I) L’introduction de l’instance
==> Délais
- Le délai de trois mois
- L’article 1113 du Code de procédure civile prévoit que pendant les trois mois suivant le prononcé de l’ordonnance de non-conciliation, seul l’époux qui a présenté la requête initiale peut assigner
- À l’expiration de ce délai, cette faculté est ouverte à l’époux le plus diligent.
- En effet, l’autorisation d’introduire l’instance accordée par le juge dans l’ordonnance de non-conciliation vise désormais les deux époux et non plus seulement celui des deux qui a déposé la requête initiale
- Il convient toutefois d’observer que le premier alinéa de l’article 1113 ne vise que « l’assignation» en divorce formée par un époux et non « l’introduction de l’instance ».
- Ainsi, le privilège reconnu au requérant pour assigner dans les trois mois de l’ordonnance de non-conciliation ne s’applique pas à la requête conjointe, laquelle peut être présentée par les époux immédiatement après l’ordonnance de non-conciliation.
- Le délai de trente mois
- L’article 1113, al. 2 du Code de procédure civile prévoit que, en cas de réconciliation des époux, ou si l’instance n’a pas été introduite dans les trente mois du prononcé de l’ordonnance, toutes ses dispositions sont caduques, y compris l’autorisation d’introduire l’instance.
- Ainsi, l’instance doit être introduite dans le délai maximum de trente mois, à défaut de quoi l’ordonnance de non-conciliation devient caduque, y compris l’autorisation d’assigner
- Il appartiendra alors aux époux de déposer une nouvelle requête initiale
==> L’acte introductif d’instance
L’introduction de l’instance peut, conformément aux dispositions prévues en matière contentieuse devant le tribunal de grande instance, s’effectuer :
- par assignation
- par requête conjointe
Cette dernière présente un intérêt particulier en matière de divorce accepté.
Le recours à la requête conjointe est même obligatoire lorsque les époux s’accordent après l’ordonnance de non-conciliation sur le prononcé d’un divorce sans considération des faits à l’origine de la rupture
==> Choix du cas de divorce
- Liberté de choix
- Principe
- Les époux sont libres de choisir le cas de divorce sur le fondement duquel ils envisagent d’assigner
- Cette liberté est renforcée par l’article 252-4 du code civil qui prévoit que « ce qui a été dit ou écrit à l’occasion d’une tentative de conciliation, sous quelque forme qu’elle ait eu lieu, ne pourra pas être invoqué pour ou contre un époux ou un tiers dans la suite de la procédure. »
- Exception
- Il n’existe qu’une seule exception à la liberté de choisir le cas de divorce.
- Si, lors de l’audience de conciliation, ou à tout autre moment de la procédure, les époux ont déclaré accepter le principe de la rupture du mariage et le prononcé du divorce sur le fondement de l’article 233 du code civil, l’instance ne peut être introduite que sur ce fondement
- La voie du divorce pour faute ou pour altération définitive du lien conjugal leur sera fermée.
- Exclusivité du cas de divorce
- L’article 1077 du Code de procédure civile prévoit que la demande ne peut être fondée que sur un seul des cas prévus au troisième à sixième alinéas de l’article 229 du code civil.
- Aussi, toute demande formée à titre subsidiaire sur un autre cas est irrecevable.
==> Proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux
L’article 257-2 du Code civil prévoit que « à peine d’irrecevabilité, la demande introductive d’instance comporte une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux ».
L’objectif recherché est, sans retarder à l’excès l’engagement de la procédure, de permettre au juge d’appréhender, dès ce stade, la réalité de la situation patrimoniale des époux.
L’article 1115 du Code de procédure civile précise la nature de cette proposition en indiquant qu’elle contient un descriptif sommaire du patrimoine des époux et les intentions du demandeur quant à la liquidation de la communauté ou de l’indivision, et, le cas échéant, quant à la répartition des biens :
- Contenu de la proposition
- La description du patrimoine doit comporter les éléments aussi bien actifs que passifs qui le composent.
- Elle doit viser les biens communs et indivis des époux mais également les biens propres du demandeur.
- S’agissant de la description du patrimoine propre du défendeur, cette exigence doit s’apprécier en fonction des difficultés pratiques, voire des obstacles, que le demandeur peut rencontrer.
- Le caractère sommaire du descriptif ne doit pas dispenser le demandeur d’une obligation de sincérité, en particulier pour les biens dont il a la connaissance particulière à raison de l’usage qu’il en fait.
- Cette obligation de sincérité résulte directement du principe de loyauté procédurale.
- Nature de la proposition
- Afin que les « intentions » du demandeur ne puissent s’analyser comme des demandes au sens processuel du terme, l’article 1115, al. 2 précise que cette proposition ne constitue pas une prétention au sens de l’article 4 du nouveau code de procédure civile.
- Le juge n’a donc pas à statuer
- ni sur les intentions du demandeur quant à la liquidation
- ni sur les moyens que la partie adverse aurait pu exposer pour les contredire
- Sanction
- Pour éviter toute manœuvre dilatoire, l’exception d’irrecevabilité doit être invoquée avant toute défense au fond.
- Dans la mesure où elle ne constitue pas une exception d’ordre public, elle ne peut être soulevée d’office par le juge.
II) La demande reconventionnelle
==> Fondement
La demande reconventionnelle peut, à l’instar de la demande principale, être fondée sur l’un quelconque des cas de divorce prévu par l’article 257-1 du code civil soit :
- Le divorce pour altération définitive du lien conjugal,
- Le divorce pour faute
- Le divorce accepté
Lorsque toutefois, l’acceptation des époux sur le principe de la rupture sans considération des faits à son origine a été constatée lors de l’audience de conciliation dans les formes requises par l’article 1123 du nouveau code de procédure civile, le divorce est automatiquement prononcé sur le fondement de L’article 233 du code civil.
Le principe énoncé à l’article 1077 du nouveau code de procédure civile aux termes duquel la demande ne peut être fondée que sur un cas de divorce et toute demande formée à titre subsidiaire sur un autre cas étant irrecevable, est applicable à la demande reconventionnelle.
==> Ordre d’examen des demandes
L’article 246 al. 1er du code civil contient une disposition essentielle s’agissant de l’ordre d’examen, par le juge, des demandes en divorce respectivement formées par les parties.
Aux termes de cette disposition, le juge n’examine plus systématiquement, en premier lieu, la demande principale en divorce.
En effet, lorsqu’une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, la demande pour faute sera toujours examinée en premier, même si celle-ci est présentée à titre reconventionnel.
En application de cette règle de primauté de l’examen de la demande de divorce pour faute deux situations doivent être distinguées :
- La demande en divorce pour faute est formée à tire principale
- La demande en divorce pour faute est accueillie
- Le divorce est prononcé aux torts exclusifs du conjoint sans que le juge n’ait à examiner la demande fondée sur l’article 237 du code civil.
- La demande en divorce pour faute est rejetée
- L’article 246, al. 2 prévoit alors que le juge statue sur la demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal
- Le divorce sera prononcé sur ce fondement quelle que soit la durée de séparation, ce en application de l’article 238, al. 2 du Code civil
- La demande en divorce pour faute est formée à titre reconventionnel
- La demande en divorce pour faute prime sur la demande en divorce pour altération du lien conjugal formée à titre principal
- Toutefois, l’article 247-2 du Code civil autorise le demandeur à invoquer les fautes de son conjoint pour modifier le fondement de sa demande
- Ainsi, peut-il basculer sur une demande en divorce pour faute, par dérogation à l’article 1077 qui interdit de former des demandes subsidiaires
- Dans un arrêt du 11 septembre 2013, la Cour de cassation a considéré en ce sens que « l’article 247-2 du code civil ouvre au demandeur la possibilité de solliciter le prononcé du divorce aux torts partagés pour le cas où la demande reconventionnelle en divorce pour faute de son conjoint serait admise, sans le contraindre à renoncer à sa demande principale en divorce pour altération du lien conjugal, pour le cas où cette demande reconventionnelle serait rejetée, de sorte que la demande de M. X… tendant au prononcé du divorce aux torts partagés ne pouvait être regardée comme une demande formée à titre subsidiaire au sens de l’article 1077, alinéa 1, du code de procédure civile» ( 1ère civ. 11 sept. 2013)
- Cette solution se justifie par la nécessité de permettre au demandeur principal qui se voit opposer un divorce pour faute à titre reconventionnel de se défendre et de ne pas encourir le risque d’être condamné à ses torts exclusifs.
III) Les passerelles
Dans un souci de pacification de la procédure, le législateur a souhaité, en 2004, faciliter l’évolution de l’instance vers une forme plus consensuelle et à interdire toute évolution vers une forme plus contentieuse, sauf le cas particulier prévu à l’article 247-2 du code civil.
Ainsi, est-il désormais permis aux époux de modifier le fondement de leur demande en divorce au moyen de passerelles instituées aux articles 247 et 247-1 du Code civil
==> Passerelle conduisant au divorce par consentement mutuel conventionnel
L’article 247, 1° prévoit que, à tout moment de la procédure, les époux peuvent divorcer par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire
Concrètement cela signifie que qu’il existe une passerelle entre le divorce par consentement mutuel conventionnel et
- Le divorce pour faute
- Le divorce pour altération définitive du lien conjugal
- Le divorce accepté
Ces passerelles sont toutefois à sens unique : elles ne peuvent être empruntées que pour aller d’un divorce contentieux vers un divorce par consentement mutuel.
La demande aux fins de passerelle peut intervenir tant qu’aucune décision sur le fond n’a été rendue.
Elle peut donc être formulée dès après l’ordonnance de non-conciliation et postérieurement à la clôture.
==> Passerelle conduisant du divorce par consentement mutuel judiciaire
L’article 247, 2° prévoit que dans l’hypothèse où la voie du divorce par consentement mutuel conventionnel est fermée en raison de la demande d’audition d’un enfant mineur par le juge, les époux peuvent toujours basculer vers le divorce par consentement mutuel judiciaire.
À cette fin, il leur appartient de demander au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce par consentement mutuel en lui présentant une convention réglant les conséquences de celui-ci.
==> Passerelle conduisant au divorce accepté
L’article 247-1 du Code civil prévoit que les époux peuvent également, à tout moment de la procédure, lorsque le divorce aura été demandé pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, demander au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage.
Cette passerelle peut ainsi être empruntée à partir :
- Du divorce pour faute
- Du divorce pour altération définitive du lien conjugal
Cette demande doit être formulée de façon expresse et concordante dans les conclusions respectives des époux.
Chaque époux aura préalablement signé une déclaration d’acceptation qui sera annexée aux conclusions de son avocat, conformément aux prescriptions de l’article 1123 alinéa 5 du Code de procédure civile, et rappellera qu’elle n’est pas susceptible de rétractation.
==> Passerelle conduisant au divorce pour faute
L’article 247-2 du Code civil envisage une passerelle qui ne peut être empruntée que par une seule partie :
L’époux qui a choisi d’introduire l’instance sur le fondement de l’altération définitive du lien conjugal (art. 237 C. civ.) peut modifier sa demande en la fondant sur la faute (art. 242 C. civ.) si son conjoint a lui-même formé une demande reconventionnelle en divorce pour faute.
L’objectif de ce mécanisme est d’encourager la volonté de pacification de l’époux demandeur qui choisit d’introduire l’instance pour altération définitive du lien conjugal.
Il conserve ainsi la possibilité de revenir à un divorce plus contentieux, au vu de la réaction procédurale de son conjoint.