Cautionnement et cause de l’engagement de la caution (Cass. com. 17 mai 2017)

Par un arrêt du 17 mai 2017, la Cour de cassation rappelle que, en matière de cautionnement, la cause de l’engagement de la caution réside dans l’existence d’une dette à garantir.

  • Faits
    • Une personne physique s’est rendue, dans une certaine limite, caution personnelle et solidaire des engagements d’une société à la faveur d’une banque
    • Par jugement du 3 juillet 2009, ladite société fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, laquelle sera convertie, par la suite, en liquidation judiciaire
    • Après avoir déclaré sa créance, le créancier met en demeure la caution de satisfaire à son engagement.
  • Demande
    • En réaction au refus de la caution de s’exécuter, la banque l’a assigné en paiement
    • Au soutien de sa défense, la caution argue que son engagement était sans cause, dans la mesure où, au jour où le cautionnement a été souscrit, la société garantie était insolvable.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 12 janvier 2015, la Cour d’appel de Bordeaux a fait droit à la demande de la banque
    • Les juges du fond estiment
      • d’une part, qu’il n’est pas interdit de se porter caution d’un débiteur dont l’insolvabilité est avérée
      • d’autre part, que le fait d’écarter l’erreur prétendue de la caution sur la situation financière de la cautionnée, dès lors que l’existence de la dette principale est constante, équivaut à éliminer l’absence de cause
    • La Cour d’appel relève enfin que la caution était parfaitement avisée de ce que le débiteur principal avait fait l’objet d’un jugement de liquidation au moment où il a souscrit son engagement de caution
    • Son engagement n’était donc nullement dépourvu de cause
  • Solution
    • la chambre commerciale casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel
    • La Cour de cassation estime, en particulier au visa de l’article 1131 du Code civil – pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 (sic !) – que les motifs énoncés par la Cour d’appel au soutien de sa décision sont « impropres à caractériser, en l’absence d’un avantage consenti par le créancier, la cause de l’engagement souscrit par M. X… après le prononcé de la liquidation judiciaire du débiteur principal en garantie d’une dette antérieure à l’ouverture de la procédure collective»
    • La haute juridiction considère, autrement dit, que la motivation des juges du fond est ici totalement inopérante, d’où le défaut de base légale…
    • Afin de déterminer si l’engagement de la caution était causé, il leur appartenait de s’intéresser, non pas à la situation du débiteur principal, soit à son insolvabilité, mais à l’existence d’une dette à garantir.
    • Pour la chambre commerciale, la cause de l’engagement de la caution ne réside donc pas dans le rapport caution-débiteur principal, mais dans le rapport caution créancier.
    • Cette solution vient assurément confirmer une jurisprudence désormais ancienne qui tendait à considérer que « dès lors que la dette que l’engagement de la caution a pour objet de garantir existe.», l’engagement de la caution est parfaitement causé (V. en ce sens 1re civ., 30 mai 1978).
    • Il s’agit là d’une approche purement objective de la cause dans le contrat de cautionnement.
    • On ne se préoccupe pas des motifs qui ont conduit la caution à s’engager, mais uniquement de l’existence d’une dette à garantir.

Cass. com. 17 mai 2017
Sur le moyen unique :

Vu les articles 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et 2289 du même code ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le 16 mai 2008, M. X… s’est rendu, dans une certaine limite, caution personnelle et solidaire des engagements de la société Alain Barrière au profit de la société Banque populaire Centre Atlantique, devenue Banque populaire Aquitaine Centre Atlantique (la banque) ; que le 3 juillet 2009, la société Alain Barrière a été mise en redressement judiciaire, lequel a été converti le 21 juillet suivant en liquidation judiciaire ; que la banque a déclaré sa créance, puis mis la caution en demeure de payer ; que le 12 décembre 2009, M. X… s’est, dans une certaine limite, rendu caution solidaire au profit de la banque ; qu’assigné en paiement, M. X… a demandé que soit prononcée, pour absence de cause, la nullité de son engagement du 12 décembre 2009 ; que le fonds commun de titrisation « Hugo créance 3 », représenté par la société de gestion GTI Asset management, est venu aux droits de la banque en vertu d’une cession de créances ;

Attendu que pour rejeter la demande de M. X… et le condamner à payer à la banque la somme de 100 000 euros, correspondant au montant de son engagement de caution au titre du compte courant n° 1182947082 et des cessions de créances professionnelles impayées, l’arrêt énonce qu’il n’est pas interdit de se porter caution d’un débiteur dont l’insolvabilité est avérée et que le fait d’écarter l’erreur prétendue de la caution sur la situation financière de la cautionnée, dès lors que l’existence de la dette principale est constante, équivaut à éliminer l’absence de cause, puis retient qu’il doit en être déduit que, M. X… étant parfaitement avisé de ce que sa société avait fait l’objet d’un jugement de liquidation au moment où il a souscrit son engagement de caution, celui-ci n’était pas dépourvu de cause ;

Qu’en se déterminant par ces motifs, impropres à caractériser, en l’absence d’un avantage consenti par le créancier, la cause de l’engagement souscrit par M. X… après le prononcé de la liquidation judiciaire du débiteur principal en garantie d’une dette antérieure à l’ouverture de la procédure collective, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;



PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que l’acte de cautionnement du 12 décembre 2009, postérieur à la liquidation judiciaire de la Société Alain Barrière, engageait M. Alain X… pour la somme de 100 000 euros, déboute ce dernier de ses contestations, fins et conclusions, le condamne, en sa qualité de caution de la Société Alain Barrière, à payer à la Banque populaire Aquitaine Centre Atlantique la somme de 100 000 euros, correspondant au montant de son engagement de caution au titre du compte courant n° 1182947082 et des cessions de créances professionnelles impayées et en ce qu’il statue sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens, l’arrêt rendu le 12 janvier 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Agen ;

La révocation du contrat: force obligatoire et mutus dissensus

Parce que le contrat est pourvu de la force obligatoire, il s’impose donc aux parties qui n’ont d’autre choix que de l’exécuter.

À défaut, le créancier est fondé à saisir le juge afin, d’une part, qu’il constate l’inexécution et, d’autre part, qu’il commande au débiteur de s’exécuter, si besoin sous la contrainte.

Le nouvel article 1193 du Code civil tire deux conséquences de la force obligatoire du contrat : tant la modification que la révocation du contrat ne peut être que conjointe.

1. Le principe du mutus dissensus

Comme exprimé précédemment, le principe d’intangibilité du contrat qui s’impose aux parties ne signifie pas que, une fois conclu, le contrat échappe définitivement à l’emprise des parties.

Ce que les parties ont fait conjointement, elles peuvent le défaire de la même manière.

C’est ce que l’on appelle le principe du mutus dissensus

Ce principe n’est autre que le corollaire de la force obligatoire.

Tout autant que la formation du contrat suppose la rencontre des volontés, sa révocation suppose cette même rencontre des volontés.

La question qui alors se pose est de savoir si les parties doivent observer un certain parallélisme des formes, lorsqu’elles envisagent conjointement une révocation du contrat ?

?Formalisme de la révocation

Dans un arrêt du 22 novembre 1960, la Cour de cassation a estimé « que si aux termes de l’article 1134, les conventions légalement formées ne peuvent être révoquées que par l’accord des contractants, semblable accord, qui n’est soumis à aucune condition de forme, peut être tacite et résulter des circonstances dont l’appréciation appartient aux juges du fond » (Cass. 1ère civ. 22 nov. 1960).

Ainsi, la Cour de cassation n’exige pas un parallélisme des formes.

Dans un arrêt du 18 juin 1994, la Cour de cassation a confirmé cette solution en affirmant que « la révocation d’un contrat par consentement mutuel peut être tacite et résulter des circonstances de fait souverainement appréciées par les juges du fond sans qu’il soit nécessaire d’en rapporter la preuve par écrit » (Cass. 1ère civ. 18 juin 1994, n°92-15.184).

Cass. 1ère civ. 18 juin 1994

Sur le premier moyen :

Vu l’article 1134, alinéa 2, du Code civil ;

Attendu que le 16 novembre 1981, la société civile d’exploitation agricole des Masquières, aux droits de laquelle est la SCEA Saint-Benoît, a conclu avec la société Agri Gestion une convention par laquelle elle lui confiait la direction d’un domaine agricole ; que le contrat, conclu pour une durée de 5 années à compter du 1er janvier 1982, prévoyait pour la société Agri Gestion la faculté de rompre le contrat à tout moment moyennant l’obligation de respecter un préavis de 12 mois ou de payer une indemnité compensatrice correspondant à une année de rémunération ; que le 16 mai 1984, la société Agri Gestion a notifié à la SCEA des Masquières son intention de mettre fin au contrat ; qu’assignée par sa cocontractante le 23 mai 1989 en paiement de l’indemnité compensatrice de la rupture, la société Agri Gestion a soutenu que la convention avait été résiliée du commun accord des parties ;

Attendu que pour condamner la société Agri Gestion au paiement de l’indemnité réclamée, l’arrêt attaqué retient que cette société, qui se prétend libérée de son obligation, doit rapporter dans les termes de l’article 1341 du Code civil la preuve que la rupture est intervenue d’accord entre les parties ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la révocation d’un contrat par consentement mutuel des parties peut être tacite et résulter des circonstances de fait souverainement appréciées par les juges du fond, sans qu’il soit nécessaire d’en rapporter la preuve par écrit, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen ;

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 mars 1992, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse autrement composée.

?Effets de la révocation

Quel est l’effet de la révocation d’un contrat ?

Dans l’hypothèse où les parties ont réglé dans leur accord initial les conséquences de la révocation, leur volonté prime sur toute autre considération.

La difficulté survient, lorsqu’elles n’ont rien prévu.

Doit-on attacher à la révocation les mêmes effets qu’une résolution, soit un effet rétroactif ?

  • Principe : les contrats à exécution instantanée
    • La Cour de cassation a apporté une réponse positive à cette question en estimant que « les conventions peuvent être révoquées du consentement mutuel des parties, et que cette révocation produit le même effet que l’accomplissement d’une condition résolutoire, c’est-à-dire que les choses sont remises au même état que si l’obligation n’avait pas existé » (Cass. civ., 27 juill. 1892).
    • Ainsi, non seulement la révocation met fin pour l’avenir au contrat, mais encore elle produit un effet rétroactif.
    • Il y aura donc lieu de procéder à des restitutions afin de revenir au statu quo ante.
  • Exception : les contrats à exécution successive
    • Dans l’hypothèse où le contrat était à exécution successive, la jurisprudence considère que la révocation aura seulement pour effet de mettre fin au contrat que pour l’avenir (V. notamment en ce sens Cass. com., 1er févr. 1994, n°92-18.276)

2. Dérogations

À titre dérogatoire, le contrat peut être révoqué par une manifestation unilatérale de volonté : les dérogations peuvent être d’origine légale ou conventionnelle.

2.1 Les dérogations d’origine légale

La loi prévoit plusieurs dérogations au principe du mutus dissensus qui gouverne la révocation du contrat :

a. La faculté de résiliation unilatérale

Lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, les parties disposent d’une faculté de résiliation unilatérale

Cette faculté qui déroge au principe de force obligatoire des contrats a pour fondement le principe de prohibition des engagements perpétuels.

Elle a été consacrée par le législateur lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016.

i. Le fondement de la faculté de résiliation unilatérale : la prohibition des engagements perpétuels

?Signification du principe

Le principe de prohibition des engagements perpétuels signifie que nul ne saurait être engagé indéfiniment dans des liens contractuels.

Le Doyen Carbonnier observait en ce sens que le Code civil de 1804 « ne paraît avoir envisagé pour les obligations, une fois nées, d’autre destin que de s’éteindre »[1].

Quelques dispositions éparses fondent cette analyse telle que l’article 1710 du Code civil qui prévoit, par exemple, que « on ne peut engager ses services qu’à temps, ou pour une entreprise déterminée ».

Aussi, tout contrat doit être borné dans le temps, quand bien même il aurait été conclu pour une durée indéterminée.

Dans son rapport annuel de l’année 2014 la Cour de cassation exprime parfaitement bien cette idée en affirmant que « la liberté contractuelle de choisir le temps pour lequel on s’engage s’enchâsse alors dans une limite maximale impérative, qui peut être légale (six ans pour les contrats de louage d’emplacement publicitaire, article L. 581-25 du code de l’environnement ; quatre-vingt-dix-neuf ans pour les sociétés civiles et commerciales, articles 1838 du code civil et L. 210-2 du code de commerce), ou prétorienne (quatre-vingt-dix-neuf ans pour les baux, Cass. 3e civ., 27 mai 1998, n°96-15.774), mais dont la mesure est toujours sensible à l’objet du contrat. »

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par engagement perpétuel.

Concrètement, les engagements perpétuels recoupent deux situations bien distinctes :

  • Soit le contrat a été conclu pour une durée indéterminée, mais, par le jeu d’une clause, il ne permet pas l’exercice de la faculté de résiliation unilatérale
  • Soit le contrat a été conclu pour une durée déterminée, mais cette durée est anormalement longue

?Reconnaissance du principe

Le principe de prohibition des engagements perpétuels a été reconnu en trois temps :

  • Premier temps : la Cour de cassation
  • Deuxième temps : le Conseil constitutionnel
    • Le principe de prohibition des engagements perpétuel a été consacré par le Conseil constitutionnel dans une décision du 9 novembre 1999 (Cons. const. 9 nov. 1999, n° 99-419 DC)
    • Les juges de la rue de Montpensier ont estimé, que « si le contrat est la loi commune des parties, la liberté qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 justifie qu’un contrat de droit privé à durée indéterminée puisse être rompu unilatéralement par l’un ou l’autre des contractants, l’information du cocontractant, ainsi que la réparation du préjudice éventuel résultant des conditions de la rupture, devant toutefois être garanties ».
  • Troisième temps : le législateur
    • Lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, le législateur a introduit un article 1210 dans le Code civil qui prévoit que
      • « les engagements perpétuels sont prohibés. »
      • « Chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée. »

?Effets du principe

Deux effets sont attachés au principe de prohibition des engagements perpétuels :

  • Lorsque le contrat est à durée déterminée
    • Dans l’hypothèse où le contrat comporte un terme, qui peut être tacite sous réserve que sa survenue soit certaine, le contrat s’éteint par l’arrivée de ce terme à la condition sine qua non que le terme prévu par les parties n’excède pas un éventuel plafond légal
    • À défaut, le contrat est réputé avoir été conclu pour une durée indéterminée
    • Son extinction relève alors du pouvoir des parties, chacune disposant d’un droit de résiliation unilatérale pour se prémunir des dangers d’un engagement perpétuel.
  • Lorsque le contrat est à durée indéterminée
    • Dans cette hypothèse, chaque partie dispose de la faculté de mettre fin au contrat en sollicitant unilatéralement sa résiliation
    • Dans un arrêt du 31 mai 1994, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « dans les contrats à exécution successive dans lesquels aucun terme n’a été prévu, la résiliation unilatérale est, sauf abus sanctionné par l’alinéa 3 du même texte, offerte aux parties » (Cass. com. 31 mai 1994, n°88-10.757)
    • Il s’agit là d’une règle d’ordre public à laquelle les parties ne sauraient déroger par clause contraire (Cass. 3e civ. 19 févr. 1992, n°90-16.148).

Cass. com. 31 mai 1994

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l’article 1134, alinéa 2, du Code civil ;

Attendu que, dans les contrats à exécution successive dans lesquels aucun terme n’a été prévu, la résiliation unilatérale est, sauf abus sanctionné par l’alinéa 3 du même texte, offerte aux parties ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Etablissements Gabriel et compagnie (la société), qui avait une activité industrielle à Lyon, a créé, en 1972, un restaurant d’entreprise dont elle a confié la gestion à M. X… à compter du 24 avril 1975, pour une durée indéterminée ; que par lettre du 23 novembre 1989 la société a informé M. X… du prochain transfert de l’entreprise à Reyrieux et lui a notifié que de ce fait le contrat de concession serait ” caduc ” ; que M. X…, soutenant que la résiliation de ce contrat était abusive, a demandé la condamnation de la société au paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que pour accueillir la demande, l’arrêt retient que l’article 12 du contrat litigieux prévoyait plusieurs cas de rupture ; que la société prétend se trouver dans la troisième hypothèse, c’est-à-dire la fermeture de ses établissements, mais qu’il s’agit d’un transfert et non d’une fermeture de l’entreprise ; qu’ainsi, en prenant unilatéralement la décision de supprimer, à l’occasion d’un simple transfert de locaux, et hors des cas de rupture prévus au contrat, le restaurant d’entreprise concédé à M. X… , la société a rompu abusivement la convention conclue avec ce dernier ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’abus de droit imputé à la société ne pouvait résulter du seul fait que la résiliation était intervenue en dehors des cas prévus au contrat, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 19 décembre 1991, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Grenoble.

?Sanction du principe

Sous l’empire du droit antérieur à la réforme des obligations, la sanction du principe de prohibition des engagements perpétuels a fait l’objet d’une vive controverse

Trois sortes de sanctions ont été discutées par la jurisprudence et la doctrine :

  • Première sanction : la nullité totale
    • Cette sanction a été envisagée de nombreuses fois par la jurisprudence (v. notamment en ce sens Cass. 3e civ., 20 févr. 1991)
    • L’avantage de la nullité est qu’il s’agit d’une sanction suffisamment vigoureuse pour dissuader les agents de contrevenir au principe de prohibition des engagements perpétuels
    • Toutefois, cette sanction n’est pas sans inconvénient
    • Il peut, en effet, être observé que l’action en nullité est enfermée dans un certain délai
    • Cela signifie donc que si la prescription est acquise, l’action en nullité ne peut plus être exercée, ce qui dès lors produit l’effet inverse de celui recherché : l’engagement perpétuel que l’on cherchait à annuler ne peut plus être délié.
    • Il devient irrévocablement perpétuel.
  • Deuxième sanction : la nullité partielle
    • Afin de se prémunir de l’anomalie ci-dessus évoquée, la jurisprudence a circonscrit, dans certains arrêts la nullité à la seule clause qui contrevenait au principe de prohibition des engagements perpétuels.
    • Telle a été la solution rendue par la Cour de cassation notamment dans un arrêt du 7 mars 2006 (Cass. 1ère civ. 7 mars 2006, n°04-12.914).
    • La sanction de la nullité partielle ne pourra toutefois être prononcée qu’à la condition que la clause n’ait pas été déterminante du consentement des parties.
    • Si elle a été la cause « impulsive et déterminante » de leur engagement, le juge n’aura d’autre choix que d’annuler le contrat dans son ensemble (Cass. 1ère civ., 24 juin 1971, n°70-11.730).
    • Dans l’hypothèse où la nullité partielle pourra jouer, les contractants retrouveront la faculté de résiliation unilatérale propre aux contrats à durée indéterminée.
  • Troisième sanction : la réduction de la durée du contrat au maximum légal
    • Dans l’hypothèse où la durée du contrat excèderait le plafond prévu par la loi, le juge réduira cette durée d’autant qu’elle dépasse le maximum légal.
    • La Cour de cassation a eu l’occasion de prononcer cette sanction à plusieurs reprises (V. en ce sens Cass. com., 10 févr. 1998, 95-21.906).
    • Dans un arrêt du 13 novembre 2002 elle a notamment estimé que « le contrat de louage d’emplacement publicitaire ne peut être conclu pour une durée supérieure à six ans à compter de sa signature ; que la stipulation d’une durée plus longue est soumise à réduction » (Cass. 1re civ., 13 nov. 2002, n°99-21.816).
    • Si, de toute évidence, cette solution permet de surmonter les difficultés soulevées par la nullité totale ou partielle, elle n’est pas non plus à sans faille.
    • La possibilité de réduire la durée du contrat à hauteur du plafond légal n’est envisageable qu’à la condition que ce plafond existe.
    • Or pour la plupart des contrats aucun maximum de durée n’a été institué par le législateur.
    • Ainsi, apparaît-il que le champ d’application de la sanction qui consiste à réduire la durée du contrat est pour le moins restreint.

Au total, il ressort de l’examen général de chacune des mesures envisagées en guise de sanction du principe de prohibition des engagements perpétuels qu’aucune d’elles n’était véritablement satisfaisante.

C’est la raison pour laquelle le législateur n’en a retenu aucune. Il a préféré emprunter une autre voie.

  • L’intervention du législateur
    • À l’occasion de la réforme des obligations, le législateur a introduit un article 1210, al. 2 dans le Code civil.
    • Cette disposition prévoit en contrepoint de l’alinéa 1er, lequel pose le principe de prohibition des engagements perpétuels, que « Chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée. »
    • Ainsi, la sanction d’un contrat conclu à titre perpétuel n’est autre que la requalification en contrat à durée indéterminée.
    • Les parties retrouvent alors leur faculté de résiliation unilatérale.
    • En cas d’exercice de cette faculté, elles ne seront toutefois pas dispensées d’observer l’exigence de préavis prévue à l’article 1211.

?Limites au principe

  • L’abus
    • Le principe de prohibition des engagements perpétuels est tempéré par l’obligation pour la partie qui entend exercer sa faculté de résiliation unilatérale de ne pas commettre d’abus.
    • Dans un arrêt du 15 novembre 1969 la Cour de cassation a par exemple estimé que le contractant « pouvait librement mettre fin au contrat a durée indéterminée a la condition de ne pas agir abusivement » (Cass. com. 15 déc. 1969)
    • Elle a encore jugé dans un arrêt du 5 février 1985 que « dans les contrats a exécution successive dans lesquels aucun terme n’a été prévu, la résiliation unilatérale est, sauf abus sanctionne par l’alinea 3 de [l’ancien article 1134], offert aux deux parties » (Cass. 1ère civ. 5 févr. 1985, n°83-15.895).
  • Les relations commerciales établies
    • Dans le domaine des affaires, la faculté de rupture unilatérale est strictement encadrée, en particulier lorsque les relations commerciales sont dites établies.
    • L’article 442-6, I, 5° du Code de commerce prévoit que « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : […] de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n’était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l’économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d’une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l’application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d’au moins un an dans les autres cas »

Cass. com. 15 déc. 1969

Sur le premier moyen :

Vu l’article 1134 du code civil ;

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaque que la société des établissements Castaing fils a concédé en septembre 1961 a valentin y… de la vente des appareils agricoles qu’elle fabriquait dans quatre départements du sud-est de la France ;

Que, par lettre du 13 avril 1965, la société Castaing, invoquant la faiblesse des résultats obtenus par a…, a dénoncé le contrat de 1961 en proposant a ce dernier de continuer à lui livrer le matériel qui pourrait lui être utile, mais sans exclusivité ;

Que a… et les deux sociétés qu’il avait constituées pour l’exercice de son activité commerciale, le comptoir industriel et agricole méditerranéen (ciam) et les établissements Paul a… ont alors fait assigner la société Castaing devant le tribunal de commerce en paiement de dommages-intérêts pour rupture unilatérale des conventions liant les parties, en demandant en outre que les établissements Castaing soient condamnes a reprendre les pièces détachées qu’ils avaient livrées a a… ou à ces deux sociétés ;

Attendu que le tribunal de commerce a fait droit a la demande concernant les pièces détachées mais a x… valentin et les deux sociétés susvisées de leur demande en dommages-intérêts en relevant notamment que le retrait d’exclusivité était justifié par l’absence complète de toute vente d’appareils au cours des années 1964 et 1965 succédant au nombre très réduit et en diminution constante et progressive des ventes réalisées au cours des trois années précédentes ;

Attendu que l’arrêt déféré infirme le jugement entrepris et ordonne une expertise pour rechercher notamment quelles diligences ont été faites par a… et ses sociétés concessionnaires pour implanter les produits Castaing dans le secteur concédé, si ces diligences étaient normales et suffisantes eu égard aux conditions du marché, aux motifs que si “le contrat étant a durée indéterminée, les établissements Castaing pouvaient le dénoncer de leur seule volonté, à condition de ne pas agir abusivement, et ce, sans avoir à s’adresser à justice” , et que “la seule question qui se pose est donc de savoir si cette dénonciation est justifiée par un motif légitime, tel qu’un manquement du concessionnaire a ses obligations, qu’a cet égard, la société Castaing est mal fondée a prétendre que celui-ci avait une obligation de résultat, qu’en effet, la convention ne prévoyait aucun chiffre d’affaires a réaliser par lui, que a…, n’était donc tenu que d’une obligation de diligence normale, eu égard aux usages de la profession et aux possibilités du marché des produits à vendre” ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que, ayant déclaré à juste titre, que le concédant pouvait librement mettre fin au contrat a durée indéterminée a la condition de ne pas agir abusivement, la cour d’appel ne pouvait imposer à ce dernier la charge de rapporter la preuve de l’existence d’un juste motif de résiliation du contrat, la cour d’appel n’a pas donné de base légale a sa décision ;

Par ces motifs, et sans qu’il soit besoin de statuer sur le second moyen :

CASSE et ANNULE l’arrêt rendu entre les parties le 28 juin 1968 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

ii. La reconnaissance de la faculté de résiliation unilatérale : l’article 1211 du Code civil

La jurisprudence qui s’était fondée sur le principe de la prohibition des engagements perpétuels pour reconnaître aux parties une faculté de résiliation unilatérale en matière de contrat à durée indéterminée a été consacrée par le législateur lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016.

Le nouvel article 1211 du Code civil prévoit en ce sens que « lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable. »

Deux enseignements peuvent être tirés de cette disposition. Une interrogation néanmoins subsiste.

?Premier enseignement : la reconnaissance d’un droit

La faculté de rupture unilatérale appartient aux deux parties qui dès lors sont mises sur un pied d’égalité

Qui plus est, il s’agit là d’une disposition d’ordre public à laquelle les contractants ne sauraient déroger par clause contraire.

?Second enseignement : le respect d’un délai de préavis

L’exercice de la faculté de rupture unilatérale est subordonné à l’observation d’un délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, raisonnable.

L’objectif poursuivi par le législateur est de permettre au cocontractant de disposer du temps nécessaire pour s’organiser.

La question qui inévitablement se posera à l’avenir est de savoir ce que l’on doit entendre par la notion de « délai raisonnable ».

Le délai raisonnable de l’article 1211 est-il le même que celui visé par l’article 442-6, I, 5° du Code de commerce en matière de rupture des relations commerciales établies ?

Ajouté à cela, en cas de litige, comment le juge va-t-il apprécier le caractère raisonnable du délai ?

?L’interrogation : la sanction

Silence volontaire ou non du législateur, l’article 1211 du Code civil ne dit mot sur la sanction dont est assortie une résiliation unilatérale fautive du contrat.

Deux solutions sont envisageables :

  • Première solution
    • La sanction d’une rupture contractuelle pourrait en l’allocation de dommages et intérêts au cocontractant
    • Toutefois, la résiliation du contrat serait réputée acquise, quelles que soient les circonstances, conformément au principe de prohibition des engagements perpétuels.
  • Seconde solution
    • Dans la mesure où la résiliation n’a pas été effectuée conformément aux formes requises, on pourrait estimer qu’elle est inefficace
    • Ainsi, le contrat serait maintenu, nonobstant l’exercice par la partie fautive de sa faculté de résiliation unilatérale
    • Il lui appartiendra alors de dénoncer une nouvelle fois le contrat en satisfaisant aux exigences de l’article 1211 du Code civil.

b. Le droit de rétractation

Il est certains cas où la loi offre à la possibilité à une partie de rétracter son consentement.

Lorsqu’elle est prévue par un texte, cette faculté de rétractation se justifie par le souci de protéger la partie faible du contrat.

La question qui s’est alors posée a été de savoir si le droit de rétractation constituait une atteinte au principe de force obligatoire du contrat

Deux thèses s’affrontent, dont l’une d’elles a été consacrée, d’abord par la jurisprudence, puis par le législateur :

  • Première thèse
    • Pour certains, dans la mesure où le contrat est réputé formé dès la rencontre de l’offre et de l’acceptation, le droit de rétractation doit s’analyser comme une faculté, pour l’acceptant, d’anéantir unilatéralement le contrat.
    • Il s’agirait donc bien d’une atteinte à la force obligatoire du contrat.
  • Seconde thèse
    • À l’inverse, pour les partisans de cette thèse, le contrat ne serait définitivement formé qu’à l’expiration du délai de rétractation.
    • Il en résulte que le droit de rétractation ne porterait nullement atteinte à la force obligatoire du contrat qui, par définition, n’existe pas encore.
  • La jurisprudence
    • Dans un arrêt du 10 juin 1992, la Cour de cassation a estimé que s’agissant d’un contrat de vente que « le contrat était formé dès la commande », nonobstant l’existence d’un droit de rétractation (Cass.1ère civ. 10 juin 1992).
    • Ainsi, la haute juridiction considère-t-elle que la formation du contrat est acquise dès l’échange des consentements, soit lorsque les parties se sont entendues sur les éléments essentiels du contrat.
    • Le droit de rétractation porterait donc bien atteinte au principe de force obligatoire du contrat.
  • Le législateur
    • À l’examen, l’ordonnance du 10 février 2016 semble opiner dans le sens de la Cour de cassation
    • Car si le délai de rétractation est celui « avant l’expiration duquel son bénéficiaire peut rétracter son consentement », cela signifie, implicitement, que pour pouvoir « rétracter son consentement », le destinataire de l’offre doit, au préalable, l’avoir exprimé.
    • Or, conformément au principe du consensualisme, le contrat est réputé formé dès l’échange des consentements des parties.
    • Si dès lors, le législateur avait estimé que l’existence d’un droit de rétractation faisait obstacle à la formation du contrat, il est peu probable qu’il ait associé cette faculté à la manifestation du consentement de l’acceptant.
    • Dès lors, il apparaît que le délai de rétractation n’interdit pas au destinataire de l’offre de consentir au contrat qui lui est proposé.
    • Ce délai lui offre seulement la faculté de se rétracter pendant une période déterminée.
    • En conséquence, la faculté de rétractation que la loi offre, dans certains cas, à la partie faible au contrat est bien constitutive d’une atteinte au principe de force obligatoire du contrat.

Types de contrats Délais de réflexion ou de rétractation Modalités de renonciation: sur papier libre, par courrier recommandé avec avis de réception (AR)
Crédit à la consommationRétractation : 14 jours
à compter du jour de l'acceptation de l’offre préalable de contrat de crédit
Renvoi du bordereau de rétractation détachable à l’organisme prêteur, sous pli recommandé avec avis de réception
Construction et acquisition d'un logement à usage d'habitation (comptant ou crédit)Rétractation : 10 jours
à compter du lendemain de la première présentation de la lettre ayant pour objet l'acquisition ou la construction de l'immeuble à usage d'habitation (l'acte doit avoir été adressé à l’acquéreur par lettre recommandée avec avis de réception).
Par lettre recommandée avec avis de réception
Construction d’une maison individuelleRétractation : 10 jours
à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte (l'acte doit avoir été adressé à l’acquéreur par lettre recommandée avec avis de réception).
Par lettre recommandée avec avis de réception
Contrats conclus hors établissement (domicile, travail, excursion, lieux inhabituels de vente, etc.)

ou

Contrats conclus à distance (télé-Achat, internet, vente par correspondance, démarchage téléphonique, etc.)
Délai de rétractation de 14 jours

- à compter de la conclusion du contrat pour les prestations de service (+ contrats d’eau, de gaz ou d’électricité, de chauffage urbain, et de contenu numérique non fourni sur un support matériel)

- à compter de la réception du bien pour les contrats de vente de bien ou de prestation de service impliquant la livraison d’un bien

- à compter de la réception du dernier bien ou lot lors de livraison séparée de plusieurs biens ou d’une commande composée de lot/pièce à livraison échelonnée

- à compter de la réception du premier bien lors de livraison régulière de biens sur une période définie.

Prolongation du délai de 12 mois

Lorsque l’information précontractuelle du consommateur sur son droit de rétractation n’a pas été respectée par le professionnel. Si ce dernier informe le consommateur pendant la prolongation, le délai de rétractation expire après un délai de 14 jours à compter de la réception des informations.
Renvoi du formulaire type de rétractation

Ou

Envoi d’une déclaration dénuée d’ambiguïté exprimant sa volonté de se rétracter

Ou

Formulaire en ligne : le professionnel peut permettre au consommateur de remplir et de transmettre en ligne, sur son site internet, le formulaire. Dans ce cas, il accuse réception de la rétractation du consommateur sur un support durable.

Il n’y a pas d’exigence de forme pour l’envoi du formulaire ou de la déclaration de rétractation, mais en cas de litige c’est au consommateur d’apporter la preuve de sa rétractation. Il convient donc d’utiliser un mode d’envoi permettant cette preuve (courrier recommandé avec accusé de réception ou courrier électronique)
Assurance vieRétractation : 30 jours calendaires révolus à compter du jour où le souscripteur est informé de la conclusion du contrat.Par lettre recommandée avec avis de réception.
Remboursement de la prime se fait dans un délai d’un mois à compter de la réception de la lettre recommandée.
Agences matrimoniales/
Courtage matrimonial
Rétractation :
- 7 jours
à compter de la signature du contrat en agence (AUCUN VERSEMENT ne peut être exigé pendant ce délai)

- 14 jours
à compter de la signature du contrat sur internet, à distance ou hors établissement commercial (AUCUN VERSEMENT ne peut être exigé pendant le délai de 7 jours)
Par lettre recommandée avec avis de réception
Contrats de jouissance de biens immobiliers en temps partagéRétractation : 14 jours
à compter du jour de la conclusion du contrat.
Aucun versement ou engagement du versement à quelque titre ou sous quelque forme que ce soit ne peut avoir lieu durant ce délai de rétractation
Renvoi du formulaire de rétractation détachable sous pli recommandé avec avis de réception.

2.2 Les dérogations d’origine conventionnelle

?La clause de dédit (contrats à exécution instantanée)

La clause de dédit est une stipulation, qui généralement opère dans les contrats à exécution instantanée, par laquelle l’une des parties se voit conférer le droit de se délier unilatéralement de son engagement avant l’exécution du contrat, moyennant le paiement d’une indemnité.

La clause de dédit doit être distinguée de la clause prévoyant une indemnité d’immobilisation à la faveur du bénéficiaire d’une promesse contractuelle, dans l’hypothèse où l’option ne serait pas levée.

  • S’agissant de la clause de dédit, elle n’a de sens que si le contrat est déjà formé.
    • Pour qu’une partie puisse se dédire, encore faut-il qu’elle soit engagée contractuellement.
  • S’agissant de l’indemnité d’immobilisation, elle n’intervient que dans le cadre d’une promesse de contrat, soit lorsque celui-ci n’est, par définition, par encore formé
    • Elle correspond, pour le débiteur de la promesse, au prix à payer pour exercer son droit de ne pas contracter.

?La clause de résiliation (contrats à exécution successive)

La clause de résiliation est une stipulation, qui généralement opère dans les contrats à exécution successive, qui offre la possibilité aux parties de mettre fin au contrat unilatéralement et discrétionnairement

  • S’agissant des contrats à durée déterminée, cette clause permet de révoquer le contrat avant l’arrivée du terme
  • S’agissant des contrats à durée indéterminée, cette clause facilite le droit de résiliation unilatérale dont sont, de plein droit titulaires les parties, conformément au principe de prohibition des engagements perpétuels

Dans les deux cas, aucune atteinte à la force obligatoire du contrat ne peut être relevée, dans la mesure où la clause de résiliation procédure de la volonté conjointe des parties.

  1. J. Carbonnier, Droit civil, tome 4, Les Obligations, PUF, 22e éd., 2000, § 314 ?
  2. Larombière M.L., Théorie et pratique des obligations, ou Commentaire aux titres III et IV du Code Napoléon, art. 1101 à 1386, T. III, Éd.1., Paris, 1858, art.1234, nº4. ?
  3. http://www.conseil-etat.fr/Decisions-Avis-Publications/Decisions/Les-decisions-les-plus-importantes-du Conseil-d-Etat/30-mars-1916-Compagnie-generale-d-eclairage-de-Bordeaux ?

La prohibition des engagements perpétuels

?Signification du principe

Le principe de prohibition des engagements perpétuels signifie que nul ne saurait être engagé indéfiniment dans des liens contractuels.

Le Doyen Carbonnier observait en ce sens que le Code civil de 1804 « ne paraît avoir envisagé pour les obligations, une fois nées, d’autre destin que de s’éteindre »[1].

Quelques dispositions éparses fondent cette analyse telle que l’article 1710 du Code civil qui prévoit, par exemple, que « on ne peut engager ses services qu’à temps, ou pour une entreprise déterminée ».

Aussi, tout contrat doit être borné dans le temps, quand bien même il aurait été conclu pour une durée indéterminée.

Dans son rapport annuel de l’année 2014 la Cour de cassation exprime parfaitement bien cette idée en affirmant que « la liberté contractuelle de choisir le temps pour lequel on s’engage s’enchâsse alors dans une limite maximale impérative, qui peut être légale (six ans pour les contrats de louage d’emplacement publicitaire, article L. 581-25 du code de l’environnement ; quatre-vingt-dix-neuf ans pour les sociétés civiles et commerciales, articles 1838 du code civil et L. 210-2 du code de commerce), ou prétorienne (quatre-vingt-dix-neuf ans pour les baux, Cass. 3e civ., 27 mai 1998, n°96-15.774), mais dont la mesure est toujours sensible à l’objet du contrat. »

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par engagement perpétuel.

Concrètement, les engagements perpétuels recoupent deux situations bien distinctes :

  • Soit le contrat a été conclu pour une durée indéterminée, mais, par le jeu d’une clause, il ne permet pas l’exercice de la faculté de résiliation unilatérale
  • Soit le contrat a été conclu pour une durée déterminée, mais cette durée est anormalement longue

?Reconnaissance du principe

Le principe de prohibition des engagements perpétuels a été reconnu en trois temps :

  • Premier temps : la Cour de cassation
  • Deuxième temps : le Conseil constitutionnel
    • Le principe de prohibition des engagements perpétuel a été consacré par le Conseil constitutionnel dans une décision du 9 novembre 1999 (Cons. const. 9 nov. 1999, n° 99-419 DC)
    • Les juges de la rue de Montpensier ont estimé, que « si le contrat est la loi commune des parties, la liberté qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 justifie qu’un contrat de droit privé à durée indéterminée puisse être rompu unilatéralement par l’un ou l’autre des contractants, l’information du cocontractant, ainsi que la réparation du préjudice éventuel résultant des conditions de la rupture, devant toutefois être garanties ».
  • Troisième temps : le législateur
    • Lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, le législateur a introduit un article 1210 dans le Code civil qui prévoit que
      • « les engagements perpétuels sont prohibés. »
      • « Chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée. »

?Effets du principe

Deux effets sont attachés au principe de prohibition des engagements perpétuels :

  • Lorsque le contrat est à durée déterminée
    • Dans l’hypothèse où le contrat comporte un terme, qui peut être tacite sous réserve que sa survenue soit certaine, le contrat s’éteint par l’arrivée de ce terme à la condition sine qua non que le terme prévu par les parties n’excède pas un éventuel plafond légal
    • À défaut, le contrat est réputé avoir été conclu pour une durée indéterminée
    • Son extinction relève alors du pouvoir des parties, chacune disposant d’un droit de résiliation unilatérale pour se prémunir des dangers d’un engagement perpétuel.
  • Lorsque le contrat est à durée indéterminée
    • Dans cette hypothèse, chaque partie dispose de la faculté de mettre fin au contrat en sollicitant unilatéralement sa résiliation
    • Dans un arrêt du 31 mai 1994, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « dans les contrats à exécution successive dans lesquels aucun terme n’a été prévu, la résiliation unilatérale est, sauf abus sanctionné par l’alinéa 3 du même texte, offerte aux parties » (Cass. com. 31 mai 1994, n°88-10.757)
    • Il s’agit là d’une règle d’ordre public à laquelle les parties ne sauraient déroger par clause contraire (Cass. 3e civ. 19 févr. 1992, n°90-16.148).

Cass. com. 31 mai 1994

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l’article 1134, alinéa 2, du Code civil ;

Attendu que, dans les contrats à exécution successive dans lesquels aucun terme n’a été prévu, la résiliation unilatérale est, sauf abus sanctionné par l’alinéa 3 du même texte, offerte aux parties ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Etablissements Gabriel et compagnie (la société), qui avait une activité industrielle à Lyon, a créé, en 1972, un restaurant d’entreprise dont elle a confié la gestion à M. X… à compter du 24 avril 1975, pour une durée indéterminée ; que par lettre du 23 novembre 1989 la société a informé M. X… du prochain transfert de l’entreprise à Reyrieux et lui a notifié que de ce fait le contrat de concession serait ” caduc ” ; que M. X…, soutenant que la résiliation de ce contrat était abusive, a demandé la condamnation de la société au paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que pour accueillir la demande, l’arrêt retient que l’article 12 du contrat litigieux prévoyait plusieurs cas de rupture ; que la société prétend se trouver dans la troisième hypothèse, c’est-à-dire la fermeture de ses établissements, mais qu’il s’agit d’un transfert et non d’une fermeture de l’entreprise ; qu’ainsi, en prenant unilatéralement la décision de supprimer, à l’occasion d’un simple transfert de locaux, et hors des cas de rupture prévus au contrat, le restaurant d’entreprise concédé à M. X… , la société a rompu abusivement la convention conclue avec ce dernier ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’abus de droit imputé à la société ne pouvait résulter du seul fait que la résiliation était intervenue en dehors des cas prévus au contrat, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 19 décembre 1991, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Grenoble.

?Sanction du principe

Sous l’empire du droit antérieur à la réforme des obligations, la sanction du principe de prohibition des engagements perpétuels a fait l’objet d’une vive controverse

Trois sortes de sanctions ont été discutées par la jurisprudence et la doctrine :

  • Première sanction : la nullité totale
    • Cette sanction a été envisagée de nombreuses fois par la jurisprudence (v. notamment en ce sens Cass. 3e civ., 20 févr. 1991)
    • L’avantage de la nullité est qu’il s’agit d’une sanction suffisamment vigoureuse pour dissuader les agents de contrevenir au principe de prohibition des engagements perpétuels
    • Toutefois, cette sanction n’est pas sans inconvénient
    • Il peut, en effet, être observé que l’action en nullité est enfermée dans un certain délai
    • Cela signifie donc que si la prescription est acquise, l’action en nullité ne peut plus être exercée, ce qui dès lors produit l’effet inverse de celui recherché : l’engagement perpétuel que l’on cherchait à annuler ne peut plus être délié.
    • Il devient irrévocablement perpétuel.
  • Deuxième sanction : la nullité partielle
    • Afin de se prémunir de l’anomalie ci-dessus évoquée, la jurisprudence a circonscrit, dans certains arrêts la nullité à la seule clause qui contrevenait au principe de prohibition des engagements perpétuels.
    • Telle a été la solution rendue par la Cour de cassation notamment dans un arrêt du 7 mars 2006 (Cass. 1ère civ. 7 mars 2006, n°04-12.914).
    • La sanction de la nullité partielle ne pourra toutefois être prononcée qu’à la condition que la clause n’ait pas été déterminante du consentement des parties.
    • Si elle a été la cause « impulsive et déterminante » de leur engagement, le juge n’aura d’autre choix que d’annuler le contrat dans son ensemble (Cass. 1ère civ., 24 juin 1971, n°70-11.730).
    • Dans l’hypothèse où la nullité partielle pourra jouer, les contractants retrouveront la faculté de résiliation unilatérale propre aux contrats à durée indéterminée.
  • Troisième sanction : la réduction de la durée du contrat au maximum légal
    • Dans l’hypothèse où la durée du contrat excèderait le plafond prévu par la loi, le juge réduira cette durée d’autant qu’elle dépasse le maximum légal.
    • La Cour de cassation a eu l’occasion de prononcer cette sanction à plusieurs reprises (V. en ce sens Cass. com., 10 févr. 1998, 95-21.906).
    • Dans un arrêt du 13 novembre 2002 elle a notamment estimé que « le contrat de louage d’emplacement publicitaire ne peut être conclu pour une durée supérieure à six ans à compter de sa signature ; que la stipulation d’une durée plus longue est soumise à réduction » (Cass. 1re civ., 13 nov. 2002, n°99-21.816).
    • Si, de toute évidence, cette solution permet de surmonter les difficultés soulevées par la nullité totale ou partielle, elle n’est pas non plus à sans faille.
    • La possibilité de réduire la durée du contrat à hauteur du plafond légal n’est envisageable qu’à la condition que ce plafond existe.
    • Or pour la plupart des contrats aucun maximum de durée n’a été institué par le législateur.
    • Ainsi, apparaît-il que le champ d’application de la sanction qui consiste à réduire la durée du contrat est pour le moins restreint.

Au total, il ressort de l’examen général de chacune des mesures envisagées en guise de sanction du principe de prohibition des engagements perpétuels qu’aucune d’elles n’était véritablement satisfaisante.

C’est la raison pour laquelle le législateur n’en a retenu aucune. Il a préféré emprunter une autre voie.

  • L’intervention du législateur
    • À l’occasion de la réforme des obligations, le législateur a introduit un article 1210, al. 2 dans le Code civil.
    • Cette disposition prévoit en contrepoint de l’alinéa 1er, lequel pose le principe de prohibition des engagements perpétuels, que « Chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée. »
    • Ainsi, la sanction d’un contrat conclu à titre perpétuel n’est autre que la requalification en contrat à durée indéterminée.
    • Les parties retrouvent alors leur faculté de résiliation unilatérale.
    • En cas d’exercice de cette faculté, elles ne seront toutefois pas dispensées d’observer l’exigence de préavis prévue à l’article 1211.

?Limites au principe

  • L’abus
    • Le principe de prohibition des engagements perpétuels est tempéré par l’obligation pour la partie qui entend exercer sa faculté de résiliation unilatérale de ne pas commettre d’abus.
    • Dans un arrêt du 15 novembre 1969 la Cour de cassation a par exemple estimé que le contractant « pouvait librement mettre fin au contrat a durée indéterminée a la condition de ne pas agir abusivement » (Cass. com. 15 déc. 1969)
    • Elle a encore jugé dans un arrêt du 5 février 1985 que « dans les contrats a exécution successive dans lesquels aucun terme n’a été prévu, la résiliation unilatérale est, sauf abus sanctionne par l’alinea 3 de [l’ancien article 1134], offert aux deux parties » (Cass. 1ère civ. 5 févr. 1985, n°83-15.895).
  • Les relations commerciales établies
    • Dans le domaine des affaires, la faculté de rupture unilatérale est strictement encadrée, en particulier lorsque les relations commerciales sont dites établies.
    • L’article 442-6, I, 5° du Code de commerce prévoit que « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : […] de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n’était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l’économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d’une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l’application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d’au moins un an dans les autres cas »

Cass. com. 15 déc. 1969

Sur le premier moyen :

Vu l’article 1134 du code civil ;

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaque que la société des établissements Castaing fils a concédé en septembre 1961 a valentin y… de la vente des appareils agricoles qu’elle fabriquait dans quatre départements du sud-est de la France ;

Que, par lettre du 13 avril 1965, la société Castaing, invoquant la faiblesse des résultats obtenus par a…, a dénoncé le contrat de 1961 en proposant a ce dernier de continuer à lui livrer le matériel qui pourrait lui être utile, mais sans exclusivité ;

Que a… et les deux sociétés qu’il avait constituées pour l’exercice de son activité commerciale, le comptoir industriel et agricole méditerranéen (ciam) et les établissements Paul a… ont alors fait assigner la société Castaing devant le tribunal de commerce en paiement de dommages-intérêts pour rupture unilatérale des conventions liant les parties, en demandant en outre que les établissements Castaing soient condamnes a reprendre les pièces détachées qu’ils avaient livrées a a… ou à ces deux sociétés ;

Attendu que le tribunal de commerce a fait droit a la demande concernant les pièces détachées mais a x… valentin et les deux sociétés susvisées de leur demande en dommages-intérêts en relevant notamment que le retrait d’exclusivité était justifié par l’absence complète de toute vente d’appareils au cours des années 1964 et 1965 succédant au nombre très réduit et en diminution constante et progressive des ventes réalisées au cours des trois années précédentes ;

Attendu que l’arrêt déféré infirme le jugement entrepris et ordonne une expertise pour rechercher notamment quelles diligences ont été faites par a… et ses sociétés concessionnaires pour implanter les produits Castaing dans le secteur concédé, si ces diligences étaient normales et suffisantes eu égard aux conditions du marché, aux motifs que si “le contrat étant a durée indéterminée, les établissements Castaing pouvaient le dénoncer de leur seule volonté, à condition de ne pas agir abusivement, et ce, sans avoir à s’adresser à justice” , et que “la seule question qui se pose est donc de savoir si cette dénonciation est justifiée par un motif légitime, tel qu’un manquement du concessionnaire a ses obligations, qu’a cet égard, la société Castaing est mal fondée a prétendre que celui-ci avait une obligation de résultat, qu’en effet, la convention ne prévoyait aucun chiffre d’affaires a réaliser par lui, que a…, n’était donc tenu que d’une obligation de diligence normale, eu égard aux usages de la profession et aux possibilités du marché des produits à vendre” ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que, ayant déclaré à juste titre, que le concédant pouvait librement mettre fin au contrat a durée indéterminée a la condition de ne pas agir abusivement, la cour d’appel ne pouvait imposer à ce dernier la charge de rapporter la preuve de l’existence d’un juste motif de résiliation du contrat, la cour d’appel n’a pas donné de base légale a sa décision ;

Par ces motifs, et sans qu’il soit besoin de statuer sur le second moyen :

CASSE et ANNULE l’arrêt rendu entre les parties le 28 juin 1968 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

Les règles de formalisme prescrites par le Code de la consommation en matière de cautionnement sont écartées lorsque l’acte a été établi en la forme authentique (Cass. com. 14 juin 2017)

Par un arrêt du 14 juin 2017, la Cour de cassation a estimé que, lorsqu’un acte de cautionnement avait été établi en la forme authentique, les règles de formalisme prescrites par le Code de la consommation ne lui étaient pas applicables (Cass. com. 14 juin 2017, n°12-11.644)

  • Faits
    • Une société est demeurée impayée de plusieurs prestations qu’elle avait effectuées à la faveur d’une autre société
    • Elle assigne en référé son débiteur en paiement d’une provision
    • Finalement, un accord transactionnel est conclu entre les parties puis homologué par ordonnance du juge des référés
  • Demande
    • L’accord n’ayant pas été respecté, la société créancière assigne en paiement la caution, gérante de la société débitrice
    • Cette dernière soulève alors comme moyen de défense l’irrégularité de l’acte de cautionnement
  • Procédure
    • Par un arrêt du 20 octobre 2011, la Cour d’appel de Rouen a fait droit à la demande du créancier
    • Les juges du fond estiment que, dans la mesure où l’acte de cautionnement, avait été établi en la forme authentique, le formaliste prescrit par le Code de la consommation n’était pas applicable en l’espèce
  • Solution
    • Par un arrêt du 14 juin 2017, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la caution.
    • La chambre commerciale considère que « les dispositions des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, ne s’appliquent pas aux cautionnements consentis par acte authentique ; qu’il en est de même de celles de l’article 1326 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 »
    • Autrement dit, pour la Cour de cassation, dès lors qu’un cautionnement est établi sous la forme authentique, les dispositions du Code de la consommation qui commandent aux parties d’observer un formalisme rigoureux sont écartées.
    • Pour mémoire :
      • L’article L. 331-1 du Code de la consommation prévoit que :
        • Toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci :
        • En me portant caution de X……………….., dans la limite de la somme de……………….. couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de……………….., je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X……………….. n’y satisfait pas lui-même. ” »
      • L’article L. 331-2 du Code de la consommation dispose quant à lui que :
        • « Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante :
        • ” En renonçant au bénéfice de discussion défini à l’article 2298 du code civil et en m’obligeant solidairement avec X je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement X “.»
    • En l’espèce, il n’avait vraisemblablement pas été satisfait à ce formalisme par les parties ; d’où la ligne de défense de la caution.
    • L’argument avancé par cette dernière n’a, toutefois, pas convaincu la Cour de cassation qui a estimé que les exigences du Code de la consommation n’étaient pas applicable lorsque le cautionnement a été établi en la forme authentique.
    • La solution n’est pas nouvelle.
    • Dans un arrêt du 29 janvier 1991, la Cour de cassation avait adopté la même solution ( com. 29 janv. 1991).
    • Dans un arrêt du 11 décembre 1990 elle a encore considéré, après avoir rappelé que à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens, lorsqu’un acte de cautionnement est souscrit par un commerçant, le formalisme de l’ancien article 1326 du Code civil devenu l’article 1376 n’est pas applicable à l’acte signé ( com. 11 déc. 1990).
      • Pour rappel, l’article 1376 du Code civil prévoit que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l’acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres.»
    • Aussi la solution retenue par la Cour de cassation dans le présent arrêt est rigoureusement conforme à la jurisprudence antérieure.
    • Qui plus est, elle se justifie par les garanties que confère la conclusion d’un acte authentique à ses signataires lesquelles garanties remplissent la même fonction que le formalisme imposé par le Code de la consommation ou le Code civil : l’information de la caution sur la portée de son engagement.

Cass. com. 14 juin 2017
Sur les deux moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 20 octobre 2011), que la société Georges Vatinel et compagnie (la société Vatinel) a effectué pour la société La Maison d'Altair, dont Mme X... était la gérante, plusieurs prestations ; que restant impayée de celles-ci, la société Vatinel a assigné en référé la société La Maison d'Altair en paiement d'une provision ; qu'un accord a été conclu entre les parties puis homologué par ordonnance du juge des référés le 10 février 2010 ; qu'à défaut de paiement, la société Vatinel a assigné Mme X..., en sa qualité de caution ; que Mme X... s'est opposée à cette demande en soutenant que la société Vatinel ne produisait aucun acte de cautionnement valable ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de reconnaître sa qualité de caution et de la condamner, en cette qualité, à payer à la société Vatinel la somme de 16 672, 13 euros alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 341-2 du code la consommation est applicable à toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel ; qu'il est applicable au dirigeant de la société qui a la qualité de débiteur principal ; que la formule prévue par le texte est la seule qui puisse être utilisée ; que la règle est d'ordre public ; qu'en condamnant Mme X..., quand il résultait des énonciations mêmes de l'arrêt que le cautionnement n'avait pas été souscrit dans les conditions prévues par le texte et selon la formule qu'il institue, les juges du fond ont violé les articles L. 341-2, L. 341-3 du code de la consommation ;

2°/ que les articles 1326 et 2015 anciens du code civil, ou 2292 nouveau, du code civil, s'appliquent à la caution qui a le caractère de dirigeant réserve faite du cas où le dirigeant a personnellement la qualité de commerçant ; qu'à défaut d'écrit, le créance doit à tout le moins faire état d'un commencement de preuve par écrit et d'un complément de preuve, le
commencement de preuve par écrit ne pouvant être retenu que si, selon les juges du fond, il rend vraisemblable l'acte allégué ; qu'en s'abstenant de constater au cas d'espèce que la société Vatinel justifiait d'un commencement de preuve par écrit rendant vraisemblable le fait allégué, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1347 du code civil, ensemble au regard des articles 1326 du code civil, 2015 ancien du même code et 2292 nouveau du code civil ;

3°/ qu'à défaut de constater que Mme X... avait personnellement la qualité de commerçant, seule circonstance permettant d'invoquer à son égard la liberté de la preuve, les juges du fond ont à tout le moins entaché leur décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 110-3 du code de commerce ;

Mais attendu que les dispositions des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, ne s'appliquent pas aux cautionnements consentis par acte authentique ; qu'il en est de même de celles de l'article 1326 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; qu'ayant relevé que l'ordonnance de référé du 10 février 2010 homologuait l'accord comportant mention de l'engagement de Mme X... de fournir une garantie personnelle, ce dont il résultait que l'engagement de Mme X..., en qualité de caution solidaire de la société Vatinel, recueilli dans une décision judiciaire, avait été constaté dans un acte authentique, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer les constatations, inopérantes, invoquées par les deuxième et troisième branches, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;