire.

Tout au plus, avait été instituée l’obligation de contribution aux charges du mariage. En dehors de cette obligation, le statut de base qui s’appliquait à l’ensemble des couples mariés se focalisait surtout sur les effets personnels du mariage.

À l’examen, c’est avec la reconnaissance progressive de l’égalité entre la femme mariée et son époux que le régime primaire impératif qui régi les conséquences pécuniaires de l’union matrimoniale a émergé.

À cet égard, plusieurs lois ont participé à cette émergence d’un statut patrimonial de base commun à tous les couples mariés :

  • La loi du 13 juillet 1907 a reconnu à la femme mariée le droit de percevoir ses salaires et ses gains professionnels et de les administrer avec cette possibilité de les affecter à l’acquisition de biens dits réservés.
  • La loi du 18 février 1938 a aboli l’incapacité civile de la femme mariée, celle-ci étant dorénavant investie de la capacité d’exercer tous les pouvoirs que lui conférerait le régime matrimonial auquel elle était assujettie
  • La loi du 22 septembre 1942 a notamment institué le mécanisme de la représentation conjugale, permettant ainsi à la femme mariée d’engager les biens du ménage auprès des tiers, ce qui revenait donc à reconnaître le mandat entre époux
  • La loi du 13 juillet 1965 est, de toute évidence, celle qui a engagé de façon significative la recherche d’une véritable égalité entre la femme mariée et son époux, ce en instaurant un régime primaire égalitaire applicable à l’ensemble des couples mariés.
  • La loi du 23 décembre 1985 est venue parachever la réforme engagée par le législateur en 1965 qui avait cherché à instaurer une égalité dans les rapports conjugaux. Plusieurs corrections ont notamment été apportées au régime primaire aux fins de gommer les dernières marques d’inégalité qui existaient encore entre la femme mariée et son époux

==> Principes directeurs

Les principes directeurs qui gouvernent le régime primaire impératif s’articulent autour de deux axes constitués de règles qui visent, d’une part, à assurer une interdépendance entre les époux tout en leur octroyant une certaine autonomie et, d’autre part, à traiter les situations de crise que le couple marié est susceptible de traverser.

  • L’interdépendance et l’autonomie des époux
    • L’élaboration du régime primaire impératif a donc été guidée par la volonté du législateur d’instituer une véritable égalité entre la femme mariée et son mari.
    • Cette recherche d’égalité conjugale s’est traduite par l’instauration d’un savant équilibre entre, d’un côté l’édiction de règles visant à assurer une interdépendance entre les époux et, d’un autre côté, la reconnaissance de droits leur conférant une certaine autonomie.
      • S’agissant des règles qui assurent l’interdépendance des époux
        • L’édiction de règles qui visent à assurer une certaine interdépendance entre les époux procède de la finalité du mariage qui opère, outre l’union des personnes, une union des biens.
        • Cette union des personnes et des biens implique que les époux collaborent entre eux faute de quoi leur engagement formulé lors de la célébration du mariage de faire vie commune ne demeurerait qu’un vœu pieux.
        • La communauté de vie, telle qu’envisagée par le Code civil requiert un minimum d’association entre les époux qui, quel que soit le régime matrimonial auquel ils sont soumis, se sont obligés à mettre un commun des ressources matérielles aux fins de subvenir aux besoins du ménage.
        • Aussi, a-t-il été décidé par le législateur que ce minimum d’association patrimoniale devait reposer sur deux piliers que sont :
          • D’une part, la contribution des époux aux charges du mariage, l’objectif recherché étant d’assurer le fonctionnement du ménage en créant une communauté patrimoniale irréductible
          • D’autre part, la protection du logement familial qui, parce qu’il est envisagé comme le sanctuaire de la famille, ne peut être aliéné, ni donné en garantie sans l’accord des deux époux.
      • S’agissant des règles qui assurent l’autonomie des époux
        • L’adoption de règles visant à conférer aux époux une certaine autonomie procède essentiellement de la volonté du législateur d’instaurer une véritable égalité entre la femme mariée et son époux.
        • Pour atteindre cet objectif d’égalité dans les rapports conjugaux, il était, en effet, nécessaire que la femme puisse s’émanciper de la tutelle de son mari, ce qui donc impliquait qu’elle dispose d’une sphère de liberté lui permettant d’agir seule.
        • La reconnaissance de l’autonomie des époux a été engagée par la loi du 13 juillet 1907, puis s’est poursuivie, par strates législatives successives, tout au long du XXe siècle, avec en point d’orgue les lois des 13 juillet 1965 et 23 décembre 1985 lesquelles ont définitivement aboli l’inégalité qui perdurait entre la femme et son mari.
        • Désormais, l’autonomie dont jouissent les époux se retrouve à tous les niveaux de la vie quotidienne du ménage.
        • Cette autonomie est professionnelle, bancaire, ménagère et, pour certains actes, mobilière et patrimoniale.
        • Outre l’abolition de l’asservissement de la femme mariée à son mari, l’instauration d’une indépendance des époux pour l’accomplissement d’un certain nombre d’actes a permis de faciliter le fonctionnement du ménage.
        • Il est, en effet, bien plus commode pour les époux de pouvoir agir seuls pour l’accomplissement des actes du quotidien, que de devoir systématiquement recueillir le consentement de l’autre.
  • Les situations de crise
    • Au-delà de la recherche d’un équilibre entre l’instauration d’une interdépendance entre les époux et la reconnaissance de droits leur conférant une certaine autonomie, le législateur a souhaité compléter le régime primaire par l’édiction de règles visant à appréhender les situations de crise auxquelles est susceptible d’être confronté le couple marié.
    • Il est, en effet, des situations où, soit parce qu’un époux se trouve dans l’incapacité de manifester sa volonté, soit parce qu’il est susceptible d’accomplir un acte mettant en péril l’intérêt de la famille, il est nécessaire que des mesures – judiciaires – soient prises.
    • Pratiquement, ces mesures peuvent consister à accroître ou restreindre les pouvoirs des époux.
    • Cet aménagement des pouvoirs dont sont investis les époux est susceptible d’intervenir dans trois cadres bien distincts que sont :
      • L’autorisation judiciaire
      • La représentation judiciaire
      • La sauvegarde judiciaire
    • Dans les trois cas, les mesures qui devront être adoptées pour régler la situation de crise traversée par le couple marié supposeront l’intervention du juge.

III) Variétés de régimes matrimoniaux

Au régime primaire impératif qui constitue le statut patrimonial de base commun à tous les couples mariés se superpose un régime matrimonial dont le choix est laissé à la discrétion des époux en application du principe de liberté des conventions matrimoniales.

L’article 1387 du Code civil dispose en ce sens que « la loi ne régit l’association conjugale, quant aux biens, qu’à défaut de conventions spéciales que les époux peuvent faire comme ils le jugent à propos, pourvu qu’elles ne soient pas contraires aux bonnes mœurs ni aux dispositions qui suivent. »

Il ressort de cette disposition que, non seulement les époux sont libres de choisir le régime matrimonial qui leur convient parmi ceux proposés par la loi, mais encore ils disposent de la faculté d’aménager le régime pour lequel ils ont opté en y stipulant des clauses particulières sous réserve de ne pas contrevenir aux bonnes mœurs et de ne pas déroger aux règles impératives instituées par le régime primaire.

Faute de choix par les époux d’un régime matrimonial, c’est le régime légal qui leur sera appliqué, étant précisé que le couple marié peut toujours, au cours du mariage, revenir sur sa décision en sollicitant un changement de régime matrimonial.

Classiquement, il est d’usage de présenter les différents régimes matrimoniaux susceptibles d’être appliqués aux époux en distinguant :

  • D’une part, le régime légal qui a vocation à s’appliquer en l’absence de contrat de mariage
  • D’autre part, les régimes dits conventionnels dont l’application suppose que les époux aient opté pour un dispositif spécifique.

A) Le régime légal

Le régime légal, qui s’applique aux couples mariés faute d’établissement d’un contrat de mariage, est le régime de la communauté réduite aux acquêts.

Ce régime a été institué par la loi du 13 juillet 1965 qui l’a substitué à l’ancien régime légal de communauté de meubles et d’acquêts, lequel est désormais relégué au rang de régime conventionnel.

Dans les grandes lignes, la spécificité du régime légal tient à trois éléments qui diffèrent d’un régime matrimonial à l’autre :

==> La répartition des biens

Principale caractéristique du régime légal, il s’agit d’un régime communautaire. Cette spécificité implique la création d’une masse commune de biens aux côtés des biens propres dont les époux demeurent seuls propriétaires.

La réparation des biens entre la masse commune et la masse de chaque époux s’opère comme suit :

  • Les biens communs
    • La masse commune est alimentée par les tous les biens acquis à titre onéreux par les époux au cours du mariage.
    • C’est ce que l’on appelle des acquêts ; d’où le qualificatif attribué au régime légal de « communauté réduite aux acquêts».
    • Pour être précis les acquêts qui composent la masse commune comprennent deux catégories de biens :
      • Tout d’abord, il y a les biens faits par les époux ensemble ou séparément pendant le mariage et provenant de leur industrie personnelle ou des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres ( 1401 C. civ.)
      • Ensuite, il y a tous les biens meubles, ou immeubles dont on ne peut prouver qu’ils sont propres à l’un des époux ( 1402 C. civ.).
    • Ainsi la masse commune est-elle alimentée de deux manières : soit par le jeu d’une règle de fond, soit par le jeu d’une règle de preuve.
  • Les biens propres
    • Les biens propres sont, par hypothèse, tous ceux qui n’endossent pas la qualification d’acquêts.
    • Plus précisément, cette catégorie de biens comporte notamment :
      • Les biens acquis par les époux avant la conclusion du mariage
      • Les biens acquis par les époux à titre gratuit
      • Les biens dont la propriété est étroitement attachée à la personne d’un époux (vêtements et linges à usage personnel, actions en réparation d’un dommage corporel, créances et pensions incessibles etc.)
      • Les biens de nature professionnelle
      • Tous les biens acquis à titre accessoire d’un bien propre

==> La gestion des biens

Les époux sont investis de pouvoirs de gestion de leurs biens propres et des biens qui relèvent de la masse commune.

  • S’agissant de la gestion des biens propres des époux
    • Le principe posé par l’article 1428 du Code civil est celui de la gestion exclusive des biens propres.
    • Ce principe est renforcé par l’article 225 du Code civil qui dispose que « chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels».
    • Ainsi chaque époux dispose de pouvoirs d’administration, de disposition et de jouissance exclusifs sur ses propres.
    • Ce pouvoir n’est contrarié que lorsque le logement familial est un bien propre.
    • Dans cette hypothèse, conformément à l’article 215, al. 3e du Code civil l’époux auquel il appartient en propre devra obtenir le consentement de son conjoint pour en disposer.
  • S’agissant de la gestion des biens communs
    • L’article 1421 du Code civil pose un principe de gestion concurrence.
    • Cela signifie que chacun des époux a le pouvoir d’administrer seul les biens communs et d’en disposer sans avoir à obtenir le consentement de l’autre.
    • Par exception, certains biens communs font l’objet d’une gestion exclusive, tels que les revenus des biens propres, les gains et salaires ou encore les biens nécessaires à l’exercice d’une activité professionnelle séparée, tandis que d’autres sont soumis à une cogestion, soit dont la disposition exige le commun accord des époux.

==> La répartition du passif

Les règles de répartition du passif permettent de déterminer l’étendue du gage des créanciers et plus précisément les masses de biens qui devront supporter les dettes contractées par les époux.

À cet égard, il y a lieu de distinguer, l’obligation à la dette qui intéresse les rapports des époux avec les tiers, de la contribution à la dette qui intéresse les rapports des époux entre eux.

Autrement dit, l’obligation à la dette permet de déterminer sur quelle masse de biens (commune ou propre) la dette contractée auprès des créanciers est exécutoire.

Quant à la contribution à la dette, elle permet de déterminer laquelle de ces masses de biens va, à titre définitif, supporter le poids de la dette.

Cette dichotomie entre obligation à la dette et contribution à la dette doit être envisagée, tant pour les dettes personnelles des époux, que pour les dettes communes.

  • S’agissant des dettes personnelles d’un époux
    • Au stade de l’obligation à la dette
      • La règle posée par l’article 1411, al. 1er du Code civil est que la dette contractée à titre personnelle par un époux est exécutoire sur ses biens propres, mais encore sur ses gains et salaires qui sont des biens communs
      • Il en résulte, a contrario, qu’une dette personnelle n’est pas exécutoire sur la masse commune et les biens propres de l’autre époux
    • Au stade de la contribution à la dette
      • La règle est ici que les dettes contractées à titre personnel par un époux doivent demeurer personnelles.
      • Dès lors, en cas de règlement d’une dette personnelle par un époux avec ses gains et salaires, il devra récompense à la communauté, celle-ci n’ayant pas vocation à supporter le poids définitif d’une dette propre.
  • S’agissant des dettes communes
    • Au stade de l’obligation à la dette
      • Le principe posé par l’article 1413 du Code civil est que le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs.
      • Autrement dit, les dettes contractées par chaque époux sont exécutoires sur les biens communs.
      • À cet égard, lorsqu’une dette est entrée en communauté du chef d’un seul des époux, elle ne peut être poursuivie sur les biens propres de l’autre.
    • Au stade de la contribution à la dette
      • La communauté n’a vocation à supporter, à titre définitif, que les dettes contractées dans son intérêt.
      • Lorsque tel n’est pas le cas, elle aura droit à récompense, ce qui sera notamment le cas lorsque la dette réglée avec des biens communs aura été souscrite en vue d’acquérir, de conserver ou d’améliorer un bien propre.

B) Les régimes conventionnels

Pour être soumis à un régime conventionnel les époux doivent avoir effectué un choix qui se traduira par l’établissement d’un contrat de mariage.

À cet égard, les régimes conventionnels se divisent en deux catégories : les régimes communautaires et les régimes séparatistes.

==> S’agissant des régimes communautaires

Leur spécificité est, comme leur énoncé l’indique, de reposer sur la création d’une masse commune de biens qui s’interpose entre les masses de chaque époux composées de biens propres appartenant à chacun d’eux.

Parmi les différents régimes conventionnels proposés par la loi, deux endossent la qualification de communautaire

  • Le régime de la communauté de meubles et d’acquêts
    • Sous l’empire du droit antérieur à l’entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1965, le régime de la communauté de meubles et d’acquêts n’était autre que le régime légal.
    • Depuis lors, il a néanmoins été remplacé par le régime de la communauté réduite aux acquêts, à tout le moins il a été rétrogradé au rang de simple régime conventionnel.
    • La spécificité de ce régime matrimonial tient aux règles qui gouvernent l’actif et le passif de la communauté
      • S’agissant de l’actif
        • Lorsque les époux optent pour la communauté de meubles et d’acquêts, l’actif de la communauté est augmenté par rapport au régime légal.
        • En effet, il comprend, outre les biens qui relèvent de la masse commune sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, les bens meubles qui seraient qualifiés de propres sous ce régime.
        • Sont donc inclus dans la masse commune, lorsque les époux sont soumis au régime de communauté de meubles et d’acquêts, tous les biens meubles dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour du mariage ou qui leur sont échus depuis par succession ou libéralité, à moins que le donateur ou testateur n’ait stipulé le contraire.
      • S’agissant du passif
        • Par symétrie avec la composition de l’actif, lorsque les époux ont opté pour le régime de la communauté de meubles et d’acquêts, le passif de la communauté est plus étendu que sous le régime légal.
        • En effet, entrent dans le passif commun, outre les dettes qui en feraient partie sous le régime légal, une fraction de celles dont les époux étaient déjà grevés quand ils se sont mariés, ou dont se trouvent chargées des successions et libéralités qui leur échoient durant le mariage.
        • À cet égard, la fraction de passif que doit supporter la communauté est proportionnelle à la fraction d’actif qu’elle recueille, soit dans le patrimoine de l’époux au jour du mariage, soit dans l’ensemble des biens qui font l’objet de la succession ou libéralité.
        • Il s’agit ici d’instaurer une corrélation entre l’actif et le passif : dès lors que l’actif augmenté, le passif doit s’en trouver élargi dans les mêmes proportions.
  • Le régime de la communauté universelle
    • Le régime de la communauté universelle, qualifié de « régime de l’amour» par le doyen Cornu présente cette particularité de réaliser une fusion entre les patrimoines des époux pour ne former qu’une seule masse de biens.
    • Cette fusion des patrimoines se traduit, tant sur le plan de l’actif, que sur le plan du passif.
      • Sur le plan de l’actif
        • La communauté comprend les biens tant meubles qu’immeubles, présents et à venir des époux.
        • Par exception et sauf stipulation contraire, les biens que l’article 1404 déclare propres par leur nature ne tombent point dans cette communauté.
        • Sont donc exclus de la masse commune
          • D’une part, les vêtements et linges à l’usage personnel de l’un des époux, les actions en réparation d’un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne.
          • D’autre part, les instruments de travail nécessaires à la profession de l’un des époux, à moins qu’ils ne soient l’accessoire d’un fonds de commerce ou d’une exploitation faisant partie de la communauté.
        • En dehors de ces biens visés par l’article 1404 du Code civil, tous les biens acquis par les époux avant et pendant le mariage ont vocation à alimenter la masse commune
      • Sur le plan du passif
        • L’article 1526 du Code civil prévoit que la communauté universelle supporte définitivement toutes les dettes des époux, présentes et futures.
        • L’universalité de la communauté ne touche ainsi pas seulement son acte, elle intéresse également son passif.

==> S’agissant des régimes séparatistes

Les régimes séparatistes se caractérisent par l’absence de création d’une masse commune de biens qui serait alimentée par les biens présents et futurs acquis par les époux.

Cette séparation des patrimoines demeure néanmoins plus ou moins prononcée, selon que les époux ont opté pour le régime de la séparation de biens pure et simple ou selon qu’ils ont opté pour le régime de la participation aux acquêts.

  • Le régime de la séparation de biens
    • Sur le plan de l’actif
      • Tous les biens acquis par les époux au cours du mariage leur appartiennent en propre.
      • Aucune masse commune de biens n’est créée, de sorte qu’est instaurée une séparation stricte des patrimoines.
      • À cet égard, l’article 1536 du Code civil prévoit que lorsque les époux ont stipulé dans leur contrat de mariage qu’ils seraient séparés de biens, chacun d’eux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels.
      • Il est donc indifférent que le bien ait acquis avant ou pendant le mariage ou encore qu’il ait été acquis à titre onéreux ou à titre gratuit.
      • Seules exceptions au principe de séparations :
        • Les biens acquis en indivision
        • L’affectation de certains biens à une société d’acquêts
    • Sur le plan du passif
      • L’article 1536 du Code civil dispose que chaque époux reste seul tenu des dettes nées en sa personne avant ou pendant le mariage, hors le cas de l’article 220.
      • La séparation des patrimoines opère ainsi, tant pour l’actif, que pour le passif qui demeure propre à l’époux qui a contracté la dette.
      • Le gage des créanciers se limite ainsi aux seuls biens propres de l’époux qui s’est engagé, sauf à ce que la dette relève de la catégorie des dépenses ménagères.
  • Le régime de la participation aux acquêts
    • Le régime de la participation aux acquêts a été institué par la loi du 13 juillet 1965, le législateur s’étant inspiré de ce qui était pratiqué en Allemagne.
    • La particularité de ce régime est qu’il présente une nature hybride, en ce sens qu’il présente une nature séparatiste ou communautaire selon que l’on se place pendant la durée du mariage ou au jour de sa dissolution.
      • Pendant la durée du mariage
        • En application de l’article 1569 du Code civil, quand les époux ont déclaré se marier sous le régime de la participation aux acquêts, chacun d’eux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels, sans distinguer entre ceux qui lui appartenaient au jour du mariage ou lui sont advenus depuis par succession ou libéralité et ceux qu’il a acquis pendant le mariage à titre onéreux.
        • Aussi, pendant la durée du mariage, ce régime fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens.
        • Aucune masse commune de biens n’est donc créée : tous les biens acquis par les époux avant ou pendant le mariage, à titre gratuit ou onéreux, leur appartiennent en propre, soit à titre exclusif.
        • Réciproquement, toutes les dettes qu’ils contractent leur demeurent également personnelles.
      • Au jour de la dissolution du mariage
        • L’article 1569 du Code civil prévoit que, à la dissolution du régime, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre, et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final.
        • Autrement dit, au jour de la liquidation du régime de participation aux acquêts, l’époux dont le patrimoine s’est enrichi pendant le mariage doit en valeur à l’autre une créance de participation.
        • Cette créance est déterminée en comparant le patrimoine originaire et le patrimoine final.
        • L’article 1575 du Code civil dispose en ce sens que si le patrimoine final d’un époux est inférieur à son patrimoine originaire, le déficit est supporté entièrement par cet époux.
        • Si, en revanche, il lui est supérieur, l’accroissement représente les acquêts nets et donne lieu à participation.
        • S’il y a des acquêts nets de part et d’autre, ils doivent d’abord être compensés.
        • Seul l’excédent se partage : l’époux dont le gain a été le moindre est créancier de son conjoint pour la moitié de cet excédent.
        • Au moment de la dissolution le régime de la participation aux acquêts est ainsi parcouru par un esprit communautaire.
        • Chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre.

[1] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, coll. « précis », n°46, p.41.

[2] M. Lamarche et J.-J. Lemouland, Mariages : effets, Rép. Dalloz, n°101 et s.

[3] V. en ce sens J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand colin, 2001, n°53, p. 44.

[4] Association H. Capitant, Vocabulaire juridique, ss dir. G. Cornu : PUF, 8e éd. 2000, V° Primaire [régime ou régime matrimonial primaire], p. 670

[5] F. Terré, op. préc., n°325, p. 299.

[6] Ph. Malaurie et H. Fulchiron, op. préc., n°106, p. 53.

[7] En vertu de l’article 1088 du Code civil « toute donation faite en faveur du mariage sera caduque si le mariage ne s’ensuit pas ».

[8] L’article 515-8 du Code civil dispose que « le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ».

[9] Si, le législateur a inséré une définition du concubinage dans le Code civil c’est surtout pour mettre fin à la position de la Cour de cassation qui, de façon constante, refusait de qualifier l’union de deux personnes de même sexe de concubinage (Cass. soc., 11 juill. 1989, deux arrêts : Gaz. Pal. 1990, 1, p. 217, concl. Dorwling-Carter ; JCP G 1990, II, 21553, note Meunier ; Cass. Civ. 3e, 17 décembre 1997 : D. 1998, jurispr. p. 111, concl. J.-F. Weber et note J.-L. Aubert ; JCP G 1998, II, 10093, note A. Djigo).

[10] P. Simler et P. Hilt, « Le nouveau visage du Pacs : un quasi -mariage », JCP G, 2006, 1, p. 161.

[11] F. Terré et Ph. Simler, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, coll. « précis », n°46, p.41.

[12] J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand colin, 2001, n°58, p. 48.

Les effets (personnels et patrimoniaux) du mariage: vue générale

La famille a toujours été appréhendée par le législateur comme ne pouvant se réaliser que dans un seul cadre : le mariage.

Celui-ci est envisagé par le droit comme ce qui « confère à la famille sa légitimité »[1] et plus encore, comme son « acte fondateur »[2].

Aussi, en se détournant du mariage, les concubins sont-ils traités par le droit comme formant un couple ne remplissant pas les conditions lui permettant de quitter la situation de fait dans laquelle il se trouve pour s’élever au rang de situation juridique. D’où le silence de la loi sur le statut des concubins.

Il y a bien un texte les concernant s’ils viennent à rompre ; mais, celui-ci est tourné vers le mariage, puisque réglant la question de la restitution de la bague de fiançailles[3]. En outre, la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civile de solidarité (pacs) a, certes, inséré à l’article 515-8 du Code civil une définition du concubinage[4].

Toutefois, cette définition n’est que symbolique : elle n’est assortie d’aucun droit, ni d’aucune obligation qui échoirait aux concubins[5].

Bien que l’on puisse relever quelques décisions audacieuses, dans lesquelles les juges ont cherché à faire application, dans le cadre d’une relation de concubinage qu’ils avaient à connaître, de certaines dispositions du régime matrimonial primaire, la jurisprudence de la Cour de cassation a toujours été constante sur ce point : les concubins ne sauraient bénéficier des effets du mariage[6].

Excepté quelques cas marginaux[7], leur situation n’est réglée que par le seul droit commun. Pour les couples qui choisissent de se tenir à l’écart de l’union conjugale, c’est donc un silence juridique qui les attend.

Depuis l’adoption de la loi sur le pacs, ce silence n’est, cependant, plus aussi assourdissant qu’il a pu l’être. En proposant aux concubins un statut légal, un « quasi-mariage » diront certains[8], qui règle les rapports tant personnels, que patrimoniaux entre les partenaires, la démarche du législateur témoigne de sa volonté de ne plus faire fi d’une situation de fait qui, au fil des années, s’est imposée comme un modèle à partir duquel se sont construites de nombreuses familles.

En contrepartie d’en engagement contractuel[9] qu’ils doivent prendre devant un officier d’état civil ou devant notaire, les concubins, quelle que soit leur orientation sexuelle, peuvent, de la sorte, voir leur union hors mariage, se transformer en une situation juridique.

S’il s’agit là d’une profonde mutation que connaît le droit de la famille, elle doit néanmoins être relativisée. Le mariage demeure le modèle prépondérant à travers lequel le droit appréhende la famille.

Cette place centrale que le mariage occupe, encore aujourd’hui, dans l’ordonnancement juridique s’exprime par les effets qu’il emporte et qui confèrent au couple marié un statut privilégié.

À cet égard, il convient d’avoir toujours à l’esprit que le mariage ne consiste pas seulement en une union des personnes. Il consiste également en une union des biens.

Aussi, les effets du mariage sont de deux ordres. Ils intéressent :

  • D’une part, les rapports personnels entre les époux
  • D’autre part, les rapports pécuniaires entre les époux

I) Les rapports personnels entre les époux

S’agissant des rapports personnels entre les époux, l’acte juridique que constitue le mariage produit deux effets principaux à l’égard des époux :

==> Premier effet : la création de devoirs mutuels

Le mariage fait naître des devoirs mutuels qui pèsent sur les époux. Ces devoirs sont énoncés aux articles 212, 213 et 215 du Code civil.

Au nombre de ces devoirs figurent :

  • Le devoir de respect ( 212 C. civ.)
    • Issu de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, le devoir de respect vise à exprimer l’idée que le respect est la base d’une vie de couple harmonieuse.
    • Aussi, s’agit-il de prévenir toute forme de violences qui pourraient intervenir au sein du couple.
    • Si, de longue date, la jurisprudence avait implicitement consacré ce devoir de respect en sanctionnant avec fermeté le comportement violent d’un époux envers l’autre, le législateur a souhaité le graver dans le marbre de la loi aux fins d’appréhender au-delà des violences physiques, d’autres comportements déviants incompatibles avec la vie de couple que sont, par exemple, le harcèlement moral, les injures, le mépris, les atteintes à l’honneur et à la dignité ou encore le délaissement de l’autre conjoint.
  • Le devoir de fidélité ( 212 C. civ.)
    • Ce devoir consiste à interdire aux époux d’entretenir des relations sexuelles avec des tiers.
    • Si, depuis l’adoption de la loi du 11 juillet 1975, l’adultère n’est plus pénalement sanctionné, il demeure constitutif d’une faute civile susceptible de fonder, s’il est renouvelé et atteint un certain degré de gravité, une demande en divorce.
  • Le devoir d’assistance ( 212 C. civ.)
    • Le devoir d’assistance implique pour chaque époux de veiller l’un sur l’autre.
    • Autrement dit, il leur appartient de se soutenir et de se prodiguer mutuellement tous les soins utiles que les circonstances exigent, telles que notamment la maladie ou un état de fragilité
    • Le devoir d’assistance se distingue du devoir de secours en ce qu’il présente un caractère personnel, contrairement au devoir de secours qui est de nature purement pécuniaire.
  • Le devoir de communauté de vie ( 215 C. civ.)
    • L’article 215, al. 1er du Code civil prévoit que « les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie. »
    • Si, sous l’empire du droit antérieur, ce devoir supposait que les époux partagent, a minima, une même résidence, cette exigence a été abandonnée par la loi du 11 juillet 1975.
    • L’article 108 du Code civil dispose désormais que « le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans qu’il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de la vie. »
    • L’existence d’une communauté de vie entre époux demeure, néanmoins, toujours exigée.
    • Concrètement, elle suppose la mise en commun de moyens matériels et l’entretien, entre eux, de relations affectives.
    • Plus que des relations affectives, la communauté de vie implique une communauté de lit, soit l’obligation pour chaque époux de se prêter à des relations sexuelles.
    • Ce devoir conjugal qui échoit à chaque époux demeure somme toute relatif, dans la mesure où il ne saurait, en aucune manière, justifier qu’un époux contraigne son conjoint à avoir des relations sexuelles.
    • Un tel agissement serait constitutif d’un viol, crime puni d’une peine de quinze ans de réclusion criminelle.

==> Second effet : la création de fonctions conjointes

Le mariage ne crée pas seulement des devoirs à l’égard des époux, il leur confère également des fonctions qu’ils exercent conjointement.

Ces fonctions conjointes sont énoncées aux articles 213 et 215 du Code civil :

  • La direction de la famille ( 213 C. civ.)
    • L’article 213 du Code civil prévoit que « Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l’éducation des enfants et préparent leur avenir. »
    • Issue de la loi du 4 juin 1970, cette disposition traduit la volonté du législateur d’instituer une égalité entre le mari et la femme, quant à la conduite de la famille.
    • Lors de l’adoption du Code civil, la femme mariée avait été placée sous l’autorité de son mari auquel elle devait obéissance.
    • La loi du 18 février 1938 a déchu le mari de cette prérogative. Celui-ci a néanmoins sa qualité de chef de famille, de sorte que la direction du ménage était assurée par lui seul.
    • Il faut attendre les lois du 4 juin 1970 et du 11 juillet 1975 pour que le mari et la femme soient placés sur un même pied d’égalité.
    • Désormais, tous deux disposent des mêmes prérogatives qu’ils exercent conjointement.
    • À cet égard, tandis que pour certains actes, leur accomplissement est subordonné à l’accord des deux époux (codécision) ou à autorisation (cogestion), d’autres pourront être régularisés séparément par chacun d’eux (gestion concurrente), un certain nombre de présomptions ayant été instituées par le législateur afin de faciliter le fonctionnement du ménage.
  • Le choix du logement familial ( 215, al. 2e C. civ.)
    • L’article 215, al. 2e du Code civil prévoit que « la résidence de la famille est au lieu qu’ils choisissent d’un commun accord. »
    • Le choix du logement familial ne peut ainsi procéder que d’une décision conjointe des époux.
    • Le mari ne dispose plus du pouvoir d’imposer unilatéralement à sa conjointe le lieu de résidence de la famille, comme tel était le cas sous l’empire du droit antérieur.
    • C’est la loi du 11 juillet 1975 qui a institué une égalité absolue entre le mari et la femme pour l’accomplissement de cet acte fondateur, sinon symbolique.
    • Le logement familial ne peut désormais plus qu’être choisi d’un commun accord entre les époux.
    • Faute d’accord, l’article 215, al. 2e du Code civil le confère plus au mari une voix qui primerait sur celle de son épouse, c’est au juge qu’il reviendra de trancher le différend, encore qu’il ne s’agisse là que d’un cas d’école.
    • Lorsque les époux ne s’entendent pas sur leur lieu de résidence, il est fort probable qu’ils en tirent toutes les conséquences en mettant un terme à leur engagement matrimonial.

II) Les rapports pécuniaires entre les époux

S’agissant des rapports pécuniaires entre les époux, le mariage produit des effets qui tiennent, d’une part, à l’interdépendance des époux, d’autre part, à leur indépendance et enfin, aux situations de crise qu’ils sont susceptibles de traverser.

==> Les effets relatifs à l’interdépendance des époux

Parce que les époux sont assujettis à une communauté de vie, cette obligation implique qu’ils coopèrent pour l’accomplissement d’un certain nombre d’actes qui intéressent le fonctionnement matériel du ménage.

  • La contribution aux charges du mariage ( 214 C. civ.)
    • L’article 214 du Code civil prévoit que « si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.
    • Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition
      • Premier enseignement : les époux doivent contribuer aux charges du mariage
        • Il s’agit de toutes les dépenses qui assurent le fonctionnement du ménage (contrairement aux dépenses d’investissement).
        • Ce sont donc toutes les dépenses d’intérêt commun que fait naître la vie du ménage
        • La JP tend également à reconnaître certaines dépenses d’agrément comme des charges du mariage
        • Exemples : nourriture, vêtements, loyer, gaz, eau, électricité, internet etc…
        • Les charges du mariage sont toutes celles relatives au train de vie du ménage.
        • Elles ne doivent pas être confondues avec les dépenses ménagères qui se limitent aux frais strictement nécessaires au fonctionnement du ménage.
      • Second enseignement : les époux doivent contribuer à aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives.
        • Il y a donc un principe de proportionnalité qui a été institué par le législateur quant à la répartition des charges
        • Le poids de cette obligation qui pèse sur les époux est, en effet, fonction de leurs revenus respectifs.
        • Si l’un des époux perçoit un revenu de 1000 euros et que l’autre perçoit un revenu de 2000 alors le second devra contribuer deux fois plus que le premier aux charges du mariage.
  • La protection du logement familial ( 215, al. 3e C. civ.)
    • Parce que le logement familial est l’endroit où est censée vivre et évoluer la cellule familiale, il bénéficie d’une protection spécifique, protection visant à lui octroyer un statut qui fait obstacle aux atteintes dont il pourrait faire l’objet.
    • Cette protection est instituée à l’article 215, al. 3e du Code civil.
    • Cette disposition prévoit que « les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n’a pas donné son consentement à l’acte peut en demander l’annulation : l’action en nullité lui est ouverte dans l’année à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d’un an après que le régime matrimonial s’est dissous. »
    • Il ressort de cette disposition que tout acte de disposition portant sur le logement familial ou les biens mobiliers le garnissant est subordonné à l’accord des deux époux.
    • Autrement dit, les deux époux doivent consentir à l’accomplissement de l’acte de disposition qui peut consister, tout autant en l’aliénation du bien, qu’en la constitution d’une sûreté réelle.
    • En cas de dépassement de pouvoir par l’un des deux époux, la sanction encourue est la nullité de l’acte accompli sans le consentement de l’autre.

==> Les effets relatifs à l’indépendance des époux

  • L’autonomie ménagère
    • L’article 220 du Code civil prévoit que « chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement.
    • Il ressort de cette disposition que chaque époux est investi du pouvoir d’accomplir seul les actes qui visent effectuer des dépenses pour le fonctionnement du ménage.
    • Ce pouvoir le confère, autrement dit, s’agissant des dépenses ménagères, du pouvoir de contracter seul avec les tiers.
    • À cet égard, le texte précise que la dette contractée par l’un des époux engage l’autre solidairement.
    • Cela signifie que le tiers contractant peut demander à n’importe quel époux de régler la totalité de la dette contractée seul par l’autre conjoint.
    • Le principe de solidarité des dettes ménagères n’est toutefois pas absolu : le législateur l’a assorti de plusieurs exceptions.
    • Tout d’abord, la solidarité n’a pas vocation à jouer pour les dépenses manifestement excessives, soit celles qui sont déraisonnables eu égard le train de vie du ménage ou l’utilité ou l’inutilité de l’opération.
    • Ensuite, la solidarité est écartée pour les achats à tempérament ainsi que pour les emprunts, à moins précise l’alinéa 3 de l’article 220 du Code civil qu’ils ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage.
  • L’autonomie mobilière
    • L’article 222 du Code civil prévoit que « si l’un des époux se présente seul pour faire un acte d’administration, de jouissance ou de disposition sur un bien meuble qu’il détient individuellement, il est réputé, à l’égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul cet acte.»
    • Cette disposition institue ainsi une présomption irréfragable de pouvoir au bénéfice de chaque époux s’agissant des actes (administration, disposition et jouissance) portant sur un bien meuble, à l’exception de ceux garnissant le logement familial et ceux strictement attachés à la personne de son détenteur, tels que les outils de travail ou encore le linge à usage personnel.
    • Il s’agit ici de protéger les tiers de bonne foi, en ce sens qu’ils sont dispensés de vérifier les pouvoirs de l’époux avec lequel ils contractent.
    • Si, autrement dit, un époux accomplit un acte en dépassement de son pouvoir, cet acte demeurera valable et ne pourra donc pas être remis en cause par le conjoint lésé.
    • Ce dernier pourra, tout au plus, engager la responsabilité de son conjoint qui a agi au préjudice de ses droits
  • L’autonomie professionnelle
    • L’article 223 du Code civil prévoit que « chaque époux peut librement exercer une profession, percevoir ses gains et salaires et en disposer après s’être acquitté des charges du mariage. »
    • En application de cette disposition les époux jouissent ainsi d’une autonomie professionnelle.
    • Cette autonomie implique pour eux le droit :
      • D’une part, d’exercer la profession de leur choix
      • D’autre part, de percevoir leurs gains et salaires, soit l’ensemble des revenus issus de leur activité professionnelle
      • Enfin, de disposer librement de leurs gains et salaires
    • La liberté professionnelle dont jouit chaque époux est limitée par la seule obligation de contribution aux charges du mariage.
    • En dehors de cette obligation, l’autonomie que leur confère la loi vise à faire obstacle à toute immixtion du conjoint dans l’exercice et la gestion de l’activité professionnelle de l’autre.
  • L’autonomie bancaire
    • L’article 221 du Code civil prévoit que « chacun des époux peut se faire ouvrir, sans le consentement de l’autre, tout compte de dépôt et tout compte de titres en son nom personnel. »
    • Ainsi, les époux sont-ils libres d’ouvrir, à titre individuel, un compte bancaire, sans que le consentement de l’autre ne soit requis.
    • Afin de renforcer ce droit à l’ouverture d’un compte bancaire, l’alinéa 2 du texte précise que « à l’égard du dépositaire, le déposant est toujours réputé, même après la dissolution du mariage, avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt. »
    • Cela signifie que, non seulement, les époux sont autorisés à se faire ouvrir, en toute autonomie, un compte bancaire, mais encore qu’ils jouissent de la faculté de leur faire fonctionner.
    • Il est ainsi fait interdiction au banquier d’exiger le consentement du conjoint pour exécuter l’ordre qui lui a été adressé par le titulaire du compte.
    • Ce dernier est réputé être investi du pouvoir d’accomplir toute opération sur son compte personnel
    • La présomption de pouvoir posée par le texte est ici irréfragable, de sorte que, en cas de dépassement de pouvoir par le titulaire du compte tel que l’encaissement de fonds qui ne lui appartiennent pas, le banquier n’engage pas sa responsabilité.
  • L’autonomie patrimoniale
    • L’article 225 du Code civil prévoit que « chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels. »
    • Cette disposition confère ainsi à chaque époux, non seulement la gestion exclusive de ses biens propres, mais encore le pouvoir de les engager
    • Il en résulte que la clause dite « d’unité d’administration » par laquelle un époux se verrait investi du pouvoir de gérer les biens de son conjoint est prohibée.
    • Tout au plus, en application de l’article 218 du Code civil « un époux peut donner mandat à l’autre de le représenter dans l’exercice des pouvoirs que le régime matrimonial lui attribue. »
    • Seule exception à la règle posée à l’article 225 du Code civil, lorsque le logement familial appartient en propre à un époux, c’est le principe de la cogestion qui s’applique, soit l’exigence pour le propriétaire du bien affecté à l’usage de la famille de recueillir le consentement de son conjoint pour accomplir un acte de disposition.

==> Les effets relatifs aux situations de crise

Le couple est susceptible de rencontrer des difficultés qui peuvent aller du simple désaccord à l’impossibilité pour un époux d’exprimer sa volonté.

Afin de permettre au couple de surmonter ces difficultés, le législateur a mis en place plusieurs dispositifs de règles énoncés aux articles 217, 219 et 220-1 du Code civil.

Parmi ces dispositifs qui visent à régler les situations de crise traversées par le couple on compte, l’autorisation judiciaire, la représentation judiciaire et la sauvegarde judiciaire.

  • L’autorisation judiciaire ( 217 C. civ.)
    • L’article 217, al. 1er du Code civil prévoit que « un époux peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire, si celui-ci est hors d’état de manifester sa volonté ou si son refus n’est pas justifié par l’intérêt de la famille. »
    • La règle ainsi posée vise à permettre à un époux d’accomplir seul un acte qui, en situation normale, relève de la cogestion, soit dont l’accomplissement est subordonné à l’accord des deux époux.
    • Afin de surmonter la crise traversée par le couple, le juge peut autoriser l’accomplissement de cet acte par un seul époux.
    • Une autorisation peut, nous dit le texte, être sollicitée dans deux situations bien distinctes :
      • Soit l’un des époux est dans l’impossibilité d’exprimer sa volonté
      • Soit l’un des époux refuser d’accomplir l’acte, alors même que ce refus n’est pas justifié par l’intérêt de la famille
    • L’alinéa 2 de l’article 217 du Code civil précise que « l’acte passé dans les conditions fixées par l’autorisation de justice est opposable à l’époux dont le concours ou le consentement a fait défaut, sans qu’il en résulte à sa charge aucune obligation personnelle. »
    • Autrement dit, si l’autorisation du juge rend valable l’acte accompli par un seul époux alors que relevant de la cogestion, le conjoint qui n’a pas donné son consentement n’est pas engagé par cet acte.
    • L’acte lui demeure toutefois opposable, ce qui signifie qu’il ne pourra pas le remettre en cause.
  • La représentation judiciaire ( 219 C. civ.)
    • L’article 219 du Code civil prévoit que « si l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d’une manière générale, ou pour certains actes particuliers, dans l’exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et l’étendue de cette représentation étant fixées par le juge. »
    • Il s’agit ici de permettre à un époux de représenter son conjoint qui se retrouve dans l’incapacité d’exprimer sa volonté.
    • À la différence de l’autorisation judiciaire qui n’engage pas l’époux qui n’a pas consenti à l’acte, la représentation judiciaire autorise un époux à agir au nom et pour le compte de son conjoint.
    • L’acte accomplit engage donc personnellement ce denier qui est réputé avoir accompli l’acte.
    • Ce mécanisme n’est autre qu’une application des règles mandat, à la différence que sa mise en place procède, non pas d’un échange des consentements entre le mandant et le mandataire, mais d’une décision du juge.
    • À cet égard, la représentation judiciaire est subordonnée à l’établissement de l’empêchement du conjoint représenté.
    • Cet empêchement peut résulter, tout aussi bien, d’un état de santé qui affecte l’expression de la volonté du conjoint représenté que de son éloignement géographique.
    • Quant à l’étendue du pouvoir de l’époux qui est investi du pouvoir de représentation, il dépend du régime matrimonial applicable.
    • Cela signifie que pourront être accomplis tout autant des actes qui relèvent de la cogestion que ceux qui relèvent de la gestion exclusive.
    • Par ailleurs, il est indifférent que l’acte accompli soit un acte d’administration ou de disposition. Le texte vise les actes de toute nature.
  • La sauvegarde judiciaire ( 220-1 C. civ.)
    • L’article 220-1 du Code civil prévoit que « si l’un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts. »
    • Il ressort de cette disposition que, en cas de manquement grave d’un époux à ses obligations et devoirs son conjoint peut saisir le juge aux fins de restreindre ses pouvoirs.
    • Par grave, il faut entendre un manquement qui met en péril les intérêts de la famille.
    • Lorsque cette condition est remplie, le juge pourra prononcer toute mesure urgente visant à empêcher à ce qu’il soit porté atteinte à l’intérêt de la famille.
    • L’alinéa 2 du texte précise qu’il peut s’agir d’interdire à un époux de faire, sans le consentement de l’autre, des actes de disposition sur ses propres biens ou sur ceux de la communauté, meubles ou immeubles.
    • Il peut aussi interdire le déplacement des meubles et plus généralement de tout acte d’administration et de disposition.
    • La liste n’étant pas exhaustive, il peut encore être demandé par un époux la nomination d’un administrateur qui aura pour mission de régler la situation de crise, à tout le moins d’accomplir tous les actes utiles visant à permettre le fonctionnement du ménage.
    • En tout état de cause, les mesures de sauvegarde prononcées par le juge ont nécessairement un caractère temporaire puisqu’elles sont limitées à trois.
    • Si la difficulté persiste au-delà de ce délai, il appartiendra au couple d’en tirer toutes les conséquences en engageant, par exemple, une procédure de divorce ou de séparation de corps.

[1] F. Terré, op. préc., n°325, p. 299.

[2] Ph. Malaurie et H. Fulchiron, op. préc., n°106, p. 53.

[3] En vertu de l’article 1088 du Code civil « toute donation faite en faveur du mariage sera caduque si le mariage ne s’ensuit pas ».

[4] L’article 515-8 du Code civil dispose que « le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ».

[5] Si, le législateur a inséré une définition du concubinage dans le Code civil c’est surtout pour mettre fin à la position de la Cour de cassation qui, de façon constante, refusait de qualifier l’union de deux personnes de même sexe de concubinage (Cass. soc., 11 juill. 1989, deux arrêts : Gaz. Pal. 1990, 1, p. 217, concl. Dorwling-Carter ; JCP G 1990, II, 21553, note Meunier ; Cass. Civ. 3e, 17 décembre 1997 : D. 1998, jurispr. p. 111, concl. J.-F. Weber et note J.-L. Aubert ; JCP G 1998, II, 10093, note A. Djigo).

[6] Cass. 1re civ., 19 mars 1991 : Defrénois 1991, p. 942, obs. J. Massip ; Cass. 1re civ., 17 oct. 2000 : Dr. famille 2000, comm. 139, note B. Beignier.

[7] En matière fiscale, pour ce qui concerne l’assiette de l’ISF, les concubins sont assimilés à des époux. Il en va de même en matière de protection sociale où le concubin est considéré comme un ayant du droit de celui qui bénéficie de l’affiliation à la sécurité sociale.

[8] P. Simler et P. Hilt, « Le nouveau visage du Pacs : un quasi -mariage », JCP G, 2006, 1, p. 161.

[9] Article 515-1.

L’exécution forcée en nature: régime juridique

Parce que les contrats sont pourvus de la force obligatoire (art. 1103 C. civ), lorsqu’une partie, qui s’est engagée à fournir une prestation ou une chose, ne s’exécute pas, elle devrait, en toute logique, pouvoir y être contrainte. C’est la raison pour laquelle la loi le lui permet.

Cette possibilité, pour le créancier, de contraindre le débiteur défaillant à honorer ses obligations vise à obtenir ce que l’on appelle l’exécution forcée.

Pratiquement, l’exécution forcée peut prendre deux formes :

  • Elle peut avoir lieu en nature : le débiteur est contraint de fournir ce à quoi il s’est engagé
  • Elle peut avoir lieu par équivalent : le débiteur verse au créancier une somme d’argent qui correspond à la valeur de la prestation promise initialement

Tandis que les rédacteurs du Code civil avaient fait de l’exécution par équivalent le principe, pour les obligations de faire et de ne pas faire, l’ordonnance du 10 février 2016 a inversé ce principe en généralisant l’exécution forcée en nature dont le recours n’est plus limité, en simplifiant à l’extrême, aux obligations de donner.

?Droit antérieur

Pour mémoire, sous l’empire du droit antérieur, le Code civil distinguait trois sortes d’obligations :

  • L’obligation de donner
    • L’obligation de donner consiste pour le débiteur à transférer au créancier un droit réel dont il est titulaire
    • Exemple: dans un contrat de vente, le vendeur a l’obligation de transférer la propriété de la chose vendue
  • L’obligation de faire
    • L’obligation de faire consiste pour le débiteur à fournir une prestation, un service autre que le transfert d’un droit réel
    • Exemple: le menuisier s’engage, dans le cadre du contrat conclu avec son client, à fabriquer un meuble
  • L’obligation de ne pas faire
    • L’obligation de ne pas faire consiste pour le débiteur en une abstention. Il s’engage à s’abstenir d’une action.
    • Exemple: le débiteur d’une clause de non-concurrence souscrite à la faveur de son employeur ou du cessionnaire de son fonds de commerce, s’engage à ne pas exercer l’activité visée par ladite clause dans un temps et sur espace géographique déterminé

L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats a abandonné la distinction entre ces obligations, à tout le moins elle n’y fait plus référence.

Le principal intérêt de la distinction entre les obligations de donner, de faire et de ne pas faire résidait dans les modalités de l’exécution forcée.

Pour le comprendre envisageons l’exécution forcée de chacune de ces obligations prises séparément.

  • L’obligation de donner
    • Lorsque l’engagement souscrit consiste en une obligation de donner, il y a lieu de distinguer selon qu’il s’agit de payer une somme d’argent ou selon qu’il s’agit de transférer la propriété d’un bien :
      • Lorsqu’il s’agit d’une obligation de payer
        • Dans cette hypothèse, seule l’exécution forcée en nature est envisageable.
        • En pareil cas, il ne saurait y avoir d’exécution par équivalent, dans la mesure où, par hypothèse, il n’existe pas d’autre équivalent à l’argent que l’argent.
      • Lorsqu’il s’agit de transférer la propriété d’un bien
        • En cas de défaillance du débiteur, l’exécution forcée n’a pas lieu de jouer dans la mesure où la défaillance du débiteur intéresse l’effet translatif du contrat.
        • Aussi, est-ce plutôt une action en revendication qui devra être engagée par le créancier aux fins de voir reconnaître son droit de propriété
        • Quant à l’obligation de délivrance de la chose, elle relève de la catégorie, non pas des obligations de donner, mais de faire.
  • L’obligation de faire
    • Lorsque l’engagement pris consiste en une obligation de faire, les deux formes d’exécution forcée sont possibles.
    • Reste que, dans certains cas, l’exécution forcée en nature d’une obligation de faire soulèvera des difficultés.
    • En effet, forcer une personne à fournir la prestation promise pourrait être considéré comme trop attentatoire à la liberté individuelle.
    • Ajouté à cela, contrainte une personne à fournir une prestation contre sa volonté, serait susceptible d’exposer le créancier à une exécution défectueuse de cette prestation qui, dès lors, ne répondrait pas aux attendus stipulés dans le contrat.
  • L’obligation de ne pas faire
    • Il n’est guère plus envisageable de faire respecter, par la force, une obligation de ne pas faire sauf à porter atteinte à la liberté individuelle.
    • L’obligation de ne pas faire se prête ainsi difficilement à l’exécution forcée en nature.

Fort de ces constats, le législateur, en 1804, en avait tiré la conséquence à l’ancien article 1142 du Code civil qui disposait que « toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur. »

Le principe posé par ce texte était donc que les obligations de faire et les obligations de ne pas faire ne pouvaient faire l’objet que d’une exécution forcée par équivalent, soit se traduire par le versement d’une somme d’argent au créancier.

Par exception, la loi avait néanmoins envisagé certains cas où l’exécution forcée en nature était possible pour les obligations de faire et de ne pas faire :

  • L’ancien article 1143 prévoyait que « néanmoins, le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l’engagement soit détruit ; et il peut se faire autoriser à le détruire aux dépens du débiteur, sans préjudice des dommages et intérêts s’il y a lieu »
  • L’ancien article 1145 disposait encore que « si l’obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages et intérêts par le seul fait de la contravention ».

Portée par une doctrine majoritairement favorable à une extension du domaine de l’exécution forcée, la jurisprudence a progressivement admis qu’elle puisse être envisagée pour les obligations de faire et de ne pas faire, dès lors qu’elles ne sont pas intimement liées à la personne du débiteur (V. en ce sens pour les obligations de faire Cass. 3e civ., 11 mai 2005, n°03-21.136 ; pour les obligations de ne pas faire Cass. 1ère civ., 16 janv. 2007, n°06-13.983).

Pour ce faire, la Cour de cassation s’est notamment appuyée sur une lecture audacieuse de l’ancien article 1184 du Code civil, combinée à une lecture restrictive de l’ancien article 1142.

En effet, l’ancien article 1184 du code civil semblait ouvrir la possibilité, pour toutes les obligations, de quelque nature qu’elles soient, d’une exécution forcée en nature au choix du créancier en prévoyant que « la partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts ».

Toutefois, la lettre du texte de l’ancien article 1142 paraissait limiter aux seules obligations de donner la possibilité d’une exécution forcée en nature : « toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur. »

Pour concilier ces deux textes, la Cour de cassation, suivant en cela la doctrine majoritaire, a inversé le principe posé par l’article 1142, pour revenir au fondement de la règle qu’il formule et considérer que seules sont exclues du champ d’application de l’exécution forcée en nature les atteintes directes à la liberté de la personne du débiteur.

D’ailleurs, les articles 1143 et 1144 nuançaient déjà l’affirmation posée par l’article 1142 en prévoyant des dérogations au principe de la condamnation à des dommages-intérêts.

Aussi, la jurisprudence a-t-elle fait une application très restrictive des termes de l’article 1142 du code civil, et paraît avoir reconnu, avec la majorité des auteurs, un véritable droit à l’exécution forcée en nature, en considérant que tout créancier peut exiger l’exécution de ce qui lui est dû lorsque cette exécution est possible (Cass. 3e civ., 19 février 1970, n°68-13.866 ; Cass. 3e civ., 3 novembre 2017, n°15-23.188). La possibilité d’obtenir l’exécution forcée en nature n’est donc exclue qu’en cas d’impossibilité matérielle, juridique ou morale.

Manifestement, les auteurs qui plaidaient pour un abandon de la soustraction des obligations de faire et de ne pas faire à l’exécution forcée en nature ont été entendus par le législateur qui n’a pas manqué l’occasion, lors de l’ordonnance du 10 février 2016, d’inverser le principe posé à l’ancien article 1142 du Code civil, conformément à la jurisprudence qui avait réduit à la portion congrue la portée de ce texte.

?L’ordonnance du 10 février 2016

L’ordonnance du 10 février 2016 dispose désormais à l’article 1221 du Code civil que le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature.

Ainsi, ce texte rompt avec la lettre de l’ancien article 1142 du code civil, dont la Cour de cassation avait déjà retenu une interprétation contraire au texte et qui était également contredit par la procédure d’injonction de faire prévue par les articles 1425-1 à 1425-9 du code de procédure civile.

Le principe est donc dorénavant inversé. Il est indifférent que l’engagement souscrit consiste en une obligation de donner, de faire ou de ne pas faire, le créancier est fondé, par principe, à solliciter l’exécution forcée en nature de son débiteur, sauf à ce que :

  • Soit l’exécution est impossible
  • Soit il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier.

À cet égard, le créancier dispose toujours d’une alternative prévue à l’article 1222 du Code civil qui consiste, « au lieu de poursuivre l’exécution forcée de l’obligation concernée, de faire exécuter lui-même l’obligation ou détruire ce qui a été mal exécuté après mise en demeure du débiteur, et de solliciter ensuite du débiteur le remboursement des sommes exposées pour ce faire ».

Aussi, convient-il de distinguer deux sortes d’exécution forcée en nature :

  • Celle qui intéresse l’intervention du débiteur
  • Celle qui intéresse l’intervention d’un tiers

I) L’exécution forcée en nature qui intéresse l’intervention du débiteur

A) Principe

1. Contenu du principe

L’article 1221 du Code civil issu de l’ordonnance du 10 février 2016 autorise donc le créancier à solliciter l’exécution forcée en nature en cas de défaillance de son débiteur.

Le principe ainsi posé est repris, en des termes plus généraux, par l’article 1341 du Code civil qui dispose que « le créancier a droit à l’exécution de l’obligation ; il peut y contraindre le débiteur dans les conditions prévues par la loi. »

?Indifférence de la nature des obligations en cause

Tandis que sous l’empire du droit antérieur, cette forme d’exécution forcée ne pouvait intervenir que pour les obligations de payer, désormais, le texte ne distingue plus selon que la prestation inexécutée consiste en une obligation de donner, de faire ou de ne pas faire.

Toutes les obligations, quelle que soit leur nature, sont susceptibles de faire l’objet d’une exécution forcée en nature.

Une interrogation demeure toutefois pour l’obligation de ne pas faire, dont on voit mal comment elle pourrait donner lieu à une exécution forcée en nature. En effet, contraindre le débiteur à s’abstenir de ne pas faire quelque chose que le contrat lui interdit, reviendrait, par hypothèse, à porter une atteinte excessive à sa liberté individuelle.

L’exécution forcée en nature est donc inenvisageable pour les obligations de ne pas faire, à l’exception du cas prévu à l’article 1222 du Code civil qui autorise le créancier à « détruire ce qui a été fait en violation » d’une obligation. Il pourra alors « demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin. »

En dehors du cas particulier de l’obligation de ne pas faire, l’exécution forcée en nature est à la portée du créancier.

?Absence de hiérarchisation des sanctions

À cet égard, elle figure en bonne place dans la liste des sanctions attachées à l’inexécution du contrat énoncées à l’article 1217 du Code civil puisqu’elle figure en deuxième place après l’exception d’inexécution.

Est-ce à dire que l’exécution forcée en nature prime les autres sanctions que sont la réduction du prix ou la résolution du contrat ?

Dans le silence du texte, il y a lieu de considérer que le principe posé est le libre choix de la sanction dont se prévaut le créancier.

Aussi, le créancier est-il libre de solliciter la résolution du contrat plutôt que l’exécution forcée en nature.

À cet égard le rapport au Président de la république relatif à l’ordonnance du 10 février 2016 précise que l’ordre de l’énumération des sanctions énumérées à l’article 1217 du Code civil n’a aucune valeur hiérarchique, le créancier victime de l’inexécution étant libre de choisir la sanction la plus adaptée à la situation.

Au surplus, le choix fait par le créancier s’impose au juge dès lors que les conditions d’application de la sanction invoquée sont réunies.

?Possibilité de cumul des sanctions

Le dernier alinéa de l’article 1217 règle l’articulation entre les différentes sanctions qui, en application de ce texte, peuvent se cumuler, dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles.

Que doit-on entendre par « sanctions incompatibles » ? L’article 1217 du Code civil ne le dit pas.

Il est néanmoins possible de conjecturer, au regard de la jurisprudence antérieure, que l’incompatibilité de sanctions se déduit des effets attachés à chacune d’elles.

Plusieurs combinaisons peuvent ainsi être envisagées :

  • Exécution forcée en nature et résolution
    • Tandis que l’exécution forcée en nature vise à contraindre le débiteur à fournir la prestation ou la chose convenue, la résolution a pour effet d’anéantir rétroactivement le contrat, soit de faire comme s’il n’avait jamais exigé.
    • Manifestement, les effets recherchés pour ces deux sortes de sanctions sont radicalement opposés.
    • Il en résulte que, en cas de défaillance du débiteur, exécution forcée en nature et résolution ne sauraient se cumuler (V. en ce sens Cass. 3e civ. 7 juin 1989, n°87-14.083).
  • Exécution forcée en nature et réduction du prix
    • L’obtention d’une réduction de prix suppose que l’obligation dont se prévaut le créancier n’a été qu’imparfaitement exécutée.
    • Aussi, cette sanction vise-t-elle à ramener le prix au niveau de la quotité ou de la qualité de la prestation qui a été effectivement fournie.
    • De son côté, l’exécution forcée en nature vise plutôt à contraindre le débiteur à parfaire l’exécution de l’obligation souscrite.
    • Il n’est donc pas question ici, pour le créancier, de renoncer à la quotité ou à la qualité de la prestation stipulée dans le contrat.
    • Les objectifs recherchés pour les deux sanctions sont, là encore, opposés.
    • Exécution forcée en nature et réduction de prix sont, dans ces conditions, incompatibles.
  • Exécution forcée en nature et dommages et intérêts
    • L’article 1217 du Code civil dispose que des dommages et intérêts peuvent toujours être sollicités quelle que soit la sanction choisie par le créancier.
    • Il en résulte que l’exécution forcée en nature peut être cumulée avec une demande d’octroi de dommages et intérêts.
    • Ces derniers visent à indemniser le créancier pour le préjudice subi en raison de l’inexécution totale ou partielle du contrat.

2. Conditions de mise en oeuvre

Pour que l’exécution forcée en nature puisse être mise en œuvre, plusieurs conditions doivent être réunies :

  • D’une part, la créance dont se prévaut le créancier doit être certaine, liquide et exigible
  • D’autre part, le débiteur doit avoir préalablement été mis en demeure de s’exécuter

?Caractère certain, liquide et exigible de la créance

Bien que les articles 1221 et 1222 du Code civil ne le prévoient pas expressément, l’exécution forcée en nature ne se conçoit que si la créance dont se prévaut le créancier est certaine, liquide et exigible.

  • Sur le caractère certain de la créance
    • Une créance présente un caractère certain lorsqu’elle est fondée dans son principe.
    • L’existence de la créance doit, autrement dit, être incontestable.
    • C’est la une condition indispensable à la mise en œuvre de l’exécution forcée en nature, ne serait-ce que parce que, à défaut de certitude de la créance, le créancier échouera à obtenir un titre exécutoire et donc à s’attacher les services d’un huissier de justice aux fins qu’il instrumente une mesure d’exécution forcée.
  • Sur le caractère exigible de la créance
    • Une créance présente un caractère exigible lorsque le terme de l’obligation est arrivé à l’échéance.
    • Pour que l’exécution forcée en nature puisse être invoquée, encore faut-il que la créance dont se prévaut le créancier soit exigible
    • À défaut, il n’est pas fondé à en réclamer l’exécution et, par voie de conséquence, obtenir l’exécution forcée en nature de l’obligation en cause.
    • Pour déterminer si une obligation est exigible, il convient de se reporter au terme stipulé dans le contrat.
    • À défaut de stipulation d’un terme, l’article 1305-3 du Code civil dispose que « le terme profite au débiteur, s’il ne résulte de la loi, de la volonté des parties ou des circonstances qu’il a été établi en faveur du créancier ou des deux parties ».
    • Ainsi, le terme est-il toujours présumé être stipulé à la faveur du seul débiteur.
    • L’instauration de cette présomption se justifie par les effets du terme.
    • La stipulation d’un terme constitue effectivement un avantage consenti au débiteur, en ce qu’il suspend l’exigibilité de la dette.
    • Le terme autorise donc le débiteur à ne pas exécuter la prestation prévue au contrat.
    • Il s’agit là d’une présomption simple, de sorte qu’elle peut être combattue par la preuve contraire.
    • Les parties ou la loi peuvent encore prévoir que le terme est stipulé, soit à la faveur du seul créancier, soit à la faveur des deux parties au contrat.
  • Sur le caractère liquide de la créance
    • Une créance présente un caractère liquide lorsqu’elle est susceptible d’être évaluable en argent.
    • À l’évidence, pour que l’exécution forcée en nature puisse être mise en œuvre, encore faut-il que la prestation ou la chose promise soit déterminée.
    • À défaut, aucune exécution forcée ne saurait avoir lieu, faute de détermination de son objet.

?Mise en demeure

Les articles 1221 et 1222 du Code civil subordonnent la mise en œuvre de l’exécution forcée en nature à la mise en demeure préalable du débiteur.

Pour rappel, la mise en demeure se définit comme l’acte par lequel le créancier commande à son débiteur d’exécuter son obligation.

Elle peut prendre la forme, selon les termes de l’article 1344 du Code civil, soit d’une sommation, soit d’un acte portant interpellation suffisante.

Au fond, l’exigence de mise en demeure préalable à toute demande d’exécution forcée en nature vise à laisser une ultime chance au débiteur de s’exécuter.

À cet égard, l’absence de mise en demeure pourrait être invoquée par le débiteur comme un moyen de défense au fond lequel est susceptible d’avoir pour effet de tenir en échec la demande d’exécution forcée en nature formulée par le créancier.

Quant au contenu de la mise en demeure, l’acte doit comporter :

  • Une sommation ou une interpellation suffisante du débiteur
  • Le délai – raisonnable – imparti au débiteur pour se conformer à la mise en demeure
  • La menace d’une sanction

En application de l’article 1344 du Code civil, la mise en demeure peut être notifiée au débiteur :

  • Soit par voie de signification
  • Soit au moyen d’une lettre missive

Par ailleurs, il ressort de l’article 1344 du Code civil que les parties au contrat peuvent prévoir que l’exigibilité des obligations stipulées au contrat vaudra mise en demeure du débiteur.

Dans cette hypothèse, la mise en œuvre de l’exécution forcée en nature ne sera donc pas subordonnée à sa mise en demeure.

?Titre exécutoire

Bien que les articles 1221 et 1222 du Code civil suggèrent qu’il suffit au créancier de remplir les conditions énoncées ses textes pour que l’exécution forcée en nature puisse être mise en œuvre, il n’en est rien.

Cette dernière est, en effet, subordonnée à l’obtention, par le créancier, d’un titre exécutoire. L’article 111-2 du Code des procédures civiles d’exécution dispose en ce sens que « le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution. »

Pour rappel, par titre exécutoire, il faut entendre, au sens de l’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution :

  • Les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire ;
  • Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarées exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l’Union européenne applicables ;
  • Les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;
  • Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;
  • Les accords par lesquels les époux consentent mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresignée par avocats, déposés au rang des minutes d’un notaire selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil ;
  • Le titre délivré par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque ou en cas d’accord entre le créancier et le débiteur dans les conditions prévues à l’article L. 125-1 ;
  • Les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement.

À défaut de titre exécutoire, le droit pour le créancier à l’exécution forcée en nature de sa créance n’est que purement théorique, en ce sens qu’il demeure privé de la possibilité de requérir le ministère d’un huissier de justice pour mise en œuvre de l’exécution proprement dite.

L’article 1er de l’ordonnance du 2 novembre 1945 prévoit, en effet, que « les huissiers de justice sont les officiers ministériels qui ont seuls qualité pour […] ramener à exécution les décisions de justice, ainsi que les actes ou titres en forme exécutoire ».

Ainsi, les huissiers de justice ne sont autorisés à diligenter une procédure d’exécution forcée qu’à la condition qu’ils justifient d’un titre exécutoire.

B) Exceptions

L’article 1221 du Code civil assortit le principe de l’exécution forcée en nature de deux exceptions :

  • L’existence d’une impossibilité d’exécution pour le débiteur
  • L’existence d’une disproportion manifeste entre le coût pour le débiteur et l’intérêt du créancier

1. L’impossibilité d’exécution pour le débiteur

L’article 1221 du Code civil pose que, dans l’hypothèse où il est avéré, que l’exécution de l’obligation en cause est impossible, le créancier ne peut en demander l’exécution forcée en nature.

Cette règle n’est pas sans faire écho à l’adage latin nullus tenetur ad impossibile qui signifie « à l’impossible nul n’est tenu ».

Surtout, elle ne fait que consacrer la jurisprudence antérieure qui, très tôt, avait admis que l’exécution forcée en nature soit exclue en cas d’impossibilité rencontrée par le débiteur.

Reste que la Cour de cassation a tours eu une approche pour le moins restrictive de cette exception dont le champ d’application était circonscrit à l’impossibilité :

  • Matérielle : arrêt de la fabrication du modèle du véhicule vendu (Cass. com., 5 octobre 1993, n°90-21.146), empiétement, s’il est impossible, de démolir et reconstruire l’immeuble à l’emplacement prévu (Cass. 3e civ., 15 février 1978, n°76-13.532)
  • Juridique : dans un arrêt du 27 novembre 2008, la première chambre civile a, par exemple, jugé que « viole l’article 1142 du code civil la cour d’appel qui ordonne sous astreinte au propriétaire d’un local à usage d’habitation de délivrer ce bien à celui avec qui il avait conclu un contrat de bail, alors qu’elle avait relevé que ce local avait été loué à un tiers » (Cass. 1ère civ., 27 novembre 2008, n°07-11.282)
  • Morale : tel est le cas lorsque l’obligation étant éminemment personnelle, son exécution forcée porterait une atteinte trop forte aux droits et libertés fondamentaux de celui qui y est tenu. À cet égard, dans un célèbre arrêt Whistler du 14 mars 1900, la Cour de cassation, après avoir affirmé que le contrat par lequel un artiste s’était engagé à peindre un portrait était « d’une nature spéciale, en vertu duquel la propriété du tableau n’est définitivement acquise à la partie qui l’a commandé, que lorsque l’artiste a mis ce tableau à sa disposition, et qu’il a été agréé par elle », a approuvé la cour d’appel de n’avoir pas ordonné l’exécution forcée de ce contrat au peintre qui refusait de terminer son tableau, le condamnant uniquement à des dommages-intérêts (Cass. civ., 14 mars 1900)

En l’absence de précision de l’article 1221 du Code civil sur le domaine de l’exception tenant à l’impossibilité pour le débiteur d’exécuter ses obligations, il est fort probable que les solutions adoptées par la jurisprudence rendue sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 soient reconduites.

Pour s’en convaincre, il suffit de se reporter au Rapport au Président de la République qui précise que « l’exécution forcée en nature ne peut être ordonnée en cas d’impossibilité (matérielle, juridique ou morale, en particulier si elle porte atteinte aux libertés individuelles du débiteur) ».

2. L’existence d’une disproportion manifeste entre le coût pour le débiteur et l’intérêt du créancier

L’impossibilité pour le débiteur d’exécuter la prestation promise n’est pas la seule exception au principe d’exécution forcée en nature.

L’ordonnance du 10 février 2016 a ajouté une nouvelle exception : l’exécution en nature ne peut être poursuivie s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier.

Cette nouvelle exception, selon le Rapport au Président de la République est directement inspirée des projets européens d’harmonisation du droit des contrats.

Au fond, elle vise à éviter certaines décisions jurisprudentielles très contestées : lorsque l’exécution forcée en nature est extrêmement onéreuse pour le débiteur sans que le créancier y ait vraiment intérêt, il apparaît en effet inéquitable et injustifié que celui-ci puisse l’exiger, alors qu’une condamnation à des dommages et intérêts pourrait lui fournir une compensation adéquate pour un prix beaucoup plus réduit.

Tel est le cas, lorsque par exemple, l’acquéreur d’une maison individuelle contraint le constructeur à la démolir pour la reconstruire, considérant que « le niveau de la construction présentait une insuffisance de 0,33 mètre par rapport aux stipulations contractuelles ». Nonobstant le coût des travaux à supporter par le constructeur, la Cour de cassation avait considéré que « la partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté peut forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible » (Cass. 3e civ., 11 mai 2005, n° 03-21.136).

La nouvelle exception introduite à l’article 1221 du Code civil a été présentée par le législateur comme une déclinaison de l’abus de droit, formulée de façon plus précise, pour encadrer l’appréciation du juge et offrir une sécurité juridique accrue.

Aussi, commettrait un abus de droit le créancier qui exigerait cette exécution alors que l’intérêt qu’elle lui procurerait serait disproportionné au regard du coût qu’elle représenterait pour le débiteur et que des dommages et intérêts pourraient lui fournir une compensation adéquate à un prix inférieur pour le débiteur.

La Cour de cassation semble avoir elle-même ouvert la voie en censurant un arrêt qui avait ordonné la démolition d’un ouvrage au motif que la cour d’appel n’avait pas recherché si cette démolition « constituait une sanction disproportionnée à la gravité des désordres et des non-conformités qui l’affectaient » (Cass., 3ème civ., 15 octobre 2015, n° 14-23.612).

En inscrivant cette exception dans la loi, les rédacteurs de l’ordonnance ont entendu mettre fin à ces hésitations de la jurisprudence, tout en limitant au maximum le jeu de cette exception qui constitue une atteinte à la force obligatoire du contrat.

En tout état de cause, pour faire échec à la demande d’exécution forcée en nature du créancier le débiteur devra démontrer qu’il existe une disproportion entre le coût de l’exécution et l’intérêt pour le créancier de la mise en œuvre de cette exécution.

C’est donc à un test de proportionnalité que les juridictions vont devoir se livrer pour apprécier l’application de l’exception au principe de l’exécution forcée en nature dont ne priveront pas d’invoquer les débiteurs en délicatesse avec les stipulations contractuelles.

La rédaction retenue pour l’article 1221 soulève cependant plusieurs interrogations de la part de la doctrine et des praticiens du droit.

L’exigence d’une « disproportion manifeste » entre le coût pour le débiteur et l’intérêt pour le créancier est certes plus précise et moins critiquée que la formule qui avait été retenue initialement dans le projet d’ordonnance, selon laquelle l’exécution en nature devait être écartée si son coût était « manifestement déraisonnable », cette appréciation ne prenant en considération que la situation du débiteur.

Toutefois, loin de priver la Cour de cassation de tout rôle normatif en ce domaine, la réforme soulève de nouvelles questions auxquelles elle devra répondre pour assurer l’unification de l’interprétation du nouveau droit des contrats.

La principale crainte exprimée est celle de voir dans l’article 1221 du Code civil une incitation pour le débiteur à exécuter son obligation de manière imparfaite toutes les fois où le gain attendu de cette inexécution sera supérieur aux dommages et intérêts qu’il pourrait être amené à verser, c’est-à-dire permettre au débiteur de mauvaise foi de profiter de sa « faute lucrative ».

Sans aller jusqu’à évoquer de véritables gains pour le débiteur, n’est-il pas à craindre qu’un constructeur ne pouvant honorer tous les contrats qu’il a en cours choisisse de privilégier l’exécution parfaite de certains contrats au détriment d’autres contrats, n’encourant plus l’exécution forcée en nature, le cas échéant très coûteuse, mais seulement le versement de dommages et intérêts ?

Pour résoudre cette difficulté, et éviter ce genre de calculs du débiteur, il a été précisé dans le texte qu’en cas de disproportion manifeste du coût pour le débiteur au regard de l’intérêt pour le créancier, il ne pourrait être fait échec à la demande d’exécution forcée en nature qu’au bénéfice du débiteur de bonne foi.

La question se pose encore de savoir si l’intérêt pour le créancier doit s’apprécier objectivement ou subjectivement ? Autrement dit, doit-on tenir compte des conséquences matérielles et financières sur la situation du créancier (appréciation subjective) ou doit-on ne se focaliser que sur les conséquences de l’inexécution contractuelle sur l’économie de l’opération (appréciation objective) ?

Dans le même sens, le coût de l’exécution forcée doit-il s’apprécier au regard du prix de la prestation fixée contractuellement ou au regard de la situation financière du débiteur ?

Ce sont là, autant de questions auxquels la jurisprudence devra répondre, faute de précisions apportées par le législateur sur les critères d’application de l’exception ainsi posée.

II) L’exécution forcée en nature qui intéresse l’intervention d’un tiers

L’article 1222 du Code civil prévoit que « après mise en demeure, le créancier peut aussi, dans un délai et à un coût raisonnables, faire exécuter lui-même l’obligation ou, sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci. »

À l’analyse, cette disposition octroie au créancier une alternative en lui permettant, au lieu de poursuivre l’exécution forcée de l’obligation concernée, de faire exécuter lui-même l’obligation ou détruire ce qui a été mal exécuté après mise en demeure du débiteur, et de solliciter ensuite du débiteur le remboursement des sommes exposées pour ce faire.

Ce mécanisme, que l’on appelle la faculté de remplacement) n’est pas nouveau, puisqu’il reprend en substance les anciens articles 1143 et 1144 et ne fait, au fond.

L’ordonnance du 10 février 2016 innove néanmoins en abandonnant l’exigence d’obtention d’une autorisation judiciaire pour que puisse être exercée cette faculté, sauf à ce qu’il s’agisse de détruire ce qui a été fait en violation d’une obligation contractuelle.

L’article 1222 du Code civil doit ainsi être lu comme posant un principe, lequel principe est assorti d’une exception.

A) Principe : la faculté discrétionnaire de remplacement

Grande nouveauté introduite par la réforme du droit des obligations, l’article 1222 du Code civil facilite la faculté de remplacement par le créancier lui-même, puisqu’il supprime l’exigence d’une autorisation judiciaire préalable pour faire procéder à l’exécution de l’obligation, le contrôle du juge n’intervenant qu’a posteriori en cas de refus du débiteur de payer ou de contestation de celui-ci.

En somme la faculté de remplacement conféré au créancier lui permet de solliciter les services d’un tiers aux fins qu’il exécute lui-même l’obligation de faire ce qui incombait au débiteur défaillant.

L’article 1222 précise que, en pareille circonstance, le créancier peut demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin.

?Domaine

La faculté de remplacement dont est titulaire le créancier peut être exercée pour toutes les obligations de faire, dès lors que le résultat recherché et prévu dans le contrat peut être atteint.

Son domaine naturel d’élection est celui des obligations de fournir un bien mobilier. Ainsi, l’acheteur qui n’a pas été livré de la chose convenue, peut exiger qu’elle lui soit fournie par un tiers en cas de manquement par le vendeur à son obligation de délivrance.

L’exercice de la faculté de remplacement est également admis en matière de contrat d’entreprise.

La jurisprudence admet régulièrement en ce sens que le maître d’ouvrage puisse faire réaliser les travaux convenus par une entreprise autre que celle à qui le marché a initialement été confié.

Il en va de même pour le preneur qui, en cas d’inaction de son bailleur, peut faire solliciter les services d’un tiers pour que soient effectuées les réparations nécessaires à la jouissance paisible de la chose louée.

?Conditions

L’exercice de la faculté de remplacement conférée au créancier est subordonné à la réunion de trois conditions cumulatives :

  • Première condition : la mise en demeure du débiteur
    • La faculté de remplacement ne peut être exercée par le créancier qu’à la condition que le débiteur ait été mis en demeure de s’exécuter.
    • Il convient de le prévenir sur le risque auquel il s’expose en cas d’inaction, soit de devoir supporter le coût de la prestation fournie par un tiers.
    • La mise en demeure que le créancier adresse au débiteur doit répondre aux exigences énoncées aux articles 1344 et suivants du Code civil.
  • Deuxième condition : l’observation d’un délai raisonnable
    • La faculté de remplacement dont dispose le créancier ne pourra être envisagée qu’à la condition que ce dernier ait attendu un délai raisonnable entre la date d’échéance de l’obligation et la sollicitation d’un tiers, ne serait-ce que parce qu’il a l’obligation d’adresser, au préalable, une mise en demeure.
    • Aussi, le débiteur doit-il disposer du temps nécessaire pour régulariser sa situation.
    • Reste à déterminer ce que l’on doit entendre par délai raisonnable
    • Sans doute doit-on considérer que le délai raisonnable commence à courir à compter de la mise en demeure du débiteur.
    • Quant au quantum de ce délai, il conviendra de prendre en compte, tout autant les impératifs du créancier, que la situation du débiteur.
  • Troisième condition : le respect d’un coût raisonnable
    • Dernière condition devant être remplie pour que le créancier soit fondé à exercer la faculté de remplacement que lui octroie l’article 1222, le coût de l’intervention du tiers doit être raisonnable
    • L’appréciation du caractère raisonnable de ce coût devra s’apprécier au regard du montant de la prestation stipulée dans le contrat.
    • L’intervention du tiers ne devra pas, en d’autres termes, engendrer des frais disproportionnés eu égard l’obligation à laquelle s’était engagé initialement le débiteur

B) Exception : l’exigence d’une autorisation judiciaire

Dans le cadre de l’exercice de la faculté de remplacement, l’obtention d’une autorisation judiciaire est exigée dans deux cas :

?La destruction de ce qui a été fait en violation d’une obligation contractuelle

Si, l’ordonnance du 10 février 2016 a supprimé l’exigence d’une autorisation judiciaire préalable pour faire procéder à l’exécution de l’obligation inexécutée par un tiers, elle maintient, en revanche, la nécessité d’une autorisation pour obtenir la destruction de ce qui a été réalisé en contravention de l’obligation, compte tenu du caractère irrémédiable d’une telle destruction afin d’éviter les abus de la part du créancier.

Reprenant les termes de l’ancien article 1444 du Code civil, le second alinéa de l’article 1222 oblige ainsi le créancier à saisir le juge, lorsqu’il s’agit de faire détruire ce qui a été fait en violation d’une disposition contractuelle.

Le texte ajoute que le créancier peut « demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin »

Reste que c’est au juge, dans cette hypothèse, qu’il reviendra de trancher, soit d’autoriser ou de refuser l’intervention d’un tiers.

?Le versement d’une avance sur frais exposés

Le second alinéa de l’article 1222 du Code civil complète le dispositif encadrant la faculté de remplacement conférée au créancier en lui permettant de solliciter la condamnation du débiteur à faire l’avance des sommes nécessaires à l’exécution ou la destruction en cause.

Ainsi, lorsque le créancier ne souhaite pas supporter temporairement le coût de l’intervention du tiers dans l’attente d’être remboursé par le débiteur, il n’aura d’autre choix que de saisir le juge.

Cette obligation de saisir le juge vaut, tant lorsqu’il s’agit pour le créancier d’exercer sa faculté de remplacement, que lorsqu’il s’agit de faire détruire ce qui a été fait en violation d’une obligation contractuelle.

Sanction de l’inexécution du contrat: la faculté de remplacement du créancier

L’article 1222 du Code civil prévoit que « après mise en demeure, le créancier peut aussi, dans un délai et à un coût raisonnables, faire exécuter lui-même l’obligation ou, sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci. »

À l’analyse, cette disposition octroie au créancier une alternative en lui permettant, au lieu de poursuivre l’exécution forcée de l’obligation concernée, de faire exécuter lui-même l’obligation ou détruire ce qui a été mal exécuté après mise en demeure du débiteur, et de solliciter ensuite du débiteur le remboursement des sommes exposées pour ce faire.

Ce mécanisme, que l’on appelle la faculté de remplacement) n’est pas nouveau, puisqu’il reprend en substance les anciens articles 1143 et 1144 et ne fait, au fond.

L’ordonnance du 10 février 2016 innove néanmoins en abandonnant l’exigence d’obtention d’une autorisation judiciaire pour que puisse être exercée cette faculté, sauf à ce qu’il s’agisse de détruire ce qui a été fait en violation d’une obligation contractuelle.

L’article 1222 du Code civil doit ainsi être lu comme posant un principe, lequel principe est assorti d’une exception.

I) Principe : la faculté discrétionnaire de remplacement

Grande nouveauté introduite par la réforme du droit des obligations, l’article 1222 du Code civil facilite la faculté de remplacement par le créancier lui-même, puisqu’il supprime l’exigence d’une autorisation judiciaire préalable pour faire procéder à l’exécution de l’obligation, le contrôle du juge n’intervenant qu’a posteriori en cas de refus du débiteur de payer ou de contestation de celui-ci.

En somme la faculté de remplacement conféré au créancier lui permet de solliciter les services d’un tiers aux fins qu’il exécute lui-même l’obligation de faire ce qui incombait au débiteur défaillant.

L’article 1222 précise que, en pareille circonstance, le créancier peut demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin.

==> Domaine

La faculté de remplacement dont est titulaire le créancier peut être exercée pour toutes les obligations de faire, dès lors que le résultat recherché et prévu dans le contrat peut être atteint.

Son domaine naturel d’élection est celui des obligations de fournir un bien mobilier. Ainsi, l’acheteur qui n’a pas été livré de la chose convenue, peut exiger qu’elle lui soit fournie par un tiers en cas de manquement par le vendeur à son obligation de délivrance.

L’exercice de la faculté de remplacement est également admis en matière de contrat d’entreprise.

La jurisprudence admet régulièrement en ce sens que le maître d’ouvrage puisse faire réaliser les travaux convenus par une entreprise autre que celle à qui le marché a initialement été confié.

Il en va de même pour le preneur qui, en cas d’inaction de son bailleur, peut faire solliciter les services d’un tiers pour que soient effectuées les réparations nécessaires à la jouissance paisible de la chose louée.

==> Conditions

L’exercice de la faculté de remplacement conférée au créancier est subordonné à la réunion de trois conditions cumulatives :

  • Première condition : la mise en demeure du débiteur
    • La faculté de remplacement ne peut être exercée par le créancier qu’à la condition que le débiteur ait été mis en demeure de s’exécuter.
    • Il convient de le prévenir sur le risque auquel il s’expose en cas d’inaction, soit de devoir supporter le coût de la prestation fournie par un tiers.
    • La mise en demeure que le créancier adresse au débiteur doit répondre aux exigences énoncées aux articles 1344 et suivants du Code civil.
  • Deuxième condition : l’observation d’un délai raisonnable
    • La faculté de remplacement dont dispose le créancier ne pourra être envisagée qu’à la condition que ce dernier ait attendu un délai raisonnable entre la date d’échéance de l’obligation et la sollicitation d’un tiers, ne serait-ce que parce qu’il a l’obligation d’adresser, au préalable, une mise en demeure.
    • Aussi, le débiteur doit-il disposer du temps nécessaire pour régulariser sa situation.
    • Reste à déterminer ce que l’on doit entendre par délai raisonnable
    • Sans doute doit-on considérer que le délai raisonnable commence à courir à compter de la mise en demeure du débiteur.
    • Quant au quantum de ce délai, il conviendra de prendre en compte, tout autant les impératifs du créancier, que la situation du débiteur.
  • Troisième condition : le respect d’un coût raisonnable
    • Dernière condition devant être remplie pour que le créancier soit fondé à exercer la faculté de remplacement que lui octroie l’article 1222, le coût de l’intervention du tiers doit être raisonnable
    • L’appréciation du caractère raisonnable de ce coût devra s’apprécier au regard du montant de la prestation stipulée dans le contrat.
    • L’intervention du tiers ne devra pas, en d’autres termes, engendrer des frais disproportionnés eu égard l’obligation à laquelle s’était engagé initialement le débiteur

II) Exception : l’exigence d’une autorisation judiciaire

Dans le cadre de l’exercice de la faculté de remplacement, l’obtention d’une autorisation judiciaire est exigée dans deux cas :

==> La destruction de ce qui a été fait en violation d’une obligation contractuelle

Si, l’ordonnance du 10 février 2016 a supprimé l’exigence d’une autorisation judiciaire préalable pour faire procéder à l’exécution de l’obligation inexécutée par un tiers, elle maintient, en revanche, la nécessité d’une autorisation pour obtenir la destruction de ce qui a été réalisé en contravention de l’obligation, compte tenu du caractère irrémédiable d’une telle destruction afin d’éviter les abus de la part du créancier.

Reprenant les termes de l’ancien article 1444 du Code civil, le second alinéa de l’article 1222 oblige ainsi le créancier à saisir le juge, lorsqu’il s’agit de faire détruire ce qui a été fait en violation d’une disposition contractuelle.

Le texte ajoute que le créancier peut « demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin.. »

Reste que c’est au juge, dans cette hypothèse, qu’il reviendra de trancher, soit d’autoriser ou de refuser l’intervention d’un tiers.

==> Le versement d’une avance sur frais exposés

Le second alinéa de l’article 1222 du Code civil complète le dispositif encadrant la faculté de remplacement conférée au créancier en lui permettant de solliciter la condamnation du débiteur à faire l’avance des sommes nécessaires à l’exécution ou la destruction en cause.

Ainsi, lorsque le créancier ne souhaite pas supporter temporairement le coût de l’intervention du tiers dans l’attente d’être remboursé par le débiteur, il n’aura d’autre choix que de saisir le juge.

Cette obligation de saisir le juge vaut, tant lorsqu’il s’agit pour le créancier d’exercer sa faculté de remplacement, que lorsqu’il s’agit de faire détruire ce qui a été fait en violation d’une obligation contractuelle.