Détention précaire et acte de pure faculté ou de simple tolérance

Lorsque le pouvoir de fait exercé sur la chose ne correspond ni à une situation de possession, ni à une situation de détention précaire, on dit de l’agent qu’il est « occupant sans droit, ni titre ».

Tout au plus, lorsque l’emprise matérielle que l’occupant exerce sur le bien est consentie par le propriétaire, elle correspond à ce que l’on appelle un acte de pure faculté ou de simple tolérance.

L’acte de pure faculté ou de simple tolérance peut se définir comme la détention d’un bien  avec la permission tacite ou expresse du propriétaire.

À la différence de la détention précaire qui repose sur un titre, la détention résulte ici de la seule volonté du propriétaire de la chose.

Cette situation se rencontre notamment en matière de servitude qui est une charge établie sur un immeuble pour l’usage et l’utilité d’un fonds voisin appartenant à un autre propriétaire.

Il s’agit d’un démembrement de la propriété de l’immeuble que la servitude grève et d’un droit accessoire de la propriété du fonds auquel elle bénéficie. Comme un droit réel, la servitude peut parfois être acquise par prescription. Pour ce faire, elle doit faire l’objet d’une possession pendant une certaine durée.

Toutefois, ainsi que le prévoit l’article 2262 du Code civil « les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription. »

Ainsi, lorsque la détention ne résulte pas d’un titre et que le détenteur n’a pas la volonté de se comporter comme le véritable propriétaire de la chose, elle ne produit aucun effet.

Cette règle a, par exemple, trouvé à s’appliquer dans un arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 6 mai 2014. La troisième chambre civile a, en effet, validé la décision d’une Cour d’appel qui avait retenu « qu’un acte de pure faculté de simple tolérance ne pouvait fonder ni possession ni prescription » (Cass. 3e civ. 6 mai 2014, n°13-16790).

Dès lors, le fait pour le propriétaire d’un champ d’autoriser un voisin à faire paître son troupeau d’animaux sur ce champ ne fait pas du voisin le possesseur d’une servitude de passage et de pâturage.

Pareillement, le simple passage à pied sur le terrain d’autrui, toléré par le propriétaire, ne suffit pas à constituer possession, faute d’élément intentionnel.

Au fond, l’acte de pure faculté ou de simple tolérance consiste en l’exercice normal du droit de propriété qui, n’empiétant pas sur le fonds d’autrui, ne constitue pas un acte de possession capable de faire acquérir, par usucapion, un droit sur ce fonds.

Cet acte de pure faculté ou de simple tolérance est admis, soit parce que le propriétaire du fonds l’a expressément autorisé, soit parce qu’il y consent tacitement par souci d’amitié, de bon voisinage, d’obligeance ou encore altruisme.

==> Au bilan, les différents cas dans lesquels est susceptible de se trouver celui qui exerce un pouvoir de fait ou de droit sur la chose correspondent à quatre situations :

 

Possession - Corpus

De la distinction entre la possession et la détention précaire

Il est des situations où celui qui exerce une emprise physique sur la chose, n’a pas la volonté de se comporter comme son propriétaire.

Parce qu’il lui manque l’animus il ne peut donc pas être qualifié de possesseur  : il est seulement détenteur de la chose.

La détention se distingue ainsi de la possession en ce que le détenteur n’a pas la volonté d’être titulaire du droit réel en cause.

Reste qu’il exerce, comme le possesseur, une emprise matérielle sur la chose. La détention peut prendre deux formes :

  • Elle peut être précaire, soit résulter d’un titre
  • Elle peut être simple, soit résulter d’un fait

I) Possession et détention précaire

Le Code civil ne donne aucune définition de la détention, il se limite à en décrire les effets. L’article 2266, par exemple, prévoit que « ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit ».

Aussi, c’est vers la doctrine qu’il convient de se tourner pour identifier la notion et en comprendre les éléments constitutifs.

Le doyen Cornu définit la détention dans son vocabulaire juridique comme « le pouvoir de fait exercé sur la chose d’autrui en vertu d’un titre juridique qui rend la détention précaire en ce qu’il oblige toujours son détenteur à restituer la chose à son propriétaire et l’empêche de l’acquérir par la prescription (sauf interversion de titre), mais non de jouir de la protection possessoire, au moins à l’égard des tiers ».

Il ressort de cette définition que la distinction entre la possession et la détention précaire tient, d’une part, à leurs sources, d’autre part, à leurs éléments constitutifs et, enfin, à leurs effets.

==> Les sources

Si, possesseur et détenteur ont en commun d’exercer un pouvoir de fait sur la chose, ils se distinguent en ce que la possession résulte toujours d’une situation de fait, tandis que la détention précaire résulte d’une situation de droit.

  • La possession relève du fait
    • Si la possession se confond généralement avec la propriété, situation de droit, elle relève pourtant toujours du fait : l’acte de détention et de jouissance de la chose
    • Si le possesseur exerce un pouvoir de fait sur la chose, c’est parce qu’il en a la maîtrise physique.
    • Le point de départ de la possession consiste ainsi en une situation de pur fait, l’emprise matérielle exercée sur la chose, à la différence de la détention qui est assise sur une situation de droit
  • La détention relève du droit
    • Contrairement au possesseur, le détenteur précaire ne tient pas son pouvoir de l’emprise matérielle qu’il exerce sur la chose, mais du titre qui l’autorise à détenir la chose.
    • Ce titre est le plus souvent un contrat, tel qu’un bail, un prêt, un dépôt ou encore un mandat.
    • Ce titre peut encore résulter de la loi : il en va ainsi du tuteur qui est détenteur précaire des biens qu’il administre pour le compte de la personne protégée.
    • Tel est encore le cas de l’usufruitier dont le pouvoir, qu’il détient le plus souvent des règles de dévolution successorale, ne se confond pas avec le droit du propriétaire (V. en ce sens 2266 C. civ.)

==> Les éléments constitutifs

Ce qui distingue la possession de la détention ne tient pas seulement à leurs sources, mais également à leurs éléments constitutifs.

  • S’agissant de la possession
    • La possession requiert, pour être constituée, la caractérisation du corpus et de l’animus.
    • S’il est admis que la possession puisse perdurer en cas de disparition du corpus, sous réserve qu’elle ne soit pas contredite par un tiers, c’est à la condition que le possesseur ait l’intention de se comporter comme le véritable propriétaire de la chose.
    • Surtout, la possession ne pourra produire ses effets que si elle ne résulte d’aucun titre, car le titre fonde la détention.
  • S’agissant de la détention
    • Comme la possession, la détention requiert le corpus: le détenteur doit exercer une emprise matérielle sur la chose.
    • La détention est ainsi, avant toute chose, un pouvoir de fait sur la chose.
    • Ce pouvoir dont est titulaire le détenteur ne s’accompagne pas néanmoins de l’animus
    • Ce dernier n’a, en effet, pas la volonté de se comporter comme le véritable propriétaire de la chose
    • Ses agissements se limitent à exercer une emprise matérielle sur la chose, sans intention de se l’approprier
    • C’est là une différence fondamentale avec la possession qui se caractérise notamment par l’animus.
    • La conséquence en est que, en l’absence de l’animus, la détention ne peut emporter aucun des effets juridiques attachés à la possession, spécialement l’effet acquisitif.

==> Les effets

Dernière différence entre la détention et la possession : leurs effets respectifs. Tandis que la détention se caractérise par l’obligation de restitution qui pèse sur le détenteur, la possession permet au possesseur d’acquérir, sous certaines conditions, le bien possédé.

  • La restitution de la chose
    • Particularité de la détention, qui ne se retrouve pas dans la possession, le détenteur a vocation à restituer la chose à son propriétaire ; d’où la qualification de détention précaire
    • L’obligation de restitution résulte du titre qui fonde le pouvoir exercé sur la chose par le détenteur
    • Lorsque, en effet, la situation de droit cesse de produire ses effets, le détenteur doit restituer la chose
    • Ainsi, à l’échéance du contrat, le locataire doit quitter les lieux, le dépositaire doit rendre la chose au déposant et l’emprunteur doit rembourser la somme d’argent prêtée au prêteur
    • L’obligation de restitution rend certes la détention de la chose précaire
    • Cette précarité est toutefois somme toute relative, dans la mesure, le détenteur est protégé par un titre.
    • Si le contrat de bail exige que la chose louée soit restituée à l’échéance du terme, il oblige également le bailleur à assurer au preneur la jouissance paisible de la chose pendant toute la durée du bail.
    • Sur cet aspect la situation du détenteur précaire est bien moins favorable que celle du possesseur sur lequel ne pèse, certes, aucune obligation de restitution, mais dont le pouvoir qu’il exerce sur la chose peut être contesté par un tiers.
    • Le possesseur n’a, en effet, pas vocation, a priori, à restituer le bien puisque, par hypothèse, il a la volonté de se comporter comme le véritable propriétaire.
    • Reste que la possession peut être affectée par un certain nombre de vices de nature à la priver d’efficacité, voire à la remettre en cause.
    • Tel n’est pas le cas de la détention précaire qui résulte toujours d’une situation de droit et qui, par voie de conséquence, procure au détenteur une certaine sécurité juridique
  • L’acquisition de la chose
    • L’un des principaux effets attachés à la possession est de permettre au possesseur d’acquérir le bien par voie de prescription.
    • À cet égard, l’article 2258 du Code civil dispose que « la prescription acquisitive est un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi.»
    • Autrement dit, le possesseur peut devenir le propriétaire, de droit, de la chose en cas de possession continue et prolongée dans le temps.
    • C’est là une différence fondamentale avec la détention qui, par principe, n’emporte aucun effet acquisitif.
    • Il est néanmoins des cas exceptionnels où ma loi lui attache cet effet.
      • Principe
        • À la différence de la possession, la détention ne produit pas d’effet acquisitif.
        • Ce principe est énoncé à plusieurs reprises dans le Code civil
        • Ainsi, l’article 2257 prévoit que « quand on a commencé à posséder pour autrui, on est toujours présumé posséder au même titre, s’il n’y a preuve du contraire»
        • L’article 2266 dispose encore que :
          • D’une part, « ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit. »
          • D’autre part, « ainsi, le locataire, le dépositaire, l’usufruitier et tous autres qui détiennent précairement le bien ou le droit du propriétaire ne peuvent le prescrire. »
        • La règle ainsi posée se justifie par l’absence d’animus chez le détenteur.
        • Celui-ci n’a, a priori, pas l’intention de se comporter comme le véritable propriétaire du bien avec lequel il entretient généralement une relation contractuelle.
        • À supposer que détenteur possède cet animus, il y a lieu de protéger le véritable propriétaire de la chose contre les manœuvres du possesseur.
        • Admettre que la détention puisse produire un effet acquisitif reviendrait à considérablement fragiliser le droit réel dont est titulaire le propriétaire toutes les fois qu’il consent à autrui la détention de la chose dans le cadre d’une relation contractuelle.
      • Exceptions
        • Le code civil pose plusieurs d’exceptions à l’impossibilité pour le détenteur d’acquérir le bien par voie de prescription
          • Première exception : la transmission du bien à un tiers
            • L’article 2269 du Code civil admet que lorsque le bien a été transmis par le détenteur précaire à un tiers, la prescription acquisitive peut jouer
              • En matière de meuble, si l’effet acquisitif est immédiat, le tiers doit être un possesseur de bonne foi ( 226 C. civ.)
              • En matière d’immeuble, le délai de la prescription acquisitive est de 10 ans si le tiers est de bonne foi et de trente ans s’il est de mauvaise foi
          • Seconde exception : l’interversion de titre
            • L’article 2268 du Code civil dispose que les détenteurs précaires « peuvent prescrire, si le titre de leur possession se trouve interverti, soit par une cause venant d’un tiers, soit par la contradiction qu’elles ont opposée au droit du propriétaire.»
            • Cette situation correspond à l’hypothèse où le détenteur précaire décide de se comporter comme le véritable propriétaire de la chose
            • On parle alors d’interversion de titre : le détenteur qui est censé être dépourvu d’animus conteste au propriétaire son droit de propriété
            • Si ce dernier ne réagit pas, il s’expose à ce que le détenteur, en application de l’article 2268 du Code civil, se prévale de la prescription acquisitive
            • L’interversion de titre peut également intervenir du fait d’un tiers : c’est l’hypothèse où le détenteur a transmis la chose à un tiers de bonne foi.
            • Ce dernier est alors susceptible de se comporter comme le propriétaire de la chose

II) Détention précaire et acte de pure faculté ou de simple tolérance

Lorsque le pouvoir de fait exercé sur la chose ne correspond ni à une situation de possession, ni à une situation de détention précaire, on dit de l’agent qu’il est « occupant sans droit, ni titre ».

Tout au plus, lorsque l’emprise matérielle que l’occupant exerce sur le bien est consentie par le propriétaire, elle correspond à ce que l’on appelle un acte de pure faculté ou de simple tolérance.

L’acte de pure faculté ou de simple tolérance peut se définir comme la détention d’un bien  avec la permission tacite ou expresse du propriétaire.

À la différence de la détention précaire qui repose sur un titre, la détention résulte ici de la seule volonté du propriétaire de la chose.

Cette situation se rencontre notamment en matière de servitude qui est une charge établie sur un immeuble pour l’usage et l’utilité d’un fonds voisin appartenant à un autre propriétaire.

Il s’agit d’un démembrement de la propriété de l’immeuble que la servitude grève et d’un droit accessoire de la propriété du fonds auquel elle bénéficie. Comme un droit réel, la servitude peut parfois être acquise par prescription. Pour ce faire, elle doit faire l’objet d’une possession pendant une certaine durée.

Toutefois, ainsi que le prévoit l’article 2262 du Code civil « les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription. »

Ainsi, lorsque la détention ne résulte pas d’un titre et que le détenteur n’a pas la volonté de se comporter comme le véritable propriétaire de la chose, elle ne produit aucun effet.

Cette règle a, par exemple, trouvé à s’appliquer dans un arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 6 mai 2014. La troisième chambre civile a, en effet, validé la décision d’une Cour d’appel qui avait retenu « qu’un acte de pure faculté de simple tolérance ne pouvait fonder ni possession ni prescription » (Cass. 3e civ. 6 mai 2014, n°13-16790).

Dès lors, le fait pour le propriétaire d’un champ d’autoriser un voisin à faire paître son troupeau d’animaux sur ce champ ne fait pas du voisin le possesseur d’une servitude de passage et de pâturage.

Pareillement, le simple passage à pied sur le terrain d’autrui, toléré par le propriétaire, ne suffit pas à constituer possession, faute d’élément intentionnel.

Au fond, l’acte de pure faculté ou de simple tolérance consiste en l’exercice normal du droit de propriété qui, n’empiétant pas sur le fonds d’autrui, ne constitue pas un acte de possession capable de faire acquérir, par usucapion, un droit sur ce fonds.

Cet acte de pure faculté ou de simple tolérance est admis, soit parce que le propriétaire du fonds l’a expressément autorisé, soit parce qu’il y consent tacitement par souci d’amitié, de bon voisinage, d’obligeance ou encore altruisme.

==> Au bilan, les différents cas dans lesquels est susceptible de se trouver celui qui exerce un pouvoir de fait ou de droit sur la chose correspondent à quatre situations :

Possession - Corpus

Les règles régissant l’ouverture d’un compte bancaire par un majeur protégé (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, mandat de protection future)

L’ouverture d’un compte bancaire s’analyse en la conclusion d’un contrat. Pour accomplir cette opération, il est donc nécessaire de disposer de la capacité juridique de contracter.

Lorsqu’un majeur est soumis à un régime de protection, il y a lieu de distinguer selon que l’ouverture du compte bancaire est effectuée par le majeur protégé ou par son protecteur.

I) L’ouverture du compte par le majeur protégé

Une personne majeure peut faire l’objet de plusieurs mesures de protection : la sauvegarde de justice, la curatelle, la tutelle et le mandat de protection future

==> La personne sous sauvegarde de justice

  • Principe
    • La personne sous sauvegarde de justice conserve sa pleine de capacité juridique ( 435, al. 1er C. civ.)
    • Il en résulte qu’elle est, par principe, autorisée à se faire ouvrir, seule, un compte bancaire
  • Exception
    • La personne sous sauvegarde de justice ne peut, à peine de nullité, faire un acte pour lequel un mandataire spécial a été désigné ( 435 C. civ.).
    • Lorsque l’ouverture d’un compte bancaire relève des actes pour lesquels le juge a exigé une représentation, la personne sous sauvegarde de justice ne pourra pas ouvrir, seule, un compte bancaire
    • Elle devra se faire représenter par le mandataire désigné dans la décision rendue

==> La personne sous curatelle

Les personnes sous curatelles ne peuvent, sans l’assistance du curateur, faire aucun acte qui, en cas de tutelle, requerrait une autorisation du juge ou du conseil de famille.

S’agissant de l’ouverture d’un compte bancaire, il convient de distinguer deux situations :

  • La personne sous curatelle ne dispose pas de compte bancaire
    • Dans cette hypothèse, la personne sous curatelle peut solliciter, seule, l’ouverture d’un compte bancaire ( 467, al. 1).
    • L’assistance du curateur sera néanmoins requise pour la réalisation d’opérations bancaires (réception et emploi de fonds).
  • La personne sous curatelle dispose déjà d’un compte bancaire
    • Dans cette hypothèse, l’ouverture d’un nouveau compte bancaire s’apparente en un acte de disposition ( 427 C. civ.)
    • Dès lors, la personne sous curatelle devra se faire assister par son curateur
    • L’assistance du curateur se manifeste par l’apposition de sa signature à côté de celle de la personne protégée ( 467, al. 2e C. civ.)

==> La personne sous tutelle

  • Principe
    • Une personne sous tutelle est, à l’instar du mineur, frappée d’une incapacité d’exercice générale.
    • Aussi, le tuteur la représente dans tous les actes de la vie civile (art. 473 C. civ.)
    • S’agissant de l’ouverture d’un compte bancaire, une personne sous tutelle doit nécessairement se faire représenter
  • Exception
    • Le juge peut, dans le jugement d’ouverture ou ultérieurement, énumérer certains actes que la personne en tutelle aura la capacité de faire seule ou avec l’assistance du tuteur ( 474 C. civ.).
    • Il est ainsi permis au juge d’autoriser la personne sous tutelle à ouvrir seule un compte bancaire en fixant, par exemple, une limite pour la réalisation d’opérations

==> La personne sous mandat de protection future

Toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une habilitation familiale peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter lorsqu’elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté (art. 477 C. civ.)

Il appartient donc au mandant de déterminer les actes pour lesquelles elle entend se faire représenter lorsqu’elle la mesure de protection sera activée.

L’ouverture d’un compte bancaire peut parfaitement figurer au nombre de ces actes, à la condition néanmoins que cette opération soit expressément visée dans le mandat, lequel doit nécessairement être établi par écrit (par acte notarié ou par acte sous seing privé).

==> La personne sous habilitation familiale

La personne sous habilitation familiale est celle qui se trouve dans l’incapacité d’exprimer sa volonté en raison d’une altération, médicalement constatée soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles (art. 494-1 C. civ.).

Un proche de sa famille (ascendant, descendant, frère ou sœur, conjoint, partenaire ou concubin) est alors désigné par le juge afin d’assurer la sauvegarde de ses intérêts.

L’habilitation peut être générale ou ne porter que sur certains actes visés spécifiquement par le juge des tutelles dans sa décision (art. 494-6 C. civ.).

S’agissant de l’ouverture d’un compte bancaire, si l’habilitation familiale est générale, la personne protégée devra nécessairement se faire représenter.

Si l’habilitation familiale est seulement spéciale, le majeur protégé ne pourra formuler une demande auprès du banquier qu’à la condition que cet acte ne relève pas du pouvoir de son protecteur.

II) L’ouverture du compte par le protecteur

Il y a lieu ici de distinguer selon que la personne protégée possède ou non un compte bancaire

==> La personne protégée dispose déjà d’un compte bancaire

  • Principe
    • Dans cette hypothèse, il est fait interdiction au protecteur de procéder à l’ouverture d’un autre compte ou livret auprès d’un nouvel établissement habilité à recevoir des fonds du public ( 427, al. 1 C. civ.)
  • Exceptions
    • Le juge des tutelles ou le conseil de famille s’il a été constitué peut toutefois l’y autoriser si l’intérêt de la personne protégée le commande ( 427, al. 2 C. civ.).
    • Lorsque la personne protégée est sous habilitation familiale, le protecteur est investi des pouvoirs les plus étendus pour ouvrir plusieurs autres bancaires au nom et pour le compte du majeur protégé ( 494-7 C. civ.)

==> La personne protégée ne dispose pas de compte bancaire

Dans cette hypothèse, la personne chargée de la mesure de protection peut ouvrir un compte bancaire au bénéfice du majeur protégé (art. 427, al. 4 C. civ.).

Les opérations bancaires d’encaissement, de paiement et de gestion patrimoniale effectuées au nom et pour le compte de la personne protégée devront être réalisées exclusivement au moyen des comptes ouverts au nom de celle-ci (art. 427, al. 5 C. civ.).

                   

Le banquier peut-il refuser d’accéder à une demande d’ouverture de compte bancaire?

==> Énoncé du principe

Il est, en principe, fait interdiction aux commerçants, dans leurs relations avec les consommateurs, de refuser la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf à justifier  d’un motif légitime (art. L. 121-11 C. conso).

Cette interdiction n’est toutefois pas applicable au banquier. La convention de compte qui le lie à son client est conclue en considération de la seule personne de ce dernier (intuitu personæ). L’offre de service ne s’adresse pas à tout public.

Le banquier est donc libre d’ouvrir ou de refuser d’ouvrir un compte bancaire (art. L. 312-1, II CMF). Il est par exemple autorisé à refuser d’accéder à la demande d’un client s’il considère que son profil ne répond pas aux critères d’entrée en relation fixés par son établissement.

==> Cas du refus d’ouverture d’un compte bancaire

En cas de refus d’ouvrir un compte bancaire, plusieurs obligations pèsent sur le banquier :

  1. Obligation, lorsque l’établissement bancaire oppose un refus à une demande écrite d’ouverture de compte de dépôt de fournir gratuitement une copie de la décision de refus au demandeur sur support papier et sur un autre support durable lorsque celui-ci en fait la demande expresse.
  2. Obligation de fournir au demandeur gratuitement, sur support papier, et sur un autre support durable lorsque celui-ci en fait la demande expresse, les motifs du refus d’ouverture d’un compte bancaire en mentionnant, le cas échéant, la procédure de droit au compte
  3. Obligation de fourniture au demandeur systématiquement, gratuitement et sans délai, sur support papier, et sur un autre support durable lorsque celui-ci en fait la demande expresse, une attestation de refus d’ouverture de compte
  4. Obligation d’information de l’intéressé qu’il peut demander à la Banque de France de lui désigner un établissement de crédit pour lui ouvrir un compte (Voir Fiche droit au compte).
  5. Obligation de proposer, s’il s’agit d’une personne physique, d’agir en son nom et pour son compte en transmettant la demande de désignation d’un établissement de crédit à la Banque de France ainsi que les informations requises pour l’ouverture du compte.

==> Limites à la liberté du banquier

La liberté du banquier d’accepter ou de refuser l’ouverture d’un compte bancaire est assortie de deux limites :

  • Désignation par la Banque de France au titre du droit au compte
    • En effet, en application de l’article L. 312-1, III du CMF, l’établissement bancaire désigné par la banque de France a l’obligation d’offrir gratuitement au demandeur du droit au compte des services bancaires de base.
    • Il est indifférent que le bénéficiaire soit inscrit :
      • Ou sur le fichier des interdits bancaires (FCC)
      • Ou sur le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP)
    • L’ouverture d’un compte de dépôt doit intervenir dans les trois jours ouvrés à compter de la réception de l’ensemble des pièces nécessaires à cet effet.
  • Discrimination
    • Le refus opposé à un client d’accéder à sa demande d’ouverture d’un compte bancaire qui reposerait sur un motif discriminatoire est constitutif d’une faute tout autant civile, que pénale
    • À cet égard, l’article 225-1 du Code pénal prévoit notamment que « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée.»
    • Aussi, à situations égales, le banquier doit traiter les demandes d’ouverture de compte de la même manière.
    • Ce n’est que si les situations des demandeurs sont différentes, qu’il est autorisé à leur appliquer un traitement différencié.

                

Le compte bancaire – Vue générale

Le compte bancaire occupe une place centrale dans le fonctionnement des relations financières modernes.

Il permet à son titulaire de déposer des fonds, de réaliser des opérations financières, et constitue un contrat entre la banque et son client.

Cette relation, encadrée par une convention de compte qui est créatrice de droits et d’obligations pour les deux parties.

Plus qu’un simple outil de gestion de trésorerie, le compte bancaire est à la fois un titre de créance et un cadre juridique qui structure les flux monétaires entre l’établissement bancaire et son client.

I) Notion de compte bancaire

Le compte bancaire, souvent perçu comme un simple tableau récapitulatif des flux financiers entre une banque et son client, dépasse largement cette vision comptable.

Il va bien au-delà d’une simple succession d’entrées et de sorties de fonds, incarnant un instrument juridique complexe qui se distingue par une double dimension contractuelle et patrimoniale.

Matériellement, un compte bancaire se présente sous la forme d’un tableau récapitulatif des créances et dettes réciproques entre deux parties, la banque et son client.

Si cette approche comptable met en évidence sa fonction de suivi des flux financiers, elle n’exprime pas pleinement la portée juridique du compte.

En réalité, le compte bancaire est un instrument juridique autonome, encadré par une convention de compte. Cette convention confère au compte une réalité juridique propre, dépassant sa simple utilité comptable ou de gestion de trésorerie.

Juridiquement, le compte bancaire constitue un contrat synallagmatique, c’est-à-dire un contrat créant des obligations réciproques et interdépendantes entre la banque et le client.

Pour la banque, ce contrat met à sa charge des obligations, telles que la gestion du compte, l’exécution des ordres de paiement, la gestion des dépôts, et parfois la mise à disposition de facilités de crédit.

Le client, en contrepartie, s’engage à utiliser le compte conformément aux modalités définies dans la convention de compte, à maintenir un solde créditeur ou à respecter les limites de découvert autorisées, et à régler les frais associés aux services fournis.

Selon Thierry Bonneau, « le compte bancaire est un contrat par lequel la banque s’engage à fournir à son client un ensemble de services de paiement et de gestion des fonds ».

Cette dimension contractuelle confère au compte bancaire une portée qui dépasse le cadre purement comptable : il devient un cadre structurant des relations financières, encadré par des règles spécifiques du droit bancaire et des conventions conclues entre les parties.

En plus de son rôle contractuel, le compte bancaire joue également un rôle patrimonial. Il permet d’enregistrer et de gérer les flux financiers entre la banque et son client. Ce mécanisme est central dans l’économie moderne, car il sert à la fois d’outil de gestion des fonds et de véhicule pour la réalisation de paiements. Le compte bancaire est ainsi un pilier de la gestion des fonds des particuliers comme des entreprises.

Le compte bancaire est par ailleurs intimement lié aux opérations de paiement, comme le prévoit le Code monétaire et financier, qui encadre strictement les services associés à ce type de contrat.

Cela est particulièrement vrai pour les comptes de paiement, spécifiquement réservés à l’exécution des opérations de paiement.

II) Diversité des teneurs de comptes

Les banques sont historiquement les principaux teneurs de compte dans notre système économique.

Elles traitent la plupart des opérations par l’intermédiaire d’écritures comptables, que ce soit avec leurs clients ou avec d’autres banques.

Cependant, d’autres acteurs financiers peuvent également ouvrir des comptes, notamment les sociétés financières, les établissements de paiement et les prestataires de services d’investissement.

Toutefois, la réception de fonds en dépôt demeure un monopole bancaire : les sociétés financières ne peuvent recevoir du public des fonds à vue ou à terme inférieur à deux ans, sauf exceptions (art. L. 515-1 CMF).

Les établissements de paiement peuvent ouvrir des comptes de paiement, exclusivement dédiés à l’exécution des services de paiement définis par l’article L. 314-1 du Code monétaire et financier.

Ces établissements ne sont pas autorisés à utiliser les fonds des clients comme des produits d’épargne ou d’investissement, ni à les utiliser pour leur propre compte.

L’article L. 522-4 du CMF prévoit que les comptes ouverts par les établissements de paiement sont des comptes de paiement qui sont exclusivement utilisés pour des opérations de paiement. Le texte précise que cette destination exclusive doit être expressément prévue dans le contrat-cadre de services de paiement qui régit le compte.

Outre les banques et autres institutions financières, certaines personnes ou entreprises non financières peuvent aussi ouvrir des comptes, comme les entreprises gérant des fonds pour des tiers (comptes de tutelle par exemple).

Ces comptes permettent de tracer les créances réciproques et d’assurer des mécanismes de règlement sécurisés, comparables à la compensation bancaire.

III) Variétés de comptes bancaires

Les comptes bancaires se déclinent en plusieurs types selon l’usage prévu et les caractéristiques de gestion :

A) Le compte de dépôt

Le compte de dépôt se distingue du contrat de dépôt tel que défini par le Code civil, en raison de la nature particulière des biens concernés, à savoir des fonds fongibles.

Contrairement à l’opération de dépôt abordée par le Code civil, qui porte sur la restitution en nature des biens déposés, le dépôt bancaire permet au banquier de disposer librement des fonds pour ses propres opérations (art. L. 311-1 et L. 312-2 CMF).

Le banquier n’est donc pas tenu de restituer exactement les mêmes billets ou pièces que ceux déposés, mais seulement l’équivalent monétaire à la demande du client.

Pour la banque, l’ouverture d’un compte de dépôt s’inscrit dans une logique d’utilisation optimale des fonds reçus, notamment en vue de placements plus rémunérateurs, tels que l’achat de bons du Trésor, l’escompte ou l’octroi de crédits.

En revanche, pour le déposant, l’objectif principal est de pouvoir disposer à tout moment de l’intégralité des sommes déposées. Le banquier est en effet tenu de restituer les fonds sur demande (art. L. 312-2, al. 1 CMF), garantissant ainsi une disponibilité permanente des fonds pour le client.

Le compte de dépôt, souvent désigné sous le terme de compte chèque, est ouvert auprès d’un établissement bancaire, comme BNPP, Crédit Agricole, ou La Banque Postale, et fait l’objet d’une convention de compte entre la banque et le titulaire.

Cette convention précise les droits et obligations des parties et formalise les conditions dans lesquelles le client peut utiliser les services bancaires. L’ouverture d’un tel compte est une condition préalable à l’accès aux autres services bancaires tels que les moyens de paiement (cartes bancaires, chèques), l’épargne, ou le crédit.

Le compte de dépôt permet la domiciliation des flux financiers, qu’il s’agisse de crédits réguliers (comme un salaire ou le versement d’un loyer) ou de prélèvements automatiques (pour les loyers, abonnements, etc.).

Ce compte, généralement non rémunéré, peut être assorti d’une autorisation de découvert. Cette autorisation permet de rendre le solde temporairement négatif dans la limite d’un plafond défini par la banque, en contrepartie de l’application d’un taux d’intérêt (soumis à la réglementation du taux d’usure).

Historiquement, les caractéristiques du compte de dépôt étaient principalement définies par la convention entre la banque et le client, et les usages bancaires.

Cependant, depuis quelques années les interventions du législateur se sont multiplié, ce qui a conduit à un accroissement des règles encadrant le compte de dépôt et plus précisément à un renforcement de la protection des consommateurs.

B) Le compte courant

Le compte courant est une forme de compte utilisée pour regrouper l’ensemble des transactions financières entre deux parties, souvent désignées comme des « correspondants ».

Cette technique, ancrée dans une pratique ancienne, vise à centraliser les opérations commerciales en un seul compte.

Ce processus permet de simplifier le règlement des créances et dettes réciproques, qui s’effectue en une seule fois, par le paiement du solde final par la partie débitrice.

Matériellement, le compte courant prend la forme d’un tableau de chiffres enregistrant les créances et dettes réciproques.

Cependant, sa portée va bien au-delà de ce simple outil comptable. Ce mécanisme complexe, né de la pratique bancaire, repose sur l’intégration de toutes les créances et dettes dans un seul solde, qui devient exigible à la clôture du compte.

Le compte courant est une convention sui generis, c’est-à-dire qu’il se distingue des autres contrats par sa spécificité.

À chaque entrée d’une créance dans le compte, celle-ci perd son individualité et se fond dans le solde global.

Comme souligné par la doctrine, les créances inscrites dans un compte courant se transforment en simples articles de crédit ou de débit, effaçant ainsi leur nature première. Cette transformation permet de faciliter les transactions et d’assurer la liquidité continue entre les parties, jusqu’au règlement final du solde unique.

L’une des fonctions majeures du compte courant est de servir de mécanisme de garantie : les créances réciproques se garantissent mutuellement, ce qui renforce la confiance entre les parties.

Ce principe repose sur la notion de fusion des créances qui intervient dès leur entrée en compte, créant ainsi un bloc indivisible jusqu’à la clôture. Ce phénomène, souvent comparé à une novation, fait que la créance initiale perd son autonomie pour participer à la formation du solde.

Le fonctionnement du compte courant repose également sur des principes clés, tels que la réciprocité des remises et l’alternance des créances.

La réciprocité signifie que les deux parties doivent pouvoir inscrire des créances dans le compte. Cela permet de créer un système équilibré où les créances et dettes s’inscrivent de manière alternée au profit de l’une ou l’autre des parties. La jurisprudence a confirmé ce principe, exigeant que la convention du compte ne limite pas la possibilité pour les parties d’être tour à tour créancier ou débiteur.

De plus, l’alternance des remises est cruciale dans la qualification d’un compte courant. Cela signifie que le solde du compte doit pouvoir varier au profit de l’une ou l’autre partie, ce qui permet une véritable interaction entre les créances inscrites.

Ce principe de fluctuation des soldes est une caractéristique propre au compte courant, qui le distingue des simples comptes de dépôt, dans lesquels les créances ne se compensent pas mutuellement de manière aussi fluide.

L’effet novatoire du compte courant, c’est-à-dire la transformation des créances en articles de compte, est une spécificité juridique particulièrement importante.

Cet effet rend impossible l’exercice de certains droits par les créanciers tant que le compte n’est pas clôturé. Jusqu’à cette clôture, les créances ne sont ni exigibles, ni saisissables. La jurisprudence a d’ailleurs évolué sur ce point, admettant aujourd’hui que certaines créances, notamment celles assorties de garanties spécifiques, puissent être exclues du compte courant pour ne pas perdre leur protection juridique.

C) Le compte de paiement

Le compte de paiement est un instrument bancaire spécifique, distinct du compte de dépôt classique, utilisé principalement pour la réalisation d’opérations de paiement.

Ce type de compte est ouvert non pas auprès d’une banque, mais auprès d’un établissement de paiement, comme Nickel, Qonto, ou Smile&Pay, ce qui en fait une alternative accessible pour les utilisateurs qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas ouvrir un compte bancaire traditionnel.

Le compte de paiement est encadré par un contrat-cadre de services de paiement conclu entre le titulaire du compte et l’établissement de paiement. Ce contrat régit les droits et obligations des deux parties, notamment les conditions d’utilisation des services offerts par l’établissement. Ce type de convention n’ouvre pas droit à l’ensemble des services habituellement associés aux comptes bancaires. En effet, bien que ce compte permette la réalisation d’opérations de paiement (virements, prélèvements, etc.), il ne confère pas les mêmes prérogatives qu’un compte de dépôt ou un compte courant.

Le compte de paiement est limité à des opérations spécifiques, principalement celles prévues par l’article L. 314-1 du Code monétaire et financier, qui énumère les services de paiement autorisés.

Cela inclut les virements, prélèvements, paiements par carte, mais exclut des services plus complexes tels que la détention d’un chéquier ou la possibilité de découvert.

Contrairement aux comptes bancaires classiques, les possibilités de gestion des fonds dans un compte de paiement sont restreintes. Les opérations simples, telles que le retrait de fonds ou les paiements par carte, peuvent être soumises à des conditions ou à des frais supplémentaires.

A cet égard, l’une des spécificités du compte de paiement est son incapacité à offrir certains services bancaires traditionnels, comme la mise à disposition de moyens de crédit ou la possibilité de découvert, qui constituent pourtant une fonction centrale du compte de dépôt ordinaire.

Il s’agit ainsi d’un instrument purement fonctionnel, axé sur l’exécution des ordres de paiement, sans les services périphériques qui accompagnent habituellement un compte de dépôt ou un compte courant.

Ce cadre plus restreint se reflète également dans les règles de fonctionnement du compte. L’établissement de paiement, bien que soumis à des obligations de sécurité et de transparence similaires à celles des banques, n’est pas autorisé à prêter ou réutiliser les fonds déposés par le client pour ses propres opérations, la réception de fonds du public relevant du monopole bancaire.

D) Les comptes spéciaux

Au-delà des comptes traditionnels tels que le compte de dépôt ou le compte courant, il existe une catégorie de comptes spéciaux adaptés à des besoins spécifiques, tant pour des particuliers que pour des professionnels.

Parmi eux, on trouve les comptes indivis, les comptes joints, les comptes d’épargne, et les comptes professionnels. Ces comptes sont régis par des règles particulières, qui répondent à des objectifs variés allant de la gestion partagée des fonds à l’épargne sécurisée, ou encore à l’organisation des activités professionnelles.

==>Le compte indivis

Le compte indivis est utilisé dans des situations où plusieurs personnes détiennent un compte sans qu’il y ait solidarité entre elles.

Ce type de compte est fréquemment ouvert à la suite d’un décès, lorsque plusieurs héritiers doivent gérer conjointement les avoirs d’un défunt, ou encore dans le cadre d’une indivision successorale ou familiale.

Juridiquement, le fonctionnement du compte indivis requiert l’accord unanime de tous les cotitulaires pour effectuer des opérations (art. 815 et suivants C. civ.).

En l’absence de cette unanimité, aucune opération ne peut être réalisée sur le compte, ce qui peut parfois générer des blocages en cas de désaccord. Le compte indivis est donc un instrument de gestion qui impose une rigueur particulière et une coordination entre les cotitulaires.

==>Le compte joint

Contrairement au compte indivis, le compte joint est un compte partagé entre plusieurs personnes, généralement des membres d’une même famille (conjoints ou partenaires) ou des personnes ayant des intérêts communs.

Ce compte se caractérise par la solidarité active et passive entre les cotitulaires. Cela signifie que chacun des titulaires peut librement effectuer des opérations sans avoir besoin du consentement des autres.

En cas de solde négatif, chacun des cotitulaires est également responsable du découvert, de manière solidaire, vis-à-vis de la banque (art. 1310 C. civ.).

Ce type de compte est très utilisé dans la vie quotidienne des couples ou des partenaires commerciaux, car il facilite la gestion commune des finances tout en engageant la responsabilité solidaire des cotitulaires.

==>Les comptes d’épargne

Les comptes d’épargne sont des comptes bancaires dédiés à la constitution d’une réserve financière.

Ils sont régis par des règles spécifiques, notamment en ce qui concerne la rémunération des dépôts et les modalités de retrait.

En France, plusieurs types de comptes d’épargne existent, tels que le Livret A, le Livret de développement durable et solidaire (LDDS), ou encore le Plan d’Épargne Logement (PEL).

Ces comptes sont réglementés par l’État, notamment en matière de taux d’intérêt et de plafonds de versement, dans un objectif de promotion de l’épargne sécurisée pour les particuliers. Ils ne permettent généralement pas d’effectuer des paiements ou des virements vers des tiers, contrairement aux comptes courants ou de dépôt.

Les comptes d’épargne jouent ainsi un rôle essentiel dans la gestion patrimoniale des ménages, en garantissant à la fois la sécurité des fonds et leur rémunération.

==>Les comptes professionnels

Les comptes professionnels sont destinés aux entreprises, indépendants et professions libérales. Ils sont conçus pour répondre aux besoins spécifiques de gestion des flux financiers liés à l’activité professionnelle.

L’article L. 123-24 du Code de commerce impose l’ouverture d’un compte séparé pour les entreprises dès lors qu’elles sont immatriculées au registre du commerce et des sociétés.

Ce compte est souvent assorti de services bancaires spécifiques, comme l’octroi de facilités de crédit, des solutions de financement à court terme (découvert autorisé, escompte), ou des outils de gestion de la trésorerie.

Contrairement aux comptes destinés aux particuliers, le compte professionnel permet une gestion optimisée des flux financiers avec des outils adaptés aux besoins des entreprises.