La promesse unilatérale de vente : les conditions et les accessoires

Les rédacteurs du Code civil ne se sont pas préoccupés de la préparation du contrat de vente pas plus qu’ils n’ont édicté de règles propres à la négociation du contrat (voy. l’article “La vente – la négociation du contrat”). La réforme du droit commun des contrats a été l’occasion de compléter la législation sur ce point. Les articles 1112 à 1112-2 c.civ. disent les règles qui doivent présider à la phase exploratoire de n’importe quel contrat. Les articles 1123 et 1124 c.civ. règlementent désormais le pacte de préférence et la promesse unilatérale de  contrat.

Mais revenons à la vente. Les mots “promesse de vente” sont bien employés dans le titre réservé à ce contrat spécial, mais ce n’est qu’à titre incident et sans que le régime ne soit fixé (art. 1589 c.civ.). La pratique a fait émergé des contrats sui generis dont la jurisprudence, au fil des ans, a si finement précisé le régime qu’ils s’apparentent désormais à des contrats nommés. S’ils peuvent être passés en vue de la conclusion d’un contrat de vente, il n’est pas rare qu’ils aménagent la formation d’autres contrats (contrat d’entreprise notamment). Leurs objets exacts diffèrent : il s’agit de s’engager à négocier, à préférer une personne si la décision de contracter est prise, ou à contracter. Ils sont réunis par la doctrine sous les termes « avant-contrats », « contrats préparatoires » ou « contrats préalables ». Qualifications qui ne seront pas reprises par le législateur à l’occasion de la réforme précitée.

L’article 1124, al. 1, c.civ. dispose que « la promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, consent à l’autre, le bénéficiaire, le droit, pendant un certain temps, d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ». Tout est dit : la promesse de vente est donc un contrat. Elle se distingue à cet égard de l’offre, qui est une manifestation de volonté unilatérale destinée à créer (en cas d’acceptation bien entendu) des effets de droit.

Appliquée à la vente, où son usage est fort répandu (notamment en matière immobilière), la promesse émane du vendeur – promesse unilatérale de vente – ou de l’acheteur – promesse unilatérale d’achat.

1.- Les conditions de la promesse unilatérale de vente

La promesse unilatérale doit contenir les éléments essentiels du contrat projeté – la chose et le prix. Dans le cas contraire, il s’agira au mieux d’une invitation à entrer en pourparlers. Les conditions tenant à la capacité et au consentement du promettant sont appréciées au jour de la conclusion de la promesse de vente. Ces mêmes conditions afférentes au bénéficiaire le seront au jour de la levée de l’option.

À la chose et au prix s’ajoute un troisième élément, le terme de la promesse, c’est-à-dire la date à laquelle l’engagement du promettant disparaît. Les parties sont libres de fixer un terme extinctif à l’option, accompagné le cas échéant d’une clause de prorogation (Cass. 3ème civ., 8 sept. 2010, n° 09-13.345, Bull. civ. III, 153). Le terme peut être certain ou incertain. Une fois le terme arrivé à échéance, la promesse est caduque (Cass. com., 19 oct. 1971, n° 70-11.165, Bull. civ. IV, 499).

Dans le silence des parties, la promesse est à durée indéterminée. Le promettant y met fin à tout moment (prohibition des engagements perpétuels oblige), pourvu qu’il ait préalablement mis le bénéficiaire en demeure de lever ou décliner l’option dans un délai raisonnable (Cass. 3ème civ., 24 avr. 1970, n° 68-10.536, Bull. civ. IV, 279). La doctrine majoritaire admet que le bénéfice de la promesse s’éteint par la prescription de 5 années prévue à l’article 2224 c.civ.. Outre le terme extinctif, les parties peuvent convenir d’un terme suspensif d’option, durant lequel le bénéficiaire ne peut exprimer son consentement ni la vente être formée (Cass. com., 30 janv. 1996, n° 94-17.339).

Comme la vente, la promesse de vente est par principe un contrat consensuel. Cependant, pour des raisons fiscales – à savoir éviter la dissimulation d’une partie du prix – l’article 1840-A du Code général des impôts et, à sa suite, l’article 1589-2 c.civ. frappent de nullité la promesse de vente portant sur un dissimmobilier, sur des parts sociales de sociétés immobilières, sur un fonds de commerce ou un droit au bail, dès lors qu’elle n’est pas constatée par un acte authentique ou par un acte sous seing privé enregistré dans les 10 jours de sa conclusion (et non les 10 jours suivant la levée de l’option). La promesse d’achat, quant à elle, n’est soumise à aucune condition de forme.

2.- Les accessoires de la promesse unilatérale de vente

La promesse est rarement nue : les parties incluent une indemnité d’immobilisation, une condition suspensive ou prévoient une clause de substitution. La loi, en outre, réglemente dans certaines circonstances les stipulations accompagnant les promesses d’achat.

L’indemnité d’immobilisation

L’indemnité d’immobilisation est la somme que doit le bénéficiaire de l’option en contrepartie de l’engagement ferme que prend le promettant. Dit autrement, elle est « le prix de l’exclusivité consentie au bénéficiaire de la promesse » (Cass. 1ère civ., 5 déc. 1995, n° 93-19.874, Bull. civ. I, 452). Son insertion dans la promesse modifie la nature de celle-ci : le contrat n’est plus unilatéral, mais synallagmatique. Et si le montant du dédit est tel que, de fait, le bénéficiaire n’a d’autre choix que de lever l’option, la promesse unilatérale se mue en promesse synallagmatique, et donc en contrat parfait (Cass. com., 20 nov. 1962, Bull. civ. IV, 470).

L’indemnité d’immobilisation ne doit pas être confondue avec le dédit qui autorise, en contrepartie de son versement, à se délier de son engagement. Précisément, le bénéficiaire ne s’est engagé à rien. Elle ne constitue pas davantage une clause pénale, laquelle suppose une inexécution. Elle échappe aux dispositions de l’article 1231-5 c.civ. (art. 1152 anc.) autorisant la réfaction par le juge de la clause pénale dont le montant est manifestement excessif ou dérisoire (Cass. 3ème civ., 5 déc. 1984, n° 83-12.895, Bull. civ. III, 208). Rien n’interdit néanmoins aux parties de prévoir que l’indemnité d’immobilisation augmentera à mesure que se prolonge la réflexion du bénéficiaire (Cass. 3ème civ., 5 déc. 1984, préc.). Que le bénéficiaire ne lève pas l’option, et l’indemnité d’immobilisation demeure acquise au promettant. Qu’il la lève, et le montant de l’indemnité s’imputera sur le prix.

La condition suspensive

L’insertion d’une condition suspensive (art. 1304, al. 2 c.civ.) dans une promesse n’est pas rare, notamment dans les ventes immobilières. La loi l’impose même lorsque le futur acheteur prévoit de payer le prix au moyen d’un prêt (art. L. 312-15 et s. c.consom.). Le jeu simultané de la promesse et de la condition ne soulève guère de difficulté, pourvu qu’il soit observé que la condition affecte l’avant-contrat et non le contrat lui-même.

En cas de défaillance de la condition – refus du prêt sans faute de l’emprunteur (art. 1304-3, al. 1 c.civ.) –, la promesse est caduque (art. 1304-6, al. 4 c.civ.). La loi prévoit alors spécialement que l’indemnité d’immobilisation doit être remboursée (art. L. 312-16, al. 2 c.consom.), sauf pour le bénéficiaire à avoir renoncé au bénéfice de la condition dans le délai de l’option (Cass. 3ème civ., 28 avr. 2011, n° 10-15.630). En cas de réalisation de la condition, la promesse – et non le contrat final – est parfaite : le bénéficiaire dispose pleinement de son droit d’option. S’il renonce à la formation du contrat final, il perd l’indemnité d’immobilisation éventuellement stipulée.

Il ne faut pas exclure, enfin, qu’à raison de maladresses rédactionnelles, l’articulation des délais d’option et de réalisation de la condition soit délicate ou impossible (Cass. 3ème civ., 9 févr. 2011, n° 10-14.399).

La clause de substitution

Les parties peuvent convenir que le bénéficiaire de la promesse de vente a la faculté, durant la période d’option, de se substituer un tiers. La nature juridique de l’opération ainsi réalisée est incertaine. La Cour de cassation admet, quoi qu’il en soit, qu’il ne s’agit ni d’une cession de créance soumise à l’article 1321 c.civ. (anc. art. 1690) ni d’une cession de la promesse soumise aux articles 1589-2 et 1840-1 du Code général des impôts (Cass. 3ème civ., 19 mars 1997, n° 95-12.473, Bull. civ. III, n° 68). Il n’en va pas différemment des clauses de substitution glissées dans les promesses synallagmatiques de vente (Cass. 3ème civ., 12 avr. 2012, n° 11-14.279, Bull. civ. III, n° 60).

La substitution a pour effet de permettre à un tiers à la promesse de profiter de celle-ci, mais ne dépouille pas pour autant le bénéficiaire d’origine : en dépit de la substitution, ce dernier peut lever l’option pour son propre compte et, surtout, demeure débiteur de l’éventuelle indemnité d’immobilisation (Cass. 3ème civ., 27 avr. 1998, n° 86-17.337, Bull. civ. III, 83).

Il faut enfin signaler que l’usage des clauses de substitution est cantonné par le législateur, pour des raisons fiscales : est ainsi nulle la cession à titre onéreux de la promesse de vente portant sur un immeuble, lorsque cette cession est consentie par un professionnel de l’immobilier (art. 52, L. n° 93-122, 29 janv. 1993).

Les spécificités légales de la promesse d’achat

Le Code de la construction et de l’habitation (art. L. 271-1 et s.) et le Code civil (art. 1589-1, C. civ.) contiennent plusieurs mesures protectrices de l’acheteur d’un immeuble d’habitation. Le premier instaure, au profit du promettant non professionnel, un délai de rétractation de 7 jours. Le second sanctionne par la nullité la promesse d’achat d’un bien immobilier « pour lequel il est exigé ou reçu de celui qui s’engage un versement, quelle qu’en soit la cause et la forme ».

La vente – la négociation du contrat

Au quotidien, le consommateur conclut de très nombreux contrats de vente, qui se forment aussitôt le consentement donné ou, pour le dire autrement, dès que l’intention de contracter est extériorisée (par des mots et/ou bien par des gestes). Il arrive aussi que l’accord des parties au contrat ne soit donné qu’une fois seulement des négociations terminées. Il en va ainsi toutes les fois que la proposition qui est faite par l’un des partenaires en première intention n’est pas de nature à constituer la base d’un contrat.

Le législateur de 1804 ne s’est pas préoccupé de la phase exploratoire du contrat. C’est à la Cour de cassation qu’il est revenu de fixer l’alpha et l’omega en la matière. La réforme du droit commun des contrats a été l’occasion d’introduire dans le Code civil quelques dispositions sur le sujet (art. 1112 et s.).

Cette phase précontractuelle est saisie par la norme générale de comportement, à savoir l’article 1240 c.civ. Toute faute dommageable commise dans les négociations est de nature à autoriser la condamnation de son auteur au paiement de dommages et intérêts extra-contactuels (art. 1112, al. 2 c.civ.). Il y a une bonne raison à cela : c’est que la période est gouvernée par l’obligation générale de négocier de bonne foi (art. 1112 c.civ. ensemble art. 1104 : “Les contrats doivent être négociés (…) de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public”).

Rompre les pourparlers ne pose aucune difficulté en soi. Car une liberté est garantie à tout un chacun : s’engager ou non. L’article 1102 c.civ. dispose en ce sens : “chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter”. En revanche, les mobiles qui ont poussé un partenaire à s’inscrire dans le processus de contractualisation et/ou les modalités de la rupture des négociations peuvent constituer en faute leur auteur.

Ex.1 Poursuivent de négociations sans intention réelle de conclure en « entretenant de manière illusoire l’espoir d’une cession ».

Ex.2 Rupture des négociations avec légèreté, peu important l’absence de mauvaise foi ou d’intention de nuire, la légèreté étant notamment appréciée au regard des efforts et investissements demandés, au cours des négociations, par l’auteur de la rupture à son interlocuteur.

La vente : vue générale

La vente présente quatre caractères. Elle est un contrat synallagmatique (chaque partie s’engage à l’endroit de l’autre) et commutatif (le prix est regardé comme l’équivalent du bien vendu). Elle est encore, aux termes de l’alinéa 1er de l’article 1582 c.civ., un contrat translatif à titre onéreux : « La vente est une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer. »

1.- La vente est un contrat translatif

La vente opère transfert de la propriété du bien vendu. Elle se distingue ainsi de contrats voisins.

1.1.- Objet de la vente

La vente a pour effet principal le transfert de propriété d’un bien. Avec la formation du contrat, l’acquéreur devient titulaire d’un droit réel s’exerçant directement sur la chose. Les conditions du transfert de propriété varient. Celui-ci est en principe réalisé par l’échange des consentements, mais les parties sont libres d’en aménager l’époque. Elles peuvent faire dépendre la formation du contrat de l’expiration d’un terme ou d’un événement donné (terme ou condition). Elles peuvent séparer dans le temps l’époque de la formation de la vente de l’époque du transfert de propriété (clause de réserve de propriété). Elles sont même admises à organiser le caractère temporaire du transfert de propriété. La vente à réméré, prévue à l’article 1659 c.civ., est ainsi un « pacte par lequel le vendeur se réserve de reprendre la chose vendue, moyennant la restitution du prix principal et le remboursement » des frais et loyaux coûts de la vente, des réparations nécessaires et de celles qui ont augmenté la valeur du fonds (art. 1673 c.civ.).

1.2.- Singularité de la vente

En théorie, la distinction du contrat de vente parmi les autres contrats ne soulève guère de difficulté. En pratique, les activités humaines se rangent rarement dans des cases, et la confusion est souvent possible.

a.- Contrat de vente vs contrats de mise à disposition

La vente n’est pas un bail (voy. l’article “Le bail de droit commun – les obligations du bailleur”), pas un crédit-bail, pas un prêt (voy. les articles “Le prêt à usage – notion” et “Le prêt de consommation – notion”). Un transfert de propriété est organisé pour la première (droit réel – droit sur une chose). Un droit de jouissance est accordé pour les seconds (droit personnel – droit contre une personne).

Un mot sur le crédit-bail. C’est une opération par laquelle une personne (le crédit-bailleur) acquiert un chose à la demande d’une seconde personne (le crédit-preneur) qui la lui loue. C’est une technique commode d’acquisition des matériels nécessaires à l’activité professionnelle du crédit-preneur. Et le contrat de bail d’être assorti, à son terme, d’une promesse unilatérale de vente. Sous réserve de l’application des dispositions légales propres à cette opération financière (art. L. 313-7 et s., C. mon. fin.) et des dispositions jurisprudentielles spéciales, il convient de faire une application distributive. Le régime du bail régit la première phase de l’opération, celui de la vente la seconde.

b.- Contrat de vente vs contrat d’entreprise

Le contrat d’entreprise est un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre moyennant un prix convenu entre elles » (art. 1710, C. civ. – Voy. l’article “Le contrat d’entreprise – vue générale”). Le contrat de vente et le contrat d’entreprise sont des contrats onéreux. La nature de la prestation due par le créancier du prix les distingue. Dans un cas, ce dernier perd la propriété d’un bien qu’il délivre (obligation de donner). Dans l’autre cas, il s’engage à l’accomplissement d’une prestation (obligation de faire).

Dans les faits, la frontière est poreuse. D’une part, celui qui accomplit une prestation est souvent amené à donner (le plombier répare l’évier à l’aide d’un joint qui lui appartient, mais qu’il laisse en la puissance du client). D’autre part, l’obligation de faire implique parfois la réalisation puis la transmission d’une chose (bibliothèque sur mesure, composition d’un tableau…). Pour décider de la qualification, la Cour de cassation s’en est d’abord tenue au principal et à l’accessoire : « le contrat par lequel une personne fournit à la fois son travail et des objets mobiliers doit être analysé juridiquement comme une vente dès lors que le travail en constitue l’accessoire » (Cass. 1ère civ., 27 avr. 1976, n° 74-14.436, Bull. civ. I, 143). Un autre critère a depuis été substitué : il ne saurait y avoir de vente dès lors que « le contrat [porte] non sur des choses déterminées à l’avance mais sur un travail spécifique destiné à répondre aux besoins particuliers exprimés par le donneur d’ordre » (Cass. 1ère civ., 14 déc. 1999, n° 97-19.620, Bull. civ. I, 340).

2.- La vente est un contrat onéreux

2.1.- Identité

La vente implique une contrepartie pécuniaire. A défaut, l’acte encourt la nullité ou bien alors la situation juridique des parties au contrat sera requalifiée par le juge. Si ce dernier devait caractériser une intention libérale alors c’est de libéralité dont il serait question (art. 893 et s. c.civ.). Les enjeux de la (re)qualification sont importants. Ils tiennent non seulement aux conditions de validité de l’acte, mais encore aux modalités de son exécution et à ses conséquences fiscales. La libéralité est en effet plus frappée que la vente. La tentation est alors grande de maquiller l’opération…

En l’absence de contrepartie, la disqualification de la vente est évidente. La chose est plus délicate lorsque la contrepartie a bien été stipulée, mais semble dérisoire (ex. vente pour un euro symbolique) ou sans commune mesure avec la valeur réelle du bien cédé. Il faut scruter les intentions du vendeur, vérifier l’animus donandi, pour décider de la qualification.

2.2.- Distinction

La vente n’est pas la seule institution juridique où la propriété d’un bien est transférée moyennant une contrepartie. Mais, contrairement à ces autres contrats, l’acheteur s’acquitte d’une somme d’argent.

Contrat de vente vs contrat d’échange

La proximité est grande entre le contrat de vente et le contrat d’échange (art. 1702 c.civ. : « contrat par lequel les parties se donnent une chose pour une autre »). Elle est tellement grande que le Code civil renvoie expressément à la vente pour tracer le régime de l’échange (arts. 1703 et 1707 c.civ.). En pratique, l’échange s’accompagne parfois du paiement d’une somme d’argent – une soulte – destinée à compenser la différence de valeur entre les deux biens qui en sont l’objet. En dépit de ces liens, les difficultés de qualification sont rares.

Contrat de vente et contrat d’apport en société

Les associés d’une société peuvent convenir d’apporter à celle-ci non seulement de l’argent, mais encore des biens de toutes natures (art. 1843-3 c.civ.). Si la société jouit de la personnalité morale, elle en devient propriétaire. A défaut de personnalité morale, les biens sont placés en indivision entre les associés. En tout état de cause, la propriété des biens apportés est transférée. En contrepartie, l’associé apporteur obtient des parts sociales (ou des actions) lui donnant, au sein de la société, des droits politiques et financiers. La confusion entre la vente et l’apport en société est peu probable, en dépit de l’attrait de l’une sur l’autre. Car c’est à l’aune du contrat de vente que sont définies les garanties dues par l’apporteur à la société (art. 1843-4, al. 3, c.civ.).

Le mandat : vue générale et théorie générale

Définition.- Contrat de services, contrat d’intermédiaire, le mandat est une convention « aux mille visages » (Fr. Collart-Dutilleul et Ph. Delebecque). C’est « un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom » (art. 1984 c.civ.). Au sens le plus large, le mandat est un « contrat par lequel on commet le soin d’une affaire à quelqu’un qui s’en charge » (Littré). Une définition plus juridique, et plus restrictive, est proposée par le Vocabulaire juridique : « acte par lequel une personne donne à une autre de faire quelque chose pour elle et en son nom. Plus spécifiquement, le mandat est un contrat révocable au gré du mandant par lequel celui-ci confère à une personne, qui en accepte la charge, le pouvoir et la mission d’accomplir pour elle et en son nom, à titre de représentant, un acte juridique ». Malgré ces précisions, le contrat de mandat reste « un mystère ». De quel « acte juridique » est-il question ? Quel est ce « quelque chose » que la personne du mandant donne pouvoir à une autre de faire ?

L’interprétation littérale de l’article 1984 c.civ. présente le mandat comme une opération réalisée en deux temps : un acte par lequel le mandant donne “pouvoir” ; en vue de “faire quelque chose.

Acte par lequel une personne donne […] le pouvoir.- Le Code civil ne fait pas référence à l’existence d’un contrat. Il paraît donc pas exclure l’existence de mandats non conventionnels tels que les “mandats légaux” (ex. celui des parents relativement aux biens de l’enfant mineur – art. 382 c.civ.) ou judiciaires (ex. celui des administrateurs  – art. L. 811-1 c.com. – ou celui des mandataires judiciaires – art. L. 812-1 c.com. – relativement aux entreprises en difficulté). Cependant, la source légale du mandat n’exclut pas toujours la formation in fine d’un véritable contrat (voy. par ex. arts. 408, 815-3, 1432 c.civ.). En tout état de cause, la majorité de la doctrine entend le mandat comme un contrat de représentation.

De faire quelque chose.- La personne du mandant donne pouvoir au mandataire de “faire quelque chose”. La formule est ambiguë. Elle pourrait donner à penser que le mandat se caractérise par l’accomplissement d’actes quelconque, même matériels, rendant alors la distinction avec le contrat d’entreprise problématique (voy. l’article intitulé “Le contrat d’entreprise – vue générale”). À dire vrai, l’article 1984 c.civ. signifie seulement que le mandat fait naître une obligation de faire. Reste à déterminer quelle est la nature de l’acte à accomplir. En général, il est entendu en doctrine que le mandat se définit comme le pouvoir d’effectuer des actes juridiques. Ces actes juridiques peuvent être de différentes natures. Il peut s’agir d’actes unilatéraux (payer, donner congé, renoncer, confirmer, formuler une demande en justice ou administrative, publier une hypothèque), d’actes collectifs (constituer une société ou une association) ou de contrats. Selon l’opinion dominante, sans acte(s) juridique(s), il ne paraît pas possible de qualifier l’acte de contrat de mandat. Ce n’est pas dire qu’un mandataire est interdit d’effectuer certains actes matériels. Il en va ainsi de l’activité des sociétés de ventes volontaires meubles aux enchères publiques (https://www.conseildesventes.fr). L’important c’est que ces derniers actes restent accessoires.

Acte juridique.- On peut s’interroger sur l’opportunité qu’il y a à faire de l’accomplissement d’actes juridiques un critère du mandat. Cet abandon aurait le mérite de simplifier la situation. Certains actes sont, par exemple, difficiles à cataloguer. Ainsi du paiement qui est tantôt un acte juridique, tantôt un fait juridique en fonction de l’obligation dont il entraîne l’extinction (G. Loiseau, Réflexion sur la nature juridique du paiement : JCP G 2006, I, 171). Même difficulté de qualification juridique de l’acte de réception de marchandises (voy. not. l’article « Le contrat d’entreprise : les obligations du client »). En outre, dans de nombreux cas, le mandataire effectue à la fois des actes juridiques et des actes matériels sans que le critère de l’accessoire ne soit opératoire. Ex. :  L’architecte qui conclut des marchés et dirige les travaux. Le transporteur qui déplace la marchandise et réclame le paiement au destinataire. Autre ex. : Le courtier ne peut pas, en principe, accomplir des actes juridiques pour son client car il se limite au rapprochement des parties sans conclure l’acte qu’elles passeront elles-mêmes. Pourtant, la Cour de cassation n’exclut pas la qualification de mandat dans certaines hypothèses (V. par exemple, Cass. com., 13 mai 2003 : Bull. civ. 2003, IV, n° 82 ; RTD civ. 2003, p. 727, n° 5, obs. P.-Y. Gautier). Par ailleurs, il n’est pas facile de dire avec précision ce qui différencie un acte juridique d’un acte matériel (V. L. Mayer, Actes du procès et théorie de l’acte juridique, thèse dactylographiée : Paris I, 2007, n° 153 et s. qui raisonne en deux temps afin de tenter, tout d’abord, une distinction entre fait juridique et acte matériel, puis entre acte matériel et acte juridique). Est-ce qu’il faut entendre acte matériel comme synonyme de fait juridique ? Au sein même de l’article 1984 c.civ., il n’est pas expressément question d’un acte juridique (même si les exemples des articles 1988 et 1989 c.civ. concernent des actes juridiques) mais de “faire quelque chose” pour autrui. Quant à la représentation conventionnelle, est-elle déterminante ? Il y a matière à hésitation. C’est que, à l’origine, cette notion n’était pas au cœur du contrat de mandat ?

Évolution contemporaine du mandat.- Le mandat a évolué sous plusieurs aspects. Il est, tout d’abord, l’objet d’une diversification. Le mandat est un “contrat vivant”. Il est au cœur de la vie des affaires de la vie familiale, de la vie des personnes, de la vie intellectuelle, de la vie judiciaire…

Il est, ensuite, l’objet d’une professionnalisation. Autrefois contrat à titre gratuit, conclu dans le contexte amical ou familial, il devient désormais un acte à titre onéreux. Des agents de toute sorte, régis par un ensemble de dispositions spéciales, concluent désormais des mandats rémunérés. Que l’on songe aux agents de voyages, aux agents d’assurance, aux agents immobiliers, aux agents commerciaux, aux agents artistiques, aux agents de publicité ; autant d’exemples qui illustrent la construction de “l’agency” à la française. L’agent d’affaires est aujourd’hui l’archétype du mandat professionnel. Cette professionnalisation est étroitement liée au développement du monde des services et du pôle tertiaire de notre économie. L’une des singularités de ces agents est qu’ils agissent parfois au nom et toujours pour le compte d’autrui, tout en conservant une part d’indépendance, amenant une partie de la doctrine à défendre une notion nouvelle d’intermédiation (V. not. N. Dissaux, La qualification d’intermédiaire dans les relations contractuelles, préf. Chr. Jamin, t. 485 : LGDJ, 2007). Cette indépendance justifie qu’ils accomplissent tant des actes juridiques, considérés par la doctrine majoritaire et la jurisprudence de la Cour de cassation comme la caractéristique du mandat, que des actes matériels, généralement perçus comme extérieurs au mandat. Petit contrat à l’origine, il est devenu « un grand » parmi les grands (l’un des deux grands selon le professeur le Tourneau). Il ne faut pas croire pour autant que le mandat de bienfaisance a disparu de notre droit. Au contraire, il connaît, comme un mouvement de balancier, un regain d’intérêt dans les législations les plus récentes. On pense au mandat donné à une personne de confiance en matière médicale (art. L. 1111-6 c. santé publ.) ou, dans une certaine mesure, au mandat de protection future (art. 477 c.civ.). Enfin, le mandat devient un “contrat à tout faire” (Ph. le Tourneau), en ce sens qu’il est souvent à l’appui d’autres conventions dont il permet la conclusion ou l’exécution. Il est en quelque sorte une matrice contractuelle. Les pools bancaires, l’ingénierie financière sont autant d’exemples du mandat “accessoire d’une opération juridique complexe” (D. Rambure-Barathon, Le mandat, accessoire d’une opération juridique complexe : Thèse Paris I, Dactyl., 1981). Le succès économique du mandat est à l’origine de certains excès terminologiques. Le législateur est ainsi tenté de voir du mandat partout au détriment de la rigueur juridique (exemple “mandat pur et simple de payer une somme déterminée” pour la lettre de change et le chèque alors qu’il ne s’agit que d’un ordre de payement ; promoteur immobilier qualifié de mandat d’intérêt commun (art. 1831-1 c.civ.) alors que son régime semble bien plus complexe).

Droit comparé du mandat.- Le mandat appartient, dans le droit de common law, à la théorie de l’agency. Il s’agit d’une opération à trois personnes comprenant “the principal” (mandant), “the agent” (mandataire) et “the third” parties (les tiers). The law of agency est beaucoup plus étendu que le droit français de la représentation. Le droit anglais, réticent à l’idée de définir ne donne aucune définition de l’agency. L’idée est la suivante : “Il y a agency lorsqu’un mandant (principal) donne pouvoir (authority) à un mandataire (agent) d’agir activement et notamment de passer des contrats au nom du mandant avec des tiers (third parties)” (O. Moréteau). Le mandataire, comme en droit français, s’efface derrière la personne du mandant. Il n’est qu’un intermédiaire. Cependant, sa responsabilité peut être engagée soit par le mandant, soit par les tiers.

La doctrine allemande a progressivement distingué le mandat de la représentation. La représentation est un mécanisme d’imputation des actes (Vertretung) alors que la relation contractuelle entre les parties est un comportement humain (Grundverhältnis). Pour en convaincre, le mandat (Auftrag) est traité dans le BGB au § 662 comme la gestion gratuite d’une affaire (unentgeltliche Geschäftsbesorgung). Malgré quelques incohérences, le critère du mandat semble être, comme en droit romain, la gratuité (C. Witz, op. cit., n° 25 et s.). La représentation est quant à elle régie par les § 164 à 181 du BGB (Titre V du Livre I). Lorsque la source n’est pas légale mais découle d’un acte juridique, deux types d’actes sont distingués : celui par lequel est confié au mandataire le soin de représenter le mandant ; celui par lequel le mandataire exécute le mandat (§ 164 Effet de la déclaration du représentant (1) “Toute déclaration de volonté faite par une personne, dans les limites de son pouvoir de représentation, au nom du représenté, produit directement ses effets au profit et à l’encontre du représenté. Il est sans importance que la déclaration soit faite expressément au nom du représenté ou qu’il résulte des circonstances qu’elle doit être faite en son nom”, trad. F. Sturm, éditions Jupiter. – V. déjà, R. von Jhering, De la coopération aux actes juridiques d’autrui, trad. A. Meulenaere : in Etudes complémentaires de l’Esprit du droit romain, étude n° VI, p. 113). Le droit allemand distingue ainsi le rapport interne (Grundverhältnis), acte par lequel est octroyé le pouvoir de représentation, et le rapport externe (Aussenverhältnis), qui renvoie à l’opération que doit accomplir le représentant à l’égard du tiers (sur cette distinction, K. Larenz et M. Wolf, Allgemeiner Teil des Bürgerlichen Rechts : Beck, 8e éd. 1997, AT, § 47, n° 13 et s. – H. Brox, Allgemeiner Teil des Burgerlichen Gesetzbuchs : Carl Heymanns Verlag, 27e éd. 2003, AT, n° 51. En français, V. M. Pédamon, Le contrat en droit allemand : LGDJ, 2e éd. 2004, spéc. n° 98 et s., p. 74 et s. – C. Witz, Droit privé allemand : Litec, 1992, n° 509 et s., p. 393 et s.).

Cela emporte trois séries de conséquences. Tout d’abord, le mandat est un lien contractuel entre les parties indépendant de la représentation. Il est donc possible qu’il y ait représentation avec un lien contractuel autre que le mandat tel qu’un louage de service (contrat de travail) ou un louage d’ouvrage (contrat d’entreprise). Ensuite, le contrat de mandat et la représentation ont des domaines distincts. Le débiteur peut être tenu d’une obligation de faire des actes juridiques et matériels. Seuls les actes juridiques engageront le créancier. Enfin, pour déterminer l’étendue du pouvoir du représentant, il ne faut pas avoir égard à la relation contractuelle mais à l’acte par lequel on établit la représentation (sur ces trois points, Ph. Didier, De la représentation en droit privé, Préf. Y. Lequette, t. 339 : LGDJ, n° 63, p. 41).

Cette façon de raisonner va influencer le Code suisse des obligations de 1911 (P. Engel, Contrats de droit suisse : Ed. Staempfli, 1992, Berne, p. 446 et s. – M. Mustafa, La distinction du mandat et du contrat d’entreprise en droit suisse : Thèse Genève, 1958). Au départ, le mandat est défini de manière négative comme un contrat portant sur un service ou une affaire qui n’est ni un louage d’ouvrage ni un louage de service (P. Engel, op. cit., p. 446). La représentation est régie par les articles 32 et suivants du Code des obligations suivant en cela les réflexions du droit allemand. Une distinction est ainsi réalisée entre la relation juridique qui existe entre le représenté et le représentant, par laquelle on détermine les droits et les obligations de chaque partie, et la procuration au sens propre qui précise “si et dans quelle mesure les actes accomplis par le [représentant] au nom [du représenté] sont opposables à ce dernier” (P. Engel, Traité des obligations en droit suisse : éd. Ides et calendes, 1973, p. 79).

La même séparation existe en droit italien. Le Code civil italien (1942) distingue le mandat et la représentation. L’article 1703 définit le mandat par l’obligation pour le mandataire de faire des actes juridiques pour le compte d’autrui. Pour savoir s’il y a lieu et dans quelle mesure il y a lieu d’imputer ces actes sur le mandant, il faut se référer à l’existence d’un pouvoir de représentation régi par les articles 1387 et suivants du Code civil.

En droit français, en revanche et de manière paradoxale, les relations qui naissent entre tous les acteurs juridiques du mandat (mandant, mandataire et tiers) sont conçues comme formant un ensemble (sur la comparaison du modèle français et du modèle allemand, M. Storck, Essai sur le mécanisme de la représentation dans les actes juridiques : LGDJ, 1982, spéc. n° 320 et s.). Pourtant une distinction entre relation interne et relation externe figure, en filigrane, dans les principes du droit européen du contrat (Pedc). En effet, l’article 3 : 101 Pedc dispose que “le présent chapitre (chapitre 3 : pouvoir de représentation) régit le pouvoir d’un représentant ou d’un autre intermédiaire d’obliger le représenté en vertu d’un contrat avec un tiers”. C’est ainsi l’acte de représentation qui est ici encadré, moins que le contrat de mandat (V. not. G. Rouhette avec le concours de I. De Lambertie, D. Tallon et Cl. Witz, Principes du droit européen du contrat : Société de législation comparée, 1998, spéc. p. 157 et s.). Les PDEC distinguent la représentation directe (art. 3 : 102 [1]) lorsque le représentant agit au nom du représenté, et la représentation indirecte (art. 3 : 102 [2]) lorsqu'”un intermédiaire agit sur les instructions et pour le compte, mais non au nom d’un représenté”. Dans ce deuxième cas, seul “l’intermédiaire” est engagé par ses actes. Cette distinction entre les deux formes de représentation n’est pas reprise, formellement du moins, dans les principes Unidroit, ni dans l’avant-projet de Code européen des contrats ou dans l’avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription. En outre, le projet de cadre commun de référence supprime cette distinction qu’il juge inutile (pour une étude d’ensemble, B. Fauvarque-Cosson et D. Mazeaud [dir.], Projet de cadre commun de référence. Principes contractuels communs, Association Henri Capitant et Société de Législation Comparée, vol. 7 : éd. Société de législation comparée, 2008, spéc. p. 285 et s.).

Le critère douteux du mandat (la représentation).- La notion de représentation est au cœur du débat et du contentieux relatifs au mandat. Il convient, en premier lieu, de relativiser la représentation comme critère du mandat, afin, en deuxième lieu, de pouvoir concevoir l’existence de mandats sans représentation.

Le critère du contrat de mandat ?

La notion de représentation – La représentation recouvre, dès les origines, une connotation religieuse. Est-il possible de représenter Dieu ? (sur cette question, V. Deroche, Entre Rome et l’Islam. Les Chrétiens d’Orient : Sedes, 1996, spéc. p. 214 et s.). Prohibée par la religion musulmane, la représentation de Dieu est perçue comme une nécessité par les Chrétiens. “Elle est nécessaire car seule la représentation permet d’exprimer le mystère de l’incarnation alors que le langage humain ne le peut pas” (Ph. Didier, De la représentation en droit privé, Préf. Y. Lequette, t. 339 : LGDJ, n° 1, p. 2). Il y aurait ainsi une part de magie dans la représentation (V. G. Gurvitch, La magie et le droit, Préf. Fr. Terré : rééd. Dalloz, 2004).

Sur le plan étymologique, la représentation a pour racine latine repraesentare qui signifie l’action de mettre la chose sous les yeux de l’observateur (Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française, V° Représentation). La représentation consiste donc à rendre présent. L’étymologie ne doit pas dissimuler la polysémie du mot. Le Littré ne relève pas moins de 18 sens (sur cette polysémie, V. Ph. Didier, th. préc., n° 3 et s., p. 2 et s.). À l’égard du contrat de mandat, la définition de la représentation qui importe est celle qui se présente comme le fruit d’une évolution historique. Représenter c’est l’action de faire un acte au nom et pour le compte d’autrui, en vertu d’un pouvoir.

Dès le départ, la doctrine a adopté une conception restrictive de la représentation en niant quasiment le rôle du représentant (V. not. le tribun Tarrible : “la personne du mandataire disparaît comme un échafaudage devenu inutile après la construction de l’édifice” : Jurispr. Gén. Dalloz, V° Mandat, travaux préparatoires, n° 15). La représentation, dont le modèle est le mandat, repose entièrement sur la personne du mandant dont le mandataire, transparent, ne fait qu’exprimer la volonté (J.-B. Duvergier, t. IV, n° 272 : “Lorsque [le mandataire] accomplit la mission qu’il a reçue, ce n’est pas lui qui agit, c’est le mandant”). Cette conception volontariste voire robinsoniste de la représentation (E. Gaillard, La représentation et ses idéologies en droit privé français, in La représentation : Revue Droits, n° 6, 1987, p. 91 et s., spéc. p. 93. – Ph. Didier, th. préc., n° 10, p. 6), a dû être tempérée lorsque la personne représentée est incapable de manifester une telle volonté. Certains auteurs tels que G. Ripert et J. Boulanger ont alors tenté de proposer deux formes de représentation : une première qui aurait pour objet la volonté du représenté ; une seconde ayant pour objet l’intérêt du représenté (G. Ripert et J. Boulanger, Traité de droit civil, t. II, Obligations, droits réels : LGDJ, 1957, n° 214). Malgré les critiques que l’on peut formuler à l’encontre d’une telle distinction, dès les origines les débats doctrinaux se concentrent sur ce nœud gordien de la représentation et ce, plus spécialement, en matière conventionnelle.

La représentation est présentée, à l’époque de J.-B. Duvergier et encore de nos jours, comme un élément déterminant du mandat. Cependant, une fois ce postulat posé, il est difficile de déterminer la place qu’il convient de lui attribuer. S’agit-il d’un élément essentiel, naturel ou accidentel. Essentiel, il serait impossible de concevoir un mandat sans représentation. Naturel, le mandat est toujours présumé reposer sur ce mécanisme de représentation mais il peut parfois faire défaut. Accidentel, il dépendrait entièrement des stipulations contractuelles. En somme, si le mandat est difficile à appréhender, c’est en raison de la complexité même du mécanisme de représentation. Un rapide rappel historique s’impose.

Élément essentiel ou naturel ? – À l’origine, la représentation n’était pas un élément essentiel du mandat mais un élément naturel. Les premiers signes du mandat apparaissent à Rome sous le nom de procurator. Le pater familias se faisait aider de ses esclaves dans la gestion de ses affaires. Devant l’absence plus fréquente du pater familias, cette aide devint plus fréquente en contrepartie de quoi les esclaves, ayant bien géré les affaires du pater familias, devenaient des affranchis tout en continuant à rester dans la famille où ils continuaient leur gestion. Progressivement, cette pratique s’est banalisée et les familles ont fait appel à des affranchis extérieurs. Se met alors en place un mécanisme de remplacement appelé la procuratio sanctionnée par une actio negotiorum gestorum (G. Le Bras, L’évolution générale du procurateur en droit privé romain des origines au IIIe siècle : Thèse, Paris, 1922, spéc. p. 30 et s.). Le procurator est un administrateur général des biens d’autrui qui est rémunéré en nature ou en espèce (J.-H. Michel, Quelques observations sur l’évolution du procurator en droit romain, in Mélanges Macqueron : Université Aix-Marseille, 1970, p. 519 et s.). La procuratio a étendu son champ d’application avec l’apparition d’une procuratio ad litem puis d’une procuratio spéciale et non plus d’administration générale.

C’est par la suite qu’est apparu le contrat de mandat. À l’opposé de la procuratio, le mandat était au départ pourvu d’un objet spécial (R. Monier, Manuel de droit romain, 5e éd. 1954, réimpression 1970, t. II, p. 181 et s.) pour, ensuite, voir son objet s’élargir. Dès cette époque, procuratio et mandat se rapprochent pour finalement être confondus au sein du Code Justinien (A. Watson, Contract of mandate in Roman law, Oxford, 1961, p. 60 et s.).

On perçoit à travers l’objet du mandat la grande hétérogénéité du concept à l’époque romaine. On a l’impression d’un contrat fourre-tout. Tout est susceptible d’être l’objet d’un mandat : déposer des vêtements à laver, accompagner quelqu’un en un lieu indiqué, réparer une chose. Le mandat ne peut être conçu à l’époque que comme le fait de confier “quelque chose à faire” (P.-F. Girard, Manuel élémentaire de droit romain : par F. Senn, 8e éd. 1929, p. 618). Il s’agit d’un “service” (A.-E. Giffard et R. Villers, Droit romain et ancien droit français [Obligations] : Précis Dalloz, 4e éd. 1976, n° 131). Difficile à ce titre de distinguer le mandat du louage si ce n’est en soulignant le caractère essentiellement gratuit du mandat (C. Giverdon, L’évolution du contrat de mandat : thèse Paris, 1947, n° 61 et s., p. 41 et s.). Cependant, non seulement cette gratuité à l’époque romaine est discutable (Ph. Didier, th. préc., n° 48 et s., p. 32 et s.) mais en outre, avec l’évolution de la société française, la gratuité devient naturelle et non plus essentielle (Ph. Le Tourneau, De l’évolution…, op. cit., spéc. p. 157).

En définitive, conclure un mandat à l’époque romaine revient à confier une mission à quelqu’un sans qu’une relation avec un tiers soit nécessaire, même si elle est possible. Surtout, peu importe les moyens mis en oeuvre, actes matériels ou actes juridiques, ce qui importe est le but assigné au mandataire.

Quant à la représentation, c’est-à-dire le pouvoir d’engager autrui, elle faisait défaut en tant que telle à Rome. On la retrouve sous la forme limitée d’une double action en justice attribuée au tiers contre le “représentant” (fils ou esclave) et contre le “représenté” (le paterfamilias) (P.-F. Girard, op. cit., p. 709 et s.). Mais il ne s’agit pas encore d’une véritable représentation car le fils ou l’esclave est personnellement engagé. Sous l’Ancien régime, le mandat disparaît. Reste uniquement la procuration, spécialement en justice, dans la pratique médiévale (J.-L. Gazzaniga, Mandat et représentation dans l’ancien droit, in La représentation : Revue Droits, p. 21 et s., spéc. p. 23). Cette procuration en justice, d’abord exceptionnelle, s’étend pour devenir le principe tout en restant dépourvue de toute représentation (J. Brissaud, Manuel d’histoire du droit français : Paris, 1904, p. 1446 et s.).

Il faut attendre les post-glossateurs, avec notamment Bartole, pour que la représentation trouve toute sa place dans le mandat. En élargissant l’objet du mandat, il se rapproche de la procuration et s’échappe progressivement du modèle romain (F. Cagninacci, Le mandat dans la doctrine française de l’Ancien Régime XIIIe-XVIII : Thèse Nancy, 1959, p. 163 et s.). Bartole lance l’idée d’un mandat avec représentation. Cette idée est réceptionnée, en France, par un arrêt du Parlement de Paris en 1551 (L.-E. Barthélémy, Du mandat en droit romain et en droit civil français : Thèse Toulouse, 1886, p. 122). Ce mécanisme gagne, tout d’abord, le procès avec le mandat ad litem pour être, par la suite, généralisé à tous les mandats. Désormais le principe est inversé. Le mandataire ne s’engage plus en principe personnellement. Il y a dans le mandat une représentation de principe dès le 16e siècle.

Reste à savoir si la représentation est devenue à cette époque un élément essentiel. À l’analyse des définitions proposées par Domat et Pothier (J. Domat, Les loix civiles dans leur ordre naturel : t. XV, sect. 1, § 1 : la procuration est “l’acte par lequel celui qui ne peut vaquer lui-même à ses affaires donne pouvoir à un autre de le faire pour lui, comme s’il était présent : soit qu’il faille simplement gérer, et prendre soin de quelque biens ou de quelque affaire, ou que ce soit pour traiter avec d’autres” ; Pothier, Traité du mandat, 1781, article préliminaire : le mandat [qu’il différencie de la gestion d’affaire uniquement en ce qu’elle ne serait pas un contrat] est le contrat par “lequel l’un des contractants confie la gestion d’une ou de plusieurs affaires pour la faire en sa place et à ses risques, à l’autre contractant qui s’en charge gratuitement et s’oblige à lui rendre compte”), la représentation n’est pas de l’essence du mandat. Elle n’en est qu’un élément naturel.

En conclusion, à la veille du Code civil, tout mandat ne suppose pas représentation.

Dès le 19e siècle, la représentation passe du statut d’élément naturel à celui d’élément essentiel (sur le rapprochement des techniques sous la forme d’une attraction, V. R. Perrot, De l’influence de la technique sur le but des institutions juridiques : Thèse Paris, Sirey, 1947, spéc. n° 28, p. 45 et 46). Ce faisant, le droit français est à contre-courant de l’ensemble de ses voisins européens qui, à la même époque, distinguent sous l’influence du droit allemand le mandat et la représentation (V. supra).

Dans les premiers projets de Cambacérès, la représentation est négligée au profit de la gestion des affaires d’autrui qui se présente comme l’élément central du contrat de mandat (A. Fenet, t. I, p. 92, art. 12 ; p. 135, art. 261 ; p. 319, art. 1063 ; p. 136). Inspiré des réflexions de Domat et Pothier, l’article 1984 c.civ. dispose que “le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandat et en son nom. Le contrat ne se forme que par l’acceptation du mandataire”. Les termes de cette disposition laissent entendre qu’aucune distinction n’est opérée entre mandat et représentation. Pourtant, dans la présentation que faisait le tribun Tarrible du projet, où les mêmes termes y figuraient, il précisait que “le mandat a fréquemment pour objet des traités avec des tierces personnes”, ce qui signifie, a contrario, pas exclusivement (A. Fenet, t. XIV, p. 602. Sur cette remarque, V. Ph. Didier, th. préc., n° 73, p. 46 et s. qui souligne l’influence dans la rédaction du Code civil Prussien de 1794). Les premiers commentateurs du Code civil, fidèles à Pothier, vont assimiler représentation et mandat (Merlin de Douai, Répertoire de Jurisprudence : 4e éd., t. 8, 1813, V° Notaires, § VI, p. 631) et la Cour de cassation dans un arrêt de la Chambre civile du 27 janvier 1812 est également en ce sens (Cass. civ., 27 janv. 1812 : Journal des audiences 1812, p. 216, aff. Anjubault).

La doctrine moderne se compose de deux clans. Le premier, mené par les idées dites révolutionnaires de J.-B. Duvergier (J.-B. Duvergier, Le droit civil français suivant l’ordre du Code, t. 19 du traité de Toullier, t. 4 de la continuation : Paris, 1837, n° 270 et s., p. 307 et s.), relayé par la suite par Ch. Aubry et Ch. Rau, fait de la représentation le critère moderne du mandat (C. Aubry et C. Rau, Cours de droit civil français, t. 3, 3e éd. 1856, § 344 et s.). Selon J.-B. Duvergier, « celui qui loue son travail, agit en son nom ; les actes qu’il fait émanent de sa volonté et de sa capacité personnelle. Au contraire, le mandataire agit au nom du mandant ; c’est la capacité et la volonté du mandant qui donnent force et effet à ses actes » (J.-B. Duvergier, op. cit., n° 272, p. 313). Les soubassements volontaristes de cette explication moderne sont manifestes (V. E. Gaillard, La représentation et ses idéologies…, op. cit., spéc. p. 93 et 94 : “tout entière construite sur le modèle du mandat et de la représentation volontaire, la représentation efface la volonté du représentant, conçu comme un simple exécutant, et magnifie la volonté, réelle ou supposée, du représenté, seul sujet de droits subjectifs et seul personnage conçu dans la permanence par le droit privé français classique”).

L’autre clan persiste à faire reposer le critère du mandat sur la nature des faits qui en sont l’objet, le mandat appartenant à l’ordre non marchand (sur les critiques formulées contre J.-B. Duvergier, M. Troplong, Le droit civil expliqué suivant l’ordre des articles du Code. De l’échange et du louage, t. 2 : 3e éd. 1859, n° 805 et s.). Les arts libéraux insusceptibles d’évaluation en argent sont l’objet d’un mandat à la différence des arts mécaniques (en ce sens, M. Troplong, Ibid, n° 792 et s.).

La doctrine dite paradoxalement “moderne” l’emporte (J. Valéry, Des caractères distinctifs du contrat de mandat dans le Code civil : Thèse Aix-Marseille, 1898, p. 57 et s., qui reprend la démonstration de J.-B. Duvergier ; adde, Fr. Laurent, Principes de droit civil français, t. 27, Bruxelles : 2e éd. 1877, n° 334, p. 376) avec le soutien de la jurisprudence. Par un arrêt de principe du 14 avril 1886 la Cour de cassation prend le parti de l’École dite moderne. Au fondement de l’article 1984 du Code civil, elle a jugé que : “le caractère essentiel de ce contrat [le mandat] consiste dans le pouvoir donné au mandataire de représenter le mandant […]”. La représentation est alors sacralisée comme critère du mandat.

La conclusion de M. Ph. Didier est alors éclairante : “En reprenant l’évolution du mandat, on mesure tout le chemin parcouru par celui-ci. Il apparaît ainsi qu’il s’est pendant longtemps développé indépendamment de la représentation. La liaison de ces deux éléments n’a été que tardive. Elle ne semble s’être faite qu’accidentellement. Ce n’est que parce que la distinction des activités mécaniques et des activités libérales a décliné que s’est posé le problème du critère du mandat. Le choix fait par Duvergier de la représentation comme critère du mandat ne nous apparaît ainsi que comme une solution par élimination. Sa proposition n’a pas été une réponse à une attente mais résulte uniquement de l’impossibilité de conserver d’autres critères” (Ph. Didier, th. préc., n° 77, p. 50 ; dans le même esprit “accidentel”, Ch.-W. Chen, Apparence et représentation en droit positif français, Paris, t. 340 : LGDJ 2000, n° 26 et s., p. 21 et s.).

Le lien entre représentant et mandat – Malgré ce constat, dans la doctrine contemporaine, le lien entre représentation et mandat a la peau dure (V. not. P. Puig, th. préc., spéc. n° 137, p. 205 : “la définition du mandat implique en effet la représentation : le mandataire agit pour le compte de son mandant et “en son nom”. Il est toujours permis de regretter une définition aussi étroite, même de la critiquer, mais le fait est que la notion de représentation est au cœur de l’opération visée à l’article 1984 du Code civil, dont elle constitue l’essence” ; dans le même sens, Ph. le Tourneau, Mandat : Rép. civ. Dalloz, 2000, n° 68 et s., p. 13 et s. – Ph. Pétel, Le contrat de mandat : Dalloz, coll. Connaissance du droit, 1994, p. 2. – M. Storck, th. préc., n° 130 et s., p. 97 et s. – P.-H. Antonmattéi et J. Raynard, Droit civil. Contrats spéciaux : Litec, 5e éd. n° 457, p. 343, l’accomplissement d’actes juridiques est de l’essence du mandat. – Chr. Larroumet, Droit civil. Les obligations. Le contrat. 1re partie conditions de formation, t. II : Economica, 6e éd. 2007, n° 153 et s., p. 134 et s.). La représentation n’est pas uniquement conventionnelle. Elle peut être légale ou judiciaire.

À l’analyse des pratiques contractuelles, il serait pourtant opportun d’aller au-delà du mandat réduit au seul critère de la représentation. À ce titre, de manière plus originale, un certain courant doctrinal, citant le prête-nom et la commission, défend l’existence de mandats sans représentation (sur cette question, M.-L. Izorche, À propos de “mandat sans représentation” : D. 1999, chron. p. 369 et s. – A. Bénabent, Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux. Fr. Collart-Dutilleul et Ph. Delebecque, Contrats civils et commerciaux. V. déjà en ce sens Troplong, Du mandat. Contra, Ph. Malaurie, L. Aynès et P.-Y. Gautier, Droit des contrats spéciaux). En effet, a priori, les termes de l’article 1984 c.civ. ne s’y opposent pas. Agir pour le compte et au nom d’autrui n’exige pas la représentation. Agir au nom d’autrui ce n’est “rien d’autre pour une personne qu’entrer en relations avec un tiers en lui faisant savoir qu’elle s’affuble du nom d’autrui pour ce faire” (N. Dissaux, th. préc., n° 248, p. 108). Cette acception ouvre des perspectives importantes pour le mandat qui peut être conçu comme une forme d’intermédiation, voire le modèle de l’intermédiation, sans pour autant qu’il y ait représentation.

À dire vrai, c’est la représentation elle-même qui ne peut être maintenue dans son statut d’élément essentiel au mandat. Par un effet boule de neige, la nature des actes accomplis devient alors indifférente. La défense d’un mandat sans représentation ou pourvu d’une conception plus large de la notion de représentation peut se fonder sur une série d’arguments. Il est, tout d’abord, possible de distinguer, comme en droit allemand, la procuration, acte juridique unilatéral, qui crée la représentation, et le contrat de base (mandat, entreprise, dépôt) (sur cette distinction, V. supra. Dans le même sens, V. F. Leduc, Deux contrats en quête d’identité. Les avatars de la distinction entre le contrat de mandat et le contrat d’entreprise, in Etudes G. Viney : LGDJ, 2008, p. 595 et s., spéc. p. 626). Il est également possible de jouer sur le terme de “pouvoir”. Le pouvoir consiste à exercer les droits subjectifs d’autrui. En ce sens, le mandataire est habilité à exercer les droits du mandant qui l’a habilité (F. Leduc, op. cit., p. 627). Le mandat serait ainsi un “contrat par lequel une personne, le mandant, confère à une autre personne, le mandataire, le pouvoir d’exercer ses droits subjectifs, en prenant des décisions qui s’imposeront à lui, que celles-ci se traduisent concrètement par l’accomplissement d’actes juridiques ou matériels” (F. Leduc, op. cit., p. 628). Alors que dans le contrat d’entreprise, l’entrepreneur reçoit la mission d’exécuter la volonté du maître d’ouvrage, il y a mandat si on “décide pour autrui”. Il y a entreprise lorsqu’il s’agit “d’exécuter la volonté d’autrui”. Même si la distinction paraît subtile, elle a le mérite de ne pas s’arrêter aux deux postulats selon lesquels, d’une part, le mandat présuppose la représentation et, d’autre part, le mandataire est celui qui accomplit des actes juridiques. L’échange d’argumentations n’est pas épuisé et le débat n’est pas clos.

Dans ce contexte, la lumière peut être faite sur ce qu’il est convenu d’appeler des mandats “sans représentation”.

 Les mandats “sans représentation”. Il existe certaines hypothèses où la qualification de mandat est problématique. Il en est ainsi du contrat de commission et de la convention de prête-nom. Si l’on applique le critère de la représentation, faisant défaut, la qualification de mandat est exclue. Si la représentation n’est plus conçue comme un élément essentiel du mandat, ou du moins s’il l’on adhère à l’idée d’une représentation “indirecte” ou “imparfaite”, il est alors possible de défendre la qualité de mandataire du prête-nom ou du commissionnaire (A. Bénabent, op. cit., n° 694 et s., p. 476. – Fr. Collart-Dutilleul et Ph. Delebecque, op. cit., n° 659 et s., p. 552 et s. – Contra, N. Dissaux, th. préc., n° 251 et s., p. 112 et s. : l’auteur rejette la qualification de mandat car, dans le contrat de commission, le commissionnaire refuse de donner l’identité de la personne pour le compte de laquelle il agit et, dans le prête-nom, le tiers ignore l’existence même de la personne pour le compte de laquelle le prête-nom agit. Ces deux contrats ne sont pas des mandats non pas parce qu’il n’y aurait pas représentation, ce qui importe peu. Ils ne sont pas simplement des mandats car ils n’agissent pas au nom d’un mandant).

Les composantes du mandats.- Plusieurs éléments viennent structurer la convention de mandat. Il s’agit d’une convention aux multiples facettes puisqu’elle est consensuelle ou solennelle, tacite ou expresse, unilatérale ou synallagmatique, accessoire ou principale, à titre gratuit ou à titre onéreux, civile ou commerciale, générale ou spéciale, conclue intuitu personae ou sans considération de la personne.