L’inopposabilité des exceptions

I) Définition:

L’inopposabilité des exceptions peut se définir comme l’impossibilité pour le signataire d’une lettre de change d’opposer au porteur les exceptions dont il pouvait se prévaloir contre un autre signataire afin de faire échec à son action en paiement.

Le principe d’inopposabilité est exprimé à l’article L. 511-12 du Code de commerce les « personnes actionnées en vertu de la lettre de change ne peuvent pas opposer au porteur les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs, à moins que le porteur en acquérant la lettre n’ait agi sciemment au détriment du débiteur ».

Un principe dérogatoire au droit commun

Le droit commun de la cession de créance est régi par la règle nemo plus juris ad alium transfere potest quam ipse habet.

Autrement dit, selon cette règle, on ne peut transférer à autrui plus de droit que l’on en possède soi-même.

Appliquée à la cession de créance, cela signifie que lorsqu’une créance est cédée, elle est transférée au cessionnaire, tant avec ses sûretés et accessoires, qu’avec ses limites et ses faiblesses.

Le débiteur cédé est alors fondé à opposer au cessionnaire les moyens de défense dont il pouvait se prévaloir à l’encontre du cédant (causes de nullité et d’extinction de la créance, défaut de livraison, vices cachés, etc.)

Le principe d’inopposabilité des exceptions est en cela dérogatoire au droit commun, dans la mesure où le signataire actionné en paiement est totalement privé de cette faculté.

Aussi constitue-t-il l’un des principes cardinaux du droit cambiaire. Plus encore, il en est la marque.

Un principe cardinal du droit cambiaire

Ce qui, fondamentalement, distingue le droit cambiaire du droit commun de la cession de créance, c’est le principe d’inopposabilité des exceptions.

Au fond, tandis que les règles relatives à la cession de créance sont tournées vers le transfert de la titularité d’une créance, les règles régissant l’émission des effets de commerce ont, quant à elles, vocation à assurer, non pas le transfert de droits personnels, mais la circulation d’un titre.

Or pour que cette dernière fonction soit remplie, le porteur qui rentre en possession de l’effet doit être assuré de la validité de l’opération en considération de la seule apparence du titre.

Cela suppose donc que les signataires de l’effet ne puissent pas lui opposer lors de sa présentation au paiement des exceptions issues d’un précédent rapport.

Dans le cas contraire, cela affaiblirait considérablement le titre et dissuaderait les agents, par voie de conséquence, d’en faire l’acquisition. D’où le principe d’inopposabilité des exceptions.

Aussi, ce principe cardinal du droit cambiaire a-t-il pour fonction d’assurer la circulation des effets de commerce.

Son application n’est toutefois pas absolue. Elle est subordonnée à la satisfaction de certaines conditions.

II) Les conditions d’application du principe d’inopposabilité des exceptions

Les conditions d’application du principe d’inopposabilité des exceptions tiennent :

  • Au débiteur actionné en paiement
  • À la teneur des exceptions inopposables
  • Au porteur à qui les exceptions sont opposables

A) Le débiteur actionné en paiement

L’article L. 511-12 du Code de commerce prévoit que seules « les personnes actionnées en vertu de la lettre de change » sont susceptibles de se heurter au principe d’inopposabilité des exceptions.

On peut en déduire que le porteur qui actionnerait un débiteur sur le fondement d’un rapport extra-cambiaire ne pourra pas se prévaloir du principe d’inopposabilité des exceptions.

Ainsi, le tiré non-accepteur sera fondé à opposer au porteur les exceptions tirées de son rapport personnel avec le tireur.

De la même manière, le tireur, l’endosseur ou l’avaliste pourront toujours opposer au bénéficiaire de la traite déchu de ses recours cambiaires, les exceptions dont ils pouvaient se prévaloir à l’encontre d’autres signataires.

B) Les exceptions inopposables

Afin d’identifier les exceptions inopposables au porteur, le plus simple est de déterminer les exceptions qui lui sont toujours opposables.

On en dénombre quatre catégories :

  1. Les exceptions tirées d’un vice apparent du titre
    • L’omission d’une des mentions obligatoires prévues à l’article L. 511-1 du Code du commerce qui sont :
      • La dénomination « lettre de change »
        • Admission par certains juges du fond de la formule « traite» (CA Montpellier, 24 nov. 1953 : Banque 1956, p. 520, obs. X. Marin)
      • Le mandat pur et simple de payer une somme déterminée
        • Possibilité de subordonner le paiement de la traite à la remise de certains documents au tiré
      • Le nom du tiré
        • L’article L. 511-1, al. 2 permet au tireur de tirer la lettre de change sur lui-même, de sorte qu’il se confondra avec le tiré
      • L’indication de l’échéance
        • La lettre de change peut être tirée
          • à vue
          • à jour fixe
          • à un certain délai de date
          • à un certain délai de vue
        • Le lieu du paiement
          • À défaut d’indication du lieu du paiement, il est réputé être effectué au lieu désigné à côté du nom du tiré
        • Le nom du bénéficiaire
          • Le tireur peut se désigner comme bénéficiaire de la traite
          • En cas d’omission de cette mention la jurisprudence admet de retenir le nom du premier endosseur comme bénéficiaire de la traite ( com., 9 mars 1976 : Bull. civ. 1976, IV, n° 85)
        • L’indication de la date et du lieu de création de l’effet
          • En cas de défaut d’indication du lieu de création de la traite, elle est réputée avoir été créée au lieu désigné à côté du nom du tireur
        • La signature du tireur
          • La signature peut ne pas être manuscrite

2. L’incapacité du signataire actionné en paiement

  • Seules les personnes pourvues de la capacité commerciales ont la capacité juridique de s’engager cambiairement.
  • Aussi, cela exclut-il :
    • Les mineurs
    • Les majeurs sous tutelle et sous curatelle
    • Les consommateurs (Article L. 313-13 du Code de la consommation)

3. L’absence de consentement du signataire actionné en paiement

  • L’absence de consentement recoupe principalement deux hypothèses :
    • La fausse signature
    • L’altération du titre, telle que la modification du montant de l’effet
  • Le vice du consentement ne constitue pas une exception opposable au porteur de la traite ( Com., 2 juill. 1969: JCP 1970, II, 16427, note Langlois)

4. Les exceptions tirées du rapport personnel entre le porteur et le signataire actionné en paiement

  • Il s’agit des exceptions qui trouvent leur source dans le rapport fondamental qui s’est noué entre eux, soit la relation entre le tireur et le tiré ou encore entre l’endosseur et l’endossataire)
  • Il peut s’agir :
    • d’une cause de nullité ou d’extinction du rapport fondamental
    • du défaut de provision
    • du défaut de valeur fournie

C) Le porteur à qui les exceptions sont inopposables

Afin que le porteur puisse se prévaloir du principe d’inopposabilité des exceptions il doit être légitime et de bonne foi.

  1. Le porteur légitime

Seul le porteur légitime est fondé à se prévaloir du principe de l’inopposabilité des exceptions.

Conformément à l’article L. 511-11 du Code de commerce, cela justifie qu’il doit être en mesure de justifier l’existence d’une suite ininterrompue d’endossements translatifs réguliers.

Il peut donc s’agir :

  • soit de l’endossataire
  • soit d’un endosseur
  • soit du tireur
  • soit du tiré-accepteur
  • soit de l’avaliseur

Le porteur qui donc aurait acquis la traite par un procédé autre qu’un endossement, notamment par une cession de créance de droit commun, pourrait se voir opposer les mêmes exceptions que celles opposables au cédant.

2. Le porteur de bonne foi

Le porteur de bonne foi n’est jamais fondé à se prévaloir du principe d’inopposabilité des exceptions.

L’idée générale qui se dégage est que seul le porteur qui a légitimement pu se fier à l’apparence du titre doit bénéficier de l’application du principe d’inopposabilité des exceptions.

La question qui immédiatement se pose est alors se savoir ce que l’on doit entendre par bonne foi.

Sur cette question, deux conceptions s’opposent :

  • Pour les uns la mauvaise foi s’apparente à la connaissance de l’exception
  • Pour les autres, la connaissance de l’exception ne suffit pas, il faut encore que soit établie l’intention frauduleuse, la volonté de nuire

La Convention de Genève a entendu faire œuvre de compromis en posant que le porteur est de mauvaise foi si, « en acquérant la lettre, il a agi sciemment au détriment du débiteur ».

Cette définition de la mauvaise fois a été reprise à l’article L. 511-12 du Code de commerce in fine.

Elle a par la suite été affinée par la jurisprudence, notamment dans un arrêt Worms du 26 juin 1956 (Cass. com., 26 juin 1956 : JCP G 1956, II, 9600, note R. Roblot ; RTD com. 1957, 147, obs. E. Becqué et H. Cabrillac)

FICHE D’ARRÊT

Com. 26 juin 1956, Worms

Faits :

  • Depuis 1950, la société Salmons connaît une situation financière difficile
  • Aussi, s’adresse-t-elle à son banquier, la banque Worms, qui n’avait pas voulu lui consentir des découverts, mais lui avait offert d’escompter les traites, acceptées par ses correspondants garagistes, qu’elle lui remettrait
  • La société Salmons a ainsi pu tirer des lettres de change sur ses garagistes en leur promettant que s’ils acceptaient ces traites représentant le prix des voitures commandées, ils ne subiraient aucune augmentation de prix.
  • Il était convenu entre les parties que si les voitures n’étaient pas livrées à l’échéance, la traite ne serait pas payée.
  • Grâce à ce montage financier, la société Salmons put fabriquer quelques voitures, mais très rapidement, la situation se dégrada au point que la société fut mise, en novembre 1957, en liquidation judiciaire.
  • À ce moment, les tirés avaient refusé de payer les effets escomptés par la banque en affirmant que celle-ci était de mauvaise foi, de sorte qu’elle pouvait se voir opposer l’exception tirée de la non-livraison de véhicules, d’autant qu’elle connaissait la convention particulière liant les parties.

Schéma 1

Demande :

Action en paiement de la banque contre les garagistes

Procédure :

  • Par un arrêt du 23 décembre 1952, la Cour d’appel de Dijon désigne un expert dont la mission est d’établir si la banque avait, en acquérant les traites litigieuses, sciemment agi au détriment du débiteur.

Moyens des parties :

  • La banque soutient qu’elle n’a pas agi sciemment au détriment des garagistes
  • Certes, elle savait que les garagistes avaient accepté les traites et qu’ils avaient conclu une convention précisant que le paiement des voitures était subordonné à la livraison
  • Toutefois, sa mauvaise foi ne pouvait être, selon elle, pour autant retenue puisqu’elle a agi non pas au détriment des garagistes, mais, au contraire, à leur avantage, puisque ce qui avait été fourni, ne l’avait été que grâce au crédit d’escompte.

Problème de droit :

Le porteur d’une lettre de change acceptée peut-il n obtenir le paiement lorsque l’obligation fondamentale n’a pas été exécutée par le tireur ?

Solution de la Cour de cassation :

  • Dispositif de l’arrêt:

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le porteur de la traite litigieuse

  • Solution

La Cour de cassation estime que, par l’expression de l’article 121 posant le principe d’inopposabilité des exceptions sauf mauvaise foi du porteur, « le législateur a réservé le cas où ledit porteur a eu conscience, en consentant à l’endossement du titre à son profit, de causer un dommage au débiteur cambiaire par l’impossibilité où il le mettait de se prévaloir, vis-à-vis du tireur ou d’un précédent endosseur, d’un moyen de défense issu de ses relations avec ces derniers»

Ainsi, pour la Cour de cassation le porteur de mauvaise foi s’apparente, concrètement à celui:

  • qui connaît l’exception
  • qui sait qu’elle subsistera à l’échéance

Or en l’espèce, le porteur de la traite connaissait la situation du tireur.

En effet, la banque savait pertinemment que son client, la société Salmons, rencontrait de graves difficultés financières, de sorte qu’il lui serait difficile de satisfaire à ses engagements envers le tiré.

Ainsi, connaissait-elle le préjudicie qu’elle allait causer au tiré en acquérant la traite, lequel en l’acceptant serait tenu cambiairement et donc soumis au principe d’inopposabilité des exceptions.

En résume, la mauvaise foi du porteur suppose la réunion de deux éléments distincts :

  • D’une part, la connaissance précise de l’exception (le défaut de livraison, la non-conformité de la marchandise…)
  • D’autre part, la conscience du préjudice causé au débiteur en lui faisant perdre le bénéfice d’une exception précise qu’il aurait pu opposer au tireur.

Au total, il apparaît que la mauvaise foi du porteur ne peut être établie qu’en présence de circonstances particulières.

En témoigne l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 8 janvier 1991.

FICHE D’ARRÊT

Com. 8 janv. 1991, Bull. civ. IV, no 11

Faits :

  • Contrat conclu entre une société et un particulier en vue de la construction d’une véranda
  • Afin d’être réglé des travaux, l’entrepreneur tire une lettre de change sur son client et la lui fait accepter
  • Escompte de la lettre de change auprès d’une banque (Société Marseillaise de crédit)
  • Les travaux n’ont pas été réalisés par l’artisan
  • Le client de l’artisan refuse alors de payer la traite à la banque

Schéma 2Demande :

Action en paiement de la banque contre le tiré, Monsieur Larue.

Procédure :

Dispositif de la décision rendue au fond:

  • Obtention par la banque d’une ordonnance d’injonction de payer contre le tiré
  • Le tiré forme alors opposition
  • La Cour d’appel de Grenoble déboute finalement la banque de son action en paiement par un arrêt du 22 mai 1989

Motivation des juges du fond:

  • Obligation pour la banque de vérifier la solvabilité de ses clients lorsqu’elle contracte une convention d’escompte
  • Ainsi, pour les juges du fond, la banque avait conscience du danger qu’elle faisait courir au débiteur en escomptant la traite litigieuse

Solution de la Cour de cassation :

Dispositif de l’arrêt:

  • Par cet arrêt, la Cour de cassation censure la décision d’appel au visa de l’article 121 du Code de commerce devenu l’article L. 511-12.

Solution:

En l’espèce, la Cour de cassation reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir vérifié les éléments constitutifs de la mauvaise foi :

  • « sans faire apparaître qu’en prenant la lettre de change à l’escompte, elle avait agi sciemment au détriment du débiteur cambiaire»

Or quels sont ces éléments constitutifs ?

Pour le savoir il convient de se tourner vers l’arrêt Worms du 26 juin 1956

Aussi, la mauvaise foi du porteur suppose la réunion de deux éléments distincts, soit :

  • d’une part, la connaissance précise de l’exception (le défaut de livraison, la non-conformité de la marchandise…)
  • d’autre part, la conscience du préjudice causé au débiteur en lui faisant perdre le bénéfice d’une exception précise qu’il aurait pu opposer au tireur.

En l’espèce la Cour d’appel s’est bornée, comme le relève la Cour de cassation à « retenir à l’encontre de la banque le seul grief de s’être comportée avec légèreté »

On peut en déduire que la simple négligence ou même l’imprudence du porteur n’est pas assimilable à la mauvaise foi

Reste que cette négligence peut être retenue en tant que faute propre à engager la responsabilité du porteur et spécialement du banquier escompteur.

Celui-ci, même si sa bonne foi est établie, peut être assigné en responsabilité comme escompteur imprudent pour le dommage qu’il a causé au tiré ( com., 27 mai 1974 : Bull. civ. IV, n° 167.).

L’aval

I) Qu’est-ce que l’aval ?

Aux termes de l’article L. 511-21, al. 1erdu Code de commerce « le paiement d’une lettre de change peut être garanti pour tout ou partie de son montant par un aval. »

Ainsi, l’aval se définit-il comme l’engagement pris par une personne de régler tout ou partie d’une lettre de change, à l’échéance, en cas de défaut de paiement du débiteur garanti.

Plus concrètement, l’aval s’apparente à une sorte de cautionnement cambiaire. Il s’agit d’une sûreté conventionnelle et personnelle.

Le plus souvent, c’est le banquier escompteur qui exigera de l’associé ou du dirigeant qu’il donne son aval afin de garantir la société signataire de la traite.

La personne dont l’aval émane est appelée « donneur d’aval », « avaliseur » ou encore « avaliste ».

Quant au débiteur garanti, il est qualifié d’« avalisé »

Schéma 1

II) Qui peut donner l’aval ?

==> Principe : n’importe qui

  • L’article L. 511-21, alinéa 2edu Code de commerce dispose que l’aval peut être fourni « par un tiers ou même par un signataire de la lettre ».
  • En toute logique, l’aval ne devrait être donné que par une personne non obligée cambiairement à l’égard du porteur. Dans le cas contraire, cela n’aurait pas grand sens, dans la mesure où le porteur n’en retirerait aucun avantage.
  • On peut toutefois parfaitement concevoir que l’aval soit donné par une partie à l’opération de change au profit d’un signataire de la traite dont l’engagement cambiaire serait plus rigoureux.
    • Cette hypothèse se rencontrera lorsqu’un endosseur donnera son aval au bénéfice du tireur ou d’un endosseur antérieur.

==> Exception : le tiré-accepteur

  • Selon la doctrine, le tiré-accepteur ne saurait donner son aval au profit d’un autre signataire de la lettre de change
  • Cette impossibilité pour le tiré-accepteur à donner son aval se justifie par sa qualité de débiteur principal de l’effet
  • En tant que principal obligé, le tiré-accepteur ne dispose, en effet, d’aucun recours cambiaire contre les autres signataires.
  • Si, le tiré-accepteur jouissait de la faculté de donner son aval cela reviendrait à admettre qu’il se « garantisse lui-même», de sorte qu’il jouerait tout à la fois le rôle de garant et de débiteur-garanti

III) Au bénéfice de qui peut être donné l’aval ?

L’article L. 511-21, al. 6edu Code de commerce prévoit que « l’aval doit indiquer pour le compte de qui il est donné. A défaut de cette indication, il est réputé donné pour le tireur. »

Ainsi convient-il de distinguer l’hypothèse où l’avalisé est désigné dans le titre et celle où il ne l’est pas.

==> L’avalisé est désigné dans le titre

  • Limitation aux débiteurs cambiaires
    • L’article L. 511-21, al. 6e du Code de commerce ne pose aucune restriction quant aux personnes susceptibles d’être garanties par l’avaliste.
    • Toutefois, en réalité, l’aval ne pourra être donné que pour les seuls débiteurs obligés cambiairement à l’effet
    • Cela s’explique par le fait que l’aval consiste en un engagement accessoire.
    • Or, de par son objet, il se rattache nécessairement à un engagement principal qui n’est autre que l’obligation cambiaire
  • Exclusion du tiré non-accepteur
    • Pour être valide, l’aval ne peut donc être donné que pour une personne engagée cambiairement à l’effet
    • L’avaliste ne pourra, en conséquence,jamais donner son aval pour le tiré non-accepteur
  • Exception:
    • Rien ne s’oppose à ce que l’avaliste s’engage pour une personne non encore obligée cambiairement à la traite, tel que le tiré non-accepteur
    • L’engagement de l’avaliste ne produira néanmoins ses effets que lorsque l’avalisé sera effectivement engagé, soit lorsque le tiré aura valablement accepté la lettre de change.

==> L’avalisé n’est pas désigné dans le titre

La présomption de l’article L. 511-21, al. 6

Dans l’hypothèse où l’identité de l’avalisé n’est pas précisée par l’avaliste, l’article L. 511-21, al. 6 du Code de commerce prévoit qu’« il est réputé donné pour le tireur ».

De prime abord, cette disposition ne soulève guère de difficulté quant à son interprétation : en l’absence d’indication sur le titre, le tireur est présumé être le débiteur garanti.

Une question s’est néanmoins posée s’agissant de la nature de la présomption ainsi posée.

S’agit-il une présomption simple ou d’une présomption irréfragable ?

Autrement dit, si l’identité de l’avalisé ne figure pas sur le titre, la présomption posée à l’article L. 511-21, al. 6 peut-elle être combattue par la preuve contraire ? L’avaliste ou l’avalisé sont-ils autorisés à prouver que l’aval n’a pas été donné pour le tireur ?

Cette question présente indéniablement un intérêt lorsque le porteur de la lettre de change est aussi le tireur.

Dans cette situation, l’aval ne peut avoir été donné qu’au profit du tiré, celui-ci étant le seul débiteur cambiaire de l’effet.

Si, dès lors, on considère que l’article L. 511-21, al. 6 pose une présomption qui ne supporterait pas la preuve contraire, dans l’hypothèse où le nom du tiré ne figure pas sur l’effet, cela revient à priver le tireur de la garantie que lui a consenti l’avaliste, puisqu’il l’aval serait réputé avoir été donné pour lui-même.

Schéma 2

Une présomption irréfragable

Dans un premier temps, les juges du fond ont estimé que la présomption posée à l’article L. 511-21, al. 6du Code de commerce, était une présomption simple.

Dans un second temps, la Cour de cassation a néanmoins réfuté cette analyse.

Dans un arrêt du 23 janvier 1956, la chambre commerciale a estimé en ce sens que lorsque l’avaliste a omis de mentionner le nom de celui pour qui l’aval est donné, les parties à l’effet ne sont pas fondées à combattre la présomption qui désigne le tireur comme avalisé (Cass. com., 23 janv. 1956 : JCP G 1956, II, 9166, note R. Roblot). Pour la Cour de cassation, la présomption posée à l’article L. L. 511-21, al. 6 du Code de commerce est irréfragable.

La Cour de cassation a réitéré sa solution dans un arrêt du 8 mars 1960 où, dans un attendu de principe remarqué, elle a affirmé que L. 511-21, al. 6du Code de commerce« ne formule pas une règle de preuve, mais oblige à préciser, dans la mention d’aval, le nom du garanti, et supplée à l’absence de cette précision, pour écarter toute incertitude sur la portée des engagements cambiaires ; que sa disposition finale limite en conséquence, à l’égard de tous, celui du donneur d’aval à la garantie du tireur ; qu’il suit de là que le tireur avec lequel le donneur d’aval est convenu de garantir le tiré, sans que l’aval ait précisé le nom du garanti, ne peut exercer l’action cambiaire contre le donneur d’aval en invoquant cette convention ; que celle-ci peut seulement lui conférer, le cas échéant, l’action prévue par les articles 2011 et suivants du Code civil ».

FICHE D’ARRÊT

Cass. com., 26 déc. 1960 : Bull. civ. 1960, III, n° 427

Faits :

  • Émission de deux lettres de change par la Société Migraine sur l’entreprise Deloffre qui les a acceptées ; étant précisé que la Société Migraine est tout à la fois tireur et bénéficiaire de la lettre de change
  • Un tiers souscrit à ces deux lettres de change en tant que donneur d’aval en apposant la mention « bon pour aval » sans préciser l’identité de l’avalisé pour qui il entendait se porter garant
    • Compte tenu de la configuration de l’opération, l’avaliste entendait se porter garant, en l’espèce, non pas pour le tireur, mais pour le tiré
  • À l’échéance, le tiré ne règle pas la traite qui lui est présentée au paiement

Demande :

Action en garantie du tireur-bénéficiaire de la lettre de change contre l’avaliste, censé garantir le tiré en cas de défaut de paiement

Procédure :

  • Dispositif de la décision rendue au fond:

– Par un arrêt du 12 mars 1957, la Cour d’appel de Rouen accueille le recours cambiaire engagé par le tireur-bénéficiaire de la lettre de change contre l’avaliste

  • Motivation des juges du fond:

– Bien qu’en l’absence d’indication du nom de l’avalisé sur le titre, la présomption posée par le Code de commerce désigne le tireur comme avalisé par défaut, les juges du fond admettent que ce dernier rapporte la preuve contraire, à savoir que l’aval avait été contracté en garantie de l’engagement du tiré

– C’est la raison pour laquelle la Cour d’appel fait droit à la demande du tireur-porteur de diriger son recours cambiaire contre l’avaliste.

Problème de droit :

La question qui se posait en l’espèce était de savoir si, en cas d’absence d’indication de l’identité du bénéficiaire de l’aval sur la traite, le tireur pouvait renverser la présomption désignant le tireur comme avalisé par défaut ?

Solution de la Cour de cassation :

  • Dispositif de l’arrêt:

La Cour de cassation casse et annule la décision de la Cour d’appel au visa de l’ancien article 130 al. 6 du Code de commerce

  • Solution:

Pour la Cour de cassation, l’article 130 du Code de commerce devenu l’article L. 511-21 al. 6 ne formule pas une règle de preuve, mais oblige à préciser, dans la mention d’aval, le nom du garanti.

Ainsi, pour la Cour de cassation cette règle vient-elle suppléer à l’absence de cette précision, pour écarter toute incertitude sur la portée des engagements cambiaires

Il s’agirait donc pour la Cour de cassation d’une présomption

Il s’ensuit que le donneur d’aval est réputé irréfragablement garantir l’engagement non pas du tiré mais du tireur, lequel est également porteur de l’effet !

Pourtant, dans le schéma envisagé par le tireur au moment de l’émission des deux lettres de change, il avait le dispositif suivant en tête :

Schéma 3

La solution rendue par la Cour de cassation conduit à un dispositif radicalement différent :

 Schéma 4

En l’espèce, la décision rendue par la Cour de cassation revient à considérer que l’avaliste vient garantir l’exécution d’une obligation qui n’existe pas, à savoir celle du tireur envers le porteur de la traite dans la mesure où ils ne forment qu’une seule et même personne

Malgré l’incongruité de cette solution, la Cour de cassation a, depuis lors, constamment maintenu sa position (V. en ce sens Cass. com., 25 janv. 1984 : Bull. civ. 1984, IV, n° 39 ; Gaz. Pal. 1984, 2 ; Cass. com., 30 juin 1998 : Bull. civ. 1998, IV, n° 211 ; RTD com. 1998, p. 896, obs. M. Cabrillac).

Comment justifier la position de la Cour de cassation ?

La doctrine justifie – à raison – la solution retenue par la Cour de cassation en considérant que la présomption posée à l’article L. 511-21 al. 6 du Code de commerce s’apparente moins à une règle de preuve qu’à une règle de fond.

Autrement dit, cette règle doit être regardée comme la sanction du non-respect d’une formalité importante exigée ad validitatem et non ad probationem.

Fondamentalement, selon les propres termes de la Cour de cassation, la lettre de change est, comme tout effet de commerce, un titre qui doit se suffire à lui-même sans qu’il soit besoin de rechercher en dehors du titre, les éléments probatoires ou indispensables à sa régularité.

L’article L. 511-21, alinéa 6 du Code de commerce lui permet d’atteindre pleinement cette finalité, eu égard à la détermination de l’avalisé et à la régularité de l’aval.

Exceptions à l’irréfragabilité de la présomption :

  • l’aval donné par acte séparé
    • La Cour de cassation estime que, lorsque l’aval est donné par acte séparé et que le non de l’avalisé ne figure pas sur l’effet, l’article L. 511-21, alinéa 6 du Code de commerce est inapplicable ( com., 14 févr. 1961: Bull. civ. 1961, III, n° 86)
    • Il en résulte que l’établissement de l’identité de la personne garantie peut se faire par tout moyen.
    • Cette solution se justifie pleinement dans la mesure où, d’une part, contrairement à l’acceptation, l’aval par acte séparé n’est pas dénué de toute valeur cambiaire et, d’autre part,lorsque l’aval est donné par acte séparé, on retombe sur le droit commun.
      • Or en matière commerciale, la preuve d’un acte juridique est libre.
  • Le recours de droit commun fondé sur le cautionnement
    • La Cour de cassation admet que le tireur-porteur qui ne dispose d’aucun recours cambiaire contre l’avaliste qui n’a pas désigné le nom de l’avalisé sur la traite puisse néanmoins rapporter la preuve que ce dernier a manifesté l’intention de se porter caution pour le tiré-accepteur ( com., 29 oct. 1979 : RTD com. 1980, p. 115, n° 2, obs. M. Cabrillac et J.-L. Rives-Lange)
      • Exigences probatoires:
        • La preuve du contrat de cautionnement ne pourra résider que dans des éléments extérieurs à la lettre de change ( com., 1er déc. 1970 : Bull. civ. 1970, IV, n° 326).
        • Par conséquent, les indications figurant sur la lettre de change telle que la mention « bon pour aval» ne pourront pas être invoquées pour établir la volonté de l’avaliste de s’engager comme caution.

IV) Quelles sont les conditions de validité de l’aval ?

==> Conditions de fond

  • L’avaliste s’engageant cambiairement en garantie de l’exécution de l’obligation de l’avalisé, il est soumis aux mêmes conditions de validité que les autres signataires de l’effet, à savoir :
    • Consentement
      • Le consentement doit exister et n’être affecté d’aucun vice
    • Cause
      • La cause doit être réelle et licite
    • Capacité
      • L’aval n’est valable que s’il émane d’une personne capable de s’obliger cambiairement
      • L’avaliste doit, autrement dit, être pourvu d’une capacité commerciale
    • Pouvoir
      • L’aval peut valablement être donné par un mandataire.
      • Dans cette hypothèse, il n’engagera que le mandant

==> Conditions de forme

L’article L. 511-21, al. 3du Code de commerce prévoit que pour valoir engagement cambiaire, l’aval peut être donné « soit sur la lettre de change ou sur une allonge, soit par un acte séparé indiquant le lieu où il est intervenu »

  • L’aval donné sur la lettre de change elle-même ou sur une allonge
    • La mention « bon pour aval» ou toute formule équivalente peut indifféremment être portée au recto ou au verso du titre
    • En tout état de cause, elle doit être assortie de la signature de l’avaliste
      • La signature doit être manuscrite
      • Lorsqu’elle émane d’une personne autre qu’un signataire de la traite, la seule signature de l’avaliste vaut aval ( com., 2 févr. 1981: Gaz. Pal. 1981, 2, p. 423, note J. Dupichot)
  • L’aval donné par acte séparé
    • Conformément à l’article L. 511-21, al. 3du Code de commerce, l’aval donné par acte séparé possède la même valeur que l’aval porté sur la lettre de change elle-même
      • L’aval donné par acte séparé doit néanmoins être assorti de l’indication « du lieu où il est intervenu»
        • À défaut, il sera dépourvu de valeur cambiaire
        • Il ne vaudra plus que comme cautionnement ou comme commencement de preuve par écrit
      • L’aval donné par acte séparé doit expressément viser :
        • les traites qu’il a vocation à garantir
        • le montant de la garantie
        • la durée de l’engagement de l’avaliste
      • L’aval donné par acte séparé doit également satisfaire aux exigences posées à l’article 1326 du Code civil

V) Quel est l’objet de l’aval ?

  • La garantie du paiement:
    • Aux termes de l’article L. 511-21, al. 1 du Code de commerce « le paiement d’une lettre de change peut être garanti pour tout ou partie de son montant par un aval.»
    • Deux enseignements peuvent immédiatement être tirés de cette disposition :
      • L’aval a pour fonction de garantir le paiement de la lettre de change
      • L’aval peut être total ou partiel
  • La garantie de l’acceptation
    • L’article L. 511-21, al. 1 du Code de commerce ne vise, manifestement, que le paiement comme objet de la garantie de l’aval.
    • Est-ce à dire que l’aval n’a pas vocation à garantir l’acceptation de la lettre de change ?
    • L’alinéa 8 de l’article L. 511-21 nous invite à ne pas retenir cette interprétation.
      • Cette disposition dispose en ce sens que « le donneur d’aval est tenu de la même manière que celui dont il s’est porté garant. »
      • L’article L. 511-38 du Code de commerce prévoit également qu’en cas de refus d’acceptation « le porteur peut exercer ses recours contre les endosseurs, le tireur et les autres obligés»

VI) Quels sont les effets de l’aval ?

Il ressort de l’article L. 511-21 du Code de commerce que l’avaliste est, tout à la fois garant de l’avalisé et débiteur cambiaire au même titre que les autres signataires de la traite.

Ainsi, l’aval produit-il deux sortes d’effets à l’égard de l’avaliste :

  • les premiers tiennent à sa qualité de garant
  • les seconds tiennent à sa qualité de débiteur cambiaire

A) Les effets tenant à la qualité de garant de l’avaliste

L’article L. 511-21 du Code de commerce dispose que « le donneur d’aval est tenu de la même manière que celui dont il s’est porté garant ».

Deux conséquences peuvent être attachées à la qualité de garant de l’avaliste

==> Engagement solidaire de l’avaliste :

  • En tant que garant solidaire du débiteur garanti il ne pourra invoquer :
  • Ni le bénéfice de discussion
    • Soit le droit accordé à la caution poursuivie en exécution, d’exiger du créancier que les biens du débiteur soient préalablement discutés, c’est-à-dire saisis et vendus.
  • Ni le bénéfice de division
    • Soit la procédure par laquelle en cas de cautionnement multiple, l’une des cautions poursuivies pour le tout peut demander au juge que l’action en paiement soit divisée entre toutes les cautions (cofidéjusseurs) solvables au jour des poursuites.

==> Bénéfice des mêmes exceptions dont peut se prévaloir le débiteur garanti

  • Il pourra ainsi opposer au porteur :
    • Les exceptions tirées du rapport personnel entre le porteur et le débiteur garanti
      • Exception (article L. 511-21 al. 8) :
        • L’absence de consentement
        • Le défaut de capacité
    • Les causes de déchéance dont aurait pu se prévaloir le débiteur garanti
      • défaut d’établissement du protêt en cas de défaut de paiement ou de refus d’acceptation
      • Prescription de l’exercice des recours
    • L’article 2037 du Code civil, s’il démontre que la faute du porteur ne lui a pas permis de bénéficier de la subrogation dans les droits de celui-ci
      • Pour mémoire, l’article 2314 du Code civil prévoit que « la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s’opérer en faveur de la caution […] ».
    • L’article 2316 du Code civil qui prévoit que la prorogation du terme accordée par le créancier au débiteur principal « ne décharge pas la caution, qui peut, en ce cas, poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement»
      • Cette solution a été admise par la Cour de cassation ( com., 12 juin 1978 : Bull. civ. 1978, IV, n° 24)
    • L’extinction par compensation de la dette du débiteur garanti

B) Les effets tenant à la qualité de débiteur cambiaire de l’avaliste

L’article L. 511-21 al. 8 du Code de commerce prévoit que l’engagement du donneur d’aval est valable « alors même que l’obligation qu’il a garantie serait nulle pour toute cause autre qu’un vice de forme »

De toute évidence, cette disposition témoigne de la nature cambiaire de l’engagement pris par l’avaliste envers le porteur de la traite.

Aussi, pèse sur le donneur d’aval les mêmes obligations que celles qui échoient aux débiteurs cambiaires de l’effet.

Il en résulte plusieurs conséquences :

  • Solidarité de l’avaliste avec tous les signataires de la traite
  • Possibilité pour le porteur de diligenter une procédure d’injonction de payer contre le donneur d’aval sur le fondement de l’article 1405, al.2du Code de procédure civile
  • Dispense d’autorisation judiciaire quant à l’accomplissement de mesures conservatoires (article L. 511-2 du Code de l’exécution forcée)
  • Exclusion de l’octroi de délais de grâce
  • Compétence des juridictions consulaires
  • Purge des exceptions: l’avaliste ne sera pas fondé à opposer au porteur de bonne foi les exceptions tirées de son rapport personnel avec le débiteur garanti
  • Indépendance des signatures
    • L’article L. 511-21, alinéa 8, du Code de commerce, prévoit que « l’engagement du donneur d’aval est valable alors même que l’obligation qu’il a garantie serait nulle pour toute autre cause qu’un vice de forme».
    • Aussi, cela signifie-t-il, concrètement, que l’avaliste reste tenu à l’égard de l’avaliste, quand bien même le débiteur garanti aurait pu opposer au porteur de bonne foi
      • L’absence de consentement
      • Le défaut de capacité
    • Le principe ainsi posé est manifesement contraire à la lettre de l’article 2289 du Code civil qui prévoit que « le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable».
    • Ce principe est néanmoins conforme à l’idée que l’aval ne s’apparente pas à un simple cautionnement solidaire mais constitue un véritable engagement régi par les règles du droit cambiaire et soumis au principe de l’indépendance des signatures

VII) Quels sont les recours dont dispose l’avaliste ?

Le donneur d’aval dispose de deux sortes de recours :

  • Les recours du droit commun
  • Les recours prévus par l’article L. 511-21, alinéa 9 du Code de commerce

A) Les recours de droit commun

Lorsque le donneur d’aval a été sollicité en paiement par le porteur de la traite, il dispose de deux recours contre le débiteur garanti :

==> L’action personnelle

  • Il s’agit d’une action en remboursement extra-cambiaire fondée sur les rapports personnels de l’avaliste avec le débiteur
  • L’article 2305 du Code civil prévoit en ce sens que « la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal»
    • L’avaliste sera remboursé de la somme déboursée dans l’intégralité, intérêts et frais compris
    • Son action ne peut être exercée qu’à titre chirographaire ; il ne dispose d’aucun privilège

Schéma 5

==> L’action subrogatoire

  • Bien que contestée dans son principe par certains auteurs, cette action est fondée sur l’article 2306 du Code civil qui permet à la caution qui a payé la dette d’être subrogée « à tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur».
  • La Cour de cassation a eu l’occasion d’ademettre l’application du recours subrogatoire de l’article 2306 au profit de l’avaliste (V. en ce sens com., 26 mai 1961 : RTD com. 1961, p. 892, obs. J. Becque et H. Cabrillac)
  • Ainsi, le donneur d’aval a-t-il la possibilité d’être subrogé dans les droits du porteur qu’il a désintéressé.
  • Il en résulte plusieurs conséquences :
    • L’avaliste bénéficie des mêmes sûretés et accessoires qui profitaient au porteur de l’effet
    • L’avaliste ne peut exercer son recours qu’à concurrence des sommes effectivement payées au porteur
    • L’avaliste est subrogé dans la créance cambiaire dont était titulaire le porteur de la traite contre l’avalisé
      • Il devient bénéficiaire à ce titre
        • des mêmes garanties
        • des mêmes recours
      • L’avaliste est subrogé dans l’action extra-cambiaire de provision contre le tiré
      • Cependant, comme il y a subrogation, l’avaliste peut se heurter aux mêmes exceptions qui pouvaient être opposées à l’ancien créancier

Schéma 6

B) Les recours cambiaires de l’article L. 511-21 al. 9 du Code de commerce

L’article L. 511-21, al. 9 du Code de commerce prévoit que « quand il paie la lettre de change, le donneur d’aval acquiert les droits résultant de la lettre de change contre le garanti et contre ceux qui sont tenus envers ce dernier en vertu de la lettre de change »

Autrement dit, lorsque le donneur d’aval a payé le porteur, cette disposition lui octroie deux sortes de recours :

  • Un recours contre le débiteur garanti
  • Un recours contre les débiteurs cambiaires du débiteur garanti

Ainsi, dans l’hypothèse où le débiteur garanti est un endosseur, le donneur d’aval disposera d’un recours :

  • contre les endosseurs antérieurs
  • contre le tireur
  • contre le tiré-accepteur

Schéma 7

De prime abord, l’interprétation de l’article L. 511-21, al. 9 ne soulève guère de difficultés particulières.

Néanmoins une question s’est rapidement posée s’agissant du fondement des recours susceptibles d’être exercés par l’avaliste contre les débiteurs cambiaires de l’avalisé : s’agit-il de recours qui reposeraient sur le fondement d’une subrogation personnelle ou s’agit-il de recours propres au donneur d’aval en ce sens qu’ils reposeraient sur le titre lui-même ?

Schéma 8

Selon que l’on retient l’un ou l’autre fondement, les conséquences ne sont pas les mêmes :

  • Si l’on admet que l’avaliste est subrogé dans les droits du débiteur garanti, les signataires de la traite tenus envers ce dernier seront fondés à opposer au donneur d’aval les mêmes exceptions que celles qu’ils peuvent opposer au débiteur garanti
  • Si, au contraire, l’on considère que les recours qui échoient à l’avaliste lui sont propres, soit qu’ils ont pour fondement le titre lui-même, en vertu du principe d’indépendance des signatures, les exceptions dont peuvent se prévaloir les obligés cambiaires du débiteur garanti ne lui sont pas opposables

Dans un arrêt du 23 novembre 1959, la Cour de cassation a tranché en faveur de la seconde hypothèse (Cass. com., 23 nov. 1959).

Elle a ainsi estimé que le donneur d’aval devenu porteur devait bénéficier du principe de l’inopposabilité des exceptions, s’il est de bonne foi.

Dans cette affaire, le tireur, pour qui l’aval avait été donné, n’avait pas fourni la provision au tiré.

Si, dès lors, on avait estimé que le recours dont dispose l’avaliste contre l’avalisé reposait sur une subrogation, le tiré-accepteur aurait valablement pu lui opposer l’exception issue de son rapport personnel avec le tireur.

La Cour de cassation a néanmoins refusé de statuer en ce sens.

Deux enseignements peuvent être tirés de cette décision :

  • Contrairement à ce qui est prévu à l’article L. 511-21 al. 7 du Code de commerce, si l’on s’en tient à sa lettre, le donneur d’aval n’est pas tenu exactement dans les mêmes termes que celui pour qui il s’est porté garant.
  • L’avaliste n’est pas un débiteur accessoire, dont le sort serait irrémédiablement lié au débiteur garanti.
    • Il est tout au contraire un débiteur cambiaire à part entière qui jouit d’une certaine autonomie
    • Aussi est-il soumis aux mêmes obligations que les signataires de la traite et bénéficie, comme eux, sans restrictions, du principe d’inopposabilité des exceptions.
    • De ce point de vue, l’avaliste jouit d’un statut plus favorable que le débiteur garanti

L’acceptation de la lettre de change

I) Définition

L’acceptation se définit comme l’engagement pris par le tiré de payer la lettre de change à l’échéance.

Plus qu’une reconnaissance de dette, par son acceptation le tiré devient le débiteur principal de la traite.

Il en résulte que le tiré s’engage cambiairement :

  • à l’égard du porteur de la traite
  • à l’égard du tireur de la traite

==> L’engagement cambiaire du tiré à l’égard du porteur de la traite

Au même au même titre que le tireur, le tiré est engagé cambiairement à l’égard du porteur, lequel dispose, désormais, de deux débiteurs cambiaires :

  • Le tireur
  • Le porteur

Tant que le tiré n’avait pas accepté la traite, le porteur ne pouvait agir contre lui qu’au moyen de l’action née de la provision.

Si, dès lors, la provision disparaissait ou que le tiré se libérait, avant l’échéance, entre les mains du tireur, le porteur ne disposait d’aucune action contre le tiré, sinon celle fondée sur la provision.

Aussi, en acceptant la lettre de change, le tiré pourra-t-il être actionné en paiement par le bénéficiaire de l’effet sur le fondement de son nouvel engagement : l’obligation cambiaire.

Schéma 1

Le tiré s’engage également cambiairement à l’égard de tous les endosseurs de la lettre de change.

Schéma 2

==> L’engagement cambiaire du tiré à l’égard du tireur de la traite

L’acceptation par le tiré de la lettre de change fait présumer l’existence de la provision.

Cette présomption repose sur l’idée qu’il est très peu probable que le tiré s’engage sans cause, sauf à souscrire à un effet de complaisance.

La conséquence en est qu’en acceptant la traite, l’engagement cambiaire contracté par le tiré ne profite pas seulement au porteur de la traite, il bénéficie également au tireur.

Cet engagement cambiaire est néanmoins plus fragile que celui pris à la faveur du porteur, dans la mesure où le tiré sera toujours fondé à opposer au tireur les exceptions issues de leur rapport fondamental et, notamment, le défaut de provision.

Schéma 3

II) La présentation à l’acceptation

==> La présentation à l’acceptation par le porteur

  • Principe: la présentation à l’acceptation constitue une simple faculté
    • Conformément à l’article L. 511-15 du Code de commerce, le porteur a la possibilité de présenter la lettre de change à l’acceptation.
    • L’exercice de ce droit n’est cependant qu’une simple faculté.
    • Le porteur est libre de ne pas présenter la traite à l’acceptation.
    • Dans cette hypothèse, il n’encourt aucune déchéance, ni ne perd ses recours cambiaires contre le tireur ou contre les endosseurs en cas de défaut de paiement du tiré
  • Exception: la présentation à l’acceptation est tantôt obligatoire, tantôt interdite

La présentation obligatoire

  • L’obligation légale:
    • L’article L. 511-15, alinéa 6, du Code de commerce prévoit que « les lettres de change à un certain délai de vue doivent être présentées à l’acceptation dans le délai d’un an à partir de leur date»
    • Ainsi, pour l’effet payable à un certain délai à vue, la présentation est obligatoire
  • L’obligation conventionnelle:
    • Le tireur peut, afin d’être rapidement fixé sur les intentions du tiré, stipuler sur la lettre de change une obligation pour le porteur de présenter la traite dans un certain délai.

La présentation interdire

  • Conformément à l’article L. 511-15 al. 3 du Code de commerce, le tireur peut stipuler que la traite est non-acceptable.
  • L’article L. 511-15 al. 3 prévoit néanmoins trois exceptions :
    • La traite est payable chez un tiers
    • La traite est payable dans une localité autre que celle du domicile du tiré
    • La traite est payable à un certain délai de vue.
  • Si elle est portée sur la traite, la clause de « non-acceptation » est opposable à tous les endosseurs
  • Cette clause se justifie, le plus souvent, par la volonté du tiré de garder le secret sur ses relations d’affaires ou parce qu’il ne souhaite pas être importuné en raison de sa solvabilité évidente.
  • En cas de violation de la clause par le porteur, si le tiré accepte la traite, son acceptation produira, malgré tout, son plein effet

==> L’acceptation de la traite par le tiré

  • Principe: l’acceptation de la traite par le tiré est facultative
    • Justification:
      • L’acceptation a pour l’effet d’aggraver considérablement la situation du tiré, de sorte qu’on ne saurait le contraindre à accepter l’effet, quand bien même il est le débiteur du tireur
      • Le tiré est, jusqu’à son acceptation, un tiers à la lettre de change. On ne saurait, en conséquence, mettre à sa charge une obligation trouvant sa source dans le titre. Si pareille obligation existe, son fait générateur est nécessairement extérieur à la lettre de change.
  • Exceptions:
  1. La conclusion d’un contrat de fourniture de marchandises entre commerçants:
  • Conformément à l’article L. 511-15 al. 9 du Code de commerce, lorsque la lettre de change est émise dans le cadre de la conclusion d’un contrat de fourniture de marchandises entre commerçants, le tiré a l’obligation d’accepter la lettre de change qui lui est adressée pour par le porteur dans un délai conforme aux usages normaux du commerce en matière de reconnaissance de marchandises
    • Exceptions à l’exception: le tiré peut refuser d’accepter la lettre de change qui lui est présentée si
      • l’une des deux parties n’est pas commerçante
      • le montant de la traite est différent du prix des marchandises fournies au tiré
      • le tireur n’est pas satisfait à ses obligations résultant du rapport fondamental qui le lie avec le tiré
        • défaut de livraison
        • non-conformité des marchandises
      • La présentation de la traite n’a pas lieu dans un délai permettant au tiré de vérifier la conformité des marchandises
    • Sanction:
      • En cas de refus par le tiré d’accepter la traite, le porteur ne dispose d’aucun moyen pour l’y contraindre. On ne saurait aggraver la situation de ce dernier contre son gré.
      • Toutefois, le porteur pourrait rechercher la responsabilité civile du tiré pour violation d’une obligation légale.
      • Par ailleurs, le refus d’acceptation ne sera pas dépourvu de tout effet :
        • Déchéance du terme de l’obligation commerciale dont est débiteur le tiré dans le cadre du rapport fondamental qui le lie au tireur
        • Ouverture de l’exercice des recours cambiaires contre les signataires de la traite

2. La promesse d’acceptation:

  • Principe:
    • L’obligation d’accepter la lettre de change peut trouver sa source dans un contrat.
    • Dans cette hypothèse, la promesse d’acceptation ne sera pas portée sur le titre. Elle ne sera donc pourvue d’aucune valeur cambiaire.
    • En somme, la promesse d’acceptation ne vaut pas acceptation. Elle n’obligera en rien le promettant
    • Aussi, contrairement à l’acceptation qui doit être pure et simple, la promesse d’acceptation peut être subordonnée à la réalisation d’une ou plusieurs conditions
  • Effets:
    • Le droit cambiaire n’ayant pas vocation à régir la promesse d’acceptation, ce sont les règles du droit commun qui lui sont applicables.
    • Dès lors, conformément à l’article 1142 du Code civil, en cas d’inexécution elle se résout en dommages et intérêts car appartient à la catégorie des obligations de faire.
  • Sanction:
    • Le manquement par le tiré à sa promesse d’acceptation ne devrait pas emporter la déchéance du terme
    • Le porteur sera simplement fondé à engager la responsabilité contractuelle du tiré.

III) Le refus d’acceptation

Le tiré peut toujours, même lorsqu’une obligation légale pèse sur lui, refuser d’accepter la traite qui lui est présentée.

Plusieurs raisons peuvent présider au refus du tiré d’accepter la traite :

  • Le tireur n’a pas exécuté la prestation promise
  • Le tiré ne se reconnaît pas débiteur du tireur
  • Le tiré rencontre des difficultés de trésorerie
  • Le tiré fait l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire

En toute hypothèse, le refus d’acceptation s’apparentera toujours à l’un des trois cas suivants :

  • Le tiré refuse TOTALEMENT d’accepter la traite
  • Le tiré accepte PARTIELLEMENT la traite
  • Le tiré subordonne son acceptation à la réalisation d’une condition

Lorsque l’une de ces trois hypothèses est caractérisée, le titre émis devient alors suspect. Le porteur est, en effet, légitimement en droit de penser que l’effet ne sera pas payé à l’échéance.

Aussi, plusieurs conséquences ont été attachées par le législateur et la jurisprudence au refus total ou partiel d’acceptation :

==> L’obligation de retourner la traite non-acceptée au porteur dans les meilleurs délais

  • La Cour de cassation impose au tiré non-accepteur de retourner la traite au porteur dans les meilleurs délais ( com., 12 févr. 1974 : Bull. civ. 1974, IV, n° 55 ; RTD com. 1974, p. 556, n° 2, obs. M. Cabrillac et J.-L. Rives-Lange)
  • Il appartient aux juges du fond dans l’exercice de leur pouvoir souverain de déterminer le délai à l’expiration duquel le retour de l’effet non-accepté devient fautif
  • En cas de manquement à cette obligation, le tiré engage sa responsabilité délictuelle

==> L’ouverture des recours cambiaires avant l’échéance

Principe:

  • L’article L. 511-38-I. 2° a) du Code de commerce prévoit que, en cas de refus total ou partiel d’acceptation, le porteur peut exercer, avant l’échéance, des recours cambiaires contre tous les signataires de la traite, soit contre :
    • Le tireur
    • Les endosseurs
    • L’avaliste
  • Aucun ordre n’est imposé quant à l’exercice des recours cambiaires ouverts au porteur contre les signataires de la traite

Justification:

  • Cette solution s’explique par le fait que les signataires de la traite ne sont pas seulement garants du paiement, ils sont aussi, conformément aux articles L. 511-6, al. 1er et 511-10 al. 1er du Code de commerce, garants de l’acceptation.

Modalités de mise en œuvre

  • Afin de pouvoir exercer ses recours cambiaires, l’article L. 511-39 du Code de commerce commande au porteur de l’effet de faire constater le refus d’acceptation du tiré « par un acte authentique dénommé protêt faute d’acceptation».
    • Le porteur peut néanmoins être dispensé de cette démarche dans l’hypothèse où la dispense de protêt est portée sur le titre.
    • C’est ce que l’on appelle une clause sans frais, clause dont la stipulation est désormais d’usage

==> La déchéance du terme de l’obligation fondamentale

Principe:

  • Conformément à l’article L. 511-15 al. 10 du Code de commerce « le refus d’acceptation entraîne de plein droit la déchéance du terme aux frais et dépens du tiré»
  • Autrement dit, la créance commerciale dont est débiteur le tiré dans le cadre du rapport fondamental qui le lie au tireur devient exigible immédiatement.

Effets:

  • Pour le porteur :
    • L’échéance portée sur la lettre de change demeure inchangée dans l’hypothèse où le tiré refuse d’accepter la traite qui lui est présentée ( com., 1er févr. 1977 : Bull. civ. 1977, IV, n° 35 ; D. 1977, IR 398, obs. M. Vasseur ; RTD com. 1977)
    • Il en résulte que porteur n’est pas fondé à réclamer au tiré le paiement de la traite
    • Aussi, devra-t-il attendre l’échéance afin d’être payé, à supposer que :
      • le tiré ne se soit pas déjà libéré entre les mains du tireur
      • la provision existe toujours
  • Pour le tireur:
    • Le tireur dispose de plusieurs options. Il peut demander :
      • la résolution judiciaire du contrat en vertu duquel a été émise la lettre de chance
      • la restitution des marchandises livrées au tiré, afin d’échapper à la concurrence des autres créanciers

IV) L’acceptation par intervention

==> Principe:

  • L’acceptation par intervention est une démarche accomplie par un tiers qui consiste à palier le refus d’acceptation du tiré.
  • L’article L. 511-65 du Code de commerce prévoit en ce sens que :
    • « Le tireur, un endosseur ou un avaliseur peut indiquer une personne pour accepter ou payer au besoin.
    • La lettre de change peut être, sous les conditions déterminées ci-après, acceptée ou payée par une personne intervenant pour un débiteur quelconque exposé au recours.
    • L’intervenant peut être un tiers, même le tiré, ou une personne déjà obligée en vertu de la lettre de change, sauf l’accepteur. »
  • Pratiquement, ce tiers va être sollicité par le tireur ou par un endosseur qui se trouve sous la menace du recours cambiaire susceptible d’être exercé par le porteur de la traite.
  • À la vérité, comme s’accordent à le dire les auteurs, l’acceptation par intervention s’apparente moins à une acceptation qui serait consentie en lieu et place du tiré, qu’à un cautionnement souscrit à la faveur du tireur ou d’un endosseur.

==> Les bénéficiaires de l’acceptation par intervention

  • L’intervention ne peut être consentie qu’à la faveur d’un débiteur exposé à un recours cambiaire
  • Elle ne peut donc pas bénéficier au tiré qui n’est pas signataire de la traite ; et pour cause il a refusé de l’accepter
  • L’accepteur par intervention doit indiquer en faveur de qui il accepte. À défaut, elle est censée avoir été consentie en faveur du tireur.

==> L’acceptation par intervention s’impose-t-elle au porteur ?

  1. Le porteur peut refuser l’acceptation par intervention
  2. On ne saurait lui imposer l’intervention d’un tiers dans l’opération de change

==> Effets:

  • Vis-à-vis du porteur
    • Il est privé de l’exercice immédiat de son recours cambiaire contre
      • le bénéficiaire de l’acceptation par intervention
      • les signataires subséquents
  • Vis-à-vis de l’intervenant
    • L’intervenant est tenu dans les mêmes termes que le bénéficiaire de l’intervention
      • Il est néanmoins débiteur cambiaire
      • Le principe d’inopposabilité des exceptions lui est donc applicable, notamment s’agissant des exceptions issues de son rapport personnel avec le bénéficiaire de l’intervention
    • L’accepteur par intervention qui a payé le porteur disposera d’un recours cambiaire contre
      • Le bénéficiaire de l’intervention
      • Les signataires de la traite

V) Les conditions de l’acceptation

 A) Les conditions de fond

==> Conditions de droit commun

  • L’acceptation est subordonnée au respect des conditions de validité de tout acte juridique :
    • Consentement
      • Le consentement doit exister et n’être affecté d’aucun vice
    • Cause
      • La cause doit être réelle et licite
    • Capacité
      • L’acceptation n’est valable que si elle émane d’une personne capable de s’obliger cambiairement
      • Elle doit, autrement dit, être pourvue d’une capacité commerciale
    • Pouvoir
      • L’acceptation peut valablement être donnée par un mandataire.
      • Dans cette hypothèse elle n’engagera que le mandant

==> Principe d’inopposabilité des exceptions:

  • Les vices affectant l’engagement cambiaire de l’accepteur sont inopposables au porteur de bonne foi

==> Exceptions:

  • Sont toujours opposables au porteur de bonne foi :
    • Le défaut de consentement
    • Le défaut de capacité

B) Les conditions de forme

==> L’acceptation apposée sur le titre

  • Aux termes de l’article L. 511-17 al. 1er du Code de commerce « l’acceptation est écrite sur la lettre de change. Elle est exprimée par le mot ” accepté ” ou tout autre mot équivalent et est signée du tiré. La simple signature du tiré apposée au recto de la lettre vaut acceptation.»
  • Trois exigences de forme président à la validité de l’acceptation en vertu de cette disposition :
    • L’acceptation doit être portée sur le titre lui-même.
      • Peu importe qu’elle figure au recto ou au verso de la lettre
    • La formule apposée sur la traite doit exprimer la volonté claire et non-équivoque du tiré de s’engager cambiairement
    • Le tiré doit apposer sa signature manuscrite sur l’effet
  • Mentions facultatives:
    • La date de l’acceptation
    • Le lieu du paiement
    • La valeur fournie

==> L’acceptation par acte séparé

  • Principe:
    • L’article L. 511-17 du Code de commerce prévoit que, pour être valable, l’acceptation doit être apposée sur le titre lui-même.
    • A contrario, il en résulte que lorsque l’acceptation ne figure pas sur la traite, elle est irrégulière en la forme.
  • Sanction:
    • L’acceptation par acte séparé ne vaut pas acceptation, de sorte qu’elle est dépourvue de tout effet cambiaire ( com., 22 févr. 1954 : D. 1954, p. 311 ; JCP CI 1954, 52983)
    • Le tiré demeure un tiers à l’opération de change.
    • Le porteur ne dispose contre lui que d’un recours fondé sur la provision
    • Le tiré est alors fondé à lui opposer toutes les exceptions pour faire échec à sa demande de paiement
  • Valeur de l’acceptation par acte séparé:
    • Une promesse de paiement
      • La jurisprudence considère que l’acceptation par acte séparé s’apparente à une simple promesse de paiement régie par le droit extra-cambiaire ( com., 22 févr. 1954)
    • Une délégation (imparfaite)
      • Ne pourrait-on pas reconnaître à l’acceptation par acte séparé la valeur d’un engagement pris par un délégué à la faveur d’un délégataire, dans le cadre d’une opération de délégation imparfaite au sens de l’article 1275 du Code civil ?
      • Problématique:
        • La délégation se définit comme « l’opération complexe par laquelle un débiteur, le délégant, donne instruction à un tiers, le délégué, qui est le plus souvent son propre débiteur, de souscrire un engagement envers le délégataire, créancier du délégant, qui accepte cet engagement» (Ph. Simpler, « L’énigmatique sort de l’obligation du délégué envers le délégant tant que l’opération de délégation n’est pas dénouée », Mélanges J.-L. Aubert, 2005)
        • La Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur cette question de l’application du mécanisme de la délégation à la lettre de change, notamment dans un arrêt du 24 mars 1998 ( com., 24 mars 1998 : Bull. civ. 1998, IV, n° 114 ; JCP G 1998, 2139 ; JCP E 1998, pan. p. 826 ; D. 1998, inf. rap. p. 112 : RTD com. 1998, p. 388, n° 1, obs. M. Cabrillac)
        • On se retrouverait alors dans la configuration suivante :
          • Le tireur s’apparentait au déléguant
          • Le tiré était le délégué
          • Le porteur jouait le rôle de délégataire

Schéma 4

  • Rétablissement du principe d’inopposabilité des exceptions
    • Dans l’hypothèse où l’on appliquerait le mécanisme de la délégation à la lettre de change, le porteur (délégataire) retrouvait le bénéfice du principe d’inopposabilité des exceptions perdu en raison de l’acceptation par acte séparé
    • En matière de délégation, le délégué (tiré) ne saurait, en effet, opposer au délégataire (porteur)
      • Tant les exceptions issues de son rapport personnel avec le délégant
      • Que les exceptions tirées de la relation entre le délégant (tireur) et le délégataire (porteur)
  • Exception à l’absence de valeur cambiaire de l’acceptation par acte séparé:
    • L’article L. 511-20 al. 2 du Code de commerce prévoit que « si le tiré a fait connaître son acceptation par écrit au porteur ou à un signataire quelconque, il est tenu envers ceux-ci dans les termes de son acceptation»
    • Le code de commerce vise ici la situation où le tiré aurait accepté, dans un premier temps, la traite, puis se serait rétracté, dans un second temps, en biffant le titre.
    • Dans cette hypothèse seulement, l’acceptation par acte séparé aura pour effet d’engager le tiré cambiairement à l’égard des seuls destinataires de l’acte séparé
    • Certains auteurs confèrent à cette disposition une portée générale.
      • Toutefois, son application doit, selon nous, rester cantonnée à l’hypothèse du biffage de la traite
      • L’alinéa 2 de l’article L. 511-20 al. 2 n’est, en effet, qu’une exception au principe posé à l’alinéa 1, lequel dispose que : « si le tiré, qui a revêtu la lettre de change de son acceptation, a biffé celle-ci avant la restitution de la lettre, l’acceptation est censée refusée. Sauf preuve contraire, la radiation est réputée avoir été faite avant la restitution du titre.»

VI) Les caractères de l’acceptation

A) Pure et simple

  • Principe : prohibition de l’acceptation conditionnelle
    1. Aux termes de l’article L. 511-17, al. 3 du Code de commerce l’acceptation doit être pure et simple
    2. En conséquence, l’acceptation qui serait subordonnée à la réalisation d’une condition s’apparente à un refus d’acceptation.
    3. Toutefois, l’acceptation conditionnelle n’est pas sans effets :
      • Dans les rapports porteur-tireur/endosseurs, le bénéficiaire de la traite est fondé à exercer contre eux, avant l’échéance, ses recours cambiaires, comme s’il y avait eu refus d’acceptation
      • Dans les rapports porteur-tiré, conformément à l’article L. 511-17, al. 4 du Code de commerce, le tiré est tenu vis-à-vis du porteur dans les termes de son acceptation, si bien que si la condition se réalise avant l’échéance, son acceptation produira les mêmes effets qu’une acceptation pure et simple
  • Exception : validité de l’acceptation partielle
    1. Aux termes de l’article L. 511-17, al. 3 du Code de commerce le tiré dispose de la faculté de restreindre son acceptation à une partie de la somme portée sur la traite
    2. Le tiré adoptera cette démarche lorsque le tireur ne lui aura fourni que partiellement la provision.
    3. Cependant, le porteur aura la possibilité de faire dresser protêt pour la différence entre le montant de la traite et la somme pour laquelle l’acceptation a été donnée.

B) Irrévocable

L’acceptation de la traite par le tiré est irrévocable dès lors qu’il s’est dessaisi du titre au profit du porteur.

C’est en ce sens que s’est prononcée la Cour de cassation dans un arrêt du 2 juillet 1969 (Cass. com., 2 juill. 1969 : JCP G 1970, II, 16427, note Ph. Langlois).

Dans cette décision, la Cour de cassation a validé l’arrêt de la Cour d’appel qui avait « considéré […] qu’à défaut de biffage de l’acceptation avant la restitution de la lettre de change […], l’obligation cambiaire, née de l’acceptation, était irrévocable à l’égard d’un porteur légitime »

FICHE D’ARRÊT

Com. 2 juill. 1969, Bull civ. IV, no 258

Faits :

  • La société Baudinet tire une lettre de change sur la société Dulignien aux fins de règlement d’un marché de vins
  • Remise à l’escompte par le tireur de la lettre de change à la faveur du Crédit Lyonnais
  • Acceptation de la lettre de change avant de la restituer au porteur (la banque escompteur)
  • Deux jours plus tard, le tiré fait néanmoins savoir au porteur de la lettre qu’elle rétracte son acceptation ayant appris que le tireur était dans l’incapacité de lui livrer les marchandises promises

Schéma -fiche JP

Demande :

Action en paiement de la lettre de change engagée par la banque contre le tiré-accepteur

Procédure :

Dispositif de la décision rendue au fond:

  • Par un arrêt du 16 mars 1967, la Cour d’appel de Dijon accède à la requête de la banque
  • Elle condamne donc le tiré au règlement de la lettre de change

Motivation des juges du fond:

Les juges du fond estiment que

  • l’erreur invoquée par le tiré sur la réalité de la provision (le prix de la valeur des marchandises et non les marchandises en elle-même), est inopposable au porteur de la traite dans la mesure où il s’agit là d’une exception fondée sur les rapports entre le tiré et le tireur!
  • la Cour d’appel relève que certes le tiré a porté à la connaissance du porteur de la traite de son erreur en acceptant la lettre de change.
    • Toutefois, elle estime que seul un biffage de l’acceptation apposée sur le titre peut l’a privé d’effet, quand bien même le porteur était au courant de l’erreur avant sa restitution !

Moyens des parties :

  • Erreur sur la cause de l’engagement du tiré est source de nullité de l’acceptation
  • Mauvaise foi du porteur car avait connaissance de l’erreur commise par le TIRÉ avant la restitution de la traite de sorte que l’erreur lui était opposable

Solution de la Cour de cassation :

Dispositif de l’arrêt:

  • La Cour de cassation valide la solution adoptée par la Cour d’appel

Sens de l’arrêt:

  • Premier point: la Cour de cassation valide la décision de la Cour d’appel concernant l’inopposabilité des exceptions issues de la relation entre le tireur et le tiré.
  • Dès lors que le porteur est de bonne foi, ces exceptions lui sont inopposables !
  • Recours à la formule « à bon droit »
  • En quoi la solution de la Cour d’appel était-elle audacieuse ?
  • En l’espèce, le porteur a connaissance de l’erreur du tiré avant que la traite ne lui soit restituée
  • Toutefois, la mauvaise foi du porteur n’est pas caractérisée.
  • Pourquoi ?
  • Cela nous amène au second point de cet arrêt
  • Second point: la Cour de cassation admet ici que, seul un biffage de l’acceptation puisse valoir rétractation ! Ainsi valide-t-elle la solution de la Cour d’appel tendant à dire que le tiré ne pouvait plus revenir sur son acceptation dès lors qu’il s’était dessaisi de la traite !

Pourquoi cette solution ?

Jusqu’à la remise du titre au porteur, l’acceptation a un caractère essentiellement provisoire et le tiré conserve la faculté de l’annuler en biffant simplement la mention et sa signature.

L’article L. 511-20, alinéa 1er, doit être entendu en ce sens que le tiré qui a revêtu la lettre de change de sa signature ne peut retirer son acceptation qu’en la biffant, c’est-à-dire en rayant ou raturant l’écrit avant de restituer le titre.

À l’instant même où il restitue la lettre de change acceptée, son engagement devient irrévocable.

Il en serait encore de même, si la lettre de change était volontairement restituée à l’accepteur par le porteur et si ce dernier l’autorisait à biffer sa signature.

Tout au moins, cette autorisation ne dégagerait le tiré qu’au regard du porteur et l’acceptation conserverait son caractère irrévocable vis-à-vis de tous les autres intéressés.

Ainsi, AVANT MÊME que le porteur ne soit entré en possession du titre, l’accepteur qui s’est dessaisi de la lettre revêtue de son acceptation ne peut plus se rétracter.

Dès lors, on comprend bien pourquoi, l’avis téléphonique, télégraphique ou électronique que le tiré-accepteur donne au banquier pour lui notifier le retrait de son acceptation reste sans effet !

Il est et reste débiteur du porteur connu ou inconnu qui lui présentera la traite à l’échéance

Ainsi, en l’espèce, bien que l’accepteur plaide que sa révocation téléphonique, non contestée d’ailleurs, avait touché la banque poursuivante avant que la lettre de change, revêtue de sa signature, lui soit parvenue, il ne peut se prévaloir de la rétractation de son acceptation !

Le caractère irrévocable de l’acceptation se justifie par la nature de cette dernière qui n’est autre qu’un acte unilatéral.

Or la particularité d’un acte unilatéral, c’est de produire ses effets, irrévocablement, dès lors qu’il est porté à la connaissance de son destinataire.

D’où l’impossibilité pour le tiré-accepteur de se dédire lorsqu’il s’est dessaisi de l’effet.

L’irrévocabilité de l’acceptation emporte deux conséquences majeures :

  • Le tiré est partie à l’effet, sans possibilité de se soustraire à son engagement
  • Le tireur et les endosseurs de la traite sont définitivement libérés de leur obligation de garantir l’acceptation, quand bien même le porteur autoriserait le tiré à revenir sur son engagement

VII) Les effets de l’acceptation

A) Sur le terrain cambiaire

  • Création d’une obligation cambiaire dont le tiré devient débiteur à la faveur du porteur (article L. 511-19 du Code de commerce).
  • Il en résulte plusieurs conséquences :
    • Le tiré devient le débiteur principal de l’effet
      • Il ne disposera de recours contre personne exception faite du tireur s’il ne lui a pas fourni provision
    • Solidarité du tiré avec tous les signataires de la traite
    • Possibilité pour le porteur de diligenter une procédure d’injonction de payer contre le tiré sur le fondement de l’article 1405, al.2 du Code de procédure civile
    • Dispense d’autorisation judiciaire quant à l’accomplissement de mesures conservatoires (article L. 511-2 du Code de l’exécution forcée)
    • Exclusion de l’octroi de délais de grâce
    • Compétence des juridictions consulaires
    • Purge des exceptions: le tiré ne sera pas fondé à opposer au porteur de bonne foi :
      • les exceptions tirées de son rapport personnel avec le tireur
        • Exemple : le défaut de livraison des marchandises
      • les exceptions qu’il pouvait opposer aux endosseurs (article L. 511-19 du Code de commerce)
      • Exceptions :
        • Le tiré aura toujours la faculté d’opposer les exceptions au porteur de mauvaise foi, soit si celui-ci a agi sciemment au détriment du tiré (article L. 511-12 du Code de commerce)
        • Dans l’hypothèse où le tireur est aussi porteur de l’effet, le tiré pourra toujours lui opposer les exceptions issues de leur rapport personnel, soit dans le cadre de la fourniture de la provision ( com., 22 mai 1991 : Bull. civ. 1991, IV, n° 170)

B) Sur le terrain extra-cambiaire

L’acceptation produit deux conséquences sur le terrain cambiaire :

  •  Le renforcement des droits du porteur sur la provision
  • Le renversement de la charge de la preuve quant à l’établissement de la constitution de la provision

==> Le renforcement des droits du porteur sur la provision

Tant que le tireur n’a pas fourni provision au tiré ou que celui-ci n’a pas accepté la traite, le porteur est titulaire d’un droit de créance éventuelle.

La Cour de cassation estime en ce sens que « la provision s’analyse dans la créance éventuelle du tireur contre le tiré, susceptible d’exister à l’échéance de la lettre de change, et, qu’avant cette échéance, le tiré non accepteur peut valablement payer le tireur tant que le porteur n’a pas consolidé son droit sur ladite créance en lui adressant une défense de s’acquitter entre les mains du tireur » (Com. 29 janv. 1974, Bull. civ. IV, no 37).

Ainsi, pour Cour de cassation, tant que l’échéance de la lettre de change n’est pas survenue, le paiement du tiré entre les mains du tireur est libératoire.

Réciproquement, on peut en déduire que, jusqu’à l’échéance, le tireur peut librement disposer de la provision – pourtant transmise au porteur – celui-ci ne détenant contre le tiré qu’un droit de créance éventuelle.

Bien que conforme à la lettre de l’article L. 511-7, alinéa 3 du Code de commerce, cette jurisprudence n’en est pas moins source de nombreuses difficultés.

Dans la mesure où le droit de créance dont est titulaire le porteur n’a pas définitivement intégré son patrimoine, d’autres créanciers sont susceptibles d’entrer en concours quant à la titularité de la créance que détient le tireur contre le tiré :

Aussi, l’acceptation de la traite par le tiré a pour effet de renforcer considérablement les droits du porteur sur la provision.

Celui-ci ne dispose plus d’un droit sur une créance éventuelle.

La provision sort définitivement du patrimoine du tireur. Elle devient indisponible. Elle ne pourra donc pas faire l’objet d’une revendication émanant d’un créancier concurrent du tireur ou du tiré.

Le paiement du tiré effectué entre les mains du tireur n’est pas libératoire.

==> Le renversement de la charge de la preuve quant à l’établissement de la constitution de la provision

L’article L. 511-7 al. 4 prévoit que l’acceptation de la lettre de change fait présumer la constitution de la provision.

Autrement dit, il appartiendra au tiré de prouver que le tireur n’a pas exécuté l’obligation qui lui échoit au titre de la provision.

Lorsqu’il exercera son recours contre le tiré, le porteur sera, en conséquence, dispensé de rapporter la preuve de la provision.

Deux questions se sont alors posées :

  • Quel est le domaine d’application de la présomption ?
  • Quelle est la nature de la présomption ?
  1. Le domaine d’application de la présomption

L’article L. 511-7 alinéa 5 du Code de commerce dispose que l’acceptation « établit la preuve à l’égard des endosseurs. »

Est-ce à dire que seuls les endosseurs seraient fondés à se prévaloir de la présomption posée à l’alinéa 4 de l’article L. 511-7 du Code de commerce ?

En d’autres termes, le tireur et le porteur de la traite seraient-ils exclus du bénéfice de la présomption ?

Très tôt, la Cour de cassation a répondu par l’affirmative à cette interrogation (Cass. civ., 30 nov. 1897 : DP 1898, 1, p. 158 ; Cass. civ., 15 juill. 1975 : Bull. civ. 1975, IV, n° 201).

2. La nature de la présomption

La question qui se pose est de savoir si la présomption posée à l’article L. 511-7 alinéa 4 du Code de commerce est simple.

Le tiré est-il fondé à rapporter la preuve contraire ?

Deux catégories de rapports doivent être envisagées :

  • Les rapports tireur-tiré accepteur
  • Les rapports porteur/endosseur-tiré accepteur

==> Dans les rapports tireur-tiré accepteur

La présomption est simple.

Elle ne souffre donc pas de la preuve contraire (Cass. com., 22 mai 1991 : Bull. civ.1991, IV, n° 170 ; D. 1992, somm. p. 339, obs. M. Cabrillac)

Cette solution s’explique par le fait que l’engagement cambiaire du tiré n’est pas totalement abstrait

L’acceptation par le tiré de la traite a pour cause le rapport fondamental qui le lie au tireur.

Il est donc légitime qu’il lui soit permis d’établir que le tireur n’a pas satisfait à son obligation, laquelle obligation constitue la cause de l’engagement cambiaire du tiré

En outre, dans le cadre des rapports tireur-tiré accepteur, le tiré, même accepteur, est toujours fondé à opposer au tireur les exceptions issues de leurs rapports personnels.

Or le défaut de provision en est une. D’où la permission qui lui est faite de prouver que la provision ne lui a pas été valablement fournie.

==> Dans les rapports porteur/endosseur-tiré accepteur

Deux hypothèses doivent être envisagées :

  • Le porteur/endosseur est de bonne foi: la présomption est irréfragable ( req., 23 déc. 1903 : DP 1905, 1, p. 358)
    • Cette position de la Cour de cassation résulte de l’application du principe d’inopposabilité des exceptions
    • Que la provision ait ou non été constituée à la faveur du tiré, celui-ci est engagé cambiairement, de sorte qu’il a l’obligation de payer l’effet lors de sa présentation à l’échéance.
  • Le porteur/endosseur est de mauvaise foi : la présomption est simple ( com., 12 juill. 1971 : Gaz. Pal. 1971, 2, jurispr. p. 759)
    • Cette solution se justifie pleinement puisque le porteur de mauvaise foi est déchu du bénéfice de l’inopposabilité des exceptions
    • Le tiré accepteur, bien qu’il soit engagé cambiairement, est, en conséquence, fondé à invoquer le défaut de provision
    • Or pour ce faire, il lui faudra prouver que le tireur ne lui a pas fourni ladite provision