La mise en oeuvre des mesures conservatoires

Lorsque le créancier aura obtenu l’autorisation du Juge ou qu’il sera muni de l’un des titres visés à l’article L. 511-2 du CPCE, il pourra mandater un huissier de justice aux fins de faire pratiquer une mesure conservatoire sur le patrimoine de son débiteur.

Reste que pour que la mesure conservatoire soit efficace, un certain nombre de diligences doivent être accomplies par l’huissier instrumentaire, faute de quoi la mesure sera frappée de caducité.

I) Les phases de mise en œuvre des mesures conservatoires

En substance, la mise en œuvre d’une mesure conservatoire comporte quatre phases bien distinctes :

  • Première étape
    • L’huissier mandaté par le créancier doit procéder
      • Soit à la réalisation de l’acte de saisie
      • Soit à l’accomplissement des formalités d’inscription de la sûreté
  • Deuxième étape
    • La mesure conservatoire pratiquée par l’huissier de justice doit être dénoncée au débiteur si elle n’a pas été effectuée entre ses mains
  • Troisième étape
    • En l’absence de titre exécutoire, le créancier poursuivant devra engager une procédure aux fins d’en obtenir un
  • Quatrième étape
    • Lorsqu’un titre exécutoire aura été obtenu ou que la décision dont était en possession le créancier sera passée en force de chose jugée, la mesure conservatoire pratiquée pourra être convertie en mesure d’exécution forcée

II) Les délais de mise en œuvre des mesures conservatoires

Les quatre phases décrites ci-dessus sont enfermées dans des brefs délais, dont le non-respect est sanctionné par la caducité de la mesure conservatoire prise.

==> L’exécution de la mesure conservatoire dans un délai de trois mois

L’article R. 511-6 du CPCE prévoit que « l’autorisation du juge est caduque si la mesure conservatoire n’a pas été exécutée dans un délai de trois mois à compter de l’ordonnance. »

Ainsi, en cas d’inertie du créancier au-delà du délai de trois mois, l’ordonnance rendue par le Juge saisi est frappée de caducité.

Ce délai court à compter du prononcé de la décision du Juge et non de sa signification, laquelle n’a pas besoin d’intervenir dès lors que l’ordonnance est exécutoire sur minute.

À cet égard, l’article 640 du Code de procédure civile prévoit que « lorsqu’un acte ou une formalité doit être accompli avant l’expiration d’un délai, celui-ci a pour origine la date de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir. »

Il peut, par ailleurs, être observé que si la mesure conservatoire initiée en exécution de l’ordonnance est devenue caduque, ladite ordonnance ne peut, en aucun cas, servir de fondement pour pratiquer une nouvelle mesure conservatoire, quand bien même le délai de trois mois n’aurait pas expiré. (V. en ce sens CA Paris, 22 oct. 1999).

S’agissant, enfin, du coût de la mesure, l’article L. 512-2 du CPCE prévoit que « les frais occasionnés par une mesure conservatoire sont à la charge du débiteur, sauf décision contraire du juge. »

==> La dénonciation de la mesure conservatoire pratiquée entre les mains d’un tiers dans un délai de huit jours

Lorsque la mesure conservatoire est pratiquée entre les mains d’un tiers, il échoit au créancier de dénoncer cette mesure dans un délai de huit jours au débiteur à qui l’acte constatant la mesure conservatoire et, le cas échéant, l’ordonnance, doivent être communiquées.

Lorsque, en revanche, la mesure est accomplie directement entre les mains du débiteur, cette dénonciation est inutile puisqu’elle vise à informer le débiteur, d’une part, sur le contenu de l’ordonnance et, d’autre part, sur la réalisation de la mesure.

En cas d’inobservation de ce délai de huit jours pour dénoncer la mesure conservatoire au débiteur, elle est frappée de caducité.

==> L’engagement d’une procédure ou l’accomplissement de formalités en vue de l’obtention d’un titre exécutoire dans le délai d’un mois

  • Principe général
    • L’article R. 511-7 du CPCE prévoit que si ce n’est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire.
    • Ainsi, si le créancier ne possède pas de titre exécutoire lors la réalisation de la mesure conservatoire, il lui appartient d’entreprendre toutes les démarches utiles aux fins d’en obtenir un.
    • La formule « accomplir les formalités nécessaires» vise le cas où un jugement a déjà été rendu mais n’a pas encore le caractère exécutoire.
    • Il suffira alors d’attendre l’écoulement du délai de la voie de recours suspensive et de solliciter un certificat de non-appel.
    • La formule vise encore toutes les procédures précontentieuses préalables, mais obligatoires, aux fins d’obtenir un titre exécutoire.
    • En tout état de cause, le créancier dispose, pour ce faire, d’un délai d’un mois.
    • La procédure sera réputée engagée, dès lors que l’acte introductif d’instance aura été signifié avant l’expiration de ce délai d’un mois
    • L’examen de la jurisprudence révèle qu’il est indifférent que la procédure engagée soit introduite au fond ou en référé
    • Dans un arrêt remarqué du 3 avril 2003, la Cour de cassation a encore considéré qu’en délivrant une assignation, même devant une juridiction incompétente, dans le délai d’un mois, le créancier satisfait à l’exigence de l’article R. 511-7 du CPCE ( 2e civ. 3 avr. 2003).
    • Cette incompétence ne constituera, en conséquence, pas un obstacle à la délivrance d’une nouvelle assignation au-delà du délai d’un mois, dès lors que l’action se poursuit et que le lien d’instance entre les parties n’a jamais été interrompu
  • L’ordonnance portant injonction de payer
    • L’article R. 511-7 du CPCE prévoit que « en cas de rejet d’une requête en injonction de payer présentée dans le délai imparti au précédent alinéa, le juge du fond peut encore être valablement saisi dans le mois qui suit l’ordonnance de rejet. »
    • Ainsi, le délai d’un mois est, en quelque sorte, prorogé par l’ordonnance de rejet, à la condition néanmoins qu’une instance au fond soit introduite consécutivement au rejet.
    • Dans un arrêt du 5 juillet 2005, la Cour de cassation a estimé qu’une assignation en référé ne permettait pas de proroger le délai d’un mois ( 2e civ. 5 juill. 2005).

==> La dénonciation des diligences accomplies en vue de l’obtention d’un titre exécutoire dans un délai de huit jours

L’article R. 511-8 du CPCE dispose que lorsque la mesure est pratiquée entre les mains d’un tiers, le créancier signifie à ce dernier une copie des actes attestant les diligences requises par l’article R. 511-7, dans un délai de huit jours à compter de leur date.

En cas d’inobservation de ce délai de huit jours pour dénoncer la mesure conservatoire au tiers entre les mains duquel la mesure est pratiquée, elle est frappée de caducité.

Dans un arrêt du 30 janvier 2002, la Cour de cassation a néanmoins estimé que l’article R. 511-8 n’avait pas lieu de s’appliquer lorsque les diligences requises ont été effectuées avant la réalisation de la mesure conservatoire (Cass. 2e civ. 30 janv. 2002).

Tel sera notamment le cas lorsque le créancier a fait signifier une décision qui n’est pas encore passée en force de chose jugée et qu’il n’a pas reçu le certificat de non-appel sollicité auprès du greffe de la Cour.

Dans l’hypothèse où il ferait pratiquer une mesure conservatoire, il ne disposerait alors d’aucun acte à dénoncer au tiers entre les mains duquel la mesure est réalisée.

Dans un arrêt du 15 janvier 2009, la Cour de cassation a néanmoins précisé que, en cas de concomitance, de la réalisation de la mesure conservatoire et de l’accomplissement de diligences en vue de l’obtention d’un titre exécutoire, ces dernières doivent être dénoncées au tiers dans le délai de 8 jours, conformément à l’article R. 511-8 du CPCE (Cass. 2e civ. 15 janv. 2009).

III) La conversion des mesures conservatoires

Lorsqu’un titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible aura été obtenu par le créancier poursuivant, la mesure conservatoire pratique pourra faire l’objet d’une conversion.

Autrement dit, elle pourra être transformée :

  • Soit en mesure d’exécution forcée
  • Soit en sûreté définitive

Reste que le régime juridique de cette conversion est sensiblement différent selon que la mesure conservatoire initialement pratiquée consiste en une saisie conservatoire ou en l’inscription d’une sûreté judiciaire.

==> S’agissant des saisies conservatoires

Pour opérer la conversion d’une saisie conservatoire en saisie définitive, il n’est besoin, pour le créancier, que d’obtenir un titre exécutoire au sens de l’article L. 111-3 du CPCE.

Aussi, cette conversion peut-elle être pratiquée alors que la décision obtenue n’est pas passée en force de chose jugée. Elle devra, néanmoins, être assortie de l’exécution provisoire.

La conversation s’opérera alors au moyen de la signification d’un acte de conversion signifié au tiers saisi et dénoncé au débiteur.

Aucun délai n’est prescrit pour procéder à cette conversion une fois le titre exécutoire obtenu.

==> S’agissant des sûretés judiciaires

Pour convertir une sûreté judiciaire en sûreté définitive, l’article R. 533-4 du CPCE exige que le créancier obtienne une décision passée en force de chose jugée.

Ainsi, l’obtention d’un titre exécutoire au sens de l’article L. 111-3 du CPCE n’est pas suffisante. La décision obtenue doit ne plus être soumise à une voie de recours suspensif ni être assorti d’un délai de grâce.

Quant à la réalisation de la conversation, elle se fait au moyen d’une publicité définitive propre à chacune des sûretés susceptibles d’être constituée à titre conservatoire.

Les formalités doivent être accomplies auprès de l’organe qui a reçu la publicité provisoire.

Surtout, l’article R. 533-4 du CPCE prévoit que la publicité définitive est effectuée dans un délai de deux mois courant selon le cas :

  • Du jour où le titre constatant les droits du créancier est passé en force de chose jugée ;
  • Si la procédure a été mise en œuvre avec un titre exécutoire, du jour de l’expiration du délai d’un mois mentionné à l’article R. 532-6
    • Si une demande de mainlevée a été formée, du jour de la décision rejetant cette contestation
    • Si le titre n’était exécutoire qu’à titre provisoire, le délai court comme il est dit au 1° ;
  • Si le caractère exécutoire du titre est subordonné à une procédure d’exequatur, du jour où la décision qui l’accorde est passée en force de chose jugée.

La procédure d’adoption des mesures conservatoires

Dans la mesure où des mesures conservatoires peuvent être prises, alors même que le créancier n’est en possession d’aucun titre exécutoire, le législateur a subordonné leur adoption à l’autorisation du juge.

Ce principe connaît néanmoins des exceptions, en particulier lorsque le créancier dispose bien d’un titre exécutoire, mais que celui-ci n’est pas revêtu de la force de chose jugée.

I) Principe : l’exigence de demande d’autorisation

Lorsque le créancier qui souhaite la mise en œuvre de mesures conservatoires n’est en possession d’aucun titre exécutoire, il doit solliciter l’autorisation du Juge.

L’obtention de cette autorisation suppose alors l’observation d’un certain nombre de règles procédurales.

A) La compétence du juge

==> La compétence d’attribution

  • La compétence de principe du Juge de l’exécution
    • L’article L. 511-3 du Code des procédures civiles d’exécution désigne le Juge de l’exécution comme disposant de la compétence de principe pour connaître des demandes d’autorisation.
    • La saisine du Juge de l’exécution peut être effectuée, tant avant tout procès, qu’en cours d’instance.
    • La compétence du Juge de l’exécution n’est, toutefois, pas exclusive
    • Il peut, à certaines conditions, être concurrencé par le Président du Tribunal de commerce.
  • La compétence facultative du Président du Tribunal de commerce
    • L’article L. 511-3 in fine prévoit que, l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire « elle peut être accordée par le président du tribunal de commerce lorsque, demandée avant tout procès, elle tend à la conservation d’une créance relevant de la compétence de la juridiction commerciale»
    • Cette compétence se justifie par le rôle joué par les juridictions commerciales en matière de prévention des entreprises en difficulté.
    • L’examen de la demande d’adoption de mesure conservatoire permettra notamment à la juridiction consulaire de prendre connaissance de la situation financière du débiteur poursuivi, lequel est susceptible de se trouver en état de cessation des paiements, ce qui déclenchera l’ouverture d’une procédure collective.
    • Il ressort du texte précité que la saisine du Président du Tribunal de commerce est néanmoins subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :
      • La demande doit être formulée avant tout procès, soit lorsque qu’une instance au fond ou en référé n’a été introduite devant une juridiction civile ou commerciale
      • La demande doit tendre à la conservation d’une créance commerciale
    • Ainsi, dès lors qu’une instance est en cours, seul le Juge de l’exécution est compétent pour connaître de l’autorisation d’une mesure conservatoire.
    • Rien n’empêche, par ailleurs, que ce dernier soit saisi alors même que les conditions de saisine du Président du Tribunal de commerce seraient remplies.

==> La compétence territoriale

  • Principe
    • L’article R. 511-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « le juge compétent pour autoriser une mesure conservatoire est celui du lieu où demeure le débiteur. »
    • Si la créance est de nature commerciale, le juge compétent est le président du tribunal de commerce de ce même lieu.
    • La règle ainsi posée est d’ordre public de sorte que toute clause contraire est réputée non écrite.
    • Le juge irrégulièrement saisi doit alors relever d’office son incompétence.
  • Exception
    • Lorsque le débiteur réside à l’étranger ou si le lieu ou il demeure est inconnu, l’article R. 121-2 du CPCE permet de s’adresser au Juge de l’exécution du lieu d’exécution de la mesure ( 2e civ. 9 nov. 2006).

Cass. 2e civ. 9 nov. 2006
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 mai 2004), qu'autorisée par ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice, la société Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME) a inscrit des hypothèques judiciaires provisoires sur des biens immobiliers situés dans le ressort de ce tribunal et dans celui de Cahors et appartenant à M. X..., qui demeurait à Monaco ; que M. X... a sollicité la rétractation de l'ordonnance et la mainlevée des inscriptions ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice compétent pour autoriser les inscriptions d'hypothèques provisoires litigieuses et de l'avoir en conséquence débouté de ses demandes, alors, selon le moyen :

1 / que selon l'article 9 du décret du 31 juillet 1992, le juge de l'exécution compétent, lorsque le débiteur demeure à l'étranger est, à moins qu'il n'en soit disposé autrement, celui du lieu d'exécution de la mesure ; que dès lors, en déclarant compétent le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice, lieu de situation de l'un des immeubles saisis, nonobstant la compétence exclusive attribuée au juge de l'exécution du domicile du débiteur, en vertu de la dérogation instituée par l'article 211 du même décret, pour autoriser une mesure conservatoire, la cour d'appel a violé les articles 9 et 211 du décret du 31 juillet 1992 ;

2 / que le juge de l'exécution du lieu de l'exécution de la mesure ne peut autoriser une inscription d'hypothèque provisoire sur des biens situés hors de son ressort ; qu'en conséquence, en retenant la compétence du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice pour autoriser les inscriptions sur les biens situés dans le ressort du tribunal de grande instance de Cahors, la cour d'appel a violé les articles 9 et 211 du décret du 31 juillet 1992 ;

3 / que le juge compétent pour statuer sur une requête en inscription d'hypothèque provisoire sur des immeubles situés dans le ressort de différents tribunaux de grande instance ne pourrait être que le juge dans le ressort duquel est situé le plus grand nombre de ces immeubles ; que ses propres constatations faisant ressortir que trois des cinq biens immobiliers visés par la requête en inscription d'hypothèques provisoires sont situés dans le ressort du tribunal de grande instance de Cahors, la cour d'appel, en retenant la compétence du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice, a violé les articles 9 et 211 du décret du 31 juillet 1992 ;

Mais attendu que l'arrêt retient exactement que la compétence attribuée au juge du domicile du débiteur par l'article 211 du décret du 31 juillet 1992 n'est pas exclusive de l'application de l'article 9, alinéa 2, du même décret, dont les dispositions d'ordre public donnent compétence au juge de l'exécution du lieu d'exécution de la mesure lorsque le débiteur demeure à l'étranger ;

Et attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit, par motifs adoptés, que le juge de l'exécution dans le ressort duquel est situé l'un des immeubles du débiteur demeurant à l'étranger est compétent pour autoriser des inscriptions d'hypothèque sur les biens immobiliers du débiteur situés en dehors de son ressort ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

B) L’auteur de la demande

Si l’auteur de la demande est le créancier ou son représentant légal, il dispose de la faculté :

  • Soit de se défendre lui-même ( R. 121-6 CPCE et art. 853 C. com.)
  • Soit de se faire assister ou représenter

==> En cas de saisine du Juge de l’exécution

En application de l’article R. 121-7 du CPCE, le créancier dispose de la faculté de se faire assister ou représenter par :

  • Un avocat qui doit justifier d’un pouvoir spécial
  • Son conjoint ;
  • Son concubin ou la personne avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité ;
  • Ses parents ou alliés en ligne directe ;
  • Ses parents ou alliés en ligne collatérale jusqu’au troisième degré inclus ;
  • Les personnes exclusivement attachées à son service personnel ou à son entreprise
  • Quant à L’Etat, aux régions, aux départements, aux communes et leurs établissements publics, ils peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.

==> En cas de saisine du Président du Tribunal de commerce

En application de l’article 853 du Code de procédure civile, le créancier dispose de la faculté de se faire assister ou représenter par toute personne de son choix, étant précisé que, le représentant, s’il n’est avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial.

C) La forme de la demande

==> La présentation d’une requête

L’article R. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « la demande d’autorisation prévue à l’article L. 511-1 est formée par requête. »

Ainsi, c’est par voie de requête que le Juge compétent pour connaître de l’adoption de mesures conservatoires doit être saisi.

Cette requête est régie par les articles 493 et suivants du Code de procédure civile.

À cet égard, en application de l’article 494 du Code de procédure civile, elle doit être présentée selon les formes suivantes :

  • La requête est présentée en double exemplaire
  • Elle doit être motivée, ce qui implique pour le créancier de démontrer
    • L’existence d’une créance fondée dans son principe
    • Une menace pour le recouvrement de sa créance
  • Elle doit comporter l’indication précise des pièces invoquées.
  • Si elle est présentée à l’occasion d’une instance, elle doit indiquer la juridiction saisie.

==> Les mentions obligatoires

Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur la requête sont énoncées à l’article 58 du Code de procédure civile.

Cette disposition prévoit que la requête contient à peine de nullité :

  • Pour les personnes physiques : l’indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur ;
  • Pour les personnes morales : l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l’organe qui les représente légalement ;
  • L’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée, ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
  • L’objet de la demande.

D) La décision du Juge

==> La forme de la décision

La décision du Juge saisi est rendue par voir d’ordonnance qui, en pratique, aura été prérédigée par le créancier et sera positionnée au bas de la requête.

Si, le Juge dispose de la possibilité débouter ou d’accéder à la demande du créancier, il doit, en tout état de cause, motiver sa décision.

L’article R. 511-4 du CPCE prévoit en ce sens que, à peine de nullité de son ordonnance, le juge :

  • Détermine le montant des sommes pour la garantie desquelles la mesure conservatoire est autorisée
  • Précise les biens sur lesquels la mesure porte.

==> Le contenu de la décision

Le juge saisi dispose de trois options :

  • Il peut accéder à la demande du créancier
    • Dans cette hypothèse, en application de l’article 495 du Code de procédure civile, l’ordonnance devient exécutoire au seul vu de la minute, de sorte que le créancier agira à ses risques et périls
    • Copie de la requête et de l’ordonnance est alors laissée à la personne à laquelle elle est opposée.
  • Il peut débouter le créancier de ses prétentions
    • Dans cette hypothèse, le créancier disposera de la faculté d’interjeter appel dans un délai de quinze jours à compter de la date de prononcé de l’ordonnance
    • Par exception, le créancier ne pourra pas faire appel dans l’hypothèse où l’ordonnance aurait été rendue par le premier Président de la Cour d’appel
  • Il peut réexaminer sa décision aux fins de provoquer un débat contradictoire
    • Entorse au principe de dessaisissement d’une juge une fois sa décision rendue, l’article R. 511-5 du Code de procédure civile confère au juge le pouvoir de revenir sur sa décision ce qui n’est pas sans interpeller sur l’articulation de cette règle avec le principe dispositif énoncé à l’article 1er du Code de procédure civile qui prévoit que « Seules les parties introduisent l’instance, hors les cas où la loi en dispose autrement. Elles ont la liberté d’y mettre fin avant qu’elle ne s’éteigne par l’effet du jugement ou en vertu de la loi. »
    • L’article R. 511-5 du Code de procédure civile prévoit, en effet, que « en autorisant la mesure conservatoire, le juge peut décider de réexaminer sa décision ou les modalités de son exécution au vu d’un débat contradictoire.»
    • En pareille hypothèse, il fixe la date de l’audience, sans préjudice du droit pour le débiteur de le saisir à une date plus rapprochée.
    • C’est alors au créancier qu’il convient d’assigner le débiteur, en utilisant le cas échéant l’acte qui lui dénonce la saisie.

==> La durée de validité de l’ordonnance

L’article R. 511-6 du CPCE prévoit que « l’autorisation du juge est caduque si la mesure conservatoire n’a pas été exécutée dans un délai de trois mois à compter de l’ordonnance. »

À l’expiration de ce délai, tout n’est pas perdu pour le créancier qui disposera de la possibilité de formuler une nouvelle demande.

II) Exception : la dispense de demande d’autorisation

L’article L. 511-2 du CPCE prévoit que, dans un certain nombre de cas, le créancier est dispensé de solliciter l’autorisation du Juge pour pratiquer une mesure conservatoire.

Les cas visés par cette disposition sont au nombre de quatre :

==> Le créancier est en possession d’un titre exécutoire

Par titre exécutoire, il faut entendre, selon l’article L. 111-3 du CPCE :

  • Les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire ;
  • Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l’Union européenne applicables ;
  • Les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;
  • Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;
  • Les accords par lesquels les époux consentent mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresignée par avocats, déposés au rang des minutes d’un notaire selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil ;
  • Le titre délivré par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque ou en cas d’accord entre le créancier et le débiteur dans les conditions prévues à l’article L. 125-1 ;
  • Les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement.

==> Le créancier est en possession d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire

Les décisions qui ne possèdent pas de force exécutoire se classent en deux catégories :

  • Première catégorie
    • Il s’agit des décisions qui ne sont pas passées en force de chose jugée en ce sens que :
      • D’une part, la décision est encore soumise à un recours suspensif ou au délai d’exercice d’un tel recours
      • D’autre part, la décision n’est pas assortie de l’exécution provisoire
  • Seconde catégorie
    • Il s’agit des décisions qui sont assorties d’un délai de grâce

==> Le créancier est porteur d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre ou d’un chèque

  • S’agissant de la lettre de change acceptée et du billet à ordre c’est le droit cambiaire qui s’applique, de sorte que, outre la garantie conférée par le titre au créancier, les exceptions attachées à la créance fondamentale lui sont inopposables.
  • S’agissant du chèque impayé, l’article L. 131 du Code monétaire et financier prévoit que le tireur est garant du paiement, de sorte que la créance est réputée fondée en son principe.

==> Le créancier est titulaire d’une créance de loyer impayé

Le créancier titulaire d’une créance de loyer impayé est fondé à pratiquer une mesure conservatoire sans solliciter, au préalable, l’autorisation du Juge.

Il doit néanmoins justifier d’une créance qui résulte d’un contrat écrit de louage d’immeubles.

Aussi, le contrat de louage doit-il :

  • D’une part, être constaté par écrit
  • D’autre part, porter sur un immeuble

Il appartiendra à l’huissier de vérifier la réunion de ces deux conditions, faute de quoi il engagerait sa responsabilité dans l’hypothèse où la mesure conservatoire prise serait mal-fondée.

À cet égard, la jurisprudence a eu l’occasion de préciser plusieurs points :

  • La jurisprudence interprète la notion de contrat de louage d’immeuble pour le moins restrictivement puisqu’elle exclut de son champ le contrat de location-gérance d’un fonds de commerce.
  • La créance invoquée ne pourra porter que sur le loyer et les charges ou provisions pour charge lorsqu’elles sont prévues dans le contrat de bail
  • La créance ne pourra pas comprendre l’indemnité due au titre d’une clause pénale ou de tout autre frais étranger au loyer
  • La créance de loyer ne saurait fonder, en aucune manière, l’adoption – sans autorisation du Juge – de mesures conservatoires à l’encontre de la caution du locataire