Le consentement des associés

Les articles 1832 et 1128 du Code civil ayant érigé le consentement comme une condition de validité du contrat de société, celui-ci est nul dès lors que les associés n’ont pas valablement consenti à leur engagement.

Aussi, cela suppose-t-il que le consentement des associés existe et qu’il ne soit pas vicié

I) L’existence du consentement des associés

La condition relative à l’existence du consentement se traduit, en droit des sociétés, par l’exigence d’un consentement non simulé.

La simulation consiste pour les associés à donner l’apparence de constituer une société alors que la réalité est toute autre.

Aussi, la simulation peut-elle prendre trois formes différentes. Elle peut porter :

  • Sur l’existence du contrat de société
  • Sur la nature du contrat conclu entre eux
  • Sur la personne d’un ou plusieurs associés

==> La simulation portant sur l’existence du contrat de société

Dans l’hypothèse où la simulation porte sur l’existence du contrat de société, on dit que la société est fictive.

  • Notion de fictivité
    • Une société est fictive lorsque les associés n’ont nullement l’intention de s’associer, ni même de collaborer
    • Ils poursuivent une fin étrangère à la constitution d’une société
  • Caractères de la fictivité
    • Les juges déduiront la fictivité de la société en constatant le défaut d’un ou plusieurs éléments constitutifs de la société
      • Défaut d’affectio societatis
      • Absence d’apport
      • Absence de pluralité d’associé
    • Sanction de la fictivité
      • Il convient de distinguer selon que la société fait ou non l’objet d’une procédure collective :

1. Si la société fictive fait l’objet d’une procédure collective

  • Dans un arrêt Lumale du 16 juin 1992, la Cour de cassation a estimé « qu’une société fictive est une société nulle et non inexistante» ( com. 16 juin 1992).
  • Il en résulte plusieurs conséquences :
    • La nullité ne produit aucun effet rétroactif conformément à l’article 1844-15 du Code civil qui prévoit que « lorsque la nullité de la société est prononcée, elle met fin, sans rétroactivité, à l’exécution du contrat. »
    • La nullité n’est pas opposable aux tiers de bonne foi conformément à l’article 1844-16 du Code civil qui prévoit que « ni la société ni les associés ne peuvent se prévaloir d’une nullité à l’égard des tiers de bonne foi»
    • L’action en nullité se prescrit par trois ans

Arrêt Lumale

Schéma 1.JPG

2. Si la société fictive ne fait pas l’objet d’une procédure collective

  • Dans un arrêt Franck du 19 février 2002, la Cour de cassation a estimé ( com. 19 févr. 2002) que la fictivité d’une société soumise à une procédure collective devait être sanctionnée par l’extension de ladite procédure au véritable maître de l’affaire, conformément à l’article L. 621-2 du Code de commerce pris en son alinéa 2.
    • Cette disposition prévoit que « à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale. »
  • Autrement dit, en cas de procédure collective ouverte à l’encontre d’une société fictive, la fictivité est inopposable aux créanciers, en ce sens que ses associés ne sauraient se prévaloir d’une quelconque nullité du contrat de société.
  • Rien n’empêche, dès lors, que la procédure collective soit étendue au véritable maître de l’affaire.

Arrêt Franck

schema-2

==>La simulation portant sur la nature du contrat conclu entre les associés

Cette hypothèse se rencontre lorsque la conclusion du pacte social dissimule une autre opération.

Sous couvert de la constitution d’une société, les associés ont, en effet, pu vouloir dissimuler une donation ou bien encore un contrat de travail.

Aussi, les associés sont-ils animés, le plus souvent, par une intention frauduleuse.

Ils donnent au pacte qu’ils concluent l’apparence d’un contrat de société, alors qu’il s’agit, en réalité, d’une opération dont ils se gardent de révéler la véritable nature aux tiers.

==> La simulation portant sur la personne d’un ou plusieurs associés

Cette catégorie de simulation correspond à l’hypothèse de l’interposition de personne. Autrement dit, l’associé apparent sert de prête-nom au véritable associé qui agit, dans le secret, comme un donneur d’ordre.

Dans cette configuration deux contrats peuvent être identifiés :

  • Le contrat de société
  • Le contrat de mandat conclu entre l’associé apparent (le mandataire) et le donneur d’ordre (le mandant)

Quid de la validité de la simulation par interposition de personne ?

  • Principe
    • Dans un arrêt du 30 janvier 1961, la Cour de cassation a jugé que « une souscription par prête-noms ne constitue pas en elle-même une cause de nullité des lors qu’ils constatent que la simulation incriminée ne recouvre aucune fraude et que la libération des actions n’est pas fictive, les fonds étant réellement et définitivement entres dans les caisses de la société.» ( com. 30 janv. 1961).
    • Il ressort de cette jurisprudence que la simulation par interposition de personne ne constitue pas, en soi, une cause de nullité.
  • Exceptions
    • La simulation par interposition de personne constitue une cause de nullité lorsque :
      • D’une part, une fraude est constatée ( com. 30 janv. 1961)
      • D’autre part, lorsque tous les associés apparents servent de prête-nom à un même donneur d’ordre

II) L’intégrité du consentement des associés

Pour que le contrat de société soit valable, il ne suffit pas que le consentement des associés existe, il faut encore qu’il soit intègre.

Aussi cela suppose-t-il qu’il soit exempt de tous vices.

Comme en matière de droit des contrats, trois vices de consentement sont susceptibles de conduire à l’annulation d’une société :

  • L’erreur
  • Le dol
  • La violence

A) L’erreur

Aux termes du nouvel article 1132 du Code civil « l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. »

Il ressort de cette disposition que l’erreur peut porter :

  • Sur la substance du contrat de société
    • Dans cette hypothèse l’erreur peut porter :
      • Sur la nature du contrat de société
        • L’errans pensait s’engager à une opération autre que la constitution d’une société.
      • Sur la forme de la société
        • L’errans pensait s’associer dans une société à responsabilité limitée (SARL, SA), alors qu’il s’engage dans une société à responsabilité illimitée (SNC, SCI).
      • Sur la viabilité de la société
        • Principe
          • L’erreur portant sur la faisabilité d’une opération économique n’est pas admise par la jurisprudence dans la mesure où cela pourrait conduire à annuler des sociétés en raison de la mauvaise appréciation pour les associés de l’opération économique à laquelle ils s’engagent
          • Ce type d’erreur s’apparenterait alors à une erreur sur la valeur.
          • Or l’erreur sur la valeur n’est pas une cause de nullité du contrat ( com., 26 mars 1974).
        • Exception
          • Dans un arrêt du 8 mars 1965, la Cour de cassation a validé le raisonnement des juges du fond qui avaient estimé que devait être annulé pour erreur sur les qualités substantielles le contrat par lequel les parties avaient convenu de fonder ensemble une société nouvelle pour « continuer purement et simplement les affaires traitées par la société ancienne» dès lors qu’il est établi l’impossibilité de continuer l’activité de ladite société ( Com. 8 mars 1965, n° 61-13.451)
          • La Cour de cassation semble poser comme condition de la nullité que la société qui a été constituée par erreur soit dans l’impossibilité de réaliser son objet social
  • Sur la personne des coassociés
    • Le nouvel article 1134 du Code civil prévoit que « l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n’est une cause de nullité que dans les contrats conclus en considération de la personne. »
    • Aussi, peut-on en déduire que l’erreur sur la personne des associés ne sera retenue par les juges que dans les sociétés de personnes dans la mesure où, par définition, elles sont marquées d’un fort intuitu personae.
    • L’erreur sur la personne ne se conçoit donc que dans les sociétés en nom collectif, dans les sociétés civiles ou encore dans les sociétés en commandite simple

B) Le dol

Le nouvel article 1137 du Code civil définit le dol comme « le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. ».

Il ajoute que « constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. »

Il ressort de cette disposition que le dol peut se manifester sous trois formes différentes. Il peut consister en :

  • Des manœuvres
  • Un mensonge
  • Une dissimulation intentionnelle

En toute hypothèse le dol revêt deux dimensions :

  • Une dimension délictuelle
  • Une dimension psychologique

==> La dimension délictuelle du dol

La caractérisation du dol suppose l’établissement de deux éléments :

  • Un élément matériel
    • Le dol se définit au sens strict comme des actes, positifs ou négatifs, par lesquels leur auteur crée chez l’autre partie une fausse apparence de la réalité.
    • Autrement dit, l’auteur du dol use de manœuvres frauduleuses afin d’induire en erreur son cocontractant
    • Il appartiendra donc à la victime du dol de caractériser les manœuvres dont il a fait l’objet.
      • S’agit-il d’une manœuvre positive ? D’un mensonge ? D’une dissimulation intentionnelle ?
  • Un élément moral
    • Le dol suppose une volonté de tromper le cocontractant, soit de l’induire en erreur.
    • La charge de la preuve pèse sur la victime du dol à qui il appartiendra d’établir l’intention dolosive de son cocontractant
    • Lorsque le dol consiste en la dissimulation d’une information, l’intention se déduira de deux éléments :
      • La connaissance de l’information dissimulée par l’auteur du dol
      • L’importance de l’information dissimulée pour la victime du dol

==> La dimension psychologique du dol

Pour que le dol constitue une cause de nullité il doit provoquer chez le cocontractant :

  • Une erreur
    • Cette erreur peut porter indifféremment sur :
      • La substance
      • La personne
      • La valeur
      • Les motifs
    • En somme, l’erreur qui devrait être considérée comme inexcusable lorsqu’elle est commise par une partie à un contrat, devient excusable lorsqu’elle est provoquée par le dol
  • Une erreur déterminante
    • L’erreur provoquée par le dol doit avoir été déterminante du consentement de la victime
    • Autrement dit, si elle n’avait pas été trompée sur les termes du contrat ou sur la personne de l’auteur du dol elle n’aurait pas contracté

==> Application du dol en droit des sociétés

Le dol est très peu souvent retenu comme cause de nullité d’une société. Cela n’empêche pas, néanmoins, la jurisprudence de le reconnaître, en certaines circonstances, à supposer, qu’il remplisse les conditions exigées en droit commun et notamment que les manœuvres aient été déterminantes du consentement de la victime (V. en ce sens Cass. com., 7 juin 2011)

En droit des sociétés, le dol consistera le plus souvent en des manœuvres positives ou négatives visant à induire en erreur les coassociés quant à la viabilité économique de la société dont la constitution est envisagée.

Autrement dit, l’auteur du dol crée une apparence positive de la situation sociale de l’entreprise, alors que les chances de succès sont ténues.

C) La violence

Aux termes de l’article 1140 du Code civil, « il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. »

L’article 1141 ajoute que « la menace d’une voie de droit ne constitue pas une violence. Il en va autrement lorsque la voie de droit est détournée de son but ou lorsqu’elle est invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif. »

La violence peut se définir comme une pression exercée sur le cocontractant en vue de le contraindre à donner son consentement au contrat.

La violence exercée sur le cocontractant a donc pour effet de vicier son consentement, lequel est privé de sa liberté de consentir.

La violence se distingue des autres vices du consentement en ce que le consentement en a été donné en connaissance de connaissance, mais pas librement.

Celui qui a conclu le contrat savait que s’exerçait sur lui une contrainte à laquelle il n’a pas pu résister.

L’établissement de la violence suppose la réunion de trois éléments cumulatifs :

  • La crainte d’un mal
    • Ce mal peut être d’ordre physique, moral, ou d’ordre pécuniaire
  • Ce mal doit être illégitime
    • L’acte de contrainte exercée sur la victime ne doit pas être accompli conformément au droit positif
  • La violence doit être déterminante du consentement
    • Si la victime n’avait pas fait l’objet de la violence, elle n’aurait pas contracté

==> Quid de la violence comme cause de nullité en droit des sociétés ?

La jurisprudence n’a, pour l’heure, jamais annulé de contrat de société pour cause de violence. Aussi, cette hypothèse demeure un cas d’école.

==> Reconnaissance de la violence économique

Néanmoins, certaines décisions rendues en matière de violence intéressent le droit des sociétés au premier chef, la Cour de cassation ayant estimé que la violence pouvait consister en une contrainte économique.

Ainsi, dans un célèbre arrêt Bordas du 3 avril 2002, la première chambre civile a affirmé que « l’exploitation abusive d’une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d’un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, peut vicier de violence son consentement ».

Arrêt Bordas

Cass. 1re civ., 3 avr. 2002

schema-3

L’inopposabilité des exceptions

I) Définition:

L’inopposabilité des exceptions peut se définir comme l’impossibilité pour le signataire d’une lettre de change d’opposer au porteur les exceptions dont il pouvait se prévaloir contre un autre signataire afin de faire échec à son action en paiement.

Le principe d’inopposabilité est exprimé à l’article L. 511-12 du Code de commerce les « personnes actionnées en vertu de la lettre de change ne peuvent pas opposer au porteur les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs, à moins que le porteur en acquérant la lettre n’ait agi sciemment au détriment du débiteur ».

Un principe dérogatoire au droit commun

Le droit commun de la cession de créance est régi par la règle nemo plus juris ad alium transfere potest quam ipse habet.

Autrement dit, selon cette règle, on ne peut transférer à autrui plus de droit que l’on en possède soi-même.

Appliquée à la cession de créance, cela signifie que lorsqu’une créance est cédée, elle est transférée au cessionnaire, tant avec ses sûretés et accessoires, qu’avec ses limites et ses faiblesses.

Le débiteur cédé est alors fondé à opposer au cessionnaire les moyens de défense dont il pouvait se prévaloir à l’encontre du cédant (causes de nullité et d’extinction de la créance, défaut de livraison, vices cachés, etc.)

Le principe d’inopposabilité des exceptions est en cela dérogatoire au droit commun, dans la mesure où le signataire actionné en paiement est totalement privé de cette faculté.

Aussi constitue-t-il l’un des principes cardinaux du droit cambiaire. Plus encore, il en est la marque.

Un principe cardinal du droit cambiaire

Ce qui, fondamentalement, distingue le droit cambiaire du droit commun de la cession de créance, c’est le principe d’inopposabilité des exceptions.

Au fond, tandis que les règles relatives à la cession de créance sont tournées vers le transfert de la titularité d’une créance, les règles régissant l’émission des effets de commerce ont, quant à elles, vocation à assurer, non pas le transfert de droits personnels, mais la circulation d’un titre.

Or pour que cette dernière fonction soit remplie, le porteur qui rentre en possession de l’effet doit être assuré de la validité de l’opération en considération de la seule apparence du titre.

Cela suppose donc que les signataires de l’effet ne puissent pas lui opposer lors de sa présentation au paiement des exceptions issues d’un précédent rapport.

Dans le cas contraire, cela affaiblirait considérablement le titre et dissuaderait les agents, par voie de conséquence, d’en faire l’acquisition. D’où le principe d’inopposabilité des exceptions.

Aussi, ce principe cardinal du droit cambiaire a-t-il pour fonction d’assurer la circulation des effets de commerce.

Son application n’est toutefois pas absolue. Elle est subordonnée à la satisfaction de certaines conditions.

II) Les conditions d’application du principe d’inopposabilité des exceptions

Les conditions d’application du principe d’inopposabilité des exceptions tiennent :

  • Au débiteur actionné en paiement
  • À la teneur des exceptions inopposables
  • Au porteur à qui les exceptions sont opposables

A) Le débiteur actionné en paiement

L’article L. 511-12 du Code de commerce prévoit que seules « les personnes actionnées en vertu de la lettre de change » sont susceptibles de se heurter au principe d’inopposabilité des exceptions.

On peut en déduire que le porteur qui actionnerait un débiteur sur le fondement d’un rapport extra-cambiaire ne pourra pas se prévaloir du principe d’inopposabilité des exceptions.

Ainsi, le tiré non-accepteur sera fondé à opposer au porteur les exceptions tirées de son rapport personnel avec le tireur.

De la même manière, le tireur, l’endosseur ou l’avaliste pourront toujours opposer au bénéficiaire de la traite déchu de ses recours cambiaires, les exceptions dont ils pouvaient se prévaloir à l’encontre d’autres signataires.

B) Les exceptions inopposables

Afin d’identifier les exceptions inopposables au porteur, le plus simple est de déterminer les exceptions qui lui sont toujours opposables.

On en dénombre quatre catégories :

  1. Les exceptions tirées d’un vice apparent du titre
    • L’omission d’une des mentions obligatoires prévues à l’article L. 511-1 du Code du commerce qui sont :
      • La dénomination « lettre de change »
        • Admission par certains juges du fond de la formule « traite» (CA Montpellier, 24 nov. 1953 : Banque 1956, p. 520, obs. X. Marin)
      • Le mandat pur et simple de payer une somme déterminée
        • Possibilité de subordonner le paiement de la traite à la remise de certains documents au tiré
      • Le nom du tiré
        • L’article L. 511-1, al. 2 permet au tireur de tirer la lettre de change sur lui-même, de sorte qu’il se confondra avec le tiré
      • L’indication de l’échéance
        • La lettre de change peut être tirée
          • à vue
          • à jour fixe
          • à un certain délai de date
          • à un certain délai de vue
        • Le lieu du paiement
          • À défaut d’indication du lieu du paiement, il est réputé être effectué au lieu désigné à côté du nom du tiré
        • Le nom du bénéficiaire
          • Le tireur peut se désigner comme bénéficiaire de la traite
          • En cas d’omission de cette mention la jurisprudence admet de retenir le nom du premier endosseur comme bénéficiaire de la traite ( com., 9 mars 1976 : Bull. civ. 1976, IV, n° 85)
        • L’indication de la date et du lieu de création de l’effet
          • En cas de défaut d’indication du lieu de création de la traite, elle est réputée avoir été créée au lieu désigné à côté du nom du tireur
        • La signature du tireur
          • La signature peut ne pas être manuscrite

2. L’incapacité du signataire actionné en paiement

  • Seules les personnes pourvues de la capacité commerciales ont la capacité juridique de s’engager cambiairement.
  • Aussi, cela exclut-il :
    • Les mineurs
    • Les majeurs sous tutelle et sous curatelle
    • Les consommateurs (Article L. 313-13 du Code de la consommation)

3. L’absence de consentement du signataire actionné en paiement

  • L’absence de consentement recoupe principalement deux hypothèses :
    • La fausse signature
    • L’altération du titre, telle que la modification du montant de l’effet
  • Le vice du consentement ne constitue pas une exception opposable au porteur de la traite ( Com., 2 juill. 1969: JCP 1970, II, 16427, note Langlois)

4. Les exceptions tirées du rapport personnel entre le porteur et le signataire actionné en paiement

  • Il s’agit des exceptions qui trouvent leur source dans le rapport fondamental qui s’est noué entre eux, soit la relation entre le tireur et le tiré ou encore entre l’endosseur et l’endossataire)
  • Il peut s’agir :
    • d’une cause de nullité ou d’extinction du rapport fondamental
    • du défaut de provision
    • du défaut de valeur fournie

C) Le porteur à qui les exceptions sont inopposables

Afin que le porteur puisse se prévaloir du principe d’inopposabilité des exceptions il doit être légitime et de bonne foi.

  1. Le porteur légitime

Seul le porteur légitime est fondé à se prévaloir du principe de l’inopposabilité des exceptions.

Conformément à l’article L. 511-11 du Code de commerce, cela justifie qu’il doit être en mesure de justifier l’existence d’une suite ininterrompue d’endossements translatifs réguliers.

Il peut donc s’agir :

  • soit de l’endossataire
  • soit d’un endosseur
  • soit du tireur
  • soit du tiré-accepteur
  • soit de l’avaliseur

Le porteur qui donc aurait acquis la traite par un procédé autre qu’un endossement, notamment par une cession de créance de droit commun, pourrait se voir opposer les mêmes exceptions que celles opposables au cédant.

2. Le porteur de bonne foi

Le porteur de bonne foi n’est jamais fondé à se prévaloir du principe d’inopposabilité des exceptions.

L’idée générale qui se dégage est que seul le porteur qui a légitimement pu se fier à l’apparence du titre doit bénéficier de l’application du principe d’inopposabilité des exceptions.

La question qui immédiatement se pose est alors se savoir ce que l’on doit entendre par bonne foi.

Sur cette question, deux conceptions s’opposent :

  • Pour les uns la mauvaise foi s’apparente à la connaissance de l’exception
  • Pour les autres, la connaissance de l’exception ne suffit pas, il faut encore que soit établie l’intention frauduleuse, la volonté de nuire

La Convention de Genève a entendu faire œuvre de compromis en posant que le porteur est de mauvaise foi si, « en acquérant la lettre, il a agi sciemment au détriment du débiteur ».

Cette définition de la mauvaise fois a été reprise à l’article L. 511-12 du Code de commerce in fine.

Elle a par la suite été affinée par la jurisprudence, notamment dans un arrêt Worms du 26 juin 1956 (Cass. com., 26 juin 1956 : JCP G 1956, II, 9600, note R. Roblot ; RTD com. 1957, 147, obs. E. Becqué et H. Cabrillac)

FICHE D’ARRÊT

Com. 26 juin 1956, Worms

Faits :

  • Depuis 1950, la société Salmons connaît une situation financière difficile
  • Aussi, s’adresse-t-elle à son banquier, la banque Worms, qui n’avait pas voulu lui consentir des découverts, mais lui avait offert d’escompter les traites, acceptées par ses correspondants garagistes, qu’elle lui remettrait
  • La société Salmons a ainsi pu tirer des lettres de change sur ses garagistes en leur promettant que s’ils acceptaient ces traites représentant le prix des voitures commandées, ils ne subiraient aucune augmentation de prix.
  • Il était convenu entre les parties que si les voitures n’étaient pas livrées à l’échéance, la traite ne serait pas payée.
  • Grâce à ce montage financier, la société Salmons put fabriquer quelques voitures, mais très rapidement, la situation se dégrada au point que la société fut mise, en novembre 1957, en liquidation judiciaire.
  • À ce moment, les tirés avaient refusé de payer les effets escomptés par la banque en affirmant que celle-ci était de mauvaise foi, de sorte qu’elle pouvait se voir opposer l’exception tirée de la non-livraison de véhicules, d’autant qu’elle connaissait la convention particulière liant les parties.

Schéma 1

Demande :

Action en paiement de la banque contre les garagistes

Procédure :

  • Par un arrêt du 23 décembre 1952, la Cour d’appel de Dijon désigne un expert dont la mission est d’établir si la banque avait, en acquérant les traites litigieuses, sciemment agi au détriment du débiteur.

Moyens des parties :

  • La banque soutient qu’elle n’a pas agi sciemment au détriment des garagistes
  • Certes, elle savait que les garagistes avaient accepté les traites et qu’ils avaient conclu une convention précisant que le paiement des voitures était subordonné à la livraison
  • Toutefois, sa mauvaise foi ne pouvait être, selon elle, pour autant retenue puisqu’elle a agi non pas au détriment des garagistes, mais, au contraire, à leur avantage, puisque ce qui avait été fourni, ne l’avait été que grâce au crédit d’escompte.

Problème de droit :

Le porteur d’une lettre de change acceptée peut-il n obtenir le paiement lorsque l’obligation fondamentale n’a pas été exécutée par le tireur ?

Solution de la Cour de cassation :

  • Dispositif de l’arrêt:

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le porteur de la traite litigieuse

  • Solution

La Cour de cassation estime que, par l’expression de l’article 121 posant le principe d’inopposabilité des exceptions sauf mauvaise foi du porteur, « le législateur a réservé le cas où ledit porteur a eu conscience, en consentant à l’endossement du titre à son profit, de causer un dommage au débiteur cambiaire par l’impossibilité où il le mettait de se prévaloir, vis-à-vis du tireur ou d’un précédent endosseur, d’un moyen de défense issu de ses relations avec ces derniers»

Ainsi, pour la Cour de cassation le porteur de mauvaise foi s’apparente, concrètement à celui:

  • qui connaît l’exception
  • qui sait qu’elle subsistera à l’échéance

Or en l’espèce, le porteur de la traite connaissait la situation du tireur.

En effet, la banque savait pertinemment que son client, la société Salmons, rencontrait de graves difficultés financières, de sorte qu’il lui serait difficile de satisfaire à ses engagements envers le tiré.

Ainsi, connaissait-elle le préjudicie qu’elle allait causer au tiré en acquérant la traite, lequel en l’acceptant serait tenu cambiairement et donc soumis au principe d’inopposabilité des exceptions.

En résume, la mauvaise foi du porteur suppose la réunion de deux éléments distincts :

  • D’une part, la connaissance précise de l’exception (le défaut de livraison, la non-conformité de la marchandise…)
  • D’autre part, la conscience du préjudice causé au débiteur en lui faisant perdre le bénéfice d’une exception précise qu’il aurait pu opposer au tireur.

Au total, il apparaît que la mauvaise foi du porteur ne peut être établie qu’en présence de circonstances particulières.

En témoigne l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 8 janvier 1991.

FICHE D’ARRÊT

Com. 8 janv. 1991, Bull. civ. IV, no 11

Faits :

  • Contrat conclu entre une société et un particulier en vue de la construction d’une véranda
  • Afin d’être réglé des travaux, l’entrepreneur tire une lettre de change sur son client et la lui fait accepter
  • Escompte de la lettre de change auprès d’une banque (Société Marseillaise de crédit)
  • Les travaux n’ont pas été réalisés par l’artisan
  • Le client de l’artisan refuse alors de payer la traite à la banque

Schéma 2Demande :

Action en paiement de la banque contre le tiré, Monsieur Larue.

Procédure :

Dispositif de la décision rendue au fond:

  • Obtention par la banque d’une ordonnance d’injonction de payer contre le tiré
  • Le tiré forme alors opposition
  • La Cour d’appel de Grenoble déboute finalement la banque de son action en paiement par un arrêt du 22 mai 1989

Motivation des juges du fond:

  • Obligation pour la banque de vérifier la solvabilité de ses clients lorsqu’elle contracte une convention d’escompte
  • Ainsi, pour les juges du fond, la banque avait conscience du danger qu’elle faisait courir au débiteur en escomptant la traite litigieuse

Solution de la Cour de cassation :

Dispositif de l’arrêt:

  • Par cet arrêt, la Cour de cassation censure la décision d’appel au visa de l’article 121 du Code de commerce devenu l’article L. 511-12.

Solution:

En l’espèce, la Cour de cassation reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir vérifié les éléments constitutifs de la mauvaise foi :

  • « sans faire apparaître qu’en prenant la lettre de change à l’escompte, elle avait agi sciemment au détriment du débiteur cambiaire»

Or quels sont ces éléments constitutifs ?

Pour le savoir il convient de se tourner vers l’arrêt Worms du 26 juin 1956

Aussi, la mauvaise foi du porteur suppose la réunion de deux éléments distincts, soit :

  • d’une part, la connaissance précise de l’exception (le défaut de livraison, la non-conformité de la marchandise…)
  • d’autre part, la conscience du préjudice causé au débiteur en lui faisant perdre le bénéfice d’une exception précise qu’il aurait pu opposer au tireur.

En l’espèce la Cour d’appel s’est bornée, comme le relève la Cour de cassation à « retenir à l’encontre de la banque le seul grief de s’être comportée avec légèreté »

On peut en déduire que la simple négligence ou même l’imprudence du porteur n’est pas assimilable à la mauvaise foi

Reste que cette négligence peut être retenue en tant que faute propre à engager la responsabilité du porteur et spécialement du banquier escompteur.

Celui-ci, même si sa bonne foi est établie, peut être assigné en responsabilité comme escompteur imprudent pour le dommage qu’il a causé au tiré ( com., 27 mai 1974 : Bull. civ. IV, n° 167.).